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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),
PAR M. Charles de Courson,
Rapporteur général
Député
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ANNEXE N° 40
SANTÉ
Rapporteure spéciale : Mme Véronique Louwagie
Députée
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS De la RAPPORTEURe SPÉCIAle
a. Une dépense non maîtrisée qui s’établit à plus d’1,4 milliard d’euros
a. Un panier de soins trop généreux au regard de ses objectifs humanitaires et sanitaires
c. De nécessaires restrictions à l’éligibilité à l’AME
B. LE FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE : UNE CONTRIBUTION STABLE DU BUDGET DE L’ÉTAT
C. LES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES AU PROGRAMME 183
3. Les autres dépenses de soutien à la politique de santé publique
B. LES AUTRES ACTIONS DE PRÉVENTION EN SANTÉ
D. LES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES AU PROGRAMME 204
A. LES ACTIONS FINANCÉES PAR LES RECETTES DE LA FACILITÉ POUR LA RELANCE ET LA RÉSILIENCE EUROPÉENNE
B. LES CIBLES ET JALONS CONDITIONNANT LE VERSEMENT DES CRÉDITS EUROPÉENS DEVRAIENT ÊTRE ATTEINTS
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 47 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances. Les rapporteurs spéciaux déplorent ce faible taux de réponse. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS De la RAPPORTEURe SPÉCIAle Avec 1,65 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), les crédits de la mission Santé apparaissent en baisse de l’ordre de 40 %. Cette diminution est à imputer principalement à l’amenuisement des CP pour le canal budgétaire de reversement de fonds européens à la Sécurité sociale que constitue le programme 379. Pour les deux autres programmes structurants de la mission, qui portent des dépenses de santé publique ne figurant pas dans le budget de la Sécurité sociale, les évolutions demeurent plus limitées, bien que de directions opposées. ● D’une part, le programme 183 Protection maladie finance l’aide médicale de l’État (AME) et, subsidiairement, le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA). L’aide médicale de l’État (AME) représente 80 % des crédits de la mission Santé, soit 1 319 millions d’euros pour 2025, ce qui correspond à un accroissement de 9,15 % par rapport à la LFI 2024. Ces crédits financent à près de 95 % l’AME de droit commun. Les enveloppes dédiées aux soins urgents (70 millions d’euros) et autres dispositifs relevant de l’AME (1 million d’euros) demeurent stables. Au 31 mars 2024, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun s’élève à 459 397, soit une hausse de 8,7 % par rapport au premier trimestre 2023, dans la continuité de la tendance observée depuis mi-2021. Il convient d’ajouter 15 000 personnes qui seraient bénéficiaires de l’AME soins urgents. Au total, il est possible d’estimer le nombre de bénéficiaires de l’ensemble des dispositifs de l’AME à près de 480 000 en 2024. La rapporteure spéciale constate que les mesures d’efficience de la gestion et de renforcement des contrôles, mises en œuvre depuis 2020, ne parviennent pas à pondérer l’impact de la progression continue du nombre d’étrangers en situation irrégulière éligibles à cette prestation. Dès lors, les annulations de crédit décidées en début d’année 2024 pour 50 millions d’euros (décret n° 2024-124 du 21 février 2024) n’emportent pas la garantie d’un suivi plus étroit de la dépense, dans le cas d’une prestation de guichet assumée par les établissements de soins. L’insuffisance des crédits ne permettant pas de couvrir ces dépenses, la créance constituée par l’État auprès de l’assurance maladie s’accroît de manière équivalente. L’évolution du périmètre de la prestation est donc indispensable, il en va de la soutenabilité de la dépense engagée pour l’État et de son acceptabilité du point de vue de la solidarité nationale. La rapporteure spéciale estime que l’AME de droit commun devrait être limitée aux soins urgents et à ceux liés à la lutte contre les pandémies, à la grossesse et aux vaccinations obligatoires afin d’aligner la situation française sur celle des autres pays européens.
● D’autre part, le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins finance la politique de modernisation de l’offre de soins, le pilotage de la politique de santé publique, et la mise en œuvre de mesures de prévention et d’autres actions sanitaires. Les crédits demandés pour 2025 s’établiraient à la baisse par rapport à la LFI 2024, de 267 à 229 millions d’euros en CP, à relativiser si l’on prend en considération les annulations de crédit de 20 millions d’euros décidées en début d’année 2024 (décret n° 2024-124 du 21 février 2024). ● Enfin, le programme 379 Reversement à la Sécurité sociale des recettes de la Facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) afficherait des crédits en très forte baisse, de 906,9 millions d’euros en LFI 2024 à 94 millions d’euros inscrits dans le PLF pour 2025. Ce canal budgétaire a vocation à s’éteindre en 2026.
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ÉVOLUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES (2024-2025) (en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après le projet annuel de performance pour 2025. Opérateurs de l’État rattachés à la mission : ● Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) : le PLF pour 2025 prévoit de maintenir à 25 millions d’euros la subvention pour charges de service public versée à cet opérateur. ● Institut national du cancer (INCa) : le PLF pour 2025 prévoit l’attribution d’une subvention pour charges de service public de 34,5 millions d’euros, comme l’année précédente. La mission porte aussi les autorisations d’emplois de cet opérateur, qui sont fixées à 131 ETPT pour les emplois sous-plafond et à 30 ETPT pour les emplois hors plafond (stables par rapport à 2024). Dépenses fiscales : ● Programme 183 : trois dépenses fiscales, 524 millions d’euros ; ● Programme 204 : six dépenses fiscales, 742 millions d’euros.
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La mission Santé porte des dépenses de l’État venant en appui aux dépenses de l’assurance maladie, soit au titre de la solidarité nationale, comme l’aide médicale de l’État (AME), destinée à couvrir les soins des étrangers en situation irrégulière, qui ne cotisent pas au système de protection sociale, soit au titre de la responsabilité de l’État, comme dans le cas de l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, soit encore à la croisée de ces deux fondements, comme l’indemnisation des victimes de l’amiante. D’autres dépenses, qui représentent des crédits plus limités, permettent de financer des actions de prévention, de pilotage ou encore de veille sanitaire. S’agissant de ces dernières dépenses, la tendance observée ces dernières années était marquée par le transfert à l’assurance maladie du financement de la plupart des opérateurs chargés de la mise en œuvre des politiques de santé. La crise sanitaire a toutefois interrompu cette tendance, la mission Santé s’étant vue dotée depuis 2021-2022 de crédits en forte hausse pour couvrir des besoins nouveaux, notamment au titre d’un fonds de concours dédié. En outre, un nouveau programme servant de canal budgétaire au reversement de crédits européens finançant le « Ségur investissement », ainsi qu’aux dons de vaccins à des pays tiers, est venu accroître très fortement le montant total des crédits de la mission.
Au regard de ces tendances de long terme, les crédits proposés par le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, en baisse significative, s’inscrivent dans un retour à la normale pour la mission Santé. L’extinction du fonds de concours supportant les dépenses en lien avec la gestion de la crise sanitaire, d’une part, et la disparition programmée en 2026 du programme 379, dont les crédits sont d’ores et déjà en très forte baisse, d’autre part, aboutira de nouveau à une mission budgétaire au périmètre relativement réduit. Les deux programmes structurants de la mission Santé portent quant à eux des crédits qui ne s’établissent pas aux mêmes ordres de grandeur : tandis que le programme 183 Protection maladie est appelé à soutenir des dépenses accrues, en raison de la progression continue des étrangers en situation irrégulière éligibles à la prestation d’aide médicale de l’État (AME), le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins représente moins de 20 % des crédits de la mission, ventilés dans des actions composites et dont les plus importantes correspondent souvent à des besoins ponctuels, même s’ils font l’objet d’une programmation pluriannuelle, comme le soutien au redressement financier de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. Il faut également noter que la politique de prévention en santé est complétée par des dépenses figurant dans 31 autres programmes budgétaires ([1]), ce qui laisse, in fine¸ un rôle très marginal au programme 204 dans la politique de santé publique.
Au total, les dépenses de santé relevant du budget général de l’État, qui s’établiraient à 1,7 milliard d’euros, continuent de représenter moins de 0,5 % du budget de la Sécurité sociale.
I. LE PROGRAMME 183 PROTECTION MALADIE : UNE DÉPENSE D’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT EN FORTE HAUSSE, QUI DOIT IMPÉRATIVEMENT ÊTRE CONTENUE ET RENDUE PLUS TRANSPARENTE
Le programme 183 est doté de 1 327,6 millions d’euros en AE et en CP, soit un montant en nette hausse (+ 9,15 %) par rapport aux crédits ouverts en LFI pour 2024. La quasi-totalité des crédits (99,4 %) du programme abonde l’action 02 Aide médicale de l’État.
Évolution des dÉpenses du programme 183
(en millions d’euros)
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LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution en valeur absolue |
Évolution 2024-2025 (en %) |
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AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
Programme 183 Protection maladie |
1 216,3 |
1 216,3 |
1 327,6 |
1 327,6 |
+ 111,3 |
+ 111,3 |
+ 9,15 % |
+ 9,15 % |
Aide médicale de l’État (action n° 2) |
1 208,3 |
1 208,3 |
1 319,6 |
1 319,6 |
+ 111,3 |
+ 111,3 |
+ 9,21 % |
+ 9,21 % |
AME de droit commun |
1 137,3 |
1 137,3 |
1 248,6 |
1 248,6 |
+ 111,3 |
+ 111,3 |
+ 9,21 % |
+ 9,21 % |
Soins urgents |
70 |
70 |
70 |
70 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Autres dispositifs |
1 |
1 |
1 |
1 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (action n° 3) |
8 |
8 |
8 |
8 |
0 % |
0 % |
0 % |
0 % |
Source : commission des finances, d’après le projet annuel de performances.
L’exercice 2024 ayant été marqué par des annulations de crédits dès le début de l’année ([2]), à hauteur de 50 millions d’euros en AE et en CP, cette progression pourrait même apparaître encore plus importante, mais il convient de relever que ces mesures d’économie sont peu opérantes dans la mesure où elles ont été répercutées sur la dépense d’aide médicale de l’État, correspondant à une prestation à guichet ouvert par nature peu pilotable. De fait, les crédits ouverts en loi de finances initiale au titre de l’AME ne compensent jamais à l’euro près le total de la facturation des soins réalisés durant un exercice. Les dépenses réalisées au titre de l’AME sont en effet toujours assumées par les établissements dispensaires des soins, et facturés ensuite aux caisses d’assurance maladie. L’État est ensuite tenu de rembourser ces dépenses à l’assurance maladie.
Au cours des auditions qu’elle a menées, la rapporteure spéciale a pu prendre la mesure de l’écart entre la prévision de dépense et son exécution au titre de l’année en cours, évaluée par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), gestionnaire de la prestation, à 1 288 millions d’euros. Au regard de ces éléments, qui demandent à être confirmés en fin de gestion, la prise en compte de cet écart entre la prévision et l’exécution (de l’ordre de 80 millions d’euros) est donc reportée sur la dépense budgétisée pour 2025. La progression nette de la dépense d’AME entre 2024 et 2025 serait en fait limitée à + 3,2 %.
La rapporteure spéciale souligne donc que les crédits ouverts en LFI au titre de ce programme ne permettent généralement pas de couvrir les dépenses, et relève le caractère incomplet de la prévision de dépenses pour 2024. Elle relève aussi que des mesures de « gel » des crédits, évoquées en amont des débats budgétaires pour 2025, se révèleraient tout aussi inopérantes et qu’il convient de réformer d’abord le périmètre de cette prestation (critères d’éligibilité et panier de soins) pour retrouver la maîtrise de cette dépense.
En outre, la rapporteure spéciale, tout en étant parfaitement consciente de la difficulté d’anticiper la consommation d’une prestation à guichet ouvert pour une population de surcroît imparfaitement connue, déplore les conséquences d’une prévision inexacte de la dépense d’AME telle qu’elle a été soumise au Parlement lors de l’examen du PLF pour 2024. Alors que la dette de l’État envers l’assurance maladie au titre de l’AME avait été presque totalement apurée du fait d’un éphémère ralentissement de la progression du nombre de bénéficiaires en raison de la crise sanitaire (0,3 million au 31 décembre 2022), celle-ci s’établit désormais à la hausse : 17,3 millions d’euros au titre de l’exercice 2023, et de l’ordre de 130 millions d’euros au titre de l’exercice 2024 ([3]).
A. UNE RÉFORME DU PÉRIMÈTRE DE L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT EST INDISPENSABLE POUR ASSURER LA SOUTENABILITÉ SOCIALE ET FINANCIÈRE DE CETTE DÉPENSE DE SOLIDARITÉ NATIONALE
● Créée en 1999, l’AME est une prise en charge médicale destinée aux étrangers en situation irrégulière qui séjournent sur le territoire français (à l’exception de Mayotte où ce dispositif ne s’applique pas) de manière ininterrompue depuis au moins trois mois et ne disposant pas de revenus annuels supérieurs à un plafond de ressources déterminé (soit 10 165,77 euros pour une personne seule en métropole). La gestion de ce dispositif est confiée à la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM). L’AME est financée par le budget de l’État qui en rembourse normalement le montant intégral — hors coûts de gestion — à l’Assurance maladie.
L’aide médicale de l’État recouvre trois dispositifs dont le plus important est l’AME de droit commun qui concentre 93,5 % des crédits ouverts sur l’action 2 et près de 80 % des crédits demandés à l’échelle de la mission.
Les trois composantes de l’AME
– L’AME de droit commun relève de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) et s’adresse aux étrangers en situation irrégulière résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et dont les ressources ne dépassent pas un certain plafond (soit 10 165,77 euros par an pour une personne seule résidant en métropole) ([4]). Ce dispositif permet une prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers remboursables par l’assurance maladie dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale avec dispense d’avance de frais. Le panier de soins couvert est proche de celui de la protection universelle maladie ([5]), ce qui distingue la France des autres pays européens.
– L’AME dédiée aux soins urgents relève de l’article L. 254-1 du CASF. Ce dispositif s’adresse, d’une part, aux étrangers en situation irrégulière résidant en France sans remplir les conditions d’accès à l’AME de droit commun et, d’autre part, aux demandeurs d’asile majeurs durant un délai de 3 mois après le dépôt de leur demande d’asile ([6]). L’AME Soins urgents finance des soins hospitaliers dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne concernée ou d’un enfant à naître. Le coût de ce dispositif est partagé entre l’État (qui accorde une dotation forfaitaire à la CNAM) et l’assurance maladie (qui prend en charge les dépenses allant éventuellement au-delà de ce forfait).
– Les autres formes d’AME (réunies sous l’appellation « AME humanitaire ») concernent quatre dispositifs d’ampleur limitée dont le coût est pris en charge par l’État :
* Les soins hospitaliers prodigués (sur décision du ministre de la santé) à toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l’état de santé le justifie (article L. 251-1 du CASF) ;
* L’aide médicale (soins infirmiers et médicaments) accordée aux personnes étrangères (en situation régulière ou irrégulière) placées en garde à vue (article L. 251‑1 du CASF et décret n° 2009-1026 du 25 août 2009) ;
* L’aide médicale fournie aux personnes placées en rétention administrative pour les soins prodigués à l’extérieur des lieux de rétention (les autres soins donnant lieu à des conventions entre les préfectures et les établissements de santé) ;
* Les soins dispensés aux personnes évacuées du Vanuatu vers la Nouvelle-Calédonie en application d’une convention de 1982. Cette dépense de 500 000 euros a été transférée en 2022 au ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
1. L’aide médicale de l’État, une dépense non maîtrisée et appelée à s’accroître en l’absence de révision de ses paramètres
Le poids financier de l’AME croît de manière continue et significative depuis de nombreuses années, en raison de la progression du nombre d’étrangers en situation irrégulière sur le sol français.
Lors de la création du dispositif, le nombre de bénéficiaires concernés s’établissait dans une fourchette comprise entre 150 000 et 200 000. Au 31 mars 2024, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun s’élève à 459 397, soit une hausse de 8,7 % par rapport au premier trimestre 2023. Au total, il est possible d’estimer le nombre de bénéficiaires de l’ensemble des dispositifs d’AME à près de 480 000, soit 62 % de plus qu’en 2014. Le seuil d’un milliard d’euros de dépenses d’AME a été franchi en 2022, et s’établit désormais au-delà d’1,4 milliard d’euros. Les périmètres essentiels de cette prestation n’ont guère évolué depuis l’origine, en dépit des réformes de 2019, et ont donc insuffisamment pris en compte l’impact de cette croissance du nombre de bénéficiaires qui expose désormais cette dépense de solidarité nationale aux limites de son acceptabilité sociale et de sa soutenabilité financière.
Le pilotage de cette dépense ne saurait donc être atteint en l’absence d’une réforme du périmètre de la prestation dans un contexte de maîtrise ferme de l’immigration illégale.
a. Une dépense non maîtrisée qui s’établit à plus d’1,4 milliard d’euros
La construction de l’hypothèse de dépense d’AME de droit commun repose sur l’estimation des trois principaux postes de dépenses, pour un montant total de 1 248,6 millions d’euros, soit une augmentation de 3,2 % par rapport à la prévision de 2024, répartis comme suit :
– 147 millions d’euros de produits de santé ;
– 318 millions d’euros de prestations concernant les autres soins de ville, y compris les actes et consultations externes (ACE) pratiqués dans les hôpitaux ;
– 784 millions d’euros de prestations hospitalières (hors ACE).
Ces estimations se fondent sur une hypothèse d’évolution du nombre de bénéficiaires de + 1,1 %, marquant un retour à la tendance de long terme après une forte accélération depuis 2021, analysée comme un effet de rattrapage en sortie de crise sanitaire. La rapporteure spéciale relève que cette hypothèse d’évolution paraît faible et peut conduire à une nouvelle sous-estimation de la consommation de soins effective au cours de l’année 2025.
● Le poste « produits de santé »
La dépense moyenne par « consommant » ([7]) se stabiliserait en 2025 comme observé auparavant sur une longue période. Le taux de « consommants » continuerait à croître en 2025 au même rythme prévu en 2024 (+ 1,1%). Ainsi, la dépense totale du poste « produits de santé » augmenterait de 0,2 % et s’établirait à 147 millions d’euros en 2025 (y compris les mesures d’économie).
Les médicaments antiviraux à usage systémique, tels que les anti VIH ou les anti Hépatites C, représentent un cinquième des dépenses en lien avec les produits de santé (18 %). Viennent ensuite, les analgésiques (9 %), les antinéoplasiques (7 %), les médicaments contre le diabète (6 %) et les immunosuppresseurs (4 %).
● Le poste « autres soins de ville »
En 2025, la dépense moyenne par « consommant » et le taux de « consommants » continueraient d’évoluer au même rythme qu’en 2024 (respectivement, de + 2,3 % et de + 1,2 %). Avec une progression du nombre de bénéficiaires de + 1,1 %, la dépense totale du poste « autres soins de ville » augmenterait de 2,6 % pour s’établir à 318 millions d’euros en 2025.
● Les prestations hospitalières
Pour ce dernier poste de dépenses, la dépense moyenne par « consommant » resterait stable en 2025. Le taux de « consommants » poursuivrait sa croissance dynamique, comme observé en 2024, mais à un rythme légèrement plus faible (+ 5,0 %). La forte croissance du taux de « consommants » des prestations hospitalières s’explique par le fait que ce taux n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant-crise, bien qu’il tende à le rattraper et progresse désormais plus rapidement qu’avant la crise. Ces effets aboutissent à une augmentation totale de la dépense du poste « prestations hospitalières » de 4,1 % et serait ainsi égale à 784 millions d’euros en 2025.
Parmi l’ensemble des séjours hospitaliers en médecine, chirurgie et obstétrique dispensés aux bénéficiaires de l’AME en 2022, près de la moitié relèvent du champ de la médecine. Les pathologies les plus représentées au cours des séjours AME en médecine relèvent de l’hépato-gastro-entérologie (14 %), de la pneumologie (14 %), du diabète, de maladie métabolique, d’endocrinologie (8 %), de neurologie médicale (8 %) ainsi que des affections cardio-vasculaires (7 %).
DÉcomposition de la dÉpense moyenne par bÉnÉficiaire
Source : Direction de la Sécurité sociale, d’après les données de la CNAM.
Outre la dépense d’AME de droit commun, le PLF pour 2025 prévoit :
– 70 millions d’euros au titre des soins urgents ;
– 1 million d’euros au titre des autres dispositifs de l’AME.
Ces montants sont stables depuis plusieurs années.
À ces postes de dépenses structurelles, il convient d’ajouter des frais qui ne figurent pas dans les documents budgétaires, puisqu’ils ne font pas l’objet de remboursements par l’État aux organismes d’assurance maladie chargés de la gestion de la prestation d’AME. La CNAM évalue ainsi sa charge de gestion administrative à 9,9 millions d’euros pour 165 ETP (équivalents temps pleins), à laquelle s’ajoutent les coûts de gestion de la relation avec les bénéficiaires de l’AME (guichet et téléphonique) de 7,2 millions d’euros pour 122 ETP. Les frais de gestion par les hôpitaux n’ont pu faire l’objet d’une estimation précise, mais un rapport de l’IGAS et de l’IGF en 2019 les estimait à 8 % de la dépense totale d’AME ([8]).
