N° 4238
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2021.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi pour des mesures d’urgence en faveur des intermittents de l’emploi,
Par Mme Elsa Faucillon,
Députée.
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Voir le numéro :
Assemblée nationale : 4138.
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SOMMAIRE
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Pages
Article 3 Adhésion des employeurs au régime d’assurance pour les salariés engagés à titre temporaire
Article 4 Restauration d’une annexe spécifique au règlement général
ANNEXE n° 1 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure
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La crise sanitaire provoquée par l’épidémie de covid-19 a frappé au cœur l’économie de notre pays. Si peu de secteurs ont été épargnés, certains ont indiscutablement souffert plus que d’autres et mettront probablement du temps à se relever. Ainsi les confinements successifs, le couvre-feu, les mesures administratives limitant ou interdisant l’accueil du public dans certains lieux ou encore les restrictions aux déplacements internationaux ont-ils lourdement pesé sur l’activité des secteurs de l’hébergement, de la restauration, de l’événementiel, de la culture ou des services à la personne, pour ne citer qu’eux.
Les chiffres sont implacables.
En avril 2020, au plus fort du premier confinement, le chiffre d’affaires du secteur de l’hébergement était inférieur de 89,5 % à son niveau d’avril 2019 quand celui de la restauration l’était de 90 %, d’après les données publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). En juillet, soit plusieurs semaines après la levée du confinement, le chiffre d’affaires du secteur de l’hébergement demeurait inférieur de 44 % à son niveau enregistré un an plus tôt. Conséquence immédiate de ces pertes de recettes d’une ampleur colossale, l’emploi salarié dans ces deux secteurs diminuait de 12 % entre la fin du dernier trimestre de l’année 2019 et la fin du deuxième trimestre de l’année 2020 ([1]).
De son côté, le secteur de l’événementiel accusait dès le mois d’avril de la même année une perte évaluée par l’Union française des métiers de l’événement (UNIMEV) à 15 milliards d’euros ([2]), les salons, foires ou autres festivals annulés ou reportés se comptant par milliers.
On le sait, le monde de la culture a, lui aussi, lourdement pâti des décisions prises pour limiter la propagation du virus et, en son sein, le secteur du spectacle vivant a payé le tribut le plus lourd. Entre 2019 et 2020, l’activité de la branche professionnelle du spectacle vivant privé a chuté de 50 % ([3]). Quant à l’activité des métiers artistiques considérés en tant que tels, elle a globalement baissé d’un tiers sur la même période, l’activité de certains métiers – les métiers techniques de la lumière, de l’éclairage, de plateau, de machinerie et de structure – ayant même baissé de moitié ([4]).
Les exemples pourraient être multipliés, le constat, lui, est invariable : des pans entiers de notre économie auraient pu sombrer sans l’intervention, salutaire, des pouvoirs publics. Toutefois, les mesures déployées pour aider les entreprises, de la mise en place du chômage partiel au prêt garanti par l’État, en passant par le report des échéances sociales, n’ont pas tout résolu. Et, parmi les victimes collatérales de la crise sanitaire, les intermittents de l’emploi, ces salariés titulaires de contrats courts (contrats à durée déterminée d’usage, dits « CDDU », ou contrats d’intérim, également appelés contrats de mission) qui comptent pour une part importante des effectifs employés dans les secteurs les plus durement touchés, figurent en bonne place ([5]).
Beaucoup d’entre eux se sont en effet retrouvés au chômage dès les premiers temps de l’épidémie, sans pouvoir toujours prétendre au bénéfice d’une allocation faute d’avoir travaillé suffisamment longtemps. Songeons, s’il était encore besoin de prendre la mesure du séisme qui a secoué la France, qu’au premier trimestre 2020, l’emploi intérimaire enregistrait un recul de l’ordre de 40 % par rapport au trimestre précédent. Près de 320 000 travailleurs intérimaires exerçant leur activité dans les secteurs de la construction, de l’industrie et du tertiaire principalement perdaient alors leur emploi ([6]).
