N° 468
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025
(n° 324),
TOME II
examen de la premiÈre partie conditions gÉnÉrales de l’Équilibre financier |
Volume 2
EXAMEN EN COMMISSION
Par M. Charles DE COURSON
Rapporteur général,
Député
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Pages
comptes rendus de l’examen des articles du projet de loi
Réunion du mercredi 16 octobre 2024 à 17 heures (article liminaire à article 3)
PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I - IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er Autorisation de percevoir les impôts existants
Article 3 Instauration d’une contribution différentielle sur les hauts revenus
Réunion du mercredi 16 octobre 2024 à 21 heures (après l’article 3)
Réunion du jeudi 17 octobre 2024 à 9 heures ([suite] après l’article 3)
Réunion du jeudi 17 octobre 2024 à 14 heures 30 ([suite] après l’article 3 à après l’article 7)
Article 4 Mise en place d’un partage avec les consommateurs des revenus du nucléaire historique
Article 5 Ajustements de la fiscalité applicable aux installations nucléaires de base
Réunion du jeudi 17 octobre 2024 à 21 heures (article 8 à après l’article 10)
Réunion du vendredi 18 octobre 2024 à 9 heures (article 11 à après l’article 13)
Article 11 Instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises
Réunion du vendredi 18 octobre 2024 à 14 heures 30 ([suite] après l’article 13 à après l’article 16)
Réunion du vendredi 18 octobre 2024 à 21 heures ([suite] après l’article 16 à article 23)
Réunion du samedi 19 octobre 2024 à 9 heures (article 24 à après l’article 32)
Article 28 Prorogation de l’expérimentation des clubs de jeux à Paris
A – Dispositions relatives aux collectivités territoriales
Réunion du samedi 19 octobre 2024 à 14 heures (article 33 à article 41)
B – Impositions et autres ressources affectées à des tiers
Article 33 Dispositions relatives à l’affectation de ressources à des tiers
C – Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux
Article 38 Relations financières entre l’État et la sécurité sociale
TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES
Article 41 et état A Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois
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comptes rendus de l’examen des articles
du projet de loi
Réunion du mercredi 16 octobre 2024 à 17 heures (article liminaire à article 3)
La commission examine la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
M. le président Éric Coquerel. Après avoir entendu, jeudi 10 octobre, Pierre Moscovici sur l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), puis, vendredi 11 octobre, au lendemain de la présentation du texte en Conseil des ministres, les ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, nous entamons cet après-midi l’examen en commission de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Un peu moins de 1 900 amendements ont été déposés pour cette lecture en commission. Il s’agit d’une diminution significative du nombre d’amendements, alors que plus de 3 000 amendements avaient été déposés l’an dernier. Nous ne retrouvons pas les niveaux du PLF pour 2023, mais nous pouvons néanmoins envisager un examen assez serein du texte en commission.
La proposition que j’avais faite aux différents groupes a été globalement suivie, la plupart d’entre eux s’en tenant au nombre maximal d’amendements que j’avais préconisé. Je ne nommerai pas les groupes qui n’ont pas tout à fait joué le jeu, ce n’est pas mon rôle, mais je leur demanderai de bien vouloir être succincts sur certains de leurs amendements afin d’équilibrer les choses.
Une fois décomptés les amendements irrecevables et ceux retirés par leur auteur avant la discussion, nous aurons à en examiner moins de 1 600, contre 2 400 l’an dernier.
Le taux d’irrecevabilité au titre de la méconnaissance de l’article 40 de la Constitution ou des exigences organiques s’établit à 11,3 %, un chiffre proche de ceux constatés ces deux dernières années.
Dans la mesure du possible et tout en respectant la logique du contrôle de la recevabilité financière, j’ai cherché, comme les années précédentes, à favoriser l’initiative parlementaire. Par exemple, dans le cas d’amendements prévoyant, pour gager l’affectation de tout ou partie d’un surcroît de taxation, des mécanismes de hausse de taux d’imposition à une personne publique déterminée, je n’ai pas considéré qu’il était nécessaire d’ajouter des gages de précaution complémentaires.
La nouvelle architecture de la première partie du projet de loi de finances, en vigueur depuis maintenant plusieurs années, est globalement bien maîtrisée, même si persistent quelques erreurs de lecture de la réforme organique de 2021, que j’avais déjà relevées les années passées.
La première erreur consiste à déposer des amendements visant à obtenir un rapport du Gouvernement en première partie du PLF. Leur place se trouve en seconde partie, car ils ont trait à l’information du Parlement sur les finances publiques, même lorsque la demande de rapport porte sur des mesures fiscales. Pas moins de 28 amendements étaient entachés de cette erreur – erreur qu’il sera facile à leurs auteurs de rectifier dans quelques jours.
Autre exemple de méconnaissance relative aux récentes réformes organiques, les amendements proposant d’instituer ou de modifier des dispositifs d’exonération de cotisations sociales ou d’impositions affectées à la sécurité sociale : depuis la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), ils ne peuvent être déposés que sur des lois de financement de la sécurité sociale si leur dispositif a une validité supérieure à trois ans. C’est la raison pour laquelle des amendements visant à réformer le régime d’imposition des plus-values immobilières et à modifier les modalités d’assujettissement de ces plus-values aux prélèvements sociaux ont été déclarés irrecevables. Il en est allé de même des amendements relatifs à la taxe sur les salaires. Au total, 9 amendements ont méconnu cette exigence de la LOLFSS, mais je répète qu’une durée de validité inférieure à trois ans assurerait leur recevabilité.
Évoquons également un aspect de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, qui produit ses pleins effets pour la première fois cette année. Désormais, l’affectation à un tiers d’une imposition de toutes natures ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité́ morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Ainsi, un amendement prévoyant une affectation nouvelle qui ne respecterait pas cette exigence pose un problème de recevabilité. C’est une question de principe importante qui m’a conduit à déclarer 12 amendements irrecevables.
Pour appliquer ce nouveau contrôle, je me suis efforcé de suivre une logique simple : lorsque la nature de la taxe est telle que l’on perçoit intuitivement son lien avec l’action de la personne publique, j’ai considéré que l’amendement était recevable. J’ai ainsi validé les amendements proposant de financer les services départementaux d’incendie et de secours au moyen d’une taxe additionnelle sur les contrats d’assurance, car ces derniers protègent contre le risque incendie, ou encore les amendements visant à financer l’audiovisuel public grâce à une contribution assise sur la détention d’un poste de télévision ou de tout autre récepteur de services audiovisuels.
À l’inverse, j’ai déclaré les amendements irrecevables lorsque le lien n’était pas intuitif, ou beaucoup trop ténu. Il en est par exemple allé ainsi des amendements visant à faire financer l’Agence française de développement par la taxe sur les transactions financières.
De façon plus générale, j’ai été contraint de déclarer irrecevables les 60 amendements qui visaient à réduire les recettes d’une personne publique, mais qui n’étaient pas gagés. À cet égard, je précise que l’augmentation du plafond d’une taxe affectée à un organisme exige de prévoir un gage au profit de l’État, car les recettes que ce dernier peut espérer tirer de cette taxe s’en trouveraient ainsi diminuées. S’ils sont correctement gagés, les amendements en question pourront être redéposés en vue de l’examen du PLF en séance la semaine prochaine.
Par ailleurs, outre les 28 amendements visant à obtenir des rapports que j’ai évoqués, 18 autres ont été déposés à tort en première partie mais ont toute leur place en seconde partie. Ils pourront donc être redéposés sans difficulté.
Ne pourront en revanche bénéficier d’une seconde chance les amendements dépourvus de tout lien avec la loi de finances, c’est-à-dire les cavaliers budgétaires. Ils sont 48, relatifs par exemple aux règles régissant la commande publique, les plans d’épargne retraite ou encore le secteur de la production d’énergie.
Enfin, 49 amendements se sont heurtés à la jurisprudence de l’article 40 de la Constitution, c’est-à-dire à l’impossibilité d’augmenter une charge publique. Certains visaient à affecter une nouvelle recette ou un surcroît de recettes à une dépense précise. Un tel fléchage n’est pas autorisé, mais ces amendements pourraient être corrigés en n’affectant plus la recette à une dépense précise. D’autres pourraient être défendus sous la forme d’amendements de crédits, lors de l’examen de la seconde partie.
Sur les 211 amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 40 ou des exigences de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et de la LOLFSS, près des trois quarts pourraient donc être corrigés, soit en ajoutant un gage, soit en s’abstenant d’affecter un surcroît de recettes à une dépense précise, soit en les déposant sur la seconde partie, soit en les bornant dans le temps.
Enfin, certains amendements n’ont pu être déclarés recevables car ils concernaient des articles déjà abrogés ou d’ordre réglementaire. Il s’agit là de malfaçons légistiques qui pourront également être corrigées par leurs auteurs d’ici à l’examen du texte en séance publique.
Je reviens un instant sur le problème des taxes dont le produit ne peut être affecté qu’à un tiers dont la mission est en lien avec leur objet. Comme vous le savez, nous examinerons prochainement une proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, laquelle prévoit de modifier la LOLF pour introduire une exception à l’obligation de lien entre une imposition et son bénéficiaire. Si certains collègues estimaient que nous avons eu une interprétation trop restrictive de cette obligation, il serait toujours possible de proposer une autre modification de la LOLF par amendement sur cette question.
Au total, 1 570 amendements sont à examiner pour cette première partie. Je propose que leurs auteurs se limitent à une minute pour les présenter et que la défense d’amendements identiques ou similaires soit très succincte. Sauf débat important, je suggère également qu’au maximum un député pour et un député contre chaque amendement s’expriment. Nous aurons besoin des efforts de tous pour tenir les délais impartis. Si chacun se montre responsable, il n’est pas interdit d’espérer finir dans les temps.
M. Philippe Brun (SOC). Je souhaite faire deux remarques au nom du groupe socialiste.
La première porte sur l’interprétation assez restrictive qui a été faite de l’article 2 de la LOLF concernant le lien qu’il doit y avoir entre l’assiette d’une taxe et son affectation. En effet, notre amendement visant à affecter une partie du produit des taxes sur les paris sportifs à l’Agence nationale du sport a été déclaré irrecevable, alors qu’il existe selon nous une corrélation évidente entre les paris sportifs et le sport.
La seconde a trait au terme du délai de dépôt des amendements pour l’examen du texte en séance publique, actuellement fixé au jeudi 17 octobre à dix‑sept heures. En effet, l’outil informatique ne permet pas de redéposer automatiquement un amendement tant qu’il n’a pas été discuté en commission. Pourriez-vous débloquer cette possibilité ou prolonger le délai de dépôt ? Sans quoi nos collaborateurs seront contraints de redéposer les amendements à la main, ce qui représente un travail considérable.
M. le président Éric Coquerel. Le délai de dépôt devrait pouvoir être reporté à samedi, dix-sept heures, ce qui impose tout de même de tenir le rythme que j’ai évoqué.
Quant à la disposition de la LOLF que vous évoquez, je m’interroge moi aussi. Il est très difficile de définir ce qui est un lien direct et ce qui ne l’est pas. Par exemple, il ne me semble pas totalement inconsidéré de penser qu’il y en a un lien entre la taxe sur les transactions financières, c’est-à-dire sur le libre-échange, et l’aide au développement ; en revanche, le Gouvernement, dans son texte, a estimé que ce n’était pas le cas, et il serait intéressant de savoir ce qu’en a pensé le Conseil d’État. J’ai pour l’heure considéré qu’il fallait s’en tenir à la lecture proposée dans le texte, mais je me réserve la possibilité de changer d’avis le cas échéant.
Amendements I-CF1796 de M. Mathieu Lefèvre et I-CF1620 de M. Charles Sitzenstuhl
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Mon amendement vise à appeler l’attention du rapporteur général et du Gouvernement sur la nécessité de faire des efforts sur l’année 2024, et pas seulement sur le prochain exercice. Des décisions peuvent encore être prises, comme l’annulation de tout ou partie de la réserve de précaution, ou le non-dégel de certains crédits. Des mesures réglementaires peuvent aussi être prises pour réduire la dépense sociale, comme le non-remboursement des tests covid réalisés sans ordonnance. Enfin, des propositions faites par la précédente majorité pourraient être concrétisées : je pense à la révision de la contribution sur les rentes inframarginales que défendait Jean-René Cazeneuve, ou encore à l’application dès cette année de la taxe prévue à l’article 26 du présent PLF. Si toutes les mesures sont prises, notre déficit public sera vraisemblablement inférieur à 6 % du PIB en 2024.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Dans la même ligne, mon amendement tend à poursuivre la discussion que nous avons eue avec les ministres au sujet d’un possible projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2024. À l’instar de l’ancien ministre des finances, qui sera certainement auditionné par la commission d’enquête sur les prévisions fiscales dont nous venons de valider le principe, j’estime que ce PLFR est nécessaire. Comme mon collègue Lefèvre, je rappelle que l’année 2024 n’est pas terminée et qu’un tiers de l’exercice relève de la gestion du gouvernement de Michel Barnier. Je l’appelle à agir, car il ne faut pas laisser filer les comptes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je reconnais qu’il n’est pas très logique d’examiner l’article liminaire dès maintenant, il devrait être vu après l’article d’équilibre. Quoi qu’il en soit, ce projet de loi de finances porte sur l’année 2025. Vos propositions de dégager respectivement 6 milliards et 3 milliards d’euros d’économies supplémentaires ne sont donc qu’un souhait, une invitation au Gouvernement. Vous pourrez les formuler lors de la discussion générale en séance. Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Mon groupe soutiendra ces amendements, qui sont un hommage, quoique tardif, de nos collègues Lefèvre et Sitzenstuhl à la demande de PLFR que nous avions formulée au printemps dernier. En effet, contrairement à ce qu’en dit le commentaire médiatique, le Rassemblement national, comme d’autres observateurs, à l’instar du rapporteur général du budget au Sénat Jean-François Husson et de certains économistes, avait souligné que le budget déraillait. Je regrette qu’à l’époque tous nos adversaires n’aient vu dans cette alerte que de la politique politicienne. Il arrive aux partis d’opposition de se montrer responsables, et nous étions allés jusqu’à déposer une motion de censure pour ce motif. Il est vraiment dommage que seul le Rassemblement national ait porté ce sujet à la connaissance du public, mais mieux vaut tard que jamais : il est encore temps de faire des économies.
M. le président Éric Coquerel. Je tiens à préciser que, contrairement à ce que vient de dire M. Tanguy, tous les groupes d’opposition, ainsi que certains groupes de la majorité et même Bruno Le Maire, ont appelé de leurs vœux un PLFR pour 2024.
La commission adopte l’amendement I-CF1796.
En conséquence, l’amendement I-CF1620 tombe.
Amendement I-CF1633 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Cet amendement a pour objet de mettre en cohérence l’objectif de déficit affiché par le Gouvernement, à savoir 5 % en 2025, avec l’article liminaire qui, lui, indique le chiffre de 5,2 %. Comme nous sommes tous d’accord pour vouloir un déficit de 5 %, autant l’écrire dès à présent. De cette manière, nous indiquerions au Gouvernement que nous soutenons les efforts complémentaires qui seront faits pour y parvenir, notamment en matière de réduction de la dépense publique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Comme vous le savez, le Gouvernement a inscrit le chiffre de 5,2 % tout en annonçant un objectif de 5 %. Nous n’avons pas encore le détail, mais 5 milliards d’euros de réduction de crédits doivent encore être proposés en deuxième partie, ainsi que 1,5 milliard d’euros d’augmentation de recettes en première partie. La logique serait donc d’attendre la fin de l’examen de l’ensemble du texte et les amendements de coordination du Gouvernement pour voir si ces sommes ont bien été ajoutées. C’est pourquoi je donne un avis défavorable à cet amendement. J’ajoute que, contrairement aux deux amendements précédents, il a une portée juridique. Attendons donc le bon moment.
M. le président Éric Coquerel. Puisque personne ne désire s’exprimer sur cet amendement, sachez que j’y suis défavorable. Vu la manière dont le Gouvernement entend réduire les déficits, principalement en pesant sur la dépense publique, je ne crois pas raisonnable de fixer un objectif encore plus rigoureux. Je vois bien quelles seraient les conséquences d’une nouvelle diminution.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le groupe DR soutiendra cet amendement, car nous partageons l’objectif de conduire le déficit en dessous de 5,2 %. Le président du HCFP, Pierre Moscovici, nous a alertés sur le fait qu’il ne fallait pas dépasser les 5 % du PIB en 2025 si nous souhaitions repasser sous le seuil des 3 % en 2029. Un tel amendement nous aiderait à sortir de la spirale de la dette.
J’en profite pour rappeler à notre collègue Tanguy que nous aussi avions demandé le dépôt d’un PLFR au printemps, comme d’autres groupes encore.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1636 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). J’appelle votre attention sur le fait que, selon le HCFP, ce PLF fait porter l’ajustement budgétaire à hauteur de 70 % sur l’effort fiscal, contre 30 % pour la baisse des dépenses. Le dernier choc fiscal d’une telle ampleur remonte à 2012. Or une hausse d’impôts de 30 milliards d’euros a forcément des conséquences sur l’emploi, l’attractivité et la compétitivité du pays. Le Gouvernement et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) s’attendent d’ailleurs à ce que ces mesures fiscales aient un impact récessif. Cet amendement d’appel propose de rééquilibrer les choses, avec davantage d’efforts sur la réduction des finances publiques et moins sur la hausse des impôts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce point a été longuement discuté lors de l’audition du président du HCFP. Pour le Gouvernement, deux tiers des 60 milliards d’euros d’économies reposent sur la réduction des dépenses et un tiers sur des recettes supplémentaires. Il fonde ses calculs sur un raisonnement tendanciel – sauf qu’en réalité, selon le Haut Conseil, la répartition serait plutôt de 50-50. Mais si l’on raisonne par rapport à l’année précédente, en structurel, l’augmentation de 0,8 point du taux de prélèvements obligatoires et de 0,3 point de la dépense conduit à considérer que l’effort repose pour deux tiers sur les recettes et pour un tiers sur les dépenses. C’est un débat que nous aurons avec le Gouvernement.
Cela rappelé, je donne à cet amendement un avis défavorable parce que l’incidence qu’aurait son adoption sur les soldes n’a pas été prise en compte de façon cohérente.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je soutiens cet amendement et m’étonne, monsieur le président, de vous entendre dire, comme le Gouvernement, que l’effort reposera principalement sur la baisse des dépenses. Le rapporteur général vient de rappeler que c’était inexact, comme le souligne aussi la Cour des comptes. En réalité, l’effort reposera principalement sur des hausses d’impôts massives, qui auront un impact négatif sur l’économie et la croissance, et les baisses de dépenses seront bien inférieures à ce qui a été annoncé.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Vous exagérez, collègues, lorsque vous criez au choc fiscal sous prétexte que l’on voit enfin l’amorce d’une taxation des plus hautes fortunes. En réalité, ce sont les classes moyennes et populaires qui supportent l’essentiel : passer de 163 à 217 milliards de recettes de TVA en sept ans de présidence Macron, ça c’est un choc fiscal ! Si vous montez au créneau lorsqu’il s’agit des plus riches, pourquoi ne le faites-vous pas pour défendre les classes populaires ?
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Mon amendement ne manque pas de cohérence, monsieur le rapporteur général, puisque la baisse prévue des taux de prélèvements obligatoires s’équilibre avec celle des dépenses publiques.
Mme Eva Sas (EcoS). Notre groupe est défavorable à l’amendement et considère que ce PLF ne constitue pas un choc fiscal, bien au contraire. Les gouvernements macronistes ont œuvré pendant des années au désarmement fiscal de la France, si bien que le déficit atteint aujourd’hui 6,1 % du PIB. Nous ferons des propositions visant à renforcer l’impôt sur les plus grandes entreprises et sur les plus riches, car le PLF ne va pas assez loin en ce sens : la contribution sur les hauts revenus, par exemple, ne porte pas sur le patrimoine, alors que c’est là qu’il faut aller chercher de nouvelles recettes.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Monsieur Guiraud, si vous corrigez vos chiffres de la croissance du PIB et de l’inflation, vous verrez que la TVA représente aujourd’hui à peu près la même part de l’ensemble des recettes qu’il y a sept ans.
Je partage l’objectif de Mathieu Lefèvre : la priorité de notre groupe sera de baisser la dépense, alors que le taux de prélèvements obligatoires est beaucoup trop important. Mais modifier le tableau de l’article liminaire aujourd’hui revient à mettre la charrue avant les bœufs. Réduisons d’abord le choc fiscal et le niveau des dépenses.
M. Matthias Renault (RN). Notre groupe votera cet amendement. Je constate que nos collègues macronistes considèrent, à l’inverse du Gouvernement, mais comme le HCFP, que l’essentiel de l’effort reposera sur la fiscalité et non sur la baisse des dépenses. Ils appellent, comme nous le ferons aussi, à réduire le taux des prélèvements obligatoires. Manifestement, la copie présentée ne convient pas à certains d’entre eux.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’article liminaire devrait se trouver à la fin du texte, dans la mesure où la discussion budgétaire va conduire à un réajustement des soldes.
Notre groupe est très favorable à une baisse de la dépense publique. Mais force est de constater que les collègues qui la défendent aujourd’hui l’avaient très peu pratiquée entre 2023 et 2024, alors qu’ils étaient dans la majorité.
Par ailleurs, la répartition entre dépenses et recettes n’est pas si claire. Le HCFP considère que la réduction des exonérations de cotisations employeurs constitue un impôt supplémentaire, alors que c’est en réalité une baisse de dépenses pour l’État. Le débat s’en trouve biaisé. Notre groupe est donc défavorable à cet amendement.
M. Michel Castellani (LIOT). Ce débat est intéressant, mais aucune solution ne s’impose sur le plan macroéconomique : l’augmentation de la fiscalité et la réduction de la dépense publique ont toutes deux un effet récessif. Sur le plan social en revanche, la justice du système dépend de la répartition de l’impôt et du fléchage des dépenses publiques. Je n’ai pas d’avis tranché dans le débat qui nous occupe.
M. le président Éric Coquerel. Je voterai contre cet amendement, non seulement pour des raisons de fond, mais parce que je suis en désaccord avec la façon dont le HCFP estime que l’effort est réparti – 70 % pour les hausses d’impôts et 30 % pour les baisses de dépenses. Il s’appuie en effet pour cela sur une lecture biaisée du solde structurel. Il y inclut par exemple les 8 milliards d’euros supplémentaires que verseront les grandes entreprises pendant un an, alors que, d’après les textes, cette somme ponctuelle et temporaire devrait en être exclue. En revanche, le report de la mesure concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises n’est pas considéré comme ce qu’il est, à savoir la non-application d’une décision antérieure. Il me semble donc que l’on oriente dans un sens des données qui mériteraient d’être discutées.
Le raisonnement sur lequel s’appuie le Gouvernement me semble beaucoup plus juste. Nous avons refait les calculs et à aucun moment nous ne sommes parvenus à une répartition à 70-30, ni même à 50-50. La répartition semble plus proche en réalité de 60 % de baisses des dépenses et 40 % de hausse de la fiscalité. Si l’on inclut dans les recettes la réduction des exonérations des cotisations employeurs dont parlait Mme Dalloz, 5 milliards d’euros passeront d’un côté à l’autre, mais en aucun cas le rapport entre les deux ne s’inversera.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une baisse de 0,8 point des taux de prélèvements obligatoires, comme proposé dans l’amendement, correspond à 24 milliards d’euros, soit plus que l’ensemble des hausses d’impôts proposées par le Gouvernement dans la première partie du PLF. Cela signifie, monsieur Lefèvre, que vous devez voter contre toutes ces augmentations. Quant à la baisse de 0,5 point de la dépense publique, elle correspond à 15 milliards d’euros : il subsisterait donc un différentiel de 9 milliards d’euros, qui dégraderait le déficit de 0,3 point.
M. Éric Woerth (EPR). Si nous triturons trop l’article liminaire, il va falloir une commission d’enquête pour comprendre l’origine des écarts par rapport aux prévisions ! Soyons donc prudents : les soldes figurant dans le tableau de l’article liminaire sont une conséquence des dispositions du PLF, pas une cause.
Il me semble que la répartition annoncée par le Gouvernement est la bonne. Le fait qu’il raisonne en tendanciel est très classique, même si le Haut Conseil procède différemment. À un détail près – l’augmentation des charges des entreprises correspond plutôt à une augmentation des prélèvements obligatoires qu’à une réduction de la dépense publique –, la réduction des dépenses doit peser pour 60 à 65 % dans l’effort, et l’augmentation des recettes pour 30 à 35 %.
M. le président Éric Coquerel. J’observe avec plaisir que nous nous rejoignons sur ce sujet !
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1634 et I-CF1635 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je retire ces deux amendements, qui renvoient au même débat. Je voudrais simplement souligner, monsieur le rapporteur général, que l’article liminaire englobe toutes les administrations publiques et qu’il ne se réfère pas uniquement à la première partie de la loi de finances. L’argument que vous venez de m’opposer n’est donc pas valable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce que j’ai dit, c’est que vos 24 milliards d’euros de baisses d’impôts dépasseraient les hausses d’impôts prévues par le Gouvernement en première partie, sur le seul budget de l’État. Je constate d’ailleurs que vous avez déposé de nombreux amendements visant à supprimer ce qu’il propose.
Les amendements sont retirés.
Amendement I-CF1494 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Cet amendement vise, dans un souci de cohérence, à supprimer de l’article liminaire les 5 milliards d’euros de réduction de dépenses que le Gouvernement présentera par voie d’amendement en seconde partie mais qui n’existent pas en l’état.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En réalité, le Gouvernement a annoncé ces 5 milliards mais ne les a justement pas intégrés au tableau – raison pour laquelle le solde s’affiche à 5,2 % du PIB et non 5 %. Cela suppose que nous votions l’ensemble de ses amendements en faveur d’une réduction des dépenses en deuxième partie. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article liminaire modifié.
PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I - IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A – Autorisation de perception des impôts et produits
Amendement I-CF1876 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à obtenir dès aujourd’hui de la part du Gouvernement des précisions sur la nature juridique du prélèvement prévu à l’article 64, qui sera effectué sur le montant des impositions versées aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, aux départements et aux régions dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l’année 2023 sont supérieures à 40 millions d’euros. D’après le Gouvernement, les 3 milliards d’euros ainsi prélevés seront placés dans un fonds dit de résilience en 2025 et ce sont les élus locaux qui, l’année suivante, définiront les règles selon lesquelles tout ou partie de cette somme sera rendu aux collectivités et EPCI. Il s’agit là d’un “Ofni”, un objet financier non identifié !
M. Éric Woerth (EPR). J’ai travaillé par le passé sur l’idée, lorsque les recettes tirées de l’imposition sont en forte croissance, de les écrêter, au profit d’une sorte de fonds de réserve, afin d’atténuer les effets de cycle. Le Gouvernement présente un dispositif un peu différent, élaboré sans doute sous le coup de l’urgence. Il me semble qu’il faudra plutôt envisager, d’ici un ou deux ans, la création d’une forme d’auto-assurance des collectivités fondée sur la dynamique de la fiscalité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Éric Woerth a raison : ce dispositif aurait un sens si les recettes étaient dynamiques. Or ce n’est pas le cas. C’est donc un objet étrange. Je vous invite à voter cet amendement afin que le Gouvernement nous éclaire dès maintenant sur ce prélèvement.
Mme Véronique Louwagie (DR). Notre groupe votera en faveur de cet amendement : nous ne pouvons que partager ce souci de transparence.
La commission adopte l’amendement I-CF1876.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Amendement I-CF1637 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). En faisant le choix d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu (IR) sur l’inflation, le Gouvernement protège le pouvoir d’achat des Français qui y sont assujettis. Je m’interroge néanmoins sur la raison pour laquelle le taux retenu est de 2 %, alors que l’inflation devrait atteindre 2,1 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le rapport économique, social et financier préparé par la direction générale du Trésor prévoit bien une évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac de 2 % en 2024, en ligne avec les prévisions de l’Insee de septembre dernier. Or, dans sa note de conjoncture du 10 octobre, l’Insee revoit cette prévision à 1,8 % en glissement annuel. Il est de coutume que soit retenue la prévision de septembre – celle qui figure dans le rapport –, même si dans le cas présent elle est en réalité plutôt généreuse.
Les revalorisations indifférenciées pour toutes les tranches visent à maintenir la neutralité du barème par rapport à l’inflation. Les revenus des plus fortunés ne sont souvent pas soumis aux dernières tranches du barème, leur impôt étant minoré au moyen de divers leviers. Plutôt que de modifier le niveau d’imposition de ces tranches, il me semble préférable de se concentrer sur la nouvelle contribution différentielle sur le revenu, en l’améliorant. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques I-CF10 de M. Emmanuel Maurel, I-CF734 de Mme Marianne Maximi, I-CF1128 de M. Michel Castellani et I-CF1682 de M. Karim Benbrahim
M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement vise à désindexer les seuils des deux dernières tranches de l’impôt sur le revenu, dans le but de demander une contribution supplémentaire aux personnes qui perçoivent plus de 6 800 euros par mois ; de mémoire, 98 % des salariés gagnent moins. Notre groupe souhaite aussi attirer l’attention sur le fait que le périmètre de la troisième tranche, à 30 %, qui couvrait en 2024 les revenus allant de 28 000 à 82 000 euros, nuit à la progressivité de l’impôt.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Emmanuel Macron soulignait lui-même en avril dernier que notre pays manquait de recettes : nous vous en proposons donc une nouvelle. Dans la mesure où, selon M. Cazeneuve, l’augmentation des recettes de TVA liée à l’inflation n’est pas une augmentation d’impôt, nous vous proposons d’appliquer aux plus riches de ce pays ce qui n’est pas une augmentation d’impôt mais une simple désindexation des deux dernières tranches de l’IR. Cela concernerait les 1,5 % de la population qui gagnent plus de 7 000 euros par mois. Je rappelle que, si l’on considère l’ensemble de leurs contributions, les milliardaires ne sont pas imposés à plus de 2 %. Ils pourraient donc participer davantage, ce qui nous permettrait de récupérer 200 millions d’euros. C’est une question de justice fiscale.
M. Michel Castellani (LIOT). Dans une logique d’équilibrage des comptes publics et de solidarité nationale, nous n’estimons pas nécessaire d’indexer sur l’inflation les deux tranches les plus élevées du barème de l’impôt sur le revenu.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Cette mesure n’est ni nouvelle – nous l’avions déjà proposée lors de précédents PLF – ni iconoclaste, puisque le Gouvernement lui-même l’avait envisagée dans un premier temps. Il s’agit d’indexer non pas toutes les tranches du barème sur l’inflation, mais certaines d’entre elles – les mesures ciblées sont d’ailleurs toujours préférables aux mesures générales – afin d’associer à l’effort les 1 % de contribuables concernés par les deux dernières tranches.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je partage votre avis sur la nécessité d’une participation des plus aisés au redressement des finances publiques, mais ces amendements n’ont pas leur place alors que nous nous apprêtons à débattre de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) prévue par le Gouvernement. En outre, la mesure que vous préconisez rapporterait d’autant moins que l’inflation serait faible, en tout cas pas plus de 200 millions d’euros. La contribution différentielle, quant à elle, rapporterait 2 milliards selon les prévisions du Gouvernement et se concentrerait sur une partie de la dernière tranche, c’est‑à‑dire sur 24 000 foyers fiscaux. Je suggère à la commission de ne pas voter ces amendements et de concentrer ses débats sur la CDHR.
M. David Amiel (EPR). Je partage cet avis. Il y a un écart considérable entre les déclarations tonitruantes en faveur de ces amendements et la réalité : on ne parle que de 200 millions d’euros, voire moins encore si certains des contribuables concernés quittaient notre pays ou changeaient d’activité. Cette mesure n’est donc pas à la hauteur du déficit public. Elle ne favoriserait pas non plus une plus grande progressivité de l’impôt. L’Institut des politiques publiques (IPP) montre très bien que l’impôt sur le revenu est extrêmement progressif dans notre pays et que le déficit de progressivité sur les très hauts revenus est lié aux possibilités d’optimisation de la fiscalité sur le capital : il ne serait donc pas réglé par une augmentation de la fiscalité sur le travail. C’est la raison pour laquelle notre groupe soutiendra, dans un objectif de justice fiscale, le dispositif d’imposition minimale proposée par le Gouvernement.
M. Philippe Brun (SOC). Je rappelle que le rendement total de l’IR dépasse 80 milliards d’euros : je ne pense pas que nous demandions un effort trop important aux contribuables qui s’acquitteront des 200 millions d’euros supplémentaires. Il ne me semble pas illogique, par ailleurs, d’instaurer une contribution différentielle sur les hauts revenus – dont nous proposerons de durcir les dispositions – et de désindexer dans le même temps les tranches supérieures comme nous le proposons depuis de nombreuses années.
M. le président Éric Coquerel. Je soutiens ces amendements. Nous examinerons prochainement un amendement relatif aux ultrariches, qui part d’un constat bien documenté sur l’écart qui existe entre les revenus de quelques milliers de personnes et les montants qu’elles déclarent aux impôts après transfert au titre des revenus professionnels. Mais là n’est pas la question pour ces amendements. Il s’agit de savoir qui doit fournir un effort, dès lors que nous estimons qu’un effort est nécessaire.
Je suis par exemple opposé à l’augmentation de la taxe sur l’électricité, qui concerne un bon nombre de nos concitoyens. Mais la disposition ici proposée, que la commission des finances a déjà votée l’an dernier, est ponctuelle et tient compte de la situation actuelle. Elle rapporterait 200 millions d’euros, guère moins que la taxation des rachats d’actions proposée par le Gouvernement. L’addition de mesures de ce type permettra d’aboutir à des sommes intéressantes. Je préfère donc que l’effort – en l’occurrence, 2 % d’impôt supplémentaires – porte sur les deux derniers déciles que sur une large part de nos concitoyens.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le dispositif concerne 1 million de familles, pour 100 à 200 millions de recettes. En retenant l’hypothèse la plus haute, cela représenterait une moyenne de 200 euros par famille : elles ne s’exileront pas pour cela !
Le vrai débat concerne la contribution qui vise les 24 000 familles ayant de très hauts revenus. L’année dernière, quand il n’était pas question de cette contribution, j’aurais voté cet amendement. Aujourd’hui je vous demande de ne pas le voter, afin que nous nous concentrions sur la CDHR.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Reconnaissez qu’entre la troisième et la quatrième tranche, le saut est important. Le taux marginal de la dernière tranche est de 45 %, auxquels s’ajoute la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), qui n’est pas indexée, soit une imposition totale de 49 %. En comparaison, le prélèvement forfaitaire unique au titre de l’impôt sur le revenu est de 12,8 %... Il me paraîtrait excessif de ne rien indexer du tout, mais il serait pertinent de moduler l’indexation sur les dernières tranches. C’est le sens de l’amendement que nous avions défendu l’année dernière.
M. Nicolas Ray (DR). Notre groupe est opposé au gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui aurait pour conséquence d’augmenter les impôts de tous les contribuables et de rendre imposables des personnes qui ne l’étaient pas jusqu’alors.
En toute cohérence, nous nous opposons également à ces amendements qui concernent les deux dernières tranches du barème : sachant qu’une contribution est prévue par ailleurs, ce serait brouiller le message. Nous suivrons plutôt la logique du Gouvernement, consistant à privilégier des hausses fiscales ciblées, temporaires et exceptionnelles.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le Rassemblement national a toujours souhaité rétablir un impôt sur les plus privilégiés, pour faire participer à leur juste part ceux qui ont la chance d’avoir des revenus plus élevés que les classes moyennes et populaires. Nous nous apprêtons à discuter de deux grands dispositifs : la contribution différentielle prévue par le Gouvernement et le rétablissement d’une forme d’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), que nous appelons IFF – impôt sur la fortune financière. Évitons de multiplier les dispositifs, d’autant que celui qui est proposé ici est vexatoire. Je ne suis pas favorable à la manipulation des indexations : quels que soient les montants, les contribuables perçoivent la chose comme un coup de Trafalgar assez malhonnête. Plutôt qu’un jeu mesquin sur les indexations, privilégions la clarté et un dispositif pérenne de participation des plus grandes fortunes à la solidarité nationale.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1155 de M. Michel Castellani
M. Michel Castellani (LIOT). En repli par rapport à l’amendement précédent, il s’agit de réviser la hausse des deux tranches supérieures du barème de l’impôt sur le revenu de seulement 1 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L'objectif des revalorisations indifférenciées pour toutes les tranches est de maintenir la neutralité du barème par rapport à l'inflation. Le taux intermédiaire que vous proposez rapporterait de 50 à 100 millions d’euros. En cohérence avec les arguments que j’ai déjà développés, j’y suis plutôt défavorable.
La commission rejette l'amendement.
L’amendement I-CF1156 de M. Jean-Pierre Bataille est retiré.
Amendement I-CF336 de M. Pierre Cordier
M. Corentin Le Fur (DR). La baisse du plafond de l’avantage fiscal lié au quotient familial, votée par les socialistes à leur arrivée au pouvoir en 2012, a pénalisé le pouvoir d’achat des familles, notamment de la classe moyenne. Or le taux de natalité et la démographie de notre pays sont préoccupants. Certes, les familles ne font pas des enfants pour percevoir un avantage fiscal, mais notre politique familiale doit reposer sur un principe fort : à revenu égal, la solidarité doit être plus soutenue envers les foyers qui ont des enfants qu’envers ceux qui n’en ont pas. Le projet de loi de finances doit défendre la famille.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En réalité, la revalorisation des plafonds du quotient familial ne bénéficiera pas aux classes moyennes mais aux foyers les plus aisés. Avec la réforme que vous proposez, en effet, il faudra que les revenus annuels d'un ménage avec trois enfants dépassent 73 000 euros pour que l’impôt du foyer fiscal baisse. Cette disposition serait en outre très onéreuse : porter le plafond à 2 750 euros coûterait 3,8 milliards, le porter à 2 400 euros coûterait 2,5 milliards. Vu la situation actuelle des finances publiques, j’y suis défavorable.
M. Philippe Brun (SOC). Je tiens à défendre la réforme du quotient familial de 2012 et le régime actuel. Auparavant, l’avantage fiscal était en moyenne de 490 euros pour les 10 % des ménages les plus pauvres, et de 3 800 euros pour les 10 % les plus riches. En d’autres termes, un enfant de pauvre valait 490 euros, et un enfant de riche 3 800 ! Les socialistes ont eu raison de plafonner les effets du quotient familial. Cette logique doit être maintenue, dans un souci de préservation des finances publiques et surtout de justice fiscale.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l’article 2 non modifié.
Amendement I-CF748 de Mme Marianne Maximi
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Puisque vous jugez insuffisants les 200 millions que rapporterait une augmentation de l’impôt des deux dernières tranches, nous vous proposons une refonte globale du barème de l’impôt sur le revenu, avec quatorze tranches progressives, permettant de dégager 5,7 milliards de recettes. Cela remédierait à l’injustice fiscale actuelle, qui fait peser l’effort essentiellement sur les classes moyennes. Je ne doute pas que cette proposition fasse consensus : qui pourrait refuser que les petits payent petit et que les gros payent gros ? Avec notre système, tous ceux qui gagnent moins de 4 000 euros net payeraient moins d’impôts, quand ceux qui gagnent plus payeraient progressivement plus d’impôts. Quand on sait que le patrimoine des 500 personnes les plus riches de France atteint 1 228 milliards, on peut introduire un minimum de justice fiscale, afin que ce ne soient pas toujours les plus pauvres qui payent.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement pose un problème de constitutionnalité. Dans votre dispositif, l’impôt sur le revenu des trois dernières tranches serait de 55 %, 65 %, 70 %. Si l’on y ajoute les 17,2 % de CSG et autres prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, les taux d’imposition respectifs seraient de l’ordre de 73 %, 83 % et 87 % : ce serait confiscatoire. Je rappelle que toute imposition supérieure à 70 % est annulée par le Conseil constitutionnel au nom de la défense du droit de propriété. Avis défavorable.
M. David Amiel (EPR). Encore une fois, la réalité de cet amendement et un peu loin des discours sur la contribution des plus riches. Dans le système actuel, les prélèvements, pris dans leur ensemble, sont extrêmement progressifs pour 99,9 % des Français. Ce sont les 0,1 % restants qui posent problème – les études de l’Institut des politiques publiques, que vous citez vous-même dans l’exposé sommaire de votre amendement, en attestent. Ce problème ne vient pas des revenus du travail, qui représentent une part dérisoire pour les plus fortunés, mais des revenus du capital, en particulier de la possibilité de minorer l’assiette soumise à l’impôt sur le revenu. C’est la raison pour laquelle la CEHR et la taxation minimale, que nous pourrons améliorer, sont plus pertinentes. En revanche, votre dispositif ne touchera pas ceux que vous prétendez viser.
