N° 3797
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2021.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]), CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République,
Par M. Florent BOUDIÉ,
Rapporteur général
et
Mme Laetitia AVIA, Mme Anne BRUGNERA, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT,
M. Sacha HOULIÉ, M. Éric POULLIAT et Mme Laurence VICHNIEVSKY,
Rapporteurs thématiques
Tome I
AVANT-PROPOS, Commentaires d’articles ET ANNEXES
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Voir le numéro :
Assemblée nationale : 3649 rect.
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La commission spéciale est composée de :
M. François de Rugy, président
M. Florent Boudié, rapporteur général
Mme Laetitia Avia, Mme Anne Brugnera, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Sacha Houlié, M. Éric Poulliat et Mme Laurence Vichnievsky, rapporteurs thématiques
M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Annie Genevard, Mme Anne-Christine Lang et M. François Pupponi, vice-présidents
M. Charles de Courson, M. Éric Diard, M. Jean-François Eliaou et Mme Cécile Untermaier, secrétaires
Mme Caroline Abadie, M. Saïd Ahamada, Mme Stéphanie Atger, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Philippe Benassaya, M. Yves Blein, Mme Anne-Laure Blin, M. Xavier Breton, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Marie-George Buffet, Mme Émilie Chalas, M. Francis Chouat, M. Éric Ciotti, Mme Fabienne Colboc, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Coralie Dubost, M. Christophe Euzet, M. Olivier Falorni, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Meyer Habib, M. Yves Hemedinger, M. Pierre Henriet, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Sonia Krimi, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Guillaume Larrivé, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, M. Olivier Marleix, M. Jean-Paul Mattei, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Patrice Perrot, M. Frédéric Petit, M. Stéphane Peu, M. Bruno Questel, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, Mme Laurianne Rossi, M. Pacôme Rupin, M. Boris Vallaud, M. Philippe Vigier et M. Guillaume Vuilletet
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SOMMAIRE
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Pages
I. Présentation du projet de loi
A. garantir le respect des principes républicains (Titre Ier)
1. Les dispositions relatives au service public (chapitre 1)
2. Les dispositions relatives aux associations (chapitre 2)
3. Les dispositions destinées à protéger la dignité de la personne humaine (chapitre 3)
5. Les dispositions relatives à l’éducation et aux sports (chapitre 5)
B. garantir le libre exercice du culte (titre II)
1. Renforcer la transparence des conditions de l’exercice du culte (chapitre 1)
2. Renforcer la préservation de l’ordre public (chapitre 2)
3. Les dispositions transitoires (chapitre 3)
D. Les dispositions relatives à l’outre mer (titre IV)
II. Les principaux apports de la commission
1. L’affermissement du principe de neutralité dans le service public
4. Des mesures d’urgence en cas d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire
5. Des précisions concernant le contenu du contrat d’engagement républicain et sa mise en œuvre
6. La protection des victimes de la polygamie
7. Le renforcement de la lutte contre les certificats de virginité
8. Le renforcement de la lutte contre la haine en ligne
10. L’instauration d’un plafonnement de la valeur des immeubles dits de rapport
11. Le renforcement des obligations incombant aux associations mixtes
13. La suppression de l’article 32
14. Une réécriture de l’article 39 du projet de loi
15. Un prononcé plus systématique des interdictions de paraître dans les lieux de culte
17. L’application des articles 6, 14 et 19 en outre-mer
Chapitre Ier Dispositions relatives au service public
Article 4 bis (art. 431-1 du code pénal) Délit d’entrave à l’exercice de la fonction d’enseignant
Chapitre II Dispositions relatives aux associations
Article 13 (art. 913 et 921 du code civil) Renforcement de la protection des héritiers réservataires
Chapitre V Dispositions relatives à l’éducation et aux sports
Section 1 Dispositions relatives à l’instruction en famille
Section 2 Dispositions relatives aux établissements d’enseignement privés
Section 3 Dispositions relatives aux sports
TITRE II Garantir le libre exercice du culte
Chapitre Ier Renforcer la transparence des conditions de l’exercice du culte
Section 1 Associations cultuelles
Section 2 Autres associations organisant l’exercice du culte
Chapitre II Renforcer la préservation de l’ordre public
Section 1 Contrôle du financement des cultes
Chapitre III Dispositions transitoires
Article 45 Dispositions transitoires pour les associations cultuelles
Titre III dispositions diverses
Titre IV dispositions relatives à l’outre-mer
annexe 1 : Liste des personnes entendues par la commission spéciale
annexe 2 : Liste des personnes entendues par le rapporteur général et les rapporteurs thématiques
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Mesdames, Messieurs,
L’objet du projet de loi confortant le respect des principes de la République – qui a été soumis au conseil des ministres 115 ans jour pour jour après la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État – est de lutter contre les dérives séparatistes partout où elles se produisent. Ces phénomènes s’introduisent aussi bien par le biais des services publics, notamment locaux, que des associations, de la haine en ligne, des établissements scolaires ou encore de l’organisation des cultes.
Le Gouvernement et la majorité parlementaire souhaitent apporter des réponses fermes, mais aussi équilibrées. C’est tout le travail qui a été mené depuis le 17 décembre dernier, à travers une centaine d’auditions, menées par la commission spéciale dans son ensemble et par les rapporteurs thématiques.