Il faut en outre tenir compte des dépenses de soins inscrites en créances irrécouvrables et qui ne sont donc pas imputées par les hôpitaux à l’AME ou aux « soins urgents » alors qu’elles ont bénéficié à des étrangers en situation irrégulière. La mission d’inspection considère que ces créances irrécouvrables conduisent à une sous-évaluation de la dépense hospitalière supérieure à 8 %. Les créances irrécouvrables représenteraient un surcoût d’environ 50 millions d’euros.
Ainsi, le coût réel prévisionnel de l’ensemble des dispositifs d’AME, y compris des frais annexes portés par le budget de la Sécurité sociale, peut être estimé à plus d’1,4 milliard d’euros en 2025.
MontaNT prévisionnel DE LA DÉPENSE D’AME EN 2025
(en millions d’euros)
|
Montant de la dépense |
AME de droit commun |
1 248,6 |
Soins urgents |
70 |
Autres dispositifs de l’AME |
1 |
Total |
1 319,6 |
Total majoré des coûts de gestion et des créances irrécouvrables des hôpitaux liées aux étrangers en situation irrégulière |
1 475,2* |
* Ce montant est une estimation.
Source : commission des finances.
b. Des mesures d’efficience de la gestion et de renforcement des contrôles sans effet sur la progression de la dépense
En 2020, l’AME a fait l’objet de certaines adaptations utiles mais qui restent insuffisantes. Quatre aménagements principaux ont été décidés :
– l’accès à l’AME est subordonné à une durée ininterrompue de résidence en France de plus de trois mois ([9]) ;
– la première demande d’AME doit être déposée en personne, par le demandeur, auprès d’un organisme d’assurance maladie ou, par exception, auprès d’un établissement de santé dans lequel l’intéressé ou un membre du foyer est pris en charge ;
– la réalisation de certaines « prestations programmées et ne revêtant pas un caractère d’urgence » est subordonnée à un délai d’ancienneté du bénéfice de l’AME ne pouvant excéder neuf mois hors dérogation accordée par le service du contrôle médical de l’assurance maladie. Le nombre de demandes d’accord préalable dans le cadre de cette dérogation est toutefois marginal : les caisses d’assurance maladie ont reçu au total 27 demandes d’accord préalables depuis la mise en œuvre de ce dispositif le 1er janvier 2021. Sur ce total, 20 demandes ont été considérées comme irrecevables en raison d’une ancienneté à l’AME supérieure à 9 mois ou parce qu’il s’agissait d’une prestation dont la prise en charge n’est pas soumise à cette procédure. Sur les 7 demandes rentrant dans le champ de la demande d’accord préalable, une seule a fait l’objet d’un accord de prise en charge ;
– la centralisation de l’instruction des demandes d’AME s’est achevée début 2021 avec la mise en place d’un quatrième pôle. Désormais, l’ensemble des caisses d’affiliation a été réparti sur quatre pôles instructeurs (Bobigny, Marseille, Poitiers et Paris). Selon les données communiquées à la rapporteure spéciale, cette nouvelle organisation aurait permis une réduction d’environ de 5 % des effectifs alors que le flux des demandes a progressé.
Par ailleurs, les conditions d’accès à la protection universelle maladie (PUMa) des personnes étrangères ont été restreintes à compter de l’année 2020, ce qui a conduit à augmenter les dépenses d’AME et de soins urgents. D’une part, un délai de carence de trois mois a été imposé aux demandeurs d’asile avant de pouvoir bénéficier de la PUMa ([10]). D’autre part, la durée de maintien des droits pour les personnes dont le titre de séjour a expiré a été réduite de 12 mois à 6 mois. Ainsi, de septembre 2019 à mars 2023, 877 830 dossiers d’assurés dont le titre de séjour était expiré depuis au moins 3 mois ont été identifiés par la CNAM. Parmi ces dossiers, 172 005 ont fait l’objet d’une décision de fermeture des droits, faute de pouvoir attester de la régularité de leur situation, 45 156 sont en cours de traitement et 67 246 restent à contrôler.
Il faut également noter que, depuis le décret n° 2023-311 du 25 avril 2023, les personnes en situation de maintien de droit à la PUMa ne disposant pas de la complémentaire santé solidaire et étant admises, sur leur demande, à bénéficier de l’AME, peuvent mettre fin par anticipation à ce maintien des droits afin de garantir la continuité de la prise en charge de leurs soins.
Enfin, un décret en cours de parution permettra aux services consulaires d’accéder à la base des bénéficiaires de l’AME. L’objectif est d’empêcher l’octroi de visa aux « touristes médicaux », en permettant la détection des personnes qui bénéficierait d’un droit AME en cours, susceptible de laisser supposer qu’elles ont besoin d’être soignées en France et souhaitent que leurs frais de santé soient alors pris en charge.
La rapporteure salue la mise en œuvre de ces mesures de contrôle et d’efficience de la gestion mais constate qu’elles ne suffisent pas à assurer la maîtrise de la dépense d’AME. Le résultat des actions de lutte contre la fraude menées sur les bénéficiaires de l’AME a ainsi permis de contrôler 153 dossiers pour un montant de préjudice de 0,84 million d’euros ([11]).
c. Une prestation qui contribue au maintien prolongé sur le sol français des étrangers en situation irrégulière
Dans le cadre de ses travaux, la rapporteure spéciale a souhaité appréhender l’impact de la prestation d’AME dans les parcours migratoires, au regard d’éléments d’appréciation divergents fournis par les derniers rapports sur le sujet. Alors que le rapport de la mission menée conjointement par l’IGAS et l’IGF en 2019 jugeait « convaincante » l’hypothèse d’une migration pour soins, au regard de l’atypie observée dans la dépense de soins des bénéficiaires de l’AME ([12]), le rapport remis en décembre 2023 par MM. Évin et Stefanini ([13]) a formulé un jugement plus circonspect sur l’éventuel « appel d’air » que représenterait une prestation d’AME aux contours nettement plus généreux que les prestations équivalentes existant dans les autres pays européens.
Lors de l’audition des auteurs de ce dernier rapport, ceux-ci ont mis en avant le fait que les conditions d’accès à l’AME dite « de droit commun », soumise à des délais de carence depuis 2019, n’accréditent pas l’hypothèse d’une entrée irrégulière sur le territoire spécifiquement motivée par le bénéfice de cette prestation. En revanche, les autres dispositifs d’AME, et notamment l’AME « soins urgents », qui n’est pas soumise à de telles restrictions d’accès, peuvent constituer une opportunité pour une forme de migration pour soins, qui se matérialise par des soins particulièrement coûteux ([14]). Les étrangers en situation irrégulière admis à bénéficier de « soins urgents » peuvent ensuite devenir éligibles à une prise en charge durable dans le cadre de l’AME de droit commun, une fois le délai de carence expiré.
Dans ce cadre, il apparaît que la prestation d’AME, et notamment la continuité entre les dispositifs d’AME « soins urgents » et « de droit commun » nonobstant les nouveaux délais de carence, contribue en tout état de cause au maintien prolongé sur le sol français des étrangers en situation irrégulière. La mission menée par MM. Évin et Stefanini met ainsi en avant le fait que la carte de bénéficiaire de l’AME est utilisée de façon fréquente pour justifier d’une présence habituelle en France dans la perspective d’une future régularisation. La rapporteure spéciale regrette que la durée moyenne de couverture des bénéficiaires de l’AME ne fasse pas l’objet d’un suivi systématique. Il a toutefois été possible de fournir une évaluation sur la base d’un échantillon de 44 000 dossiers gérés par la CPAM de Paris en avril 2023 : la durée moyenne de couverture s’établirait ainsi à 3,6 années ([15]).
2. L’aide médicale de l’État doit être réformée pour répondre strictement à ses objectifs humanitaires et sanitaires, conformément aux standards des pays européens
La rapporteure spéciale ne disconvient pas de la nécessité d’une prestation d’aide médicale de l’État pour prendre en charge les soins des étrangers en situation irrégulière. Tout en répondant à des considérations humanitaires, l’AME permet de dispenser des soins sans attendre l’aggravation de l’état de santé qui nécessiterait une prise en charge plus coûteuse pour la collectivité. L’AME répond aussi à des objectifs de santé publique, en permettant le suivi de l’état de santé de l’ensemble de la population présente sur le territoire français.
S’il ne s’agit donc pas de remettre en cause la pertinence de cette dépense de solidarité nationale, la rapporteure spéciale est préoccupée par son acceptation sociale et sa soutenabilité financière, et préconise à ce titre une adaptation de certains de ses paramètres, notamment en ce qui concerne le panier de soins offerts ou le contrôle de l’éligibilité, qui pourrait être encore renforcé.
a. Un panier de soins trop généreux au regard de ses objectifs humanitaires et sanitaires
L’étendue des soins pris en charge dans le cadre de l’AME est beaucoup plus large que dans les autres pays européens. En 2019, le rapport conjoint de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) relevait que l’AME « figure parmi les [dispositifs les] plus généreux d’Europe ». Sur les huit pays européens étudiés en détail (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède et Suisse), aucun ne propose une offre de soins gratuite comparable. Dans ces territoires, le panier de soins ouverts aux étrangers en situation irrégulière se limite le plus souvent à la prise en charge des pathologies nécessitant des soins urgents ou plus largement essentiels, à la prise en charge des femmes enceintes et des mineurs et à la prévention des infections (vaccinations obligatoires, tuberculose, VIH) ([16]).
Au-delà de la progression du nombre de bénéficiaires, la rapporteure spéciale constate que le coût moyen des bénéficiaires de l’AME est en augmentation constante depuis 2021, de l’ordre de 3 % par an. Cette augmentation est certes liée au rattrapage de la consommation de soins après la forte baisse observée pendant la crise sanitaire, mais une telle explication n’est plus opérante pour les dernières années. Le coût moyen s’établit à 620 euros par trimestre en 2023, contre 604 euros par trimestre en 2022, soit une hausse de 2,6 %. Le taux de croissance annuel est donc nettement supérieur à celui observé entre 2009 et 2019 (+ 0,3 %).
Actuellement, le panier de soins de l’AME est proche du panier de soins de droit commun de la protection maladie universelle et ne comprend que deux exclusions relatives :
– aux actes, produits et prestations dont le service médical rendu n’a pas été qualifié de moyen ou d’important (ainsi des cures thermales) ;
– aux actes, produits et prestations lorsqu’ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie.
Pour engager le retour vers une dépense d’AME maîtrisée, des évolutions sont donc indispensables. La rapporteure spéciale a déposé plusieurs amendements pour exclure du panier de soins offerts aux bénéficiaires de l’AME les soins non urgents, le forfait hospitalier ou encore certaines franchises médicales ou des actes à visée esthétique non rattachables à des actes de chirurgie reconstructrice (amendements CF2483, CF2487 et CF2835). La rapporteure spéciale propose en particulier de mettre fin au remboursement des soins non urgents, actuellement soumis au délai de carence de neuf mois ([17]), lorsqu’ils correspondent à des prestations liées à des pathologies non sévères, à l’exception des traumatismes, fractures, brûlures, infections, hémorragies, tumeurs suspectées ou avérées. L’agence technique d’informations sur l’hospitalisation (ATIH) a pu établir, à la demande de la rapporteure spéciale, que les bénéficiaires de l’AME ont effectué 2 692 séjours pour les soins concernés par le délai de carence dans les seuls établissements publics en 2023, pour un montant total estimé à près de 7 millions d’euros. De façon plus ponctuelle, il est permis de s’interroger sur le bien-fondé de la prise en charge de certains soins ou traitements : ainsi, en 2023, 7 séjours ont été pris en charge au titre de l’AME pour des opérations ou chirurgie de réassignation ou de transition de genre. De telles restrictions ne peuvent à elles seules, suffire à maîtriser l’évolution de la dépense d’AME mais elles permettraient à tout le moins de renforcer l’acceptabilité sociale du dispositif.
b. Une population cible imparfaitement connue : le nécessaire recueil de la nationalité des bénéficiaires de l’AME
La maîtrise de la dépense d’AME requiert une meilleure information sur les bénéficiaires de la prestation, à même de servir aussi les objectifs de santé publique. La rapporteure spéciale rappelle que les caractéristiques de la population des bénéficiaires de l’AME sont insuffisamment détaillées dans les documents budgétaires. Cette opacité ne permet pas au Parlement d’évaluer de manière approfondie la soutenabilité de la dépense d’AME ni la pertinence des prévisions établies par le Gouvernement. Les seules informations communiquées dans les documents budgétaires portent sur l’âge et le sexe des bénéficiaires ainsi que les grandes caractéristiques de la consommation de soin. Néanmoins, ces données ne sont pas recoupées entre elles, ce qui ne permet pas d’en tirer des conclusions.
En 2022, la direction de la Sécurité sociale a reconnu que « les facteurs qui expliquent les sous-jacents de l’évolution des effectifs de bénéficiaires sont difficiles à appréhender en raison du manque de données disponibles et de la méconnaissance de cette population » ([18]).
La rapporteure spéciale remarque en outre que les données transmises à sa demande par la CNAM ne permettent pas non plus de retracer avec suffisamment de précision les caractéristiques des bénéficiaires de l’AME. Il n’a ainsi pas été possible d’obtenir une estimation du nombre de bénéficiaires de l’AME dont les droits ne sont pas renouvelés, du nombre de départs volontaires ou d’éloignements forcés d’étrangers en situation irrégulière bénéficiant de l’AME, ou encore du nombre de bénéficiaires ayant fait l’objet d’une mesure de régularisation. La rapporteure spéciale signale que le suivi de telles données permettrait de proposer de nouveaux indicateurs de performance pour le programme 183 : dispositif humanitaire à des fins de santé publique, l’AME ne saurait constituer une prise en charge pérenne de leurs besoins pour les personnes concernées. Il conviendrait de notifier au Parlement les objectifs fixés en vue de limiter un maintien durable des bénéficiaires au sein du dispositif.
Certaines données recueillies par la CNAM permettent toutefois d’établir une tendance à la prolongation de la durée de couverture des bénéficiaires de l’AME, qui apparaît cohérente avec la progression du coût moyen par bénéficiaire ([19]). Ainsi, au premier trimestre 2024, le nombre de renouvellements des droits à l’AME s’élevait à 50 180 renouvellements, soit une augmentation de + 5 % par rapport à la même période en 2023 (47 896 renouvellements).
RÉpartition des effectifs selon la durée effective de résidence en France, au premier trimestre 2024.
Source : direction de la Sécurité sociale
La rapporteure spéciale déplore, en particulier, l’absence de recueil de données sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME. Comme depuis l’examen des quatre précédents PLF, la rapporteure spéciale a présenté un amendement (amendement n° CF2835) visant à autoriser la collecte et l’exploitation de ces informations. Cette absence de données est regrettée par des voix exprimant des sensibilités différentes. Dans son avis n° 19-12 du 9 octobre 2019, le Défenseur des droits avait par exemple déploré « le déficit de statistiques publiques concernant les bénéficiaires de l’AME (nationalité, pathologies, non-recours). Cette absence de données permet tous les fantasmes, empêche de réfléchir sereinement ». Les auteurs du rapport sur l’AME de décembre 2023, MM. Évin et Stefanini, interrogés à ce sujet par la rapporteure spéciale, ont indiqué qu’ils partageaient également ce point de vue.
Pourtant, la même réponse est formulée par la direction de la Sécurité sociale à la rapporteure spéciale : comme en 2023, il est indiqué que « la collecte de la nationalité des demandeurs et bénéficiaires de l’AME pose question au regard du principe de minimisation selon lequel les données à caractère personnel doivent être : […] adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ».
La rapporteure spéciale rappelle que son amendement tient compte des observations formulées par la direction des affaires juridiques des ministères sociaux qui a étudié l’amendement déposé en 2021 :
– il garantit l’anonymisation des données collectées (sauf en matière de lutte contre la fraude) ;
– il prévoit un renvoi à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, pour déterminer les modalités d’application de l’article ;
– il introduit une dérogation au secret médical pour permettre la collecte des données par l’intermédiaire d’un professionnel de santé.
Il convient également de préciser que la nationalité est recueillie dans le cadre de la procédure d’admission au titre de séjour pour soins.
c. De nécessaires restrictions à l’éligibilité à l’AME
Outre l’amélioration de la précision des données concernant les bénéficiaires de l’AME, et les évolutions souhaitables du panier de soins, la rapporteure spéciale appelle le Gouvernement à se saisir des recommandations portées par MM. Évin et Stefanini dans leur rapport de décembre 2023. Certaines de ses recommandations nécessitent des évolutions législatives, et la rapporteure spéciale a déposé à cette fin une proposition de loi (n° 238, en annexe).
La rapporteure spéciale estime ainsi indispensable d’apprécier les ressources des bénéficiaires de l’AME en prenant en compte également celles du conjoint, afin d’aligner les conditions d’accès à la prestation AME sur le droit commun de la Sécurité sociale. D’autre part, il conviendrait de réserver la qualité d’ayant droit d’un bénéficiaire de l’AME aux seuls enfants mineurs, comme cela est prévu pour la protection universelle maladie. L’émancipation des majeurs ayants droit permettrait de soumettre leur situation à un contrôle individualisé au moment de l’octroi de la carte AME, ce qui constitue une charge supplémentaire pour les caisses chargées d’instruire les dossiers, mais les évolutions du panier de soins prévues par ailleurs permettraient largement de supporter cette charge administrative supplémentaire.
D’autres restrictions à l’éligibilité à l’AME s’imposent au regard de l’effort de solidarité consenti par les contribuables pour le financement de cette prestation. En particulier, il n’est pas acceptable que les personnes frappées d’une mesure d’éloignement du territoire pour motif d’ordre public puissent continuer à bénéficier de l’AME. Seul le dispositif des « soins urgents » continuerait à leur être accessible, en l’attente d’une exécution de la mesure administrative dont ils sont frappés.
Enfin, la situation spécifique de la Guyane justifie des restrictions pour répondre à la très forte augmentation du nombre de bénéficiaires de l’AME dans ce territoire, représentant actuellement 10 % de l’ensemble des bénéficiaires (39 814 bénéficiaires au 30 juin 2023, ce qui place la Guyane au troisième rang des départements français pour le nombre de bénéficiaires de l’AME).
B. LE FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE : UNE CONTRIBUTION STABLE DU BUDGET DE L’ÉTAT
L’utilisation de l’amiante est interdite en France depuis le 1er janvier 1997 et le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante a été créé (sous la forme d’un établissement public administratif) par l’article 53 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001 dans le but d’assurer la réparation des préjudices subis par les victimes de l’amiante. Les dépenses d’indemnisation cumulées depuis 2002 atteignent au total un peu plus de 7,3 milliards d’euros au 31 décembre 2023.
Les ressources du FIVA relèvent pour l’essentiel du budget de la Sécurité sociale (branche AT-MP), mais une dotation de l’État est inscrite en loi de finances sur la mission Santé, au titre de la solidarité nationale à l’égard des victimes de l’amiante dans un cadre non professionnel (environnement, famille).
Les demandes enregistrées sur les huit premiers mois de l’année 2024 connaissent une hausse de 11,3 % par rapport à la même période de l’année précédente, avec une progression plus rapide des nouvelles victimes (+ 16,7 %). Le montant total des dépenses d’indemnisation du FIVA en 2024 s’élèverait à 407 millions d’euros. Cette hausse des dépenses tient compte de la récente jurisprudence de la Cour de cassation relative à la nature de la rente AT-MP ([20]). La dotation de la branche AT-MP a été fixée à 353 millions d’euros et la dotation de l’État à 8 millions d’euros (LFI pour 2024).
Pour 2025, la prévision repose sur un niveau de dépenses encore supérieur à celui de 2024. Le nombre de dossiers déposés s’établirait autour de 19 000, retrouvant le niveau antérieur à la crise sanitaire (19 725 demandes enregistrées en 2019). Le coût moyen d’un dossier s’établit lui aussi à la hausse, passant de 37 500 euros à 56 100 euros pour les victimes, et de 9 300 euros à 10 500 euros pour les ayants droit, en raison de l’indexation du barème d’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux votée par le conseil d’administration du FIVA. Le montant total des dépenses est ainsi estimé à 513 millions d’euros, dont 442 millions au titre des seules dépenses d’indemnisation, soit une augmentation substantielle du budget du FIVA. La dotation de l’État demeurerait quant à elle inchangée en 2025 comme depuis 2017, à 8 millions d’euros. La dotation de la branche AT/MP est fixée, quant à elle, à 465 millions d’euros, soit une augmentation de 112 millions d’euros.
Il convient enfin de noter que les mesures de rapprochement entre le FIVA et l’ONIAM ne sont plus à l’ordre du jour. La rapporteure spéciale souhaite que des possibilités de mutualisation des fonctions supports entre les deux établissements soient examinées, dans le prolongement de la mission conjointe de l’IGF et de l’IGAS de 2021 ([21]).
C. LES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES AU PROGRAMME 183
Trois dépenses fiscales sont rattachées au programme 183 Protection maladie pour un montant estimé à 524 millions d’euros en 2025, stable par rapport à l’année précédente.