M. Nicolas Sansu (GDR). Merci, monsieur Amiel, d’avoir expliqué que l’impôt sur le revenu des ultrariches doit prendre en compte leur patrimoine : j’en suis bien d’accord !
Cet amendement a le grand mérite d’introduire de la progressivité dans l’impôt. Le dispositif actuel en manque cruellement, puisque l’impôt sur les sociétés ne représente que 25 % du total des recettes fiscales de l’État. C’est un vrai problème. Si nous n’augmentons pas le nombre de tranches, il n’y aura pas de progressivité. C’est même l’inverse : quand vous gagnez 12 000 euros par an et que vous aussi, vous êtes imposé à hauteur de 45 % de vos revenus, en comptant les impôts, les cotisations, la TVA et les taxes diverses, où est la progressivité ? Or le consentement à l’impôt repose sur la progressivité du dispositif.
Cet amendement présente aussi la vertu de scinder la tranche comprise entre 28 000 et 82 000 euros, qui est bien trop large pour représenter la réalité du pays.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous ne voterons pas cet amendement, que nous jugeons anticonstitutionnel. Mais si sa forme finale n’est pas satisfaisante, il soulève toutefois la question essentielle de la progressivité de l’impôt, dont la commission devrait se saisir. Certaines tranches sont problématiques, en particulier celle qui va de 28 000 à 82 000 euros de revenus : on n’a pas la même vie selon l’extrémité de la fourchette à laquelle on se trouve !
M. le président Éric Coquerel. Vous voterez certainement la suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU) que nous proposons, monsieur Amiel ! Car le problème, c’est vrai, vient du transfert des revenus personnels vers les revenus professionnels, qui sont avantagés par le bouclier social du capital qu’est le PFU.
Par ailleurs, la distorsion entre le montant des revenus et celui des impôts ne concerne pas les seuls milliardaires – même si elle est caricaturale pour les 0,1 % de Français les plus riches. Cet amendement aurait pour conséquence de soumettre à l’impôt des personnes qui ne le sont pas actuellement, considérant que chacun doit apporter sa contribution, même de façon symbolique. Dans l’équilibre général, mieux vaut mettre l’accent sur un impôt progressif que sur la TVA, qui est l’impôt le plus injuste.
Un rappel enfin, pour que tout soit clair : avec la quatorzième tranche ici proposée, les personnes qui gagnent plus de 400 000 euros ne seraient pas imposées à 70 % ! Seule la part de revenu dépassant 400 000 euros le serait, le reste relevant des tranches inférieures.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF703 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). Ayant entendu le rapporteur général, je propose un autre amendement sur le quotient familial, mais moins coûteux. Il est fondamental de soutenir la politique familiale : nous irons droit dans le mur si nous ne rétablissons pas notre démographie. Il en va de la préservation de nos modes de vie, de l’avenir de nos communes et de nos territoires ruraux, qui ont besoin de familles et d’écoles. Je rappelle à M. Brun que 800 000 familles ont été touchées par le plafonnement du quotient familial voulu par M. Hollande en 2012 : toutes n’étaient évidemment pas ultrafortunées.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La réforme de 2012 a ramené le plafond de l’avantage fiscal résultant du quotient familial de 2 330 à 1 759 euros pour chaque demi-part. Vous proposez de le remonter au-delà du niveau antérieur, à 2 920 euros. Il en coûterait 4 milliards. Nous n’en avons pas les moyens. Que la politique familiale soit insuffisante, j’en conviens, mais le relèvement du plafond ne suffira pas à l’améliorer : cela relève d’une politique d’ensemble. Demande de retrait, ou avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement de suppression I-CF1387 de M. Gérault Verny
M. Gérault Verny (UDR). Quel projet de société défendons-nous : une société collectiviste, ou une société dans laquelle les impôts payent des prestations ? C’est la question que pose l’article 3. Il pointe du doigt la réussite, puisqu’il vise à taxer les revenus plutôt que le patrimoine. Pour rappel, les 10 % de contribuables les plus riches produisent déjà 76 % des recettes fiscales, et leur impôt sur le revenu a augmenté de 2 000 euros en moyenne depuis 2012. Nous sommes donc opposés à cet article qui crée un nouvel impôt sur la réussite.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La contribution proposée dans cet article ne concerne pas toutes les personnes aisées, qui, pour la plupart, participent substantiellement à la solidarité nationale. Elle ne vise que celles qui usent – et abusent – des leviers permettant de minimiser l'impôt payé.
Vous avez raison de dire que le dispositif prévu est très complexe : je proposerai un amendement visant à le simplifier.
Ce dispositif est en effet pratiquement incompréhensible pour les non-initiés : l’impôt à payer correspond à la différence entre 20 % du revenu fiscal de référence (RFR), minoré de la plupart des crédits d’impôt, et l’impôt payé majoré de la plupart des crédits d’impôt. D’ailleurs, après avoir annoncé que quelque 60 000 familles seraient concernées, le Gouvernement a déjà revu son estimation à 24 000…
Si nous devions adopter un prélèvement différentiel, il faudrait faire abstraction des minorations et majorations relatives aux crédits d’impôt : ce sera le sens de mon amendement. En effet, c’est grâce à ces déductions et autres crédits d’impôt que des très riches aboutissent à un taux moyen d’imposition inférieur à 20 % – voire, dans certains cas limites, à 2 % du RFR.
Certains argueront que les niches ont été plafonnées, mais ce n’est pas le cas pour toutes. Je ne peux donc pas donner un avis favorable à la suppression de cet article, d’autant que nous avons refusé de désindexer les deux dernières tranches en contrepartie du vote de l’article 3.
Enfin, je doute que la CDHR permette de dégager 2 milliards de recettes. Seules 24 000 familles étant concernées, cela signifierait que chacune verserait 80 000 euros ? Je reste sceptique. Nous attendons toujours de savoir comment cette estimation de 2 milliards a été calculée. Le ministre devra s’en expliquer en séance. Avis défavorable.
M. David Amiel (EPR). Je suis opposé à cet amendement, et favorable à la poursuite de nos travaux sur une contribution différentielle.
Une telle contribution existe déjà avec l’impôt minimum sur les sociétés, mesure que nous avons obtenue sous l’égide de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et que nous avons transcrite dans notre droit. Elle permet d’éviter l’optimisation fiscale abusive des multinationales. Dans le même esprit, il est logique de créer un impôt minimum pour les plus fortunés. Tout comme il existe un bouclier fiscal, c'est-à-dire un montant maximum d’impôt, il serait naturel d’avoir d’un filet fiscal, c'est-à-dire une contribution minimale des plus fortunés.
Le caractère temporaire de la CDHR ouvre toutefois la voie à des optimisations : certains contribuables pourraient piloter leurs revenus dans les deux années à venir, afin de minimiser le rendement de la contribution exceptionnelle. Il faut donc d’ores et déjà réfléchir à ce qui viendra après l’extinction de la mesure.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le dispositif proposé est ingénieux mais très complexe, et comporte certaines limites. Il devra être amélioré et simplifié. Précisons que le revenu fiscal de référence comprend la réalisation des plus-values, sur titres ou autres. Dans notre réflexion, nous devons nous interroger sur le différentiel entre l’impôt sur le revenu, les 4 % de CEHR et les 12,8 % du prélèvement forfaitaire unique au titre de l’impôt sur le revenu. Rappelons que le PFU, ou flat tax, s’applique quel que soit le montant de la plus-value réalisée et que son caractère forfaitaire atténue les effets pour les profits les plus élevés.
En définitive, il me semblerait plus simple de majorer le PFU. Nous défendrons des amendements en ce sens.
M. le président Éric Coquerel. Tout est bon à prendre pour aller vers une plus grande justice fiscale et pour faire contribuer les ultrariches ; je voterai donc l’article 3. Il ne traite toutefois le problème que très partiellement. Une étude de l’IPP a montré qu’un petit nombre de Français extrêmement fortunés payent moins de 2 % d’impôt sur le revenu, et que leur taux d’effort atteint 25 % si l’on tient compte de leurs revenus professionnels. À revenus équivalents, des personnes qui ne bénéficient pas d’un transfert vers les revenus professionnels sont imposées à 46 %. La perte de recettes fiscales équivaudrait à 18 milliards – c’est colossal. Le dispositif proposé s’y attaque trop faiblement : il est ponctuel et prévoit un taux d’effort insuffisant. Le problème réside dans les taux d’imposition trop faibles des revenus professionnels lorsqu’ils sont des revenus personnels déguisés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Mattei, en ce qui concerne les revenus exceptionnels, le texte prévoit un mécanisme de lissage sur quatre ans – même si la contribution différentielle en l’état est instaurée pour trois ans.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne raisonne pas en taux moyen mais en taux marginal. Les amendements qui aboutiraient à un taux de 70 % risquent fort d’être censurés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1890 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. La contribution différentielle sur les hauts revenus ne devrait concerner que 24 300 foyers parmi les 62 500 censés être concernés en raison de leur niveau de revenus. L’étude d’impact explique cet écart par le fait que seuls ces 24 300 foyers ont un niveau d’imposition effectif inférieur à 20 %.
Le calcul de la CDHR repose théoriquement sur la différence entre un impôt minimal de 20 % sur les revenus effectivement perçus et l’ensemble des impôts sur le revenu déjà acquittés. Cependant, la multiplication des retraitements proposés par l’article mine l’assiette de la CDHR et réduit le montant à payer.
L’ambition du Gouvernement de collecter 2 milliards grâce à cette nouvelle contribution pourrait en être contrariée. De plus, ces ajustements rendent le dispositif proposé par le Gouvernement extrêmement complexe, à la différence de la CEHR, fondée sur une assiette large et un taux bas. Enfin, la neutralisation de nombreux avantages fiscaux pourrait conduire paradoxalement à encourager le recours à certaines niches à des fins d’optimisation fiscale.
Dès lors, l’amendement propose de simplifier les règles d’assujettissement à la CDHR et le calcul de son montant en supprimant l’essentiel des retraitements proposés. Il est à noter que les dispositions permettant de prendre en compte les revenus exceptionnels et de lisser l’entrée dans l’imposition à la CDHR sont maintenues. Elles sont largement suffisantes pour limiter les effets de seuils et les ressauts d’imposition.
En premier lieu, l’article 3 se fonde sur un impôt minimal théorique de 20 % prélevé sur les revenus des personnes les plus aisées. Le seul outil codifié dont dispose le législateur pour apprécier les capacités contributives d’un contribuable est le revenu fiscal de référence (RFR). C’est cet agrégat qui est retenu pour le calcul de la CEHR car il ajoute au revenu net imposable du contribuable le montant des revenus exonérés d’IR.
Or le Gouvernement propose de minorer le montant du RFR en lui retranchant l’avantage en impôt retiré de près de quinze avantages fiscaux. Cela conduit à exclure de la contribution une partie des personnes dont le RFR est supérieur à 250 000 euros par part fiscale, et à diminuer le montant de la contribution due.
Rappelons que le RFR ne reflète déjà pas l’universalité des revenus du contribuable puisqu’il ne prend pas en compte près de 177 ressources ou revenus exonérés d’IR.
L’amendement propose donc de s’en tenir au RFR tel que retenu pour le calcul de la CEHR tant pour déterminer le seuil d’assujettissement à la CDHR que le montant de l’impôt minimal théorique dû par les contribuables à hauts revenus.
En deuxième lieu, l’article 3 tend à ajouter au montant des impôts effectivement acquittés par le contribuable des sommes fictives. En effet, il ajoute au montant l’IR, de la CEHR et des prélèvements forfaitaires obligatoires payés, l’avantage en impôt procuré par près de trente-cinq réductions et crédits d’impôt. Cela crée une incitation à recourir à ces dépenses fiscales qui permettent de minorer l’IR payé tout en échappant à la CDHR.
L’amendement propose donc de s’en tenir aux impôts effectivement payés par le contribuable.
Enfin, le Gouvernement accorde un abattement forfaitaire de 12 500 euros aux couples soumis à une imposition commune et de 1 500 euros par personne à charge. Or ces abattements conduiraient, dans certains cas, à exonérer complètement les contribuables soumis à une imposition commune, ce qui serait impossible dans le cadre l’IR pour ce niveau de revenus.
L’assiette de la CDHR étant conjugalisée, il est tenu compte dans les ressources du foyer des capacités contributives du couple soumis à une imposition commune. En leur octroyant un abattement supplémentaire de 12 500 euros par foyer, l’article 3 favorise cette catégorie de contribuables par rapport aux concubins et aux célibataires, leur offrant un avantage fiscal de 6 500 euros par membre du couple par rapport à un célibataire ayant le même niveau de revenus.
Les personnes à charge ne sont pas prises en compte pour le calcul de la CEHR. Les contribuables soumis à la CDHR ont bénéficié, dans la grande majorité des cas, des dispositifs de familialisation existants au titre de l’IR jusqu’à leur plafond. Les niveaux de seuil d’assujettissement sont suffisamment élevés pour assurer que la capacité contributive des contribuables ait été bien prise en compte.
L’amendement supprime ces deux abattements forfaitaires liés à la situation de famille.
Enfin, grâce à un mécanisme de décote, le seuil d’assujettissement à la CDHR peut être repoussé, tandis que le montant dû est largement diminué. Un célibataire déclarant l'ensemble de ses revenus au taux de 12,8 % correspondant au prélèvement forfaitaire unique pour les revenus mobiliers ne sera redevable de la CEHR qu'à partir de 300 000 euros environ.
Le présent amendement propose un mécanisme de décote, qui évite les ressauts d'imposition mais garantit que la CDHR sera payée dès 250 000 euros de RFR. Il apparaît plus progressif et plus juste que le mécanisme proposé par le Gouvernement.
M. Matthias Renault (RN). Nous partageons la crainte du rapporteur général que le rendement de la CDHR ne connaisse le même destin que celui de la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité.
Votre amendement concerne-t-il un plus grand nombre de contribuables, et rapporte-t-il davantage que celui de M. Mattei proposant un relèvement du taux du prélèvement forfaitaire unique ?
Il est regrettable qu’un même amendement aborde plusieurs sujets. Un point pourrait être consensuel : le fait de ne comptabiliser que les impôts effectivement acquittés par le contribuable afin d’éviter les effets pervers liés aux réductions et crédits d’impôt.
M. Éric Woerth (EPR). L’amendement est intéressant mais très technique. Il est difficile de se faire une opinion, de surcroît sans connaître les arguments du Gouvernement. Nous devons obtenir du ministre des réponses sur les modalités de calcul du RFR, en particulier sur le sort réservé aux niches fiscales.
Je ne suis pas opposé au principe et je salue le travail effectué, mais il n’est pas sérieux de nous prononcer à l’aveugle sur des mesures fiscales de cette importance.
M. Nicolas Sansu (GDR). À aveugle, aveugle et demi, monsieur Woerth. Le Gouvernement n’est même pas capable de nous fournir une étude d’impact ni de justifier son estimation du produit de la CDHR à 2 milliards.
L’article 3 comporte à la fois le mécanisme de taxation et les moyens d’y échapper. Si l’amendement du rapporteur général permet de supprimer ces derniers, il est bienvenu, même s’il est compliqué.
Pour l’ensemble de l’œuvre du rapporteur général, en particulier ces deux dernières années, nous le voterons.
M. Philippe Brun (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés votera l’amendement du rapporteur général.
S’il est adopté, il deviendra un amendement de la commission des finances, auquel le Gouvernement aura tout loisir de s’opposer, monsieur Woerth. Nous ne prenons pas grand risque en le votant ce soir.
M. Gérault Verny (UDR). L’amendement élargit le nombre de foyers visés par la nouvelle contribution. Je suis d’accord avec M. Mattei, la modification de la flat tax serait plus lisible et ses effets seraient plus faciles à évaluer.
J’appelle votre attention sur un effet d’aubaine prévisible : il y aura une augmentation importante des recettes au dernier trimestre, du fait de distributions massives de dividendes, mais celles-ci n’auront pas lieu l’année prochaine. C’est un mauvais calcul pour les comptes publics.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il m’est difficile de voter un amendement à l’aveugle en ignorant tout de ses éventuels effets de bord.
Je salue le travail du rapporteur général mais il serait plus raisonnable de prendre le temps de l’analyse avant de redéposer le cas échéant l’amendement pour la séance. Le dispositif de l’article 3 est déjà très complexe. Nous devons comprendre ce que nous votons.
M. Philippe Juvin (DR). Je salue la volonté du rapporteur général de clarifier le dispositif mais sommes-nous certains des effets de ce qu’il propose ?
Il est presque de tradition de voter la loi sans étude d’impact, mais cette fois on nous demande de nous prononcer au doigt mouillé. Ce n’est pas possible.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’argument de l’impréparation ne me semble pas recevable dès lors que de nombreux articles du projet de loi manquent d’étude d’impact. Une fois adopté, l’amendement fera l’objet d’un autre débat, en séance publique, au cours duquel le Gouvernement pourra faire valoir son point de vue. Notre souhait est d’aller le plus loin possible dans cette discussion.
Mme Eva Sas (EcoS). Le groupe Écologiste et social votera l’amendement comme il le fera pour toutes les dispositions promouvant une plus grande justice fiscale. Il a l’avantage de supprimer les abattements liés à la situation familiale, qui pourraient amoindrir la portée de la contribution sur les hauts revenus.
Nous pouvons avoir confiance dans la qualité du travail du rapporteur général. Il sera toujours temps pour le Gouvernement de nous alerter sur d’éventuels effets de bord. Nous souhaitons que la commission émette un signal clair en votant l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Je voterai pour ce que je considère comme un amendement d’appel.
L’argument de M. Mattei sur notre ignorance des effets de l’amendement serait pertinent si nous connaissions bien ceux de l’article 3. Or en quelques jours, nous sommes passés de 65 000 foyers concernés à 24 300 et nous ne sommes certainement pas au bout de nos surprises pour ce qui est des 2 milliards d’euros de rendement annoncés.
Dans ce contexte, le travail du rapporteur général me semble au moins aussi sérieux que celui du Gouvernement. Je partage l’intention d’étendre le champ d’application de la contribution, de la rendre plus juste et de lui donner une rentabilité à la hauteur de ce qui avait été promis.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous lis l’étude d’impact, s’agissant des 2 milliards : « Le chiffrage a été réalisé à partir des déclarations de revenus 2022, sans tenir compte des effets comportementaux qui ne sont pas chiffrables ». Vous avouerez que la perplexité est de mise.
Mon amendement limite fortement les possibilités d’optimisation fiscale alors qu’avec le texte du Gouvernement, il suffit de faire exploser les crédits d’impôt non plafonnés pour échapper à la contribution.
À ceux qui plaident pour un relèvement du taux du PFU plutôt que pour l’usine à gaz de l’article 3, je réponds que ce ne sont pas les mêmes contribuables. La cible du PFU est bien plus large.
Enfin, il est plus facile d’améliorer la copie du Gouvernement, comme nous y invite M. Woerth, en obligeant celui-ci à prendre position sur le dispositif adopté par la commission, quitte à l’amender. Cela ferait avancer les choses alors qu’en l’état, on n’y comprend rien. Nous attendons toujours la réponse des services fiscaux pour comprendre comment ils aboutissent à un produit de 2 milliards d’euros !
L’adoption de l’amendement, aussi imparfait soit-il, permettra de lancer le débat en séance publique.
La commission adopte l’amendement I-CF1890.
En conséquence, les amendements I-CF1638 et I-CF1640 de M. Mathieu Lefèvre tombent.
Amendement I-CF1720 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit d’abaisser le seuil à partir duquel le présent article s’applique au niveau de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Il serait ainsi ramené de 250 000 euros à 180 649 euros pour une personne seule et de 500 000 euros à 361 298 euros pour un couple. Le nombre de Français concernés resterait très faible : un peu plus de 0,1 % des Français, mais nettement moins que les 1 % les plus riches, si l’on se réfère aux chiffres de l’Insee.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il me semble préférable de maintenir le seuil d’assujettissement à 250 000 euros, par parallélisme avec la CEHR. En revanche, nous devons nous assurer que les personnes ayant un revenu fiscal de référence supérieur à ces 250 000 euros seront effectivement redevables de la CDHR. C’est déjà ce qui motivait mon amendement I-CF1890, car le dispositif prévu par le Gouvernement, par le jeu du système de décotes que j’ai évoqué, aboutit dans les faits à un seuil plus proche de 300 000 euros. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF740 de Mme Marianne Maximi, I-CF1691 de M. Philippe Brun et I-CF742 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous proposons de relever le taux d’imposition minimale des hauts revenus de 20 % à 40 %. Par ailleurs, il me semble que la contribution différentielle devrait être pérennisée, et non limitée aux trois années à venir.
M. Philippe Brun (SOC). Je suis bien entendu tout à fait favorable au principe d’un impôt minimal. Dès lors que le taux normal de l’impôt sur le revenu applicable aux hauts revenus tend vers 45 %, il n’est pas tolérable que le texte du Gouvernement limite leur imposition à 20 %. C’est pourquoi nous proposons de fixer ce seuil à 35,67 %, qui est, selon le barème de l’impôt sur le revenu, le taux moyen applicable à un contribuable dont le RFR est de 250 000 euros.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Compte tenu du niveau de revenus dont nous parlons, s’assurer d’une imposition minimale devrait être une évidence ! En fait, il ne s’agit pas d’instaurer une contribution exceptionnelle ou différentielle, mais de s’assurer que les contribuables ayant de très hauts revenus ne sont pas trop nombreux à frauder le système fiscal ou à y échapper par différents moyens. Et comme nous estimons que le taux de cette imposition garantie doit être supérieur à 20 %, nous proposons de le fixer au moins à 30 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements posent un problème constitutionnel. En effet, pour un revenu effectivement imposé au barème à un taux moyen de 40 %, on doit ajouter la CEHR, à hauteur de 4 %, les prélèvements sociaux, à hauteur de 9,7 % – voire de 17,2 % pour le patrimoine – et la CDHR, à hauteur de 25 %. On aboutirait dès lors à un taux marginal d’imposition de 78,7 % au minimum, qui serait jugé confiscatoire. Il est donc certain que cette mesure serait annulée. C’est, du reste, un des écueils auxquels s’est heurté le Gouvernement lorsqu’il s’est agi de fixer le taux de la contribution : au-delà de 20‑25 %, le risque de censure est grand. Je ne peux donc émettre qu’un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. Philippe Brun. Je ne comprends pas très bien l’argument du rapporteur général. Cette contribution étant différentielle, elle ne peut pas être confiscatoire : elle ne s’ajoute pas aux impôts existants. Le taux de 35 % ne peut être censuré puisqu’il correspond au barème de l’impôt sur le revenu ; il est même inférieur à celui qui s’applique à la dernière tranche.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le Conseil constitutionnel ne retient pas le taux moyen mais le taux marginal. Toutes les mesures qui avaient été adoptées portant ce taux marginal à 70-72 % ont été annulées. Encore une fois, si l’on retenait un taux minimal de 40 %, on aboutirait à un taux marginal compris entre 79 % et 86 %. C’est pourquoi je ne peux pas être favorable à vos amendements.
M. Philippe Juvin (DR). Notre discussion est révélatrice de la nature de notre système fiscal. Les impôts sont tellement élevés que l’on a créé des niches, lesquelles sont devenues si nombreuses et si complexes que certains en abusent au point d’échapper de manière excessive à l’impôt. Et nous voilà en train de chercher une échappatoire pour échapper aux échappatoires… Les Shadoks n’auraient pas fait mieux !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF7 de M. Nicolas Sansu
M. Nicolas Sansu (GDR). Si j’étais joueur, je dirais que cet amendement est rédactionnel. Dans une société où le nombre d’héritiers et de rentiers augmente et où la valeur des patrimoines explose, il convient d’asseoir la contribution différentielle non pas sur le revenu fiscal de référence, mais sur le patrimoine, en retenant un taux de 2 %. Tout le monde s’accorde à reconnaître, aussi bien notre collègue David Amiel que l’IPP ou l’économiste Gabriel Zucman, que les milliardaires échappent à l’impôt sur le revenu. Ils échapperont de la même façon à la contribution que nous voulons instaurer, car leurs revenus sont illiquides : il s’agit d’actions abritées dans des holdings familiales opaques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable car une telle mesure serait, par définition, confiscatoire.
Certains éléments de patrimoine rapportent beaucoup, d’autres très peu. Ainsi, les terres ont un rendement de l’ordre de 1 %, celui des logements se situe aux alentours de 4 % et celui des immeubles industriels est compris entre 5 % et 7 %. Contrairement à ce que pensait Karl Marx, il n’y a pas de péréquation du taux de profit, de sorte qu’en retenant un taux de 2 % sans tenir compte de l’hétérogénéité des éléments du patrimoine, le montant de la contribution serait supérieur au gain. Encore une fois, la disposition sera annulée.
M. David Amiel (EPR). C’est assez rare pour le relever, je suis d’accord avec M. Sansu sur une partie du constat qu’il dresse. Nous avons en effet, en Europe, un problème lié à l’application de la directive dite mères-filles du 30 novembre 2011 : les holdings familiales peuvent être utilisées pour y loger des revenus personnels, ce qui permet aux milliardaires de s’acquitter d’un taux d’imposition très faible au regard de leurs revenus économiques.
La mesure proposée par M. Sansu ne résoudrait pas ce problème bien réel, pas davantage que ne l’a fait en son temps l’ISF, qu’elle vise en quelque sorte à rétablir. Elle serait en effet censurée par le Conseil constitutionnel, dont le rapporteur général a rappelé la jurisprudence en la matière. Il paraît donc préférable de mener une réflexion sur la fiscalité des holdings, laquelle fait d’ailleurs l’objet de travaux au niveau européen et international.
M. Gérault Verny (UDR). Je m’étonne toujours de ce type de discours. Le patrimoine financier, en l’occurrence des titres de sociétés, est illiquide. Affirmer que l’on peut stocker des revenus dans une holding est un non-sens économique. On peut y stocker de la trésorerie, mais celle-ci a vocation à être investie. Si elle est versée aux actionnaires de la holding, elle sera fiscalisée en tant que revenu. Taxons tous les stocks, y compris le vin des vignerons, tant que nous y sommes !
M. Jean-Paul Mattei (Dem). M. Sansu propose de recréer un ISF sur le patrimoine professionnel. Ce débat, suscité par le rapport de l’IPP, est une négation pure et simple de la personnalité morale : tant qu’un bénéfice n’est pas distribué, il n’est pas appréhendé par les actionnaires – ou alors il faut revoir entièrement le droit des sociétés. Par ailleurs, la valeur dont on parle en matière successorale est la valeur vénale ; on risquerait donc de provoquer un séisme, notamment pour ce qui est de l’outil professionnel.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF737 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1295 de Mme Danielle Simonnet, I-CF1693 de M. Philippe Brun et I-CF1804 de M. Jean‑Paul Mattei
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous proposons de revenir sur le caractère temporaire de la CDHR. Certes, le déficit public est particulièrement important cette année, mais les raisons pour lesquelles l’État a besoin de recettes suffisantes ne disparaîtront pas du jour au lendemain : nos hôpitaux et nos écoles devront continuer à fonctionner après 2027. Par ailleurs, je ne crois pas que la toute petite garantie d’imposition que représente la CDHR place les plus riches dans des difficultés telles qu’ils ne puissent plus contribuer dans les années à venir.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). La contribution différentielle sur les hauts revenus doit être temporaire, mais la contribution des classes populaires est permanente, qu’il s’agisse de la taxe sur l’électricité ou de la profonde dégradation des services publics. C’est hallucinant ! Par ailleurs, je rappelle que cette contribution ne concerne que 24 000 personnes, soit à peine 0,06 % des contribuables. Limiter sa durée d’application à deux années quand l’effort consenti par les classes populaires est considérable, c’est ajouter l’injustice et l’inégalité au dérisoire.
C’est pourquoi nous proposons de pérenniser la CDHR, en rappelant cependant que les mesures les plus pertinentes pour assurer une redistribution des richesses consisteraient à instaurer quatorze tranches d’impôt sur le revenu pour renforcer sa progressivité et, surtout, à s’attaquer à la question du patrimoine et des successions dorées.
M. Philippe Brun (SOC). Nous souhaitons en effet supprimer la fin de l’alinéa 22 car nous ne pouvons pas accepter qu’à compter de 2027, le taux d’imposition des contribuables les plus aisés retombe à son niveau actuel. Si l’on estime que la CDHR est juste, il faut la rendre pérenne.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Si l’on peut accepter le caractère temporaire de la contribution des grandes entreprises, dans la mesure où elle se traduit par un taux d’impôt sur les sociétés assez important, il serait ridicule qu’une mesure de justice fiscale telle que le CDHR soit limitée dans le temps, dès lors qu’elle est équilibrée – et nous avons encore à y travailler – et convenablement paramétrée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le Gouvernement nous propose d’appliquer la CDHR pendant trois années : 2024, 2025 et 2026.
Le problème tient, beaucoup l’ont dit, à l’extrême complexité de l’impôt sur le revenu et au fait que les crédits d’impôt, dont certains ne sont toujours pas plafonnés, sont si nombreux qu’ils permettent à des personnes très aisées de ne payer en définitive qu’un impôt très faible, en termes de taux moyen.
Que l’on adopte ces amendements ou non, cela ne changera pas grand‑chose, dès lors qu’une nouvelle majorité sera probablement élue en 2027. La seule différence se trouve du côté des possibilités d’optimisation, avec, comme l’a relevé M. Mattei, le mécanisme du lissage qui fait échapper la dernière année aux trois quarts du montant dû en cas de revenus exceptionnels.
Bref, il appartiendra à la nouvelle majorité de décider, en 2027, si elle maintient le dispositif ou non. C’est une remarque de méthode. Sagesse.
M. Philippe Juvin (DR). J’ai toujours pensé que le risque des impôts transitoires et ciblés était qu’ils deviennent permanents et élargis. Je ne savais pas que cela serait aussi rapide ! Je suis opposé à ces amendements.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je rejoins M. Juvin. De deux choses l’une : soit il s’agit de lutter contre l’optimisation fiscale, auquel cas le dispositif doit être pérenne ; soit l’on veut une contribution exceptionnelle qui doit produire du rendement, et il doit être temporaire.
Par ailleurs, je m’étonne qu’il n’ait pas été fait mention des travaux de l’OCDE en faveur d’une imposition minimale des personnes physiques. On pourrait en effet décider que la CDHR sera caduque lorsque cette imposition minimale entrera en vigueur dans notre pays.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je soutiens ces amendements. J’appelle l’attention de ceux de nos collègues qui s’y opposent sur le fait que l’ensemble des mesures temporaires du projet de budget s’appliquent aux plus hauts revenus, alors que toutes les mesures, sinon définitives, du moins stables concernent tous les autres !
Monsieur Lefèvre, ce que la loi fait, elle peut le défaire. Le législateur pourra donc revenir sur cette contribution le jour où la fiscalité connaîtra l’évolution que vous évoquez.
M. Charles de Courson, rapporteur général. M. Lefèvre a raison de soulever la question du taux minimal mondial d’impôt sur le revenu, mais les plus optimistes estiment qu’il faudra une quinzaine d’années pour y parvenir. Je souhaite bien du courage à ceux qui seront encore là.
Pour répondre à M. Juvin, je rappelle que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus avait été présentée, en 2012, comme une mesure très temporaire. Cela fait douze ans. Et je pourrais multiplier les exemples…
La commission adopte les amendements I-CF737, I-CF1295, I-CF1693 et I-CF1804.
En conséquence, l’amendement I-CF1639 de M. Mathieu Lefèvre tombe.
La commission adopte l’article 3 modifié.
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Réunion du mercredi 16 octobre 2024 à 21 heures (après l’article 3)
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Amendement I-CF821 de M. Éric Coquerel
M. le président Éric Coquerel. Cet amendement reprend la troisième proposition du rapport de la mission d’information relative à l’impôt universel que M. Mattei et moi-même avions présenté en 2019.
La création d’un impôt universel comparable à celui en vigueur aux États‑Unis, c’est-à-dire fondé sur la nationalité plutôt que sur la résidence, s’étant révélée impossible, il s’agirait d’appliquer, à l’instar de pays comme l’Allemagne, la Suède l’Italie ou la Finlande, un impôt universel ciblé, ou impôt différencié. Les contribuables percevant un revenu élevé qui s’installent dans un pays pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France seraient ainsi imposés, pendant un certain nombre d’années, sur la différence entre le montant acquitté dans leur nouveau pays de résidence et celui qu’ils auraient payé en France.
Un tel système présenterait l’avantage de ne pas remettre en question les accords bilatéraux conclus par la France, de ne concerner que certains systèmes fiscaux étrangers et d’être concentré sur les hauts revenus.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis défavorable à votre amendement. D’abord, notre système fiscal repose sur la notion de domiciliation et non sur celle de nationalité. Or vous proposez ici d’instaurer, pendant une durée limitée, une imposition fondée sur la nationalité.
Ensuite, le système de l’impôt universel américain est injuste. Certains de nos compatriotes doivent ainsi de l’argent au fisc américain simplement parce qu’ils sont nés aux États-Unis et ont ainsi accidentellement acquis la nationalité américaine, même lorsqu’ils n’y ont jamais travaillé.
Par ailleurs, cet impôt concernerait tous nos concitoyens vivant à l’étranger, alors que la majorité d’entre eux ne s’expatrient pas pour des raisons fiscales, mais pour faire des études ou travailler.
Enfin, les initiatives internationales comme celle en faveur de l’imposition minimale des personnes très aisées me semblent plus pertinentes et efficaces.
M. le président Éric Coquerel. Le mécanisme que vous décrivez n’est pas celui que nous proposons : il ne s’agit pas de créer un impôt qui s’appliquerait indifféremment à tous les Français, mais un dispositif ciblé qui existe déjà sous différentes variantes dans plusieurs pays de l’Union européenne : au-delà d’un certain seuil de revenu, ceux qui partent s’installer dans un pays à fiscalité privilégiée doivent s’acquitter du différentiel pendant quelques années.
Notre amendement concernerait les personnes ayant résidé en France – et ainsi bénéficié des infrastructures et du système éducatif – trois ans pendant les dix années écoulées. Il permettrait de lutter contre les effets de l’exil fiscal, sans toucher trop durement les personnes souhaitant simplement s’installer dans un pays étranger pour d’autres motifs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le dispositif que vous proposez ne me semble pas du tout opérationnel, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté à calculer précisément ce qui constituera « une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine ». Je maintiens en outre qu’il conduirait à déroger en partie au critère de résidence, qui fonde le système actuel.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Instaurer un impôt universel semble en effet impossible, en raison des multiples conventions internationales engageant la France, qui reposent sur deux principes : la primauté du critère de résidence fiscale et l’absence de double imposition. En l’occurrence, l’impôt s’appliquerait bien seulement aux personnes résidant fiscalement en France, même si, pour des raisons pratiques, nous avons dû le limiter aux personnes ayant également la nationalité française – il aurait été trop difficile de l’étendre aux étrangers ayant résidé en France.
Peut-être faut-il retravailler l’amendement, mais le principe est parfaitement accepté dans d’autres pays : une personne qui s’installe dans un paradis fiscal doit continuer à payer des impôts à son pays d’origine, après déduction de ceux dont elle s’acquitte dans le pays hôte. Plusieurs grands groupes appliquent d’ailleurs ce genre de dispositif à leurs salariés. Il ne s’agit nullement d’instaurer un impôt universel, pour toutes les raisons déjà exposées.
M. Philippe Brun (SOC). Le groupe Socialistes est favorable à cet amendement. La différence avec l’Allemagne réside peut-être dans le fait que la France a signé davantage de conventions bilatérales, ce qui pourrait rendre le dispositif moins opérant, puisque le principe de territorialité s’applique aux signataires des conventions fiscales. Quels pays non coopératifs seraient concernés si cet amendement était adopté ?
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le groupe Rassemblement national se félicite de la reconnaissance de la nationalité comme critère d’imposition : dès lors que nous défendons la priorité nationale, il nous paraît logique qu’y soient associés non seulement des droits, mais aussi des devoirs. Nous étions donc un peu malheureux lorsque MM. Coquerel et Mattei avaient indiqué que l’impôt universel appliqué aux États-Unis ne pourrait voir le jour en France – même si cette conclusion, émanant de partis politiques aussi différents que le Modem et LFI, était probablement fondée.
Je me réjouis que cette mesure soit proposée sous une nouvelle forme. Nous nous abstiendrons ce soir dans l’attente de l’arbitrage du groupe, mais j’espère pouvoir voter cette disposition en séance.
M. Philippe Juvin (DR). À quoi la notion de « fiscalité inférieure de plus de 50 % » renverrait-elle : au taux, à la base imposable, au résultat fiscal ? J’ai du mal à comprendre quelle assiette un tel impôt couvrirait concrètement et quelle population il concernerait. Si l’exil fiscal est effectivement condamnable, de nombreux travailleurs se rendent aussi à l’étranger sur ordre de leur employeur, pour aider leur entreprise à se développer. Ils ne devraient pas être pénalisés pour cela.
M. le président Éric Coquerel. Le seuil de 50 % correspond à la définition internationale des pays dits à fiscalité privilégiée, en comptabilisant les impôts sur le patrimoine et la taxation des revenus du travail et du capital. C’est d’ailleurs le taux qui a été retenu par les pays européens qui se sont déjà dotés d’un impôt de ce type.
Nous pouvons tout à fait améliorer encore l’amendement d’ici la séance. En revanche, le principe est bien le suivant : faire contribuer les personnes dont on peut fortement soupçonner qu’elles quittent la France dans le seul but de payer moins d’impôts. Dans les pays qui l’appliquent, le système fonctionne et rapporte quelques millions d’euros. C’est le seul moyen que nous ayons trouvé pour dissuader les contribuables de s’exiler fiscalement, les études ayant montré que l’impôt universel envisagé un temps, notamment par Jean-Luc Mélenchon lors de sa campagne électorale, est infaisable en France.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le groupe Droite républicaine votera contre cet amendement, car il nous semble difficile d’adopter une telle disposition sans qu’elle soit assortie d’une étude d’impact.
La commission adopte l’amendement I-CF821.
Amendement I-CF462 de M. Jean-Claude Raux
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement vise à instaurer l’individualisation fiscale des jeunes majeurs. Il s’agirait de la première étape d’un processus qui aboutirait à la création d’une véritable garantie d’autonomie accessible dès 18 ans, mettant ainsi fin à la précarisation de la jeunesse.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En l’absence de cette garantie d’autonomie, l’amendement aurait pour conséquence d’augmenter les impôts pour tous les parents qui accompagnent leurs enfants après leur majorité, notamment pendant leurs études. Je ne suis pas convaincu qu’il soit souhaitable de favoriser la disparition de la solidarité intrafamiliale. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF274 de M. Charles de Courson et I-CF1812 de M. Jean‑Paul Mattei (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mon amendement, que nous avions déjà adopté l’année dernière, vise à créer un statut de propriétaire bailleur, dans le contexte de suppression du dispositif Pinel d’aide à l’investissement locatif privé – dont je rappelle qu’il représente 30 % du parc, soit deux fois plus que les logements sociaux. Ce dernier pourrait choisir de se voir appliquer un taux forfaitaire de 12,8 % d’impôt sur le revenu sur les bénéfices nets perçus grâce à la location d’un logement neuf à usage d’habitation principale, en contrepartie d’un engagement à louer le bien pendant au moins neuf mois, d’un encadrement des loyers et d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) de catégorie D ou supérieure. Lorsque ces conditions sont respectées, les biens mis en location seraient exclus de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et les revenus locatifs après imputation des charges seraient donc soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %.
Si le niveau d’épargne est élevé, de nombreux épargnants ne veulent plus investir dans des logements neufs, pourtant indispensables pour sortir de la crise actuelle. Le coût du dispositif serait très faible pendant les premières années : le temps que les logements soient construits, ses premiers effets ne se feront pas sentir avant 2027. En outre, relancer le secteur du logement permettra de générer de nouvelles recettes fiscales.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je propose un amendement similaire, si ce n’est qu’il s’appliquerait également aux logements anciens rénovés.
