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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 novembre 2023
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice,
PAR M. David HABIB
Député
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EN ANNEXE
LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir le numéro : 1610
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SOMMAIRE
Pages
I. la rÉpublique de maurice : un partenaire traditionnel de la France au cœur de l’océan indien
A. un État de droit solidement garanti
2. Un système judiciaire efficace
3. Des droits et libertés protégés
B. Des liens Étroits avec la France
1. Une grande proximité culturelle et linguistique
2. Un dialogue politique doublé d’un partenariat économique
C. Une coopÉration judiciaire ancienne
1. Une même appartenance à plusieurs conventions internationales
2. Des échanges bilatéraux réguliers
II. deux accords couvrant un vaste champ de la coopÉration pÉnale
A. la convention d’entraide judiciaire en matiÈre pÉnale
B. la convention d’extradition
III. Une approbation nÉcessaire
A. une criminalitÉ MarquÉe par la délinquance financière et le trafic de stupÉfiants
B. des conventions contribuant À une meilleure rÉponse judiciaire
annexe N° 1 : TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres
ANNEXE N° 2 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur
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La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi n° 1610 autorisant l’approbation d’une convention d’entraide judiciaire en matière pénale et d’une convention d’extradition conclues avec le Gouvernement de la République de Maurice. Ce texte a été déposé le 23 août 2023 sur le Bureau de l’Assemblée nationale.
Les deux conventions dont il est demandé au Parlement d’autoriser l’approbation visent, dans un contexte d’internationalisation de la criminalité, à moderniser la coopération judiciaire en matière pénale entre la France et un État à qui la rattachent de nombreux liens historiques, géographiques et culturels.
Seul un traité d’extradition franco-britannique, remontant à 1876, régit aujourd’hui la coopération pénale entre la France et Maurice. Il apparaît donc indispensable de mettre en place un cadre conventionnel adapté, intégrant les techniques modernes d’investigation et de communication, si l’on veut relever avec efficacité les défis actuels de la lutte contre la criminalité, s’agissant en particulier du trafic de stupéfiants et de la délinquance économique et financière.
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I. la rÉpublique de maurice : un partenaire traditionnel de la France au cœur de l’océan indien
En dépit de sa taille limitée (1 865 km² de superficie et 1,1 million de km2 de zone économique exclusive, pour 1,27 million d’habitants), la République de Maurice joue un rôle important dans l’océan indien, à la charnière de l’Afrique et de l’Indopacifique. Cette importance tient à la fois à sa position géographique stratégique et aux multiples attaches qui la relient à différents États et à diverses communautés. L’île Maurice se trouve en effet au carrefour des influences indienne, chinoise, britannique et française. La République mauricienne est aujourd’hui une démocratie solide où la garantie des droits est efficacement assurée. La France lui est liée par des attaches étroites ancrées dans l’histoire. Ces relations privilégiées se déploient sur les terrains économique et culturel mais aussi judiciaire.
A. un État de droit solidement garanti
La République de Maurice est une démocratie ancienne qui connaît des alternances régulières. Les partis politiques sont structurés et exercent librement leurs activités. Le premier ministre Pravind Jugnauth, arrivé à la tête du gouvernement en janvier 2017, a été reconduit dans ses fonctions après la victoire de sa coalition, l’Alliance Morisien, aux élections législatives du 7 novembre 2019. Avec quarante‑deux sièges sur soixante‑dix, sa coalition dispose de la majorité absolue à l’Assemblée nationale mauricienne. Dans l’opposition, l’Alliance nationale, qui rassemble le parti travailliste de l’ancien premier ministre Navin Ramgoolam et le parti mauricien social‑démocrate de Xavier-Luc Duval, actuel chef de l’opposition parlementaire, détient dix‑sept sièges ; le Mouvement militant mauricien de Paul Bérenger en a neuf.
Sur proposition du premier ministre, l’Assemblée nationale a procédé, le 2 décembre 2019, à l’élection de Prithvirajsing Roopun à la fonction de président de la République, et à celle d’Eddy Boissézon au poste de vice‑président. Il s’agit de deux fonctions essentiellement protocolaires.