Dépenses fiscales rattachées au programme 183
Dépense fiscale |
Chiffrage 2025 |
Exonération totale pour les prestations et rentes viagères servies aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles et à hauteur de 50 % pour les indemnités temporaires |
515 millions d’euros |
Exonération des indemnités versées aux victimes de l’amiante |
9 millions d’euros |
Déduction de l’actif successoral des rentes ou indemnités versées ou dues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou une maladie |
Dépense non chiffrable |
Source : projet annuel de performances pour 2025.
Dans sa note d’exécution budgétaire de 2024 sur la mission Santé, la Cour des comptes déplore que la préconisation faite dans sa note de 2023 de procéder à la revue des dépenses fiscales rattachées à la mission Santé afin de pouvoir évaluer leur efficacité, et étudier, le cas échéant, leur suppression ou leur évolution ([22]), n’ait pas été suivie d’effets. La rapporteure spéciale s’associe à cette recommandation.
La loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques prévoit que le Tome II « Voies et Moyens » du PLF comporte, à compter du PLF pour 2023, une liste de dépenses fiscales qui feront l’objet d’une évaluation dans l’année. Le programme 183 ne fait pas partie des programmes qui seront évalués en 2025.
Le nombre de ménages ayant perçu des indemnités versées aux victimes de l’amiante et bénéficiaires en 2023 de l’exonération de l’impôt sur le revenu est de 5 955. Ce nombre n’est pas connu pour les deux autres dépenses fiscales contribuant au programme 183.
II. LE PROGRAMME 204 PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS : DES DÉPENSES DE SOUTIEN À LA POLITIQUE DE SANTÉ POUR UN MONTANT EN BAISSE
Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins finance la politique de modernisation de l’offre de soins, le pilotage de la politique de santé publique, des mesures de prévention et d’autres actions sanitaires. Le PLF pour 2025 dote ce programme d’un crédit de 229,5 millions d’euros en AE et de 221,7 millions d’euros en CP, soit une baisse respectivement de 14 % et 18 % par rapport à la LFI pour 2024. Cette baisse est toutefois à relativiser si l’on prend en considération les annulations de crédits à hauteur de 20 millions d’euros en AE et en CP décidées en début d’année 2024.
Évolution des dÉpenses du programme 204
(en millions d’euros)
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Annulations de crédits en février 2024 |
Évolution LFI 2024-PLF 2025 (en %) |
||||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
Programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins |
267,3 |
270,6 |
229,5 |
221,7 |
20,0 |
20,0 |
– 14,1 % |
– 18,1 % |
Pilotage de la politique de santé publique (action n° 11) |
70,5 |
72,5 |
58,4 |
58,4 |
13,3 |
13,3 |
– 17,2 % |
– 19,4 % |
Santé des populations (action n° 12) |
1,0 |
1,0 |
0,9 |
0,9 |
0 |
0 |
– 8,9 % |
– 8,9 % |
Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades (action n° 14) |
47,0 |
47,0 |
45,9 |
45,9 |
2,7 |
2,7 |
– 2,4 % |
– 2,4 % |
Prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation (action n° 15) |
30,5 |
30,5 |
30,0 |
30,0 |
0,7 |
0,7 |
– 1,6 % |
– 1,6 % |
Veille et sécurité sanitaire (action 16) |
57,0 |
57,0 |
19,4 |
19,4 |
0 |
0 |
– 65,9 % |
– 65,9 % |
Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins (action n° 17) |
4,4 |
4,4 |
4,3 |
4,3 |
0 |
0 |
– 2,7 % |
– 2,7 % |
Modernisation de l’offre de soins (action n° 19) |
57,0 |
58,3 |
70,7 |
62,9 |
3,2 |
3,2 |
+ 24,1 % |
+ 7,9 % |
Source : projet annuel de performances pour 2025 et informations fournies par la direction générale de la santé en amont de l’audition par la rapporteure spéciale pour la ventilation des annulations de crédits entre les différentes actions du programme.
Les annulations de crédits ont principalement été répercutées sur l’action 11 Pilotage de la politique de santé publique, dont la budgétisation diminue pour 2025 (– 17 % en CP). Dans le même sens, il faut relever la clôture, par le décret n° 2024-685 du 6 juillet 2024, du fonds de concours créé en réponse à la crise sanitaire, qui avait largement contribué à la hausse des crédits du programme 204 depuis 2020 : l’action 16 Veille et sécurité sanitaire voit ses crédits baisser de 66 %.
La réaffectation de crédits qui en résulte explique a contrario la hausse de 24 % pour l’action 19 Modernisation de l’offre de soins, dont le financement est notamment destiné à l’agence de santé de Wallis-et-Futuna (dotation de fonctionnement et crédits d’investissement pour la reconstruction de l’hôpital de Futuna).
Les crédits destinés à l’indemnisation des victimes de la Dépakine sont maintenus au même montant qu’en 2024 (24,4 millions d’euros), en dépit d’un fort dynamisme du dépôt de dossier observé sur l’année en cours, qui nécessitera un versement complémentaire de 3,5 millions d’euros, proposé par le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFFG) déposé par le Gouvernement le 6 novembre 2024. Dans ce contexte, la rapporteure spéciale s’interroge sur la stabilité de la dotation de l’ONIAM, la même insuffisance de crédits pouvant se reproduire au cours de l’exécution 2025 si le dynamisme souhaitable observé dans le dépôt de dossiers se confirme.
A. LE SOUTIEN À LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE : ACTIONS DE PILOTAGE, DE VEILLE SANITAIRE ET D’ANTICIPATION DES CRISES
1. L’anticipation et la gestion des crises sanitaires : des dépenses apparemment en baisse, mais une exécution reposant aussi sur des crédits non budgétaires
Les crédits proposés par le PLF pour 2025 marquent le retour au périmètre hors temps de crise du programme 204 : les dépenses exceptionnelles ont été réduites lors des précédents exercices et ne figurent plus en tant que telles au sein du programme, même si des mesures mises en œuvre au cours de la crise sanitaire ou à l’issue de celle-ci ont été pérennisées.
Il faut d’abord noter l’extinction bienvenue du « fonds de concours Covid », supportant les dépenses en lien avec la gestion de la crise sanitaire (achats de matériels et de prestations), clôturé par le décret n° 2024-685 du 6 juillet 2024, permettant le versement d’un reliquat de 23,85 millions d’euros à Santé publique France (SPF). Il s’agissait du second reversement effectué par la direction générale de la santé (DGS) dans le cadre de la gestion de ce fonds de concours, le premier étant intervenu avec le décret n° 2023-1158 du 9 décembre 2023.
Cette normalisation du périmètre du programme 204 explique aussi en grande partie la forte diminution des crédits ouverts sur l’action 16 Veille et sécurité sanitaire (– 66 % en AE et en CP). La LFI pour 2024 avait ouvert des crédits importants dans le cadre du dispositif « RescUE », destiné à constituer et stocker des équipements de contre-mesures médicales face aux risques dits « NRBC » (nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques) et aux pandémies. Il s’agit de stocks de deuxième niveau complétant les stocks nationaux, mais ne s’y substituant pas. Ces crédits ne figurent pas dans le projet de loi de finances pour 2025, dans la mesure où la Commission européenne prend en charge ce dispositif au moyen de fonds de concours, ainsi qu’il apparaît dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFFG). La rapporteure spéciale s’interroge toutefois sur le montant de ces crédits non budgétaires, à hauteur de 160 millions d’euros, au regard de l’enveloppe allouée au programme 204 par la LFI pour 2024 (266 millions d’euros).
En revanche, certaines mesures issues de la gestion de la crise sanitaire sont destinées à recevoir des financements pérennes. C’est le cas en particulier du système d’information « LABOé-SI », dont la mise en service a été effectuée le 30 mai 2024, qui a pour objectif de capitaliser sur l’expérience acquise dans le champ du dépistage biologique (système d’information de dépistage populationnel de la Covid-19, SI-DEP). Une partie des crédits de l’action 11 permettront d’assurer les prochaines étapes de développement de ce système d’information en 2025. Actuellement, 2 500 laboratoires participent au dispositif « LABOé-SI », avec 12 000 résultats de tests reçus quotidiennement.
2. La dotation de l’ONIAM devrait être revalorisée au regard du dynamisme du dépôt de dossiers d’indemnisation
L’action 11 Pilotage de la santé publique porte en particulier la dotation allouée à l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux (ONIAM), dont le montant proposé par le PLF pour 2025 serait inchangé par rapport à 2024, à hauteur de 32,4 millions d’euros, répartie comme suit :
– 8 millions d’euros au titre de l’indemnisation liée aux vaccinations obligatoires et aux mesures sanitaires d’urgence ;
– 24,4 millions d’euros au titre du dispositif amiable dédié à l’indemnisation des victimes de la Dépakine.
Il convient aussi d’y ajouter 8,2 millions d’euros hors dotation de l’ONIAM, pour les règlements amiables et contentieux de toute nature dont la charge financière incombe à l’État, et dont le suivi est opéré par la direction des affaires juridiques des ministères sociaux.
● L’indemnisation des dommages liés à la campagne de vaccination contre la Covid-19 :
Conformément à la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ([23]), l’ONIAM s’est vu confier une nouvelle mission liée à l’indemnisation des conséquences dommageables d’une vaccination réalisée dans le cadre de la campagne de vaccination contre la Covid-19.
Au 31 août 2024, l’ONIAM a reçu 1 670 demandes d’indemnisation amiables, concernant 1 643 dossiers, dont 13 nouveaux dossiers en août 2024. Les vaccins Pfizer/BioNTech-Comirnaty représentent plus de deux tiers des vaccins mis en cause ([24]). L’ONIAM s’est prononcé sur le droit à indemnisation des demandeurs dans 631 dossiers, dont 26 % en faveur d’une indemnisation. Ainsi, à cette date, 162 victimes ont été indemnisées. Le coût moyen de l’indemnisation amiable s’élève à 16 110 euros (offres prévisionnelles ou définitives comprises). En outre, à la suite de la notification de 477 décisions de rejet, 112 procédures contentieuses ont été initiées contre l’ONIAM, dont 63 en contestation d’une décision amiable de rejet.
Demandes d’indemnisation au titre d’accidents vaccinaux
contre le covid‑19
Source : ONIAM.
Compte tenu des offres définitives, des décisions de rejet notifiées ainsi que des clôtures administratives réalisées, 645 demandes amiables sont closes au 31 août 2024, de sorte que 1 025 demandes sont en cours d’instruction à cette date.
La dotation allouée à l’ONIAM au titre de ce dispositif d’indemnisation est proposée à hauteur de 8 millions d’euros par le PLF pour 2025, stable par rapport à 2024.
● Le dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine : une sous-budgétisation avérée en 2024, qui risque de se reproduire en 2025 :
La Dépakine (et ses dérivés) est un médicament utilisé dans le traitement de l’épilepsie et des troubles bipolaires dont la prise in utero (pendant une grossesse) est susceptible d’être à l’origine de graves malformations et de troubles du développement neurologique chez l’enfant.
La loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a créé un dispositif d’indemnisation destiné à « faciliter l’indemnisation amiable des dommages résultant de la prescription de valproate de sodium ou de l’un de ses dérivés pendant une grossesse et d’assurer la réparation intégrale des préjudices imputables à cette prescription » ([25]). Ce dispositif a été modifié par la loi de finances pour 2020 afin notamment de constituer un collège d’expertise unique. Cette nouvelle organisation a mis fin à certaines rigidités et constitue un progrès certain.
Au 31 décembre 2023, sur 3 927 demandes représentant 1 649 victimes potentielles, 42 % ont reçu une offre d’indemnisation de l’ONIAM à la suite de l’avis favorable du collège d’experts, pour un montant total de 76,5 millions d’euros. Sur ces 1 649 personnes, 1 119 (soit 67 %) ont accepté les offres de l’ONIAM. Le montant total des indemnisations versées par l’ONIAM s’élève à 57,8 millions d’euros.
Au 30 juin 2024, l’ONIAM a reçu, depuis la mise en place du dispositif amiable d’indemnisation des victimes de la Dépakine, 935 demandes de victimes directes et 3 085 demandes de victimes indirectes, soit un total 4 020 demandes d’indemnisation.
La dotation notifiée à l’ONIAM en début 2024, après impact du décret d’annulation ([26]), était de 30,7 millions d’euros, les dépenses relatives à l’indemnisation de la Dépakine portant l’essentiel de cet effort d’économies pour des crédits de 21,7 millions d’euros effectivement disponibles. Il faut y ajouter 1 million d’euros supplémentaire au titre de l’enveloppe fléchée permettant la mise en œuvre d’actions d’informations de toutes les personnes susceptibles d’avoir été victimes de la Dépakine de la possibilité de recourir à l’ONIAM.
La rapporteure spéciale, qui exerce un contrôle étroit sur ce dispositif, se félicite de ces actions d’informations et relève la pertinence de celles-ci, puisque l’exécution budgétaire s’est traduite en 2024 par un dynamisme marqué du nombre de dossiers déposés. Les responsables de l’Office, auditionnés par la rapporteure spéciale en octobre 2024, estiment ainsi qu’un abondement supplémentaire de 3,3 millions d’euros serait nécessaire pour la fin de gestion. Dans ce contexte, la rapporteure spéciale alerte le Gouvernement sur l’insuffisance prévisible de la dotation de l’ONIAM proposée par le PLF pour 2025 à hauteur de 24,4 millions d’euros.
L’impact financier des contentieux opposant l’État au laboratoire Sanofi en matière d’indemnisation des victimes de la Dépakine
Le collège d’experts est chargé de l’instruction des demandes d’indemnisation présentées par les victimes du valproate de sodium. Cette instance unique se prononce sur l’imputabilité des dommages liés à la prescription du médicament ou de l’un de ses dérivés pendant une grossesse et émet un avis, à l’issue d’une procédure écrite et contradictoire, sur les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages et désigne les personnes responsables. Ces dossiers d’indemnisation conduisent à examiner les partages de responsabilité entre l’État, le laboratoire Sanofi, et les prescripteurs, médecins spécialistes ou médecins généralistes.
Toutefois, les avis du collège ne sont pas contraignants et ne s’imposent pas aux personnes désignées responsables autres que l’État. En cas de refus d’émettre une offre de l’un des responsables, l’ONIAM se substitue et engage par la suite des actions pour recouvrer ses créances.
À ce jour, le principal laboratoire mis en cause, Sanofi (pour 92,5 % des titres de recettes), conteste systématiquement les 771 titres de recouvrement émis par l’ONIAM, empêchant toute action de recouvrement y compris celle conduisant à l’exécution forcée du titre.
Au 30 juin 2024, le montant des titres à recouvrir par l’ONIAM auprès du laboratoire Sanofi s’élève à près de 57,98 millions d’euros, pour 520 recours enregistrés par le service en charge du valproate de l’ONIAM.
Il est à noter que l’ONIAM, dans le cadre de ces actions, doit supporter les dépenses d’avocat pour chacune des instances ouvertes. Sur la période de 2019 au 30 juin 2024, l’ONIAM a dépensé un total de 1,297 million d’euros en honoraires d’avocats. L’augmentation de ces dépenses connaît une évolution parallèle au nombre de dossiers conduisant à une substitution.
La rapporteure spéciale est également attentive aux effets potentiellement transgénérationnels de la Dépakine qui pourraient élargir le nombre de victimes susceptibles d’être indemnisées, et nécessiter ainsi une révision en profondeur du dispositif d’indemnisation. La direction générale de la santé met en avant l’absence de consensus scientifique sur l’existence d’un tel effet transgénérationnel. D’autres études mettent au contraire en avant le fait que le valproate de sodium serait susceptible de provoquer des malformations et des troubles neurologiques sur les générations suivantes ([27]). En tout état de cause, des études pourraient être lancées par le ministère de la santé et de la prévention pour évaluer plus précisément cette question, cependant que son éventuel impact sur les dispositifs d’indemnisation gagnerait à être anticipé.
3. Les autres dépenses de soutien à la politique de santé publique
Le programme 204 porte également des dépenses composites qui viennent en soutien à la politique de santé publique.
● Outre les dépenses évoquées précédemment, l’action 11 finance d’autres actions relatives au pilotage, au soutien et aux partenariats relayant la politique de santé publique. La rapporteure spéciale regrette que les crédits envisagés pour chacune de ces sous-actions ne fassent pas l’objet d’une présentation plus détaillée dans le projet annuel de performance accompagnant le PLF pour 2025. Toutefois, il est possible de mentionner au titre de ces dépenses, le fonctionnement de la Conférence nationale de santé (CNF), instance de consultation à la disposition du Gouvernement pour l’élaboration de la stratégie nationale de santé (SNS), le financement pluriannuel apporté par la France à l’Académie de l’OMS, les financements complémentaires apportés à différentes études et recherches, ainsi que le soutien à des actions de veille, surveillance, évaluation et expertise dont le Haut Conseil de la santé publique (HCSP).
● L’action 12 Santé des populations porte l’essentiel du financement octroyé par le ministère de la santé et de l’accès aux soins à diverses associations en fonction des priorités de la politique gouvernementale, à hauteur de 0,9 million d’euros. Ces financements soutiennent également des actions en direction des personnes migrantes, exilées ou encore des populations roms et des gens du voyage. Cette action finance enfin, de façon subsidiaire, des mesures en faveur de la santé de la mère et de l’enfant, s’inscrivant dans le cadre de la feuille de route interministérielle des 1 000 premiers jours.
● L’action 17 Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins finance à hauteur de 4,3 millions d’euros en CP et en AE, soit un montant en légère baisse par rapport à 2024, des actions relatives aux comités de protection des personnes (CPP). La mission de ces comités est de veiller à la protection des personnes participant aux recherches impliquant la personne humaine en s’assurant du bien-fondé d’un projet de recherche.
0,3 million d’euros sont enfin destinés à des actions en faveur de la lutte contre l’antibiorésistance et les infections associées aux soins.
B. LES AUTRES ACTIONS DE PRÉVENTION EN SANTÉ
Les actions 14 et 15 du programme 204 financent des actions de prévention en santé pour un montant cumulé de 76 millions d’euros, en léger repli par rapport à la LFI pour 2024.
Ces deux actions portent en outre l’essentiel du soutien aux associations, dans le cadre de la stratégie des partenariats associatifs adoptée par la direction générale de la santé (DGS) en 2017. Plus de 100 associations sont subventionnées par la DGS pour un montant avoisinant les 12 millions d’euros. Pour 2025, il est proposé de sécuriser et simplifier l’attribution des subventions versées aux associations intervenant dans le champ de la santé publique et de déterminer des priorités d’actions au regard du projet stratégique de la DGS.
Le PLF pour 2025 prévoit de doter l’action 14 d’un crédit de 45,9 millions d’euros, soit un montant en baisse de 1 million par rapport au budget 2024.
Cette action rassemble les crédits du programme dédiés aux politiques publiques destinées à améliorer la prévention des maladies chroniques et la qualité de vie des malades et de leurs proches. Elle concerne donc une très grande diversité de pathologies (maladies neurodégénératives, maladies liées au vieillissement, cancers, santé mentale, santé sexuelle VIH, IST, hépatites, tuberculose, etc.).
● Une grande partie des crédits prévus sur l’action 14 financent la subvention pour charges de service public (SCSP) accordé à l’Institut national du cancer (INCa). Après avoir été revue à la baisse en 2024, la dotation de l’INCa est confirmée à hauteur de 34,5 millions d’euros en 2025. Cette budgétisation s’inscrit dans le cadre du financement de la stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030, dotée d’un budget global de 1,74 milliard d’euros sur la première période qui s’étend jusqu’à la fin de l’année 2025. La montée en charge de la stratégie dans sa seconde phase devrait induire une révision à la hausse de la SCSP dans le cadre du PLF pour 2026, au regard de la proposition de feuille de route que l’INCa soumettra au Gouvernement en 2025.
La rapporteure spéciale souhaite que l’INCa puisse mener à bien dès 2025, dans le cadre des moyens qui sont alloués à cet opérateur, le lancement de l’expérimentation du dépistage du cancer du poumon, pour les fumeurs et anciens fumeurs de 50 à 74 ans, conformément à l’objectif qui lui a été fixé par la stratégie décennale
Le schéma d’emplois de l’INCA s’établit à 151 ETPT dont 131 sous plafond, soit un niveau inchangé par rapport à 2024.
● Les autres dépenses de l’action 14 intéressent la santé sexuelle ([28]), la prévention des addictions, la santé mentale, le traitement d’autres maladies chroniques et les maladies neurodégénératives. La rapporteure spéciale déplore là encore que la ventilation des crédits ne soit pas précisée dans les documents budgétaires entre ces différentes sous-actions. La grande cause nationale en santé mentale, annoncée par le Premier ministre, ne se traduit apparemment pas par un renforcement des financements. Par ailleurs, la rapporteure spéciale a présenté un amendement (amendement n° CF2479) visant à développer des actions de prévention de l’endométriose, pathologie douloureusement handicapante qui touche, selon l’OMS, près de 10 % des femmes en âge de procréer dans le monde. Un effort spécifique doit être déployé pour permettre un diagnostic plus précoce et une meilleure information des praticiens de santé.
L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT)
Créé en 1993, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) est un groupement d’intérêt public (GIP), à durée indéterminée depuis 2018, constitué entre dix ministères, la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé (FNORS) et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), représentant l’État.