Alors qu’une personne investissant dans une entreprise est imposée à 30 % au titre du PFU, les revenus fonciers sont soumis au barème de l’impôt sur le revenu (IR), soit jusqu’à 49 %. Les mécanismes d’incitation à l’investissement, tous plus compliqués les uns que les autres, se succèdent depuis des décennies. Celui que nous proposons aurait le mérite de la simplicité et encouragerait de nombreux épargnants à s’orienter vers l’immobilier. Il permettrait également de dégager de nouvelles recettes et contribuerait à relancer le secteur du logement, qui en a bien besoin.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’insiste en outre sur le fait que les amendements ne concerneraient pas le stock de logements existants, mais uniquement les constructions ou les rénovations nouvelles : les propriétaires actuels resteraient soumis au système actuel.
M. Inaki Echaniz (SOC). Si je partage une partie des constats exprimés, notamment sur la nécessité d’investir dans le secteur du logement en vue de générer de nouvelles recettes, je suis dubitatif quant à ces amendements. Il me semble que, pour relancer la production de logements, il existe d’autres options que celle consistant à permettre à ceux qui sont déjà propriétaires de continuer à amasser du patrimoine en créant un PFU sur les revenus locatifs. Nous présenterons notamment un amendement visant à élargir le prêt à taux zéro (PTZ) à tous les primo-accédants, sans conditions de ressources. Une réflexion plus large devra être engagée sur le revenu locatif – je songe notamment au régime microfoncier.
Nous avons passé des mois à débattre de niches fiscales comme celle dont bénéficient les logements Airbnb ; ce n’est pas pour créer un statut du bailleur et accorder des réductions d’impôts à ceux qui n’en ont pas forcément besoin au détour d’un amendement. Un tel sujet mériterait un peu plus de travail et de concertation.
M. David Amiel (EPR). Pour comparer les nombreux amendements qui portent sur la question du logement, nous avons besoin d’éléments de chiffrage, même si, comme le dit le rapporteur général, les coûts des dispositifs proposés ne se feront sentir que dans plusieurs années.
Mme Véronique Louwagie (DR). Il est question ici de la différence de fiscalité entre les revenus mobiliers, soumis au PFU, et les revenus fonciers, dont le taux marginal d’imposition peut atteindre 49 %. Un tel écart suscite naturellement des interrogations.
Vous proposez que les revenus des personnes physiques soient soumis à un régime réel d’imposition. Un propriétaire louant plusieurs logements pourrait-il utiliser cette option seulement pour certains de ses logements, ou l’option concernerait-elle automatiquement tous les logements éligibles au dispositif ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mon amendement ne concernerait que les nouveaux logements. Une personne possédant actuellement plusieurs logements restera donc soumise au système existant.
Je pourrais faire des simulations pour évaluer les retombées positives attendues si nous parvenions à réorienter l’épargne privée vers le logement. Je ne nie nullement l’intérêt du PTZ pour favoriser l’accession sociale à la propriété, dont l’élan a été brisé au cours des dernières années, mais il s’agit ici de relancer le marché locatif privé : il faut agir sur tous les fronts.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Pour répondre à Mme Louwagie, l’option serait globale, comme c’est le cas pour les revenus mobiliers.
Je suis tout à fait disposé à retravailler mon amendement, mais à force d’appeler de nos vœux un choc fiscal pour le logement, nous sommes restés complètement immobiles pendant des années. Il faut bien avancer et faire des propositions.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Sauf erreur, vous n’avez pas répondu sur le coût de votre amendement, monsieur le rapporteur général. Or, la situation des finances publiques étant très contrainte, nous devons savoir dans quoi nous nous engageons.
J’observe ensuite que vous semblez juger raisonnable le taux actuel du PFU, fixé à 30 %. Vous opposerez-vous aux amendements tendant à l’augmenter ?
Enfin, offrir une option aux propriétaires uniquement pour les nouveaux logements, en excluant des logements déjà existants pourtant identiques, créerait une inégalité de traitement manifeste.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il existe bien des régimes d’assurance vie différents selon la date de souscription, ce qui ne pose aucun problème ! L’objectif est de créer un dispositif susceptible d’attirer l’épargne vers le marché locatif privé, afin de relancer le secteur, sans quoi tous les problèmes que nous déplorons ne feront que s’accentuer.
Je m’efforcerai de vous répondre plus précisément en séance sur le coût du dispositif, étant entendu que je privilégie une approche économique plutôt que seulement fiscale.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF751 de Mme Céline Thiébault-Martinez et I-CF599 de M. Philippe Brun (discussion commune)
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement de Mme Thiébault-Martinez vise à défiscaliser les pensions alimentaires reçues par le parent ayant la garde de l’enfant – le plus souvent la mère –, afin de réduire la charge fiscale pesant sur les familles monoparentales. Ces pensions sont en effet considérées comme des revenus imposables, ce qui aggrave la précarité des parents isolés.
Je le retire toutefois au profit de l’amendement suivant, qui est plus équilibré.
L’amendement I-CF751 est retiré.
M. Philippe Brun (SOC). Comme la commission des finances en avait décidé à l’initiative de notre ancienne collègue Aude Luquet, et comme nous l’avions à nouveau proposé dans notre proposition de loi transpartisane relative aux familles monoparentales, il faut redonner de la cohérence au système d’imposition existant. Les pensions alimentaires, perçues dans 92 % des cas par des femmes, sont soumises à l’impôt alors que leur montant est fixé par décision de justice et qu’elles constituent simplement une contribution à l’éducation et à l’entretien de l’enfant. Il n’est pas normal que de nombreuses femmes soient soumises à l’impôt sur le revenu du fait de ces versements. Les mères doivent toucher les montants fixés par la justice et calculés pour répondre aux besoins des enfants concernés. Il y va de leur dignité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le parent qui a la garde de l’enfant bénéficie déjà d’un dispositif fiscal favorable, à savoir la demi-part supplémentaire de quotient familial. Le débiteur, quant à lui, peut déduire la pension alimentaire de son revenu global, ce qui l’incite d’ailleurs à verser les pensions. Parce qu’elle constitue un revenu supplémentaire, il est logique que la pension alimentaire soit déclarée et imposée – pour la minorité de ménages concernés qui sont imposables. La symétrie doit être respectée : si les sommes sont déductibles d’un côté, elles doivent être imposables de l’autre.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Pour les couples, les dépenses liées à l’entretien d’un enfant ne sont imposées que par la TVA. Pourquoi ces dépenses seraient-elles imposées davantage dans les couples séparés, à travers la pension alimentaire ?
Vous mentionnez la proposition de loi relative à la charge fiscale de la pension alimentaire d’Aude Luquet, examinée en 2022, lors de la niche du Modem. Celle-ci prévoyait initialement que les pensions alimentaires cesseraient d’être déductibles des impôts de celui qui les verse. Lors de l’examen du texte en commission, nous avions supprimé cette disposition, car l’argent dépensé pour les enfants ne doit être imposé pour aucun des deux parents.
Mme Véronique Louwagie (DR). Actuellement, une pension alimentaire est imposable pour la personne qui la perçoit, et déductible des impôts pour la personne qui la verse. Monsieur Brun, votre proposition consiste-t-elle bien à défiscaliser la pension pour le bénéficiaire et à mettre fin à sa déductibilité pour la personne qui la verse ?
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Notre système d’imposition est extrêmement progressif. Le plus souvent, les familles monoparentales ne paient pas d’impôt sur le revenu, car elles sont surreprésentées dans les foyers les plus pauvres. Votre amendement concernerait donc surtout des femmes qui bénéficient à la fois de revenus très importants et d’une pension alimentaire. Or il n’y a pas de raison que celles-ci échappent à l’impôt sur ce revenu.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je comprends la symétrie actuelle entre la déductibilité fiscale pour la personne qui verse la pension et l’imposition pour son bénéficiaire. Toutefois, la plupart du temps, le montant des pensions alimentaires ne compense pas tout à fait la charge financière que représentent les enfants pour les bénéficiaires, souvent des femmes. Cela crée un déséquilibre.
Même si, reconnaissons-le, ces questions sont souvent déjà abordées dans les conventions de divorce, la mesure proposée, similaire à celle défendue par Aude Luquet, vise à rétablir l’équilibre dans les familles monoparentales, alors que les séparations sont parfois difficiles. C’est une mesure de justice, qui ne coûterait pas une fortune.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Le montant moyen des pensions alimentaires s’élève à 190 euros par mois par enfant, alors que le montant moyen des dépenses pour un enfant atteint 750 euros par mois. L’écart est énorme. Et encore, nous n’abordons pas ici la charge affective du parent disposant du droit de garde – ce sont très majoritairement des mères –, les soins qu’il prodigue, les rendez‑vous qu’il prend…
Il faut que la pension cesse d’être déductible des impôts de la personne qui la verse, souvent le père. C’est une question de justice fiscale, mais aussi de symbole : ces dépenses sont normales et dues à l’enfant.
M. Philippe Brun (SOC). Oui, c’est bien cela, madame Louwagie. D’une part, nous proposons de défiscaliser la pension alimentaire pour le bénéficiaire – souvent la mère. En effet, il s’agit d’une contribution à l’éducation et l’entretien de l’enfant. Ce n’est pas un revenu et il n’est donc pas normal de l’imposer. D’autre part, nous proposons de mettre fin à la déductibilité de la pension alimentaire pour la personne qui la verse – souvent le père. C’est bien normal, puisque les couples ne déduisent pas de leurs impôts le coût des fournitures pour la rentrée scolaire de leur enfant ou des yaourts qu’il consomme.
Cette proposition, qui rendrait le système plus juste, rapporterait jusqu’à 400 millions d’euros au budget de l’État, selon les estimations produites dans le rapport d’Aude Luquet. En effet, les pères gagnent davantage que les mères ; le produit de la fiscalisation de leurs revenus est donc plus élevé.
Je rappelle que cette proposition a déjà été adoptée par l’Assemblée nationale, dans une proposition de loi qui dort actuellement au Sénat. En l’adoptant dans ce projet de loi de finances (PLF), nous lui donnerions sa pleine force.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La pension alimentaire n’est déductible des impôts de celui qui la verse que jusqu’à un plafond de 6 674 euros, soit près de 550 euros par mois.
Mme Véronique Louwagie (DR). Ce n’est pas le cas quand la pension alimentaire est imposée par le tribunal.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Certes, dans ces cas-là, elle est intégralement déductible, mais le cas général est celui d’un versement volontaire, qui est donc soumis à un plafond. Une pension de 12 000 euros annuels n’est ainsi pas intégralement déductible, ce qui montre la modération du système actuel.
La commission rejette l’amendement I-CF599.
Amendement I-CF310 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Comme chaque année – mais cette année, cela apparaît plus nécessaire que les précédentes –, je propose de supprimer l’avantage fiscal très important dont bénéficient les journalistes. Il n’a plus lieu d’être.
Contrairement à ce que l’on peut croire, hors micro, de nombreux journalistes jugent que cette niche est une injustice. Le grand patronat de la presse a délégué à l’État le versement d’une partie du salaire des journalistes. Il est anormal que des magnats de la presse fassent peser une partie de cette rémunération sur nos concitoyens.
Je ne comprends pas l’opposition à la suppression de cette niche fiscale. Il ne s’agit pas de stigmatiser les journalistes, mais de conduire les patrons de presse, que la gauche vilipende volontiers, à les payer. La situation actuelle est surréaliste. Les journalistes pourront toujours bénéficier d’un abattement sur leurs frais professionnels, comme n’importe quel Français.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet avantage fiscal considérable pose un vrai problème : un journaliste payé moins de 6 000 euros par mois ne paye pas d’impôt sur le revenu.
Quand j’étais jeune parlementaire, j’avais défendu le même amendement que vous, monsieur Tanguy, suscitant une bronca. Le SNJ – le syndicat national des journalistes – puis les patrons de presse m’avaient expliqué que cet avantage avait été créé après-guerre, afin, vous n’avez pas tort sur ce point, d’alléger la masse salariale dans la presse. C’était une contrepartie, au sein d’un équilibre global. Je ne pourrai donc émettre un avis favorable à un tel amendement que dans le cadre d’une réforme d’ensemble des aides à la presse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF473 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je propose de supprimer la niche fiscale dont je bénéficie en tant que conseiller régional – et qui complique la déclaration de mes revenus auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) : il ne faut pas déclarer le montant que l’on touche, mais celui indiqué comme étant soumis à l’impôt sur la fiche de paie. Nous, conseillers régionaux, devons payer notre juste part d’impôt, d’autant que nous ne sommes pas si mal payés si l’on calcule le taux horaire.
Cette niche fiscale avait été créée non pour nous, mais pour apporter un complément de revenu aux élus des petites communes rurales et leur permettre de faire face aux faux frais.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La niche fiscale visée concerne tous les élus locaux et non les seuls élus régionaux. Son taux est de 17 %. Pour un traitement de 4 085 euros, elle permet ainsi une exonération d’impôt sur le revenu pour les premiers 695 euros ; le reste est intégralement fiscalisé. En cas de cumul de deux mandats, l’abattement atteint 1 042 euros par mois. Les élus des communes de moins de 3 500 habitants bénéficient d’un régime dérogatoire : l’exonération s’élève à 38,75 % de leur traitement. L’abattement peut ainsi atteindre 2 375 euros.
Selon moi, s’il faut mener une réforme, celle-ci devra concerner l’ensemble des élus locaux et non les seuls conseillers régionaux, qu’il ne faut pas discriminer.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Quand je me rends au conseil régional, à Lille, je peux me faire rembourser le train, l’hôtel, le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. Le fait que les conseillers régionaux puissent cumuler des avantages aussi considérables avec le bénéfice d’une niche conçue pour les élus ruraux – qui ne se font pas rembourser de tels frais – est un abus total du droit.
Si nous ne sommes pas capables de faire le ménage dans ce genre de niches fiscales injustifiables, nous ne sommes pas près de mettre fin au déficit de l’État.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous ne pouvez viser les seuls conseillers régionaux : ce serait une rupture d’égalité. Vous pouvez en revanche retirer le présent amendement et en déposer un nouveau visant cette niche fiscale pour tous les élus locaux. Ce serait plus cohérent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF333 de M. François Jolivet
M. François Jolivet (HOR). Il s’agit d’un amendement d’appel visant à fiscaliser la prime d’activité. Celle-ci avait été conçue comme un complément salarial pour les travailleurs à temps partiel, notamment dans les grands magasins des zones périphériques, à une époque où le taux de chômage était très élevé. Lors de la crise des gilets jaunes, le champ de ses bénéficiaires avait été élargi ; c’était une bonne chose.
Toutefois, actuellement, alors que nous frôlons le plein emploi, ce système apparaît incohérent. Certains salariés dont le temps partiel est choisi perçoivent jusqu’à 685 euros de prime d’activité, en plus de leurs 1 100 euros de salaire, et seul leur salaire est fiscalisé. C’est très injuste pour les salariés rémunérés au Smic, qui n’ont pas droit à la prime d’activité et dont les 1 300 euros de salaire sont intégralement fiscalisés.
Il est donc urgent de refondre ce mécanisme, comme le constatent tous les hauts fonctionnaires qui l’étudient. La Cour des comptes a observé que la prime d’activité, qui coûte 11 milliards au budget général de l’État, est l’un des dispositifs qui fait l’objet du plus grand nombre de fraudes, la Cnaf – Caisse nationale des allocations familiales – ne parvenant pas à suivre les évolutions des revenus des allocataires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas seulement la prime d’activité, dont le coût dépasse 10 milliards d’euros, qui échappe à l’impôt sur le revenu, mais l’ensemble des prestations sociales. Pourquoi donc proposer la fiscalisation de cette seule prime ? Pourquoi pas celle du RSA – revenu de solidarité active –, ou de l’APA – allocation personnalisée d’autonomie ? La question de la fiscalisation, si elle doit être posée, doit donc l’être pour l’ensemble des prestations.
En outre, la prime d’activité est comptabilisée dans le revenu fiscal de référence, utilisé pour déterminer le montant des aides versées. Nous reprenons ainsi d’un côté ce que nous donnons de l’autre. Enfin, je m’interroge sur le produit procuré par la réforme que vous proposez, car, pour l’essentiel, les bénéficiaires de cette prime ne sont pas imposables.
M. François Jolivet (HOR). Il ne m’avait pas échappé que la prime d’activité est une prestation sociale. Le problème est que son fonctionnement est détourné. Tous les rapports de la Cour des comptes montrent que ce dispositif est à bout de souffle. De plus, il coûte 11 milliards d’euros, alors que nous cherchons des ressources.
Actuellement, la règle est qu’une personne qui touche 1 100 euros de salaire perçoit jusqu’à 685 euros de prime, qu’elle le veuille ou non. Comment le justifier auprès des salariés, rémunérés au Smic, qui ne perçoivent pas de prestation sociale ?
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Il faut augmenter les salaires !
M. François Jolivet (HOR). Je suis bien d’accord, mais ne sanctuarisons pas des injustices. Je retire cet amendement, mais j’en déposerai un autre, visant à réduire cette prestation sociale d’un montant beaucoup plus élevé que celui proposé par le Gouvernement.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF699 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). J’espère que nous nous retrouverons autour de cet amendement qui me tient à cœur : il vise à exonérer fiscalement les primes versées par l’État aux athlètes olympiques et paralympiques. Récemment, les athlètes ont porté haut les couleurs de la France. Je pense notamment au paracycliste Alexandre Léauté, l’athlète paralympique le plus médaillé de la délégation française, qui réside à Saint-Caradec. Ces athlètes nous ont rendus fiers et nous ont fait rêver. Ils méritent la reconnaissance de la nation.
Or dans certains sports et dans les disciplines paralympiques, les revenus sont très faibles, alors que les athlètes doivent consentir à des sacrifices gigantesques pour obtenir une médaille. Il faut donc créer une exonération fiscale pérenne pour les primes versées par l’État aux athlètes olympiques et paralympiques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le montant des primes accordées aux sportifs médaillés olympiques et paralympiques s’élève à 18 millions d’euros ; leur fiscalisation rapportera donc entre 2 et 4 millions – pour les dépenses de l’État, c’est l’épaisseur du trait.
Dans le passé, l’exonération de ces primes a fait consensus lors des différentes éditions des Jeux, à quelques exceptions près.
Toutefois, les sportifs disposent déjà de certains avantages. Leurs primes peuvent être lissées sur quatre ans, au titre de revenus exceptionnels, et l’ensemble de leurs revenus peut être lissé sur trois ans ou cinq ans, au titre de l’article 100 bis du code général des impôts (CGI).
Je m’en remets donc à la sagesse des commissaires.
M. David Amiel (EPR). Je m’oppose à cet amendement car nous devons éviter de créer de nouvelles niches fiscales ; il faut plutôt en réduire le nombre.
J’ai beaucoup d’admiration pour nos athlètes, comme j’en ai pour de grands écrivains ou artistes, mais je ne propose pas pour autant de faire bénéficier ceux-ci de crédits d’impôt.
En outre, la meilleure manière de soutenir les athlètes, c’est d’augmenter leur prime – ce qui a été fait, d’ailleurs. Enfin, un crédit d’impôt aurait pour effet paradoxal d’aider davantage les sportifs qui gagnent le mieux leur vie, alors qu’il faut aider en priorité les athlètes dont la discipline est moins médiatisée et les revenus moindres.
M. Corentin Le Fur (DR). Il serait mesquin de priver les athlètes olympiques et paralympiques de cette exonération, qui a été votée presque à chaque édition des Jeux.
La périodicité des Jeux – tous les quatre ans – n’a pas d’équivalent dans le monde culturel. Ces athlètes ont fait des sacrifices énormes pour défendre nos couleurs et les primes constituent une partie importante de leur rémunération, sachant que dans des disciplines telles que le cyclisme, l’escrime ou le vélo, ils ne peuvent pas vivre de leur sport et doivent travailler en parallèle. Enfin, le coût de l’amendement serait modique à l’échelle du budget de l’État.
M. Gérault Verny (UDR). Même si nous sommes admiratifs de nos athlètes, en créant une telle niche, nous ouvririons la boîte de Pandore, car ses bénéficiaires seraient trop nombreux.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF440 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Nous proposons d’exonérer d’IR les revenus générés par l’activité des médecins et des infirmières dans le cadre du cumul emploi-retraite, afin de lutter contre la désertification médicale.
Dans son discours de politique générale, Michel Barnier a évoqué un assouplissement du cumul emploi-retraite pour les médecins. Cela prendra-t-il la forme d’une exonération d’IR, ou d’une prolongation des exonérations des cotisations de retraite pour les médecins dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), puisque le dispositif en vigueur arrivera à extinction à la fin de l’année 2024 ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les médecins peuvent déjà cumuler emploi et retraite sans condition de revenus, à la différence des cotisants aux autres régimes de retraite de base. En outre, ils bénéficient depuis 2023 d’une exonération de cotisations sociales, notamment des cotisations de retraite, lors du cumul emploi-retraite. En contrepartie, le montant de leur retraite n’est pas révisé après le début de leur retraite.
L’efficacité de la mesure proposée me paraît très incertaine, contrairement à l’effet d’aubaine qui, lui, est garanti.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il existe déjà des dispositifs visant à favoriser le cumul emploi-retraite des médecins, mais leur impact sur la lutte contre la désertification médicale est incertain, selon la Cour des comptes.
L’an dernier, la proposition de réguler l’installation des médecins, qui n’aurait rien coûté, a été rejetée par notre assemblée avec une majorité de quarante voix. Messieurs et mesdames les députés du Rassemblement national, ce sont vos voix qui nous ont manqué. Si vous souhaitiez agir contre les déserts médicaux, il fallait voter pour.
M. Philippe Juvin (DR). L’exonération de cotisations de retraite pendant un an votée dans le PLFSS pour 2023 que vous évoquez n’a pas été appliquée. Le décret d’application n’a pas été pris, à cause de la résistance de la caisse d’assurance retraite des médecins libéraux.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans de tels cas, il faut interpeller les ministres ! Ils doivent appliquer les votes du Parlement, sinon, ce n’est plus la démocratie. Ces cas sont rares, mais anormaux. Il faut saisir Mme la ministre de la santé et de la prévention de cette affaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF494 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il faut indexer sur l’inflation le plafond de défiscalisation des heures supplémentaires. À défaut, nous défavoriserions les Françaises et les Français qui choisissent de travailler davantage et d’augmenter ainsi leurs revenus. Nous le savons, il est difficile de vivre de son travail aujourd’hui. Il serait mesquin et injuste de rogner sur les revenus dégagés par nos concitoyens grâce à leurs efforts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La défiscalisation des heures supplémentaires est déjà très importante, avec un plafond annuel de 7 500 euros, soit 625 euros par mois. Les salariés rémunérés au Smic peuvent ainsi défiscaliser l’équivalent de la moitié de leur salaire s’ils effectuent 54 heures supplémentaires en un mois – cela leur est possible puisque, vous le savez, le contingent hebdomadaire des heures supplémentaires peut être dépassé, avec une compensation d’un mois sur l’autre.
La défiscalisation en vigueur réduit le produit de l’IR et des prélèvements sociaux d’environ 3,2 milliards d’euros. Si nous indexons son plafond à 2 % d’inflation, cela coûterait 60 millions supplémentaires.
Mme Véronique Louwagie (DR). Les nombreux plafonds et seuils que nous prévoyons sont rarement réévalués – certains ne l’ont pas été depuis dix ou quinze ans, si bien qu’ils ne produisent pas les effets escomptés. C’est une vraie question.
M. Nicolas Sansu (GDR). Monsieur Tanguy, vous défendez la logique du « travailler plus pour gagner plus » de M. Sarkozy, qui prive la sécurité sociale de cotisations et le budget de l’État de recettes fiscales. Ce n’est pas possible ! Toute heure travaillée doit être fiscalisée et socialisée. Si l’on veut que nos compatriotes gagnent davantage, il faut augmenter les salaires, à commencer par le Smic, et revaloriser les échelles indiciaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF416 de M. Éric Ciotti
M. Vincent Trébuchet (UDR). Notre système fiscal compte plus de 450 niches, que le législateur a apparemment beaucoup de mal à supprimer.
Les intermittents du spectacle bénéficient d’un régime spécial d’indemnisation du chômage très favorable, dont le déficit, chronique, atteint environ 1 milliard par an. Ils bénéficient en plus d’avantages fiscaux. La moindre des choses serait de supprimer ceux-ci, alors qu’ils n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Le précédent rapporteur général avait qualifié cette niche de « trou noir fiscal ». Elle est obsolète et crée de nombreux effets d’aubaine.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le dispositif visé, un système de lissage instauré en 1927, autorise les intermittents du spectacle à calculer le montant de l’IR à partir d’une moyenne formée par le total des revenus sur trois ou cinq ans. Nous ignorons le coût de la dépense et le nombre de ses bénéficiaires. L’Inspection générale des finances (IGF) avait jugé ce dispositif « peu efficient » en 2011. De plus, le dispositif n’est pas plafonné. Il y a donc un problème. Mais avant de supprimer ce « trou noir », il faudrait connaître son utilisation, son coût. Un rapport serait donc indiqué.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est vraiment Touchez pas au grisbi ! On dit parfois qu’il y a un chien de garde au fond de chaque niche. Ces chiens sont manifestement bien nourris et farouches.
Tout le monde sait que le système prévu pour le monde du spectacle ne fonctionne pas. C’est sans doute l’un des plus inégalitaires, avec celui prévu pour les journalistes. De pauvres diables payés très durement à la semaine, au jour ou à l’heure y côtoient des multimillionnaires et des héritiers au talent douteux, si l’on en juge par l’insuccès de leurs productions.
Comment considérer que l’État et les travailleurs français doivent financer un tel régime, quand on défend le travail et la justice sociale ? Il ne s’agit pas ici de remettre en question le financement du spectacle vivant et de la culture, mais de mettre fin à des rentes, toujours prélevées au détriment du prolétariat du spectacle, du cinéma et de la télévision.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Monsieur Tanguy, vous connaissez visiblement mal la réalité des intermittents du spectacle. Loin d’être des privilégiés qui gagnent très bien leur vie, ils connaissent le plus souvent de grandes difficultés. Ils sont l’honneur de notre pays en faisant vivre la culture française. Vous devriez les défendre plutôt que de les stigmatiser et les moquer. Je vous suggère en outre, puisque vous êtes très drôle, de vous inscrire à leur régime ; vous y auriez sans doute toute votre place.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF304 de M. Charles de Courson, I-CF795 de M. Aurélien Le Coq et I-CF219 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les travaux que j’ai menés avec Félicie Gérard dans le cadre de notre rapport sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation nous ont permis d’identifier un mécanisme d’optimisation fiscale reposant sur le sursis d’imposition des sommes versées sur un plan d’épargne retraite (PER).
Quand l’assuré décède avant la liquidation de son PER, les sommes déduites à l’entrée ne sont jamais soumises à l’impôt sur le revenu et nous pouvons parier que cette situation se rencontre principalement chez les contribuables dotés d’un patrimoine élevé – puisqu’ils n’ont pas eu besoin de liquider leur contrat au moment où ils prennent leur retraite.
Nous proposons donc d’interdire l’ouverture d’un PER après 67 ans, ce qui rejoint l’essentiel des pratiques observées par les distributeurs, et d’imposer les sommes non liquidées à l’impôt sur le revenu, cette imposition étant déduite des droits de succession éventuels afin de ne pas donner lieu à une double imposition. C’est une mesure de justice fiscale.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Une petite partie de la population se sert de tous les dispositifs possibles pour défiscaliser et nous en avons une preuve supplémentaire avec le PER par lequel certains soustraient à l’impôt sur les successions une partie de leur patrimoine. Ce mécanisme bénéficie bien évidemment toujours aux plus riches puisque la part des cadres détenant un produit d’épargne retraite s’élève à 34 % tandis que les employés et les ouvriers ne sont respectivement que 10 % et 11,8 % à en bénéficier. Il est temps d’apporter des correctifs car si rien n’est fait dans les prochaines années, ce seront 160 milliards qui échapperont à toute imposition.
J’ajoute que c’est plutôt à partir de 60 ans qu’il faudrait envisager de rendre impossible la souscription d’un PER puisque ce sera bientôt l’âge légal de départ à la retraite…
M. Emmanuel Maurel (GDR). Notre amendement I-CF219 vise les mêmes objectifs que les précédents. Nous proposons simplement d’appliquer au moment du décès du titulaire un taux unique d’imposition de 12,8 % sur les versements effectués sur un PER. Cette flat tax nous semble plus sûre, car soumettre ces sommes à l’IR suppose que les héritiers les déclarent et que l’administration fiscale puisse exercer un contrôle ; or nous savons que les données relatives aux successions sont mal centralisées, nous l’avons bien vu avec les transmissions dans le cadre du pacte Dutreil.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Maurel, je vous invite à retirer votre amendement au profit du I-CF304. Félicie Gérard et moi proposons que les sommes déduites lors de leur versement sur un PER fassent l’objet d’un rattrapage au titre de l’impôt sur le revenu. Le barème leur serait appliqué tout en tenant compte du caractère exceptionnel de ces versements, afin de prévoir un éventuel étalement de l’imposition. Par ailleurs, nous prévoyons de retirer ces sommes de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) pour éviter une double imposition. Notre amendement présente un bon équilibre et une meilleure articulation avec la fiscalité applicable aux actifs entrant dans les successions, dont le PER fait partie.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Le PER, créé par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) il y a moins de six ans, a été rendu plus attractif par le débat sur la réforme des retraites. Il ne faut pas caricaturer les titulaires de ce produit d’épargne, parmi lesquels, j’ai pu le constater, figurent de nombreuses personnes appartenant aux classes moyennes. Vous ne feriez qu’alourdir leur fardeau fiscal avec cette nouvelle imposition. Ne venons pas ébranler la stabilité dont nous avons besoin en matière fiscale.
M. Philippe Juvin (DR). Les trois amendements reviennent de facto à augmenter les droits de succession. Vous soumettez à la tonte une personne qui ne devait pas l’être simplement parce qu’elle a eu le malheur de mourir : voilà qu’on lui pique son argent pour éviter que ses héritiers touchent trop. Ce soir, on assiste vraiment au championnat du monde des impôts supplémentaires !
M. Nicolas Sansu (GDR). Je veux bien entendre les arguments du rapporteur général, mais je maintiens qu’un problème de calibrage se posera. Les services du fisc ne pourront en effet connaître le montant des sommes issues du PER que si les héritiers les déclarent.
Monsieur Juvin, on ne peut pas parler de tonte, puisqu’en matière de PER, une sorte de sursis s’applique pour l’imposition sur le revenu. Si son titulaire le débloque de son vivant, la rente qui lui est versée est imposable à l’IR. En revanche, si l’actif du bénéficiaire entre dans la succession, cette imposition n’est pas appliquée. Certes, les sommes sont soumises aux droits de succession mais si elles n’excèdent pas un certain seuil, les héritiers n’ont rien à payer, ce qui pose problème.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). N’oublions pas le mot « retraite » dans plan d’épargne retraite, au principe duquel, soit dit en passant, nous sommes opposés car c’est une forme de capitalisation. Si le titulaire s’abstient à dessein de liquider ce produit au moment où il prend sa retraite, nous pouvons considérer que c’est afin de défiscaliser les sommes versées et de les transmettre à moindre coût à ses héritiers. Ce n’est pas dans ce but de dissimulation que le PER a été conçu. Il ne s’agit donc pour l’État de tondre qui que ce soit, monsieur Juvin, mais de récupérer son dû.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les titulaires d’un PER bénéficient d’un avantage fiscal à l’entrée : les sommes qu’ils versent sont déductibles des revenus imposables, dans la limite de 10 % des revenus professionnels. En revanche, au moment où, à 60, 65 ou 70 ans, ils débloquent leur PER, la rente qu’ils touchent, autrement dit les revenus du capital placé, est soumise à l’IR, ce qui est tout à fait normal.
Si la personne a le bon goût de décéder, ces sommes entreront dans les actifs de la succession mais ses héritiers n’auront pas à payer l’impôt dont aurait dû s’acquitter leur de cujus de son vivant, ce qui pose problème. Nous demandons simplement qu’un même traitement fiscal soit appliqué aux sommes tirées d’un PER, monsieur Juvin.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF905 de Mme Mathilde Feld.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Notre objectif est de lutter contre l’optimisation fiscale agressive en soumettant au barème de l’impôt sur le revenu les montants distribués à des holdings. Beaucoup de milliardaires utilisent cette forme de société pour organiser leur insolvabilité fiscale alors que les plus pauvres des Français paient la TVA chaque fois qu’ils consomment – et ils dépensent presque tout ce qu’ils gagnent.
Pour que tout le monde soit traité de façon égale face à l’impôt, pour que les gros paient gros et les petits petit, je vous propose de rétablir un peu de justice fiscale en empêchant ce mécanisme d’optimisation fondé sur les holdings, lesquelles, ne l’oublions pas, ne sont nullement nécessaires aux entreprises qui veulent investir.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous retrouvons ces stratégies à l’œuvre dans de multiples domaines, en particulier s’agissant de l’IFI. Votre proposition se heurte à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle on ne saurait imposer des revenus qui n’ont pas été distribués. Il faut donc trouver une autre solution. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF547 de Mme Eva Sas, I-CF761 de M. Aurélien Le Coq, I-CF546 de Mme Eva Sas, I-CF763 de Mme Marianne Maximi, I-CF1806 de Jean‑Paul Mattei, I-CF765 de M. Éric Coquerel et I-CF1160 de M. Michel Castellani (discussion commune)
Mme Eva Sas (EcoS). Nous souhaiterions supprimer la flat tax pour faire rentrer dans le barème de l’impôt sur le revenu les revenus du capital : ceux-ci ne doivent pas être moins taxés que les revenus du travail. En attendant, alors que nous avons besoin de recettes supplémentaires, nous proposons d’augmenter le taux du PFU : de 10 points, dans notre premier amendement, de 5 points dans l’autre. Il n’est pas acceptable de demander des efforts au plus grand nombre, à travers le report de l’indexation des retraites ou la hausse du ticket modérateur, sans augmenter la fiscalité sur les revenus du capital.
Rappelons que ceux-ci augmentent trois fois plus vite que les revenus du travail et que seule une minorité de Français les perçoivent – 96 % des dividendes sont versés à 1 % des foyers fiscaux. Il n’est pas normal que les plus riches, en raison du faible taux du PFU, soient soumis à une imposition proportionnellement moins élevée que l’ensemble de la population.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Les revenus du capital ont explosé ces dernières années. En 2024, les entreprises du CAC40, qui ont engrangé plus de 150 milliards de bénéfices, ont versé 100 milliards de dividendes à leurs actionnaires. De l’argent, il y en a et ce n’est pas en le prenant que nous empêcherons les créations d’emplois ou les augmentations de salaires – bien au contraire, comme le prouvent les effets de la barémisation des revenus du capital mise en place en 2013. Je vous appelle donc à voter notre amendement, qui propose de relever de 10 points le PFU, en attendant de récolter le 1,4 milliard à 1,7 milliard que nous rapporterait sa suppression.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Vous refusez que l’on touche aux revenus des plus riches et vous avez du mal à voter pour aider les familles monoparentales, par exemple. Avec cet amendement de repli, nous vous offrons l’occasion d’ouvrir le débat sur la fiscalité du capital. Le problème, c’est que vos postures nuisent au consentement à l’impôt.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Dans le rapport sur la fiscalité du patrimoine que j’ai élaboré avec Nicolas Sansu, nous préconisions une « hausse modérée », de 3 points, du taux du PFU, proposition que je reprends dans mon amendement. Il s’agit d’une solution d’équilibre qui évite une fiscalité confiscatoire – il ne faut pas oublier qu’avant la distribution des dividendes, un taux de 25 % d’impôt sur les sociétés s’applique aux entreprises – tout en instaurant une juste contribution des revenus du capital au budget de l’État.
M. le président Éric Coquerel. Mon amendement, de repli, propose également une hausse de 3 points, mais j’espère que nous parviendrons à un accord sur une augmentation plus efficace, de 5 points, soit une recette d’1 milliard d’euros.
N’oublions pas que les effets du mécanisme visant à se rémunérer en revenus du capital pour bénéficier d’une moindre taxation se sont aggravés ces dernières années.
M. Michel Castellani (LIOT). Les dividendes sont perçus par une infime minorité de Français et si le niveau des prélèvements obligatoires est très élevé dans notre pays, la pression fiscale n’est pas répartie de manière équitable. Augmenter un peu la fiscalité du patrimoine serait une mesure de justice fiscale. Notre amendement propose donc de relever la part du PFU relevant de la contribution à l’impôt sur le revenu de 12,8 % à 14 %, soit un rendement d’environ 500 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avec le PFU, la France applique un modèle d’imposition des revenus financiers désormais général en Europe. Le taux de 30 % qu’elle a retenu comme la Belgique se situe toutefois parmi les plus élevés. L’imposition maximale est de 26,4 % en Allemagne, de 26 % en Italie, de 19 % et 21 % en Espagne. Les Anglais, qui sont toujours atypiques, ont eux alourdi leur fiscalité sur les dividendes selon un système progressif.
Je vous propose de retenir une hausse de 2 points, soit une recette de 1 milliard. Nous devons prendre une mesure de solidarité mais sans trop nous écarter de nos collègues européens. Une augmentation de 10 points – pour un rendement de 5 milliards – serait considérable.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Pour notre part, nous défendons une hausse de 10 points. Pourquoi serait-on moins taxé quand on fait de l’argent avec de l’argent que lorsqu’on utilise sa force de travail ? Même Christine Lagarde le dit : « Depuis des décennies, le capital a été mieux rémunéré que le travail. L’équilibre des forces penche manifestement d’un côté. » Son effroi devrait être partagé. C’est bien le péché originel du macronisme d’avoir créé un système d’évitement de l’impôt : en taxant moins les revenus du capital, il a encouragé les riches à se rémunérer sous forme de dividendes.
Soulignons que les entreprises qui versent le plus de dividendes ne sont pas forcément les plus vertueuses, comme le montre le cas de Sanofi avec la cession de sa filiale produisant le Doliprane. En augmentant le PFU, non seulement nous alimenterions les caisses de l’État mais nous découragerions les mauvaises pratiques.
M. Philippe Brun (SOC). Pourquoi est-il prévu de n’aborder que plus tard la discussion de certains amendements proposant eux aussi une augmentation du PFU ? Même s’ils portent sur d’autres bases, il aurait été intéressant de les examiner en même temps que les présents amendements.
Mme Véronique Louwagie (DR). Cette discussion renvoie à celle que nous avons eue sur la différence de taxation entre revenus mobiliers et revenus fonciers. Mieux vaudrait, selon nous, parvenir à une réduction de l’imposition d’autres revenus, l’idéal étant de conjuguer assiette très large et taux très bas, tout en se posant la question des exonérations.
Les dispositifs que nous examinons, qu’il s’agisse de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises ou de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, suscitent des inquiétudes dans le monde économique qui s’interroge sur leur pérennité. Ils laissent craindre une certaine instabilité et je ne suis pas sûre que ce soit le bon moment. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ces amendements.
M. Daniel Labaronne (EPR). La question de la fiscalité du capital ou du patrimoine est très documentée. Les rapports du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital mis en place par France Stratégie établissent très clairement que de tous les pays d’Europe, c’est la France qui taxe le plus les revenus du capital. Vous avez rappelé vous-même, monsieur le rapporteur général, que le taux du PFU était parmi les plus élevés d’Europe.
Monsieur le président, contrairement à ce que vous dites, il n’y a pas eu de transformation des revenus sous forme de dividendes à des fins de défiscalisation. Je vous renvoie là encore aux travaux de France Stratégie.
Le rôle du capital est absolument décisif : c’est grâce à lui que nos investisseurs créent des entreprises, de l’emploi, de la richesse, de la croissance. In fine, il nous permet de financer notre modèle de protection sociale et nos services publics. S’attaquer au capital aurait des conséquences sur l’emploi. Une approche très mesurée s’impose, compte tenu des enjeux macroéconomiques. Nous sommes donc favorables à un maintien du taux du PFU.
M. Nicolas Sansu (GDR). En trente ans, la part de la rémunération du capital dans le PIB a gagné 10 points, celle de la rémunération du travail en a perdu 10. Voilà une réalité bien documentée, monsieur Labaronne.