Depuis son accession aux affaires, le gouvernement Jugnauth s’est efforcé de mettre en place une politique aux tonalités sociales (hausse des retraites financée par la création de la contribution sociale généralisée, réduction du temps de travail) et environnementales (développement de l’économie circulaire et des énergies renouvelables).
2. Un système judiciaire efficace
État indépendant depuis 1968, Maurice est un pays de droit mixte, c’est‑à‑dire qui s’inspire à la fois de la tradition civiliste et de la common law. Le droit romano-germanique imprègne surtout le code civil tandis que le droit britannique influence plutôt l’organisation judiciaire et le droit processuel, notamment pour ce qui touche les procédures civiles et pénales, ainsi que l’administration de la preuve.
Il existe un seul ordre de juridiction et non pas, comme en France, un ordre propre au domaine administratif ou un organe spécifique de contrôle constitutionnel. Au nombre de neuf, les tribunaux de district sont compétents, au niveau régional, en matière civile et, pour certains délits, en matière pénale. La Cour intermédiaire, dont le siège est situé à Port-Louis, comprend une division civile, une division pénale et une division spécialisée en matière d’infractions financières ; elle est compétente pour les litiges en matière civile dépassant un taux déterminé et, en matière pénale, pour les infractions d’une certaine gravité.
Plus haute autorité judiciaire du pays, la Cour suprême est composée de divisions spécialisées en matière pénale, civile, familiale, commerciale, financière, foncière et de médiation. Elle juge en première instance ou en appel, suivant les cas. Elle agit également comme une juridiction constitutionnelle et est compétente pour interpréter la Constitution. La Cour suprême est présidée par un chief judge, nommé par le président de la République après consultation du premier ministre. Les dix-huit autres juges sont nommés par une commission indépendante, la Judicial and Legal Service Commission, composée notamment du président de la Cour suprême et du state law officer, équivalent du procureur général. Un appel des décisions de la Cour suprême est possible, sous certaines conditions, devant le Judicial Committe of the Privy Council, instance suprême d’appel pour les dépendances de la couronne britannique et un certain nombre de pays du commonwealth.
Le code pénal mauricien, inspiré du code pénal français, a été promulgué en 1838. Il est divisé en quatre livres : les sanctions, la responsabilité, les délits et les contraventions. En droit pénal mauricien comme en droit pénal français, les infractions sont divisées, par ordre décroissant de gravité, en crimes, délits et contraventions. Il existe de nombreuses législations criminelles spéciales, rédigées en langue anglaise, notamment en matière de blanchiment d’argent (Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act), de stupéfiants (Dangerous Drugs Act), de terrorisme (Prevention of Terrorism Act), de corruption (Prevention of Corruption Act), d’infractions routières (Road Traffic Act) et de nouvelles technologies (Information and Communication Technologies Act).
La procédure pénale mauricienne présente d’importantes garanties pour les justiciables. La procédure est accusatoire, contradictoire, publique et en grande partie orale. La Constitution mauricienne et la jurisprudence, inspirées du droit anglais de la preuve, prévoient, s’agissant des personnes suspectées d’avoir commis un crime, le respect de la présomption d’innocence, le droit d’être informé de la nature de l’infraction, la faculté de se défendre en personne ou par l’intermédiaire d’un représentant légal, le droit de ne pas témoigner contre soi‑même et la possibilité d’être libéré sous caution.
L’abolition de la peine de mort a été votée, à une large majorité, par l’Assemblée nationale mauricienne, le 3 août 1995. Les peines des cinq condamnés à mort qui attendaient leur exécution ont été commuées. La dernière exécution remontait au 10 octobre 1987. La Constitution n’a pas été modifiée de sorte que la peine de mort pourrait théoriquement être réintroduite par un simple vote à la majorité au Parlement. La peine capitale demeure, il est vrai, un sujet de débat dans la société mauricienne.