Certes, le Gouvernement a décidé l’octroi d’une prime exceptionnelle pour venir en aide aux intermittents privés de travail, parfois déjà confrontés de près à la précarité en temps normal et menacés de basculer dans la pauvreté à la faveur de la crise. Mais un nombre trop élevé d’entre eux ont été exclus du bénéfice de cette prime dont le montant s’est révélé bien inférieur à ce qui était attendu. Aussi ce geste, loin d’être suffisant, n’a en aucun cas permis de mettre un terme aux difficultés auxquelles ce public, injustement dépossédé de son propre régime d’assurance chômage à compter de 2017, fait face depuis des mois.
La situation est d’autant plus préoccupante que se profile la réforme, régressive et profondément inique, de notre système d’assurance chômage, qui se traduira notamment, lors de la première année de sa mise en œuvre, par une baisse du montant des allocations servies à plus d’un million de chômeurs ([7]), en particulier aux personnes « s’inscrivant à la suite de CDD ou d’intérim », de l’aveu même de l’Unédic ([8]). Ainsi, plus de 80 % des demandeurs d’emploi concernés par le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), moins favorable que le précédent, auront perdu un emploi à caractère temporaire ([9]). De même, près de 90 % de ceux concernés par le passage de la condition minimale d’affiliation de quatre à six mois auront perdu un emploi de ce type.
Cette réforme induira peut-être une économie de plus de 2 milliards d’euros, si l’on en croit les chiffres avancés à ce jour, mais, ce qui est fort probable, c’est qu’elle sera sans effet, en tout cas à brève échéance, sur le volume des contrats courts conclus dans notre pays et, plus généralement, l’état du marché du travail. Ce qui est certain, par ailleurs, c’est qu’elle placera un nombre élevé d’individus, titulaires de contrats courts, abonnés aux « petits boulots » mal rémunérés, aux missions éphémères, dans une situation moins favorable que celle dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui en même temps qu’elle génèrera d’importantes inégalités de traitement entre allocataires. Que l’on ne s’y trompe pas : la réforme, censée décourager la conclusion des contrats courts au profit de contrats plus stables, n’aura en réalité pour effet que de pénaliser ceux qui occupent les premiers par nécessité. Ce qui apparaît comme une évidence, pour s’en tenir là, c’est que les choix faits par le Gouvernement, pour le moins regrettables sur le fond, ne manqueront pas de se révéler grossièrement inadaptés dans un contexte économique et social tout juste convalescent.
Les députés de la Gauche démocrate et républicaine sont convaincus qu’une autre politique peut et doit être conduite. Et ils ne sont pas les seuls à militer en ce sens. C’est pourquoi ils ont fait le choix d’inscrire au programme de la journée de séance qui leur est réservée en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution une proposition de loi portant deux principales mesures en faveur des intermittents de l’emploi. La première, de nature conjoncturelle, consiste à leur octroyer une aide financière destinée à compenser intégralement les pertes de revenus qu’ils ont subies en 2020 (article 1er). La seconde, de nature structurelle, consiste à rétablir à leur profit un régime d’assurance chômage spécifique (articles 2, 3 et 4).
Ce texte est le fruit d’un travail au long cours. Il est le produit d’une réflexion collective menée sous les auspices du comité de suivi de la réforme de l’assurance chômage institué en septembre 2020 à l’initiative de votre rapporteure et qui rassemble parlementaires de différentes tendances politiques, représentants syndicaux et intermittents de l’emploi. Il s’inspire dans une large mesure de la proposition de loi pour une reconnaissance de l’activité des intermittents du travail de la restauration, de l’hôtellerie et de l’événementiel ([10]) portée par M. Jean François Mbaye et cosignée par des députés siégeant sur tous les bancs de l’Assemblée nationale mais jamais inscrite à l’ordre du jour jusqu’à maintenant, hélas ([11]).