Le moment n’est sans doute pas encore venu d’adopter une barémisation des revenus du capital mais, compte tenu du faible niveau du PFU, il serait de bonne politique d’adopter une augmentation de 3 points, comme nous le suggérions avec Jean-Paul Mattei. Elle ne s’appliquerait qu’aux personnes touchant beaucoup de dividendes, les autres pouvant choisir d’être imposées au barème.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il est assez facile d’évaluer les contributions respectives des revenus du travail et des revenus du capital au budget de l’État. Je ne dirai pas que le PFU a créé un effet d’aubaine en encourageant les rémunérations en capital, mais je considère qu’il serait bon d’augmenter son taux, ce que nous avions déjà proposé en 2017 à travers un amendement le fixant à 31,7 %. Quant au taux de l’impôt sur les sociétés, il n’est pas question d’y toucher.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire en présentant mon amendement sur les superdividendes l’année dernière, je fais une différence entre un bénéfice utile, qui est réinvesti dans l’entreprise, et un bénéfice futile qui ne sert qu’à rémunérer les actionnaires au-delà de la normale.
Un autre enjeu de justice fiscale est le régime mère-fille évoqué par David Amiel, sur lequel il faudra continuer de travailler dans le cadre européen.
L’investissement en France ne sera pas freiné par une augmentation du PFU, bien au contraire. Dédramatisons le débat et adoptons le bon compromis que constitue une augmentation de 3 points.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cette augmentation constituerait un doublon avec l’impôt sur la fortune financière que le groupe RN entend créer. En séance, si notre proposition était rejetée, nous serions toutefois prêts à soutenir les amendements de M. Mattei ou de M. Castellani afin de répondre à la demande de justice fiscale que les Français ont massivement exprimée dans les urnes. Pour l’heure, nous nous abstiendrons.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Quand en 2013 François Hollande a soumis les plus-values mobilières au barème de l’impôt sur le revenu, il y a eu une absence totale de mouvement économique car les revenus du capital, contrairement aux revenus du travail, ne sont pas récurrents. Cette différence de nature impose une différence dans le traitement fiscal dont ils font l’objet, voie suivie par nos voisins européens qui, en moyenne, applique un taux d’imposition de l’ordre de 20 % à 25 %.
J’observe que le PFU est un si bon modèle que vous avez voulu vous-mêmes l’appliquer aux revenus fonciers. Pourquoi retenir pour ceux-ci un taux de 30 % et pour les revenus du capital 33 %, voire 40 % ? Par ailleurs, vous faites une erreur de raisonnement en évaluant le rendement à 500 millions le point d’augmentation car il y aura moins de versements et donc moins de recettes.
M. le président Éric Coquerel. Monsieur Brun, je vous précise que si les amendements relatifs au PFU n’ont pas été regroupés, c’est qu’ils sont formellement différents, même s’ils visent le même objectif.
Un même problème se pose à l’échelle européenne voire mondiale avec des déficits à réduire, d’un côté, et des besoins massifs d’investissement en matière écologique, de l’autre. Je ne reviendrai pas sur les propositions de Mario Draghi à ce sujet. Selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), les objectifs pour le climat exigent des investissements supplémentaires annuels de 50 milliards de la part de l’État et de 23 milliards des collectivités locales. Où aller les chercher alors qu’avec le développement du capital financiarisé, la part des revenus du capital dans la richesse a considérablement augmenté par rapport à celle des revenus du travail ?
Depuis 2017, les dividendes et les rachats d’actions d’entreprises du CAC40 ont été multipliés par deux ; autrement dit, les profits ont été de plus en plus utilisés pour nourrir la rente au lieu de financer les investissements et les créations d’emploi. La raison de cette évolution est simple : avec les avantages fiscaux, il est devenu plus intéressant de se payer en dividendes qu’en salaire. Et je citerai à mon tour France Stratégie, monsieur Labaronne, qui ne voit pas trace de la moindre création d’emploi engendrée par la politique de l’offre et de la compétitivité.
Monsieur Woerth, vous semblez trouver que je parle trop longtemps mais sachez que le président de la commission des finances peut prendre la parole tant qu’il le souhaite, possibilité dont je n’use du reste pas très souvent. Vous remarquerez aussi que deux orateurs du groupe EPR ont pu s’exprimer.
Il est faux de dire que la flat tax n’a pas eu d’influence sur l’économie. Compte tenu de la nécessité de réduire les déficits et de répondre aux besoins d’investissement, il ne serait pas excessif de prendre 5 milliards dans les richesses accumulées autour des dividendes depuis 2017. Je préfère que cette somme provienne de là plutôt que des poches des classes moyennes ou défavorisées ou d’une réduction des dépenses publiques.
La commission rejette successivement les amendements I-CF547, I-CF761, I-CF546 et I-CF763.
Puis elle adopte l’amendement I-CF1806.
En conséquence, les amendements I-CF765 et I-CF1160 tombent.
Amendements I-CF641 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF603 de M. Philippe Brun (discussion commune)
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement, inspiré par la volonté de rétablir la justice fiscale, vise à régler autant que faire se peut la question des surprofits. Nos principes fondamentaux nous empêchent de récupérer un certain nombre de surprofits réalisés au cours des deux dernières années. En revanche, on peut encore récupérer des surdividendes – on entend par là des dividendes supérieurs de 20 % à la moyenne des dix dernières années. Nous proposons de les fiscaliser bien plus durement, car ils illustrent le choix des entreprises de verser beaucoup plus d’argent que la normale à leurs actionnaires au lieu d’investir, de procéder à des acquisitions externes ou internes, de mieux rémunérer ou de mieux former leurs employés – toutes actions qui contribueraient à l’économie productive. L’amendement permettrait de faire entrer 750 millions dans les caisses de l’État.
M. Jacques Oberti (SOC). L’amendement I-CF603 reprend un amendement de M. Mattei adopté dans le PLF pour 2023 et écarté du fait du 49.3, qui visait à taxer les superdistributions de dividendes et les rachats d’actions pour inciter au réinvestissement dans le tissu productif. Il s’agirait de porter à 35 %, au moyen d’une majoration temporaire de 5 points, la taxation de la distribution de revenus par les grandes entreprises dépassant de 20 % la moyenne constatée sur la période 2017-2021.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il faudrait articuler ces dispositions avec l’amendement qui vient d’être adopté, car l’augmentation proposée s’ajouterait à la hausse de 3 points du PFU. C’est à la Commission européenne que l’on doit l’idée de taxer les superprofits, définis comme des profits excédant de 20 % ceux constatés, en moyenne, sur une période quinquennale. La surtaxe que vous proposez vise les épargnants et non les entreprises, ce qui est pour le moins étrange. En outre, elle vise les revenus provenant de certaines entreprises et instituerait, ce faisant, une différence de traitement entre épargnants. Celle-ci ne serait pas sans soulever des questions constitutionnelles car elle n’a pas de lien direct avec les capacités contributives, le taux étant forfaitaire. Enfin, le principal atout du PFU est d’être un prélèvement forfaitaire. Il est donc contradictoire d’ajouter une tranche majorée ou d’exempter du PFU les contribuables au revenu fiscal de référence inférieur à un certain seuil. Avis défavorable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). À lire l’exposé sommaire de l’amendement du Rassemblement national, on a l’impression que le terme « dividende » est un gros mot et qu’il n’existe pas d’actionnariat salarié. Cela me semble une très mauvaise manière faite aux petits porteurs. En outre, rappelons que non seulement nous venons d’augmenter le PFU de 3 points, mais que nous avons accru la taxation des revenus du capital par l’institution de la contribution différenciée sur les hauts revenus. La contribution votée à l’article 3 a en effet pour assiette le revenu fiscal de référence, lequel comprend les dividendes et l’ensemble des plus-values.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les actionnaires ne sont pas des agents économiques passifs, des contribuables qui subissent les décisions prises. Ils assistent au conseil d’administration de leur entreprise et exercent leur droit de vote. Lorsqu’ils choisissent de se verser des dividendes excessifs au regard de la moyenne des dix années précédentes, ils participent à un choix économique qui n’est pas motivé par la poursuite de l’intérêt général. Ils privilégient l’enrichissement à court terme à l’investissement dans leur société. La seule raison pouvant expliquer de tels versements est la réalisation de surprofits, qui sont décorrélés de l’activité durable de l’entreprise. Des entreprises aussi importantes que Boeing paient très cher, aujourd’hui, ce genre de comportements. Cet amendement n’est pas dirigé contre les petits porteurs mais vise à favoriser l’investissement. Les gouvernements qui se sont succédé depuis trois ans ont laissé passer les surprofits. J’aimerais qu’on m’explique comment vous allez les récupérer.
M. Nicolas Sansu (GDR). Nous soutiendrons l’amendement I-CF603, qui reprend l’amendement Mattei que nous avions adopté dans le PLF pour 2023. Monsieur Lefèvre, la contribution différentielle que nous avons votée prendra en compte l’impôt sur le revenu déjà payé – y compris, donc, la surtaxe sur les dividendes.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’amendement adopté il y a deux ans avait une vertu pédagogique : il visait à ce qu’on se pose les bonnes questions, dans les grandes entreprises, lors de l’approbation des comptes. À l’époque, le PFU s’élevait à 30 % mais, comme nous venons de le faire passer à 33 % – même si j’ai peu d’illusions quant au sort qui sera réservé à cette disposition –, il ne me paraît pas utile d’en rajouter.
Un bénéfice est utile à l’entreprise : il lui permet de rémunérer ses collaborateurs, d’investir, de se développer, d’engager la transition énergétique. C’est pourquoi je suis plus réservé sur la taxation des superprofits. En tout état de cause, un entrepreneur digne de ce nom ne pense pas jour et nuit au versement de dividendes ; il se concentre sur le développement de son entreprise.
La commission rejette l’amendement I-CF641.
Puis elle adopte l’amendement I-CF603.
Amendements I-CF512 de M. Franck Allisio, I-CF903 et I-CF904 de Mme Mathilde Feld, I-CF1669 et I-CF1670 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)
M. Franck Allisio (RN). Révélées au cours de l’enquête sur les CumEx Files, en 2018, les opérations dites d’arbitrage de dividendes dont se sont rendues coupables plusieurs grandes banques sont préoccupantes. Ces pratiques, qui ont représenté un coût de 30 milliards pour nos finances publiques, doivent être efficacement combattues. Pour ce faire, le présent amendement vise à réécrire l’article 119 bis A du code général des impôts afin de réintroduire les mesures votées par le Sénat lors du débat sur le PLF pour 2019, qui avaient ensuite été vidées de leur substance par notre assemblée. Afin d’éviter le recours à des montages abusifs d’évitement de l’impôt, nous proposons de soumettre à la procédure normale les dividendes versés à un résident d’un État lié à la France par une convention fiscale prévoyant une retenue à la source de 0 %. Par la suite, le bénéficiaire pourra demander le remboursement d’un éventuel trop-perçu sur présentation des justificatifs nécessaires.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous proposons, par l’amendement I‑CF903, de reprendre les dispositions d’une proposition de loi déposée par Charlotte Leduc visant à lutter contre l’évasion fiscale. Elles ciblent deux escroqueries à grande échelle révélées par des journalistes du Monde en 2019 : les CumCum et les CumEx. Ces pratiques ont pour objet, dans un cas, de se soustraire au paiement de l’impôt et, dans l’autre cas, de demander un remboursement, qui n’a pas lieu d’être, d’une retenue d’impôt.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Par l’amendement I-CF904, nous entendons combattre avec force les stratégies d’évitement, qui sont une technique de fraude fiscale. Le coût des arbitrages de dividendes est considérable : à titre d’exemple, les CumEx ont représenté un montant de 33 milliards sur une période de 20 ans.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les CumCum internes ou externes, qui désignent des arbitrages de dividendes, ont été révélés en 2018 par un article du Monde qui a fait grand bruit. Cette fraude sévit dans de nombreux pays, qui ont plus ou moins réagi. La France n’a pas pris de mesures assez fortes, puisque ces opérations privent encore le budget de l’État de plusieurs milliards. Ces dernières sont réalisées grâce à la complicité d’intermédiaires, qui sont souvent des banques. En 2023, le parquet national financier (PNF) a d’ailleurs effectué des perquisitions au sein de cinq banques.
L’amendement I-CF1669 concerne les CumCum internes. Cette pratique consiste, pour un détenteur d’actions, à prêter ses titres à une banque française, le temps du paiement du dividende – la banque étant évidemment exonérée de l’impôt sur les dividendes. Juste après, le détenteur récupère les titres, ainsi que les dividendes, sans avoir jamais payé l’impôt. En 2019, le Sénat a tenté de contrecarrer cette pratique, mais l’ingénierie financière étant sans limites, de nouveaux artifices ont été mis au point. Cet amendement vise donc à élargir le dispositif de régulation.
L’amendement I-CF1670 porte, lui, sur les CumCum externes. Dans le cadre de ce mécanisme, le partenaire du contournement de l’impôt n’est pas une banque française mais un individu localisé dans un pays qui a conclu avec la France une convention fiscale ne prévoyant pas de retenue à la source. Ce procédé permet, de la même façon, d’éviter l’impôt. Ces détournements coûtent des milliards chaque année. Parmi les pays qui ont réussi à les réguler le plus efficacement figurent évidemment les États-Unis. Je propose que nous leur emboîtions le pas.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut se doter d’un dispositif à même d’empêcher la réalisation des CumCum, en contraignant le bénéficiaire effectif final – autrement dit, le véritable détenteur des actions – à payer le PFU. Il me semble que l’amendement I-CF1670, qui propose d’inscrire dans notre droit la notion de bénéficiaire effectif, est le mieux rédigé de tous ceux qui nous sont proposés. Cela constituerait une évolution pertinente pour renforcer les moyens de lutte contre les arbitrages de dividendes. Sur le principe, je suis favorable à tous ces amendements, mais les éléments repris du dispositif adopté par le Sénat présentaient plusieurs difficultés que l’amendement I-CF1670 pourrait résoudre. Je vous invite donc à retirer vos amendements au profit de ce dernier.
La commission rejette successivement les amendements I-CF512, I-CF903 et I-CF904.
Elle adopte successivement les amendements I-CF1669 et I-CF1670.
Amendement I-CF752 de Mme Marianne Maximi
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à instaurer une taxation annuelle sur l’enrichissement des droits sociaux, y compris ceux qui sont déposés sur un plan d’épargne en actions (PEA) ou une assurance vie. Mais, si l’on peut envisager de taxer les plus-values latentes, la méthode retenue n’est pas la bonne, le Conseil constitutionnel ayant déclaré contraire à la Constitution le fait d’intégrer dans le revenu imposable du contribuable des sommes « qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé » au cours de l’année. De plus, les PEA et les assurances vie sont assortis d’incitations fiscales destinées à encourager la conservation à moyen terme de l’épargne, à des fins de financement de l’économie ou de la dette. La mesure que vous proposez minorerait cette dimension. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1282 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Cet amendement vise à supprimer une niche fiscale indue, qui concerne les entrepreneurs réinvestissant, par le biais des holdings dites de l’article 150‑0 B ter du CGI, des plus-values réalisées, par exemple, en cas d’événement de liquidité touchant leur société. Ce mécanisme permet de reporter le paiement du PFU. L’amendement vise à exclure la possibilité de reporter le paiement lorsque le réinvestissement se fait dans la gestion immobilière, à moins que la plus-value ne provienne du secteur de l’immobilier. Autrement dit, un entrepreneur qui a gagné de l’argent en prenant des risques bénéficierait du report seulement s’il réinvestit dans des activités risquées. J’ai auditionné de nombreux bénéficiaires de ce dispositif qui le considèrent eux-mêmes indu. Cette mesure rapporterait environ 200 millions, ce qui permettrait de financer le maintien de dispositifs tels que le crédit d’impôt innovation ou les jeunes entreprises innovantes – lesquels font l’objet d’amendements que nous examinerons ultérieurement – sans compliquer l’équation budgétaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous souhaitez exclure du mécanisme de report d’imposition les activités de gestion de biens immobiliers ou hôteliers, au motif qu’il ne s’agit pas d’un réinvestissement dans l’économie réelle. Il ne me semble pourtant pas que l’investissement dans l’immobilier soit improductif : il produit des services, à commencer par la fourniture de logements à nos concitoyens. Nous devons aujourd’hui plus que jamais encourager les investissements dans ce secteur. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement I-CF1282.
Amendement I-CF1378 de M. Gérard Leseul
M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à faire évoluer la taxation des plus-values de cession des titres des foncières solidaires. Ces dernières, rappelons-le, sont des organismes à but non lucratif qui œuvrent dans l’immobilier social et très social et qui sont soumis à des contraintes que l’on rencontre fréquemment dans le monde de l’économie sociale : interdiction – en général – de la distribution de dividendes, peu ou pas de valorisation des parts sociales, etc. Celles qui disposent d’un agrément ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu, qui est justifiée par la finalité sociale de leur activité. Toutefois, lors de la cession, la souscription taxée est relativement faible, et l’imposition diminue l’incitation fiscale initiale. Il est proposé d’introduire une exception dans le régime de taxation des plus-values de cession en faveur des structures solidaires, en particulier celles qui ont reçu l’agrément ESUS.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à exclure le montant de la réduction d’impôt accordée sur les investissements dans des ESUS et des foncières solidaires de la détermination de l’assiette d’imposition des plus-values : cela revient à minorer la plus-value réalisée sur un gain, et crée un avantage fiscal dans l’avantage fiscal, alors même que les ESUS et les foncières solidaires bénéficient d’un taux majoré de 25 % de réduction d’IR et, pour les foncières solidaires, d’un droit d’enregistrement réduit. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF604 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement constitue notre contribution au débat sur la taxation des plus-values latentes. Nous avions introduit, à l’article 19 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012, une exception à la purge des plus-values latentes en cas de donation de valeurs mobilières suivie d’une revente dans les dix-huit mois, en prévoyant l’imposition de la plus-value lors de la revente. Le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition.
Nous vous proposons une approche qui nous semble valide du point de vue constitutionnel, qui consiste à assimiler, sur le plan fiscal, la cession à titre gratuit et la cession à titre onéreux. La première serait considérée comme le fait générateur de l’imposition, ce qui ouvrirait la possibilité de taxer la plus-value constatée. La taxation serait assortie d’un report d’imposition pour le donateur. Autrement dit, la plus-value serait constatée, calculée et déclarée, mais le paiement de l’impôt serait différé jusqu’à la cession des titres. La transmission à la suite d’un décès se traduirait par un transfert automatique de la charge fiscale et un report d’imposition jusqu’à la cession des actifs. De nombreux travaux ont été menés à ce sujet aux États-Unis. Il y a là une base fiscale considérable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous soulevez un débat important et intéressant. Votre amendement vise à instaurer un report d’imposition des plus-values latentes constatées au moment de la transmission. Le report implique que le montant de l’impôt soit calculé selon la valeur des titres au moment de la transmission. Or, ces titres peuvent ensuite perdre de leur valeur, et ce jusqu’au moment de leur vente effective, laquelle déclencherait l’imposition. Afin d’éviter que le contribuable ne soit taxé sur une plus-value latente qui ne deviendrait jamais effective, donc selon des modalités qui ne respecteraient pas ses facultés contributives, il conviendrait sans doute de privilégier un mécanisme de sursis d’imposition plutôt que de report d’imposition. Je vous invite à retirer votre amendement et à le modifier en ce sens ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le rapporteur général a raison : en cas de report, le montant de la plus-value est calculé selon la valeur des titres au moment de la transmission. Quand bien même le bien perdrait de la valeur, le contribuable devrait s’acquitter d’un impôt élevé. Ce problème se présente aussi, par exemple, en cas d’apport d’une entreprise individuelle à une société, tel que prévu à l’article 151 octies du CGI. Toutefois, dans le cas d’une transmission à titre gratuit, le bénéficiaire s’acquitte de droits de donation pouvant atteindre 45 % en ligne directe. Le fait de devoir payer un impôt sur la plus-value latente constituerait à mes yeux une double peine.
M. Philippe Brun (SOC). Je retire l’amendement pour le retravailler.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1813 de M. Jean-Paul Mattei
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le pacte Dutreil prévoit qu’en cas de transmission d’une entreprise dans un cadre familial, la valeur prise en compte pour le calcul des droits de mutation fait l’objet d’un abattement de 75 % sous réserve de la conservation des titres pendant une certaine durée. Nous proposons qu’en cas de cession ultérieure des parts de l’entreprise, la plus-value soit calculée non pas à partir de la valeur brute de la société mais en prenant en compte la valeur abattue. En effet, dans le droit actuel, la taxation est largement minorée alors même que l’entreprise est cédée. Le pacte Dutreil est un outil très utile pour assurer la transmission des entreprises familiales ; il évite que celles-ci ne soient vendues à des groupes et empêche les déséquilibres territoriaux. Toutefois, on peut l’aménager pour éviter un effet d’aubaine fiscal.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement propose de taxer les plus-values latentes neutralisées dans le cadre d’une transmission de parts d’entreprise sous le régime du pacte Dutreil. On peut engager une réflexion sur l’effacement des plus-values latentes, sur les modalités du pacte Dutreil, mais circonscrire la fiscalisation de ces plus-values au seul pacte Dutreil créerait une rupture d’égalité vis-à-vis des autres modes de transmission de titres. Avis défavorable.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Les membres du groupe Écologiste et social approuvent pleinement l’amendement. Les autres modes de transmission que vous évoquez, monsieur le rapporteur général, ne bénéficient pas d’une exonération aussi avantageuse ; le taux de 75 % nous paraît d’ailleurs très excessif. En outre, le pacte Dutreil a pour objet de maintenir l’entreprise au sein du patrimoine familial. Si la personne à qui elle a été transmise ne respecte pas l’esprit de la loi et la vend dans un délai plus court que celui qui était prévu par le législateur, il faut lui appliquer des règles moins favorables, comme le propose M. Mattei.
M. Nicolas Sansu (GDR). Les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront également l’amendement. Cela étant, plusieurs questions demeurent sans réponse au sujet du pacte Dutreil. Nous ne connaissons pas exactement le coût du dispositif puisque – aussi surprenant que cela puisse paraître – nous votons chaque année le même montant forfaitaire, malgré la variation du nombre de bénéficiaires. Il faudra travailler sur la durée de détention, le plafonnement et, peut-être, le montant de l’abattement en fonction de la valeur de la cession.
Mme Véronique Louwagie (DR). La durée de l’engagement, dans le cadre du pacte Dutreil, est un sujet de réflexion récurrent. Nous proposerons, au nom du groupe de la Droite républicaine, un amendement visant à faire passer la durée de détention de quatre à huit ans et à porter le taux de l’exonération au-delà de 75 %, pour tenir compte de cette durée.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Tant que l’entreprise est transmise à titre gratuit dans le cadre de la famille, il n’y a pas de taxation des plus-values. Il ne s’agit pas du même cadre juridique que celui du sursis d’imposition. Pour calculer l’augmentation de la valeur de l’entreprise, on part de la valeur abattue et on prend en compte le temps écoulé depuis la transmission.
Monsieur le rapporteur général, le pacte Dutreil constitue un régime particulier, ce qui justifie des délais de détention spécifiques. Sinon, il y aurait une rupture d’égalité puisqu’on taxerait différemment le patrimoine classique et le patrimoine professionnel. On avait d’ailleurs fixé, initialement, une durée de détention de quinze ans. Le dispositif que je vous propose est tout à fait applicable compte tenu de la particularité du pacte Dutreil, qui est liée au type de biens transmis.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous avez raison, monsieur Mattei, mais, comme vous l’avez rappelé, la durée de détention était, à l’époque, de quinze ans ; elle a été ramenée depuis à six ans – ce qui m’a toujours paru déraisonnable, mais c’est un autre débat.
La commission adopte l’amendement I-CF1813.
Amendement I-CF754 de M. Aurélien Le Coq
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Malgré une large mobilisation lors de la crise agricole, les difficultés rencontrées par les agriculteurs perdurent : un agriculteur se suicide tous les deux jours, un quart vit sous le seuil de pauvreté, leur taux de mortalité est supérieur de 43 % à celui du reste de la population et la moitié ne peut pas prendre de congé faute de remplacement pendant leur absence, pourtant indispensable compte tenu de la nature de leur profession.
Afin de leur permettre de prendre des vacances, cet amendement vise à pérenniser le crédit d’impôt pour dépenses de remplacement, et à porter à 100 % le taux de prise en charge pour les quatorze premiers jours de congé.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je pense qu'il y a une erreur : l'exposé de votre amendement porte sur le crédit d'impôt au titre du remplacement pour congé des exploitants agricoles et votre dispositif sur la taxation à la source des plus-values.
Difficile de savoir quel sujet vous voulez aborder...
M. le président Éric Coquerel. L’exposé sommaire présenté ne correspondait pas au dispositif de l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF275 de M. Peio Dufau et I-CF1816 de M. Emmanuel Mandon (discussion commune)
M. Peio Dufau (SOC). En imposant un délai de cinq ans de détention d’un bien au titre de résidence principale pour pouvoir bénéficier de l’exonération sur les plus-values, l’amendement vise à lutter contre les culbutes spéculatives rapides dans les territoires très attractifs. Au Pays basque, par exemple, des maisons déclarées comme résidences principales sont remises en vente un mois après leur achat, à un prix deux fois plus élevé, sans que cette plus-value soit taxée. Les cas de force majeure ne seraient évidemment pas concernés.
M. Emmanuel Mandon (Dem). Mon amendement vise à modifier le 1° du II de l’article 150 U du code général des impôts afin de conditionner l’exonération de taxe sur les plus-values immobilières à la déclaration en résidence principale, pendant au moins cinq ans, du bien vendu, sauf en cas d’événements de la vie. Contrairement à l’amendement précédent, cette durée serait précisée par décret.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’administration dispose déjà de moyens pour lutter contre les fraudes sur les plus-values immobilières, notamment pour vérifier l’occupation effective du bien.
Vous soulevez néanmoins un point important. Pour éviter les effets de bord, le dispositif ne doit viser que les situations de contournement réel du dispositif. Je vous invite donc à retravailler l’amendement en ce sens en vue de l’examen en séance.
M. Peio Dufau (SOC). Il n’y a aujourd’hui aucun contrôle, et pour cause : c’est quasiment incontrôlable, car la loi n’est pas suffisamment claire. La ville de Biarritz enregistre 1 000 demandes de passage en résidence principale chaque année : faute pour les élus de pouvoir tout contrôler, c’est une source de fraude fiscale majeure, qui emporte de lourdes conséquences.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Revenir au dispositif en vigueur il y a quelques années est une mesure de bon sens, qui permettrait d’assurer davantage de stabilité. Bien entendu, en cas de changement affectant la famille, comme une mutation, un décès ou l’arrivée d’un enfant, il ne sera pas nécessaire de justifier de cinq ans de détention au titre de la résidence principale.
Le Conseil d’État a confirmé dans une décision qu’un bien pouvait être considéré comme une résidence principale après seulement huit ou neuf mois de résidence : reconnaissez que si nous n’encadrons pas ce dispositif, les excès et les dérives perdureront.
M. Gérault Verny (UDR). Aujourd’hui, l’administration fiscale requalifie déjà systématiquement les dérives en abus de droit. C’est donc bel et bien contrôlé.
M. Inaki Echaniz (SOC). Un Basque peut en cacher un autre : je souscris aux propos de mon collègue Dufau. Le cadre actuel est insuffisant, puisqu’il suffit d’occuper six mois une résidence et de le prouver en présentant une simple facture d’électricité ou de téléphonie pour qu’elle soit considérée comme une résidence principale. Au Pays basque, certains ont revendu 1,2 million une maison achetée 250 000 euros six mois avant : un coup de peinture, et terminé ! J’ai pris l’exemple le plus flagrant, d’autres culbutes sont moins impressionnantes. Reste que nous n’avons aucun moyen de lutter contre ce phénomène : comme l’a dit M. Mattei, c’est donc une mesure de bon sens.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il y a incontestablement un problème. Je connais moi-même des gens qui en vivent : ils achètent, réhabilitent, déclarent leur résidence principale puis revendent sans être taxés sur la plus-value. Ils ne paient jamais d’impôts – et certains vont même jusqu’à toucher aussi le RSA, puisqu’ils n’ont pas de revenu officiel !
Nous pouvons porter à cinq ans la durée pour bénéficier de l’exonération, mais cela ne résoudra pas le problème de l’effectivité des contrôles.
La commission adopte l’amendement I-CF275 ; en conséquence, l’amendement I-CF1816 tombe.
Amendement I-CF328 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Créé en 2005 et déjà prorogé à huit reprises – preuve de son efficacité –, le dispositif d’exonération d’impôt sur les plus-values constatées par les personnes physiques lors des cessions d’immeubles lorsque l’acquéreur s’engage à réaliser des logements sociaux doit s’éteindre en 2025. Par cet amendement qui nous a été soumis par l’Union sociale pour l’habitat (USH) – j’en profite pour féliciter Emmanuelle Cosse, qui vient d’être réélue à sa tête –, nous proposons de le proroger jusqu’en 2027 pour assurer la continuité de ce dispositif efficace et de bon sens.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce dispositif est en vigueur jusqu’au 31 décembre 2025. L’amendement anticipe donc sa prorogation. Prenons le temps de l’évaluer, notamment en termes de coût : nous aviserons l’année prochaine. Je vous invite donc à retirer l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF48 de M. François Jolivet et I-CF1814 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)
M. François Jolivet (HOR). Alors que les régimes d’abattement sur les plus-values ont renforcé la rétention foncière et que les terrains à construire se feront encore plus rares avec l’application de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), nous avons eu l’idée, avec Jean-Paul Mattei, de renverser le système d’imposition : plus la vente est rapide, moins la plus-value est taxée.
Alerté sur le risque d’inconstitutionnalité du dispositif proposé, j’ai interrogé des constitutionnalistes, qui n’en ont pas vu.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Aujourd’hui, les plus-values à la cession d’un bien détenu depuis plus de vingt-deux ans – trente ans pour les prélèvements sociaux – ne sont pas soumises à l’imposition de 36,2 % – 19 % au titre de plus‑value immobilière et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux, sur les valeurs déjà abattues en fonction de la durée de détention. Ce système encourage la rétention foncière.
Dans le même esprit que la taxation du rachat d’actions ou de titres, je propose donc de soumettre ces cessions à une flat tax – 30 % ou 33 %, nous en reparlerons au cours des débats –, après réévaluation de la valeur du bien grâce à l’application d’un coefficient d’érosion monétaire. Évidemment, les résidences principales resteront exonérées.
Nous proposons que cette réforme, qui aura des effets importants, s’applique aux terrains à bâtir à compter du 1er janvier 2026, et au bâti à compter du 1er janvier 2027, ce qui incitera les propriétaires qui veulent bénéficier du régime actuel à libérer le foncier ; ceux qui préféreront attendre seront taxés sur les plus‑values à la revente. Il s’agit, en quelque sorte, d’aligner le régime d’imposition des plus-values immobilières sur celui des plus-values mobilières, à la différence qu’il n’y a pas d’indexation du prix d’achat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En l’état du droit, la cession d’un bien immobilier autre que la résidence principale est partiellement exonérée d’impôt au titre de la plus-value immobilière et des prélèvements sociaux à compter de la cinquième année de détention. Le régime actuel prévoit en effet un taux forfaitaire d’imposition de 19 %, assorti d’abattements de 6 % par an de la cinquième à la vingt et unième année de détention, puis 4 % la vingt-deuxième année. L’abattement atteint donc 100 % au bout de vingt-deux ans de détention.
Telle une révolution copernicienne, l’amendement I-CF48 vise à renverser la logique actuelle en prévoyant un abattement de 90 % en cas de cession après seulement deux ans de détention, minoré ensuite de 10 % par an pour atteindre seulement 10 % la dixième année.
Si séduisante qu’elle soit sur le plan intellectuel, cette proposition pose plusieurs difficultés. Tout d’abord, son coût est difficilement chiffrable, mais il serait probablement important. En outre, le taux d’abattement proposé, qui peut atteindre 90 %, risque de créer une rupture d’égalité et d’engendrer un choc pour les propriétaires investisseurs, en générant une forte redistribution des avantages. Les marchands de biens et les acteurs du marché immobilier, qui achètent dans la perspective d’une revente rapide, seront les grands gagnants de cette réforme, qui risque d’inciter à la spéculation immobilière. Avis défavorable.
J’en viens à l’amendement I-CF1814.
La fiscalité des plus-values immobilières, qui rapporte actuellement plus de 3 milliards d’euros, doit combiner deux objectifs : la lutte contre la rétention foncière et la lutte contre la spéculation. Toute réforme doit donc être envisagée avec prudence. Si l’objectif est de créer un choc d’offre, je suis plus favorable, dans l’immédiat, à l’assujettissement des logements neufs au PFU et à l’IFI, qui permettent de répondre plus largement à la problématique et de ne pas la restreindre à la question des résidences secondaires.
En outre, vous proposez de prendre comme référence l’indice des prix à la consommation, qui n’intègre pas la valeur des logements. Au regard de la logique qui sous-tend votre amendement, ne vaudrait-il pas mieux proposer une référence portant spécifiquement sur le prix du logement ?
Face à cette révolution intellectuelle, je reste prudent. Je crains qu’il y ait des risques de spéculation, puis qu’on se trouve face à un nouveau blocage. Avis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). L’amendement de M. Jolivet propose exactement le contraire de l’amendement I-CF275, que nous venons d’adopter pour limiter les manœuvres spéculatives.
Il me semble par ailleurs qu’il existe d’autres possibilités que celle proposée par M. Mattei pour remettre des résidences secondaires sur le marché des résidences principales, et ainsi lutter contre la crise du logement. En séance, je vous proposerai de supprimer toute exonération sur les plus-values immobilières pour les résidences secondaires à compter de 2027.
M. Inaki Echaniz (SOC). Nous avions déposé un amendement similaire au I-CF1814, malheureusement déclaré irrecevable, mais celui de M. Mattei propose même un taux de taxation supérieur. Nous le soutiendrons donc et veillerons à ce que cette avancée soit confirmée en séance.
M. Philippe Juvin (DR). Je suis très gêné par la tonalité politique de ce débat : vous accusez les propriétaires de rétention foncière. Admettez que c’est une vision particulière de la société !
Au fond, à vos yeux, le problème de fond est celui de la propriété privée. Votre amendement vise à pousser ceux qui auraient eu la chance d’hériter d’une résidence secondaire, par exemple, à s’en séparer. Au-delà de la recherche permanente de la recette fiscale, votre vision interroge l’organisation de la société. Il n’y a pas de rétention foncière : il y a de la propriété privée.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Permettez-moi de reformuler ma proposition. Admettons que vous possédez un bien depuis trente ans : si vous souhaitez le donner à vos enfants, les plus-values ne seront pas taxées ; elles ne le seront que si vous décidez de le vendre. Lorsque je revends, parfois dix ou cent fois sa valeur d’achat, un bien détenu depuis plus de trente ans, et que ma plus-value n’est pas imposée, où sont le talent et le mérite ? Cette plus-value est le seul effet de l’évolution du contexte, et c’est pourquoi je propose d’appliquer un coefficient de revalorisation et une imposition forfaitaire.
Monsieur Labaronne, mon amendement se veut incitatif : pour ne pas piéger les propriétaires, je propose de ne taxer les plus-values sur les biens détenus depuis plus de trente ans qu’à compter de 2027. S’ils ne souhaitent pas vendre, les propriétaires seront toujours libres de donner leur bien. Je précise que les plus-values seront calculées à partir du montant au moment de la donation, et non par rapport à la valeur originelle du bien. Cette proposition s’inscrit très logiquement dans notre débat sur l’imposition des plus-values latentes.
M. François Jolivet (HOR). Monsieur Juvin, je ne mets pas en cause le principe de propriété privée, je constate simplement que la rétention foncière est de plus en plus forte, surtout à l’approche de l’application du zéro artificialisation nette (ZAN). Comme l’a très bien dit Jean-Paul Mattei, si un terrain prend de la valeur uniquement parce qu’il devient constructible, ou si le prix d’une maison est doublé du seul fait de l’opération d’aménagement d’un promoteur qui a acheté les deux maisons à côté, c’est uniquement par effet d’aubaine.
En tant que rapporteur spécial des crédits relatifs au logement et à l’hébergement d’urgence, je ne peux que vous confirmer que les grandes difficultés d’accès au foncier s’ajoutent à la crise traversée par les promoteurs. Il faut vraiment réussir à inverser la tendance.
Je retire mon amendement au profit de celui de M. Mattei.
L’amendement I-CF48 est retiré.
La commission adopte l’amendement I-CF1814.
Amendement I-CF798 de M. François Piquemal
M. David Guiraud (LFI-NFP). Dans la droite ligne de nos discussions, cet amendement vise à décourager la rétention foncière des terrains à bâtir à des fins de spéculation immobilière.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Au prétexte de lutter contre la rétention foncière, cet amendement alourdit considérablement la fiscalité sur les transactions de terrains à bâtir. En effet, en plus de supprimer l’abattement pour durée de détention, il prévoit une augmentation annuelle de l’imposition à partir de cinq ans de détention ; ce coefficient fiscal atteint 104 % au bout de dix-neuf ans, puis continue d’augmenter de 12 % par an, sans aucune limite dans le temps. Cela ne va pas encourager les transactions, bien au contraire : qui voudra investir dans des biens dont la fiscalité s’alourdit s’ils ne sont pas revendus très rapidement ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF812 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Dans leur rapport, Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu soulignaient à juste titre une déconnexion entre le prix de l’immobilier et le coût de la construction, en raison de la part croissante du foncier dans la valorisation immobilière, qui représente aujourd’hui 50 %, contre seulement 20 % à la fin des années 1990.
Inspiré des propositions du volet logement du Conseil national de la refondation (CNR), l’amendement vise donc à imposer davantage les plus‑values – parfois très importantes – liées à la proximité d’équipements ou opérations financés par des investissements publics, comme la desserte par un métro ou un tramway, la création d’un parc ou le réaménagement d’un quartier, afin qu’une part revienne aux collectivités qui les ont financés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’idée de taxer la part de valorisation des terrains liée à des investissements publics n’est pas nouvelle, mais si l’intention est bonne, j’y vois plusieurs difficultés. Comment isoler l’effet d’un aménagement urbain des autres facteurs de valorisation d’un bien ? En outre, on ne peut pas sanctionner l’amélioration de la qualité de vie due aux aménagements publics.
L’amendement est sympathique mais, en l’état, il est inapplicable.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Permettez-moi de contredire votre sympathique analyse sur deux points, monsieur le rapporteur général.
Tout d’abord, il ne s’agit pas de sanctionner les équipements publics qui ont contribué à l’amélioration de la qualité de vie des habitants. Seulement, il semble normal qu’une partie de la plus-value liée à ces équipements, qui ont été financés avec les impôts de tous, revienne aux collectivités locales. C’est une sorte de contribution au pot commun.
Ensuite, l’amendement propose de définir un périmètre. C’est un fait avéré : aujourd’hui, la localisation des terrains contribue fortement aux plus-values. Dès que l’arrivée prochaine du métro est annoncée, les terrains ou logements autour prennent immédiatement de la valeur.
M. Jean-Didier Berger (DR). Rien de tel que cet amendement si on veut inciter les particuliers à s’opposer aux projets d’intérêt général portés par les collectivités ! Il y aura des recours en pagaille et plus personne n’aura intérêt à réaliser des aménagements publics. Cet amendement serait particulièrement néfaste.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1645 de M. Mathieu Lefèvre
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à exonérer partiellement de la taxation sur les plus-values immobilières la vente de terrains situés dans un périmètre de 500 mètres autour des gares du Grand Paris, si elle se fait au profit des collectivités territoriales, des établissements de coopération intercommunale ou des établissements publics fonciers, et que la cession intervient avant le 31 décembre 2025.
Tout le monde sait pertinemment que la proximité d’une gare augmente la valeur d’un bien et engendre de la spéculation : je ne vois pas pourquoi on y ajouterait un avantage fiscal. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1805 de M. Jean-Paul Mattei
M. Jean-Paul Mattei (Dem). La vente des œuvres d’art bénéficie d’un avantage fiscal, puisqu’elle n’est taxée qu’à hauteur de 6 %, auxquels s’ajoute la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Les cédants peuvent également opter pour le régime d’imposition des biens meubles, qui prévoit une exonération totale de taxation au bout de vingt-deux ans de détention. Le marché de l’art doit être préservé, mais, dans le contexte actuel, il est normal qu’il participe au redressement fiscal du pays.