« La République doit se construire sans cesse » disait Pierre Mendès France. Ce projet de loi de liberté y prend sa part. Il s’articule autour de deux axes principaux.
Il vise d’abord à garantir le respect des lois et principes de la République dans les domaines exposés à des risques séparatistes (titre Ier).
Ainsi, il traite du sujet des services publics, afin d’assurer le respect du principe de neutralité par les organismes de droit privé chargés d’une mission de service public et de prémunir les agents publics contre les tentatives d’intimidation, menaces ou violences.
Il aborde également les enjeux cruciaux du monde associatif en conditionnant l’attribution de subventions à la souscription préalable d’un contrat d’engagement républicain, en renforçant les moyens juridiques pour agir contre des associations qui présentent une menace grave pour l’ordre public et en donnant à l’administration fiscale davantage de leviers pour contrôler les organismes qui bénéficient d’avantages fiscaux, notamment des réductions d’impôt liées aux dons.
Il vise à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes en renforçant la lutte contre la polygamie, la délivrance de certificats de virginité et les mariages forcés ou frauduleux.
S’agissant de la lutte contre les discours et les pratiques qui encouragent à la haine, il renforce l’effectivité des mesures prises contre des sites qui relaient des contenus illicites, il crée un délit de mise en danger de la vie d’autrui par divulgation d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle et il rend applicables aux délits de provocation à la haine les procédures rapides de jugement.
En matière d’éducation, il soumet à autorisation l’instruction en famille et précise les motifs qui peuvent la justifier pour garantir qu’elle s’exerce dans l’intérêt supérieur de l’enfant, tout en renforçant les modalités de contrôle de l’État sur les établissements privés hors contrat. Il soumet, également, les associations sportives et les fédérations sportives agréées à la conclusion d’un contrat d’engagement républicain, adapté à leurs spécificités.
Le deuxième axe du projet de loi est de moderniser et de renforcer le régime d’organisation des cultes issu de la loi du 9 décembre 1905 (titre II).
Il réforme l’organisation des associations cultuelles afin de les protéger des prises de contrôle malveillantes. Il renforce leurs obligations administratives et comptables afin d’assurer une meilleure transparence sur leur situation financière et patrimoniale, tant à destination de l’État que des membres qui les composent.
Pour les associations dites mixtes qui relèvent du régime du 1er juillet 1901 et qui exercent pour partie un culte, le projet de loi aligne leurs obligations, notamment administratives et comptables, sur celles des associations cultuelles et les incite à distinguer leurs activités cultuelles du reste de leurs activités afin notamment d’assurer le principe de non-subventionnement public au culte.
Il prévoit également un contrôle des financements étrangers bénéficiant aux cultes, avec une obligation pour les associations cultuelles de déclarer les avantages et ressources supérieurs à 10 000 euros dont elles bénéficient et un droit d’opposition de l’administration en cas de menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société.
À ce titre, il renforce aussi les moyens à la disposition de TRACFIN pour s’opposer aux opérations susceptibles d’être liées à du blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.
Enfin, le projet de loi actualise les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 en matière de police des cultes et les renforce pour assurer que les lieux de culte ne soient pas détournés de leur vocation.
À l’initiative de vos rapporteurs, du Gouvernement et de députés, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements complétant ce projet de loi, sans remettre toutefois en cause ses grands équilibres.
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I. Présentation du projet de loi
A. garantir le respect des principes républicains (Titre Ier)
1. Les dispositions relatives au service public (chapitre 1)
L’article 1er inscrit dans la loi le principe selon lequel les organismes de droit public ou privé chargés, par la loi ou le règlement, de l’exécution d’un service public sont soumis aux principes d’égalité, de laïcité et de neutralité et renforce les moyens à la disposition de l’autorité administrative pour contrôler les obligations qui en découlent pour eux. Il impose aussi aux titulaires des contrats de commande publique ayant pour objet l’exécution d’un service public de veiller au respect de ces mêmes principes.
L’article 2 étend la procédure accélérée de suspension sur déféré préfectoral aux actes des collectivités territoriales qui portent une atteinte grave au principe de neutralité des services publics.
L’article 3 modifie le champ d’application du fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) en y intégrant les délits de provocation à des actes de terrorisme, d’apologie publique du terrorisme et d’entrave à l’efficacité d’une procédure de blocage d’un service de communication au public en ligne. Par ailleurs, il inverse la logique d’inscription dans ce fichier, qui devient obligatoire, sauf décision motivée de la juridiction ou du procureur de la République.
L’article 4 crée une infraction pénale pour sanctionner le fait d’user de menaces, violences ou actes d’intimidation à l’égard d’une personne participant à l’exécution d’une mission de service public aux fins d’obtention d’une exemption ou d’une dérogation aux règles régissant le service public, et prévoit une peine complémentaire d’interdiction du territoire français si la personne coupable de ces faits est étrangère.
L’article 5 étend aux atteintes à l’intégrité physique et aux menaces le champ des actes qui peuvent faire l’objet d’un signalement par les agents publics.
2. Les dispositions relatives aux associations (chapitre 2)
L’article 6 renforce l’encadrement des subventions attribuées aux associations par les collectivités publiques ou par tout organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial afin de s’assurer que ces moyens mis librement à leur disposition soient employés dans le respect des principes républicains, qui seront déclinés dans un contrat d’engagement républicain.