La justice pénale des mineurs, enfin, a été réformée en 2020. La loi sur le tribunal pour enfants (Children’s Court Act), entrée en vigueur en 2022, a créé une juridiction spécialisée, composée d’une section chargée de la protection de l’enfance et d’une section criminelle compétente en matière de délinquance juvénile et d’infractions commises à l’encontre des mineurs.
3. Des droits et libertés protégés
Les droits de l’Homme et les libertés individuelles sont solidement garantis à Maurice, comme l’a confirmé sa dernière revue au titre de l’examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, en 2018 ([1]).
Un point d’attention subsistait jusqu’à une date récente concernant le respect des droits LGBTI. L’article 250 du code pénal mauricien, datant de 1838, punissait de peines de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans, assorties d’amendes, les personnes de sexe masculin auteurs d’actes de sodomie, qualifiés par la loi de crimes. Dans un arrêt du 4 octobre 2023, la Cour suprême de Maurice, saisie d’un recours déposé par un groupe de jeunes Mauriciens, a censuré cette disposition comme contraire à l’article 16 de la Constitution relatif à la protection contre les discriminations. Cette décision a été saluée comme une avancée déterminante dans la protection des droits LGBTI à Maurice ([2]). Elle met un terme à toute discrimination contre les homosexuels dans la loi mauricienne et constitue l’aboutissement d’une évolution ayant débuté en 2008 avec la fin de la discrimination à l’embauche dans la fonction publique.
L’État de droit apparaît ainsi nettement mieux protégé à Maurice que dans la plupart des autres pays d’Afrique australe ou centrale. Des progrès pourraient néanmoins encore être réalisés sur certains points tels que la lutte contre les violences intrafamiliales, la protection des droits des enfants ou la lutte contre le trafic de stupéfiants et la toxicomanie. Les autorités mauriciennes se déclarent elles-mêmes conscientes de ces enjeux.
B. Des liens Étroits avec la France
1. Une grande proximité culturelle et linguistique
L’île Maurice a été une colonie française pendant près d’un siècle, de 1715 à 1810, période pendant laquelle elle était appelée « Isle de France ». La langue française est aujourd’hui couramment parlée et enseignée à Maurice et constitue la base du créole mauricien. Maurice est membre de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).
La communauté française à Maurice est nombreuse. Au 31 décembre 2022, 10 552 personnes étaient inscrites au registre consulaire, dont une moitié environ de binationaux. Il s’agit de la quatrième communauté française en Afrique subsaharienne. Parallèlement, il existe une vingtaine de milliers de Mauriciens installés en France et très bien intégrés. Les Français représentent par ailleurs 40 % du million de touristes se rendant à Maurice chaque année. La circulation des personnes entre la France et Maurice est facilitée par l’absence d’obligation de visa entre les deux pays. Les Français en provenance de La Réunion n’ont pas à présenter de passeport à leur arrivée à Maurice.
La coopération universitaire et de recherche est intense, avec la mise en œuvre en 2020 du réseau des études françaises à Maurice et la formalisation en 2019 d’un partenariat Hubert Curien sur la mobilité des chercheurs ([3]). La France soutient aussi à Maurice un réseau d’écoles françaises d’excellence, avec cinq établissements et près de 5 000 élèves, dont plus de la moitié a la nationalité mauricienne.
2. Un dialogue politique doublé d’un partenariat économique
En janvier 2011, la France et Maurice ont signé un accord-cadre sur la coopération régionale entre La Réunion et Maurice. La commission mixte prévue par cet accord-cadre s’est réunie pour la première fois à Saint-Denis de La Réunion le 4 novembre 2022, en présence du ministre des affaires étrangères mauricien, Alan Ganoo. Une déclaration politique identifiant des champs d’action prioritaires pour les cinq prochaines années a été adoptée à cette occasion. La prochaine réunion de la commission mixte est prévue en 2024 à Port-Louis. La France et Maurice coopèrent par ailleurs, à l’échelle régionale, au sein de la Commission de l’océan indien (COI) et de l’Association des États riverains de l’océan indien (IORA ([4])).