Toujours dans un souci de justice fiscale, le groupe Démocrate propose donc de relever de 6 % à 10 % la taxe sur la cession des œuvres d’art.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Actuellement, la vente des biens mobiliers de plus de 5 000 euros est soumise à une taxe forfaitaire de 6 %.
Si nous souhaitons réformer cette taxe, faisons-le plus finement, en prévoyant un barème avec plusieurs tranches, afin que l’imposition soit proportionnelle au montant du bien : on ne peut pas imposer de la même manière la vente d’un bijou de famille et celle d’un tableau de maître. Je vous invite à retravailler l’amendement en ce sens en vue de la séance ; en l’état, j’y suis plutôt défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1653 de Mme Christine Pirès-Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Cet amendement ne coûte ni ne rapporte rien – pour l’instant, du moins ! Il tend simplement à créer un registre répertoriant les œuvres d’art. Prévoir une taxe, c’est bien, mais encore faut-il pouvoir contrôler sa bonne application : en l’absence d’un tel registre, les contrôleurs du fisc ont toutes les difficultés du monde à le faire.
Pour les plus curieux, je vous renvoie à l’héritage de Claude Berri, décédé il y a maintenant quinze ans, mais dont la succession n’est toujours pas soldée, en raison, notamment, des plus de 400 œuvres d’art qu’il possédait, et dont l’estimation donne bien du mal aux agents du fisc, qui sont demandeurs d’une telle solution.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat lors de la création de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), et il avait été décidé qu’au moment de leur succession, les biens transmis seraient imposés au taux forfaitaire de 5 %.
La mesure proposée me semble à la fois inapplicable et inquisitoriale. Imaginez-vous vraiment les malheureux contrôleurs du fisc procéder à l’inventaire de toutes les œuvres d’art, en faisant appel à des experts faute d’être eux-mêmes compétents pour déterminer si la leur valeur est inférieure ou supérieure à 5 000 euros ? En outre, la pertinence fiscale de cet amendement reste limitée, puisque les objets ne sont taxés qu’au moment de leur vente. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
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Réunion du jeudi 17 octobre 2024 à 9 heures ([suite] après l’article 3)
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Suivant l’avis de M. Charles de Courson, rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF758 de Mme Céline Thiébault-Martinez.
Amendements identiques I-CF947 de M. David Guiraud et I-CF1524 de M. Philippe Brun
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement vise à supprimer l’abattement de 40 % sur les dividendes.
Selon le rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital de France Stratégie, 1 % des foyers fiscaux concentrent 96 % des dividendes ; 4 000 foyers perçoivent chacun plus d’un million d’euros par an en dividendes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Les dividendes sont par défaut imposés au prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30 %. En supprimant l’abattement de 40 %, vous toucherez les contribuables pour lesquels l’imposition au barème est plus intéressante, donc ceux qui sont imposés dans les premières tranches de l’impôt sur le revenu (IR).
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1817 de M. Jean-Paul Mattei
Mme Perrine Goulet (Dem). Soucieux de l’équilibre budgétaire, le groupe Démocrate propose, afin de compenser la revalorisation de retraites qu’il souhaite maintenir au 1er janvier, d’abaisser de 4 321 à 1 500 euros le plafond de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite soumises à l’impôt sur le revenu.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’abattement de 10 %, institué en 1977 pour aider les personnes retraitées, coûte 4,6 milliards d’euros.
L’amendement rapporterait entre 1,5 et 2 milliards portant sur les huitième et neuvième déciles. Néanmoins, l’effet d’une telle mesure semble très important, puisqu’elle concernait plus de trois millions de bénéficiaires. Avis défavorable.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’idée est très intéressante. Elle figurait dans le rapport Vachey, commandé par le Gouvernement pour financer les mesures préconisées dans le rapport Libault. Néanmoins le plafond proposé est vraiment trop bas.
Mme Perrine Goulet (Dem). Nous pouvons certainement revoir le montant, mais aussi envisager un abaissement du plafond de 14 000 euros de l’abattement forfaitaire pour frais professionnels au profit des actifs.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF306 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Issu des travaux que j’ai menés avec Félicie Gérard sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation, l’amendement vise à porter de trois à cinq ans la période de référence pendant laquelle le contribuable peut utiliser le reliquat des plafonds de déduction des versements sur un plan d’épargne retraite (PER).
Le caractère tardif de la préparation de la retraite en France est largement documenté. Selon un rapport de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) de 2023, le pic de souscription des PER intervient entre 50 et 59 ans, cette classe d’âge représentant 29 % des nouveaux adhérents en 2022.
L’amendement accroîtrait utilement la capacité de déduction à l’entrée des contribuables qui souscrivent tardivement un PER.
Le coût de cette mesure est neutre puisqu’il s’agit d’un sursis.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF945 de Mme Marianne Maximi, amendements identiques I-CF31 de Mme Véronique Louwagie et I-CF47 de M. Fabrice Brun, amendements identiques I-CF898 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1389 de Mme Marianne Maximi, I-CF1779 de M. Philippe Brun et I-CF1842 de Mme Eva Sas, amendements identiques I-CF474 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF946 de M. Éric Coquerel, amendement I-CF1809 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)
M. David Guiraud (LFI-NFP). L’objet de l’exit tax est de soumettre à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux les plus-values latentes ou en report d’imposition sur les droits sociaux détenus par les contribuables qui quittent le territoire national. Son rétablissement avait été voté par l’Assemblée nationale en 2022 et 2023 avant que l’article 49.3 ne le fasse disparaître.
L’amendement vise donc à instituer une nouvelle fois l’exit tax en corrigeant quelques failles du dispositif qui s’appliquait jusqu’en 2018. Il pourrait rapporter 800 millions d’euros. C’est une manière de restaurer la souveraineté parlementaire et d’introduire de la justice fiscale.
Mme Véronique Louwagie (DR). L’exit tax consiste à imposer la plus-value latente qui résulterait de la vente des actions que détient un contribuable décidant de transférer son domicile fiscal hors de France.
L’objectif est de taxer les personnes qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France dans le seul but d’échapper à l’imposition liée à la cession de leurs actions.
En 2018, le Président de la République avait annoncé son intention de mettre un terme à l’exit tax instaurée par Nicolas Sarkozy. Devant les réactions hostiles, l’exécutif avait été contraint de présenter un nouveau dispositif pour lutter contre les abus, qui fixe un délai, insuffisant à nos yeux, de deux ans à l’issue duquel le contribuable est exonéré de taxe.
Notre amendement propose donc de revenir au mécanisme et au délai de quinze ans en vigueur sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
M. Nicolas Ray (DR). Il s’agit de rétablir le régime initial de l’exit tax, qui n’était pas l’œuvre d’un extrémiste. Le contexte se prête à l’adoption de cet amendement de bon sens qui permet à la fois de procurer de nouvelles recettes – l’Institut Montaigne les évalue à 67 millions – et de lutter contre l’évasion fiscale.
M. Nicolas Sansu (GDR). Un consensus semble se dessiner en faveur du rétablissement de l’exit tax. C’est une très bonne chose. Le rapporteur général peut‑il nous indiquer la rédaction qui a sa préférence ?
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Les groupes appartenant au Nouveau Front populaire ont déposé des amendements identiques pour rétablir l’exit tax.
Nous espérons que l’amendement adopté par la commission sera conservé dans le texte définitif, contrairement aux années précédentes.
Mme Eva Sas (EcoS). Les écologistes soutiennent le rétablissement de l’exit tax qui semble désormais faire consensus.
Dans une période où nous recherchons de nouvelles recettes fiscales et davantage de justice fiscale, il serait incompréhensible que cette mesure ne figure pas dans le texte définitif en cas de 49.3.
M. Emeric Salmon (RN). L’amendement de M. Tanguy a le même objet que les précédents.
M. le président Éric Coquerel. À l’instar de Mme Maximi, je souhaite vivement que l’amendement soit repris dans le texte final.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exit tax consiste, pour les contribuables quittant la France après y avoir été établis fiscalement pendant au moins six sur les dix ans précédant le transfert, en une taxation des plus-values latentes de titres bénéficiant d’un sursis d’imposition jusqu’à la vente. Depuis 2019, les contribuables conservant leur titre au moins deux ans ne doivent plus s’acquitter de la taxe et bénéficient d’un dégrèvement d’office.
Nous pouvons débattre de la réforme de 2019, mais le retour à la situation antérieure sans changement n’est pas forcément la meilleure solution. L’exit tax ne rapportait que quelques dizaines de millions d’euros par an pour un coût de gestion très important : entre 2011 et 2016, seuls 138 millions avaient été effectivement encaissés, soit moins de 25 millions par an, pour six milliards de plus-values latentes.
Il serait plus utile de supprimer le sursis de paiement pour les contribuables partis s’installer en dehors de l’Union européenne, de renforcer les contrôles ou encore de s’inspirer du modèle suédois, qui prévoit le maintien prolongé des effets de la résidence fiscale pendant plusieurs années après le départ. Avis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). N’oublions pas que le dispositif remanié avait été institué en 2019 afin de favoriser les investissements en fonds propres dans les entreprises et de stimuler l’innovation.
Le rétablissement de l’exit tax renchérira automatiquement le coût du capital, s’ajoutant au report de la baisse des impôts de production, à la probable hausse de l’impôt sur les sociétés, au relèvement du taux du PFU (prélèvement forfaitaire unique) et à la taxation des superdividendes. Je prends le pari que dans quelques années nous serons confrontés à une baisse de l’investissement préjudiciable à la croissance et à l’emploi.
M. Éric Coquerel (LFI-NFP). Il reste à prouver que la suppression de l’exit tax a encouragé l’investissement, ce dont je doute fortement.
L’amendement I-CF945 ayant été rejeté, la commission adopte les amendements I-CF31 et I-CF47.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement I-CF475 de M. Alexandre Sabatou
M. Alexandre Sabatou (RN). Il vise à accorder une part fiscale entière dès le deuxième enfant. Cette mesure, simple à mettre en place, représenterait un gain de pouvoir d’achat pour les familles de 560 euros.
On nous oppose souvent le fait que les gens ne font pas des enfants pour des raisons économiques. C’est faux, les parents sont des acteurs économiques rationnels. Selon une étude de décembre 2023, on observe un déclin de la natalité 1,5 fois plus important depuis la fin de l’universalité des allocations familiales. Les parents affectés par cette réforme ont augmenté leur durée de travail pour compenser le manque à gagner.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La part fiscale entière est accordée au troisième enfant. Cela correspondait à la taille moyenne des familles à l’époque où la mesure a été instituée. Il n’est pas incohérent de demander d’adapter la fiscalité aux familles actuelles qui comptent plutôt deux enfants.
Or non seulement votre proposition aurait un coût d’environ 3,5 milliards, mais elle mériterait aussi d’être inscrite dans une politique familiale globale. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF296 de M. Nicolas Metzdorf et I-CF305 de M. Moerani Frébault
M. Moerani Frébault (EPR). Je présenterai plusieurs amendements qui ont tous fait l’objet d’une concertation étroite avec les acteurs économiques sous l’égide de la Fédération des entreprises d’outre-mer.
La Nouvelle-Calédonie est confrontée à une crise économique sans précédent à la suite des émeutes de mai 2024 au cours desquelles de nombreuses entreprises ont été détruites.
Afin d’amorcer le processus de reconstruction, l’amendement vise à encourager les particuliers à prendre un risque supplémentaire en investissant sur le territoire calédonien par le biais du fonds d’investissement de proximité (FIP) outre‑mer. Il majore ainsi de vingt points le taux de la réduction d’impôt.
Compte tenu de la situation dramatique du territoire, les entreprises calédoniennes ont plus que jamais besoin de notre soutien.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à porter à 50 %, contre 30 % pour l’outre-mer et la Corse et 18 % pour la métropole, la réduction d’impôt sur le revenu sur les investissements dans les FIP en Nouvelle‑Calédonie.
Un taux de 50 % me semble excessif pour un outil qui n’a pas fait la preuve de son efficacité. Le groupe LIOT propose de son côté de supprimer la réduction d’impôt sur le revenu de 18 % sur les FIP métropolitains en maintenant le taux de 30 % pour la Corse et l’outre-mer, ce qui créerait un avantage comparatif pour ces territoires.
La presse financière se fait régulièrement l’écho de la rentabilité négative des FIP métropolitains – les pertes oscillent entre 15 et 60 %. Avis défavorable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). La situation en Nouvelle-Calédonie justifie peut-être un effort supplémentaire et une distinction accrue entre les FIP calédonien, métropolitain et outre-mer.
La commission adopte les amendements I-CF296 et I-CF305.
Amendement I-CF466 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Abaisser à 65 ans la limite d’âge à partir de laquelle les veuves d’anciens combattants bénéficient d’une demi-part fiscale supplémentaire aurait un coût modique et permettrait à certaines veuves de ne pas connaître de difficultés entre le début de leur retraite et l’âge de 74 ans à partir duquel la demi-part supplémentaire s’applique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le coût de l’amendement est modeste car la plupart des bénéficiaires de la demi-part, principalement de veuves d’anciens combattants de la guerre d’Algérie, ont largement dépassé les 74 ans. L’âge a été abaissé de 75 à 74 ans en 2018 après des débats épiques.
Je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF491 de M. Karim Ben Cheikh
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Il a pour objet de simplifier et de rendre plus équitable la fiscalité des non-résidents. Si les revenus des non-résidents générés en France sont inférieurs à 28 000 euros, ils sont imposés par défaut au taux minimal de 20 % ; s’ils sont supérieurs à ce seuil, ils passent au barème progressif à partir de 30 %, sans que les revenus de source étrangère ne soient pris en compte. Autrement dit, lorsque les revenus sont bas, l’administration considère qu’ils ne reflètent pas l’ensemble de vos revenus et majore systématiquement votre impôt en vous appliquant le taux de 20 % : la fiscalité protège les plus aisés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Le taux minimal est une garantie permettant d’imposer effectivement les revenus de source française des non-résidents. L’application du taux moyen par défaut bénéficierait surtout aux personnes percevant beaucoup de revenus à l’étranger et peu en France. Enfin, les personnes ayant des revenus faibles peuvent opter pour le taux moyen.
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). La fiscalité des non-résidents est ainsi faite qu’elle est aujourd’hui supportée principalement par les petits revenus. C’est un comble !
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1749 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Il vise à supprimer la réduction d’impôt – qui ne concerne donc que les foyers fiscalisés – accordée au titre des frais de scolarité des enfants poursuivant des études secondaires ou supérieures.
Selon les chiffres du ministère de l’éducation nationale, la dépense par élève est en moyenne de 9 720 euros dans le secondaire et de 10 210 dans le supérieur. L’État prenant en charge 98 % de cette dépense, le coût pour les familles est de moins de 2 % du coût total. Il n’est pas souhaitable pour les finances publiques que s’ajoute une réduction d’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce dispositif constitue le pendant de l’allocation de rentrée scolaire qui est versée sous condition de ressources par les caisses d’allocations familiales pour 2 milliards d’euros par an. Il n’a pas d’autre justification que de soutenir les familles.
Les contribuables bénéficient d’une réduction d’impôt de 61 euros par enfant poursuivant des études au collège, de 153 euros pour le lycée et de 183 euros pour les études supérieures. Le coût global s’élève à 400 millions.
Bien que la Cour des comptes en 2023 et le Conseil des prélèvements obligatoires en 2024 la recommandent, je crains qu’une suppression “sèche” n’ait un effet trop brutal. En outre, je ne suis pas sûr qu’elle envoie un bon signal pour la politique familiale. Pourquoi ne pas envisager plutôt de baisser les plafonds de la réduction d’impôt ? Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF284 de M. Moerani Frébault
M. Moerani Frébault (EPR). La réhabilitation des friches revêt une importance capitale en outre-mer où le foncier est particulièrement limité. Il est donc primordial d’adapter les aides à la réalité de ces territoires.
Un dispositif d’aide fiscale à l’investissement a été introduit dans la loi de finances pour 2024 visant l’acquisition et la réhabilitation des friches hôtelières ou industrielles afin de relancer des activités similaires. Malheureusement il est mal calibré et ne permet pas de reconvertir les friches existantes.
L’amendement, soutenu par la quasi-totalité des députés du bassin Pacifique, tend à élargir le dispositif en supprimant la restriction aux seules friches hôtelières et industrielles ainsi qu’en autorisant les travaux de reconversion.
Son adoption permettrait de s’attaquer efficacement aux quinze friches hôtelières en Polynésie dont la résorption est cruciale pour revitaliser l’économie et favoriser la création d’emplois.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi de finances pour 2024 avait amorcé le verdissement des aides fiscales pour l’investissement outre-mer sur la base des travaux de l’Inspection générale des finances.
L’extension des aides à toutes les friches avait été étudiée mais elle pose trois difficultés : un risque de fraude avec la possibilité de bénéficier deux fois de la défiscalisation par la vente de biens en seconde main ; le risque d’alimenter une inflation sur le marché des biens d’occasion qui se répercuterait sur le prix des biens neufs ; enfin l’incompatibilité avec le droit européen en vertu duquel de telles aides doivent en principe porter sur les biens acquis neufs. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement I-CF284.
Amendements identiques I-CF285 de M. Moerani Frébault et I-CF293 de M. Nicolas Metzdorf
M. Moerani Frébault (EPR). Afin d’assurer l’avenir énergétique durable de l’outre-mer, l’amendement vise à clarifier les conditions d’éligibilité à l’aide fiscale au titre des investissements productifs pour l’installation de panneaux photovoltaïques destinés à l’autoconsommation.
L’article 75 de la loi de finances pour 2024 a ouvert la voie, mais des imprécisions freinent le développement des projets. L’autoconsommation solaire est pourtant indispensable pour produire une électricité décarbonée, soulager les réseaux, répondre à la demande croissante mais aussi alléger les factures des usagers. Les territoires ultramarins pourraient devenir des laboratoires d’innovation pour le solaire, comme le souhaite le Premier ministre.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’extension de la réduction d’impôt aux panneaux solaires en autoconsommation est une avancée de la loi de finances pour 2024. Prenons le temps de l’évaluer avant de l’élargir éventuellement.
Par ailleurs, l’extension aux investissements réalisés par les tiers me semble comporter des risques de fraude – risque de double comptabilisation de l’aide et difficultés à contrôler le respect du critère d’autoconsommation. Il faut également veiller à ne pas renchérir le coût de ces dépenses fiscales qui atteint déjà 1,05 milliard d’euros au total. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je m’abstiendrai car si je comprends la finalité de l’amendement, je suis plutôt partisan des aides à des secteurs que des crédits d’impôt.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques I-CF294 de M. Nicolas Metzdorf et I-CF311 de M. Moerani Frébault
M. Moerani Frébault (EPR). L’amendement vise à élargir le dispositif fiscal applicable aux friches à l’acquisition, la réhabilitation ou la reconversion de tout immeuble détruit lors des émeutes survenues en Nouvelle-Calédonie à partir du 13 mai 2024 en vue de son exploitation dans le cadre d’une activité commerciale ou d’une activité éligible à l’aide fiscale à l’investissement.
En effet, les émeutes ont occasionné des dégâts matériels très importants en Calédonie. De nombreux commerces et entreprises ont été détruits, plongeant le territoire dans une crise économique durable et sans précédent.
La mesure, limitée au territoire calédonien et à une durée de cinq ans, vise à soutenir les entreprises dans le processus de reconstruction indispensable à la reprise de l’économie locale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable pour les trois raisons évoquées précédemment.
La commission adopte les amendements I-CF294 et I-CF311.
Amendements identiques I-CF295 de M. Nicolas Metzdorf et I-CF302 de M. Moerani Frébault
M. Moerani Frébault (EPR). Il s’agit d’étendre à la Nouvelle-Calédonie le taux de réduction d’impôt majoré qui est déjà appliqué en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna pour renforcer l’attractivité de ces territoires auprès des investisseurs. C’est une condition indispensable au redémarrage de l’économie calédonienne, des investissements et des emplois.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La Nouvelle-Calédonie bénéficie déjà de ce taux pour les investissements réalisés dans le secteur des énergies renouvelables et les travaux de réhabilitation et de rénovation d’hôtels.
Plus largement, la question de la pertinence de cet outil se pose. Des aides budgétaires versées par l’État existant déjà – à hauteur de 400 millions –, il me semble préférable de voir si elles sont suffisantes, car elles seront plus efficaces pour accompagner la Nouvelle-Calédonie qu’une réduction d’impôt.
Demande de retrait.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF830 de M. Jean-René Cazeneuve
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je propose de transcrire dans le PLF une recommandation de l’Inspection générale des finances (IGF) en réduisant un avantage fiscal sur les investissements en outre-mer, qui est actuellement capté par divers intermédiaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous souhaitez minorer le seuil de chiffre d'affaires ouvrant droit aux réductions d'impôt relevant du régime d'aide à l'investissement productif en outre-mer. La transformation de la réduction d’impôt en crédit d'impôt, entamée en 2014, a été interrompue, si bien que les deux outils coexistent. Pour limiter les coûts d'intermédiation et faciliter les contrôles, il paraît en effet opportun de poursuivre cette transition. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement I-CF830.
Amendements identiques I-CF287 de M. Moerani Frébault et I-CF292 de M. Nicolas Metzdorf
M. Moerani Frébault (EPR). Les organismes de logements sociaux (OLS) de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie souhaitant bénéficier de la réduction d’impôt au titre de la rénovation de logements anciens sont soumis à un plafond de 50 000 euros par logement, qui ne tient compte ni de la nature des travaux ni de la surface des habitations.
La Polynésie française fait face à un manque de 30 000 logements, dont la moitié dans le parc social. Les OLS du Pacifique se trouvent donc contraints de privilégier la construction neuve plutôt que la rénovation, les avantages fiscaux existants ne couvrant que 15 % des coûts.
Pour corriger cette incohérence, je propose de fixer le plafond d’éligibilité à la réduction d'impôt à 2 000 euros par mètre carré, un montant adapté à la réalité des coûts de construction, et qui permettra aux OLS de mieux équilibrer leurs plans de financement. Ce montant serait actualisé annuellement par décret, afin de garantir qu’il suive bien l’évolution des coûts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le dispositif vient déjà d'être assoupli : la loi de finances pour 2024 a supprimé la condition de localisation géographique pour bénéficier de la réduction d'impôt au titre des travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements achevés depuis plus de vingt ans – seules les opérations conduites sur l'île de Tahiti, à Saint-Martin ou dans les communes de Nouméa, de Dumbéa, de Païta, du Mont-Dore, de Voh, de Koné et de Pouembout étaient auparavant éligibles.
Votre amendement conduirait à augmenter considérablement le plafond : dans un logement de 100 mètres carrés, il serait multiplié par quatre. Fixer une valeur absolue maximale me semble préférable. Demande de retrait.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF995 de Mme Marianne Maximi
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Le crédit d’impôt sur les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) permet aux seuls contribuables aisés de défiscaliser les sommes investies dans le capital d’entreprises prétendument innovantes. Si la même philosophie était appliquée aux aides, subventions, allègements fiscaux et autres cotisations concédées aux entreprises par l’État, ce dernier serait fondé à imposer la conversion de ces sommes en capital, ce qui en ferait l’actionnaire principal de la plupart des entreprises du CAC40.
Aucun contribuable modeste ne pouvant convertir son impôt en placements spéculatifs individuels, nous demandons la suppression pure et simple de cette disposition fiscale injuste.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On peut tout à fait débattre de l'utilité des fonds d’investissement de proximité (FIP) hexagonaux et des FCPI, mais vous proposez de supprimer toutes les réductions d’IR permises par les versements au capital de PME, y compris à travers les FIP Corse et outre-mer. Une suppression sèche et immédiate enverrait un mauvais signal aux épargnants et aux investisseurs. Une approche plus mesurée me semble préférable.
En vertu des règles relatives aux aides d'État, cette réduction d'impôt doit en outre être notifiée à la Commission européenne. Une nouvelle notification sera nécessaire pour prolonger le dispositif au-delà du 31 décembre 2025. Nous pourrons donc débattre plus avant de cette question l'année prochaine. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1413 de Mme Christine Arrighi
Mme Christine Arrighi (EcoS). Dans un rapport sur les aides aux entreprises publié en mars 2024, l’IGF recommande de ne pas prolonger la réduction d’impôt applicable aux investissements dans les fonds communs de placement au-delà du 31 décembre 2025, les jugeant trop peu performants. Une telle mesure rapporterait 87 millions d’euros.
À propos de la patent box, un régime fiscal préférentiel applicable aux revenus issus de la concession ou de la cession de brevets, l’IGF estime que le taux préférentiel de 10 % est trop favorable, surtout au vu du niveau de déficit public et dans un contexte de réforme des aides aux entreprises. Porter ce taux à 15 % permettrait de maintenir un régime fiscal encourageant la recherche et l’innovation tout en renforçant la contribution des entreprises de 200 millions – une mesure qui ne pèserait ni sur les plus précaires ni sur les classes moyennes.
Enfin, la suppression du tarif réduit appliqué aux carburants utilisés par les taxis remplirait un objectif écologique tout en générant une économie de 45 millions d’euros.
Par cet amendement, nous proposons ainsi des mesures qui permettraient de réaliser un gain de 245 millions en 2025, puis de 332 millions à partir de 2026.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement est un pot-pourri de mesures qui ne vont pas toutes dans la bonne direction. Je partage votre analyse sur l'utilité toute relative des FIP hexagonaux, mais je ne suis pas favorable à la suppression de la réduction d'IR de 30 % appliquée aux FIP de Corse et d’outre-mer, zones où ces dispositifs présentent un réel intérêt.
Je suis aussi favorable à une hausse du taux réduit sur les cessions et concessions de brevets, mais nous pourrons en discuter lorsque nous examinerons les amendements après l'article 13.
En l’état, je ne peux pas donner un avis favorable.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Sensible à l’appel corse, je retire mon amendement, que je modifierai d’ici la séance.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1272 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Nous avons créé l’année dernière un dispositif visant à soutenir le financement des TPE et PME innovantes, notamment les jeunes entreprises innovantes (JEI), l’IR-JEI. Il a permis, au cours des derniers mois, de créer des dizaines d’emplois. Je propose de le conforter en augmentant le plafond d’investissement des particuliers dans ces entreprises – Inscoper, Moovency, Héphaïstos Pharma, Anode et bien d’autres –, qui sont notre premier moteur de créations d’emplois.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Depuis le 1er janvier 2024 et jusqu'au 31 décembre 2028, les investissements réalisés dans les JEI et les jeunes entreprises innovantes de rupture (JEIR) ouvrent droit, sous conditions, à une réduction d'impôt sur le revenu de 30 % ou 50 %, contre 18 % pour une PME classique (IR-PME). Cette réduction est valable dans la limite de 75 000 euros pour une personne seule et de 150 000 euros pour un couple, contre respectivement 50 000 et 100 000 euros dans le dispositif de droit commun.
Je ne suis pas favorable à ce que nous supprimions totalement des plafonds déjà dérogatoires, au risque de créer des possibilités d'optimisation fiscale, dont pourraient profiter des contribuables très fortunés. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1273 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Amendement de repli, qui vise à prolonger l’existence de l’IR-JEI, en conservant les plafonds existants.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La réduction d’impôt créée l’année dernière est valable jusqu’en 2028. Attendons d’en faire le bilan avant d’envisager sa prorogation. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1790 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). J’insiste sur l’efficacité et la rentabilité du dispositif de soutien aux JEI, qui permet de mobiliser l’épargne des particuliers et de dégager des ressources nouvelles à très court terme. L’amendement vise à l’ouvrir aux investissements réalisés par l’intermédiaire de FCPI, ce qui présenterait deux avantages : permettre aux particuliers d’accéder à ces mécanismes d’incitation par le biais du réseau bancaire et mutualiser de petits tickets d’investissement au sein de gros tickets de financement des start-up.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez d’étendre votre dispositif aux investissements réalisés à travers un fonds commun de placement à risque (FCPR). Les JEI et JEIR bénéficient déjà d'un régime dérogatoire. Je ne souhaite pas en élargir davantage le champ aux FCPI et encore moins aux FIP, dont l’efficacité laisse à désirer. Avis défavorable.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je vous invite à voter cet amendement très ciblé en faveur des start-up innovantes. Nous avons, depuis le début de l’examen de ce PLF, envoyé de nombreux signaux négatifs aux investisseurs en pénalisant la rémunération du capital. Il est temps de les soutenir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1271 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Cet amendement vise à ouvrir l’IR-JEI aux FCPR. Il n’aurait aucun coût l’année prochaine, mais produirait des effets positifs sur l’emploi dès les prochains mois.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les JEI et JEIR bénéficient déjà d'un régime dérogatoire. N’en élargissons pas encore davantage le champ pour compenser le risque soulevé par les investissements dans les FCPR, qui présentent un niveau de risque particulièrement élevé sans que leur efficacité économique soit garantie. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1789 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Il s’agit d’étendre le dispositif de l’IR-JEI aux entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) et aux entreprises commerciales de l’économie sociale et solidaire (ESS), dont les acteurs soutiennent cet amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi de finances pour 2024 avait déjà prorogé le taux de réduction d'IR de 25 % dont bénéficient les ESUS, tout en mettant fin à ce taux majoré pour les PME – les investissements dirigés vers ces dernières bénéficient désormais d'une réduction d'impôt de 18 %. Il n’est pas nécessaire d’accroître encore cet avantage comparatif. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je suis sensible au numéro de votre amendement ainsi qu’à votre souci de financer l’ESS, mais je ne pense pas que ce soutien doive prendre la forme de crédits d’impôt, raison pour laquelle je m’abstiendrai.
M. Michel Castellani (LIOT). Les entreprises de l’ESS que nous avons auditionnées il y a quelques jours nous ont clairement signifié être mises en tension par la baisse des aides qui leur sont versées, notamment par les collectivités locales.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1161 de M. Michel Castellani
M. Michel Castellani (LIOT). L’objectif initial des FIP – encourager l’investissement non coté en région – n’est plus atteint dans l’Hexagone, car, depuis 2019, ces fonds ne sont plus tenus d’investir dans trois régions limitrophes. Il n’est ainsi plus rempli qu’en Corse et en outre-mer, où les FIP doivent investir 70 % de leur actif dans des PME exerçant exclusivement sur leur territoire.
En conséquence, nous proposons de supprimer la réduction d’impôt sur le revenu de 18 % permise par les investissements dans les FIP hexagonaux afin de limiter l’avantage fiscal aux FIP Corse et outre-mer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable. Aucun FIP métropolitain n’affiche une rentabilité positive : au mieux, l’avantage fiscal compense une partie des pertes. Il serait étrange d’inciter les épargnants à investir dans de tels fonds.
La commission adopte l’amendement I-CF1161.
Amendements I-CF1207 de M. Nicolas Ray, amendements identiques I‑CF659 de M. Laurent Panifous et I-CF1545 de Mme Christine Pirès Beaune et amendements I-CF1544 et I-CF1547 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)
M. Nicolas Ray (DR). Mon amendement vise à transformer en crédit d'impôt la réduction d'impôt accordée au titre des dépenses afférentes à la dépendance, notamment à l’hébergement dans des Ehpad. Seuls les résidents imposables peuvent en effet bénéficier de la réduction ; ceux qui ont des ressources plus faibles en sont exclus, ce qui crée une inégalité de traitement.
En outre, les dépenses de maintien à domicile, par ailleurs moins élevées que celles d'accueil en établissement, sont éligibles au crédit d’impôt. Il y a là aussi une injustice, d’autant que personne ne se rend dans un Ehpad par choix.
M. Michel Castellani (LIOT). L’article 199 quindecies du code général des impôts (CGI) accorde une réduction d’impôt de 25 % au titre des frais de dépendance et d’hébergement des personnes accueillies dans des établissements spécialisés, dans la limite de 10 000 euros par personne hébergée. Cette mesure ne bénéficie qu'aux foyers assujettis à l’impôt sur le revenu. Pour renforcer la justice sociale et réduire les inégalités, il faut étendre le dispositif aux plus vulnérables en transformant cette réduction d’impôt en crédit d’impôt.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement I-CF1545 est identique. Certains savent combien je tiens à cette disposition, qui permettrait de réparer une injustice fiscale et sociale : 76 % des 700 000 résidents en Ehpad perçoivent des revenus courants inférieurs au reste à charge, lequel a d’ailleurs explosé depuis la crise du covid.
Cet amendement avait été adopté en 2022, puis dans le PLF pour 2023. Je l’avais retiré à la demande de la Première ministre Élisabeth Borne, qui m’avait confié une mission sur cette question. J’ai rendu un rapport aux conclusions très nettes. En attendant une réforme structurelle du financement des Ehpad et du reste à charge, je propose d’instaurer ce crédit d’impôt pour les années 2025 et 2026.
Les amendements I-CF1544 et I-CF1547 sont de repli.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On ne peut que partager votre diagnostic : la situation est injuste et le fait de transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt permettrait d’y remédier. Une telle mesure coûterait cependant, d'après les travaux de notre collègue Pirès Beaune, 880 millions d’euros. En tant que rapporteur général, je suis un peu gêné par un tel montant. J’émets donc un avis de sagesse.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je soutiens les amendements identiques. Créer un crédit d’impôt permettrait de réduire le recours à l’aide sociale versée par les départements, donc de réduire leurs dépenses. Par ailleurs, dès lors que les personnes maintenues à domicile en bénéficient, la situation est porteuse d’une inégalité à laquelle il convient de remédier.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Si on peut évidemment souscrire à l’élargissement du bénéfice de la réduction d’impôt aux personnes non imposables, je ne crois pas que l’outil fiscal soit le plus adapté pour traiter un problème bien plus large, qu’on ne réglera probablement qu’en instaurant un système assurantiel obligatoire ou des mesures en matière de transmission héréditaire.
Comment ces amendements seront-ils financés ? La Gouvernement a présenté une copie dont l’équilibre est assuré à l’euro près : nous ne pouvons pas nous permettre de la dégrader de 800 millions d’un simple trait de plume. Mme Pirès Beaune, qui présente cette mesure depuis plusieurs années et a le mérite de la constance, l’a gagée, mais qu’en est-il des députés de la Droite républicaine ?
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les amendements identiques I-CF659 et I-CF1545 ne portent que sur les exercices 2025 et 2026 : les adopter n’enterrerait donc pas tout espoir d’une réforme structurelle du financement des Ehpad. Je vous invite à les voter, ainsi que ceux qui visent à réduire le crédit d’impôt services à la personne (Cisap) pour certaines activités.
Monsieur Lefèvre, nous avons examiné, et parfois adopté, toute une série d’amendements créant ou étendant des crédits d’impôt. Cet outil n’est pas forcément idéal, mais certains sont utiles et permettent, comme ici, de réparer des injustices flagrantes.
La commission rejette l’amendement I-CF1207 et adopte les amendements identiques I-CF659 et I-CF1545.
En conséquence, les amendements I-CF1544 et I-CF1547 tombent.
Amendement I-CF1152 de Mme Estelle Youssouffa
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Il concerne les familles d’outre-mer qui doivent se rendre en France hexagonale pour permettre à un enfant de bénéficier de soins médicaux ne pouvant être réalisés dans leur territoire, par exemple pour traiter certains cancers pédiatriques. Les dispositifs d’accueil sont saturés, offrent des hébergements de courte durée et ne répondent pas toujours aux besoins de l’enfant et de son entourage. Il est donc nécessaire d’aider ces parents qui n’ont pas d’autre choix que de se rendre en France hexagonale pour assurer la survie de leur enfant. Nous proposons de le faire à travers un crédit d’impôt de 75 %, dans la limite de 10 000 euros de dépenses éligibles.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous soulevez un vrai problème pour nos compatriotes d’outre-mer, mais votre solution ne me semble pas adaptée : le crédit d’impôt ne serait versé qu’en année n+2 après l’engagement des dépenses.
Il me semble préférable d’apporter une réponse de nature budgétaire, en cumulant l’allocation journalière de présence parentale et la majoration de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé pour les parents concernés.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je rejoins le rapporteur général : vous posez une question qui nous touche tous mais le crédit d’impôt ne peut pas être la solution à tous les problèmes. Tout le monde se plaint de la complexité du code général des impôts et de la superposition des dispositifs. La réponse budgétaire doit être privilégiée, quitte à la développer davantage si nécessaire.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, même si j’y vois plutôt un amendement d’appel, je le voterai car il soulève une question non encore résolue.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF-1319 de M. Daniel Labaronne
M. Daniel Labaronne (EPR). Le Cisap représente une dépense fiscale de 6 milliards. S’il est très utile pour lutter contre le travail dissimulé, créer des emplois et favoriser le pouvoir d’achat, il faut en clarifier certains points.
L’amendement vise ainsi à préciser le statut fiscal du particulier employeur, en opérant une scission entre le crédit d’impôt dont bénéficient les organismes de service à la personne (OSP) et celui que touchent les particuliers employeurs, étant entendu que je présenterai ensuite un autre amendement visant à connaître précisément le fléchage du Cisap.
Je précise que cette mesure de clarification ne coûterait rien à la collectivité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Plusieurs amendements portant sur le Cisap, je prendrai quelques instants pour exposer ma position générale. Je proposerai un amendement visant à exclure du périmètre de ce crédit d’impôt certaines activités de confort, ce qui permettrait d’économiser 100 millions d’euros. Un deuxième amendement aura pour objet d’abaisser son taux de 50 % à 45 %, à l’exception des activités de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées ou handicapées et aux personnes invalides. Cette baisse rapporterait 500 millions d'euros.
Je serai défavorable à tous les autres amendements qui créent de la complexité, comme les taux dégressifs pour certaines activités, ainsi qu’à ceux modifiant le plafond, car ils ne permettent pas de diminuer sensiblement le coût de la dépense fiscale, peu de contribuables étant concernés.
L’amendement rendant plus complexe le dispositif sans bénéfice pour les finances publiques, j’y suis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). Mon amendement a été élaboré avec la Fédération des particuliers employeurs de France, qui souhaitent que leur statut soit clarifié.
J’en ai déposé un autre afin d’abaisser le plafond de 12 000 à 10 000 euros, sans remettre en question le plafond de 20 000 euros applicable aux personnes en situation de handicap.
Un troisième amendement vise à ce que les contribuables précisent s’ils ont bénéficié d’un crédit d’impôt en tant que particuliers employeurs ou s’il leur a été proposé par des entreprises de services à la personne, afin d’assurer une meilleure information du Parlement quant à l’utilisation de ce crédit d’impôt.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1889 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je propose d’exclure du champ du Cisap plusieurs activités : la collecte et la livraison de linge repassé, dont le coût est négligeable ; l’assistance informatique, qui coûte 12 millions d’euros ; la maintenance, l'entretien et la vigilance temporaire à domicile pour la résidence principale et secondaire – 18 millions ; l'assistance administrative – 30 millions ; la téléassistance et la visio-assistance – 18 millions ; et la coordination et la délivrance des services à la personne – 18 millions. Nous économiserions ainsi 100 millions, montant très modéré au regard des 6,2 milliards que représente le Cisap.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les activités soumises à agrément, notamment l’aide aux personnes âgées, seraient-elles bien exclues du périmètre de votre amendement ? Si tel est bien le cas, je le voterai sans problème.
M. David Amiel (EPR). Des activités que vous qualifiez de prestations de confort peuvent en effet être indispensables pour certains bénéficiaires, notamment les personnes âgées. Votre amendement permettra-t-il de distinguer entre les différents publics ?
M. Gérault Verny (UDR). Le seul effet de la suppression de cette niche serait le retour du travail au noir pour toutes ces prestations.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Il est souhaitable de faire des économies, mais attention à ne pas aller trop loin, au risque d’abandonner les personnes âgées maintenues à leur domicile.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). N’oublions pas les forts problèmes de mobilité dans les territoires ruraux. Le tri proposé par l’amendement me paraît artificiel.
M. Daniel Labaronne (EPR). La réforme du Cisap demande un travail de fond, principalement sur le plafond et sur l’éligibilité des activités, mais aussi des personnes. Cet amendement ne modifie que l’éligibilité des activités.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’ai déposé cet amendement pour que nous réfléchissions à l’évolution du dispositif, qui me semble nécessaire. On ne peut pas l’étendre indéfiniment au motif qu’il contribue à réduire le travail au noir. Nous devons poursuivre cette réflexion. En attendant, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Amendements I-CF1157 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1158 et I-CF1159 de M. Michel Castellani (discussion commune)
M. Michel Castellani (LIOT). Nous soutenons les dispositifs fiscaux en faveur de l'autonomie et de la dignité des personnes en situation de handicap et de dépendance. La dépense fiscale que nous visons bénéficie à des foyers très aisés : l’amendement I-CF1158 propose de retirer de la liste des activités les travaux de petit bricolage et l’amendement I-CF1159 le gardiennage de la résidence principale et secondaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous propose de retirer ces amendements pour que nous puissions en proposer un plus complet en séance.