L’article 7 renforce les conditions d’agrément des associations par l’État en ajoutant une condition de respect des principes du contrat d’engagement républicain prévu à l’article 10-1 de la loi du 12 avril 2000, créé par l’article 6 du projet de loi.
L’article 8 modernise et renforce la procédure de dissolution administrative d’association prévue par le code de la sécurité intérieure. Il prévoit la possibilité d’imputer à une association ou à un groupement de fait les agissements qui sont soit commis par des membres agissant en cette qualité, soit directement liés aux activités de cette association ou de ce groupement. Il crée par ailleurs la possibilité, en cas d’urgence, de suspendre à titre conservatoire tout ou partie des activités des associations ou groupements de fait, pour une durée maximale de trois mois.
L’article 9 renforce le contrôle de l’État sur l’activité des fonds de dotation, précise les obligations relatives aux documents qu’ils sont tenus de transmettre au préfet et facilite la suspension par l’autorité administrative des fonds qui ne respectent pas la loi.
L’article 10 permet à l’administration fiscale de vérifier si un organisme bénéficiaire de dons ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur la fortune immobilière satisfait aux conditions définies aux articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts.
L’article 11 impose aux organismes à but non lucratif bénéficiaires de dons qui estiment être éligibles au régime fiscal du mécénat de déclarer chaque année le montant cumulé des dons qu’ils reçoivent ainsi que le nombre de reçus délivrés. Il oblige aussi les entreprises qui souhaitent bénéficier d’une réduction d’impôt sur les sociétés à raison de leurs dons à des organismes d’intérêt général à présenter un reçu fiscal en cas de contrôle, comme cela existe pour les particuliers.
L’article 12 élargit la liste des motifs de suspension des avantages fiscaux bénéficiant aux organismes sans but lucratif en cas de condamnation, en y intégrant les actes de terrorisme, le recel, le blanchiment, la mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations et l’usage de menaces ou de pressions à l’encontre d’un agent public en vue de se soustraire aux règles du service public.
3. Les dispositions destinées à protéger la dignité de la personne humaine (chapitre 3)
L’article 13 prévoit qu’en cas de succession, en l’absence de mécanisme réservataire protecteur des enfants prévu par la loi étrangère applicable, ces derniers peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens du défunt situés en France pour être rétablis dans les droits réservataires que leur confère la loi française. Il fait également obligation au notaire d’informer les héritiers susceptibles d’être lésés par les libéralités effectuées par le défunt.
L’article 14 introduit une réserve générale de polygamie pour la délivrance de tous les titres de séjour sans distinction de nature ou de catégorie.
L’article 15 limite le bénéfice d’une pension de réversion à un seul conjoint survivant, avec le même objectif de lutte contre la polygamie.
L’article 16 interdit aux professionnels de santé d’établir un certificat de virginité et assortit cette prohibition d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
L’article 17 prévoit que, lorsqu’il existe un doute sur le caractère libre du consentement au mariage, l’officier de l’état civil s’entretient séparément avec chacun des futurs époux et que, s’il conserve un doute à l’issue de ces entretiens, il saisit le procureur de la République aux fins d’éventuelle opposition à mariage.
4. Les dispositions visant à lutter contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne (chapitre 4)
L’article 18 crée un nouveau délit, inséré au sein du code pénal, sanctionnant de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens.
L’article 19 renforce les moyens de lutte contre les sites dits « miroirs », identiques ou très proches de sites déclarés illicites par une décision de justice en raison notamment de leur contenu haineux, en permettant à l’autorité administrative et, selon les cas, aux parties à la décision de justice, de demander aux fournisseurs d’accès à internet d’en bloquer l’accès
L’article 20 prévoit que puissent être applicables à certains délits dits « de presse » car prévus par la loi du 29 juillet 1881 (provocation non suivie d’effet à commettre certaines infractions graves comme les atteintes à la vie ou à l’intégrité physique ; apologie de crimes ; provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison notamment de la race ou de la religion) les procédures rapides de jugement (comparution immédiate ou convocation par procès-verbal) de manière à faire cesser aussi rapidement que possible les dommages causés par les propos incriminés.
5. Les dispositions relatives à l’éducation et aux sports (chapitre 5)
La section 1 concerne les dispositions relatives à l’instruction en famille.
L’article 21 prévoit de substituer au régime de déclaration préalable un régime d’autorisation préalable de l’instruction en famille, dont le recours serait limité à quatre motifs : l’état de santé ou le handicap de l’enfant ; la pratique intensive d’activités sportives ou artistiques ; l’éloignement géographique d’un établissement scolaire ou l’itinérance de la famille ; l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve de la vérification de la capacité des personnes responsables à assurer l’instruction en famille, dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.
La section 2 concerne les dispositions relatives aux établissements d’enseignement privés.
L’article 22 renforce l’encadrement des établissements d’enseignement privés hors contrat, en transférant du juge judiciaire au préfet la capacité de fermer de manière temporaire ou définitive un établissement ouvert sans autorisation ou, après mise en demeure, un établissement ne satisfaisant pas aux obligations en matière d’ordre public ou de droit à l’instruction. En outre, l’article prévoit que les établissements d’enseignement privés hors contrat devront transmettre, chaque année, la liste des personnels salariés ainsi que les pièces attestant de leur identité d’une part et, à la demande du préfet ou des services de l’éducation nationale, les documents financiers, budgétaires et comptables précisant le montant, la nature et l’origine des ressources de l’établissement d’autre part.