L’action 14 du programme 204 contribue au financement de l’activité d’observation et d’évaluation de l’OFDT dans le champ des substances psychoactives licites et illicites, ainsi que des addictions sans substances (jeux d’argent et de hasard notamment).
En particulier, des enquêtes sont menées en population générale et auprès de publics spécifiques, et des dispositifs d’observation qualitatifs sont mis en place au titre de la veille sanitaire. L’OFDT s’attache également à analyser et synthétiser les données disponibles relatives aux drogues et aux conduites addictives émanant de sources différentes, en vue d’une mise à disposition des informations scientifiquement validées. L’OFDT assure ainsi un rôle d’aide à la décision publique en apportant son concours au suivi des plans nationaux de mobilisation contre les addictions.
L’OFDT est financé à titre principal par une subvention pour charge de service public (SCSP), versée par la MILDECA dont l’OFDT est un opérateur. Cette subvention était de 2 907 000 euros en loi de finances initiale (LFI) 2024. Les recettes de l’OFDT sont complétées par une contribution financière de certains des ministères membres du GIP (90 000 euros au total en LFI 2024), ainsi que par une subvention de 100 000 euros par an de la part de l’Agence européenne des drogues pour la réalisation des missions relatives au Point focal national. En 2024, la contribution du ministère chargé de la santé s’élevait à 50 000 euros, somme imputée sur le programme budgétaire 204.
● Enfin, comme en 2024, des crédits spécifiques sont prévus pour soutenir un programme d’études visant à permettre l’accès au droit à l’oubli pour des pathologies autres que cancéreuses et l’accès à la grille de référence pour davantage de pathologies dans le cadre du dispositif « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » (AERAS).
La loi n° 2022-270 du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur instaure un droit à l’oubli dans un délai de 5 ans à compter de la fin du protocole thérapeutique pour tous les cancers et l’hépatite C. Le droit à l’oubli se traduit par l’absence d’obligation de déclarer la pathologie à l’assureur.
Dans ce cadre, un plan d’action a été arrêté par les parties à la convention AERAS. Sa mise en œuvre requiert que des études soient conduites sur une liste de pathologies qui pourraient rentrer dans le champ du droit à l’oubli ou de la grille de référence AERAS. Cette grille, qui permet d’assurer son emprunt dans des conditions proches des standards du marché, est en effet régulièrement actualisée en fonction des avancées thérapeutiques et des données épidémiologiques disponibles.
Des études sur les pathologies suivantes doivent être développées et soutenues budgétairement :
– cancers de bon pronostic ;
– hémophilies, maladies rares de la coagulation ;
– diabètes de types 1 et 2 ;
– épilepsie ;
– insuffisance rénale chronique terminale ;
– maladies chroniques inflammatoires de l’intestin ;
– maladies rares ;
– étude « risques invalidité-incapacité de travail ».
L’impact financier global de la démarche engagée est de 1,2 million d’euros sur une période de trois ans (0,7 million d’euros en 2024, puis 0,3 million d’euros en 2025 et 0,2 million d’euros en 2026).
Constatant des informations lacunaires sur ce dispositif dans les documents budgétaires, la rapporteure spéciale a déposé un amendement (amendement n° CF2507) demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport établissant un premier bilan de ces études, à la fin de l’année 2025.
Le PLF pour 2025 prévoit de doter l’action 15 d’un crédit de 30 millions d’euros, soit un montant en légère baisse de 0,5 million par rapport au budget 2024.
● Cette action contribue principalement au financement de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ([29]), à hauteur de 25 millions d’euros en AE et en CP, un montant inchangé par rapport à 2024.
● L’action 15 participe également au financement du Plan Chlordécone IV, à hauteur de 0,8 million d’euros, un montant similaire à celui budgétisé pour 2023 ou 2024. Ces crédits financent principalement des études de santé portées par des agences d’expertises (Inserm, Anses, Santé publique France, …) permettant la mise en œuvre du plan chlordécone notamment dans ses stratégies Recherche et Santé. La direction générale de la santé copilote le plan national et anime la coordination du système des agences sanitaires, opérateurs très mobilisés dans la réalisation des actions du plan.
Un certain nombre de mesures ont été mises en place dans le cadre du plan chlordécone :
– l’analyse de chlordécone dans le sang est gratuite pour tous avec un parcours d’accompagnement gradué en fonction des résultats d’analyses ;
– les analyses de sols sont gratuites pour les agriculteurs et les particuliers ;
– une aide financière aux pêcheurs impactés par cette pollution (344 pêcheurs en ont bénéficié en 2022) ;
– le déploiement du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides opérationnel, et son accès est facilité par la reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle liée à une exposition aux pesticides (FIVP) depuis fin 2021 ;
– de nombreux travaux de recherche sont engagés et, dernièrement, un appel à projets dédié a permis de sélectionner six projets sur la dépollution des sols.
Au 3 juin 2024, 181 demandes de reconnaissance de maladies professionnelles ont été présentées dans les Antilles au titre de l’indemnisation d’une exposition professionnelle aux pesticides, 72 en Guadeloupe et 109 en Martinique. Parmi ces 181 dossiers, 137 ont fait l’objet d’une notification d’accord et 31 d’une notification de refus. Le total des montants versés s’élève à 1,3 million d’euros ([30]).
C. L’ORGANISATION DU SYSTÈME DE SOINS : DES BESOINS TOUJOURS ÉLEVÉS POUR L’AGENCE DE SANTÉ DE WALLIS-ET-FUTUNA
Les crédits de l’action 19 Modernisation de l’offre de soins s’établiraient pour 2025 en nette hausse à 70,7 millions d’euros en AE (+ 24 %) et 62,9 millions d’euros en CP (+ 8 %). Ces crédits concourent à l’adéquation de l’offre de soins aux besoins des populations, et sont principalement consacrés depuis plusieurs exercices au redressement de la situation financière de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, et au soutien à l’investissement dans le cadre de la reconstruction de l’hôpital de Futuna, dont le chantier engagé en 2024 devrait s’échelonner jusqu’en 2027.
● La dotation de l’agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna porte l’essentiel de la hausse des crédits pour cette action, puisqu’elle s’établirait à 52,3 millions d’euros en AE et 53,6 millions d’euros en CP, soit une hausse de 2,7 %. Cette augmentation doit permettre d’engager la résorption du déficit structurel de l’agence dont la situation financière s’est nettement dégradée depuis fin 2021, et qui devrait s’établir à – 8 millions d’euros en 2024. Cette dégradation résulte de plusieurs facteurs, notamment l’accroissement des effectifs, la revalorisation des rémunérations et l’inflation pesant notamment sur le coût des évacuations sanitaires, malgré l’évolution de la dotation, passée de 26 millions d’euros en 2013 à 46,6 millions d’euros en 2023. La situation financière continue d’être extrêmement fragile, et appelle la plus grande attention de la direction générale de la santé dans le suivi de l’efficience de ces dépenses relevant de la solidarité nationale.
● L’action 19 finance également d’autres mesures, en particulier le fonctionnement de l’Agence du numérique en santé (ANS), à titre subsidiaire puisque le financement principal relève de l’assurance maladie ; des tâches de conception des politiques d’offre de soins (études, enquêtes et expertises) ; ainsi que la gestion du processus de délivrance des certifications professionnelles dans le champ sanitaire (crédits de titre 2 pour le paiement des frais de jury).
Ce dernier poste de dépenses (crédits de titre 2) serait en baisse de 0,6 million d’euros par rapport à la LFI pour 2024 (0,7 million d’euros contre 1,3 million d’euros), en raison d’une sous-exécution sur les derniers exercices. Toutefois, au cours de son audition par la rapporteure spéciale, la direction générale de la santé (DGS) a souligné que les données les plus récentes transmises par l’Agence de services et de paiements (ASP), gestionnaire de ces crédits, indiquent une hausse significative pour cette activité de certification en 2024, induisant un risque que l’activité de valorisation des acquis de l’expérience (VAE) soit fortement ralentie en 2025 voire suspendue si le gestionnaire n’est plus en mesure d’indemniser les membres de jury en l’absence de crédits. La rapporteure spéciale attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre en compte ces contraintes dans l’établissement des crédits de cette action.
D. LES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES AU PROGRAMME 204
Six dépenses fiscales sont rattachées au programme 204 pour un montant estimé à 742 millions d’euros en 2025.
Le nombre de bénéficiaires de ces dépenses fiscales demeure mal connu : ce nombre n’est précisé dans les documents budgétaires que pour une dépense sur six.
Comme pour le programme 183, la rapporteure spéciale partage la recommandation de la Cour des comptes visant à procéder à la revue des dépenses fiscales rattachées à la mission Santé afin de pouvoir évaluer leur efficacité, et étudier, le cas échéant, leur suppression ou leur évolution.
dépenses fiscales rattachées au programme 204
Dépense fiscale |
Coût estimé en 2024 |
Exonération des indemnités journalières de Sécurité sociale servies au titre des maladies « longues et coûteuses » (traitements, salaires, pensions et rentes viagères) |
565 millions d’euros |
Taux de 10 % pour les prestations de soins dispensées par les établissements thermaux autorisés |
12 millions d’euros |
Exonérations des indemnités journalières de Sécurité sociale servies au titre des maladies « longues et coûteuses » (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles et bénéfices non commerciaux) |
39 millions d’euros |
Exonération d’impôt sur le revenu, à hauteur de 60 jours par an, de la rémunération perçue au titre de la permanence des soins par les médecins ou leurs remplaçants installés dans certaines zones rurales ou urbaines |
32 millions d’euros |
Déduction forfaitaire de 3 % déclarée par les médecins conventionnés |
23 millions d’euros |
Déduction forfaitaire au titre du groupe III déclarée par les médecins conventionnés |
71 millions d’euros |
Source : projet annuel de performances pour 2025
III. LE PROGRAMME 379 : UN REVERSEMENT À LA SÉCURITÉ SOCIALE EN FORTE DIMINUTION ET APPELÉ À S’ÉTEINDRE EN 2026
Le PLF pour 2025 prévoit d’ouvrir des crédits en très forte baisse sur le programme 379, simple canal budgétaire permettant le reversement à la Sécurité sociale des crédits européens de la Facilité pour la relance et la résilience (FRR), afin de financer le volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR). Ces crédits s’établiraient à seulement 94 millions d’euros en AE et en CP, soit une baisse de 92,5 % par rapport aux montants ouverts en LFI pour 2024.
Il est à noter que la nomenclature budgétaire ne fait plus figurer les dons de vaccins à des pays tiers dans l’intitulé du programme 379, satisfaisant ainsi une demande réitérée de la Cour des comptes dans ses notes d’exécution budgétaire pour 2022 et 2023, qui relevait que cette double destination au sein d’un même programme allait à l’encontre du principe de spécialité des crédits. La rapporteure spéciale salue cette évolution.
En outre, la création d’une nouvelle action en LFI pour 2024, intitulée Neutralisation des pertes de recettes de la branche Maladie au titre des fonctionnaires territoriaux suite à la bascule de taux Maladie/CNRACL, qui visait à compenser pour l’exercice 2024 à hauteur de 342 millions d’euros la perte de recettes de l’assurance maladie liée à la baisse du taux de cotisation due par les employeurs territoriaux ([31]), n’est logiquement dotée d’aucun crédit pour 2025, même si elle continue à figurer dans les documents budgétaires.
A. LES ACTIONS FINANCÉES PAR LES RECETTES DE LA FACILITÉ POUR LA RELANCE ET LA RÉSILIENCE EUROPÉENNE
Les crédits demandés pour le programme 379 s’inscrivent dans le cadre de la relance de l’investissement en santé, qui est soutenue par une enveloppe d’investissement de 19 milliards d’euros sur dix ans. Sur ce total, 6 milliards sur cinq ans sont consacrés au soutien de l’investissement dans le système de santé français à travers trois volets :
– le soutien aux projets d’investissement dans les établissements de santé (2,5 milliards d’euros) ;
– le soutien aux projets d’investissement dans les établissements médico-sociaux, en particulier les EHPAD (1,5 milliard d’euros) ;
– le soutien aux projets d’amélioration des outils numériques en santé (2 milliards d’euros).
Les modalités de détermination de la part du « Ségur investissement » au sein du Plan national de la relance et de la résilience (PNRR) et des recettes de la Facilité pour la relance et la résilience européenne (FRR) sont définies dans le cadre d’une convention en date du 28 octobre 2022 conclue entre le ministre de l’économie et des finances et le ministre de la santé et de la prévention. La part du « Ségur investissement » correspond ainsi à 15,2 % du montant total de l’enveloppe FRR. Estimée initialement à 39,4 milliards d’euros, cette enveloppe a été révisée à 37,4 milliards d’euros.
chronique des crÉdits À verser à la sÉcuritÉ sociale
(en millions d’euros)
|
2024 |
2025 |
2026 |
Total |
Financement UE FRR |
5 964 |
2 852 |
3 414 |
37 448 |
Ségur investissement |
906,5 |
433,6 |
519,0 |
5 692,2 |
Source : Direction de la Sécurité sociale.
Pour 2025 et conformément à la chronique de reversement prévue, 434 millions d’euros seront reversés à la Sécurité sociale au titre du « Ségur investissement ». Comme la direction de la Sécurité sociale l’a indiqué à la rapporteure spéciale en réponse au questionnaire, il est prévu que ce montant soit réparti pour partie par crédits budgétaires et pour partie par la prise en compte de la créance résultant du programme 360 Compensation à la Sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire, dont la nature temporaire permet un redéploiement des crédits non engagés. Ainsi, le montant de 94 millions d’euros inscrit dans le programme de performance tient compte de la créance, à date, de l’État vis-à-vis de la Sécurité sociale de 340 millions d’euros au titre des exonérations du programme, qui a pris fin en 2022.
B. LES CIBLES ET JALONS CONDITIONNANT LE VERSEMENT DES CRÉDITS EUROPÉENS DEVRAIENT ÊTRE ATTEINTS
Le versement des crédits européens au titre du plan national de relance et de résilience (PNRR) affectés aux différents volets du Ségur de la santé est conditionné à l’atteinte d’objectifs et d’indicateurs de performance qui ont été contractualisés avec la Commission européenne pour chaque volet du plan.
La direction de la Sécurité sociale (DSS) participe au comité de pilotage du PNRR des ministères sociaux et aux groupes techniques animés par le secrétariat général des ministères sociaux.
En tant que responsable du programme budgétaire 379, la DSS est en lien régulier avec les autorités délégataires de gestion (ADG) que sont la direction générale de l’offre de soins (DGOS) sur le volet établissements de santé, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) sur le volet médico-social et la direction du numérique en santé (DNS) sur le volet numérique afin d’assurer un suivi global des montants engagés, de leur utilisation et de l’avancement des indicateurs.
Les cibles et jalons ont été construits avec un double souci d’ambition et de réalisme. Ainsi, un jalon et une cible ont été révisés à la marge lors de l’amendement du PNRR en juin dernier, à la faveur d’une clause de revoyure prévue initialement pour chaque État avec la Commission européenne. Ces ajustements ont été effectués pour prendre en compte l’impact de l’inflation sur le coût des projets de construction et rénovation d’établissements sanitaires et médico-sociaux.
D’après les indicateurs de performance figurant dans les documents budgétaires accompagnant le PLF pour 2025, l’ensemble de ces cibles et jalons paraissent atteignables. Un bilan devrait être établi, après 2026, sur les bénéfices effectivement procurés par le déploiement de ces crédits sur les opérations de rénovation et construction des établissements de santé, en s’appuyant sur un retour des acteurs du terrain.
Le reversement des recettes de la facilité pour la relance
et la résilience européenne
Concrètement, lorsqu’un État présente une demande de décaissement, la Commission européenne dispose d’un délai de deux mois pour vérifier l’atteinte des cibles et des étapes intermédiaires :
– en cas d’atteinte de l’objectif, le décaissement est opéré ;
– en cas d’évaluation négative, l’État dispose d’un mois pour présenter ses observations puis la Commission peut suspendre tout ou partie des paiements ;
– si au bout de 6 mois l’État n’a toujours pas atteint les cibles, la Commission peut suspendre tout ou partie de l’aide après avoir laissé un délai de deux mois à l’État concerné pour s’expliquer ;
– la Commission peut annuler tout ou partie de l’aide financière si aucun progrès concret n’est constaté dans les 18 mois suivant l’approbation du plan.
ANNEXE — EXPOSÉ DES MOTIFS DE LA PROPOSITION DE LOI N° 238 DÉPOSÉE PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE : TRANSCRIRE LES PROPOSITIONS DE NATURE LÉGISLATIVE DU RAPPORT DE MM. ÉVIN ET STEFANINI SUR L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT
PROPOSITION DE LOI
mettant en œuvre certaines recommandations de nature législative du rapport Évin – Stefanini relatif à l’aide médicale de l’État et modifiant différentes dispositions en lien avec les soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Véronique LOUWAGIE, M. Thibault BAZIN, Mme Anne-Laure BLIN, Mme Émilie BONNIVARD, M. Hubert BRIGAND, M. Fabrice BRUN, Mme Marie-Christine DALLOZ, M. Fabien DI FILIPPO, Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Annie GENEVARD, Mme Justine GRUET, M. Michel HERBILLON, M. Patrick HETZEL, M. Philippe JUVIN, Mme Alexandra MARTIN, Mme Frédérique MEUNIER, M. Jérôme NURY, M. Éric PAUGET, M. Alexandre PORTIER, M. Vincent ROLLAND, M. Jean-Louis THIÉRIOT, M. Antoine VERMOREL-MARQUES, M. Jean-Pierre VIGIER,
députées et députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi vise à mettre en œuvre certaines recommandations de nature législative du rapport Évin – Stefanini relatif à l’aide médicale de l’État ainsi qu’à modifier différentes dispositions en lien avec les soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière.
Instituée par la loi n° 99‑641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle et réformée pour la dernière fois en 2021, l’aide médicale de l’État (AME) assure la prise en charge médicale des étrangers en situation irrégulière séjournant sur le territoire français de manière ininterrompue depuis au moins trois mois et ne disposant pas de revenus annuels supérieurs à un plafond de ressources s’établissant au 1er avril 2024 à 10 166 euros pour une personne seule en métropole.
Régie par les articles L. 251‑1 et suivants du code de l’action sociale et des familles (CASF), l’AME s’applique sur tout le territoire à l’exception de Mayotte et concerne, à la fin septembre 2023, 446 532 bénéficiaires répartis entre 320 760 assurés et 125 772 ayants‑droit dont 98 926 ayants‑droit mineurs.
Si la transformation de l’aide médicale de l’État en une aide médicale d’urgence est souhaitable, cette évolution n’est pas encore envisageable à court terme en raison, d’une part, de l’absence de majorité à l’Assemblée nationale soutenant cette perspective et, d’autre part, de l’impossibilité, à ce stade, d’engager la procédure de recueil du soutien des électeurs prévue par le cinquième alinéa de l’article 11 de la Constitution en vue de soumettre directement cette proposition aux suffrages des Français ([32]).
Pour ces motifs, la présente proposition de loi suggère de réformer l’AME sur la base de certaines des recommandations de nature législative figurant dans le rapport sur l’AME publié le 4 décembre 2023 par M. Claude Évin, ancien ministre de la santé, et M. Patrick Stefanini, conseiller d’État honoraire.
Le 18 décembre 2023, Mme Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait fait part au président du Sénat de son intention « de préparer les évolutions réglementaires ou législatives qui permettront d’engager une réforme de l’AME à partir » des propositions figurant dans le rapport Évin – Stefanini. Le 30 janvier 2024, dans sa déclaration de politique générale, M. Gabriel Attal, Premier ministre, a revu cet engagement en indiquant que la réforme annoncée de l’AME se ferait « avant l’été par voie réglementaire, avec une base qui est connue : le rapport Évin – Stefanini ».
Après avoir ouvert la voie à une possible réforme législative de l’AME, le Gouvernement l’a donc refermée en privilégiant une réforme uniquement réglementaire. Ce choix revient cependant à renoncer à mettre en œuvre la plupart des recommandations figurant dans cette étude. Comme Mme Véronique Louwagie l’a souligné dans un récent rapport, la direction de la Sécurité sociale considère ainsi que dix des treize recommandations du rapport Évin – Stefanini sont de nature législative.
Choisir une réforme par voie réglementaire revient donc à tirer un trait sur plus des trois quarts des propositions du rapport Évin – Stefanini. Une telle orientation est particulièrement regrettable au regard des nombreuses fragilités affectant l’AME.
La présente proposition de loi conteste la pertinence d’une réforme de l’AME reposant uniquement sur la voie réglementaire et propose d’une part, de donner une suite à huit recommandations de nature législative du rapport Évin – Stefanini ([33]) et, d’autre part, de corriger d’autres fragilités de l’AME ou en lien avec celle‑ci.
Les articles 1er à 4 visent à donner une suite législative à sept recommandations du rapport Évin – Stefanini.