Les amendements sont retirés.
Amendements I-CF779 de M. David Guiraud, I-CF1119 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1320 de M. Daniel Labaronne., I-CF1888 de M. Charles de Courson, I-CF1541 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF1149 de M. Michel Castellani, I‑CF1385 et I-CF1341 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)
M. Emmanuel Maurel (GDR). La Cour des comptes a identifié un effet d'aubaine au profit des employeurs les plus aisés. Nous proposons d’abaisser le seuil de dépenses à 9 000 euros : ce niveau n’empêcherait pas les plus aisés d’employer des personnes à domicile et la réduction du crédit d’impôt de 6 000 euros à 4 500 euros ne leur causerait pas un préjudice financier insupportable. La moyenne du crédit d'impôt pour emploi des salariés à domicile est 1 319 euros en 2023 et seuls 11 % des 40 millions de foyers fiscaux bénéficient de cette mesure.
Cet amendement répond également à une exigence de justice. La mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux voit ses crédits demandés baisser de plus de 2 milliards alors que la dépense fiscale pour le crédit d’impôt des salariés à domicile augmente.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). En tant que rapporteure spéciale de la mission Remboursements et dégrèvements, j’ai reçu de Bercy toutes les réponses à mon questionnaire ; nous disposons donc de tous les éléments.
L’amendement I-CF1541, qui reprend les recommandations du rapport de la Cour des comptes, propose d’instaurer une dégressivité du Cisap, en excluant les activités soumises à agrément, c’est-à-dire celles concernant la petite enfance et les personnes âgées.
M. Michel Castellani (LIOT). Notre amendement suit la même logique de dégressivité.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les amendements I-CF1385 et I‑CF1341 sont de repli : le premier propose la dégressivité pour les seules activités d’entretien et de travaux ménagers qui représentent 50 % du Cisap, le second pour les seules activités de jardinage qui en représentent 16 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les amendements de Mme Pirès Beaune posent problème car ils ajoutent au barème de l’IR un autre barème pour bénéficier d’un crédit d’impôt pour certaines activités.
Certes, nous devons réformer le Cisap, qui est notre deuxième dépense fiscale, mais je propose le retrait de ces amendements avant de nous mettre d’accord sur un amendement à discuter en séance.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Ces amendements réduisent les avantages fiscaux des classes moyennes et moyennes supérieures urbaines, qui contribuent le plus au système fiscal et social et qui font vivre le pays en travaillant durement. Elles utilisent ce dispositif notamment pour faire garder leurs enfants, parfois dans des conditions difficiles. Ces avantages sont pour elles une soupape de décompression fiscale, puisqu’elles paient proportionnellement plus d’impôts que les autres contribuables.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les recommandations de la Cour des comptes sont plus drastiques que ces amendements. J’ajoute que la dégressivité ne concernerait pas les gardes d’enfant.
Ces amendements répondent en outre à votre préoccupation sur le financement des 882 millions de l'extension de la réduction d'impôts en crédits d'impôt.
Les amendements I-CF1320 et I-CF1888 sont retirés.
Les autres amendements sont rejetés.
Amendement I-CF1321 de M. Daniel Labaronne
M. Daniel Labaronne (EPR). Il vise à assurer une identification précise du fléchage du Cisap afin de savoir si le contribuable a employé une personne ou s’il a eu recours à un organisme de service à la personne, en lui demandant simplement de renseigner cette information par l’ajout d’une rubrique au formulaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cela demanderait de remplir deux déclarations au lieu d’une. Avis défavorable.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nul besoin d’un formulaire supplémentaire : il suffit d’ajouter une ligne au Cerfa. Une telle mesure permettrait notamment de lutter contre le travail au noir.
M. Thomas Cazenave (EPR). Elle permettrait aussi d’obtenir des informations très utiles pour le pilotage des politiques publiques de crédits d’impôt.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques I-CF899 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1404 de M. Éric Coquerel, I-CF1780 de M. Laurent Baumel et I-CF1853 de Mme Eva Sas, amendements I-CF759 de M. Éric Coquerel, I-CF461 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF1507 de M. Philippe Brun, amendements identiques I-CF9 de M. Emmanuel Maurel et I-CF1509 de M. Philippe Brun, amendements identiques I-CF448 de Mme Stella Dupont et I-CF1511 de M. Philippe Brun et amendement I-CF1129 de M. Michel Castellani (discussion commune)
M. le président Éric Coquerel. Ces amendements visent la suppression globale du prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou flat tax, alors que nous avons voté hier des amendements que l’on pourrait considérer comme des amendements de repli. Nous essayerons de corriger cela avant la séance. Pour l’heure, je vous invite à ne pas revenir trop longtemps sur le débat de fond que nous avons déjà eu hier.
M. Laurent Baumel (SOC). Aux termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la contribution des citoyens aux « dépenses de l’administration […] doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
Ceux qui ont la chance de ne pas devoir dépenser l'intégralité de leurs revenus pour subvenir à leurs besoins peuvent investir leur épargne dans le financement de l’économie. C’est très louable, mais pourquoi les revenus supplémentaires qu'ils en tirent légitimement devraient bénéficier d'une sous-imposition, comme s’ils avaient une valeur morale ou sociale supérieure à ceux que les Français qui se lèvent tôt tirent péniblement de leur participation, pourtant beaucoup plus tangible, à la production de nos biens et de nos services ?
J'ajoute que la flat tax, en incitant certains à se rémunérer en dividendes plutôt qu’en salaire, contribue à soustraire ces rémunérations à l'assiette du financement du budget de l'État et de la sécurité sociale.
Mme Eva Sas (EcoS). La suppression de la flat tax permettrait de taxer les revenus du capital au même niveau que ceux du travail. C'est une question de justice fiscale mais aussi d'efficacité économique.
Le Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital souligne que « les travaux de recherche n'ont pas détecté d'impact du PFU sur l'investissement et les salaires dans les entreprises qui sont exposées ». Les Mozart de la finance qui sont à Bercy depuis 2017 ont donc permis aux plus aisés de bénéficier d’une baisse de leur imposition et à certains chefs d’entreprise de profiter d’un effet d’aubaine, sans aucune efficacité économique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les revenus du patrimoine immobilier proviennent pour une bonne partie d’une épargne dégagée de revenus soumis à l’IR. J’observe également que la quasi-totalité des pays européens ont mis en place un système comparable à notre PFU. Nous ne pouvons pas avoir raison contre tout le monde !
Nous pouvons discuter des modalités du PFU – nous avons d’ailleurs augmenté son taux – mais je suis opposé à sa suppression.
M. Éric Woerth (EPR). Il ne faut pas diaboliser le capital : le bon fonctionnement de l’économie dépend du travail comme du capital qui est notamment nécessaire pour assurer la productivité. J’ajoute que le capital est souvent le fruit du travail, qui est déjà imposé. Il est donc logique que la fiscalité du capital soit inférieure et il me semble souhaitable de garantir la stabilité de notre système fiscal.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Grâce à votre politique du ruissellement, les inégalités n’ont jamais été aussi fortes. Cette théorie ne fonctionne pas, puisque la fiscalité que vous avez instaurée depuis sept ans n’a pas favorisé plus d’investissements : relisez le rapport du Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital
Nous faisons par ailleurs face à un problème de recettes et nous proposons ici des recettes. C’est toute votre politique qui est mise en échec.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le taux de flat tax à 33 % que nous avons adopté hier est un compromis de raison. Vous proposez de soumettre les bénéfices à l’IR, mais les bénéfices distribués sont soumis à l’IS avant de l’être à la flat tax. Ne superposons pas un impôt à un autre. La flat tax doit être simple et lisible.
M. le président Éric Coquerel. Il ne s’agit pas diaboliser le capital, mais d’éviter que le travail ne soit davantage imposé que le capital, ce qui ne se justifie ni économiquement ni moralement.
Monsieur Woerth, il n’y a pas de capital sans travail, mais l’inverse n’est pas vrai : l’économie sociale et solidaire le démontre.
Les amendements I-CF899 et suivants sont rejetés.
M. le président Éric Coquerel. Les amendements suivants tombent en conséquence de l’adoption hier de l’amendement I-CF1806 de M. Jean-Paul Mattei.
Les amendements I-CF1507 et suivants tombent.
Amendements identiques I-CF394 de Mme Léa Balage El Mariky et I‑CF771 de M. Christophe Proença
Mme Christine Arrighi (EcoS). Les bénévoles associatifs qui utilisent leur véhicule personnel pour les besoins d’une association d’intérêt général à but non lucratif et qui renoncent expressément au remboursement des frais de déplacement peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu à laquelle nous proposons de substituer un crédit d'impôt afin de rétablir une forme d'équité fiscale et d'égalité entre les bénévoles assujettis à l'impôt sur le revenu et ceux qui ne le sont pas.
Mme Sophie Pantel (SOC). Il s'agit de reconnaître l'engagement des bénévoles et de leur contribution à la vie culturelle, civique et sportive dans les territoires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L'abandon du remboursement de frais pour l'utilisation de véhicules personnels est considéré comme un don et bénéficie à ce titre d'une réduction d'impôts. Tant que la réduction d'impôt n'est pas transformée en crédit d'impôt, votre amendement n'est pas cohérent.
J’ajoute que les dons aux associations bénéficient d’une réduction d’impôt de 66 %.
Avis défavorable.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Vous avancez l’argument de la réduction d’impôt pour les dons aux associations, mais elle ne concerne pas les non‑imposables et ce dispositif ne vise pas du tout le même objet que la réduction d’impôt bénéficiant aux bénévoles qui utilisent leur véhicule personnel pour les besoins d’une association. Le bénévolat peut être vu comme un don de soi.
M. le président Éric Coquerel. Je soutiens ces amendements : les bénévoles bénéficiant d'une réduction d'impôt sont avantagés par rapport à ceux qui n’en bénéficient pas. Ce n’est pas acceptable.
M. Éric Woerth (EPR). Je rappelle que 50 % des Français ne paient pas d’impôt sur le revenu. Dans ces conditions, il me semble naturel que ceux qui en paient puissent dans certains cas bénéficier d’une réduction. Quant à ceux qui n’en paient pas, comment pourraient-ils tomber sous zéro ?
M. le président Éric Coquerel. Avec la TVA et la CSG, tous les Français paient des impôts !
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Les bénévoles sont-ils demandeurs d’un tel dispositif ? Ils sont tellement heureux de donner aux autres. Pourquoi créer une sorte de statut professionnel ?
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Les collègues qui ont proposé ces amendements sont dans l’excès : non seulement le monde bénévole n’est pas demandeur, mais en outre les associations que vous défendez sont déjà suffisamment aidées par des subventions et des réductions d’impôt. On ne peut pas gagner sur tous les tableaux !
M. le président Éric Coquerel. Soyez logique et demandez la suppression de la réduction d’impôt pour les bénévoles !
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF850 de M. Sébastien Peytavie
M. Tristan Lahais (EcoS). L'amendement vise à intégrer les tiers-lieux sociaux et culturels dans le dispositif de réduction d’impôt pour don à une association. Ces lieux jouent un rôle fondamental dans la création de formes alternatives d'organisation sociale, mais doivent faire face à un contexte de réduction de leurs moyens, notamment dans le PLF 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La rédaction de l’article 200 du code général des impôts est suffisamment large pour inclure ces tiers-lieux.
Avis défavorable.
M. Michel Castellani (LIOT). Je soutiens cet amendement en raison de l’importance des tiers-lieux dans la vie associative, mais aussi pour la promotion de l’esprit d’initiative.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF395 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Christine Arrighi (EcoS). Les articles 200 et 238 bis du CGI laissent planer un doute sur le régime fiscal des coordinations et fédérations d'associations qui concourent à l'objectif d'intérêt général des associations qu'elles représentent.
De ce fait, certains groupements se sont vus refuser la possibilité de recourir au mécénat. Nous proposons donc que ces structures puissent bénéficier du mécénat et du mécénat de compétence auprès de particuliers, fondations et entreprises.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les coordinations et fédérations d'associations sont d’ores et déjà éligibles si elles remplissent les conditions de l'article 200. Cet amendement est donc inutile, voire dangereux car il pourrait permettre par exemple à une fédération assurant un simple rôle de coordination avec un seul salarié d’en bénéficier.
Avis défavorable.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Le manque de clarté de ces articles peut conduire à une situation où une de ces structures serait exclue du dispositif alors que leurs statuts prévoient qu’elle concourt à l’objectif d’intérêt général.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 200 n’a donc pas besoin d’être modifié : il suffit à la structure de demander son éligibilité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF1041 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Sophie Pantel (SOC). Il vise à ajouter à l'article 200 du code général des impôts un alinéa permettant de défiscaliser les dons et versements effectués au profit des associations syndicales de défense contre l’incendie. Le risque incendie progresse en raison du changement climatique tandis que les crédits de la défense des forêts contre l’incendie (DFCI) sont en baisse. Pourtant, la prévention coûte toujours moins cher que la réparation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Les associations sont financées par les cotisations des propriétaires forestiers qui en sont membres ; cela fait partie de leurs obligations. Il ne serait pas normal qu’ils bénéficient d’une réduction d’impôt de 66 %.
La commission rejette l'amendement.
Amendement 1607 de M. Erwan Balanant
M. Erwan Balanant (Dem). Dans le projet de loi de finances pour 2020, nous avions créé, à titre expérimental, une réduction d’impôt de 75 % pour les dons aux associations luttant contre les violences domestiques et conjugales ; elle n’a pas été renouvelée, alors qu’elle fonctionnait plutôt bien. Il serait souhaitable de poursuivre cette expérimentation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons mis fin à l’expérimentation dans le projet de loi de finances pour 2023. Je suis pour un maintien. À force de faire passer toutes les réductions de 66 % à 75 %, nous allons vider le dispositif de sa substance.
M. Erwan Balanant (Dem). Si certaines associations bénéficient d’une réduction d’impôt de 75 %, c’est parce que la société décide qu’il faut les aider dans leur travail sur des sujets graves, comme la très grande pauvreté. Les violences intrafamiliales sont un sujet de société. L’État devrait apporter une marque de soutien supplémentaire à ces associations compte tenu du travail remarquable qu’elles effectuent auprès des victimes de violences conjugales. On l’a vu à l’occasion du procès de Mazan.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). La véritable question est de savoir ce que fait l’État pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Le Gouvernement en avait fait une grande cause, mais les financements ne sont pas à la hauteur des besoins des associations qui réclamaient plusieurs milliards d’euros. Il faudrait flécher des subventions ; ce n’est pas ce qui s’annonce.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CF1118 de M. Jérémie Iordanoff
Mme Eva Sas (EcoS). Il propose la suppression de la réduction fiscale sur les dons aux partis politiques et aux campagnes électorales. Les recherches de l'économiste Julia Cagé démontrent que les réductions d’impôt profitent largement aux contribuables les plus aisés alors que les citoyens moins fortunés ne bénéficient pas de cet avantage fiscal. Autrement dit, la collectivité subventionne les préférences politiques des plus riches.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. L’article 200 du CGI prévoit une réduction d’impôt de 66 % des versements effectués au profit d’un parti ou groupement politique dans la limite de 20 % des revenus imposables, avec un maximum annuel de 7 500 euros par personne et de 15 000 euros par foyer fiscal. Il existe également une réduction d’impôt pour les campagnes électorales pour laquelle les dons ne peuvent pas dépasser 4 600 euros. Ces dispositifs participent à la démocratie, locale comme nationale, et leur suppression n’irait pas dans le bon sens.
M. le président Éric Coquerel. Certains considéraient tout à l’heure que les bénévoles ne devaient pas toucher d’argent. Je reprendrai leur argument en disant que je ne vois pas pourquoi on avantagerait ceux qui veulent favoriser la vie démocratique par des dons. J’espère que les votes seront cohérents.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). J’étais favorable au crédit d’impôt pour les bénévoles ; par cohérence, je suis contre l’amendement. Le financement de la vie politique nécessite de la transparence ; je ne suis pas pour le retour des valises et, si l’on supprime ce dispositif, il faut proposer un autre moyen de financer les campagnes. Par ailleurs, la réduction d’impôt plafonnée par élection est utile : lors de ma campagne pour les élections législatives, j’ai reçu de nombreux petits dons.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). L'amendement attaque de manière inélégante le pluralisme dont notre démocratie a besoin. Ce financement est connu, encadré, limité ; il ne concerne pas seulement les personnes les plus riches, tant s’en faut.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF1068 de M. Arnaud Bonnet
Mme Eva Sas (EcoS). Il vise à exclure des réductions d'impôt les dons aux établissements de l’enseignement supérieur privé. Nous voulons mettre fin au soutien indirect de l'État à l'enseignement privé, qui s’ajoute au soutien direct constitué par la rémunération des enseignants. L’essor de l'enseignement privé contribue à la ségrégation sociale et concentre les élèves en difficulté scolaire et sociale à l'école publique. De plus, les établissements privés ne jouent pas le jeu de l'inclusion : un collège REP+ sur deux abrite une section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa), contre seulement 5 % des collèges privés. Il faut rééquilibrer les moyens en faveur de l'école publique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’enseignement privé, qu’il soit primaire, secondaire ou supérieur, participe dans sa quasi-totalité au service public de l’éducation. Les établissements hors contrat sont rarissimes. Les dons permettent à des familles modestes d’accéder à ces établissements qui sont loin de l’image qu’on se fait d’écoles pour la bonne bourgeoisie, implantées au cœur des villes : en Bretagne, 50 % des élèves sont scolarisés dans le privé. L'amendement me paraît idéologique. En outre, l’enseignement privé est protégé par la Constitution.
Mme Eva Sas (EcoS). Je ne peux pas vous laisser dire que l’enseignement privé fait œuvre d’inclusion sociale. C’est le contraire de la réalité : en moyenne, les classes sociales favorisées y sont sur-représentées.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CF685 de M. Corentin Le Fur, CS477 de M. Jean-Philippe Tanguy et CF686 de M. Corentin Le Fur (discussion commune)
M. Nicolas Ray (DR). Il s’agit de supprimer le bénéfice de la réduction d'impôt pour les dons aux associations qui se sont rendues coupables d'actes d'intrusion sur des propriétés agricoles et des établissements industriels ou d'actes de violence envers des professionnels. On ne peut pas commettre de tels actes et bénéficier du soutien des finances publiques.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans le même esprit, notre amendement vise à supprimer les avantages fiscaux des associations dont les adhérents se rendent coupables d'intrusion et de dégradations sur les installations nucléaires. Dans un paradoxe permanent, ces associations anarchistes revendiquent un avantage de l'État ! Leurs membres pénètrent dans les installations par des complicités et grâce à des gens lâches qui refusent d'utiliser la force contre eux ; parce qu’ils ont bénéficié de ce laxisme, ils prétendent ensuite que les sites ne sont pas protégés, avec la mauvaise foi qu'on leur connaît. Ces associations mettent tout le monde en danger et font beaucoup de mal à l’image du nucléaire. Leur propagande n'a aucune limite : tout récemment, elles alertaient sur le risque de submersion de la centrale de Gravelines, près de Dunkerque. Il est temps que l’État cesse de participer à son propre affaiblissement.
Mme Véronique Louwagie (DR). Les dons ouvrent droit à une réduction d'impôt de 66 %, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Il y a un côté immoral à organiser le financement public indirect d’associations dont le comportement n'est pas vertueux. Certaines mènent des actions violentes, brutales, pleines de férocité : il n’y a pas longtemps, à Normandel, dans ma circonscription, on a reconnu l’œuvre d’associations extrémistes anti-élevage à caractère criminel dans la destruction de poulaillers.
L'acharnement dont le monde agricole fait l'objet doit cesser. L'amendement vise à allonger la liste des structures pour lesquelles l'administration fiscale peut suspendre les avantages fiscaux au titre des dons et versements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Marc Le Fur déposait cet amendement tous les ans. Il se heurte à plusieurs problèmes, dont certains sont de nature constitutionnelle. Premièrement, il n’existe pas de responsabilité collective : ce n’est pas parce qu’un de ses adhérents a commis une faute que l’association doit être privée d’avantage fiscal. Deuxièmement, les avantages fiscaux liés aux dons procèdent d’une logique libérale permettant aux particuliers de choisir les causes qui leur tiennent à cœur. Enfin, le garde-fou est ailleurs : si une association commet une faute, il faut lui retirer la reconnaissance d’utilité publique. Avis défavorable.
M. David Amiel (EPR). Quand une personne se rend coupable d’agissements criminels, la première chose à faire est de la poursuivre pénalement. Si une association promeut ces comportements de manière structurelle, elle peut être dissoute en Conseil des ministres ; l’option évoquée par Charles de Courson est également envisageable. Permettez-moi d’ajouter que des adhérents du Rassemblement national ont été condamnés par la justice. Pourtant, on peut toujours faire des dons à ce parti.
M. Emeric Salmon (RN). Je comprends l’argument de la responsabilité personnelle. Toutefois, ces associations ont la particularité de revendiquer leurs actions. C’est dans ce cadre que leur responsabilité doit être engagée.
Mme Véronique Louwagie (DR). Je suis surprise par la réponse du rapporteur général. Je comprends que les citoyens puissent donner aux associations qui leur agréent, mais je n’accepte pas qu’un financement public indirect profite à des associations dont les actions sont violentes, brutales ou de nature criminelle. Il aurait pu donner un avis favorable à l'amendement CF686 qui allonge la liste des infractions pénales permettant à l'administration fiscale de suspendre les avantages fiscaux des associations.
M. le président Éric Coquerel. J’avais répondu à Marc Le Fur qu’introduire comme variable les actions ou les objectifs de l'association risquait, à terme, de toucher des organisations dont vous vous sentez plus proche. Que dire des syndicats agricoles qui ont mené des actions violentes, y compris contre certains députés ? Ces syndicats ne bénéficieraient plus de la réduction d’impôt. La réponse de M. Amiel et du rapporteur général est la meilleure : il faut laisser faire la justice, qui peut aller jusqu’à prononcer la dissolution de l'association si elle l’estime nécessaire.
Mme Véronique Louwagie (DR). Vous donnez le sentiment que je vise certaines structures. Ce n’est pas le cas : l’exposé sommaire ne cite aucune association. Le dispositif existe déjà. Je demande simplement d’élargir la liste des infractions pénales susceptibles d’exclure les associations du champ de la réduction d’impôt accordée au titre des dons réalisés par les particuliers aux actions illicites subies majoritairement par le monde agricole – mais il n’est peut-être pas le seul.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’ai oublié de répondre sur l’amendement CF686, qui traite effectivement d’un sujet grave : les actes malveillants subis par des professionnels de l’agriculture. Les récents travaux de nos collègues sénateurs ont montré que le problème tient moins au champ de la loi qu’à son application. En 2022, le dispositif de suspension automatique de l'éligibilité aux avantages fiscaux prévu par l'article 1378 octies du CGI n'avait jamais été appliqué, alors qu'il existe dans la loi depuis 2009. En outre, la loi du 24 août 2021 a instauré une procédure de contrôle de la régularité des dons par l'administration fiscale afin de s'assurer que les organismes émettant des reçus fiscaux respectent les conditions prévues par la loi. L'administration a pour le moment adopté une approche large : une association utilisant des moyens illégaux à des fins d'utilité publique n'est pas autorisée à émettre des reçus fiscaux. Pour toutes ces raisons, il ne me semble pas pertinent de modifier le champ de l'article 1378 octies du CGI. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CF478 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans la même philosophie que les précédents, il cible les associations dont les membres se livrent à l'aide au séjour irrégulier d’étrangers et à une propagande permanente incitant à ne pas respecter l’État de droit dont ils se prévalent par ailleurs.
Je tiens à dire que le Conseil d'État s'est discrédité en décidant, contre le bon sens et une majorité de parlementaires, que le Gouvernement n'était pas légitime à dissoudre les Soulèvements de la Terre sous prétexte que les violences contre les biens – saccager des champs, détruire des biens privés ou publics et des systèmes d'irrigation – n'étaient pas des violences au même titre que les violences physiques. C'est inacceptable et il devra s’en expliquer un jour.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Comme pour les amendements précédents, le problème n’est pas l’état du droit, mais son application. Je suis étonné du faible nombre de demandes de dissolution déposées à l’encontre d’associations qui pratiquent des actes illégaux pour faire avancer leurs intérêts. Il faut demander au Gouvernement d’appliquer la loi.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CF489 de M. Karim Ben Cheikh et CF668 de Mme Eléonore Caroit, amendements CF669 et CF670 de Mme Eléonore Caroit (discussion commune)
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Je propose d’étendre aux contribuables non résidents, qui ne bénéficient pas de la réduction d’impôt quand ils donnent à des associations comme les Petits frères des pauvres, le bénéfice de la réduction d'impôt au titre des dons et versements. C’est une question d’équité fiscale autant qu’un enjeu de solidarité : les plus vulnérables des Français établis hors de France dépendent de l’action sociale des associations reconnues d’utilité publique, qui sont les seuls acteurs de l’action sociale à l’étranger.
Mme Eléonore Caroit (EPR). Pour les Français établis hors de France, contribuer aux associations qui leur tiennent à cœur est une façon de maintenir un lien avec la France. J’ai déposé trois amendements visant à augmenter le nombre de Français établis à l’étranger pouvant bénéficier de cette réduction d’impôt.
Le Gouvernement a été alerté à plusieurs reprises sur l’inégalité de traitement entre résidents et non résidents. Il la justifie par le fait que les personnes fiscalement non résidentes en France sont, sous réserve des dispositions des conventions internationales, imposables sur leurs seuls revenus de source française et que cela limiterait la progressivité de l'impôt. Pour répondre à cette critique, chaque amendement conditionne l’extension de la réduction d’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’explication tient à la cohérence de notre système fiscal. En France, contrairement aux États-Unis, l’impôt est territorial, pas national ; pour tenir compte de cette différence, les personnes non résidentes en France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global ni bénéficier de réductions ou de crédits d’impôt. C’est logique, même si cela peut heurter en première analyse. J’ajoute qu’il n’est pas interdit à un Français résidant à l’étranger de donner 33 euros à l’un de ses amis en France qui fera à sa place un don de 100 euros.
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). J’apprécie la proposition du rapporteur général, mais il est plus simple d’adopter l'amendement que de proposer un détournement des procédures actuelles.
Mme Eléonore Caroit (EPR). Il permet aux Français qui le souhaitent de contribuer à la solidarité nationale.
La commission adopte les amendements identiques CF489 et CF668.
En conséquence, les amendements CF669 et CF670 tombent.
Amendement CF1020 de Mme Chantal Jourdan
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il vise à étendre la réduction d’impôt aux épiceries sociales et solidaires. Si ces associations remplissent les critères fixés à l’article 200 du CGI, elles y sont déjà éligibles. L'amendement est sans objet.
L'amendement est retiré.
Amendement CF851 de M. Sébastien Peytavie
Mme Eva Sas (EcoS). Les personnes handicapées rencontrent trop d'obstacles pour vivre dans un logement accessible : seuls 7 % des logements français le sont entièrement, sur 30 millions de logements disponibles à l'achat ou à la location. La loi Elan de 2018 a ramené de 100 % à 10 % la part de logements neufs devant être accessibles aux personnes handicapées. L'amendement vise à augmenter les plafonds de dépenses ouvrant droit à un crédit d’impôt pour les frais de mise en accessibilité des logements destinés aux personnes âgées ou en situation de handicap. C’est une question de dignité et d’accès au logement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L'amendement vise à porter le taux du crédit d’impôt de 25 % à 50 % et d’en relever le plafond à 7 000 euros. En 2024, le Gouvernement a créé MaPrimeAdapt’, qui peut financer 50 % ou 70 % des travaux de mise en accessibilité des logements des personnes âgées ou en situation de handicap en fonction des ressources des individus. Cela me semble suffisant.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CF1803 de Mme Sophie Mette
Mme Sophie Mette (Dem). Le risque d'impayé est un frein majeur à la location par bail rural aux jeunes agriculteurs. Dans le souci d'inciter les bailleurs à conclure des baux ruraux qui sécurisent ces agriculteurs dans le temps, l'amendement propose de créer un crédit d'impôt couvrant 100 % des dépenses engagées pour la souscription d'un contrat d'assurance visant à garantir le paiement du fermage, dans la limite de 2 000 euros. Un tel contrat sécurise les revenus locatifs du propriétaire bailleur et le protège contre les aléas de l'investissement locatif. La mesure est issue des recommandations du rapport de l'IGF et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur l'évaluation des freins fiscaux et non fiscaux au renouvellement des générations agricoles.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Cette charge est déjà déductible de l’impôt sur le revenu ; il est impossible de cumuler une charge déductible avec un crédit d’impôt.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CF419 de Mme Marie Pochon et CF768 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)
M. Tristan Lahais (EcoS). Les espaces forestiers sont des puits de carbone dont l’entretien est déterminant pour le respect de la trajectoire de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). L'amendement CF419 vise à majorer de 25 à 60 % le dispositif fiscal à l’investissement (Defi) travaux forestiers en cas de sylviculture durable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le crédit d’impôt couvre déjà ce type d’investissement en prenant en compte les dépenses visant à garantir une gestion durable de la forêt et les travaux de plantation prévus par le plan simple de gestion (PSG), ou par le règlement type de gestion (RTG) pour les petites superficies. J’ajoute, étant quelque peu forestier moi-même, que la possibilité de maintenir un couvert continu dépend de la nature des sols. L'amendement n’est pas utile. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CF941 de Mme Chantal Jourdan
M. Inaki Echaniz (SOC). Il propose un crédit d’impôt de 80 % pour les propriétaires forestiers qui réaliseraient un diagnostic d’indice biodiversité potentielle (IBP), afin de sécuriser le travail des entrepreneurs forestiers. J’anticipe la réponse du rapporteur général en précisant que cette mesure est financée par une meilleure répartition du fonds alloué au plan de renouvellement forestier pour 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Un crédit d’impôt de 80 % n’est pas raisonnable : c’est le taux prévu pour inciter à replanter après un ouragan. Les propriétaires forestiers doivent être responsabilisés. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF901 de Mme Marianne Maximi
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement est contraire au droit communautaire, et probablement au principe de liberté du commerce et de l’industrie. Il pourrait être facilement contourné en vendant le bois à un intermédiaire français qui l’exporterait.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF161 et I-CF162 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il s’agit d’autoriser les couples qui le souhaitent à individualiser leur impôt sur le revenu. Actuellement, les couples mariés ou pacsés sont automatiquement imposés conjointement, ce qui peut entraîner des inégalités fiscales au sein des foyers – généralement au détriment des femmes, dont les revenus sont souvent inférieurs à ceux de leurs partenaires. L’individualisation de l’impôt permettrait de renforcer l’autonomie financière et fiscale des femmes, et de lutter contre les disparités de revenus dans les couples.
L’amendement I-CF161 prévoit que les contribuables puissent exercer ou annuler cette option à tout moment, avec un délai d’application de trois mois. L’amendement de repli I-CF162 ne prévoit pas cette option.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est un vieux débat : certains pays ont opté pour la déclaration commune des conjoints, d’autres pour des déclarations séparées ; il existe même des cas mixtes. En France, c’est le foyer fiscal qui est imposé. L’individualisation pourrait être contraire à l’intérêt du couple, puisque dans l’immense majorité des cas, on paie moins d’impôts avec une déclaration commune qu’avec des déclarations séparées. Si vous vouliez modifier cet aspect, il faudrait une réforme d’ensemble.
Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cessez de toujours renvoyer ce type de mesures aux calendes grecques. Les femmes doivent accéder à l’autonomie financière et fiscale, à l’heure où les inégalités de revenus avec les hommes perdurent. Les couples auraient le libre choix d’opter pour l’individualisation, et pourraient revenir sur cette décision si elle s’avérait contraire à leur intérêt.
M. Thomas Cazenave (EPR). Je partage l’avis du rapporteur général. Votre proposition réorganiserait complètement notre système fiscal, qui repose sur la notion de foyer. Rappelons aussi qu’à l’initiative de Marie-Pierre Rixain, nous avons voté l’individualisation par défaut du taux de prélèvement à la source, qui permet de mieux traiter les différences de situation dans le couple. Cette mesure répond à la question que vous soulevez.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). La notion de foyer fiscal constitue le socle de notre fiscalité dans de nombreux domaines ; en ce qui concerne l’IFI, le concubinage notoire est même pris en considération. Et désormais, grâce à la belle réforme du prélèvement à la source, les conjoints peuvent décider d’individualiser leur taux d’imposition.
Mme Eva Sas (EcoS). Le taux de prélèvement à la source peut certes être individualisé, mais l’impôt reste calculé sur le foyer fiscal, sans être individualisé.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF780 de M. David Guiraud, I-CF8 de M. Emmanuel Maurel et I-CF1127 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Nous proposons de tripler les taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, qui – victoire ! – a été pérennisée hier. Elle ne touche que 0,06 % des ménages, ce qui est scandaleusement bas. La presse a beau annoncer que 60 000 foyers fiscaux seraient concernés, ils seront plutôt 24 300. D’après l’Institut des politiques publiques, les mesures socio‑fiscales prises lors du précédent quinquennat ont entraîné un gain annuel moyen de 3 500 euros pour les 1 % les plus riches, et une légère perte pour les plus pauvres. Dans le même temps, la richesse des 500 plus grandes fortunes françaises a plus que doublé, dépassant 1 200 milliards d’euros. Il est temps de mettre fin à cette logique de cadeaux pour les plus riches et les grandes entreprises ; nous défendrons ultérieurement d’autres amendements visant à renforcer leur contribution.
M. Emmanuel Maurel (GDR). La progressivité fiscale s’est largement érodée avec l’instauration du PFU et la suppression de la fiscalité sur le patrimoine. C’est pourquoi nous proposons de renforcer la contribution exceptionnelle des hauts revenus en portant ses taux à 6 % et 8 %. Rappelons que cette mesure touche l’ensemble des revenus, qu’ils soient soumis à l’IR ou au PFU. Son relèvement permettrait d’accroître l’imposition des 0,1 % de contribuables les plus riches ; elle serait donc loin de toucher tous les Français. D’après les données de Bercy – qu’il faut, certes, prendre avec des pincettes –, cela rapporterait environ 1 milliard d’euros.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Nous préconisons de porter le taux de la CEHR de 3 % à 3,5 % pour la tranche de revenu fiscal de référence comprise entre 250 000 et 500 000 euros, et de 4 % à 5 % pour les tranches supérieures à 500 000 euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF780 porterait le taux marginal à 74 % – soit 45 % de taux marginal initial, 12 % de CEHR et 17,2 % de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. De toute évidence, il serait jugé confiscatoire et annulé par le Conseil constitutionnel. Votre proposition pourrait avoir un sens avec des majorations inférieures, si elle se substituait à la contribution différentielle sur les hauts revenus ; mais comme nous avons adopté cette dernière, cela n’a plus lieu d’être.
Avec l’amendement I-CF8, le taux marginal atteindrait 70 % : même réponse. L’amendement I-CF1127 induirait un taux marginal de 67 %, mais ses auteurs ont probablement envisagé qu’il se substitue à la contribution sur les hauts revenus. Je les incite à le retirer.
M. le président Éric Coquerel. Contrairement à vous, je considère que ces mesures doivent se cumuler et non se substituer l’une à l’autre. Vu l’accroissement de la fortune des ultrariches et l’ampleur de l’effort national à effectuer, ce ne serait pas de trop.
La commission rejette successivement les amendements I-CF780 et I-CF8.
L’amendement I-CF1127 est retiré.
Amendement I-CF1644 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). L’expérience prouve qu’en matière de fiscalité, les dispositifs ciblés et ponctuels tendent à s’élargir et à se pérenniser. Or par définition, la contribution dite exceptionnelle sur les hauts revenus doit être limitée dans le temps ; c’est pourquoi mon amendement prévoit qu’elle s’éteigne lorsque le déficit public des administrations publiques sera résorbé. Je reprends en cela un de vos amendements voté en 2012, monsieur le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement est satisfait, puisque le A du III de l’article 2 de la loi de finances pour 2012 prévoit expressément que la contribution perdure « jusqu’à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul » – ceci, grâce à un amendement que j’avais effectivement défendu en 2012.
M. le président Éric Coquerel. Je m’étonne qu’il faille toujours des mesures ponctuelles pour faire contribuer les hauts revenus. Quand il s’agit de transformer l’allocation chômage, on n’hésite pas à créer des dispositifs pérennes !
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mon amendement de 2012 nourrissait encore un espoir. Aujourd’hui, qui pourrait prédire la date de retour à un déficit nul des administrations publiques ? Autant dire que le dispositif est, hélas, permanent.
M. Éric Woerth (EPR). Nous avons eu ce débat intéressant au sujet des niches fiscales, dont la durée mériterait d’être révisée tous les deux ou trois ans. En revanche, les contributions que nous considérons comme exceptionnelles doivent, par principe, être limitées dans le temps. Soumettre leur extinction à l’atteinte d’un excédent budgétaire, c’est ne pas leur donner de limite, puisque nous avons peu de chance que cet objectif se réalise de notre vivant. Il serait pertinent de leur fixer une échéance, à un ou deux ans par exemple – le Premier ministre l’a d’ailleurs évoqué dans le cas qui nous intéresse.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). À quoi bon inscrire des bornes temporelles dans la loi, sachant que nous ne cessons de les repousser ? Le moment venu, la loi pourra mettre fin à cette disposition.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1108 de Mme Sophie Panonacle
Mme Sophie Panonacle (EPR). Lors de l’examen du PLF pour 2023, nous avions adopté un amendement qui n’avait malheureusement pas résisté au 49.3. Depuis, en mars 2023, j’ai été chargée de présider le Comité national du trait de côte (CNTC), avec la mission de formuler des propositions visant à financer des stratégies d’adaptation des communes littorales soumises à l’érosion côtière. Le CNTC a rendu ses conclusions en juin dernier. Il recommande en premier lieu de créer une taxe additionnelle sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), sur les mêmes bases que ma proposition d’il y a deux ans, à savoir un taux de 0,01 %, soit 10 euros par tranche de 100 000 euros, ce qui reste très faible pour les acquéreurs. Cela produirait 30 millions de recettes par an sur une assiette de 300 milliards, montant significatif pour amorcer l’accompagnement des communes.
En complément, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) a produit un rapport sur les enjeux du recul du trait de côte : ils se chiffrent à 240 millions d’euros à un horizon de cinq ans et à 1,2 milliard à un horizon de trente ans.
Au sein du CNTC, l’Association nationale des élus du littoral, des scientifiques, des acteurs socioprofessionnels, des associations environnementales et des services de l’État ont défendu cette proposition à mes côtés. Ces recettes abonderaient le nouveau fonds Érosion côtière (FEC) qui doit être créé dans la seconde partie du PLF.
Nous ne pouvons plus attendre : en faisant appel à la solidarité nationale, nous devons répondre à l’inquiétude légitime des maires des communes littorales de tous partis politiques et à leurs habitants.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ne suis pas favorable à cette petite taxe de 11 millions d’euros. Diverses mesures ont déjà été prises pour adapter les territoires au recul du trait de côte. Citons le droit de préemption créé par loi « climat et résilience » dans les territoires concernés, ou encore l’ordonnance du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, qui comprend des dispositions pour lutter contre l’érosion : un nouveau bail réel d’adaptation à l’érosion côtière pour louer ou transformer les biens exposés, et la possibilité de déroger à la loi « littoral » pour faciliter la relocalisation des biens.
Enfin, l’exposé sommaire de votre amendement laisse entendre que vous voudriez par ailleurs créer une nouvelle taxe affectée – ce qui, je le rappelle, serait anticonstitutionnel dans un amendement parlementaire – sur l’assiette des DMTO, qui présente toutefois l’inconvénient d’être extrêmement fluctuante.
M. Michel Castellani (LIOT). Je soutiens cette proposition. La question de l’érosion côtière s’impose à nous et gagnera en acuité. De nombreux députés, en particulier des territoires littoraux, devraient réfléchir à deux fois avant de rejeter cet amendement.
Mme Eva Sas (EcoS). Le groupe écologiste votera cet amendement, tant il est nécessaire de financer l’adaptation au recul du trait de côte. La réflexion devrait d’ailleurs être plus globale, au-delà de cette taxe.
