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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 janvier 2022.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à l’aménagement du Rhône (n° 4832)
PAR M. Patrick MIGNOLA
Député
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Voir le numéro : 4832.
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SOMMAIRE
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Pages
I. Le concessionnaire CNR a démontrÉ son savoir-faire en matière d’amÉnagement du rhÔne
A. La concession du RhÔne est spÉcifique au regard de sa triple vocation
B. La gouvernance et l’actionnariat de cnr garantissent la prÉservation de l’intÉrÊt gÉnÉral
3. Le transport fluvial s’est développé dans toutes ses dimensions
4. CNR contribue à la gestion des usages agricoles de l’eau
A. Les diffÉrentes Étapes de la concertation
1. La concertation avec garant
2. La saisine de l’Autorité environnementale
3. La consultation du dossier de concertation par le public
4. La consultation administrative menée par le préfet du Rhône
5. Les échanges avec la Commission européenne
B. Les principaux ÉlÉments de Bilan des concertations menÉes
C. La prÉsente proposition de loi prolonge et modernise la concession du RhÔne
TITRE Ier Date d’ÉchÉance de la concession gÉnÉrale du rhÔne à la compagnie nationale du rhÔne
TITRE II Cahier des charges gÉnÉral de la compagnie nationale du rhÔne
Article 2 (article 2 de la loi du 27 mai 1921) Annexion du cahier des charges à la loi de 1921
Article 4 Adoption du CCG et du schéma directeur
TITRE IV ComptabilitÉ et titres d’occupation du domaine public
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
I. Le concessionnaire CNR a démontrÉ son savoir-faire en matière d’amÉnagement du rhÔne
A. La concession du RhÔne est spÉcifique au regard de sa triple vocation
B. La gouvernance et l’actionnariat de cnr garantissent la prÉservation de l’intÉrÊt gÉnÉral
3. Le transport fluvial s’est développé dans toutes ses dimensions
4. CNR contribue à la gestion des usages agricoles de l’eau
A. Les diffÉrentes Étapes de la concertation
1. La concertation avec garant
2. La saisine de l’Autorité environnementale
3. La consultation du dossier de concertation par le public
4. La consultation administrative menée par le préfet du Rhône
5. Les échanges avec la Commission européenne
B. Les principaux ÉlÉments de Bilan des concertations menÉes
C. La prÉsente proposition de loi prolonge et modernise la concession du RhÔne
TITRE Ier Date d’ÉchÉance de la concession gÉnÉrale du rhÔne à la compagnie nationale du rhÔne
TITRE II Cahier des charges gÉnÉral de la compagnie nationale du rhÔne
Article 2 (article 2 de la loi du 27 mai 1921) Annexion du cahier des charges à la loi de 1921
Article 4 Adoption du CCG et du schéma directeur
TITRE IV ComptabilitÉ et titres d’occupation du domaine public
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
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La première loi relative à l’aménagement du Rhône a été adoptée en 1921, à l’initiative d’élus de la vallée rhodanienne. Aujourd’hui, plus de 100 ans après ce premier texte, c’est à nouveau l’initiative parlementaire qui conduit à la discussion de la présente proposition de loi.
L’aménagement du Rhône a été confié en 1934, par voie de concession, à la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Troisième plus long fleuve français avec ses 810 kilomètres ([1]), second fleuve français par son débit, le Rhône est un élément stratégique majeur de l’aménagement du territoire.
Le modèle de concession mis en place est unique et ne recouvre pas les seuls usages hydrauliques. La concession du Rhône permet en effet une gestion intégrée du fleuve. CNR dispose ainsi d’une triple mission s’agissant de l’aménagement du fleuve : l’utilisation de la puissance hydraulique, la navigation et enfin l’irrigation, l’assainissement et les autres emplois agricoles.