Il traduit, enfin, une conviction profonde, qui repose sur l’idée qu’il est du devoir de l’État d’offrir aux populations les plus fragiles une protection digne de celle qu’elles sont en droit d’attendre d’une société développée comme la nôtre ainsi que des garanties de vie décentes. À plusieurs reprises, au cours de la période récente, les intermittents de l’emploi ont crié leur « détresse », pour reprendre le mot employé par notre collègue de la majorité, leur angoisse à l’idée de ne pouvoir tirer parti de la reprise de l’activité économique, d’une ampleur encore incertaine, leur crainte de voir s’abîmer ou même disparaître certaines professions. Écoutons-les. Tenons compte de leurs revendications, au combien légitimes. Montrons-nous à la hauteur de l’enjeu.
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Article 1er
Octroi d’une aide financière de l’État aux intermittents de l’emploi inscrits comme demandeurs d’emploi entre mars 2020 et avril 2021
Rejeté par la commission
L’article 1er ouvre sous certaines conditions aux intermittents de l’emploi inscrits comme demandeurs d’emploi entre les mois de mars 2020 et avril 2021 le bénéfice d’une aide financière de l’État destinée à compenser intégralement les pertes de salaires qu’ils ont subies en 2020.
I. La prime exceptionnelle instituée à la fin de l’année 2020 : une aide insuffisante en faveur des intermittents de l’emploi victimes des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire
A. une prime versée sous des conditions relativement strictes
À la fin de l’année 2020, le Gouvernement a décidé la création d’une prime exceptionnelle destinée à venir en aide aux demandeurs d’emploi « affectés par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire ».
Instituée par un décret du 30 décembre 2020 ([12]), elle est en principe versée, en application de l’article 1er de ce texte, aux personnes résidant sur le territoire national et inscrites comme demandeuses d’emploi au cours d’un ou de plusieurs mois compris entre novembre 2020 et août 2021 inclus ([13]) qui :
– soit bénéficient, au cours du mois considéré, du revenu de solidarité active (RSA) ;
– soit bénéficient, au cours du mois considéré, de l’un des revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail ou versés dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que les montants du revenu journalier et du revenu mensuel soient inférieurs à des seuils définis ([14]) ;
– soit ne bénéficient ni du RSA ni d’un revenu de remplacement et dont le revenu mensuel pour le mois considéré est inférieur à 900 euros.
Dans tous les cas, sont éligibles à ce dispositif transitoire les seules personnes justifiant d’une durée d’activité salariée accomplie entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019 au moins égale à 138 jours travaillés ([15]). On notera qu’en sont exclus les bénéficiaires de l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise mentionnée à l’article 35 du règlement d’assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 ([16]).
Conformément à l’article 2 du décret du 30 décembre 2020 précité, le montant de la prime est calculé différemment suivant que la personne est bénéficiaire ou non du RSA mais ce montant ne peut, en tout état de cause, être supérieur à 900 euros.
Situation du demandeur d’emploi |
Montant de la prime |
Bénéficiaire du RSA |
335 € |
Bénéficiaire d’un revenu de remplacement ou dont le revenu mensuel pour le mois considéré est inférieur à 900 € |
900 €, desquels sont déduits, le cas échéant, le montant du revenu de remplacement versé, ainsi que 60 % du montant des rémunérations brutes tirées des activités professionnelles exercées au cours du mois considéré |
Enfin, en vertu de l’article 3 du même décret, elle est versée mensuellement ([17]) par Pôle emploi, pour le compte de l’État, à charge pour les bénéficiaires de tenir à la disposition de l’organisme tout document permettant d’effectuer le contrôle de l’éligibilité à l’aide.