M. le président Éric Coquerel. J’avais soutenu cette proposition en séance, et je persiste. Malheureusement, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, ne peut pas être mobilisé s’agissant de l’érosion côtière. Le problème est pourtant gravissime pour les communes littorales. Sans être parfait, le dispositif proposé a l’avantage de dégager des premiers financements.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous nous opposons à cette nouvelle taxe. Elle est emblématique. Si je comprends bien, il s’agit d’une taxe du CNTC, qui est un sous-comité du CNML, conçue avec l’Igedd et l’IGA dans le cadre du Cerema ; cette taxe sur la DMTO, créée dans le PLF, abondera le FEC, lequel participera au financement des SLGITC dans le cadre d’un PPAL créé par la loi Elan… Voyez comme notre pays est malade de la bureaucratie !
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Mme Panonacle soulève une question grave, monsieur Tanguy : de nombreux Français voient leur bien se déprécier du fait de l’érosion côtière. Plutôt qu’une taxe affectée, nous devrions plutôt agir dans le volet des dépenses du PLF, en créant une subvention et des crédits budgétaires directs.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je ne mets pas en cause l’objectif visé, mais pourquoi faire peser cette taxe sur les droits de mutation à titre onéreux, qui, en plus d’être aléatoires, sont payés par les acheteurs ? Cela grèverait la capacité à acquérir de nos concitoyens – nous avons d’ailleurs eu ce débat s’agissant du Grand Paris. Il serait plus judicieux de réfléchir à une taxe sur les plus-values réalisées dans les communes littorales.
M. Michel Castellani (LIOT). La complexité administrative qui vient d’être dénoncée, si elle est réelle, n’oblitère pas la gravité de l’érosion du trait de côte. Je réitère donc mon soutien à cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Mme Sophie Panonacle (EPR). Merci pour votre vote, chers collègues. Je tâcherai d’expliciter le dispositif et l’intérêt de l’adosser aux DMTO. D’autres amendements viseront à abonder le fonds Érosion côtière. De Criel-sur-Mer à Bidart en passant par Serra-di-Ferro, le sujet est inquiétant, monsieur Tanguy.
M. le président Éric Coquerel. Je retiens la proposition de M. Lefèvre d’envisager un amendement en dépenses sur le sujet.
Amendement I-CF1249 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Eva Sas (EcoS). Le système de démembrement de propriété n’est rien d’autre qu’une niche fiscale spécialement créée pour réduire l’imposition sur les successions des plus riches, qui permet aux futurs héritiers d’anticiper une exonération d’impôt sur les droits de succession. Le Conseil d’analyse économique évalue le manque à gagner pour les finances publiques à 25 % de la somme qui serait normalement imposée si cette défiscalisation était abolie. Nous proposons donc de la supprimer, et d’intégrer la transmission de l’usufruit du bien dans le calcul global des droits de mutation.
Notre amendement s’inscrit dans une volonté de refonte globale des droits de succession visant à mettre fin aux différents régimes d’exonération pour proposer un barème global plus progressif, prenant en compte l’ensemble des donations et héritages perçus tout au long de la vie, dans une logique de justice fiscale et sociale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez de mettre fin à la dissociation fiscale entre l’usufruit et la nue-propriété, afin d’appliquer les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à la valeur de l’usufruit au moment de son extinction. Nous pouvons débattre de la réduction des DMTG permise par le démembrement de propriété, mais j’invite à ne pas voter cet amendement. En effet, le régime de l’usufruit n’a rien à voir avec le pacte Dutreil ; à l’instar de l’assurance vie, il concerne les classes moyennes. Alors que l’âge moyen de l’héritage augmente, il permet de favoriser les dons anticipés du vivant du donateur. Il intervient également lors d’un décès, avec la possibilité pour le conjoint survivant dont l’époux laisse des enfants de recueillir soit l’usufruit sur la totalité des biens, soit la pleine propriété du quart des biens. Cette dissociation est donc utile dans de nombreuses situations ; aussi votre amendement me paraît-il inadapté.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF13 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). La loi prévoit deux types de plan d’épargne retraite (PER) : le PER assurantiel et le PER compte-titres, ou PER bancaire. La mission d’information de la commission des finances relative à la fiscalité de l’épargne par capitalisation finançant la retraite, dont Mme Gérard et M. de Courson étaient les rapporteurs, a pointé plusieurs disparités fiscales entre ces deux PER, qui ne permettent pas au public de leur porter un intérêt équivalent. À titre d’exemple, le PER bancaire n’offre aucun avantage fiscal spécifique en cas de décès de l’assuré, les sommes étant intégralement incorporées dans l’actif successoral.
Comme ces dernières années, je propose d’homogénéiser ces deux dispositifs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le rapport que Félicie Gérard et moi-même avons remis sur la fiscalité du PER a en effet mis en lumière la différence de traitement entre le PER bancaire et le PER assurantiel s’agissant des droits de succession : le premier bénéficie du droit commun, tandis que le second bénéficie d’un régime proche de l’assurance vie, à savoir un abattement de 152 500 euros en cas de décès avant 70 ans et de 30 500 euros en cas de décès après 70 ans. Cela tient toutefois à la différence juridique entre les deux contrats. Si nous appliquions le régime du PER assurantiel au PER bancaire, qui est un compte-titres, nous créerions une rupture de traitement entre les différents types de comptes-titres. En outre, la transmission d’un PER bancaire est exonérée lorsqu’elle se fait au profit du conjoint survivant ou du partenaire pacsé. Une harmonisation n’est donc pas souhaitable.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut avis défavorable.
L’amendement I-CF13 est retiré.
Amendement I-CF218 de M. Nicolas Sansu
M. Emmanuel Maurel (GDR). Nous proposons de plafonner à 600 000 euros l’abattement sur la valeur de la résidence principale lors d’une succession. Ce plafond étant atteint par les résidences valant 3 millions d’euros, la mesure concernera un nombre limité de Français.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je partage votre interrogation sur le fait qu’une résidence principale puisse bénéficier d’un abattement de 30 % non plafonné, y compris lorsqu’elle est de très grande valeur. Néanmoins, il faut tenir compte de tous les paramètres fiscaux et constitutionnels – en particulier, du risque de rendre l’impôt confiscatoire. Il convient aussi de bien choisir le montant de l’abattement – d’autres amendements proposent des plafonds fixés à 400 000 ou 600 000 euros. Je suggère que nous interrogions le Gouvernement avant de statuer.
Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le redéposer en séance, en interrogeant le ministre sur le plafond adéquat.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF786 de M. Éric Coquerel et I-CF1267 de M. Nicolas Sansu ; amendements identiques I-CF1406 de Mme Marianne Maximi, I-CF1801 de Mme Christine Pirès Beaune et I-CF1845 de Mme Sophie Taillé-Polian ; amendement I-CF210 de M. Éric Ciotti ; amendements identiques I-CF1369 de M. Jean-René Cazeneuve et I-CF1699 de M. David Amiel ; amendements I-CF679 de M. Laurent Baumel, I-CF1593 et I-CF1594 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Qu’ont fait les super-héritiers à part être bien nés ? Je sais combien les membres de la commission sont attachés aux notions de travail et de justice. Or la valeur travail a disparu, puisque les plus riches sont le fruit de l’hyperconcentration d’immenses héritages. Songez que les 0,1 % de plus grands héritiers reçoivent en moyenne 13 millions d’euros, soit 180 fois l’héritage médian ; ils ne s’acquittent que de 10 % de droits de succession, alors que le taux marginal est de 45 %. Résultat : sur les neuf nouveaux milliardaires que la France a enregistrés cette année, sept sont des super-héritiers.
Nous proposons de rétablir de la justice en instaurant un barème progressif sur l’héritage et un héritage maximum de 12 millions d’euros. Comment justifier que quelqu’un, par sa seule naissance, perçoive plus de 12 millions ?
En parallèle, l’abattement serait porté à 120 000 euros par enfant.
Il s’agit donc bien de taxer les super-héritages, et non de mettre en difficulté nos concitoyens qui perçoivent des héritages plus modestes.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Nous souhaitons modifier profondément le régime des droits de mutation à titre gratuit, qui est tout à la fois injuste et mal perçu par les Français.
D’un côté, les successions en ligne directe sont très peu taxées : le taux marginal supérieur est de 45 % mais le taux moyen effectif est de 3 % ; les abattements sont élevés ; de nombreux moyens permettent aux plus riches d’éviter les impôts. Le rapport Mattei-Sansu sur la fiscalité du patrimoine a montré qu’un enfant peut percevoir tous les quinze ans plus de 0,5 million d’euros en franchise de droits, en cumulant les donations de ses parents et de ses grands-parents.
D’un autre côté, les successions indirectes, de plus en plus nombreuses du fait de la modification des structures familiales, sont très fortement taxées, même quand elles concernent des petits montants.
Notre amendement vise à instaurer une logique de flux successoral tout au long de la vie, l’impôt étant calculé sur la somme globale qu’une personne aura reçue durant son existence, à un barème unique.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Dans les trente prochaines années, vingt-cinq milliardaires français transmettront à leurs héritiers plus de 460 milliards d’euros ; à fiscalité constante, les finances publiques y perdront au moins 160 milliards. Or nous avons un problème de recettes. Plutôt que de raboter les dépenses et de vous en prendre aux services publics, nous vous proposons de faire entrer de nouvelles recettes. C’est une question de justice. Rappelons que la moitié des ménages ne touchent aucun héritage, et que 80 % ne reçoivent aucune donation. L’héritage est au cœur du mécanisme de reproduction sociale qui permet aux plus riches de le rester de génération en génération ; c’est aussi un mécanisme qui appauvrit les recettes de l’État. Aussi souhaitons-nous rétablir un peu de justice.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Le creusement des inégalités a pour principale origine le déterminisme social. En d’autres termes, vous pouvez travailler très dur toute votre vie sans rien pouvoir transmettre à vos enfants. En revanche, si vous êtes bien né, la transmission du patrimoine vous rend la vie douce, voire très douce. Où est le mérite tant prôné par certains ? Les inégalités de patrimoine creusent bien plus les inégalités sociales que les différences de revenus – ce constat est bien documenté.
Notre amendement, soutenu par tous les groupes de gauche, vise à lutter contre ce déterminisme social. Reprenant la mesure d’une proposition de loi que j’ai défendue dans le cadre d’une niche socialiste en 2020, il comporte trois volets : la mise en place d’un flux successoral tout au long de la vie, sur le modèle irlandais ; la suppression de la niche fiscale de l’assurance vie ; une réforme du pacte Dutreil qui abaisserait l’abattement de 75 % à 50 % au-dessus de 50 millions d’euros et qui porterait la durée de l’engagement de quatre à huit ans.
M. Tristan Lahais (EcoS). Ceux qui défendent la méritocratie et la valeur travail défendent bien souvent, en réalité, une méritocratie d’héritage. Ne confondons pas les avantages des classes moyennes et des plus aisés : une personne sur cent perçoit 4 millions d’euros au cours de sa vie, quand un héritier sur mille reçoit 13 millions. La taxation insuffisante des héritages représente un manque à gagner pour les comptes publics ; elle désavoue la valeur travail et exacerbe la reproduction sociale.
M. Vincent Trébuchet (UDR). L’amendement du groupe EDR va à rebours des précédents. À force de se regarder le nombril, la France ne se rend pas compte qu’elle est devenue complètement collectiviste. Elle est le troisième pays qui taxe le plus les successions au monde, avec un tarif maximal de 45 %, des abattements parmi les plus faibles et des montants fiscaux collectés parmi les plus forts. C’est inefficace économiquement, puisque cela dissuade beaucoup de Français d’effectuer des donations. L’âge moyen d’héritage ne cesse pourtant de croître, dépassant 52 ans. Cela pénalise également la transmission des sociétés, puisque, malgré le pacte Dutreil, le taux d’imposition pour la transmission d’une petite ou moyenne entreprise (PME) ou d’une entreprise de taille intermédiaire (ETI) est de 17 % en France, contre 5 % dans le reste de l’Union européenne.
Je voudrais surtout souligner les sous-jacents idéologiques des amendements précédents : ils témoignent d’un mépris d’une part de la classe politique pour les dimensions de filiation, de transmission, de respect des aïeux, et plus encore d’un aveuglement selon lequel l’État dépenserait mieux l’argent que les gens qui le réinvestissent dans la sphère économique.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je réfute les deux écueils idéologiques que sont le rejet total ou le soutien à tout prix de l’héritage.
L’amendement I-CF1369 cherche à prendre en compte certaines évolutions de notre société comme l’allongement de la vie, les remariages et les familles recomposées. Il vise à créer de nouveaux droits pour les enfants et les petits-enfants de conjoint, sous la forme d’un abattement d’un montant raisonnable de 31 865 euros, et à augmenter les droits des neveux. Ces droits concernent les donations, vecteur privilégié de l’accélération des transmissions, celle-ci bénéficiant à l’économie. Nous ne touchons pas aux successions pour ne pas susciter d’effet d’aubaine.
Très attaché au respect de la trajectoire des finances publiques, je mets un point d’honneur à financer ces mesures en instaurant une tranche supplémentaire d’imposition des successions. J’invite les services de la commission à m’aider à la calibrer.
M. David Amiel (EPR). La modernisation de la fiscalité des successions et des donations est nécessaire, afin de prendre en compte les taux très élevés appliqués aux transmissions aux parents en ligne indirecte – neveux, nièces, frères et sœurs – ainsi que la recomposition des familles pour intégrer les dons aux enfants et petits-enfants du conjoint.
Comme il n’y aurait pas de sens à affecter des ressources publiques à l’allègement de la fiscalité sur les successions dans un pays où le patrimoine hérité occupe une place de plus en plus grande, nous proposons de financer ces nouveaux droits par un effort supplémentaire, de dimension modeste, demandé aux successions les plus élevées.
M. Laurent Baumel (SOC). Afin de montrer à nos collègues du Rassemblement national que l’on peut être de gauche et sensible au désir de transmettre quelque chose à ses enfants, l’amendement I-CF679, de modernisation sociétale, vise à intégrer le phénomène contemporain des familles recomposées dans la fiscalité de l’héritage. En effet, la transmission d’une partie de son patrimoine à un beau-fils ou à une belle-fille que l’on a élevé équivaut, dans notre droit actuel, à faire une donation à une personne avec laquelle aucun lien n’existe.
Mme Véronique Louwagie (DR). Les amendements I-CF1593 et I‑CF1594 cherchent à moderniser notre droit en faisant bénéficier les dons aux enfants du conjoint de l’abattement actuel. Ils n’ont pas de coût pour les finances publiques puisque les personnes souhaitant effectuer de tels dons adoptent les enfants du conjoint, les droits à payer étant alors identiques à ceux frappant les dons aux enfants biologiques. Le premier amendement porte l’abattement à 150 000 euros car nous proposons, dans d’autres amendements, d’augmenter le montant de l’abattement pour les dons aux enfants biologiques de 100 000 à 150 000 euros. Le second applique l’abattement actuel de 100 000 euros aux dons aux enfants de conjoint. Encore une fois, ces mesures n’auront pas d’impact sur les finances publiques puisque les familles contournent le droit par le recours à l’adoption plénière des enfants de conjoint.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements traduisent des conceptions différentes voire opposées de la famille et du droit de propriété : certains d’entre vous vont presque jusqu’à contester ce dernier quand d’autres cherchent à l’étendre le plus possible. La question du rapport entre les inégalités de patrimoine et de revenu et celle de l’évolution du concept de famille entrent également en jeu.
L’amendement I-CF786 est anticonstitutionnel car le Conseil constitutionnel considérera qu’une taxation de 100 % de la part d’une succession supérieure à 12 millions équivaut à une spoliation.
Les amendements I-CF1267 et identiques I-CF1406, I-CF1801 et I-CF1845 posent le problème, soulevé par le rapport sur les droits de succession rédigé cette année à notre demande par la Cour des comptes, de l’instauration d’un rappel fiscal à vie. Celle-ci alourdirait considérablement la fiscalité et pourrait aboutir à une imposition confiscatoire, surtout si le rappel n’était pas contrebalancé par des abattements de niveau suffisamment élevé.
Je suis opposé à tous les amendements remettant en cause le régime fiscal de l’assurance vie, produit largement répandu, apprécié des Français et souple en matière de transmission. Surtout, il finance une grande partie de la dette publique. Deux tiers voire trois quarts d’entre vous possèdent une assurance vie et les familles détiennent en moyenne deux contrats. Je suis en revanche ouvert à une réflexion globale sur le pacte Dutreil, notamment son assiette et son plafonnement. J’émets des réserves sur les amendements identiques car ils ne s’appuient pas sur un chiffrage précis prenant en compte les différences de situation entre les entreprises. J’invite leurs auteurs à les retravailler en vue de la séance publique.
J’en viens aux amendements animés d’une philosophie opposée à celle des précédents. L’amendement I-CF210 reprend la proposition de loi d’Éric Ciotti, qui instaurait un abattement sur l’ensemble de l’actif successoral jusqu’à 5 millions et prévoyait pour les patrimoines supérieurs des taux de 10 % et de 20 %. L’adoption de l’amendement reviendrait à presque supprimer les DMTG, puisqu’il exonère en outre de droits toutes les donations jusqu’à 5 millions tous les cinq ans. Le produit des DMTG s’élevant à 19 milliards, le coût de l’amendement atteint environ 16 milliards. Vous comprendrez que je ne puisse donner qu’un avis défavorable à un tel dispositif.
Les amendements identiques I-CF1369 et I-CF1699 sont plus équilibrés et ont le mérite de prendre en compte certaines évolutions sociétales. Le rendement des DMTG n’est plus évalué en détail depuis 2010, si bien que nous ne pouvons pas connaître, M. Cazeneuve l’a reconnu, le coût de la mesure pas plus que sa compensation par la hausse du barème. Il convient en outre d’intégrer les niches fiscales dans la réflexion car l’augmentation faciale du taux peut être limitée par les mécanismes de réduction d’assiette.
L’amendement I-CF679 vise à faire bénéficier les beaux-enfants, dans le cadre d'un mariage ou d’un pacte civil de solidarité (Pacs), du régime des DMTG appliqué aux enfants, et soulève le problème de l'adaptation de la fiscalité à l'évolution des formes sociales et familiales : il me semble que nous devons avoir une vision d’ensemble, tenant compte des autres liens comme celui des grands-parents avec leurs petits-enfants, qui ne bénéficie que d’un abattement extrêmement modeste de 1 594 euros.
La nécessité de mener une réflexion d’ensemble vaut également pour les amendements I-CF1593 et I-CF1594 : la modification d’un seul aspect du régime des DMTG risquerait de le déséquilibrer. Quels que soient les paramètres retenus, la réforme serait coûteuse, donc il convient d’avancer progressivement et avec cohérence. En effet, les DMTG rapportent 19 milliards et toute réforme ambitieuse exige une approche globale plutôt que la modification d’un élément isolé du régime fiscal.
Madame Louwagie, l’adoption plénière n’est pas si simple et reste conditionnée à l’âge de l’enfant.
M. le président Éric Coquerel. J’espère que nous adopterons un amendement atténuant le problème de fond que cause la fiscalité des transmissions. L’extrême concentration des richesses s’est accrue ces dernières années – les 500 personnes les plus riches détenaient 25 % du patrimoine total en 2017 quand elles en possèdent 42 % actuellement – et plusieurs mesures ont favorisé la transmission intrafamiliale : le résultat de ces deux processus est la constitution d’une noblesse d’argent dans le pays. Tout républicain croyant dans le fait que les hommes naissent libres et égaux en droits doit s’interroger sur les différences énormes entre ceux qui sont bien nés et les autres, les premiers n’ayant pas besoin de se lever tôt pour gagner leur vie. La dimension redistributive de l’impôt, profondément républicaine, doit toucher les héritages des dynasties. Il est vrai que le sujet est très sensible pour nos concitoyens, fait étonnant quand on sait que 40 % d’entre eux ne perçoivent aucun héritage et que plus de 80 % des successions sont exemptées de droits du fait de l’abattement de 100 000 euros. L’augmentation de l’imposition n’affecterait donc qu’une partie infime de la population, mais une très large partie d’entre elle refuse une telle perspective : les propriétaires des chaînes de télévision seraient particulièrement concernés par cette mesure, ce qui peut expliquer la propagande nourrissant le rejet de cette orientation. Dans ce contexte, il est impossible d’accepter un élargissement des abattements.
Je suis en désaccord avec vous, monsieur le rapporteur général, sur l’assurance vie. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné l’effet délétère du pacte Dutreil, lequel favorise l’accumulation des richesses de génération en génération. Il faut atténuer ce processus profondément antirépublicain.
M. Franck Allisio (RN). Dans les années 1970, les droits de succession étaient deux fois plus faibles et 30 % du montant des patrimoines provenait de l’héritage. La gauche a doublé l’imposition de ce dernier qui représente désormais 60 % du patrimoine total : voilà la preuve de l’inefficacité et de la faillite d’une idéologie hypocrite. La seule manière de rétablir l’égalité des chances et la méritocratie est de baisser les impôts sur les revenus du travail et non d’augmenter ceux frappant les successions.
M. Jean-Didier Berger (DR). Je pourrais partager une partie de vos propos, monsieur le président : pourquoi en effet pourrait-on devenir riche par hasard et sans mérite ? En revanche, la spoliation totale des biens d’une personne, comme certains amendements le proposent, méconnaît la logique humaine de l’héritage : la construction d’une famille s’effectue sur plusieurs générations et il est impossible de promouvoir une société dans laquelle chaque génération doive repartir de l’étage inférieur à celui auquel est parvenue sa devancière, car cela tuerait la notion même d’ascenseur social. Je soutiens à la fois la stabilité de la fiscalité et l’adoption d’amendements raisonnables comme ceux de Véronique Louwagie, qui visent simplement à adapter, à coût constant, la fiscalité aux évolutions de la famille.
M. Thomas Cazenave (EPR). Monsieur le président, vous donnez votre avis sur chaque amendement et vous venez d’expliquer votre position pendant quatre minutes. Nous avons contesté l’attribution baroque des postes de président et de rapporteur général et il me semble que le président n’a pas pour rôle de donner systématiquement son opinion.
Sur le fond, il faut ouvrir le débat sur l’héritage. La voie ouverte par Jean‑René Cazeneuve et David Amiel, utilisant la justice d’une imposition plus élevée des plus gros patrimoines pour corriger certaines injustices nées de l’évolution des configurations familiales, me semble la bonne.
M. le président Éric Coquerel. Je ne prends pas systématiquement la parole pour indiquer mon avis sur les amendements, mais je donne parfois mon opinion comme m’y autorise le règlement. J’ai bien compris que vous ne souhaitiez pas que je préside cette commission, mais puisque tel est le cas, je peux exprimer mes positions comme les membres du Gouvernement le font. En outre, il apparaît clairement depuis l’examen du PLF que le rapporteur général et moi portons sur les amendements des avis bien différents.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il y a tout de même un problème de temps de parole, difficulté que j’avais déjà soulevée au temps où Éric Woerth présidait notre commission. Il y a des équilibres à respecter, même si cela ne me gêne pas du tout que vous soyez président.
Il n’est pas sérieux de régler la question des droits de succession par voie d’amendement. De nombreux aspects du sujet renvoient au code civil, que l’on songe à l’adoption et à la réserve héréditaire. Il faut donc adopter une vision d’ensemble.
Certains amendements sont inconstitutionnels. Quand les gens n’auront pas les moyens d’acquitter les droits de succession, ils vendront leurs biens, souvent à des fonds de pension et à des acteurs étrangers qui ne paieront pas de droits. À force de taxer, nous créerons un problème de souveraineté.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’une des solutions au grave problème des finances publiques réside dans la perception de nouvelles recettes empreintes de justice fiscale. Une note du Conseil d’analyse économique (CAE) de 2022 a montré que nous étions en train de construire une société d’héritiers, par ailleurs très peu nombreux. En France, 80 % des gens ne reçoivent aucune donation de leur vivant et n’ont donc accès à aucune niche fiscale en la matière. Neuf héritiers sur dix reçoivent moins de 100 000 euros. Il faut protéger les petites successions, mais ceux qui ont la chance de construire leur vie sur la base du patrimoine de leurs parents doivent contribuer davantage.
M. Vincent Trébuchet (UDR). La mesure que nous proposons a en effet un coût relativement élevé, mais nous pouvons la défendre car nous sommes bien plus ambitieux que vous, monsieur le rapporteur général, sur la baisse des dépenses. Pourquoi la solution résiderait-elle toujours dans la hausse des recettes de l’État ? Surtout que celui-ci fait une utilisation loin d’être optimale des deniers publics. Comme l’a très justement dit mon collègue Allisio du Rassemblement national, il convient de diminuer la fiscalité pesant sur le travail.
M. Nicolas Sansu (GDR). Nous avons ici un débat idéologique, au sens noble du terme : voulons-nous une société d’héritiers ou une société du travail ? Dans notre histoire, toutes les sociétés de rentiers ont mal fini. Actuellement, 60 % du patrimoine total gonflent grâce à l’héritage et non grâce au travail : c’est un vrai problème ! Les 0,1 % des héritiers les mieux dotés reçoivent environ 13 millions, soit 180 fois l’héritage médian. Le flux successoral est l’une des solutions du problème, d’autant qu’il exonérerait de droits davantage de personnes.
Enfin, le coût de certaines niches est devenu incontrôlable et il faut se pencher sur le pacte Dutreil.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Je me fais le porte-parole d’Antoine Léaument en citant l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose que « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Or le taux effectif de prélèvements est largement supérieur pour les classes populaires que pour les plus riches. Ce déséquilibre ne fait qu’accroître les inégalités. L’économiste Thomas Piketty estime que les personnes ne recevant rien à la naissance doivent bénéficier d’un héritage via la redistribution de la richesse nationale, car l’insuffisance des droits de succession et d’autres phénomènes comme la captation coloniale, ont permis la constitution de patrimoines considérables.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il faut tordre le cou au mythe d’une fiscalité de l’héritage confiscatoire, qu’il est impossible d’entretenir lorsque l’on est membre de la commission des finances. Le produit des DMTG ne progresse pas grâce à l’augmentation des taux – ceux-ci sont stables depuis des années – mais à cause de la hausse du nombre de décès et de la valorisation des patrimoines.
Un récent sondage a montré que, pour la première fois, une majorité, certes étroite de 51 % des personnes interrogées, soutenait l’augmentation des DMTG des très grosses successions. Ce prélèvement reste impopulaire et certains ont intérêt à ce qu’il en soit ainsi. Je demande simplement que nous débattions à partir des vrais chiffres. Je soutiendrai les amendements de M. Cazeneuve et de M. Amiel car, même insuffisants, ils vont dans le bon sens en prenant en compte l’évolution des structures familiales et en taxant davantage les plus gros héritages. Il convient néanmoins d’aller plus loin.
La commission rejette successivement les amendements I-CF786, I‑CF1267, I-CF1406, I-CF1801, I-CF1845 et I-CF210 et adopte les amendements identiques I-CF1369 et I-CF1699.
En conséquence, les amendements I-CF679, I-CF1593 et I-CF1594 tombent.
Amendements I-CF424 et I-426 de M. Christophe Plassard, I-CF1592 de Mme Véronique Louwagie, I-CF425 et I-CF427 de M. Christophe Plassard et I‑CF181 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Christophe Plassard (HOR). Les quatre amendements que j’ai déposés visent à modifier les plafonds des montants de donations autorisés entre les parents et leurs enfants ainsi que la durée pendant laquelle une nouvelle transmission ne peut bénéficier de ce régime. Actuellement, le plafond et la durée sont fixés à 100 000 euros et à quinze ans : les amendements visent à porter le premier à 150 000 ou à 200 000 euros pour prendre notamment en compte la récente poussée inflationniste et à conserver la seconde ou à l’abaisser à dix ans.
L’objectif est d’aider les jeunes générations en leur permettant de profiter du capital de leurs parents dans un contexte d’allongement de la vie. Cet argent sera injecté dans l’économie et créera de l’activité. L’un de mes collègues défendra plus tard un amendement complémentaire visant à flécher ce type de dispositif vers l’immobilier, secteur dans lequel s’investissent souvent les donations.
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement I-CF1592 est équilibré et raisonnable. S’il convient de ne pas déstabiliser l’imposition des successions, il faut introduire de la souplesse et revenir sur la réforme de 2012. Il vise à relever l’abattement sur les successions en ligne directe de 100 000 à 150 000 euros, ce qui ne concerne que les petits héritages, à réduire de quinze à dix ans le délai de rappel sur les donations et à porter à 150 000 euros l’abattement dont bénéficient les petits‑enfants puisque les héritages sont perçus à un âge toujours plus avancé – cette disposition permettrait aux jeunes de financer un projet professionnel ou d’acquérir leur résidence principale dans un contexte de prix immobiliers élevés.
M. Jean-Didier Berger (DR). L’amendement I-CF181 vise à libérer de l’épargne. En France, le taux d’épargne atteignait 17,7 % au premier trimestre de cette année contre 15,4 % dans la zone euro. Nous proposons de tripler le montant de l’abattement sur les transmissions aux enfants et aux petits-enfants pour stimuler la croissance.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il est toujours populaire de doubler le montant de l’abattement et de réduire la durée pendant laquelle l’utilisation de celui-ci est impossible. Le défaut de ces amendements est de ne porter que sur un aspect de la fiscalité. Si nous doublons l’abattement pour les transmissions en ligne directe, certains d’entre vous soulèveront alors l’injustice faite aux neveux et aux nièces. Il convient d’élaborer une réforme d’ensemble et non de bricoler telle ou telle partie du régime fiscal des transmissions.
La diminution de quinze à dix ans de la période de rappel offrirait un avantage aux détenteurs des plus gros patrimoines, lesquels effectuent plusieurs donations afin de réduire l’imposition de leur succession. Le rappel à quinze ans, applicable depuis 2012, est un élément de lisibilité et de stabilité du dispositif.
Pour toutes ces raisons, je ne peux donner qu’un avis défavorable à l’ensemble des amendements. Le doublement de 100 000 à 200 000 euros sera sûrement adopté, mais je suis incapable d’en évaluer le coût. Quant à la baisse du rappel, elle augmentera peut-être les recettes à court terme mais pour mieux les diminuer plus tard – là encore, nous ignorons les montants en jeu.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous nous opposerons à tous ces amendements. Je ne les comprends pas dans le contexte de contrainte financière que nous connaissons. Tenir les promesses du Président de la République faites il y a sept ans pour diminuer une nouvelle fois les recettes de l’État et de la sécurité sociale, donc le financement des services publics locaux et nationaux, serait irresponsable.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Sans parler d’irresponsabilité, il faut en effet adopter une approche globale. Les gens commencent à faire des donations entre 55 et 60 ans : un rappel de quinze ans les autorise à recommencer vers 75 ans. Dans la pratique, il n’y a souvent qu’une seule donation, le décès intervenant avant que la seconde n’ait lieu.
Il y a lieu de privilégier fiscalement le don d’une somme d’argent à la transmission d’un bien, afin de stimuler l’investissement et créer un nouveau flux fiscal. Nous devons ouvrir un débat apaisé portant sur tous les éléments, y compris l’assurance vie.
La commission rejette successivement les amendements.
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Réunion du jeudi 17 octobre 2024 à 14 heures 30 ([suite] après l’article 3 à après l’article 7)
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Amendement I-CF1600 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il existe une fiscalité spécifique pour les contrats d’assurance vie : un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire est appliqué sur les capitaux décès issus des primes versées avant les 70 ans de l’assuré. Nous proposons de permettre une transmission par anticipation aux bénéficiaires des contrats, par un rachat des primes versées avant le 1er octobre 2024, afin d’éviter un effet d’aubaine, pour tous les titulaires qui auront atteint 70 ans au 31 décembre 2025, dans la limite de 152 500 euros par bénéficiaire. Cet amendement n’aura pas de coût, puisqu’il ne créera pas de nouvel abattement ; il permettra simplement de profiter de l’abattement actuel de manière anticipée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement est intéressant. Certains pensent qu’il suffirait de faire une donation d’assurance vie, mais ce n’est pas possible. Même si c’est un peu bizarre, juridiquement l’assurance vie n’appartient pas à celui qui l’a contractée et abondée. Si on veut aller dans le sens proposé par Mme Louwagie, il faut sortir du contrat et faire une donation.
Je ne suis pas défavorable à l’amendement pourvu qu’on respecte deux conditions. La première, qui semble remplie, est que l’abattement ne puisse être utilisé qu’une fois – il ne sera plus applicable pour une donation ou lors du décès. La seconde condition est qu’il faut bien préciser le statut de l’opération au regard de l’impôt sur le revenu (IR) – les sommes extraites de l’assurance vie y sont soumises. Il faudrait donc compléter l’amendement en vue de la séance publique.
Mme Véronique Louwagie (DR). Mon amendement précise que l’abattement appliqué en 2025 dans le cadre du dispositif de rachat « sera décompté de ceux de même nature applicable au moment du décès ». S’agissant de l’impôt sur le revenu, je pourrai effectivement compléter la rédaction. L’objectif de cette proposition est de remettre de l’argent en circulation dans l’intérêt de notre économie et de personnes plus jeunes.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je ne comprends pas bien la question qui se pose en matière d’IR.
Mme Véronique Louwagie (DR). Elle concerne la plus-value réalisée.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’amendement est effectivement très intéressant. Les sommes placées dans un contrat d’assurance vie font l’objet d’un abattement de 152 500 euros au décès du titulaire du contrat : on ne sait pas quand cela interviendra, mais on peut penser que les bénéficiaires seront alors relativement âgés et auront moins tendance à consommer que des personnes plus jeunes. Cette proposition d’anticipation de l’exonération permettra de débloquer des ressources complémentaires, de la consommation et peut-être de la TVA, ce qui me semble très pertinent pour relancer un peu la machine économique.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1352 de M. Laurent Baumel, I-CF788 de M. Éric Coquerel, I‑CF213 de M. Éric Ciotti, I-CF692 de M. Corentin Le Fur et I-CF428 de M. Christophe Plassard (discussion commune)
M. Laurent Baumel (SOC). Mon amendement reprend une idée dont nous avons déjà débattu ce matin : la prise en compte de toutes les donations antérieures au moment de l’imposition de l’héritage. Le désir bien légitime de beaucoup de Français de ne pas attendre leur décès pour que leurs enfants puissent bénéficier du fruit de leurs efforts ne saurait remettre en cause le principe redistributif qui est au fondement de notre fiscalité dans ce domaine.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous entendons depuis ce matin des propos assez terrifiants : c’est à se demander si tout le monde est ici pour défendre l’intérêt général et non certains intérêts privés.
Je vous propose de comptabiliser la totalité de l’héritage reçu tout au long d’une vie lors du calcul des droits de succession. Nous reviendrons ainsi sur l’abattement de 100 000 euros qui s’applique tous les quinze ans.
La France devient peu à peu une société d’héritiers : en 2023, 60 % des patrimoines étaient issus d’un héritage, contre seulement 35 % au début des années 1970. Nous voulons rétablir un peu de justice fiscale, pour éviter que seules les personnes bien nées puissent profiter de leur vie.
M. Gérault Verny (UDR). L’amendement I-CF213 vise à redonner du pouvoir d’achat aux Français en réduisant de quinze à cinq ans le délai dans lequel un nouvel abattement, de 100 000 euros en ligne directe et de 31 865 euros pour les petits-enfants, est applicable en cas de donation. Le montant de l’épargne de la population s’élève à 935 milliards d’euros et l’âge moyen à l’héritage croît régulièrement – il est actuellement de 52 ans. Grâce à notre amendement, les parents et les grands-parents auront la possibilité de donner plus régulièrement aux jeunes générations, qui sont les plus à même d’investir, ce qui dopera de manière significative notre économie.
M. Nicolas Ray (DR). Alors que l’on hérite de plus en plus tard, l’amendement I‑CF692 permettra de faciliter les donations entre les générations en réduisant de quinze à dix ans le délai entre deux abattements.
M. Christophe Plassard (HOR). Mon amendement vise également à passer à une durée de dix ans.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1352 tend à revoir considérablement la modulation de la fiscalité en fonction du lien de parenté, en ne reproduisant pas sur le plan fiscal les différences qui structurent le droit civil : tous les abattements déterminés en fonction des liens de parenté seraient supprimés et on instaurerait un rappel fiscal à vie. Une telle évolution alourdirait considérablement les droits à payer et défavoriserait les enfants et le conjoint survivant. Par ailleurs, comme M. Mattei l’a souligné ce matin, on ne peut pas réformer ces dispositions fiscales indépendamment d’une éventuelle réforme plus générale du droit des successions.
C’est une chose de moderniser notre fiscalité pour tenir compte des évolutions sociétales, c’en est une autre de renverser totalement la perspective. L’imposition serait désormais fondée sur ce que le contribuable a reçu tout au long de sa vie, sans prise en compte du lien avec la personne qui transmet ni du moment où intervient la transmission – cet amendement s’inspire donc un peu du droit américain. Les Français sont attachés au fait de transmettre eux-mêmes à leurs héritiers ou donataires ; le système que vous proposez l’ignore totalement, puisqu’il se place du seul point de vue de celui qui reçoit, et fragiliserait le consentement à l’impôt sur les successions. Le rappel fiscal permanent que vous proposez pour toutes les donations et successions aurait en outre pour effet d’accroître très rapidement l’impôt sur les patrimoines moyens, et non pas simplement sur les patrimoines élevés.
S’agissant des autres amendements, nous avons déjà examiné des dispositions assez proches : avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. J’ajoute qu’un délai de cinq ans serait excessif : si on commence à faire des donations alors qu’on est encore jeune, tout un héritage pourrait être transmis de cette façon.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF791 de M. Damien Maudet
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Il s’agit de mettre un terme au pacte Dutreil, conformément à notre objectif de suppression des niches fiscales inutiles et injustes. Ce dispositif permet de défiscaliser les donations en ligne directe de 75 % des parts d’une entreprise à la condition que l’héritier exerce une fonction de direction, ce qui favorise la construction de dynasties familiales au sein des directions d’entreprise, suivant une stratégie d’évitement de l’impôt qui méprise les critères de crédibilité et de compétence. Le budget de l’État est ainsi grevé de 3 milliards d’euros chaque année, et le nombre de pactes Dutreil continue d’augmenter. Si rien n’est fait, vingt-cinq milliardaires français transmettront dans les trente prochaines années à leurs héritiers plus de 460 milliards d’euros de super‑héritages, sur lesquels l’État risque de perdre 160 milliards en raison des niches fiscales en vigueur. Pour financer la solidarité nationale et mettre à contribution les grands héritiers, dont le seul mérite est d’être bien nés, nous proposons l’abolition du pacte Dutreil.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Quel est l’objectif du pacte Dutreil ? Il s’agit de favoriser la transmission intrafamiliale pour éviter que des entreprises soient rachetées par de grands groupes et qu’on aboutisse à une concentration et une déterritorialisation des sièges sociaux. Cela conduit parfois à des transferts massifs de patrimoine, c’est vrai, mais que préférez-vous ? Que les héritiers vendent tout à de grands groupes et qu’une concentration se produise ? Ce serait très mauvais du point de vue du droit de la concurrence. Je suis ouvert à l’idée d’un plafonnement du dispositif, peut-être à hauteur de plusieurs millions d’euros, mais pas à son abrogation.
Le coût est passé de 500 à 800 millions d’euros dans l’annexe Voies et moyens, mais on dit que l’ordre de grandeur serait plutôt d’1 ou 2 milliards. C’est fait pour le bien de notre économie, notamment son enracinement.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Certains propos sont très blessants pour de nombreux chefs d’entreprise. Moi qui suis élu en Alsace, je vois ce qui se fait de l’autre côté du Rhin et en Suisse depuis des décennies : si ces économies bénéficient d’un tissu industriel intermédiaire extrêmement fort, c’est en partie parce qu’il existe de grands groupes familiaux très bien implantés et très puissants, qui tiennent beaucoup mieux face aux crises économiques et qu’on peut transmettre de génération en génération d’une façon simple. Nous avons essayé d’aller dans ce sens en France avec le pacte Dutreil, et on pourrait faire encore mieux. Ce type de dispositif permet aussi la réindustrialisation et protège des centaines de milliers d’emplois dans notre pays.