L’article 1er modifie l’article L. 251‑1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) pour mettre en œuvre quatre recommandations du rapport Évin – Stefanini. Il s’agit ainsi de :
— prendre en compte les ressources du conjoint, partenaire de PACS ou concubin pour la détermination de l’admission à l’AME. À l’heure actuelle, ces ressources ne sont pas prises en compte, ce qui, comme le souligne une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques publiée en 2021 ([34]), constitue une dérogation au regard du droit commun de la sécurité et de la protection sociales. Il est donc proposé d’aligner l’AME sur le droit commun ;
— réserver la qualité d’ayant droit d’un assuré à l’AME aux seuls enfants mineurs afin d’aligner le régime de l’AME sur le droit commun de la Sécurité sociale qui exclut de la qualité d’ayant droit les conjoints, concubins, partenaires de PACS et personnes à charge. À l’heure actuelle, la définition des ayants‑droit en vigueur pour l’AME est nettement plus large que celle retenue pour la protection universelle maladie où, en application de l’article L. 160‑2 du code de la Sécurité sociale, seuls les enfants mineurs d’un assuré peuvent prétendre à la qualité d’ayant droit dès lors qu’ils n’exercent pas d’activité professionnelle, sont à sa charge et « à condition que la filiation, y compris adoptive, soit légalement établie ou qu’ils soient pupilles de la Nation ou enfants recueillis ». Il est donc proposé d’aligner l’AME sur le droit commun ;
— basculer les demandeurs d’asile dans l’AME durant la période d’instruction de leur demande de protection internationale. À l’heure actuelle, les intéressés relèvent du dispositif des « soins urgents » ([35]) durant les trois mois suivant l’introduction de leur demande d’asile puis de la protection universelle maladie. Afin de réduire les risques d’immigration pour soins et d’alléger les démarches administratives liées aux allers‑retours entre plusieurs systèmes de protection sociale, il est proposé de basculer les demandeurs d’asile dans l’AME durant la période d’instruction de leur demande de protection internationale ([36]) ;
— exclure du bénéfice de l’AME et basculer dans le dispositif des « soins urgents » les personnes frappées d’une mesure d’éloignement du territoire (arrêté d’expulsion, interdiction du territoire français ou obligation de quitter le territoire français) prononcée pour motif d’ordre public. À l’heure actuelle, les intéressés continuent de bénéficier de l’AME alors qu’ils ont porté atteinte à l’ordre public. Qui peut comprendre qu’un étranger en situation irrégulière continue de bénéficier de l’AME après avoir porté atteinte à l’ordre public ?
L’article 2 modifie l’article L. 251‑2 du CASF pour mettre en œuvre la recommandation du rapport Évin – Stefanini proposant d’étendre le recours à l’accord préalable actuellement limité à la possibilité de bénéficier, avant un délai d’ancienneté de neuf mois à l’AME, de certains types d’actes (2) et de prestations (16) lorsque leur absence de réalisation est susceptible d’avoir des conséquences vitales ou graves et durables sur l’état de santé de la personne.
L’article 3 insère un article L. 251‑2‑1 au sein du CASF pour mettre en œuvre la recommandation du rapport Évin – Stefanini visant à subordonner la poursuite de soins chroniques et lourds à la vérification que l’étranger en situation irrégulière concerné ne peut pas bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine ([37]) . La procédure proposée s’inspire de celle en vigueur en matière d’admission au séjour pour soins prévue à l’article L. 425‑9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui confie au service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration la charge d’émettre un avis à l’autorité administrative.
L’article 4 modifie l’article L. 252‑1 du CASF afin de mettre en œuvre les recommandations du rapport Évin – Stefanini proposant de resserrer la vérification des conditions d’accès à l’AME :
— en imposant la présence physique du bénéficiaire lors du dépôt de la demande de renouvellement de l’AME et lors de la remise de la carte ouvrant ou renouvelant le droit à l’AME ;
— en subordonnant le renouvellement du bénéfice de l’AME à la présentation par l’étranger d’un refus de séjour ([38]) .
Les articles 5 à 12 proposent de corriger d’autres fragilités de l’AME ainsi que des éléments associés à ce dispositif. Ces articles se fondent sur les conclusions des précédents travaux de Mme Véronique Louwagie et sur des dispositions adoptées lors de l’examen parlementaire du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration mais ne figurant pas dans la loi promulguée.
L’article 5 modifie l’article L. 251‑2 du CASF afin de réviser le panier de soins et d’en exclure les actes à visée esthétique ainsi que certains actes en lien avec la stérilisation et le transsexualisme.
L’article 6 insère deux nouveaux articles L. 251‑2‑2 et L. 254‑1‑1 dans le CASF afin d’autoriser la collecte de la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME et des « soins urgents ».
L’article 7 créée un chapitre V et un article L. 255‑1 au sein du titre V du livre II du CASF afin de prévoir la remise annuelle au Parlement d’un rapport sur l’AME et sur le dispositif des « soins urgents » sur le modèle du rapport établi chaque année par l’Office français de l’immigration et de l’intégration sur la procédure d’admission au séjour pour soins.
L’article 8 complète l’article L. 521‑1 du CASF pour modifier le régime de l’AME en vigueur en Guyane afin de répondre à la très forte augmentation du nombre de bénéficiaires de ce dispositif observée dans ce territoire. La Guyane, qui est le soixantième‑dix‑septième département français par sa population (295 000 habitants), est le troisième département français par le nombre de bénéficiaires de l’AME (39 814 au 30 juin 2023 dont 20 955 assurés et 18 859 ayants‑droits). Cet article autorise une adaptation du panier de soins de l’AME dans ce territoire et impose une participation financière obligatoire à ses bénéficiaires.
L’article 9 modifie les dispositions de l’article L. 160‑1 du code de la Sécurité sociale relatives au maintien des droits expirés à la protection universelle maladie et à la complémentaire santé solidaire afin de subordonner le bénéfice de ce dispositif à l’engagement d’une démarche de renouvellement d’un titre de séjour, de réduire à trois mois la durée maximale de prolongation des droits et d’inclure dans cette période la procédure contradictoire engagée en cas de fermeture des droits correspondants.
L’article 10 modifie l’article L. 1113‑1 du code des transports pour supprimer les réductions tarifaires dans les transports en commun existant en faveur de certains étrangers en situation irrégulière dont les bénéficiaires de l’AME. Cet article reprend le contenu de l’article 15 de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration qui a été adopté par le Parlement en décembre 2023 mais censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2023‑863 DC du 25 janvier 2024 en raison de son assimilation à un « cavalier législatif ».
L’article 11 complète les articles L. 312‑1 et L. 312‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour permettre aux autorités de refuser un visa en cas de dette hospitalière non réglée. Cet article reprend le contenu de l’article 13 bis A du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration adopté par la commission des Lois de l’Assemblée nationale en décembre 2023 mais qui n’a pu être examiné en séance à la suite de l’adoption d’une motion de rejet préalable ([39]) .
L’article 12 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’opportunité, le cadre juridique, le coût et le calendrier d’une ouverture encadrée des traitements de données relatifs à l’AME et aux soins urgents à l’autorité administrative et aux forces de sécurité intérieure chargées de l’identification des personnes placées dans les lieux de rétention administrative.
L’article 13 prévoit que La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Au cours de sa réunion du lundi 4 novembre 2024 à 15 heures, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Santé. La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté l’amendement CF2479 présenté par la rapporteure spéciale, la commission a, en dépit de l’avis défavorable de la rapporteure spéciale, adopté les crédits de la mission Santé. La commission a également adopté successivement les vingt-quatre amendements suivants : II-CF1105, II-CF2851, II-CF2026, II-CF1942, II-CF1943, II-CF2857, II-CF2636, II-CF2847, II-CF2848, II-CF2593, II-CF567, II-CF563, II-CF2846, II-CF2879, II-CF1328, II-CF2630, II-CF2633, II-CF2631, II-CF2632, II-CF2634, II-CF2687, II-CF2666, II-CF1944, II-CF2635. La commission a ensuite adopté l’amendement II-CF2507, présenté par la rapporteure spéciale, portant article additionnel rattaché à la mission.
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Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Depuis 2023, la mission Santé regroupe trois programmes : le programme 183, Protection maladie, qui finance les différentes composantes de l’aide médicale de l’État (AME) et, de façon plus marginale, le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ; le programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, qui soutient d’autres actions dans le domaine de la santé ; et le programme 379, qui sert de canal budgétaire au reversement des recettes de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l’Union européenne au titre du volet investissement du Ségur de la santé. Ce dernier programme a vocation à s’éteindre en 2026, d’où la forte baisse des crédits ouverts cette année. Les cibles et jalons conditionnant le versement des crédits européens en la matière sont atteignables.
Au total, les autorisations d’engagement (AE) des programmes 204 et 183 atteignent 1 557 millions d’euros, soit une hausse de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
S’agissant du programme 204, la baisse des crédits, qui passent de 267 à 229 millions, est à relativiser puisqu’elle inclut les 20 millions annulés en début d’année 2024. Ceux-ci ont principalement été répercutés sur l’action 11, Pilotage de la politique de santé publique, dont le budget diminue de 17 %.
De la même façon, la clôture du fonds de concours créé en réponse à la crise sanitaire, qui avait contribué à la hausse des crédits du programme depuis 2020, entraîne une baisse de 66 % des crédits de l’action 16, Veille et sécurité sanitaire. La réaffectation de crédits qui en résulte explique la hausse de 24 % observée pour l’action 19, Modernisation de l'offre de soins, qui finance notamment l’agence de santé de Wallis-et-Futuna.
Toujours dans le programme 204, la dotation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est maintenue à 32,4 millions, dont 8 millions au titre des indemnisations liées aux vaccinations obligatoires et aux mesures sanitaires d’urgence et 24,4 millions pour les victimes de la Dépakine. L’intégralité des crédits prévus pour 2024 ayant été consommés dès le mois d’octobre, la question de la revalorisation de cette dotation se pose. La direction générale de la santé estime que 3,3 millions supplémentaires seront nécessaires pour traiter tous les dossiers de 2024 liés à la Dépakine, en raison de demandes plus dynamiques que prévu – dont on ne peut que se féliciter, puisqu’elles montrent que les campagnes de communication à destination des victimes potentielles ont atteint leurs objectifs. Il conviendrait que le ministère en tire les conséquences.
J’en viens au programme 183, qui explique à lui seul la hausse de 5 % que j’ai évoquée. L’AME représente 80 % des crédits de la mission Santé, soit 1 319 millions, en hausse de 9,21 % par rapport à 2024. Force est de constater que les mesures de gestion et de contrôle prises depuis 2020 ne suffisent pas à contrebalancer la progression continue du nombre d’étrangers en situation irrégulière éligibles à cette prestation.
Dès lors, ni les annulations de crédits décidées en début d’année, ni l’intention du Gouvernement de geler des crédits par un amendement au projet de loi de finances (PLF) ne garantissent un contrôle plus étroit de la dépense. Il s’agit d’une prestation de guichet qui est engagée du seul fait de la progression du nombre de bénéficiaires et des soins et médicaments éligibles. Le budget prévu pour 2024 est d’ailleurs déjà largement dépassé : la dépense pour l’AME devrait s’établir au moins à 1 288 millions, soit 80 de plus qu’escompté. En comptant les 50 millions annulés par décret, la créance de l’État auprès de l’assurance maladie au titre de l’AME s’établira donc à près de 130 millions.
Un gel des crédits sans réforme du dispositif ne constituerait qu’une vaine mesure d’affichage. Au 31 mars 2024, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun s'établissait à 459 397, soit une hausse de 8,7 % par rapport au premier trimestre 2023, dans la continuité de la tendance observée depuis la mi-2021. J’avais d’ailleurs déposé en septembre dernier une proposition de loi visant à retranscrire les recommandations de nature législative contenues dans le rapport Évin-Stefanini.
Si aucun amendement réduisant les crédits budgétaires n’était adopté, je ne saurais être favorable à l’adoption des crédits de la mission Santé.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CF1103 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Depuis 2022, à Strasbourg, les femmes enceintes se voient délivrer une « ordonnance verte », au titre d’un programme visant à lutter contre les perturbateurs endocriniens en fournissant gratuitement à des familles à faibles revenus, pendant sept mois, des paniers de fruits et légumes bios et locaux. Depuis cette année, une tarification progressive, couvrant de deux à sept mois de grossesse, est également proposée.
Ce programme, en voie d’être adopté par une vingtaine de villes en France, comme Trappes ou Montpellier, permet de miser sur la prévention, en maniant la carotte plutôt que le bâton, de créer des emplois – une dizaine à Strasbourg pour la seule première phase – et surtout de nourrir des familles, de les protéger et de transformer leur consommation.
Nous proposons de le généraliser, en demandant au Gouvernement de lever le gage.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Le programme 204 finance déjà des actions d’information et de prévention. Par ailleurs, l’enveloppe proposée me paraît élevée. Le principe d’une expérimentation me semble très intéressant, mais, avant de généraliser le dispositif, il faudrait pouvoir tirer un bilan rigoureux du dispositif déployé à Strasbourg, qui ne date que de novembre 2022. Avis défavorable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les bilans existent. Ils ont permis d’engager les phases 2 puis 3 du dispositif et ont incité d’autres villes à s’engager. J’entends néanmoins votre argument concernant le montant proposé dans l’amendement. Je propose donc de le retirer afin que nous puissions trouver une formulation qui vous convienne en vue de la séance publique.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Je suis tout à fait disposée à travailler sur cette question avec vous s’il existe un bilan rigoureux sur lequel nous appuyer.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF1105 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Il vise à prévoir le remboursement intégral des protections menstruelles, dont la charge génère pour les femmes une inégalité sociale et économique – sans même parler de la taxe rose, qui rend la plupart des produits d’hygiène féminins beaucoup plus onéreux que leurs équivalents masculins. On estimait en 2021 que 2 millions de femmes se trouvaient en situation de précarité menstruelle, et leur nombre a quasiment doublé en 2023, à 3,8 millions. Rembourser ces protections nécessaires à toutes les femmes est une priorité.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Un remboursement existe déjà pour les femmes les plus précaires, notamment les étudiantes. Il est prévu dans le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale). Il me paraît préférable d’en rester à ce vecteur budgétaire pour ne pas multiplier les sources de financement, au risque de perdre le sens et la traçabilité de la prise en charge. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF2851 de M. Sébastien Peytavie, II-CF2479 de Mme Véronique Louwagie et II-CF1953 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Plus de 3 millions de femmes et personnes menstruées sont atteintes d’endométriose en France – nous connaissons tous au moins une personne concernée. Provoquant des douleurs atroces, des troubles digestifs et des difficultés à tomber enceinte, cette maladie n’a toujours pas de traitement et les personnes atteintes connaissent une errance médicale qui dure en moyenne dix ans.
Un test diagnostique récemment créé, l’Endotest, permet d’éviter le recours à la cœlioscopie, qui n’est plus recommandée en raison des risques qu’elle fait encourir aux patientes. La Haute Autorité de santé (HAS) a récemment donné un avis favorable à sa prise en charge dans le cadre du forfait innovation. Seulement, l’accès ne serait possible qu’en deuxième intention et resterait pour l’heure réservé à 2 000 femmes, alors qu’elles sont 500 000 à attendre un diagnostic.
L’errance médicale a non seulement un coût pour l'assurance maladie, mais aussi et surtout des conséquences psychologiques et physiques pour les malades. Les femmes n’ont pas à être la variable d’ajustement du Gouvernement dans sa recherche d’économies. Alors que certaines douleurs peuvent être équivalentes à celle d’une crise cardiaque, nous devons prendre en charge les outils de diagnostic les plus efficaces et rapides pour leur éviter des années d’errance supplémentaires.
L’amendement de Marie-Charlotte Garin est un amendement de repli.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. L’endométriose est une pathologie encore méconnue. Beaucoup de femmes ne savent pas qu’elles en sont atteintes, et mon amendement vise à renforcer la prévention. L’Organisation mondiale de la santé estime que l’endométriose touche près de 10 % des femmes et des filles en âge de procréer à l’échelle mondiale, soit 190 millions de personnes. J’avais aussi déposé en juillet 2023 une proposition de loi pour développer la prévention, en rappelant qu’une enseigne nationale de distribution avait fait un grand pas en devenant le premier employeur à instaurer un congé payé spécifique de douze jours pour les employées atteintes d’endométriose.
L’amendement de M. Peytavie propose une enveloppe de 20 millions, contre 1 million pour le mien. Ce montant me paraît suffisant dans un premier temps. Je demande le retrait des autres amendements au profit du mien.
M. le président Éric Coquerel. Comment une telle différence s’explique-t-elle ?
M. Sébastien Peytavie (EcoS). La somme que nous proposons ouvre l’accès des 500 000 femmes concernées à l’Endotest.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Mon amendement, beaucoup plus général, porte sur le déploiement d’un dispositif de communication et d’information. Il me semble important, avant tout, de faire connaître cette pathologie et d’y sensibiliser les femmes, qui peuvent en être atteintes sans le savoir.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Notre souhait n’est pas d’informer sur la maladie, mais de permettre l’accès à un test qui existe et qui est recommandé par la HAS, mais qui a un coût. L’objectif est d’éviter tous les autres examens, qui sont très douloureux et parfois lourds de conséquences pour les femmes. Lorsque j’avais présenté cet amendement l’année dernière, on m’avait conseillé d’attendre les recommandations de la HAS. Elles sont désormais connues.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. La mise à disposition de l’Endotest relève du PLFSS, comme toutes les prises en charge par l'assurance maladie. La mission Santé du PLF a seulement vocation à financer des actions de prévention, d’étude ou d'information à destination des citoyens.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Si cet amendement relève du PLFSS, pourquoi a-t-il été déclaré recevable ? Promouvoir une vraie politique de prévention suppose de rendre les tests accessibles, pas simplement de faire de la communication.
M. le président Éric Coquerel. Le contrôle de recevabilité effectué par la commission des finances concerne la forme, et non le fond : je ne déclare pas un amendement irrecevable parce qu’il porte sur la mauvaise mission ou sur le mauvais texte, mais parce qu’il présente un problème de forme ou contrevient à l’article 40 de la Constitution. Je confirme néanmoins que les remboursements assurés par la sécurité sociale relèvent du PLFSS – c’est d’ailleurs pour cette raison que le budget de la mission Santé du PLF est relativement restreint.
La commission adopte successivement les amendements II-CF2851 et II-CF2479.
En conséquence, l’amendement II-CF1953 tombe.
Amendements identiques II-CF2026 de Mme Marie-Charlotte Garin et II-CF2828 de Mme Karine Lebon
Mme Eva Sas (EcoS). Nous souhaitons pérenniser les financements consacrés aux 101 maisons des femmes, à hauteur de 20 millions d’euros.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous soulignez à juste titre l’importance d’une prise en charge spécifique des femmes exposées à des violences conjugales. Les maisons des femmes proposent un accompagnement global, personnalisé et surtout coordonné à toutes les victimes de violences, en s’appuyant notamment sur le réseau hospitalier. Trois de ces structures sont en service au sein de l’AP-HP. Vous reprenez l’évaluation de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) qui, en 2017, estimait à 200 000 euros le coût annuel minimal de chaque structure, et proposez une enveloppe de 20 millions pour assurer leur fonctionnement dans chaque département. Avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-CF1942 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à améliorer l’accompagnement des femmes enceintes, dont 75 % déclarent avoir eu besoin d’aide face au stress pendant la grossesse. Nous proposons donc, dans la continuité de l’important travail fourni au cours du quinquennat précédent par notre ancienne collègue Paula Forteza, une prise en charge intégrale pour les femmes enceintes et les jeunes mamans.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Là encore, cet amendement, qui touche à la prise en charge psychologique des femmes enceintes, n’a pas sa place dans le PLF, mais dans le PLFSS. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1943 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Christine Arrighi (EcoS). Il s’agit ici d’accompagner les femmes en cas de fausse couche – un enjeu parfaitement compris par la Nouvelle-Zélande qui accorde, depuis mars 2021, un congé spécial de trois jours à la personne traversant cette épreuve et à son conjoint. Le présent amendement, déjà adopté l'an dernier en première lecture par la commission des finances, fait lui aussi suite au travail mené par Paula Forteza, sur la base des difficultés pratiques, physiques et psychologiques dont témoignent les femmes.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous proposez de créer un nouveau programme intitulé Congé spécial en cas de fausse couche, qui serait doté de 2 millions. Une telle mesure relève encore une fois du PLFSS, comme toutes les prises en charge au titre d’un arrêt maladie, d’un congé maternité, d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Cette réponse nous a déjà été donnée l’an dernier, mais nous n’avons pas avancé, faute de point d’entrée dans le PLFSS. Dans quel cadre pourrions-nous présenter ce type d’amendements ?
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Effectivement, il faudrait prévoir non seulement un financement spécifique dans le PLFSS, mais aussi une disposition législative pour créer le dispositif. Le mieux serait sans doute de déposer une proposition de loi en ce sens, peut-être à l’occasion d’une niche parlementaire. Une telle mesure ne relève en tout cas aucunement de la mission Santé du PLF.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Nous maintenons donc notre amendement, tout en envisageant une proposition de loi transpartisane, sans quoi l’initiative n’aboutira pas alors même que cette préoccupation semble partagée par de nombreux députés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2857 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). La santé psychique de nombre de nos concitoyens, notamment celle des jeunes, s’est fortement dégradée depuis la crise du covid. Nous proposons de développer la formation aux premiers secours en santé mentale, qui permet de former au repérage des troubles et à l’aide aux personnes qui sont en proie à une crise. Cette formation, lancée en 2001 en Australie, a été dispensée en France à plus de 115 000 personnes par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), notamment à des professionnels travaillant avec des jeunes. Si elle ne doit en aucun cas se substituer à une politique de prise en charge psychologique ambitieuse, elle est toutefois d’intérêt public pour porter secours dans des situations d’urgence, comme une tentative de suicide ou une crise psychotique.