En matière de défense et de sécurité, la France et Maurice entretiennent une coopération dynamique, menée par l’intermédiaire des Forces armées de la zone Sud de l’océan indien (FAZSOI) et qui passe en particulier par des actions de formation et des exercices conjoints. Un accord relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces a été signé le 12 mars 2018 entre les deux pays ([5]). Un groupe de contact sur la sécurité entre La Réunion et Maurice se réunit aussi régulièrement sous la co-présidence du préfet de La Réunion pour évoquer les questions d’intérêt partagé telles que la sécurité intérieure, la sécurité maritime, etc.
La France est également un acteur économique majeur à Maurice. Deuxième client avec 263 millions d’euros d’importations en 2022, et troisième fournisseur avec 433 millions d’euros d’exportations la même année, notre pays dégage un excédent commercial important avec Maurice, d’un montant de 170 millions d’euros en 2022. Le commerce bilatéral a progressé de 28 % en 2022. La France est également le premier investisseur étranger dans le domaine productif, avec près de 200 entreprises pour un stock d’investissements directs à l’étranger (IDE) estimé à 1,3 milliard d’euros à la fin de l’année 2021.
La France est enfin le principal partenaire bilatéral de Maurice en matière d’aide publique au développement. Depuis la réouverture de son antenne à Port‑Louis en 2006, l’Agence française de développement (AFD) a réalisé 1,2 milliard d’euros d’engagements à Maurice. En 2023, l’AFD a accordé un prêt de politique publique de 200 millions d’euros dans le domaine de l’eau, les îles de Maurice et de Rodrigues ([6]) souffrant d’une situation de pénurie hydrique dans le contexte actuel de changements liés au climat.
C. Une coopÉration judiciaire ancienne
1. Une même appartenance à plusieurs conventions internationales
Sur le plan multilatéral, la France et Maurice sont parties à plusieurs conventions internationales de coopération judiciaire en matière pénale, adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dont, pour ne citer que quelques exemples, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ([7]), la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 ([8]), la convention contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000 ([9]) et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003 ([10]).
2. Des échanges bilatéraux réguliers
Sur le plan bilatéral, la France et Maurice sont actuellement liées par les stipulations d’un traité d’extradition signé le 14 août 1876 entre la France et le Royaume‑Uni, modifié par la suite et complété par un échange de lettres du 16 février 1978. Elles n’ont en revanche jamais conclu de convention d’entraide judiciaire ; leur coopération se fait donc aujourd’hui par la voie diplomatique, sur la base de la courtoisie internationale et du principe de réciprocité.
En matière d’extradition, les flux sont faibles. Sur les dix dernières années, seules cinq demandes d’extradition ont été adressées, émanant toutes des autorités françaises pour des infractions variées (abus de confiance, viol sur mineur, stupéfiants, etc.) et dont quatre ont abouti à une remise. La procédure relative à la dernière demande est toujours en cours.
En matière d’entraide judiciaire, les flux, plus importants, proviennent majoritairement de la France, et notamment des juridictions réunionnaises. Depuis le 1er janvier 2013, soixante‑et‑onze demandes d’entraide ont été adressées aux autorités mauriciennes, dont quarante‑neuf sont toujours en cours d’exécution. Réciproquement, onze demandes ont été formulées par les autorités mauriciennes auprès des autorités françaises, dont quatre n’ont pas encore été exécutées. Les demandes transmises portent, outre sur des infractions de droit commun (viols, violences conjugales, homicide, cybercriminalité, etc.), sur des faits en lien avec la législation sur les stupéfiants, et notamment le trafic de Subutex avec La Réunion. De nombreux dossiers ont trait aussi à des faits de blanchiment en bande organisée, d’abus de biens sociaux ou d’escroqueries, ou tendent au recouvrement d’avoirs criminels. Entre 2020 et 2023, plusieurs demandes d’entraide pénale ont été adressées par les autorités mauriciennes au bureau de l’entraide pénale et internationale (BEPI) du ministère français de la justice, dont quatre ont eu pour objet des saisies pour des montants pouvant s’élever à plusieurs millions d’euros et quatre autres ont visé à obtenir des informations patrimoniales laissant présager des demandes ultérieures de saisies.