La concession du Rhône arrive à échéance le 31 décembre 2023 et la présente proposition de loi a vocation à la prolonger, au-delà de la durée des 75 ans prévue par la loi. Le savoir-faire et l’expertise de CNR en matière de gestion du fleuve sont reconnus de tous. Un processus de concertation particulièrement important a été débuté en 2019 autour de ce projet de prolongation, en lien étroit avec les acteurs territoriaux. Il a permis la construction d’un cahier des charges et d’un schéma directeur équilibrés et garantissant le respect de l’intérêt général. La solidité juridique du projet a également été éprouvée, en particulier au regard des dispositions européennes applicables en matière de concessions et d’aides d’État.
La proposition de loi a donc pour objet d’entériner la prolongation de la concession du Rhône à CNR jusqu’en 2041. Elle donne également valeur législative au cahier des charges général et au schéma directeur de la concession, tout en modernisant certaines dispositions de la loi de 1921 et de la loi n° 80‑3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône.
Cosignée par de nombreux élus de tous bords, issus de six des neuf groupes politiques composant l’Assemblée nationale, cette proposition de loi témoigne bien de l’importance stratégique de l’aménagement du Rhône et de la volonté de poursuivre l’exploitation du fleuve grâce à la dynamique insufflée par son concessionnaire.
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I. Le concessionnaire CNR a démontrÉ son savoir-faire en matière d’amÉnagement du rhÔne
A. La concession du RhÔne est spÉcifique au regard de sa triple vocation
La loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique disposait en son article 1er, désormais codifié à l’article L. 511-1 du code de l’énergie, que « Nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État ».
La spécificité de la concession du Rhône a justifié l’adoption d’une loi qui lui est propre : il s’agit de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes, dite « loi Rhône ». Elle établit un modèle de gestion du fleuve singulier, tant par son objet que par son étendue. Cette loi dispose que l’aménagement du Rhône fait l’objet d’une concession avec une vocation triple :
– l’utilisation de la puissance hydraulique ;
– la navigation ;
– l’irrigation, l’assainissement et les autres emplois agricoles.
Cette concession, dont le périmètre est donc bien plus large qu’une concession hydroélectrique, permet une gestion intégrée du fleuve, les revenus tirés de l’hydroélectricité finançant les autres usages du fleuve prévus par la loi de 1921.
Le décret du 5 juin 1934 relatif à l’aménagement du Rhône entre la frontière suisse et la mer a attribué cette concession à CNR, pour une durée de 75 ans. La convention de concession générale de 1933 que ce décret approuve a été modifiée depuis lors, la dernière modification en date étant celle opérée par le décret n° 2003‑513 du 16 juin 2003 ([2]).
Le périmètre concédé de CNR représente à ce jour 27 000 hectares (ha), répartis sur 3 régions et 11 départements. Il inclut des aménagements variés, illustrant par-là même le triple objet de la concession : 19 ouvrages hydroélectriques, 14 écluses à grand gabarit et 22 sites industriels et portuaires jalonnent le fleuve. S’agissant plus spécifiquement des ouvrages hydroélectriques, la puissance installée des ouvrages est d’environ 3 GW et ils assurent 23 % de la production hydroélectrique du pays, soit une production moyenne annuelle d’environ 14 TWh.
Si CNR est concessionnaire de la majorité du Rhône, certaines portions du fleuve sont cependant gérées par d’autres acteurs :
– à proximité immédiate de Lyon, la centrale hydroélectrique du Cusset est exploitée par EDF, qui assume également la gestion des centrales nucléaires le long du Rhône ;
– l’exploitation du domaine public fluvial (DPF) sur la traversée de Lyon est assurée par Voies Navigables de France (VNF), la gestion des berges ayant été confiée par VNF à la métropole de Lyon ;
– VNF gère encore une partie du DPF sur les parties du fleuve non concédées à CNR. La direction départementale des territoires (DDT) de Savoie gère l’exploitation du canal de Savières. Ces portions de fleuve sont cependant intégrées dans le projet de cahier des charges général (CCG) annexé à la présente proposition de loi.
B. La gouvernance et l’actionnariat de cnr garantissent la prÉservation de l’intÉrÊt gÉnÉral
L’organisation de CNR témoigne de la spécificité et de l’importance des missions qui lui ont été confiées en tant que concessionnaire. Il s’agit de la seule société anonyme d’intérêt général en France. Elle s’est récemment dotée d’une raison d’être : « Le Rhône pour origine, les territoires pour partenaires, les énergies renouvelables pour l’avenir ». CNR emploie environ 1 500 personnes et estime qu’elle génère de l’ordre de 15 000 emplois indirects. Son personnel relève du statut des industries électriques et gazières.