Nous souhaitons donc élargir le déploiement de cette formation afin de former 200 000 personnes supplémentaires en 2025.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous avez raison de souligner l’importance de cette question, notamment pour les jeunes. Je me réjouis d’ailleurs que le Premier ministre ait fait de la santé mentale une grande cause nationale en 2025.
Le programme 204 a vocation à soutenir le dispositif de veille et d’information publique sur la santé mentale. Vous proposez des actions dont vous soulignez vous-même que certaines sont déjà financées par la CPAM. Je vous renvoie donc une nouvelle fois au PLFSS, ou à une proposition de loi dédiée. Avis défavorable.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Le PLFSS n’offre strictement aucune porte d’entrée sur la santé mentale. Par ailleurs, il est bien question ici de prévention, puisqu’il s’agit de former à la détection des urgences.
M. le président Éric Coquerel. Je précise à l’intention de ceux qui nous écoutent qu’il n’est pas possible de déposer des amendements de crédits sur le PLFSS.
M. Nicolas Sansu (GDR). La question de la santé mentale ne saurait se résumer à des soins : elle relève avant tout de la prévention. Il ne suffit pas d’ériger la santé mentale en grande cause nationale, il faut prévoit des actions concrètes. Nous soutiendrons donc cet amendement – Yannick Monnet a d’ailleurs déposé un amendement II-CF2829 allant dans le même sens.
M. le président Éric Coquerel. Nous avons heureusement adopté plusieurs amendements, dans le cadre du PLF, pour améliorer la prévention dans le milieu scolaire, étudiant, ou carcéral. J’espère qu’ils seront conservés dans le texte final, puisque le Gouvernement affirme faire de ce thème une priorité.
Mme Chantal Jourdan (SOC). J’exprime à mon tour mon soutien à cet amendement. Le dispositif défendu a fait ses preuves et contribue à atténuer la stigmatisation du trouble psychique, ce qui est très important pour favoriser la cohésion de la société et mieux comprendre les situations qui peuvent se présenter.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. L’action 14 du programme 204 consacre déjà 1 million aux actions de promotion du bien-être mental, de prévention et de repérage précoce du suicide, et de formation au secourisme en santé mentale. Les 50 millions que vous proposez, pour conduire des actions dont vous indiquez vous-même que certaines relèvent de la CPAM, me paraissent démesurés.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Ni le PLF ni le PLFSS ne contiennent la moindre disposition concernant ce qui est censé constituer la grande cause de l’année 2025. Doit-on en conclure que la santé mentale peut attendre ? Au vu de la situation des hôpitaux psychiatriques et des soins en santé mentale dans leur ensemble, il serait vraiment inconséquent de faire des annonces pareilles sans prévoir les crédits correspondants avant 2026 au mieux.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-CF2829 de M. Yannick Monnet est retiré.
Amendement II-CF2636 de M. Abdelkader Lahmar
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Cet amendement, inspiré par les travaux de la Fédération Addiction, vise à allouer enfin les moyens suffisants à la prévention des addictions et à la prise en charge des personnes dépendantes. Nous consacrons plus de 2 milliards par an à des mesures répressives sans obtenir de résultats concrets en matière de consommation de drogue. Alors que le budget de la répression a augmenté de 72 % depuis 2018 et que 80 % de l'activité des forces de l’ordre est concentrée sur les consommateurs, au détriment de la lutte contre les trafics, la France figure parmi les pays européens où la consommation de cannabis est la plus répandue, tandis que la consommation de MDMA dépasse la moyenne européenne et que celle de cocaïne continue d’augmenter.
Bref, la politique actuelle ne fonctionne pas. Peut-être est-il temps de la compléter par une politique de prévention des addictions, pour enfin réduire l’usage des drogues. Nous proposons ainsi de créditer de 50 millions l’action 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, du programme 204, en gageant ce transfert sur le programme 379. Il aurait cependant été plus logique de prélever les ressources nécessaires sur les budgets dédiés à la répression, raison pour laquelle nous appelons le Gouvernement à lever le gage.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Certains des crédits du programme 204 visent à soutenir la lutte contre les conduites addictives, dans le cadre d’une stratégie interministérielle définie pour la période 2023-2027. À ce titre, diverses associations reçoivent des financements.
En revanche, la prise en charge effective des personnes dépendantes relève, pour une large partie, de l’assurance maladie, donc du PLFSS, dans le cadre d’un parcours de soins approprié. La hausse des crédits que vous proposez est trop massive pour la mission Santé.
Je précise par ailleurs qu’un jaune budgétaire fait état de toutes les actions consacrées à la prévention en santé, y compris celles qui dépendent d’autres missions ou d’autres textes, comme le fonds de lutte contre les addictions.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). La France a un sérieux problème en matière de consommation de drogue et la politique menée n’est pas la bonne. Cet amendement doit donc être compris comme un appel au Gouvernement à changer de vision. Nous ne faisons presque que de la répression, et le nombre de consommateurs ne diminue pas : il faut donc appréhender le problème différemment, comme le font de nombreux pays européens, notamment le Portugal, en considérant l’addiction comme une pathologie, c'est-à-dire comme un phénomène à accompagner plutôt qu’à réprimer. Les résultats sont bien meilleurs et nous ne serions pas dans la situation que nous connaissons aujourd’hui, y compris en matière d’insécurité liée aux narcotrafics.
La somme proposée est certes importante, mais l’enjeu l’est aussi.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Des actions de prévention sont prévues dans un grand nombre de missions budgétaires, par exemple dans le domaine de l’éducation. Mais je maintiens que la somme de 50 millions me semble excessive. Je serai d’un autre avis pour d’autres amendements qui seront examinés plus tard.
M. le président Éric Coquerel. Nous sommes en train de préparer une proposition de loi visant à prendre exemple sur le modèle portugais, qui présente la particularité d’avoir confié la gestion de ces questions au ministère de la santé et non au ministère de l’intérieur. Je vous invite à vous pencher sur les résultats obtenus par le Portugal en matière de consommation de drogue : ils sont absolument stupéfiants.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2847 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’alcool, qui est responsable de 41 000 décès chaque année, est la deuxième cause de mortalité évitable en France. Il est temps d’en faire un enjeu de santé publique. La consommation d’alcool favorise la survenue de cancers, de maladies cardiovasculaires, de la dépendance ; à court terme, elle est à l’origine d’un tiers des accidents mortels. Le coût social de l’alcool s’élève à plus de 102 milliards.
Rappelons que le vin fait courir exactement les mêmes risques d’alcoolisme que les alcools forts. Il a les mêmes propriétés et les mêmes effets. Je le précise car certains ont pu prétendre, au cours du débat sur le PLFSS, que certains alcools sont moins nocifs que d’autres – surtout ceux qui confortent nos filières, a-t-on pu comprendre.
Mon amendement vise à financer, à hauteur de 3 millions, une campagne nationale d’information sur l’addiction à l’alcool, afin d’endiguer ce fléau. Dès qu’il est question d’instaurer une taxe comportementale – sur la consommation de sucre, d’alcool ou de tabac par exemple – on nous rétorque qu’il faut l’accompagner d’une campagne de prévention. Voilà l’occasion de passer des paroles aux actes.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous avez raison, il faut sensibiliser la population aux risques que font courir ces addictions. Votre amendement me paraît bien calibré financièrement. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2848 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Cet amendement vise à lancer une campagne de sensibilisation aux risques liés à la surconsommation de sucre et de promotion d’une alimentation saine. On sait que 94 % des aliments destinés aux enfants sont trop sucrés. Aujourd’hui, un enfant a mangé autant de sucre à 8 ans que ses grands-parents en ont consommé leur vie durant ! La surconsommation de sucre a été qualifiée de « poison » par la ministre de la santé le 29 octobre. Face à cet enjeu de santé publique, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail recommande de prendre des mesures visant à limiter l’incitation à la consommation de produits sucrés, par exemple en menant des campagnes de prévention.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous proposez d’allouer 3 millions au financement de cette campagne. Le problème de la surconsommation de sucre met en lumière celui de l’obésité, qui s’étend parmi la jeunesse. Je ne peux donc que soutenir cette initiative. Toutefois, de telles campagnes sont déjà financées sur les crédits de l’action 15, notamment dans le cadre du programme national nutrition santé. Dans un contexte de contrainte budgétaire, il me semble possible de poursuivre cet objectif sans augmenter les crédits de l’action 17, qui est déjà financée. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2593 de Mme Brigitte Liso
Mme Brigitte Liso (EPR). Cet amendement vise à financer une campagne de prévention nationale sur les risques liés à la pratique du chemsex, en augmentant de 300 000 euros le budget alloué au programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins. Cette pratique dangereuse, qui consiste à prolonger les rapports sexuels grâce aux effets psychoactifs de certaines molécules, est en constante progression : elle touche, selon les estimations, entre 100 000 et 200 000 personnes. Le chemsex a des effets notables en matière de santé publique : il favorise la transmission de maladies sexuelles et de troubles tels que la dépression, l’addiction ou l’isolement. La prévention est toujours préférable au remède. Cette campagne d’information serait non seulement utile aux personnes pratiquantes mais aussi à celles qui seraient tentées par l’expérience.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. La pratique à risque du chemsex se répand dans certains milieux festifs, en particulier chez les jeunes. Les 300 000 euros que vous proposez d’affecter à cette campagne me paraissent bien calibrés et présenteraient une réelle utilité. Nous sommes à la croisée de la santé sexuelle et de la lutte contre les addictions. Avis favorable.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Je soutiens cet amendement. Madame Liso, vous aviez déposé, sur ce sujet, une proposition de résolution que j’avais signée. L’actualité, depuis quelques mois, nous montre les dangers que recèle cette pratique et toutes les formes d’addiction qu’elle est susceptible de favoriser. Votre proposition me paraît tout à fait raisonnable et d’intérêt public.
M. le président Éric Coquerel. Je voterai cet amendement, même si l’on peut considérer qu’il a été satisfait par l’amendement II-CF2636, qui alloue des crédits nettement supérieurs à la lutte contre les addictions. Je constate, comme vous, la dangerosité de ces drogues.
Mme Brigitte Liso (EPR). Il faut souligner, en effet, le faible coût de cet amendement et l’importance qui s’attache au traitement de ce problème. Je vais redéposer une proposition de résolution transpartisane sur cette question, qui devrait bientôt être à l’étude.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF567 et II-CF568 de Mme Mereana Reid Arbelot
M. Emmanuel Tjibaou (GDR). Plus de 600 cas de cancer sont diagnostiqués en Polynésie chaque année, dont le traitement représente une dépense de plus de 100 millions ; 40 % de cette somme proviennent des molécules, dispositifs médicaux et analyses dits onéreux. Leur coût est pris en charge par la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie. Aussi ces amendements visent-ils à transférer 20 millions, ou, en repli, 10 millions du programme 183 au programme 204.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Le financement des actions spécifiques à la lutte contre le cancer et contre d’autres maladies liées au vieillissement est assuré, à hauteur de 45 millions, par l’action 14, dont les crédits sont un léger repli. La stratégie décennale de lutte contre le cancer est conduite par l’Inca (Institut national du cancer), qui a été doté de 1,74 milliard pour la première période, qui court jusqu’en 2025. L’Institut doit réaliser une évaluation à mi-parcours de cette stratégie. Dans l’attente de cette étude, je ne vois pas l’intérêt d’abonder des crédits que l’Inca n’a, pour l’heure, pas sollicités. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CF567.
En conséquence, l’amendement II-CF568 tombe.
Amendement II-CF2607 de Mme Marianne Maximi
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Cet amendement d’appel vise à augmenter la dotation de l’Inca afin de soutenir la recherche sur les cancers pédiatriques. Une enquête du Monde, publiée il y a deux semaines, a mis en évidence un lien entre la pollution de l’environnement et la multiplication des cancers pédiatriques, notamment près de La Rochelle, où des traces de pesticides ont été retrouvées dans les urines et les cheveux de plus de soixante-dix enfants. Certains de ces pesticides sont pourtant interdits, dont l’un depuis 1970 ! Il s’agit d’un véritable problème de santé publique. En février 2021, Emmanuel Macron a annoncé en grande pompe une stratégie contre les cancers, qui s’est vu affecter un budget de 1,74 milliard sur dix ans. Toutefois, aucun fléchage n’a été prévu vers les cancers pédiatriques. En outre, les subventions octroyées à l’Inca ont diminué de 300 000 euros en 2023 et de 6 millions en 2024 ; elles stagneront en 2025, ce qui équivaut à une baisse en termes réels.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Il s’agit évidemment d’une question essentielle. La dotation de l’Inca a été recalibrée à hauteur de 34,5 millions en 2024, afin de prendre en compte l’évolution des besoins et le niveau de trésorerie de l’Institut. La subvention pour 2025 n’a pas augmenté compte tenu d’un ajustement au regard de ces mêmes besoins. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. L’amendement ne peut être mis aux voix, faute de crédits disponibles.
L’amendement II-CF2607 tombe.
Amendements II-CF563 et II-CF565 de Mme Mereana Reid Arbelot
M. Nicolas Sansu (GDR). Face au coût des évacuations sanitaires en Polynésie, l’amendement II-CF563 vise à financer, à hauteur de 8 millions, la création d’une structure mobile d’urgence et de réanimation par hélicoptère (héliSmur). L’amendement de repli II‑CF565 propose un abondement de 4 millions.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Je rappelle que la Polynésie française est compétente et autonome en matière de protection sociale, grâce notamment à sa Caisse de prévoyance sociale, qui est dotée d’une autonomie financière et placée sous la tutelle du gouvernement de la Polynésie française. Une éventuelle prise en charge au nom de la solidarité nationale me paraît injustifiée sans évaluation précise d’un manque de financement qui mettrait en péril les ressources de la Caisse. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CF563.
En conséquence, l’amendement II-CF565 tombe.
Amendement II-CF2846 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’espérance de vie en bonne santé est la durée de vie moyenne en bonne santé, c’est-à-dire sans limitation irréversible d’activité dans la vie quotidienne ni incapacité. Si nous disposons de données à l’échelle nationale et départementale, qui révèlent des différences selon le niveau de vie et le genre, il n’existe pas d’informations plus fines sur la mesure de l’espérance de vie en bonne santé en fonction des zones d’habitation et des quartiers – par exemple, à côté d’une vigne ou d’un périphérique. France Stratégie estime que les difficultés dans la mesure des inégalités environnementales tiennent aujourd’hui largement aux difficultés d’accès à des données homogènes selon les territoires et la nature des pollutions.
Disposer de telles données permettrait d’analyser plus finement la sur-représentation des catégories sociales les plus défavorisées dans les territoires les plus exposés au risque de pollution. Cela s’inscrit dans la perspective de l’approche One Health, qui vise à la connaissance de l’ensemble des facteurs environnementaux, psycho-sociaux, socio-économiques, professionnels et comportementaux et de leur interaction au cours du temps selon les territoires afin de mieux gérer les risques pour la santé. Nous proposons de renforcer l’action Pilotage de la politique de santé publique pour développer les études sur l’espérance de vie en bonne santé selon les territoires.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Cet amendement s’inscrit dans le cadre des missions de financement, d’étude et de recherche en santé publique qui relèvent de l’action Pilotage de la politique de santé publique. De telles études impliquent principalement l’exploitation, à partir d’une commande spécifique, de données statistiques existantes pour affiner les analyses. Un abondement de 5 millions me paraît un peu excessif pour atteindre l’objectif que vous énoncez, dont je ne conteste pas, par ailleurs, la pertinence – une évaluation beaucoup plus précise étant en effet nécessaire en matière d’espérance de vie. Sagesse.
M. François Jolivet (HOR). Ce qui est certain, c’est que les territoires qui ont le moins de médecins sont ceux où l’on meurt le plus jeune. L’Insee affine les données jusqu’à l’échelle de l’îlot : on n’y distingue pas tout, mais on sait à quel âge les personnes décèdent à tel endroit, par exemple dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Vous auriez déjà des réponses dans ces travaux. Ils ne mesurent certes pas l’impact d’ouvrages tels que les lignes électriques, les zones de pollution ou les décharges publiques, mais l’Insee est capable de cartographier ce que vous voulez autour des éléments que vous souhaitez.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Les représentants de l’Insee que j’ai auditionnés l’année dernière ont effectivement dit qu’ils pouvaient le faire. En Angleterre, on mesure des zones beaucoup plus précises. Des données très fines permettent aux élus locaux de prendre des décisions beaucoup plus éclairées.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2879 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous appelons à prendre dès maintenant le virage de la prévention et de la préservation de la santé environnementale, grande absente du PLF. Nous passons, en moyenne, 90 % de notre temps à l’intérieur. Or le foyer, s’il devrait être synonyme de sûreté, est un aussi un lieu privilégié d’empoisonnement : l’air que nous y respirons est cinq à neuf fois plus pollué que l’air extérieur. Et les maladies chroniques directement liées à la pollution de l’air frappent plus fortement les plus précaires d’entre nous, et renforcent les inégalités d’espérance de vie.
Afin de diagnostiquer, traiter et prévenir durablement les problématiques liées, nous proposons la création d’équipes mobiles de diagnostic et de soin en santé environnementale, composées de professionnels de santé et d’experts en pollution intérieure. Ces équipes, qui existent depuis vingt-cinq ans à Bruxelles et s’appellent des « ambulances vertes », auraient pour tâche de réaliser un diagnostic environnemental des logements et, si nécessaire, de définir un protocole de réduction de la contamination intérieure et un parcours de soins en cas de surexposition. Parmi les personnes prises en charge à Bruxelles, 57 % déclarent se sentir en meilleure santé.
Ce dispositif de l’ambulance verte pourrait jouer un rôle-clé de prévention, en particulier à l’égard des ménages en précarité énergétique.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Les crédits ouverts dans le cadre de la mission Santé au titre de la santé environnementale s’élèvent à 3,55 millions, ce qui peut sembler insuffisant au regard de l’enjeu. Néanmoins, les 50 millions que vous proposez me paraissent démesurés. Par ailleurs, il me paraît préférable d’expérimenter la mesure que vous proposez plutôt que de la généraliser d’emblée. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1328 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Il s’agit de créer un programme de recherche sur les conséquences du dérèglement climatique sur la santé. Les vagues de chaleur, les pluies extrêmes, les sécheresses ont des effets sur notre santé. Les inondations exposent à davantage de maladies infectieuses. Les fortes chaleurs induisent une surmortalité, tout comme les sécheresses. De façon plus générale, les aléas climatiques favorisent la prolifération d’espèces microbiennes, animales et végétales, qui peuvent provoquer allergies et intoxications. Toutefois, peu de recherches sont menées pour anticiper les conséquences du dérèglement climatique sur notre santé et faire face à ces nouveaux risques sanitaires. C’est pourquoi nous proposons la création de ce programme, qui s’inscrit dans le cadre d’un vaste plan d’adaptation au changement climatique, sur lequel nous avons travaillé avec l’I4CE (Institut de l’économie pour le climat).
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ces questions concernent davantage la mission Recherche que le programme 204, qui est orienté vers la veille sanitaire.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Dans la discussion commune qui suit, quatre amendements tombent faute de crédits disponibles sur les lignes considérées.
Les amendements II-CF1382 de M. Éric Ciotti et II-CF2156 de M. Anthony Boulogne et II-CF2669 et II-CF2672 de M. Hendrik Davi tombent.
Amendements II-CF2301 de M. Anthony Boulogne, II-CF2836 de Mme Véronique Louwagie, II-CF2302 de M. Anthony Boulogne, II-CF3057 de Mme Véronique Louwagie, II‑CF2630 de M. Abdelkader Lahmar et II-CF2462 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)
M. Anthony Boulogne (RN). Les crédits affectés à l’aide médicale de l’État ont explosé en l’espace de quinze ans, passant de 535 millions dans le PLF pour 2010 à 1,3 milliard inscrit pour 2025. Entre la loi de finances pour 2024 et le présent PLF, on constate encore une augmentation de 111 millions. Comment va-t-on expliquer aux Français qu’ils doivent faire des efforts mais que dans le même temps, on continue à financer l’aide aux clandestins ? Alors que nombre de nos compatriotes n’ont pas les moyens de se soigner, il est scandaleux que les clandestins soient pris en charge gratuitement et bénéficient de soins de confort aux frais du contribuable. Le Rassemblement national propose de transformer l’AME en une aide médicale d’urgence (AMU) destinée à la prise en charge des soins vitaux immédiats.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Par l’amendement II-CF2836, je propose une diminution de 400 millions des crédits de l’AME, mais je précise que cela n’a de sens que si cela s’accompagne d’une modification de la politique menée. En effet, il s’agit d’une prestation à guichet ouvert : si les crédits consommés dépassent les crédits budgétaires, comme cela s’est produit en 2024, l’État doit rembourser la différence à la sécurité sociale. Parallèlement à cette diminution des crédits, je vous proposerai donc, par l’amendement II‑CF2837, d’exclure du champ d’application de l’AME le forfait hospitalier et de réduire le montant d’un certain nombre de prestations.