S’agissant du transfèrement des condamnés détenus, pour lesquels aucune convention bilatérale n’a été conclue entre les deux pays, Maurice a ratifié la convention du Conseil de l’Europe du 21 mars 1983 relative au transfèrement des personnes condamnées, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2004. Depuis cette date, aucune demande concernant un ressortissant mauricien n’a été émise. S’agissant des ressortissants français, neuf demandes de transfèrement ont été transmises depuis 2013. Huit ressortissants français ont bénéficié d’un transfèrement pour finir de purger leur peine en France tandis qu’une procédure est toujours en cours.
II. deux accords couvrant un vaste champ de la coopÉration pÉnale
Les négociations tendant à la conclusion de conventions d’entraide judiciaire et d’extradition ont été engagées à l’initiative de la France en 2012. Plusieurs sessions se sont révélées nécessaires. Les discussions ont momentanément achoppé du fait des réticences des autorités mauriciennes à inclure dans le champ de la coopération les infractions de nature fiscale et à partager la position française sur la levée du secret bancaire. Les progrès effectués par Maurice en termes de transparence financière et de respect des standards de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont permis de relancer les négociations. Les conventions ont finalement été signées à Port-Louis le 10 novembre 2022. La République de Maurice les a ratifiées le 19 mai 2023. Elles sont très proches de celles déjà conclues avec d’autres États, tels que le Sénégal par exemple ([11]), sur la base d’un modèle inspiré des conventions du Conseil de l’Europe.
La France a par ailleurs négocié avec la République des Seychelles deux conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition qui sont en cours de signature. Notre pays est aussi lié à Madagascar par une convention bilatérale d’entraide judiciaire pénale, d’extradition et de transfèrement de personnes condamnées du 4 juin 1973. La France a enfin signé avec l’Union des Comores, le 13 février 2014, une convention bilatérale en matière d’entraide judiciaire pénale, qui n’a toutefois pas été ratifiée par Moroni. Concernant, les Maldives, la Tanzanie et le Mozambique, aucune convention d’entraide judiciaire pénale ou d’extradition n’a été conclue avec ces pays ; seules des conventions thématiques multilatérales s’appliquent dans les relations judiciaires de la France avec eux.
A. la convention d’entraide judiciaire en matiÈre pÉnale
La convention d’entraide judiciaire conclue avec Maurice consacre l’engagement des parties à s’accorder l’entraide la plus large possible en matière pénale, y compris dans les procédures tendant à engager la responsabilité d’une personne morale (article 1er). La convention ne s’applique pas en revanche aux infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.
L’entraide peut être refusée si la demande se rapporte à des infractions politiques ([12]) ou si la partie requise estime que son exécution porterait atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou à l’ordre public (article 2). Les infractions fiscales entrent dans le champ de la convention, même si la partie requise n’impose pas le même type de taxes que la partie requérante. Le secret bancaire ne peut pas être opposé à une demande d’entraide. Enfin la partie requise peut différer l’entraide judiciaire si l’exécution de la demande apparaît de nature à entraver une enquête ou des poursuites en cours sur son territoire.
Les autorités compétentes pour émettre et recevoir les demandes d’entraide judiciaire et pour mettre en œuvre la convention sont, du côté français, le ministre de la justice, et, du côté mauricien, l’attorney-general (articles 3 et 4). En cas d’urgence, les autorités judiciaires ont la faculté de s’adresser directement une copie des demandes.
L’article 5 définit le contenu de la demande d’entraide (autorité en charge de la procédure, exposé sommaire des faits, dispositions légales applicables aux faits en cause, identité et nationalité de la personne faisant l’objet de la procédure, description des mesures d’entraide demandées, etc.).