L’article 23 augmente les sanctions prévues par le code pénal à l’encontre des chefs d’établissement méconnaissant les mises en demeure ou décisions administratives de fermeture qui leur sont adressées, de façon cohérente avec les modifications apportées par l’article 22.
L’article 24 fixe une condition supplémentaire à la conclusion d’un contrat entre un établissement privé et l’État : celle d’être en capacité de dispenser un enseignement par référence ou conforme aux programmes de l’enseignement public.
L’article 25 substitue un régime de contrôle au régime de tutelle de l’État sur les fédérations sportives et impose aux associations sportives agrées, aux fédérations sportives agréées et aux fédérations sportives délégataires de respecter un contrat d’engagement républicain, comportant des mesures complémentaires graduées en fonction de la structure, notamment la protection de l’intégrité physique et morale des mineurs et la promotion des principes du contrat d’engagement républicain. Il instaure également la conclusion d’un contrat de délégation pour les fédérations délégataires et leur impose de définir une stratégie nationale visant à promouvoir les principes du contrat d’engagement républicain.
B. garantir le libre exercice du culte (titre II)
1. Renforcer la transparence des conditions de l’exercice du culte (chapitre 1)
La section 1 concerne les associations cultuelles.
L’article 26 modifie l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 relatif aux caractéristiques des associations cultuelles. Il soumet à la décision d’un organe délibérant l’adhésion des nouveaux membres, les modifications statutaires, les cessions immobilières et, sauf si cela ne relève pas des compétences de l’association, le recrutement des ministres du culte (disposition anti–putsch).
L’article 27 transforme la procédure actuelle de rescrit administratif en une obligation de déclaration, auprès du préfet, de la qualité cultuelle de toute association qui souhaite bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles. L’administration pourra mettre un terme à tout moment au bénéfice de ces avantages si une association cultuelle ne respecte plus les règles de fonctionnement ou pour un motif d’ordre public.
L’article 28 modernise les dispositions relatives au financement des associations cultuelles. Il permet à ces associations de posséder des immeubles acquis à titre gratuit qui ne sont pas directement nécessaires à leur objet, afin de pouvoir en tirer des revenus. Ces revenus ne pourront servir qu’à financer des activités cultuelles.
L’article 29 tire les conséquences de la modification des dispositions applicables aux associations cultuelles en ce qui concerne l’application de ces dispositions aux unions d’associations cultuelles.
La section 2 traite des autres associations organisant l’exercice du culte.
L’article 30 assujettit les associations simplement déclarées ayant un objet en tout ou partie cultuel, dites associations « mixtes » de la loi de 1907, aux obligations essentielles imposées aux associations cultuelles. Il impose que les comptes annuels dissocient clairement les activités en relation avec l’exercice public d’un culte des autres activités et, dans certains cas, prévoit la certification des comptes de ces associations. Enfin, le préfet pourra enjoindre à une association de mettre en conformité son objet avec ses activités si cela est nécessaire.
L’article 31 étend aux associations inscrites de droit local à objet cultuel d’Alsace Moselle certaines obligations applicables aux associations cultuelles et soumet les associations inscrites à objet cultuel et les établissements publics du culte d’Alsace Moselle à certaines dispositions relatives à la police des cultes.
L’article 32 prévoit une exemption du droit de préemption pour les immeubles faisant l’objet d’une donation entre vifs au profit des fondations, des congrégations, des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités, des établissements publics du culte et des associations de droit local.
2. Renforcer la préservation de l’ordre public (chapitre 2)
La section 1 instaure des mesures de contrôle du financement des cultes.
L’article 33 renforce les obligations administratives et comptables imposées par la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État aux associations cultuelles. Il précise les modalités d’établissement de leurs comptes annuels et les oblige à dresser une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement l’exercice du culte. Il impose aussi aux associations cultuelles qui bénéficient de financements étrangers d’assurer la certification de leurs comptes par un commissaire aux comptes.
L’article 34 renforce les sanctions applicables en cas de manquement aux obligations administratives et comptables des associations cultuelles, telles que modifiées par l’article 33. Il prévoit la possibilité pour le juge judiciaire d’enjoindre sous astreinte aux dirigeants d’une association méconnaissant leurs obligations de produire leurs comptes annuels et d’autres documents mentionnés à l’article 21 de la loi de 1905.
L’article 35 renforce les contrôles sur les financements étrangers des cultes. Il impose aux associations cultuelles qui reçoivent au moins 10 000 euros d’apports étrangers de déclarer à l’autorité administrative le montant des avantages et ressources dont elles bénéficient. Il permet aussi à l’autorité administrative de s’opposer à la réception de financements provenant de l’étranger en cas de menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société.
L’article 36 insère un nouvel article 910–1 dans le code civil pour permettre à l’autorité administrative de s’opposer à l’acceptation par les associations cultuelles des libéralités qui leur sont consenties en provenance d’un État étranger.
La section 2 modernise les dispositions relatives à la police des cultes.
L’article 37 prévoit des peines contraventionnelles de cinquième classe en cas d’infraction à plusieurs dispositions relatives notamment au caractère public du culte et au respect des arrêtés municipaux.
L’article 38 renforce les peines prévues en cas d’atteinte à la liberté d’exercer un culte ou de s’abstenir de l’exercer.