L’amendement II-CF3057 est un amendement de repli qui a pour objet de réduire les crédits de l’AME de 108 millions.
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Sous la pression de l’extrême droite, le Gouvernement a annoncé un gel des moyens de l’AME pour 2025. Le bleu budgétaire précise pourtant que le principal déterminant des dépenses d’AME est le nombre de bénéficiaires. Il est donc absurde de geler le budget alors que le nombre de bénéficiaires a progressé de 20 % entre janvier 2022 et janvier 2024.
Il faut absolument en finir avec les fake news : non, l’AME ne crée pas d’appel d’air ; elle n’est pas utilisée pour des soins de confort ; elle n’est pas la cause des désordres budgétaires, puisqu’elle représente moins de 0,5 % de nos dépenses de santé ; enfin, elle n’engendre pas de fraude massive : la fraude représente 0,06 % du budget qui lui est alloué. En revanche, elle se caractérise avant tout par un non-recours de plus de 50 % des personnes éligibles. Elle constitue par ailleurs un impératif de santé publique.
Nous déplorons que ce dispositif fasse l’objet d’une telle instrumentalisation du Gouvernement, des médias et de l’extrême droite alors qu’il bénéficie au bout du compte à l’ensemble de la population. Il ne faut pas geler l’AME, mais plutôt faire en sorte que toutes les personnes qui y ont droit puissent y accéder. Qui est prêt à prendre la responsabilité qu’une personne meure, demain, sur le perron d’un hôpital, parce qu’étant étrangère et sans papiers on lui aura refusé des soins ? Si quelqu’un ici y est prêt, qu’il le dise !
Mme Béatrice Bellay (SOC). J’abonde dans le sens de ce qui vient d’être dit. Il faut voir, dans l’AME, une mesure de protection des Françaises et des Français. Elle ne crée aucun appel d’air, si ce n’est en faveur de la solidarité et de la sécurité sanitaire, tant des personnes étrangères présentes sur le territoire que de tous nos compatriotes.
M. Philippe Juvin (DR). D’abord, les amendements que Véronique Louwagie a défendus ne prévoient pas la suppression de l’AME. Il n’est évidemment pas question de ne pas soigner les gens, que ce soit pour une jambe cassée ou une insuffisance cardiaque. Ensuite, quant à la question de savoir si l’AME crée ou non un appel d’air, je vous citerai deux chiffres extraits du rapport que l’Igas et l’IGF (Inspection générale des finances) ont consacré à cette question en 2019 : 43 % des patients en AME bénéficiant d’une dialyse et 25 % des patients en AME sous chimiothérapie disent être venus en France pour bénéficier de ces traitements. Vous pouvez faire ce que vous voulez de cette donnée, mais on ne peut pas la nier.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Au 31 mars 2024, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun s’élevait à 459 397, en hausse de 8,7 % sur un an. Si l’on y inclut les soins urgents – pour les étrangers non éligibles à l’AME – cela représente quasiment 480 000 bénéficiaires, un chiffre en hausse de 62 % par rapport à 2014. On ne peut pas occulter cela.
Dans leur rapport, MM. Évin et Stefanini appelaient de leurs vœux un certain nombre de modifications. Pour eux, le dispositif ne constitue pas un appel d’air, mais conduit les personnes qui en bénéficient à rester plus longtemps sur le territoire en situation irrégulière. Il s’agit en effet du système le plus généreux d’Europe – constat déjà dressé en 2019 par l’IGF et l’Igas. MM. Évin et Stefanini regrettent de n’avoir pu mener à son terme l’étude des différences entre le dispositif français et les autres mécanismes européens, Mme Borne ayant souhaité recevoir le rapport un peu plus tôt que prévu.
Je ne donnerai pas d’avis favorable aux amendements qui visent à supprimer l’AME ou à réduire ses crédits car, comme je l’ai dit, il s’agit d’une politique à guichet ouvert. Je ne serai pas non plus favorable aux amendements qui ont pour objet de les augmenter, car nous devons prendre en compte l’acceptabilité de ce dispositif de la part d’un certain nombre de nos concitoyens. Je vous propose donc d’adopter mon amendement II-CF2836, ou, à titre de repli, le II-CF3057, mais dans l’optique d’adopter aussi le II-CF2837.
M. Gérault Verny (UDR). Je rappelle que le Sénat a voté, en novembre 2023, la suppression de l’AME et son remplacement par l’AMU. Contrairement à ce que certains veulent laisser croire, l’AME ne concerne pas seulement les soins d’urgence. Elle prend en charge à 100 % les prestations de soins médicaux et dentaires – ce qui n’est pas offert à la majorité des Français –, les médicaments, les frais d’analyses, d’hospitalisation et chirurgicaux, la contraception et l’IVG, ainsi que certains soins de confort comme les opérations pour les oreilles décollées, les prothèses de genou et d’épaule, l’opération de la cataracte. (Exclamations.) Vous pouvez le contester, mais c’est la réalité. L’AME crée un appel d’air et devrait être remplacée par une aide médicale d’urgence.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le groupe Écologiste et social appelle évidemment à voter contre tous les amendements qui visent à remettre en cause l’AME ou à réduire ses crédits. Je suis profondément scandalisée par ce que j’entends. Chers collègues, comment pouvez-vous ne pas comprendre, après la crise du covid, que le fait de soigner tout le monde, sans aucune condition, est une exigence de santé publique ? Lorsque l’Espagne a réduit le nombre de bénéficiaires de cette aide, elle a subi une augmentation très forte des maladies infectieuses, et la surmortalité des personnes sans papiers s’est accrue de 15 %. Cela a fragilisé tout le monde, car les microbes ne connaissent pas de carte de séjour.
Ensuite, quelle inhumanité que de prétendre que certains traversent mers et montagnes et mettent leur vie en péril pour un problème d’oreilles décollées ! Qui peut croire cela ? Toutes les études montrent qu’il n’y a aucun appel d’air. Ces gens ne quittent pas leur pays après avoir fait une étude comparative des différents systèmes de santé.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Notre groupe s’oppose à toute réduction de l’AME. Une tribune d’un collectif de médecins a récemment souligné d’une part qu’il fallait répondre dignement aux besoins des malades, et d’autre part que la suppression de l’AME mettrait en danger l’ensemble de la population.
M. David Amiel (EPR). L’AME est en effet un dispositif qui a vocation à protéger non seulement ses bénéficiaires, mais l’ensemble de la population.
Nous disposons d’un grand nombre d’études récentes sur le sujet, la dernière en date étant le rapport transpartisan de Claude Évin et Patrick Stefanini.
Ce rapport montre tout d’abord que l’AME ne provoque pas d’appel d’air migratoire, contrairement à l’argument qui est souvent avancé.
Il précise ensuite que, dans le cas où l’AME serait restreinte à une aide d’urgence, la définition de cette urgence poserait des difficultés redoutables. Cette dernière dépend en effet de nombreux facteurs, dont l’état de santé du patient ou la possibilité d’aggravation des pathologies si elles ne sont pas prises en charge à temps. Prendre cette décision serait donc selon moi totalement contre-productif – en plus d’être inhumain.
C’est la raison pour laquelle notre groupe s’opposera aux amendements qui s’en prennent à l’AME. Si la commission des finances passait autant de temps sur chacune des autres politiques de l’État, je suis sûr que le déficit se porterait mieux !
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Les amendements qui proposent de réduire l’AME ne sont pas gagés. Il s’agit donc tout bonnement d’une coupe budgétaire, ce qui en dit long sur la considération accordée à la mission Santé.
Le véritable problème de l’AME réside surtout dans le non-recours. Mme Louwagie a parlé d’acceptabilité sociale, mais qui crée de la défiance ? Ceux qui instrumentalisent cette politique, qui représente peu de chose dans le budget de l’État mais qui a un rôle essentiel en matière de santé publique pour les habitants du pays et ceux qui viennent y chercher refuge. Mieux vaudrait se pencher sur la manière de mieux garantir l’accès aux soins.
Je voudrais bien que l’on me présente quelqu’un qui a traversé la Méditerranée pour se faire poser un anneau gastrique. Cela n’existe pas ! Les exemples que vous donnez sont très rares et ils n’existent que parce qu’il y avait une prescription médicale – ce qui en dit long encore une fois sur la considération que vous portez aux professionnels qui l’ont faite.
M. Frédéric Falcon (RN). La position du Rassemblement national est purement économique. Nous aimerions pouvoir soigner tout le monde, mais cela n’est plus possible compte tenu de l’état des finances publiques.
Dans d’autres grandes démocraties, comme le Canada et les États-Unis, les étrangers qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins sont tout simplement raccompagnés à la frontière. Le Canada de M. Trudeau n’accorde pas de visas d’entrée à ceux qui risquent d’être un poids pour le système de santé. Est-ce pour autant un pays fasciste ? Non, les Canadiens sont tout simplement rationnels.
Mme Sophie Mette (Dem). Notre groupe est très attaché à l’AME, qui protège des risques sanitaires. C’est une question de santé publique.
M. Nicolas Sansu (GDR). Tout d’abord, l’obligation de soigner les malades s’impose à tous les professionnels de santé.
Ensuite, on ne peut pas comparer notre système fondé sur la solidarité à ceux des États-Unis ou du Canada, qui reposent sur l’assurance privée.
Quant au lien essentiel entre l’AME et la sécurité sanitaire, il a déjà été largement souligné.
Enfin, l’AME représente 1,3 milliard sur 235 milliards de dépenses de santé. Il faut cesser de faire croire que c’est elle qui en péril l’assurance maladie.
La rapporteure spéciale a indiqué qu’il y avait eu un dépassement de crédits en 2024. Pourrait-elle en préciser l’ampleur ? Si l’on en tient compte, peut-être les crédits prévus pour 2025 sont-ils tout simplement stables.
M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons et indépendants est attaché à l’AME, même si elle change de nom. Ce qui compte, c’est le panier de soins. Édouard Philippe l’avait déjà baissé de manière massive en 2018. Sans doute y a-t-il encore des choses à revoir, même si cela relève du symbole.
En revanche, nous nous interrogeons beaucoup sur l’AME à titre humanitaire, qui repose sur des conventions internationales et permet à des personnes de se faire soigner en France si elles n’accèdent pas à certains soins nécessaires dans leur pays. Tout cela est très bien, mais beaucoup d’États dont ces patients sont originaires ne procèdent pas aux remboursements prévus et leurs dettes s’accumulent.
La France est aussi l’un des rares pays à ne pas exiger certaines vaccinations pour obtenir un visa. Il faudrait peut-être l’envisager, pour mieux prévenir les maladies infectieuses.
Les consulats français délèguent de plus en plus souvent la délivrance des visas à des sociétés privées. De ce fait, on a connaissance de la situation des bénéficiaires une fois qu’ils sont en France.
Enfin, en plus des visas humanitaires, nous délivrons des visas de court séjour pour motif de santé, qui permettent aussi de bénéficier de l’AME. Il serait opportun de rendre nos modalités d’accueil pour raisons de santé plus lisibles, tant pour les services de l’État que pour les Français.
M. le président Éric Coquerel. Un étranger en situation irrégulière sur deux n’a pas recours à l’AME.
En 2018, on a identifié trente-huit cas de fraude. Dans son rapport de 2023, Véronique Louwagie répertoriait huit cas d’utilisation de l’AME pour des interventions esthétiques – dont Mme Maximi a raison de souligner qu’elles sont parfois prescrites pour des raisons qui ne sont pas seulement esthétiques.
Le budget de l’AME représente 0,47 % des dépenses de l’assurance maladie. L’aide a déjà été restreinte puisque sont prévus un délai de carence, une participation aux frais et un délai de neuf mois avant d’accéder à des soins dits non urgents, comme une opération de la cataracte ou la pose d’une prothèse de hanche ou du genou.
Si l’on propose encore des restrictions, on videra l’AME de sa substance – avec pour conséquence que l’AMU sera de plus en plus utilisée, car des pathologies qui n’ont pas été traitées suffisamment tôt finiront par nécessiter des soins d’urgence. Autrement dit, les restrictions à l’AME ne sont pas une mesure d’économie, sans même parler des risques de propagation des maladies infectieuses.
La remise en question de l’AME relève en réalité davantage de considérations sur la politique migratoire – et l’on connaît les propositions du Rassemblement national en la matière – que de questions économiques ou sanitaires.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Philippe Juvin et François Jolivet ont évoqué le panier de soins de l’AME. Il est proche de celui de la protection universelle maladie, avec une prise en charge à 100 %. Qu’est-ce qui est exclu de l’AME ? Les cures thermales, tout ce qui concerne la procréation médicalement assistée et les médicaments à service médical rendu faible. La véritable question est de savoir si tout cela répond aux besoins urgents et aux risques de contagion. Je pense que l’on pourrait revoir ce panier, et tel est l’objet de mon amendement II-CF2837 et du II-CF133 de M. Juvin, dont nous discuterons plus tard.
En 2023, cinq patients ont été pris en charge dans le cadre de l’AME pour des opérations de changement de genre. On peut se demander si ce type d’opérations coûteuses doit être couvert.
S’agissant de la lutte contre la propagation des maladies infectieuses, qui est un des principaux objets de l’AME, on n’a pas observé de difficultés plus importantes dans les pays voisins où le panier de soins est moins large.
Madame Simonnet, un grand nombre de bénéficiaires de l’aide sont arrivés de manière régulière en France, puis restés au-delà de la durée de validité de leur titre de séjour. Claude Évin et Patrick Stefanini ont très bien décrit ce phénomène dans leur rapport, tout en indiquant clairement que l’AME ne provoquait pas un appel d’air. En revanche, ils incitent à combattre les filières qui sont dédiées précisément aux soins par le biais de l’AME. L’une d’entre elles a récemment été détectée par les médecins du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers.
La commission rejette les amendements II-CF2301, II-CF2836, II-CF2302 et II‑CF3057.
Elle adopte l’amendement II-CF2630.
En conséquence, l’amendement II-CF2462 tombe.
Amendement II-CF2813 de M. Abdelkader Lahmar
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement d’appel est destiné à alerter sur l’état de l’hôpital public et notamment sur le niveau de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2024. La croissance de ce dernier est inférieure à 3 % ce qui, comme l’indique la Cour des comptes, implique de vigoureuses mesures d’économie à court terme.
La Macronie s’en prend une nouvelle fois au niveau des dépenses de santé et à l’hôpital, qui fait déjà face à d’immenses difficultés. Les soignants le tiennent à bout de bras alors qu’ils sont eux-mêmes à bout – 40 % des médecins des CHU présentent des signes de fatigue psychologique et de burn-out – tandis que l’absence de compensation de l’inflation représente un manque à gagner de 1,3 milliard pour les hôpitaux
Cet amendement propose donc de revaloriser l’Ondam de 500 millions. Toutefois, je vais le retirer car son gage conduirait à prélever l’intégralité des crédits des programmes Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins et Protection maladie.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF2633 de M. Abdelkader Lahmar
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement propose d’allouer 650 millions aux Ehpad pour compenser les effets de l’inflation. Qu’ils soient hospitaliers ou territoriaux, ces établissements connaissent une grave crise liée à la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, mais aussi aux mesures décidées dans le cadre du Ségur de la santé, qui n’ont pas été compensées par l’État.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ce sujet relève du PLFSS. D’une part, la cinquième branche dédiée à l’autonomie a été fondée en 2020. Elle est financée par une quote-part de la contribution sociale généralisée (CSG), à hauteur de 2,6 milliards. D’autre part, la contribution de l’Ondam aux prestations médico-sociales couvre tout ce qui relève de la gestion des Ehpad. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2631 de Mme Marianne Maximi
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Avec cet amendement, nous proposons de financer des revalorisations salariales dans les professions de la santé, mais aussi du secteur social, sanitaire et médico-social, en élargissant le nombre des bénéficiaires de la prime Ségur.
Après l’annonce de cette prime, beaucoup en ont été exclus, notamment les plus précaires et les moins diplômés. Elle est par ailleurs loin d’être suffisante pour résoudre la crise d’attractivité d’un secteur très peu rémunéré, et très féminisé.
En 2022, un amendement avait permis de l’étendre aux personnels des centres de santé gérés par des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale – c’est la « prime Coquerel » – mais le travail doit être poursuivi afin de ne laisser personne sur le bord du chemin.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ce sujet est abordé chaque année. C’est normal, car il ne faut pas oublier tous ceux qui travaillent au service des plus fragiles. Cependant, toutes les questions de revalorisation salariale pour les personnels de santé relèvent du PLFSS. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Pour éviter justement de passer par le PLFSS, le financement de la prime destinée aux personnels des centres de santé communaux a été assuré par une dotation supplémentaire pour les collectivités concernées, chargées de la répartir entre les intéressés. Cela a dans l’ensemble fonctionné, mais ce n’est pas un mécanisme pérenne, et cela ne marche pas pour les centres gérés par les départements par exemple. Il faudra bien trouver un mécanisme qui permette d’étendre cette prime et de la pérenniser.
M. François Jolivet (HOR). La demande légitime de Mme Maximi est satisfaite par un accord de branche signé en juin 2024 par Mme Vautrin, alors ministre du travail, de la santé et des solidarités. Je sais que sa mise en œuvre est complexe, mais les ressources nécessaires seront dégagées en fin de gestion pour permettre une application rétroactive à compter du 1er janvier 2024. Les crédits inscrits dans le PLF pour 2025 permettent quant à eux de financer la mesure l’année prochaine.
C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Un accord a bien été signé, mais il ne s’applique pas aux départements ni au secteur associatif agréé. On laisse donc aux employeurs le soin d’appliquer des revalorisations salariales à budget constant. Départements de France a déjà indiqué que cet engagement sera impossible à tenir en raison des difficultés budgétaires des collectivités.
Il faut que l’État prenne sa part de responsabilité lorsqu’il prend de telles mesures.
M. François Jolivet (HOR). Certes, mais lors d’un accord de branche, on n’a jamais consulté préalablement tous les membres de la filière pour savoir s’ils pouvaient faire face à l’augmentation envisagée. Les collectivités concernées ne peuvent pas s’abstraire de l’accord, sous peine de perdre à chaque fois qu’une action serait intentée. C’est ainsi que cela se passe pour toutes les entreprises en France lorsqu’un tel accord est signé. Il faut que chacun assume ses responsabilités.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2632 de M. Abdelkader Lahmar
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). C’est encore un amendement d’appel quant à la crise que connaissent les métiers du soin et du lien, très largement féminisés. Il s’agit en l’occurrence d’un plan de revalorisation des soignants de l’hôpital public.
Quinze services du CHU de Clermont-Ferrand sont en grève depuis le mois dernier, tant pour des raisons de souffrance au travail que pour des questions salariales – dont l’importance ne doit pas être minorée. Le compte n’y est pas et l’on voit que le phénomène de souffrance s’étend et devient explosif. Il est de notre devoir de parlementaires d’y répondre. La crise du covid a montré que ce secteur était essentiel. Quatre ans après, il ne s’agirait pas de l’oublier.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Votre préoccupation est tout à fait légitime mais, encore une fois, la question de la rémunération des personnels soignants de l’hôpital public relève du PLFSS. Avis défavorable.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Sans doute est-ce du ressort du PLFSS, mais il est temps que l’ensemble de la société se penche sur les grandes questions qui concernent les services publics, et en particulier l’hôpital, qui est au cœur de beaucoup d’enjeux. Ainsi, l’accès à l’hôpital devient une affaire d’aménagement du territoire : quand on n’a pas la chance d’avoir un service des urgences à proximité, on dépend d’un établissement de recours et cela change tout s’agissant de l’accès aux soins. Le plan proposé par cet amendement est intéressant car il permet de faire le lien avec ces autres enjeux.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2634 de M. Abdelkader Lahmar
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Le 13 janvier 2024, en visite au CHU de Dijon, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal promettait 32 milliards d’investissements sur cinq ans pour l’hôpital public. Cette promesse est tout à fait pertinente au regard de la situation et nous proposons donc d’en planifier la réalisation.
Depuis 2013, la dotation aux amortissements est supérieure au taux d’investissement des hôpitaux. Autrement dit, les équipements vieillissent et ne sont pas remplacés à un rythme suffisant. C’est l’ensemble du système de santé publique, théoriquement gratuit, qui est menacé.
La santé publique est l’un des biens communs sacrés de la République. Il faut donc financer massivement cette politique en partant des besoins réels de la population. C’est pourquoi nous proposons de lancer la planification promise par Gabriel Attal en créant un nouveau programme Planification des investissements à l’hôpital public, doté à ce stade de 5 millions.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Les besoins sont en effet très importants, y compris dans les hôpitaux qui assurent les soins de premier recours. Toutefois, votre amendement n’a pas sa place dans le PLF. Le programme 379 constitue un simple canal budgétaire permettant de reverser des sommes de la FRR vers le budget de la sécurité sociale. Les investissements au titre du Ségur de la santé ne sont pas financés directement par le budget de l’État mais bien par celui de la sécurité sociale. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Les amendements II-CF2671 et II-CF2680 tombent car les crédits sur lesquels ils sont gagés sont épuisés.
Les amendements II-CF2671 et II-CF2680 de Mme Isabelle Santiago tombent.