B. une prime au champ d’application insuffisamment large
D’après les informations obtenues par votre rapporteure auprès de Pôle emploi, 600 000 intermittents privés de travail à un moment ou à un autre durant la période de référence auraient, à ce jour, touché, au moins une fois, cette prime exceptionnelle dont le montant mensuel moyen se serait élevé, jusqu’à maintenant, à 350 euros ([18]).
Bien que le premier de ces deux chiffres soit tout sauf insignifiant, il n’en demeure pas moins que certains intermittents éligibles à la prime ne l’ont pas perçue pour des raisons tenant vraisemblablement au caractère incomplet de leur dossier, ce qui est évidemment regrettable. Au-delà de ce constat, votre rapporteure observe plus généralement que nombre de demandeurs d’emploi se sont malheureusement retrouvés exclus du bénéfice de cette aide ponctuelle, soit parce que le niveau de leurs revenus s’est avéré trop « élevé » au regard des seuils fixés par le décret, soit parce qu’ils n’ont pu satisfaire, en raison de la trop grande rigidité du dispositif, aux autres conditions établies pour y prétendre, la durée requise d’activité salariée étant par exemple inopportunément exprimée exclusivement en jours travaillés (et pas aussi en heures travaillées). Ainsi des guides conférenciers, oubliés parmi les oubliés aux dires de la secrétaire générale du Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers (SPGIC) ([19]), visiblement peu nombreux à avoir pu profiter de la mesure.
Quant au montant de la prime, il s’est révélé globalement insuffisant compte tenu des besoins d’une large part des personnes concernées, qui ont vu leurs ressources significativement diminuer en 2020 et qui, pour beaucoup, se trouvent aujourd’hui dans une situation précaire.
Répartition par secteur d’activité des intermittents de l’emploi
ayant bénéficié de la prime au mois de février 2021
Agriculture et pêche, espaces naturels et espaces verts, soins aux animaux |
6,8 % |
Arts et façonnage d’ouvrages d’art |
0,5 % |
Banque, assurance, immobilier |
0,8 % |
Commerce, vente et grande distribution |
13,8 % |
Communication, média et multimédia |
1,7 % |
Construction, bâtiment et travaux publics |
7,2 % |
Hôtellerie-restauration, tourisme, loisirs et animation |
11,5 % |
Industrie |
7,0 % |
Installation et maintenance |
3,7 % |
Santé |
3,5 % |
Services à la personne et à la collectivité |
21,4 % |
Spectacle |
1,0 % |
Support à l’entreprise |
10,4 % |
Transport et logistique |
10,7 % |
Total |
100 % |
Source : Pôle emploi.
En définitive, la réponse du Gouvernement, en plus d’être intervenue trop tardivement, est apparue largement sous-dimensionnée par rapport à l’enjeu. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine en sont convaincus, il faut non seulement aller plus loin mais le faire sans tarder si l’on veut réellement œuvrer à l’amélioration du sort des intermittents de l’emploi. Car, de l’avis de plusieurs interlocuteurs de votre rapporteure, le temps est désormais compté. Ainsi l’article 1er propose-t-il une mesure conjoncturelle pour pallier les difficultés immédiates.
II. le dispositif proposé : une aide financière de l’État destinée à compenser intégralement les pertes de salaires subies par les intermittents de l’emploi en 2020
Le présent article ouvre aux intermittents de l’emploi résidant sur le territoire national et inscrits comme demandeurs d’emploi entre mars 2020 et avril 2021 le bénéfice d’une aide financière de l’État, versée sous des conditions peu contraignantes, destinée à compenser intégralement les pertes de salaires qu’ils ont subies en 2020.
● Le I définit le périmètre de l’aide, à laquelle seraient éligibles les personnes satisfaisant à trois conditions.
D’abord, aux termes du 1°, elles devraient avoir occupé, au cours des années 2017, 2018 et 2019, un emploi à caractère temporaire. Sont visés plus précisément les emplois saisonniers, « dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs » ([20]), et les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité, « il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire [des emplois considérés] » ([21]). Le déménagement, l’hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances, les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique ou encore l’enseignement sont quelques-uns de ces secteurs d’activité.