L’article 39 aggrave les peines prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors que les provocations à commettre certaines infractions graves ou que les provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes sont commises dans des lieux où s’exerce le culte ou aux abords de ces lieux.
L’article 40 modernise et renforce les règles relatives à l’interdiction de la tenue de réunions politiques et d’opérations de vote dans des locaux servant à l’exercice d’un culte.
L’article 41 précise les conditions de la mise en cause de la responsabilité civile de l’association lors de la commission de certaines infractions.
L’article 42 prévoit qu’une interdiction de paraître dans les lieux de culte peut être prononcée par le juge à titre de peine alternative ou de peine complémentaire pour les délits relatifs à la police des cultes, ainsi qu’en cas de condamnation pour provocation à des actes de terrorisme ou provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes.
L’article 43 interdit à toute personne condamnée pour des actes de terrorisme de diriger ou d’administrer une association cultuelle pendant une durée de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.
L’article 44 crée une mesure de fermeture administrative des lieux de culte et des locaux dépendant du lieu de culte, à caractère temporaire, visant à lutter contre les agissements de nature à troubler gravement l’ordre public en provoquant à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes.
3. Les dispositions transitoires (chapitre 3)
L’article 45 prévoit des dispositions transitoires afin de faciliter l’application des dispositions relatives à la déclaration de la qualité cultuelle des associations qui souhaitent bénéficier du régime juridique propre aux associations cultuelles.
L’article 46 élargit la portée du droit d’opposition de TRACFIN, qui lui permet de reporter de dix jours la réalisation d’une opération non encore exécutée susceptible d’être liée à du blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme. Aujourd’hui, ce droit d’opposition est entravé par des contraintes d’ordre procédural, l’opposition devant s’exercer opération par opération et autant de fois que nécessaire même lorsque des opérations sont liées à la même infraction. L’article 46 permet à TRACFIN de s’opposer à une opération et, par anticipation, à toutes les opérations liées à la même infraction.
D. Les dispositions relatives à l’outre mer (titre IV)
L’article 47 renforce l’harmonisation du régime des cultes en outre–mer (Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Saint–Barthélémy et Saint–Martin) avec celui de la métropole.
L’article 48 rend les dispositions de l’article 13 (renforcement de la protection des héritiers réservataires) applicables en Polynésie française.
L’article 49 porte sur l’application à Mayotte des dispositions relatives à la délivrance de titres de séjour et aux pensions de réversion.
L’article 50 est un article de coordination outre–mer (Wallis et Futuna, Polynésie française et Nouvelle Calédonie) de l’article 8 sur les dissolutions d’association.
L’article 51 rend applicables les dispositions relatives à l’interdiction des certificats de virginité (prévues à l’article 16) à Wallis-et-Futuna.
II. Les principaux apports de la commission
1. L’affermissement du principe de neutralité dans le service public
Afin de renforcer la portée du principe de neutralité, la commission a adopté trois amendements à l’article 1er.
Elle a tout d’abord précisé que les salariés ou les personnes sur lesquelles le délégataire d’une mission de service public ou le titulaire d’un contrat de commande publique exercent une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction doivent, dans l’exécution du service public, s’abstenir de manifester leurs opinions non seulement religieuses, mais également politiques.
Elle a ensuite ajouté que les services de transport à la personne librement organisés ou non conventionnés, en tant qu’ils participent à une mission de service public, sont également soumis aux obligations de respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité.
Elle a enfin indiqué que le titulaire d’un contrat de la commande publique doit communiquer à l’acheteur ou à l’autorité concédante les contrats de sous-traitance conclu pour l’exécution du service public.
La commission a également souhaité mettre l’accent sur la diffusion et sur la connaissance des enjeux liés au principe de laïcité au sein du service public. Elle a donc adopté trois amendements créant deux articles additionnels après l’article 1er.
L’article 1er ter prévoit l’obligation de formation au principe de laïcité de tous les agents publics et consacre la fonction de référent « laïcité » au sein de l’ensemble des administrations des trois versants de la fonction publique.
L’article 1er bis prévoit que les enseignants et les personnels de l’éducation reçoivent une formation spécifique sur le principe de laïcité, compte tenu des spécificités de leurs missions et des publics auxquels ils s’adressent.
2. Des mesures de sûreté pour les personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou provocation à des actes terroristes
À l’article 3, la commission a soumis les personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou provocation à des actes terroristes aux obligations de justifier de leur adresse et de déclarer leurs changements d’adresse et leurs déplacements à l’étranger, pendant cinq ans s’ils sont majeurs ou trois ans s’ils sont mineurs.
Elle a également prévu l’enregistrement, dès leur prononcé et de plein droit, des décisions d’irresponsabilité pénale prononcées par les juridictions et a clarifié la répartition des compétences entre le siège et le parquet en retirant au ministère public l’appréciation d’un éventuel non-enregistrement de la décision d’irresponsabilité pour la confier à la juridiction qui a pris la décision.
3. La possibilité, pour l’administration ou le délégataire de service public, de porter plainte pour des actes commis à l’encontre de leurs agents
À l’article 4, la commission a ouvert la possibilité à l’administration ou au délégataire de service public de porter plainte pour des actes commis à l’encontre de ses agents ou préposés et a clarifié l’articulation entre les faits visés au cinquième alinéa de l’article 433-3 du code pénal et ceux concernés par le nouvel article 433‑3‑1 du même code.