La structure de l’actionnariat de CNR garantit un actionnariat public majoritaire tout autant que la pleine implication des territoires. Depuis sa modification par l’article 21 de la loi n° 2001‑1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF), l’article 1er de la loi n° 80-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône dispose en effet que CNR est une société anonyme, « dont la majorité du capital social et des droits de vote est détenue par des collectivités territoriales ainsi que par d’autres personnes morales de droit public ou des entreprises appartenant au secteur public ». Concrètement, l’actionnariat de CNR se décompose de la manière suivante :
– groupe Caisse des dépôts : 33,2 % ;
– collectivités territoriales (183 au total) : 16,83 % ;
– groupe Engie : 49,97 %.
L’actionnariat public représente donc 50,03 % de l’actionnariat total de CNR. Mais la présence d’une dimension industrielle, illustrée notamment par la participation d’Engie, est également un déterminant fondamental de la réussite de l’entreprise.
Cette implication des territoires se reflète également dans la gouvernance de CNR. L’article 1er de la loi n° 80-3 de la loi n° 80-3 précitée dispose que CNR est dotée d’un directoire, dont la nomination du président est effectuée par décret du Président de la République, après avis des commissions compétentes des assemblées parlementaires en application du 5e alinéa de l’article 13 de la Constitution ([3]). Ce même article 1er instaure aussi un conseil de surveillance. Il se compose de 18 membres : 13 représentants des actionnaires – dont 4 représentants des collectivités territoriales – 2 représentants de l’État et 3 représentants du personnel salarié.
En outre, deux commissaires du Gouvernement sont nommés auprès de CNR, en application de l’article 11 du décret n° 59-771 du 26 juin 1959 relatif à l’organisation et au fonctionnement de la Compagnie nationale du Rhône. Ils sont chargés de veiller au respect de la mission confiée au concessionnaire et assistent aux séances du conseil de surveillance et de l’assemblée générale, avec voix consultative. Ces commissaires du Gouvernement peuvent également demander une nouvelle délibération ou un sursis à exécution sur toute délibération du conseil de surveillance portant sur la mise en œuvre de la concession.
La répartition des revenus tirés de l’exploitation du Rhône par CNR assure également la préservation de l’intérêt général. Après rémunération des salariés, sur la période 2012-2020, ces revenus ont été distribués pour 76 % à l’État, pour 10 % en réinvestissements sur les actifs de CNR et pour 14 % aux autres actionnaires – dont 5,5 % directement au profit de la Caisse des dépôts. CNR souligne donc que « sur cette période, c’est ainsi plus de 81 % de la valeur ajoutée dégagée qui a été redistribuée au profit de l’intérêt général ».
C. CNR assume pleinement les missions qui lui ont ÉtÉ confiÉes par la convention de concession de 1933
Concessionnaire historique du Rhône depuis la convention de 1933, CNR a développé une expertise dans la gestion du fleuve qui a été largement reconnue lors de la phase de concertation sur le projet de prolongation.
1. Les orientations stratégiques de CNR témoignent d’une ambition déterminante pour l’avenir du Rhône
La triple mission confiée à CNR est mise en œuvre grâce à des outils stratégiques permettant d’assurer une bonne gestion du fleuve.
La nécessaire préservation de l’environnement occupe désormais une place majeure dans les différents objectifs fixés et les actions correspondantes. Le cahier des charges général de la concession en vigueur impose d’ailleurs en son article 1er bis la prise en compte de trois objectifs relatifs à l’environnement par le concessionnaire ([4]).
Le schéma directeur de la concession, qui existe depuis 2003, permet de renforcer et de compléter ces missions, en définissant, en lien avec les territoires, des axes stratégiques déclinés par objectifs. Ils trouvent à s’appliquer dans le cadre de programmes quinquennaux, désormais baptisés « Plan5Rhône » et qui sont le support d’une contribution financière de CNR auprès des acteurs locaux.