Amendement II-CF2687 de Mme Isabelle Santiago
Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à créer un fonds destiné à la prise en charge sanitaire des enfants protégés.
On estime que 14 % des enfants sont victimes de violences physiques, psychologiques ou sexuelles ou bien encore de négligence. Faute de soins adaptés, ces violences laissent des séquelles importantes et de tous ordres, et ont des conséquences pour le reste de la vie de ces enfants et parfois pour les générations suivantes.
Or seulement 10 % des enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) bénéficient d’une prise en charge sanitaire effective. L’amendement propose donc que tous bénéficient de soins de qualité.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. L’ASE relève de la compétence des départements, qui lui consacrent environ 9 milliards chaque année. Les crédits de la mission Santé peuvent servir éventuellement pour des études ou des activités de planification, mais ils ne peuvent en aucun cas financer des dispositifs de prise en charge. Avis défavorable.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Je soutiens cet amendement.
Dans le gouvernement précédent, Charlotte Caubel avait annoncé en grande pompe la généralisation du dispositif « santé protégée ». Mais il y a des départements où l’ASE est en dysfonctionnement structurel, avec des mineurs protégés qui ne voient pas de médecin et qui ne sont pas à jour de leurs vaccins. La situation est catastrophique, alors que ces enfants sont confiés à l’État pour qu’il assure leur protection.
Même si cette politique publique a été décentralisée, l’État doit en être le garant et il est totalement défaillant. Ce qui est en train de se passer est vraiment très grave.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Je constate dans mon département que ces enfants et leurs familles d’accueil ont de façon générale beaucoup de mal à accéder aux soins. Les services de la protection maternelle et infantile et les médecins libéraux ne répondent pas toujours en temps utile, tandis que les centres médico-psychologiques sont absolument complets. Tout se bouscule et ces enfants ne trouvent pas d’issue.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1944 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Christine Arrighi (EcoS). Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, la plupart du temps dans le cadre familial. L’amendement vise à augmenter les crédits destinés à accompagner et à soigner ces enfants. Il est essentiel de doter les services compétents des ressources nécessaires pour former les professionnels, faciliter le signalement des cas de maltraitance et permettre à la justice de poursuivre ces crimes avec la diligence et le sérieux qu’ils requièrent.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ce dispositif d’amélioration de la prise en charge psychologique et médicale des enfants victimes de violences a davantage sa place dans le PLFSS. Avis défavorable.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Les départements sont dans une situation financière extrêmement difficile. Nous recevons tous des alertes au sujet de dysfonctionnements de l’ASE. Les professionnels sont désespérés de ne pas pouvoir accompagner les enfants autant que cela serait nécessaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2666 de M. Hendrik Davi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à créer une dotation exceptionnelle pour l’Établissement français du sang (EFS).
L’EFS a été créé le 1er janvier 2000 en application de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, qui a réorganisé en profondeur le système transfusionnel français. Or il est en grande difficulté depuis des années. Le manque de moyens est particulièrement préoccupant pour le don de plasma, sachant qu’il n’y a pas d’alternative aux médicaments dérivés de ce produit.
Le PLFSS pour 2024 a prévu une dotation de l’assurance maladie de 100 millions afin de sécuriser les activités essentielles de l’établissement, mais cela n’a pas permis de revenir sur la suppression de 150 postes, tandis qu’aucune solution pérenne de financement n’est prévue à ce jour pour le plasma.
Cet amendement vise à redonner à l’EFS les moyens dont il a besoin pour exercer l’ensemble de ses missions.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. L’EFS se finance en cédant des produits sanguins aux établissements de santé. Ses difficultés sont importantes et nous devons y répondre, mais cela relève du PLFSS. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2616 de M. Éric Ciotti
M. Gérault Verny (UDR). Cet amendement vise à accélérer la mise en place de la carte Vitale biométrique en créant un nouveau programme à cet effet.
On compte 75 millions d’assurés sociaux pour 67 millions d’habitants, et 66 millions de consommateurs de soins alors que, selon la Cour des comptes, 16 % des Français n’en consomment pas dans une année. Le coût de la fraude sociale est évalué entre 14 et 40 milliards d’euros.
Il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit, mais de faire respecter les règles du jeu. Généraliser les cartes Vitale biométriques permettrait d’éviter un certain nombre de fraudes. C’est un amendement d’un petit montant qui pourrait rapporter beaucoup d’argent.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ce sujet revient régulièrement. Nous avions d’ailleurs obtenu dans les années précédentes que le Gouvernement conserve un amendement sur ce point après application du 49.3.
Depuis lors, l’Igas a rendu un avis. Elle estime que le caractère proportionné du recours à la biométrie dans un objectif de lutte contre la fraude paraît difficile à établir, ce qui ferait peser un risque juridique majeur si cette mesure était retenue. De plus, son coût est estimé à plus de 1 milliard, ce qui n’apparaît pas proportionné à la fraude qu’elle permettrait d’éviter.
Les 50 millions que vous proposez seraient ainsi insuffisants pour permettre la généralisation de cette carte biométrique. Avis défavorable.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je ne sais pas d’où provient l’estimation avancée par M. Verny : il est complètement farfelu d’évaluer la fraude sociale entre 14 et 40 milliards.
Dans 80 % des cas, celle-ci résulte de l’absence de versement de cotisations sociales. Généraliser la carte Vitale biométrique n’y changera rien, et ne permettra pas de récupérer les sommes dues !
M. Kévin Mauvieux (RN). On avance toujours des limites techniques ou juridiques lorsqu’il s’agit de lutter contre la fraude fiscale ou sociale. Nous soutiendrons cet amendement parce qu’il permettrait de récupérer plusieurs milliards.
Nous n’avons jamais prétendu que la fraude ne concernait que les cartes Vitale, mais il faut prendre les choses à bras-le-corps. La fraude liée aux cartes Vitale représenterait plus de 10 milliards selon la Cour des comptes. Nous avons besoin de cet argent alors que la France est surendettée et que nous sommes obligés faire des choix.
M. Gérault Verny (UDR). M. Sansu devrait éviter de faire des commentaires désobligeants. Le montant de 14 milliards figure dans le rapport de la Cour des comptes qui nous a été présenté ici même il y a quelques semaines.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Les 50 millions que vous proposez ne serviraient à rien : le coût de la généralisation de la carte Vitale biométrique est évalué à 1 milliard, qu’elle s’appuie sur la technique de l’empreinte digitale ou de la reconnaissance faciale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF2635 de Mme Marianne Maximi
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Le recrutement de médecins ne relève pas de la mission Santé. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission Santé.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Je suis défavorable à l’adoption de ces crédits. Nous devons absolument maîtriser l’accroissement de l’aide médicale de l’État, tant du point de vue du panier de soins que du nombre de bénéficiaires.
M. Kévin Mauvieux (RN). Le groupe Rassemblement national votera contre cette mission en raison des réaffectations réalisées par tous les amendements qui ont été adoptés. Ainsi, la commission augmente le budget de l’AME alors que son maintien constitue déjà pour nous une ligne rouge. On ne peut pas demander aux Français de cotiser toujours plus et d’être toujours moins remboursés alors qu’on augmente l’enveloppe destinée à des étrangers qui n’ont jamais cotisé.
M. David Amiel (EPR). Au vu des montants très importants de crédits supplémentaires qui ont été votés sans être financés, nous voterons contre ce budget.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous voterons pour, car nous avons pu faire adopter des amendements modifiant en profondeur la politique de prévention, notamment en matière de lutte contre l’addiction, et augmentant le budget de l’AME. Ce budget répond ainsi bien mieux aux besoins de la population et des soignants.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous voterons pour ces crédits. Les amendements adoptés sont indispensables, notamment ceux portant sur les politiques de prévention, sur l’hôpital public, sur l’aide sociale à l’enfance et sur l’augmentation du budget de l’AME.
M. Philippe Juvin (DR). La situation financière du pays est très grave. Si nous ne sommes pas capables de bâtir un budget sérieux, je me demande à quoi nous servons. Or nous venons d’augmenter la dépense au lieu de l’optimiser. L’exemple de l’aide médicale de l’État est incroyable : nous ne pourrons pas nous en sortir si nous poursuivons ainsi. Il faut dépenser moins et dépenser mieux.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Ces amendements ont été adoptés du fait de l’absence de la minorité gouvernante. Ils sont utiles à la protection des enfants et des femmes. Nous n’avions pas d’autre choix que de les placer dans cette mission, parce que ce n’est pas possible dans le PLFSS – ce qui montre le peu d’intérêt que le Gouvernement porte à ces questions depuis des années.
Nous sommes fiers d’avoir écarté les amendements proposés par le Rassemblement national concernant l’AME. Ils s’en servent d’épouvantail, mais ils savent très bien qu’elle ne représente que 0,47 % du budget et que sa disparition ne changerait rien à la situation de la sécurité sociale. Nous voterons ce budget avec enthousiasme.
Mme Sophie Mette (Dem). Même si nous pouvons soutenir certains amendements concernant l’AME ou la protection des femmes et des enfants, une telle augmentation non financée du budget, qui s’élève désormais à 1,5 milliard, constitue un réel dérapage. Nous voterons contre.
M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons est défavorable à l’adoption de ces crédits car nous avons manqué de sagesse dans le vote des amendements.
M. Nicolas Sansu (GDR). Le groupe GDR votera les crédits de cette mission. Je note que le Nouveau Front populaire mobilise ses troupes, ce qui n’est pas le cas du « socle commun » – même si M. Amiel est de permanence. Il serait bien qu’un véritable débat ait lieu.
Je suis en outre très satisfait que l’on n’ait pas affadi l’aide médicale de l’État, qui est un dispositif absolument essentiel.
M. le président Éric Coquerel. Le fait que nous ayons voté plusieurs amendements d’appel soulève la question de la possibilité de voter des amendements de crédits dans le cadre du PLFSS. Nous avons voté des augmentations disproportionnées parce que nous sommes coincés par cette limitation de l’initiative parlementaire.
La commission adopte les crédits de la mission Santé modifiés.
Après l’article 64
Amendements identiques II-CF2837 de Mme Véronique Louwagie et II-CF133 de M. Philippe Juvin ; amendements II-CF2483 et II-CF2484 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune)
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Mes amendements visent à limiter le panier de soins de l’AME notamment aux soins urgents et concernant des pathologies sévères.
M. Philippe Juvin (DR). Il ne s’agit pas de remettre en cause l’AME mais de retirer du panier de soins la liste des affections prises en charge au bout de neuf mois, et d’appliquer à ses bénéficiaires la franchise des actes et médicaments applicable à tout allocataire de l’aide sociale. Même ainsi, le panier de soins de l’AME reste très supérieur à la moyenne européenne.
M. Matthias Renault (RN). Nous voterons pour ces amendements, qui correspondent à notre programme. Ce panier de soins réduit est déjà effectif pour les quelques personnes en situation irrégulière et qui ne sont pas bénéficiaires de l’AME que nos hôpitaux prennent en charge.
La réforme de l’AME avait été promise à l’issue de la loi « immigration » par Élisabeth Borne. Quant à Michel Barnier, on ne sait pas trop : selon lui, il n’y aurait ni tabou, ni totem… Il serait bon de savoir s’il prévoit un véhicule législatif pour réformer l’AME.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2835 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Il s’agit de rendre certaines données plus transparentes. Nous n’avons pas d’informations sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME, ni sur la nature des soins prodigués en fonction de la nationalité. Or ces éléments existent pour les demandeurs d’asile : leur recueil ne pose donc pas de difficulté juridique. Cela nous permettrait de lutter contre la fraude et d’assurer une meilleure transparence sur ce sujet.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-CF2501 de Mme Véronique Louwagie est retiré.
Amendement II-CF2507 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Il s’agit de demander un rapport sur l’extension à de nouvelles pathologies de l’éligibilité au dispositif Aeras, afin d’améliorer l’accès à l’assurance emprunteur des personnes qui ont été malades.
La commission adopte l’amendement.
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM)
– M. Sébastien Leloup, directeur ; M. Cyrille Jolivel, directeur adjoint ; M. Denis Casanova, directeur des ressources ; M. Christophe Le Gallo, président du collège dépakine ; Mme Véronique Deruel-Valleray, responsable du service valproate / benfluorex
Caisse nationale de l’Assurance Maladie (CNAM)
– M. Thomas Fatôme, directeur général ; Mme Manon Chonavel, directrice de cabinet ; Mme Fanny Richard, directrice de l’intervention sociale et de l’accès aux soins au sein de la direction déléguée aux opération ; Mme Véronika Lenvendof, chargée des relations avec le Parlement
Rapport de décembre 2023 sur l’aide médicale de l’état (AME)
– M. Claude Évin, ancien ministre de la santé
– M. Patrick Stefanini, conseiller d’État honoraire
Direction des Affaires juridiques des ministères sociaux
– M. Thomas Breton, sous-directeur du contentieux de la direction des affaires juridiques des ministères sociaux ; M. Mathieu Sarda, adjoint au sous-directeur du contentieux ; M. Thierry Pendezec, adjoint au chef du bureau de la médiation et de l’indemnisation
Direction de la Sécurité sociale (DSS)
– Mme Marion Muscat, sous-directrice de la direction de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail ; Mme Sophia Bouzid, cheffe de bureau de la direction accès aux soins et prestations de santé ; Mme Éva De Almeida, chargée d’étude statistique de la direction économie de la santé ; M. Thomas Ramilijaona, sous-directeur de la direction du financement de la Sécurité sociale ; Mme Nathalie Gouge, adjointe au cheffe de bureau de la direction synthèse financière ; M. Matthieu Lefebvre du Prey, chargé de mission de la direction synthèse financière ; Mme Claire Plouhinec, adjointe au chef de bureau de la direction économie de la santé
Direction générale de la santé (DGS)
– Mme Sarah Sauneron, directrice générale adjointe de la santé ; M. Émilien Roger, sous-directeur en charge de l’appui au pilotage et des ressources ; Mme Kadija Brahmi, cheffe du bureau budget et performance
Observatoire de l’immigration et de la démographie
– M. Nicolas Pouvreau-Monti, directeur général ; M. Grégoire Daubigny, directeur des études et des relations parlementaires
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([1]) La liste des programmes figure dans l’annexe budgétaire Prévention en santé.
([2]) Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
([3]) Ce montant estimatif de 130 millions d’euros résulte des moindres crédits disponibles du fait de l’annulation de 50 millions d’euros sur le programme 183 au début de l’année 2024 et de la surconsommation évoquée plus haut, de l’ordre de 80 millions d’euros.
([4]) Ce plafond mentionné au 1° de l’article L. 861-1 du code de la Sécurité sociale varie selon le lieu de résidence et la composition du foyer et est actualisé le 1er avril de chaque année.
([5]) Le panier de soins de l’AME de droit commun comporte un nombre limité de restrictions. Sont exclus de son périmètre : 1) les frais relatifs aux cures thermales ; 2) les actes techniques et les examens de biologie médicale spécifiques à l’assistance médicale à la procréation et les médicaments et produits nécessaires à leur réalisation ; 3) les médicaments dont le service médical rendu a été classé comme faible. Par ailleurs, depuis le 1er décembre 2020, l’accès à certaines prestations réalisées en établissement de santé et à certains actes réalisés par des professionnels de santé exerçant en ville est subordonné au respect d’un délai de carence de neuf mois auquel il peut être cependant dérogé par une demande de prise en charge visant à obtenir l’accord préalable du service du contrôle médical de l’organisme d’assurance maladie.
([6]) Au terme de ce délai de trois mois, un demandeur d’asile bascule dans la protection universelle maladie.
([7]) Les « consommants » sont les bénéficiaires pour lesquels une dépense de santé a pu être imputée au cours d’un trimestre.
([8]) Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, octobre 2019.
([9]) Article 264 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
([10]) Décret n° 2019-1531 du 30 décembre 2019 relatif à la condition de résidence applicable aux demandeurs d’asile pour la prise en charge de leurs frais de santé.
([11]) Chiffre communiqué par la direction de la Sécurité sociale en réponse au questionnaire budgétaire.
([12]) Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, octobre 2019.
([13]) Claude Évin et Patrick Stefanini, Rapport sur l’aide médicale de l’État, décembre 2023.
([14]) Le nombre de séances de dialyses pour des étrangers en situation irrégulière au titre de l’AME « soins urgents » est ainsi, d’après le rapport de MM. Évin et Stefanini (p. 58), en très forte hausse entre 2021 et 2022 (+ 118 %), sans commune mesure avec la progression constatée pour les bénéficiaires de l’AME de droit commun (+ 20 %).
([15]) Réponse au questionnaire budgétaire.
([16]) Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, octobre 2019, pages 14 et 20.
([17]) Dont la liste est fixée par voie réglementaire à l’article R251-3 du code de l’action sociale et des familles.
([18]) Réponse à une question budgétaire.
([19]) Selon une étude de l’IRDES de juillet 2023, il existe un lien entre la durée de couverture par l’AME et le niveau d’intégration dans le système de santé, ce qui implique une progression des coûts moyens pour les bénéficiaires les plus anciennement affiliés.
([20]) Cour de cassation, arrêts du 20 janvier 2023 (n° 20-23.673 et n° 21-23.947).
([21]) Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociales, Consolider l’indemnisation publique dans le champ de la santé – Enjeux et modalités du rapprochement entre le FIVA et l’ONIAM, janvier 2021.
([22]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2023 de la mission Santé.
([23]) Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.
([24]) 1 104 dossiers mettent en cause les vaccins Pfizer/BioNTech-Comirnaty, sur un total de 1 607 dossiers mettant en cause un vaccin (35 dossiers ne comportent pas l’information du vaccin mis en cause, et 1 dossier porte sur des dommages consécutifs au geste vaccinal et non sur le vaccin lui-même).
([25]) Oniam, rapport d’activité 2020, page 46.
([26]) Décret n° 2024-124 du 21 février 2024.
([27]) Birth Defects Research, transgenerational adverse effects of valproate? A patient report from 90 affected families, 2022.
([28]) Ce poste recouvre les dépenses prévention des infections sexuellement transmissibles - virus de l’immunodéficience humaine, interruption volontaire de grossesse - contraception et les programmes sur les hépatites virales et la tuberculose.
([29]) Le transfert du financement de l’ANSES à l’assurance maladie à hauteur de 156,10 millions d’euros€ a eu lieu en 2020. Son financement par le P204 n’est que subsidiaire.
([30]) Le fonds est financé pour partie par des contributions des régimes accidents du travail et maladies professionnelles et pour partie par une fraction de la taxe sur la vente des produits phytopharmaceutiques.
([31]) Cette action avait été introduite dans la maquette budgétaire du programme 379 par voie d’amendement lors de la deuxième lecture du projet de loi de finances pour 2024 à l’Assemblée nationale.
([32]) La proposition de transformation de l’AME en une aide médicale d’urgence recentrée sur la prise en charge de la prophylaxie et du traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive constituait l’article 2 de la proposition de loi visant à réformer l’accès aux prestations sociales des étrangers, présentée dans le cadre de la procédure du référendum d’initiative partagée, prévue à l'article 11 de la Constitution, par des députés et des sénateurs du groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’article 1er de cette proposition de loi a cependant été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2024-6 RIP rendue le 11 avril 2024. Pour ce motif, la procédure a été interrompue et le principe de transformation de l’AME en une AMU n’a pas pu faire l’objet d’un recueil du soutien des électeurs, préalable à une éventuelle approbation par voie référendaire.
([33]) Les trois recommandations de nature législative du rapport Évin – Stefanini dont la mise en œuvre n’est pas proposée concernent :
– l’organisation à l’arrivée en France d’un bilan de santé pour les demandeurs d’asile et les primo-bénéficiaires de l’AME ;
– l’inclusion des bénéficiaires de l’AME dans des dispositifs de l’assurance maladie promouvant la prévention et facilitant l’organisation des parcours de soins coordonnés ;
– l’informatisation de la carte AME. Sur ce point, Mme Louwagie est favorable à cette recommandation. Cependant, selon la direction de la sécurité sociale, cette recommandation a déjà fait l’objet d’une lettre de mission dont il est préférable d’attendre les conclusions avant de proposer une évolution législative.
([34]) Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, L’assiette des ressources et la période de référence des prestations, Minima sociaux et prestations sociales, édition 2021, pp. 88-96. La DREES est une direction de l’administration centrale des ministères sanitaires et sociaux agissant sous la tutelle de plusieurs ministères.
([35]) Le dispositif des soins urgents est régi par l'article L. 254-1 du CASF disposant que « les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître et qui sont dispensés par les établissements de santé aux étrangers résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale et qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide médicale de l'État en application de l'article L. 251-1 ainsi qu'aux demandeurs d'asile majeurs qui ne relèvent pas du régime général d'assurance maladie sont pris en charge dans les conditions prévues à l'article L. 251-2. Une dotation forfaitaire est versée à ce titre par l'État à la Caisse nationale de l'assurance maladie ».
([36]) Cette modification de l'article L. 251-1 du CASF entraîne, par voie de conséquence, la modification de l'article L. 254-1 du même code.
([37]) Cette proposition n’a pas fait consensus au sein de la mission Évin – Stefanini.
([38]) Cette proposition n’a pas fait consensus au sein de la mission Évin – Stefanini.
([39]) Cet article 13 bis A résultait d’un amendement déposé par M. Laurent Marcangeli.