La commission a par ailleurs inséré un article 4 bis qui crée un délit d’entrave à l’exercice des fonctions d’enseignant.
4. Des mesures d’urgence en cas d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire
À l’article 5, la commission a étendu le champ de la procédure de signalement prévue pour les agents publics à tout acte d’intimidation et a prévu, dès que la collectivité publique est informée de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire, des mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits.
5. Des précisions concernant le contenu du contrat d’engagement républicain et sa mise en œuvre
À l’article 6, la commission a d’une part modifié les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain, en précisant que les associations étaient tenues de respecter l’ordre public et non d’assurer sa sauvegarde. Elle a en outre ajouté à ces principes le respect des exigences minimales de la vie en société et des symboles de la République. D’autre part, elle a complété les dispositions portant sur la mise en œuvre du contrat d’engagement républicain, en étendant l’application de ce contrat aux fondations qui demandent une subvention publique.
En outre, la commission a adopté un amendement visant à préciser que les associations agréées sont réputées avoir satisfait à l’engagement de respecter les principes de ce contrat dans le cadre de leurs demandes de subvention. Enfin, la commission a adopté des amendements introduisant le devoir d’informer les membres de l’association du contenu de ce contrat d’engagement républicain, et l’obligation, pour une collectivité prenant la décision de retirer la subvention d’une association, de notifier cette décision aux autres collectivités qui concourent au financement de l’association, ainsi qu’au préfet.
6. La protection des victimes de la polygamie
À l’article 14, la commission a précisé que la situation du conjoint qui a subi la polygamie fait l’objet d’un examen individuel et a procédé aux coordinations nécessaires avec l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui entrera en vigueur le 1er mai 2021.
La commission a également introduit un article 14 bis afin de prévoir le renouvellement automatique du titre de séjour d’une personne victime de polygamie.
7. Le renforcement de la lutte contre les certificats de virginité
À l’article 16, la commission a ajouté qu’une personne, non membre du corps médical, se rend coupable de viol si elle réalise, dans l’objectif d’établir un certificat de virginité, un examen avec pénétration et qu’elle se rend coupable d’agression sexuelle en cas d’examen sans pénétration.
Après l’article 16, la commission a introduit un article 16 ter qui sanctionne l’entourage qui exerce des pressions sur la jeune femme pour qu’elle se voit délivrer un certificat de virginité.
Elle a également inséré un article 16 bis qui interdit les opérations de conformation sexuées pour les mineurs, sauf si l’intéressé y a consenti.
8. Le renforcement de la lutte contre la haine en ligne
La commission a précisé le champ d’application de l’article 18, pour le rendre plus opérationnel, et créé une circonstance aggravante lorsque le délit de divulgation d’informations aux fins d’exposer autrui à un risque est commis à l’encontre d’un mineur. Elle a également prévu une circonstance aggravante lorsque les délits de provocation à la haine ou à la violence discriminatoire, d’injure discriminatoire ou de négation d’un génocide ou d’un crime contre l’humanité sont commis par une personne chargée d’une mission de service public ou dépositaire de l’autorité publique.
Elle a adopté un article additionnel 19 bis qui renforce la responsabilité des opérateurs de plateforme dans la lutte contre les contenus illicites, en leur fixant des obligations de moyens et de transparence, et en consolidant les pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
9. L’encadrement équilibré de l’instruction dans la famille et l’amélioration de la lutte contre l’évitement scolaire
La commission a adopté plusieurs modifications significatives à l’article 21, notamment pour substituer à la mention selon laquelle les convictions politiques, religieuses ou philosophiques ne peuvent pas être invoquées à l’appui d’une demande d’autorisation celle selon laquelle seul l’intérêt supérieur de l’enfant peut fonder une telle demande. Le quatrième motif, celui de la situation particulière propre à l’enfant, a été précisé : il s’agira d’une situation propre à l’enfant motivant un projet éducatif, que les personnes responsables devront présenter dans le cadre de la demande d’autorisation. Par ailleurs, la commission a précisé qu’il pourra être dérogé au caractère annuel de l’autorisation, pour des motifs tirés de l’état de santé ou du handicap de l’enfant, selon des modalités précisées par décret. Enfin, l’entrée en vigueur du dispositif a, également, été reportée d’un an.
De plus, les moyens de lutte contre l’évitement scolaire ont été renforcés : l’article 21 modifié par la commission prévoit que les enfants instruits en famille devront être rattachés administrativement à une circonscription ou à un établissement scolaire et généralise les cellules de prévention de l’évitement scolaire pour lutter contre le phénomène de déscolarisation. Un article additionnel 21 bis prévoit également la généralisation du numéro d’identifiant unique de l’élève, pour l’étendre aux enfants instruits en famille et dans des établissements d’enseignement hors contrat. Il s’agit, en particulier, de mieux connaître l’ensemble de la population des enfants soumis à l’obligation d’instruction pour suivre les parcours de chacun et garantir qu’aucun enfant ne soit déscolarisé ou ne sorte du spectre de connaissance et de suivi des autorités de l’État.