Votre rapporteure souhaite apporter ici une précision sur le champ du public concerné par le dispositif. Selon elle, et bien que le texte déposé ne le prévoie pas expressément, l’aide de l’État devrait s’adresser non seulement aux personnes ayant été titulaires, au cours de la période de référence, d’un ou plusieurs contrats de mission conclus dans le cas prévu au 3° de l’article L. 1251-6 du code du travail – référence à laquelle le texte renvoie – mais aussi d’un ou plusieurs contrats à durée déterminée conclus dans le cas prévu au 3° de l’article L. 1242-2 du même code – référence à laquelle le texte ne renvoie pas en l’état.
Ensuite, aux termes du 2°, elles devraient, au titre de l’année 2020, avoir tiré de leurs activités professionnelles salariées, exercées en France ou à l’étranger, des salaires bruts « calculés sur les seuls jours d’emploi ou assimilés » inférieurs à la moyenne de ceux perçus au titre des années 2017, 2018 et 2019.
Enfin, aux termes du 3°, elles devraient justifier d’une activité salariée accomplie entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019 de 88 jours ou 610 heures au minimum.
À titre dérogatoire, seraient également éligibles à l’aide de l’État les personnes qui auraient occupé un emploi à caractère temporaire en 2018 et 2019 ou en 2019 uniquement dès lors que les salaires bruts tirés de leurs activités professionnelles, exercées en France ou à l’étranger, perçus au titre de l’année 2020 seraient inférieurs, selon le cas, à la moyenne des salaires bruts perçus au titre des années 2018 et 2019 ou aux salaires bruts perçus au titre de l’année 2019.
● Le II définit les règles de calcul du montant de l’aide, qui se caractérisent par leur grande simplicité en comparaison de celles établies pour le calcul du montant de la prime exceptionnelle instituée à la fin de l’année 2020. Ainsi, ce montant correspondrait à la différence entre :
– d’une part, la moyenne des salaires bruts mentionnés au 2° du I perçus au titre des années 2017, 2018 et 2019 ou, dans le cas où la personne aurait occupé un emploi à caractère temporaire en 2018 et 2019 ou en 2019 uniquement, soit la moyenne des salaires bruts perçus au titre des années 2018 et 2019, soit les salaires bruts perçus au titre de l’année 2019 ;
– et, d’autre part, les salaires bruts perçus au titre de l’année 2020.
● Le III arrête les modalités de versement de l’aide, qui incomberait, pour le compte de l’État, à Pôle emploi. Ce versement interviendrait chaque mois, sur une période de six mois au plus, à compter du premier jour du mois suivant la publication de la loi, dans des conditions définies par décret.
● Le IV invite le Gouvernement à remettre un rapport au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, sur l’évaluation du dispositif créé par l’article 1er. Ce rapport aurait notamment pour objet de formuler des recommandations sur l’opportunité de proroger ou non le versement de l’aide compte tenu de l’évolution de la situation économique.
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Article 2
Rétablissement d’un régime spécifique d’assurance chômage pour les intermittents de l’emploi
Rejeté par la commission
L’article 2 introduit un régime spécifique d’assurance chômage pour les salariés à l’emploi discontinu.