CNR a par ailleurs défini une stratégie d’entreprise, baptisée « Stratégie CNR2030 », qui est alignée avec les objectifs inscrits dans le contrat de concession et dans le schéma directeur. Elle se décline en 6 axes qui doivent permettre d’assurer la « relance verte de l’économie, aux côtés des territoires » :
– développer le Rhône et ses multiples usages de manière responsable ;
– accélérer la production d’électricité renouvelable ;
– développer le stockage de l’électricité renouvelable et la flexibilité ;
– accroître la performance de l’entreprise ;
– être l’entreprise des énergies du futur, innovante dans tous ses métiers, au service de la transition écologique ;
– accompagner les territoires dans les défis climatiques et environnementaux.
2. L’exploitation de l’énergie hydraulique par le concessionnaire contribue à l’atteinte des objectifs nationaux en matière de production d’énergies renouvelables
En produisant près d’un quart de l’hydroélectricité française, CNR est un acteur déterminant de la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Dans sa dernière version, la PPE établit que la production hydroélectrique doit augmenter de 3 à 4 térawattheures (TWh) d’ici 2028, ce qui nécessite une augmentation de puissance du parc installé de 1 200 mégawatts (MW). Les différents projets prévus en la matière dans le cahier des charges annexé à la présente proposition de loi présentent un potentiel d’augmentation de la puissance installée sur le Rhône de 100 MW.
CNR dispose de plus d’une filiale CN’Air qui développe également le photovoltaïque et l’éolien. Le concessionnaire est ainsi le seul producteur d’énergie français 100 % renouvelable.
La compagnie dispose d’un plan ambitieux de développement du stockage de l’énergie, avec en particulier des projets liés à l’hydrogène. CNR s’investit dans différents projets, tels que le Quai des énergies, les usines de production d’hydrogène renouvelable ÔH2 du Port de Lyon et de Pierre-Bénite ou encore le projet « Jupiter 1 000 » dans le port de Marseille, qui vise à transformer l’énergie renouvelable produite en gaz, afin de pouvoir stocker celle-ci. Des solutions de stockage hydroélectriques sont également à l’étude.
3. Le transport fluvial s’est développé dans toutes ses dimensions
L’activité de navigation fluviale est également très riche. Selon le dossier de concertation de prolongation de la concession, 4,45 millions de tonnes de marchandises ont été transportées sur le Rhône entre Lyon et la Méditerranée en 2018, par 36 000 bateaux de commerce éclusés. En 2017, le trafic fluvial du Rhône représentait 8,4 % du trafic de marchandises et 14,2 % des conteneurs transportés sur le réseau français. CNR prévoit une augmentation du tonnage de 25 % à 60 % sur le bassin Rhône-Saône d’ici 2030.
La navigation sur le Rhône est également un élément déterminant du développement de l’industrie le long du fleuve. Selon CNR, « Au total, 920 ha de foncier accueillent 172 entreprises issues des secteurs de la logistique et de l’industrie (BTP, recyclage…) et qui génèrent près de 5 200 emplois ».
Le tourisme fluvial est un autre vecteur important de l’activité fluviale, qui s’est développé depuis les années 1970. On dénombre 600 000 touristes fluviaux empruntant le Rhône chaque année. Ce trafic est complété par des activités de loisirs (activités nautiques notamment). De plus, CNR s’est beaucoup investie avec les territoires dans le projet ViaRhôna, qui est une voie cyclable le long du Rhône reliant le Lac Léman à la Méditerranée, en offrant notamment un soutien technique et financier.
4. CNR contribue à la gestion des usages agricoles de l’eau
Près de 15 000 exploitations agricoles et plus de 500 000 ha de surface agricole utile sont exploitées dans le sillon rhodanien. Les exploitations agricoles bénéficient de réserves en eau, inscrites à chaque cahier des charges spécial de la concession, et le concessionnaire doit supporter ces obligations sans pouvoir prétendre à indemnité ([5]). 170 prises d’eau pour les besoins en irrigation étaient autorisées à la date du dossier de concertation.