En application de l’article 6, les demandes d’entraide sont exécutées conformément à la législation de la partie requise, laquelle « exécute la demande d’entraide dès que possible, en tenant compte des échéances de procédure ou d’autre nature indiquées par la partie requérante ». Si la partie requise y consent, les autorités de la partie requérante peuvent assister à l’exécution de la demande et interroger un témoin ou un expert ou les faire interroger. Lorsque la demande ne peut pas être exécutée en tout ou partie, la partie requise en informe sans délai la partie requérante et indique les conditions dans lesquelles la demande pourrait être mise en œuvre.
S’il lui paraît nécessaire d’entreprendre des investigations non prévues initialement ou qui n’avaient pas pu être spécifiées au moment de la demande initiale, la partie requérante peut présenter une demande d’entraide complémentaire (article 7).
Si la partie requérante souhaite la comparution personnelle d’un témoin ou d’un expert devant ses autorités judiciaires, elle transmet à la partie requise une citation à comparaître (article 8). La partie requise procède à sa signification. Le témoin ou l’expert qui n’aura pas déféré à une citation à comparaître ne pourra être soumis à aucune sanction ou mesure de contrainte, à moins qu’il ne se rende par la suite de son plein gré sur le territoire de la partie requérante et qu’il n’y soit régulièrement cité à nouveau.
L’article 9 est relatif aux immunités. Un témoin ou un expert comparaissant, à la suite d’une citation, devant les autorités judiciaires de la partie requérante ne peut être poursuivi, détenu ou soumis à une restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cette partie pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise. De même, une personne poursuivie pour certains faits précis ne peut être soumise par la partie requérante à une restriction de sa liberté individuelle pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise et non visés par la citation. Ces immunités cessent lorsque la personne concernée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie requérante pendant dix jours consécutifs après que sa présence n’était plus exigée, est demeurée sur ce territoire ou y est retournée après l’avoir quitté.
Les témoins et experts peuvent être entendus par vidéoconférence, moyennant un certain nombre de règles protectrices : présence éventuelle d’un interprète, établissement d’un procès-verbal, etc. (article 10).
Toute personne détenue dans la partie requise et dont la comparution personnelle en qualité de témoin ou aux fins de confrontation est demandée par la partie requérante se trouve transférée temporairement sur le territoire de celle-ci, sous condition de son consentement écrit et de son renvoi dans le délai indiqué par la partie requise (article 11).
Sur demande de la partie requérante, la partie requise fournit, dans les meilleurs délais, les renseignements souhaités concernant les comptes de toute nature, détenus ou contrôlés, dans les banques situées sur son territoire, par une personne physique ou morale faisant l’objet d’une enquête pénale de la partie requérante (article 13).
La partie requise exécute, dans la mesure où sa législation le lui permet, les demandes de perquisitions et de saisies, ainsi que les décisions judiciaires définitives de confiscation, qui lui sont adressées par la partie requérante ; elle informe celle‑ci du résultat de leur exécution (article 14). Si les biens dont la saisie ou la confiscation est demandée se trouvent dans la juridiction de la partie requise, celle-ci prend les mesures nécessaires pour empêcher qu’ils ne fassent l’objet de transactions avant qu’une juridiction de la partie requérante n’ait pris une décision définitive à leur sujet (article 15).
La convention prévoit la possibilité de recourir à des techniques spéciales d’enquête, telles que les opérations d’infiltration (article 17) et les « livraisons surveillées » (article 16). Celles‑ci consistent à laisser passer certains convois, en particulier de stupéfiants, afin de permettre l’identification et l’arrestation des commanditaires ou des destinataires du trafic, et non l’appréhension des seuls convoyeurs. À la différence de la plupart des autres accords du même type, la convention conclue avec Maurice ne vise pas les interceptions téléphoniques car le recours à celles‑ci n’est pas permis par le droit mauricien dans le cadre de la coopération internationale.
Une partie peut dénoncer à l’autre partie des faits susceptibles de constituer une infraction pénale relevant de la compétence de celle‑ci, afin que des poursuites puissent être diligentées sur son territoire ; la partie requise fait connaître la suite donnée à cette dénonciation (article 20). Les parties peuvent, sans qu’une demande ait été présentée en ce sens, se transmettre ou échanger des informations concernant des faits susceptibles de sanctions pénales (article 21).