10. L’instauration d’un plafonnement de la valeur des immeubles dits de rapport
A l’article 28, la commission a adopté un amendement visant à instaurer le plafonnement de la valeur des immeubles acquis à titre gratuit par les associations cultuelles, dans le but d’éviter que les revenus tirés des immeubles dits de rapport ne deviennent le mode de financement majoritaire de ces associations.
11. Le renforcement des obligations incombant aux associations mixtes
À l’article 30, la commission a adopté deux amendements visant à renforcer les obligations incombant aux associations mixtes, en leur imposant d’établir un traité d’apport lorsqu’elles reçoivent un apport, à l’instar des associations cultuelles, et d’ouvrir un compte bancaire spécifique pour leurs activités en relation avec le culte.
12. Une nouvelle rédaction de l’article 31 du projet de loi pour éviter un renvoi aux dispositions de la loi de 1905 dans le code civil local
À l’article 31, la commission a adopté un amendement visant à réécrire dans le code civil local les dispositions rendues applicables aux associations inscrites de droit local à objet cultuel sans renvoyer aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.
En outre, la commission a adopté un amendement visant à rendre applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle les nouvelles mesures prévues à l’article 44 du projet de loi relatives à la fermeture administrative temporaire des lieux de culte.
13. La suppression de l’article 32
La commission a adopté les amendements visant à supprimer l’article 32, qui visait à exempter du droit de préemption les biens immeubles donnés aux associations en mesure de recevoir des libéralités, parmi lesquelles les associations cultuelles.
14. Une réécriture de l’article 39 du projet de loi
La commission a adopté un amendement de réécriture globale de l’article 39, afin d’abroger l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, qui punit actuellement d’une peine allant de trois mois à deux ans d’emprisonnement le fait, pour un ministre du culte, de provoquer soit à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, soit à se soulever ou s’armer contre les autres citoyens.
Ces dispositions ne paraissaient pas satisfaisantes dès lors qu’elles prévoyaient un régime plus favorable pour des infractions commises par un ministre du culte que le régime de droit commun prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ce qui ne semblait pas justifié. Il a donc paru souhaitable de ne conserver qu’un seul régime, celui de la loi du 29 juillet 1881 permettant de sanctionner les appels à la haine.
15. Un prononcé plus systématique des interdictions de paraître dans les lieux de culte
À l’article 42, la commission a adopté un amendement visant à prévoir que la peine complémentaire d’interdiction de paraitre dans les lieux de culte soit prononcée de manière systématique à l’encontre des personnes s’étant rendues coupables d’un délit en matière de police des cultes, d’apologie du terrorisme ou d’appel à la haine.
Dans le respect du principe d’individualisation des peines, il est toutefois prévu que la juridiction puisse ne pas prononcer cette peine par une décision spécialement motivée.
16. Une modification de l’article 46 pour préciser les conditions dans lesquelles peut s’exercer le droit d’opposition élargi de TRACFIN
La commission a modifié l’article 46 afin d’exonérer de toute responsabilité les personnes chargées d’exécuter une opération suspendue par TRACFIN et d’autoriser ces personnes, à titre exceptionnel, à déroger au principe de confidentialité qui couvre les opérations de TRACFIN aux fins de prévenir l’autorité judiciaire.
En outre la commission spéciale a adopté un amendement renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer quelles opérations sont ou ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un droit d’opposition de TRACFIN.
17. L’application des articles 6, 14 et 19 en outre-mer
La commission a ajouté un article 49 bis qui rend l’article 14 du projet de loi relatif à la réserve générale de polygamie pour la délivrance des titres de séjour applicable à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Elle a ajouté un article 52 qui rend l’article 6 relatif au contrat d’engagement républicain applicable en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française et à Wallis‑et‑Futuna.
Enfin, la commission spéciale a créé un article 53 qui rend l’article 19 du projet de loi relatif à la lutte contre les sites dits « miroirs » applicable en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
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TITRE ier
Garantir le respect des principes républicains et des exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique
Sur proposition de Mme Annie Genevard et des membres du groupe Les Républicains et suivant l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission a adopté un amendement qui complète l’intitulé du titre Ier, afin de préciser que son objet est de garantir non seulement le respect des principes républicains mais également les exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique.
Chapitre Ier
Dispositions relatives au service public
Article 1er
Respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité par les salariés participant à une mission de service public
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article inscrit dans la loi le principe selon lequel les organismes de droit public ou privé chargés, par la loi ou le règlement, de l’exécution d’un service public sont soumis aux principes d’égalité, de laïcité et de neutralité et renforce les moyens à la disposition de l’autorité administrative pour contrôler les obligations qui en découlent pour eux. Il impose aussi aux titulaires des contrats de commande publique ayant pour objet l’exécution d’un service public de veiller au respect de ces mêmes principes.
Modifications apportées par la commission
La commission a précisé que les salariés ou les personnes sur lesquelles le délégataire d’une mission de service public ou le titulaire d’un contrat de commande publique exercent une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction doivent, dans l’exécution du service public, s’abstenir de manifester leurs opinions non seulement religieuses, mais également politiques. Elle a ajouté que les services de transport à la personne librement organisés ou non conventionnés, en tant qu’ils participent à une mission de service public, sont également soumis aux obligations de respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité. Elle a indiqué que le titulaire d’un contrat de la commande publique doit communiquer à l’acheteur ou à l’autorité concédante les contrats de sous-traitance conclus pour l’exécution du service public.