I. LA SUPPRESSION DU RÉGIME SPÉCIFIQUE D’ASSURANCE CHÔMAGE POUR LES INTERMITTENTS DE L’EMPLOI A FRAGILISÉ Ces salariÉs À l’EMPLOI DISCONTINU
A. LA RÉFORME DE L’ASSURANCE CHÔMAGE DE 2017 A ENTERINÉ LA DISPARITION D’UN RÉGIME SPÉCIFIQUE d’INDEMNISATION POUR LES INTERMITTENTS DE L’EMPLOI DEVENU OBsOLÈTE
L’indemnisation des salariés à l’emploi discontinu repose sur une approche ambivalente que résume parfaitement le protocole d’accord relatif à l’assurance chômage signé par les partenaires sociaux en 2017 : « si les personnes en activité réduite peuvent être sécurisées par une indemnisation et trouver dans les contrats courts un sas vers l’emploi durable, elles risquent dans certains cas un enfermement durable dans la précarité » ([22]). L’enjeu de l’indemnisation des intermittents de l’emploi repose à la fois sur la volonté de favoriser l’accès à un emploi, même précaire car toujours considéré comme préférable au chômage, tout en gardant comme horizon de fournir à terme un emploi stable et durable à ces salariés.
Les réformes qui se sont succédées depuis les années 2010 reposent sur l’hypothèse que les conditions d’indemnisation des emplois discontinus, en particulier les contrats courts, jouent un rôle central dans leur promotion. Aussi ont‑elles eu pour objectif de modifier progressivement les modalités d’indemnisation des salariés à l’emploi discontinu afin de rendre l’assurance chômage de moins en moins généreuse et donc protectrice. Néanmoins, l’hypothèse toujours défendue par certains économistes à l’appui de l’actuelle réforme de l’assurance chômage ([23]) d’un lien de causalité entre règles d’assurance chômage et augmentation des contrats courts est largement contestée. De nombreux facteurs peuvent expliquer le fractionnement du contrat de travail – phénomène qui n’est pas propre à la France et se développe sous d’autres formes chez nos voisins à l’instar du « zero hour contract » britannique : la tertiarisation croissante de l’économie, les exonérations fiscales sur les bas salaires qui incitent à recourir aux contrats courts souvent moins rémunérés ou encore le dynamisme de certains secteurs ayant par nature recours à ce type de contrat ([24]).
Comme le rappellent, à juste titre, Mathieu Grégoire, Claire Vivès et Jérôme Deyris, « la promotion de droits pour les salariés à l’emploi discontinu s’est toujours accompagnée de la crainte que ceux-ci ne s’inscrivent durablement dans cette forme d’intermittence de l’emploi. Si des adaptations à la réglementation ont été faites pour couvrir les intermittents de l’emploi, indemniser des allocataires en emploi précaire est toujours pensé comme transitoire. » ([25])
La notion de contrats courts
Dans une récente étude de mai 2021 sur l’emploi discontinu et l’indemnisation du chômage ([26]), la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail définit les contrats courts comme les « contrats d’un mois maximum qui incluent à la fois les contrats à durée déterminée, les contrats à durée déterminée d’usage et le travail intérimaire ».
Néanmoins, ce périmètre peut varier puisque l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) retient, pour sa part, la définition d’un « contrat à durée déterminée ou une mission d’intérim d’une durée inférieure à trois mois ».
Les contrats d’une durée inférieure à un mois représenteraient la moitié des contrats de moins de trois mois ([27]). En moyenne, en France, en 2017, 1 200 000 salariés occupent un emploi court d’une durée inférieure à trois mois. Un quart des personnes en contrat court sont au chômage ou en inactivité trois mois plus tard. Celles qui sont toujours en emploi travaillent le plus souvent pour le même employeur selon un phénomène dit de « réembauche ».
L’introduction des droits rechargeables par la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage a posé les premiers jalons de la disparition progressive des règles spécifiques aux intermittents de l’emploi.
L’article 3 de la convention précise qu’afin de « favoriser le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi, et notamment ceux qui alternent périodes de chômage et de travail de courte durée, et de lutter contre la situation souvent précaire des personnes, notamment les jeunes, dont l’insertion dans l’emploi se réalise à la suite d’une succession de contrats courts, un rechargement des droits à l’assurance chômage est prévu au terme de l’indemnisation, dans les conditions fixées par le règlement général annexé. Ce rechargement repose sur le principe suivant : plus une personne travaille, plus elle accumule de droits à l’assurance chômage. » <