Aux termes de l’article 22, la partie requise doit communiquer, dans la mesure où ses autorités compétentes pourraient elles-mêmes les obtenir, les informations sur les condamnations antérieures qui lui sont demandées par les autorités compétentes de la partie requérante pour les besoins d’une affaire pénale. Chaque partie communique à l’autre les avis des condamnations pénales définitives inscrites au casier judiciaire (article 23).
La convention encadre l’usage des informations et éléments de preuve communiqués ou obtenus et détermine les moyens d’en préserver la confidentialité (article 24).
L’article 25 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel peuvent être utilisées par la partie à laquelle elles ont été transmises. Il prévoit en particulier que ces données ne peuvent être exploitées que pour la procédure concernée (ou les procédures judiciaires et administratives qui lui sont directement liées) ou pour prévenir un danger immédiat et sérieux pour la sécurité publique. La mention de ces garanties est nécessaire du fait que Maurice n’a pas fait l’objet d’une « décision d’adéquation » de la part de la Commission européenne, qui aurait permis de reconnaître que ce pays assure un niveau adéquat de protection des données personnelles.
Enfin les articles 27 à 32 reprennent les stipulations traditionnelles en matière de frais, d’interprétation, de consultations réciproques, de règlement des différends, d’application dans le temps, de modifications, d’entrée en vigueur et de dénonciation.
B. la convention d’extradition
L’extradition est une procédure juridique par laquelle un État livre l’auteur d’une infraction à un autre État pour qu’il puisse y être jugé ou y exécuter sa peine.
La convention d’extradition conclue avec Maurice consacre l’engagement des parties à se livrer réciproquement les personnes recherchées, soit pour l’exercice de poursuites pénales, soit pour l’exécution d’une peine privative de liberté (article 1er). Peuvent donner lieu à extradition les faits punis, en vertu des lois des deux parties, d’une peine privative de liberté d’au moins deux ans (article 2). Dans le cas d’une extradition sollicitée aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté, la durée de la peine restant à subir doit être au minimum de six mois.
L’article 3 précise les motifs obligatoires de refus d’extradition. Tel est le cas lorsque les infractions reprochées sont de nature militaire ou politique. L’extradition est aussi refusée si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de sexe, de nationalité d’origine géographique ou ethnique, de couleur, de croyance, de caste ou d’opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une de ces raisons. L’extradition est également refusée si l’infraction est punie de la peine capitale dans le droit de la partie requérante, sauf si cette dernière « donne des assurances jugées suffisantes par la partie requise que cette peine ne sera pas requise et que si elle est prononcée elle ne sera pas exécutée » (article 5). Cette dernière rédaction, désormais classique, est conforme aux exigences posées par le Conseil d’État ; la France sollicite systématiquement son inscription dans les conventions d’extradition, même celles négociées avec des pays ayant aboli la peine de mort ou ne l’appliquant plus.
Conformément à un principe traditionnel du droit international, les nationaux ne peuvent être extradés (article 6).
L’article 4 énumère certains motifs facultatifs de refus d’extradition. Celle-ci peut ainsi être refusée, par exemple, lorsque les autorités judiciaires de la partie requise ont compétence pour connaître de l’infraction à l’origine de la demande d’extradition.
Les articles 7 à 10 définissent la procédure à suivre et, en particulier, le contenu de la demande écrite d’extradition (exposé des faits, dispositions légales applicables, signalement de la personne réclamée, compléments d’information, authentification des documents, etc.), laquelle est transmise par la voie diplomatique. En cas d’urgence, la partie requérante peut demander l’arrestation provisoire de la personne recherchée (article 16).
La partie requise doit faire connaître « dans les meilleurs délais » sa décision sur l’extradition et motiver tout rejet, même partiel (article 11). La partie requise peut, après avoir accepté l’extradition, ajourner la remise de la personne réclamée lorsqu’il existe sur son territoire des procédures en cours à son encontre ou lorsqu’elle pur