I. L’état du droit
A. Le cadre constitutionnel et conventionnel
1. Les sources constitutionnelles
Les principes d’égalité, de neutralité et de laïcité devant les services publics sont intimement liés.
Corollaire du principe d’égalité devant la loi inscrit à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le principe d’égalité devant les services publics est un principe de valeur constitutionnelle qui, régissant le fonctionnement des services publics, implique notamment l’égal accès des usagers au service public et leur égal traitement.
Ce principe d’égalité a pour corollaire le principe de neutralité du service public. Le Conseil constitutionnel les qualifie tous deux de « principes fondamentaux du service public » ([2]). La neutralité des services, qui fait partie des principes constitutionnels régissant le service public ([3]), vise l’expression de toutes les opinions, qu’elles soient politiques, syndicales ou encore religieuses. Elle interdit en particulier que le service public soit assuré de manière différenciée en fonction des convictions de son personnel ou de celles des usagers du service.
Élément de la neutralité des services publics, le principe de laïcité est l’expression d’une neutralité religieuse. Ce principe a été consacré comme l’une des caractéristiques de la République par l’article 1er de la Constitution du 27 octobre 1946, qui proclame que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », avant d’être repris et complété par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 afin de préciser que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».
La notion de laïcité figure également, à propos de l’enseignement, au treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui affirme que « l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État » et auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958.
Figurant au nombre des « droits et libertés que la Constitution garantit » ([4]), le principe de laïcité implique que la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte mais qu’elle en garantit le libre exercice. Il impose le respect de toutes les croyances et l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion. Il en résulte la neutralité de l’État, garantie tout à la fois de la liberté de conscience, de religion et de l’absence de discrimination ([5]).
Le Conseil constitutionnel a précisé que le principe de laïcité intéresse les relations entre les collectivités publiques et les particuliers ([6]). Il en résulte que les rapports entre les personnes privées n’en relèvent pas directement. Le Conseil a également indiqué que le principe de laïcité interdit « à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les collectivités publiques et les particuliers » ([7]).
Les principes de neutralité et de laïcité du service public doivent être conciliés avec la liberté de conscience, qui est un principe fondamental reconnu par les lois de la République ([8]), et les libertés de conviction et d’expression religieuses, qui ont également une valeur constitutionnelle. La liberté de conscience est proclamée par l’article 10 de la Déclaration de 1789, qui affirme que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre établi par la loi ». Alors que la liberté de choisir ses convictions religieuses est absolue, la liberté de manifester sa religion ou ses convictions n’est que relative car elle peut subir des restrictions.
Au sein des services publics, la liberté de manifester ses opinions ou croyances religieuses doit donc être conciliée avec les exigences particulières découlant des principes de laïcité de l’État et de neutralité des services publics.
2. Les sources conventionnelles européennes
La Convention européenne des droits de l’homme, en son article 9 ([9]), et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en son article 10 ([10]), protègent les libertés de pensée, de conscience et de religion.
La Cour européenne des droits de l’homme déduit du caractère fondamental de la liberté religieuse une obligation de neutralité pour l’État ([11]) – elle interprète l’article 9 de la Convention comme ayant pour conséquence l’absence d’ingérence des États dans l’exercice des cultes – qu’elle assortit d’une large marge nationale d’appréciation. La Cour a ainsi jugé que « l’étendue et les modalités de la réglementation en matière de rapports entre l’État et les religions doit être dans une certaine mesure laissé à l’État concerné, puisqu’il dépend du contexte national concerné » ([12]). Elle a ainsi admis la présence de crucifix dans les salles de classe des écoles publiques italiennes ([13]).
La Cour exerce son contrôle sur les justifications apportées à l’appui de celle-ci. À cet égard, le caractère ostentatoire du signe religieux et la nature des fonctions de l’agent sont pour elle des éléments essentiels. La Cour a ainsi jugé que l’interdiction du port de tout signe religieux par un agent public, en l’espèce une assistante sociale employée par le centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, constitue une ingérence proportionnée au but poursuivi qui est le respect des principes de laïcité et de neutralité des services publics, et ne constitue pas une violation de l’article 9 de la Convention ([14]).
B. Le champ d’application des principes de neutralité et de laïcité
À de rares exceptions près (cf. infra C.1.b), le champ d’application des principes de neutralité et de laïcité correspond à celui des services publics.
1. En dehors des services publics, ces principes ne trouvent pas à s’appliquer en tant que tels
Les principes de neutralité et de laïcité ne trouvent pas à s’appliquer en tant que tels dans le secteur privé, sauf si l’organisme de droit privé est chargé de l’exécution d’une mission de service public.
Le droit du travail respecte le principe de liberté de conscience tout en permettant toutefois certaines restrictions proportionnées. « Il résulte de la combinaison des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché » ainsi que l’a relevé la Cour de cassation ([15]).
Ainsi, la mise en œuvre, dans une entreprise privée, de mesures restreignant la liberté des individus d’exprimer leurs convictions, notamment religieuses, peut être justifiée lorsque la sécurité au travail ou des impératifs de santé ou d’hygiène sanitaire sont en jeu.
Depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, « Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché » ([16]).
L’édiction d’une clause de neutralité doit répondre aux règles définies par la chambre sociale de la Cour de cassation à la suite des arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a confirmé la compatibilité d’une clause de neutralité avec le droit de l’Union européenne (