Mme Sophie Pantel (SOC). Le pacte Dutreil permet de garder des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE) dans nos territoires et d’assurer une transmission familiale, mais il existe un effet d’aubaine. Il suffit que la valeur vénale des actifs affectés à l’activité soit supérieure à 50 % de la valeur de l’actif total pour qu’on puisse bénéficier de l’abattement de 75 %. Nous devrions cantonner l’exonération à la fraction de la valeur vénale des titres représentatifs des biens affectés à l’activité éligible. Cela permettrait d’éviter les effets d’aubaine et de ne pas inclure, pour caricaturer un peu, les maisons sur la Côte d’Azur.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le pacte Dutreil est vraiment un outil indispensable pour la conservation des entreprises familiales. C’est une question, je l’ai dit précédemment, de souveraineté nationale : sinon, les entreprises seront vendues, par exemple à des fonds de pension. Un plafonnement serait une erreur. L’important est que les entreprises restent familiales.
Je suis tout à fait d’accord avec l’idée qu’il doit vraiment s’agir d’actifs professionnels et que nous devons éviter des dérives, mais la plupart des transmissions effectuées dans le cadre du pacte Dutreil respectent cette condition.
Selon l’exposé des motifs, il n’y a pas de sanction si les engagements pris par les héritiers ne sont pas respectés, mais l’exonération est dans ce cas remise en cause. Je m’inscris donc en faux contre l’affirmation de nos collègues.
Ne touchons surtout pas à ce dispositif. Une entreprise familiale développe un réseau local extrêmement important. En cas de vente à un groupe, c’est différent et vous pouvez être sûr qu’une délocalisation aura lieu dans les trois ou quatre ans.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF793 de M. Aurélien Le Coq, I-CF301 de M. Charles de Courson, I-CF827 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF792 de Mme Marianne Maximi, I-CF3, I-CF4 et I‑CF6 de M. Nicolas Sansu et I-CF1680 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Puisque vous êtes très attachés à la transmission des entreprises familiales, vous pourrez voter notre amendement de repli qui permettra de s’assurer que la partie des titres correspondant à l’activité opérationnelle continue à bénéficier du pacte Dutreil. Le reste, en revanche, ne sera plus exonéré. Nous limiterons ainsi un avantage fiscal qui permet d’éviter les droits de succession. Compte tenu de l’ultraconcentration des richesses résultant du manque d’imposition dans ce domaine, il est urgent de s’en occuper, et les collègues qui voient en l’Allemagne un modèle pourront aussi voter l’amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable à une telle évolution. Mon amendement prévoit que l’exonération est réservée à la seule fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises correspondant à la détention de biens professionnels nécessaires à l’exercice de l’activité de la société, afin d’éviter que des biens personnels ne bénéficient d’une exonération en étant inscrits à son actif. Il ne s’agit pas de remettre en cause les grands équilibres du pacte Dutreil, mais de le recentrer sur son objectif principal.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je redis notre attachement intéressé, si je puis dire, au dispositif Dutreil : c’est le gage de la continuité, de la stabilité de l’activité professionnelle et industrielle dans notre pays. Je suis surpris que ceux qui se sont mobilisés à juste titre au sujet de la fabrication du Doliprane souhaitent modifier de façon substantielle le dispositif Dutreil, car cela conduirait à un risque important de délocalisation de nos entreprises.
L’objectif de mon amendement est de centrer exclusivement l’avantage fiscal sur l’activité professionnelle – je ne sais pas ce que recouvre « activité opérationnelle » dans les amendements précédents – afin d’exclure de l’avantage fiscal les biens personnels. C’est déjà le cas, mais des remontées, en particulier de Bercy, tendent à montrer qu’il existerait une certaine tolérance dans l’interprétation du dispositif.
M. le président Éric Coquerel. La Cour des comptes a proposé, non pas de remettre en question l’intégralité du dispositif Dutreil, mais d’apporter plusieurs améliorations pour qu’il ne soit pas dévoyé par rapport à son objectif, qui est de s’assurer qu’une entreprise reste dans le giron familial. En plus des éléments qui ont déjà été présentés, les héritiers peuvent revendre assez vite l’entreprise – il n’existe pas vraiment d’assurance en la matière. S’agissant des sommes en jeu, l’amendement I-CF792 vise à limiter l’abattement à 2 millions d’euros, afin de rester dans des proportions raisonnables.
M. Nicolas Sansu (GDR). La Cour des comptes estime que le fonctionnement actuel du dispositif Dutreil, bien que très peu documenté, pose un problème. Un premier biais est le niveau de l’abattement. Un second biais est la possibilité d’un cumul avec une autre niche fiscale, celle du démembrement de propriété, qui permet d’arriver à plus de 90 % d’abattement sur les droits de mutation. Un troisième biais est la faible durée de détention. Tous ces éléments font que le dispositif rate parfois sa cible.
L’amendement I-CF3 a pour objet de fixer un plafond de 10 millions d’euros ; l’amendement de repli I-CF4, de réduire l’exonération à 50 % au-delà de 50 millions, et le I-CF6, d’empêcher un cumul avec la niche fiscale du démembrement de propriété. Nous répondrons ainsi aux observations de la Cour des comptes.
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement déposé par Christine Pirès Beaune vise à recentrer le pacte Dutreil sur son objectif initial, qui est de faciliter la transmission des entreprises familiales réellement productives, sans encourager un contournement fiscal. Le dispositif est parfois détourné pour protéger de l’impôt des actifs immobiliers ou des portefeuilles financiers, ce qui éloigne cette mesure de sa vocation de soutien à l’économie réelle.
L’amendement s’inspire de réformes menées ailleurs, par exemple en Allemagne, qui a significativement resserré ses propres dispositifs d’exonération en 2016. Nous proposons d’aligner le droit français sur des pratiques internationales plus strictes et responsables en limitant le pacte Dutreil aux actifs directement utiles à l’activité professionnelle. Cela garantira que les ressources fiscales sont utilisées efficacement et que l’avantage reste concentré sur les entreprises participant au tissu économique. Une telle réforme assurera un équilibre entre le soutien à la transmission d’entreprises familiales, auxquelles nous sommes attachées, et la lutte contre l’optimisation fiscale abusive.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les trois premiers amendements ont le même objet, mais le mien me paraît mieux rédigé. Par conséquent, avis défavorable aux deux autres.
S’agissant des amendements suivants, je ne suis pas hostile à un plafonnement, mais il reste à déterminer quel serait le bon niveau – 2, 10 ou 50 millions ? Je rappelle qu’on nous a promis des éléments pour l’année prochaine ou, au plus tard, la suivante, parce qu’on ne s’y prend pas encore de façon dématérialisée dans ce domaine. Outre la question du calibrage, il faudrait préciser que le plafond s’applique par part et non globalement, à l’ensemble des héritiers, ce qui serait très différent.
Enfin, nous avons déjà mis en garde à plusieurs reprises, au sein de cette commission, contre une interdiction du démembrement de propriété. Si vous cédez votre entreprise en pleine propriété à vos enfants à l’âge de 50 ans, comment faites-vous pour vivre ? On peut, au contraire, céder la nue-propriété pour garder l’usufruit. Avis défavorable aussi à l’amendement I-CF6.
L’amendement I-CF1680 tend à réduire l’assiette du dispositif Dutreil en excluant la gestion des activités civiles. Or la gestion de participations n’a pas à être exclue en soi : le problème est que l’exonération puisse s’appliquer à des actifs n’ayant rien à voir avec l’activité opérationnelle. Même avis défavorable.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Il ne faut vraiment pas toucher aux principes fondateurs du dispositif Dutreil : cela enverrait un signal extrêmement préjudiciable aux entrepreneurs qui viennent dans notre pays.
Un plafonnement me paraît un contresens absolu. On accepterait ainsi la nécessité de vendre les entreprises de taille intermédiaire (ETI) à des acteurs étrangers ou à d’autres entreprises de très grande taille pour que l’activité se poursuive.
Monsieur le rapporteur général, si vous m’assurez que votre amendement permet également un recentrage exclusif sur les biens professionnels et qu’il est mieux rédigé, je veux bien retirer le mien.
M. Éric Woerth (EPR). J’ai plutôt tendance à m’opposer à de tels amendements. Le dispositif Dutreil fait partie des sujets qui reviennent tous les ans : on veut toujours bricoler le moteur pour « améliorer » les choses. Or quand on dit qu’on va améliorer un dispositif fiscal, c’est qu’on lui veut vraiment du mal – je me méfie.
Le dispositif actuel n’est peut-être parfait, mais il marche. On a réussi à faire en sorte que des transmissions d’entreprise aient lieu, que des entreprises restent ainsi en France et que des groupes progressent en restant dans le même giron, sans actionnariat financier, ce qui est une bonne chose. Pourquoi toujours essayer de modifier ou de tuer ce qui fonctionne ? Si des abus sont commis, le contrôle fiscal doit jouer son rôle. L’exonération est prévue pour les biens professionnels, et non pour la maison de famille. Il suffit que le ministre du budget demande qu’on resserre les contrôles dans ce domaine : ce serait la meilleure solution.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Aux termes de l’article 787 B du code général des impôts, le dispositif s’applique aux entreprises ayant une activité industrielle, commerciale ou artisanale.
Je vais dans le même sens qu’Éric Woerth. L’administration n’a qu’à publier un commentaire dans le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) pour préciser l’interprétation. Ce n’est pas la peine d’ajouter une disposition législative pour dire que le texte s’applique à l’outil de travail, et non à un appartement, par exemple.
La question du démembrement de propriété a été traitée. Si vous y avez recours pour faire une donation, vous n’avez plus de droit de vote en dehors des assemblées décidant de l’affectation du bénéfice. Le texte a été plusieurs fois modifié. Je pense qu’on peut encore l’améliorer un peu, mais pas dans ce domaine.
M. le président Éric Coquerel. Méfiez-vous, Éric Woerth pourrait vous dire que vous voulez, en réalité, sa fin…
Mme Sophie Pantel (SOC). On ne peut pas attendre des contrôles fiscaux une limitation de l’effet d’aubaine. Il est rendu possible par les dispositions en vigueur : les exonérations s’appliquent sur la valeur totale des titres de sociétés exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale à titre prépondérant. Dès lors que le seuil de 50 % est franchi, le reste est également éligible.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 787 B du code général des impôts est rédigé de la manière suivante : « Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d’une société dont l’activité principale est industrielle, commerciale », etc. Cette disposition est interprétée par le Bofip comme signifiant un seuil de 51 %, et les 49 % restants bénéficient quand même du dispositif Dutreil. C’est cela qu’il faut modifier : le Bofip ne peut pas dire l’inverse de la loi, c’est elle qui est en cause.
M. Éric Woerth (EPR). Demandons à la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, de regarder plus précisément ce qui se passe.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF793 et adopte l’amendement I-CF301.
En conséquence, l’amendement I-CF827 tombe.
Elle rejette successivement les amendements, I-CF792, I-CF3, I-CF4 et I‑CF6, l’amendement I-CF1680 ayant été retiré.
Amendement I-CF1815 de M. Jean-Paul Mattei
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il vise à réserver le pacte Dutreil à des donations consenties à des donataires majeurs, dont l’un au minimum a moins de 60 ans, afin de contrer le phénomène de vieillissement dans la transmission d’entreprises.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’idée est sympathique mais inadaptée. Un patron qui a trois enfants mineurs ne pourrait pas leur transmettre son entreprise. Vous présupposez que le donataire concerné par votre bornage est le successeur, sauf que ce n’est pas forcément le cas. Avis défavorable.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Pourquoi transmettre une entreprise à des enfants mineurs qui ne peuvent pas la diriger ? L’obligation de direction est l’une des conditions d’application du pacte Dutreil. Il ne s’agit pas d’une succession mais d’une transmission anticipée. C’est l’histoire du père qui annonce à son fils qu’il va lui transmettre son entreprise : « Papa, tu oublies que je serai à la retraite l’an prochain ! »
La commission adopte l’amendement I-CF1815.
Amendements I-CF552 de Mme Eva Sas et I-CF5 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)
Mme Eva Sas (EcoS). Nous souhaitons renforcer les conditions pour bénéficier du pacte Dutreil. Très avantageux, ce dispositif, qui permet de bénéficier d’une exonération de 75 % des droits de transmission, doit avoir des contreparties notamment en matière de stabilité de l’actionnariat familial. Nous proposons ainsi d’allonger la durée minimale obligatoire de détention des parts, de sorte que les héritiers les conservent au moins huit ans au lieu de quatre. Nous précisons aussi que l’emploi doit être maintenu pendant deux ans, à l’image de ce qui se fait en Allemagne.
M. Nicolas Sansu (GDR). Mon amendement vise également à faire passer de quatre à huit ans la durée de détention des parts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’ai toujours considéré que les délais de conservation que nous avions fixés étaient trop courts. Ce sont en réalité quatre ans pour l’engagement individuel auxquels s’ajoutent les deux ans de l’engagement collectif, soit six ans. Vos amendements porteraient la durée totale minimale à dix ans. Sagesse.
Mme Véronique Louwagie (DR). Je me réjouis que nous nous retrouvions autour de ce dispositif, même à gauche, puisque, chers collègues, vous n’y renoncez pas mais souhaitez l’amender. Nous savons tous que les transmissions familiales sont celles qui réussissent le mieux. Mon amendement I-CF1591 visera également à augmenter de quatre ans l’engagement individuel. En contrepartie, le dispositif d’exonération passerait de 75 % à 90 %.
M. le président Éric Coquerel. Ces amendements soulèvent deux questions : l’une relative à la préservation de l’emploi et l’autre à la durée de détention. Peut-être pouvons-nous espérer que les transmissions familiales protègent de la financiarisation, peut-être… Ce qui est sûr, c’est que la possibilité de tout revendre rapidement, sans considération pour la préservation du patrimoine, s’inscrit à rebours de ce que le législateur a souhaité avec le pacte Dutreil, qui se réduit alors à un moyen de défiscalisation. Je suis favorable à ces amendements.
M. Gérault Verny (UDR). Beaucoup ici ne comprennent pas à quel point une entreprise est fragile. Les greffes des tribunaux de commerce sont pleins de patrons qui viennent déposer le bilan. Tout ce qui peut être fait pour protéger l’entreprise doit l’être. Mais n’oublions pas qu’elle n’est pas un bien stable et que toutes ces questions autour de sa durée de conservation sont complexes.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF513 de M. Franck Allisio
M. Franck Allisio (RN). La faiblesse relative du réseau d’ETI dont dispose notre pays comparativement à nos voisins italiens et allemands et qui constitue un handicap pour notre économie, s’explique principalement par des raisons fiscales, notamment par la lourdeur de la taxation relative à la transmission du capital. Selon le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti), le coût de la transmission d’une ETI s’établit entre 7 % et 11 % de sa valeur en ligne directe et entre 15 % et 24 % en ligne indirecte, contre 5 % en moyenne en Europe.
Ainsi, pour une entreprise industrielle valorisée à 300 millions d’euros, 2,5 à 8,5 années sont nécessaires pour lui permettre de s’acquitter du coût global de la transmission, l’obligeant à faire passer durant cette période le paiement des droits de mutation avant ses investissements. Afin de réduire réellement la taxation sur les transmissions d’entreprises, l’amendement propose de compléter le dispositif Dutreil en permettant une exonération totale des droits de mutation à titre gratuit, pour une entreprise non cotée en bourse, à condition que les héritiers, donataires ou légataires, s’engagent à la conserver dix ans.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les Allemands étaient montés à 100 % mais sont rapidement redescendus à 85 %. Votre amendement fait courir, en droit français, un vrai risque de rupture d’égalité. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1591 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il est important de soutenir encore plus nos entreprises familiales. C’est pourquoi, pour 2025 et 2026, nous proposons de porter à 90 % le taux d’exonération pour les donataires qui conserveraient au moins quatre années de plus leurs parts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le taux de 75 % est tout à fait raisonnable. Avis défavorable.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je voterai contre cet amendement, bien qu’il propose un allongement de la durée de détention. Un pacte Dutreil pour une entreprise de 2,5 millions d’euros, ce sont 40 700 euros de droits à payer en quinze ans ; pour une entreprise de 10 millions d’euros transmise en ligne directe, 312 000 euros. Dans le cas d’un démembrement, ce sont 200 000 euros de droits payables en quinze ans. Le dispositif est déjà extrêmement favorable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Le pacte Dutreil a été créé dans les années 1990 au moment où l’entreprise Upsa a été vendue à l’étranger parce qu’une fiscalité trop lourde pesait sur la transmission familiale. L’actualité semble nous rappeler qu’il serait vraiment malvenu de remettre ce dispositif en cause. Restons prudents !
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1597 de Mme Véronique Louwagie
M. Nicolas Ray (DR). Il a pour objectif de créer un véritable « Dutreil du logement » afin de fluidifier la transmission de logements par donation. L’exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) des donations serait accordée sous certaines conditions. Dans le cas d’une donation de la pleine propriété d’un bien immobilier classé F ou G, le donataire s’engagerait à réaliser des travaux permettant d’atteindre un classement entre A et D. Il s’engagerait également à occuper le bien à titre de résidence principale ou à le louer selon certaines conditions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La résurrection de ce dispositif de 1993 présente plusieurs limites. C’est une mesure conjoncturelle, qui peut avoir un effet sur le court terme mais qui ne résoudra pas les problèmes structurels de la crise du logement. Nous devons plutôt envoyer des signaux fermes aux investisseurs privés. Pour rappel, le dispositif temporaire d’exonération des DMTG, voté dans la loi de finances rectificative de juillet 2020, n’a pas rencontré le succès attendu, alors même que son champ était plus large que celui que vous proposez – acquisition d’une résidence principale ou souscription au capital d’une entreprise de moins de cinq salariés. Enfin, ce dispositif aurait un coût potentiellement très élevé, tout particulièrement s’il est mis en œuvre sans plafond. Avis défavorable.
M. Matthias Renault (RN). Combien coûte cet amendement ?
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit d’immeubles à rénover, nécessitant des travaux importants, qui peuvent coûter plus cher que le bien légué. Cet amendement permettrait de revitaliser des logements vacants. Son coût ne peut donc pas être important.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF433 et I-CF435 de M. Christophe Plassard
M. Christophe Plassard (HOR). Actuellement, 31 865 euros seulement peuvent être transmis tous les quinze ans par des grands-parents de moins de 80 ans à leurs petits-enfants. Compte tenu de l’allongement de la durée de vie, il faut fluidifier la transmission d’une épargne immobilisée et favoriser l’installation des petits-enfants. C’est pourquoi nous proposons plusieurs possibilités dans ces amendements, selon qu’il s’agit d’une donation ou d’une succession, avec des périodes et des plafonds variables.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF433 exploserait l’abattement dans les successions des grands-parents aux petits-enfants, en le faisant passer de 1 574 euros à 150 000 euros ! Quant au I-CF435, j’entends que vous souhaitiez réfléchir à une mise en adéquation des droits de succession et de donation avec les évolutions sociétales, mais ce que vous proposez permettrait de léguer tous les quinze ans 150 000 euros en franchise de droits aussi bien à votre voisin qu’à vos beaux-enfants. Cet amendement californien aurait, qui plus est, un coût substantiel – en Californie, on peut donner ses biens à qui l’on veut !
M. Christophe Plassard (HOR). Je parlais bien de la transmission des grands-parents aux petits-enfants et non d’une transmission débridée. Cela permet de sauter une génération : souvent, les petits-enfants ont plus que leurs parents besoin d’argent pour s’installer.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF1595 et I-CF1596 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Ces amendements ont pour objectif d’étendre aux legs consentis aux petits-enfants l’abattement prévu pour les donations en ligne directe. L’amendement I-CF1595 fixe un abattement de 150 000 euros, sachant que nous proposons dans un autre amendement de porter parallèlement à 150 000 euros l’abattement de 31 865 euros sur les donations. L’amendement I-CF1596 est un amendement de repli, qui vous propose de retenir pour les legs consentis l’abattement de 31 865 euros prévu pour les donations aux petits-enfants.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas cohérent. L’écart entre l’abattement en ligne directe de parents à enfants de 100 000 euros et celui de 150 000 euros est disproportionné, tout comme l’écart entre cet abattement et celui prévu pour les dons, de 31 865 euros. Vous faites l’hypothèse que les grands-parents donnent de l’argent à leurs petits‑enfants à un âge pas trop avancé. Or tous les cas de figure existent. Des grands-parents de 95 ans qui donneraient à leurs petits-enfants par-dessus la tête de leurs enfants, cela peut poser un problème. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie (DR). Nous avons prévu cet abattement de 150 000 euros en cohérence avec notre amendement relatif aux donations des parents aux enfants. Compte tenu de l’allongement de la durée de vie, l’âge moyen d’héritage est désormais de 58 ans. Aussi est-il utile que les petits-enfants puissent profiter d’une donation à un âge où leurs besoins sont plus importants.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les grands-parents peuvent déjà donner 31 865 euros tous les quinze ans.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF1011 de Mme Véronique Louwagie, I-CF232 et I‑CF1364 de M. François Jolivet (discussion commune)
Mme Véronique Louwagie (DR). La mesure, relative aux donations pour achat d’un logement neuf, est un dispositif temporaire ayant pour objectif de relancer rapidement la commercialisation des logements neufs ou réhabilités à neuf, y compris en réduisant le stock des logements neufs invendus détenus par les promoteurs immobiliers. Elle permet de soutenir, pour l’année 2025, le marché du logement, en mobilisant l’épargne privée. Elle serait cumulable avec l’exonération de droit commun de 100 000 euros tous les quinze ans. Cette exonération exceptionnelle ne pourrait être accordée qu’une seule fois au cours de l’année 2025 et serait plafonnée à 150 000 euros par part reçue pour chaque donataire.
M. François Jolivet (HOR). En politique, on peut faire de la morale, mais il faut surtout regarder les objectifs. L’outil fiscal est au service des politiques publiques. Le secteur de la production de logements neufs est complètement bloqué : entre 200 000 et 250 000 logements ne seraient pas construits, ce qui représenterait 8 milliards d’euros de TVA en moins. L’Insee considère qu’un logement neuf représente 2 équivalents temps plein, soit 400 000 emplois. On s’aperçoit que les ventes en l’état futur d’achèvement (Vefa) représentent 54 % de la production de logements HLM et que les sociétés de promotion sont en train de se défaire de leur réserve foncière.
Depuis vingt-cinq ans, les politiques publiques se concentrent sur la mixité sociale dans les opérations de construction HLM, dont le déficit est financé par l’accédant à la propriété ou par l’investisseur. En cas de relèvement des taux d’intérêt, l’opération ne se fait pas, ce qui gèle la construction de logement intermédiaire et de logement social.
C’est pourquoi mon groupe propose d’exonérer des droits de mutation à titre gratuit les dons consentis dans le cadre familial, dans la limite de 100 000 euros, à condition que ces sommes soient affectées par le donataire à la construction d’un logement neuf. La première sécurité des Français, c’est le logement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Méfions-nous de ces coups de starter, qui ne sont pas adaptés à la réalité du marché. Qu’en restera-t-il après deux ans ? Les montants d’exonération sont également trop élevés et le coût des amendements est par ailleurs très difficile à chiffrer.
M. Philippe Lottiaux (RN). Cela fait des mois que le logement est en crise sans qu’il ne se passe rien. Cette mesure pourrait contribuer à la relance du secteur, essentielle en matière d’emplois notamment. Elle ne coûterait rien, étant donné qu’il s’agit de transmettre un montant qui, quoi qu’il en soit, ne serait pas taxé. Quand bien même il y aurait un coût à moyen terme, la construction de logements apporte des recettes de TVA et de droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Cela aurait donc un effet productif et bénéfique pour notre économie.
M. Inaki Echaniz (SOC). Si nous partageons un certain nombre de constats et d’idées avec M. Jolivet, cette fois, nous sommes assez sceptiques. Premièrement, le procédé va concentrer la propriété chez ceux qui sont déjà propriétaires – 50 % du parc locatif est détenu par 3,5 % de propriétaires. Deuxièmement, nous nous interrogeons sur la possibilité de contrôler la résidence principale pendant douze ans. C’est pourquoi nous proposerons, pour un coût similaire, un amendement visant également à relancer la production de logements neufs par le biais d’un prêt à taux zéro (PTZ) élargi sans zonage ni limitation de ressources, réservé aux primo-accédants.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Ces amendements sont intéressants. Les personnes ont cet argent, qu’elles doivent bien transmettre d’une manière ou d’une autre. La mesure coûterait environ 30 000 euros à l’État, mais elle aurait, à l’inverse, un effet booster sur la TVA et la création d’emplois. In fine elle rapporterait. En revanche, j’ai un doute sur le délai proposé : cela peut marcher pour le stock mais c’est beaucoup trop court pour les nouveaux programmes, puisqu’il faut trois ou quatre ans pour les mettre en œuvre. Cette mesure n’a rien d’un effet d’aubaine : mieux vaut faire circuler l’argent.
M. Nicolas Sansu (GDR). C’est le Paris Country Club ! Une exonération de 150 000 euros qui vient s’ajouter aux 100 000 euros sur la donation, soit 250 000 euros d’exonération, trop c’est trop ! Les gens qui ont du patrimoine et qui veulent donner 100 000 euros à leur enfant pour faire une acquisition peuvent déjà les transmettre au titre des donations. Il n’y a pas besoin de passer par un régime spécifique. Cet amendement vise à favoriser, une fois de plus, les plus aisés.
Mme Véronique Louwagie (DR). J’entends l’argument sur la durée du dispositif, que nous ne voulions pas permanent. Monsieur Sansu, les 100 000 euros ne s’ajoutent pas systématiquement aux 150 000 euros, étant donné que la mesure est également prévue à destination des petits-enfants et arrière-petits-enfants. Si M. le rapporteur général est favorable à mon amendement, je veux bien proroger sa durée jusqu’au 31 décembre 2027.
M. François Jolivet (HOR). Le secteur de la production de logements neufs s’effondre. Notre rapporteur général commet des erreurs manifestes d’appréciation. En 1993, alors qu’il y avait 25 000 logements construits, l’amendement Balladur ne valait que pour un an, avec des règles de prudence pour les promoteurs qui n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Tous les programmes ont été achetés, ce qui a sauvé la filière et offert des logements. L’exonération de 100 000 euros est évidemment un montant maximal.
La commission adopte l’amendement I-CF1011.
En conséquence, les amendements I-CF232 et I-CF1364 tombent.
Amendements I-CF228 de M. Éric Ciotti, I-CF429, I-CF431 et I-CF434 de M. Christophe Plassard (discussion commune)
M. Gérault Verny (UDR). Détenteurs du plus faible pouvoir d’achat, les jeunes sont aussi les plus susceptibles d’investir, de créer de la richesse et de chercher à accéder à la propriété immobilière. Or, si les dons en ligne directe sont aujourd’hui exonérés jusqu’à 100 000 euros, ce plafond est seulement de 31 865 euros pour une donation en ligne indirecte. Pour inciter les grands-parents à donner davantage à leurs petits-enfants, l’amendement tend à le relever à 200 000 euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ne vais pas répéter indéfiniment les mêmes arguments : on ne peut pas avoir des écarts du simple au double entre les plafonds ; si on veut changer des choses, il faut en passer par une réforme globale. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. À force d’accorder des exonérations sur les transmissions, il ne va plus rester grand-chose.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Ce débat est absolument lunaire : il ne concerne quasiment personne ! Est-il vraiment nécessaire de prévoir un abattement pour les dons jusqu’à 200 000 euros, alors que l’héritage moyen en fin de vie est de seulement 75 000 euros ?
Votre amendement n’est bénéfique ni pour les jeunes, ni pour le budget. Il ne vise qu’à aider une infime minorité de personnes qui ont beaucoup d’argent à échapper à l’impôt sur les successions.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF432 de M. Christophe Plassard.
Amendement I-CF430 de M. Christophe Plassard
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le plafond d’exonération des dons d’argent dans le cadre familial, de l’enfant jusqu’au degré du petit-neveu, s’élève à 31 865 euros, renouvelables tous les quinze ans, lorsque le donateur est âgé de moins de 80 ans. Supprimer cette limite d’âge, qui est toujours en adéquation avec l’espérance de vie moyenne – 79 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes – et plus élevée que celle de 70 ans retenue dans le cadre des abattements sur les assurances vie, ne me semble pas prioritaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF753 de Mme Chantal Jourdan
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement vise à moderniser et adapter le régime dit Sérot-Monichon, en accordant une exonération de 75 % des DMTG applicables en cas de succession ou de donation d’une propriété forestière aux propriétaires s’engageant à une gestion durable, favorable à la biodiversité et préservant les puits bas-carbone, contre seulement 50 % pour les ceux se contentant de respecter des normes minimales de gestion durable. L’évaluation de l’atteinte des objectifs pourra s’appuyer sur les méthodologies existantes, comme la méthode bas-carbone.
Il s’agit, par cette incitation des propriétaires forestiers à aligner leur gestion sur les objectifs climatiques nationaux, sans leur imposer de changement brusque, de remplir les engagements de la France en matière de climat, tout en stimulant une gestion forestière plus proche des cycles naturels, et donc bénéfique pour l’environnement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Sur le principe, je suis tout à fait favorable à cet amendement, mais celui-ci est inutile puisque déjà satisfait : le code général des impôts renvoie au code forestier, qui prévoit déjà la prise en compte de critères de gestion durable, à travers le plan simple de gestion (PSG) ou le règlement type de gestion (RTG), selon la taille de la propriété.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1262, I-CF238 et I-CF1266 de M. François Jolivet, I‑CF1019 de Mme Véronique Louwagie et I-CF413 de Mme Béatrice Piron (discussion commune)
M. François Jolivet (HOR). Je retire l’amendement I-CF1262.
L’amendement I-CF238 vise à permettre l’application, du 1er janvier au 31 décembre 2025, du dispositif Balladur, qui avait eu un énorme succès et avait permis de sauver les opérations des promoteurs.
Actuellement, 58 % des logements HLM se font en Vefa mais ne sortent pas de terre, faute d’être vendus. Exonérer de droits de mutation tous les biens achetés en 2025, quel que soit le profil de l’acquéreur – cela concernerait aussi les primo-accédants ayant recours à un PTZ – permettrait de relancer la vente des opérations déjà construites, et de faciliter la réalisation de celles ayant obtenu leur permis de construire mais qui ne sortent pas de terre, faute d’achat.
L’amendement I-CF1266, de repli, vise à abaisser le plafond d’exonération à 200 000 euros, contre 300 000 dans l’amendement précédent.
Mme Béatrice Piron (HOR). Pour relancer rapidement le secteur du bâtiment et la vente de logements neufs ou en état futur d’achèvement – y compris le stock existant –, cet amendement propose d’exonérer temporairement de DMTG la première transmission d’un bien neuf ou en état futur d’achèvement acquis en 2025. Plafonné à 150 000 euros par part reçue par chaque donataire, ce dispositif autorise la location du bien acquis, à condition qu’il respecte les plafonds de loyer et de ressources du locataire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis défavorable à toutes ces mesures conjoncturelles, qui ne résoudront pas la crise du logement. Pour relancer le secteur privé locatif, des propositions comme celle de M. Mattei, qui n’a malheureusement pas été adoptée, me sembleraient plus efficace.
Pour rappel, le dispositif temporaire d’exonération des DMTG créé par la loi de finances rectificative (LFR) de juillet 2020, alors même que son assiette était plus large puisqu’elle concernait l’acquisition d’une résidence principale ou la souscription au capital d’une entreprise de moins de cinq salariés, n’avait pas rencontré le succès escompté. En outre, le coût de l’exonération que vous proposez serait très élevé, puisque vous en fixez le plafond à 300 000 euros.
L’amendement I-CF1266, qui propose la résurrection du dispositif Balladur, prévoit un plafond certes moins déraisonnable, à 200 000 euros, mais il s’agit, là encore, d’une mesure conjoncturelle, donc inadaptée. Alors que la promotion privée a chuté de près de 50 % – c’est énorme –, c’est de réformes structurelles que nous avons besoin.
L’amendement de Mme Piron, de surcroît, ne prévoit pas de plafond, ce qui rend le coût de la mesure proposée très élevé.
Mme Béatrice Piron (HOR). J’ai pourtant bien précisé que le dispositif est plafonné à 150 000 euros par donataire. La mesure que je propose ne génère aucun coût, puisque les coûts d’enregistrement à l’achat du bien ont déjà été acquittés, et que, par définition, les droits de transmission feraient l’objet d’une exonération, que celle-ci intervienne dans cinq, dix ou vingt ans. Il y a même un gain de TVA !
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je retire cette critique, mais mes autres arguments restent néanmoins valables.
M. François Jolivet (HOR). Je ne comprends pas. Certes, la crise du logement appelle des réformes structurelles – vous prêchez un convaincu. Il n’en reste pas moins que des mesures conjoncturelles permettraient de sauver des opérations de construction en train de s’enliser, comme ça a été le cas en 1993.
Cela ne me fait pas rire de savoir que, si ces opérations ne voient pas le jour, des gens vont perdre leur emploi. Cela ne me fait pas rire que 2,6 millions de personnes attendent un logement ; que les chargés d’opération des promoteurs forcés de quitter le métier n’y reviendront jamais et grossiront les rangs des serveurs du samedi et du dimanche, à Paris ou dans les grandes villes.
Nous verrons en 2025, si la République et les électeurs nous prêtent vie jusque-là. Mais c’est aujourd’hui que le secteur a besoin d’être sauvé, et je ne vois pas pourquoi ce qui a fonctionné en 1993 ne marcherait pas en 2025. En plus, le dispositif Balladur pourrait tout à fait se cumuler avec celui que nous venons d’adopter.
M. le président Éric Coquerel. La situation ne fait rire personne, simplement les uns et les autres ont peut-être des méthodes différentes. Nous verrons, lors de l’examen de la partie consacrée aux dépenses, comment nous mobiliser pour renforcer la construction de logements sociaux, car il est vrai qu’il n’y en a jamais eu aussi peu que l’an dernier.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ne ris pas non plus ; je sais que la situation du secteur du logement est extrêmement grave. L’amendement de Jean-Paul Mattei proposait un dispositif structurel qui aurait été plus efficace, plus pérenne, plus juste et moins coûteux pour les finances publiques. Il avait finalement été rejeté à quelques voix près : nous en reparlerons en séance publique.
Les amendements I-CF1262 et I-CF1019 sont retirés.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendement I-CF1598 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Dans le même esprit que l’amendement I-CF1011, il s’agit d’exonérer jusqu’à 150 000 euros les droits de mutation sur les dons effectués à charge d’acquérir un logement, qu’il s’agisse d’un logement neuf ou d’un bien occupé à titre de résidence principale depuis moins de cinq ans. Ce dispositif, au périmètre plus large que le précédent, serait limité aux biens acquis en 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mêmes arguments que précédemment : les dispositifs très ponctuels ne seront pas efficaces.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF572 et I-CF571 de M. Mickaël Bouloux, amendements identiques I-CF897 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1384 de M. Éric Coquerel, I‑CF1766 de Mme Sophie Pantel et I-CF1843 de Mme Eva Sas, amendements I‑CF803 de Mme Marianne Maximi, I‑CF1227 de M. Matthias Tavel, I-CF815 de M. Aurélien Le Coq, I-CF818 de Mme Marianne Maximi, I-CF596 de M. Philippe Brun, I-CF1810 de M. Jean-Paul Mattei, I-CF465 de M. Jean‑Philippe Tanguy, I‑CF545 et I-CF900 de Mme Eva Sas (discussion commune)
M. Mickaël Bouloux (SOC). Le rapport de Selma Mahfouz et Jean Pisani‑Ferry, les travaux de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), le rapport de Mario Draghi : tout indique qu’il va falloir investir massivement dans la bifurcation écologique. N’est-il pas juste que ceux qui disposent des plus gros patrimoines financiers soient mis à contribution ?
Dans un objectif d’action climatique, mes amendements visent donc à imposer pour les trente prochaines années, au taux très modeste de 0,17 %, le patrimoine des 10 % de Français les plus riches – 5 % dans la version de repli, afin que ceux qui ne seraient pas totalement défavorables au principe de cette contribution mais trouvent l’assiette trop large puissent le voter.
Il est aussi dans l’intérêt des premiers concernés que ce dispositif soit adopté. Ils ne vivent pas dans une bulle, et leur patrimoine financier est lui aussi menacé par le changement climatique. À travers leur contribution, ils feront du bien à la planète et, par ricochet, à leur patrimoine. Je précise que seul l’actif financier supérieur à 600 000 euros sera concerné par cette imposition, d’ailleurs temporaire : compte tenu de la dynamique d’accroissement du patrimoine financier, cette contribution est juste, nécessaire et quasi indolore.
L’amendement I-CF572 a évidemment ma préférence, puisqu’il permettrait d’agir plus fort et plus vite. N’oublions pas que le coût de l’inaction est supérieur au coût de l’action. Il est urgent de se donner les moyens d’agir, alors adoptons l’un des amendements de cette discussion commune.
M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement I-CF897 vise un double objectif : la justice fiscale, en revenant sur l’angle mort qu’est la fiscalité du patrimoine depuis 2018, et la consolidation de nos finances publiques.
Nous proposons de nous procurer des recettes supplémentaires par le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en l’assortissant d’une incitation aux bonnes pratiques écologiques. Il sera divisé en trois fractions : la première imposera à hauteur de 0,5 % le patrimoine non professionnel supérieur à 1 million d’euros ; la seconde imposera le patrimoine non professionnel supérieur à 10 millions d’euros, selon un barème progressif allant de 1 % à 3 % ; la dernière concernera le patrimoine supérieur à 50 millions, patrimoine professionnel compris, afin de combler les lacunes qui existaient dans l’ISF avant sa transformation en impôt sur la fortune immobilière (IFI).
L’amendement prévoit qu’à compter de 2026, l’ISF sera assorti d’une composante climatique. Je précise qu’il est largement soutenu par l’opinion.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Pour limiter les effets d’aubaine et s’assurer que ceux qui possèdent le plus contribuent un minimum au redressement de nos finances publiques – puisque c’est bien là l’objectif que nous visons depuis le début de la journée, non sans difficulté –, l’amendement prévoit une imposition plancher : dès lors que leur patrimoine dépasse 50 millions d’euros, l’ensemble des contributions dont ils devront s’acquitter au titre de l’impôt sur le revenu, de l’ISF et de la contribution sociale généralisée (CSG) devra s’élever au minimum à 2 % du patrimoine. Il est plus intéressant d’asseoir l’imposition sur le patrimoine que sur les revenus, facilement dissimulables.
Mme Sophie Pantel (SOC). La composante climatique que comporterait cet impôt sur le patrimoine déterminerait la contribution des plus aisés en fonction de l’empreinte carbone et des conséquences sociales de leurs actifs immobiliers et placements financiers. Un score carbone, calculé par l’administration fiscale, inciterait les contribuables à réorienter leurs capitaux vers des projets plus durables et responsables.
Députée d’un département régulièrement en alerte rouge à la pollution, je sais combien il y a urgence à se donner les moyens d’agir pour garantir la transition écologique.
Mme Eva Sas (EcoS). Il est nécessaire de faire contribuer les plus aisés au redressement des finances publiques. Mais, alors que les ultrariches organisent leur illiquidité et réduisent leurs revenus taxables au minimum, je doute fort que le rendement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) soit suffisant – c’était aussi l’avis du rapporteur général. Il est donc nécessaire d’imposer également leur patrimoine.
Le dispositif que nous proposons est robuste. Sa composante « socle » prévoit un taux plancher de 0,5 % qui ne nécessite pas de plafonner l’imposition – cela a été confirmé par le Conseil constitutionnel. Grâce à sa composante « chapeau », nous espérons un rendement d’environ 15 milliards d’euros, une somme nécessaire pour redresser nos comptes publics et continuer à investir dans nos services publics.
Enfin, cet impôt inclut un mécanisme de bonus-malus climatique en fonction de l’empreinte carbone du patrimoine immobilier et financier des plus riches. Il faut savoir que le patrimoine de trois milliardaires français émet autant que celui de 20 % des Français.
C’est donc une mesure juste, qui vise à faire contribuer ceux qui en ont les moyens, et populaire, puisque 76 % des Français sont favorables au rétablissement de l’ISF.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). La taxation du patrimoine est la grande absente de ce budget : tout le monde est appelé à contribuer, sauf celles et ceux qui sont le plus en mesure de le faire. La suppression de l’ISF par Emmanuel Macron n’a eu qu’un seul effet : permettre aux plus riches de continuer à s’enrichir. Depuis 2017, le patrimoine des 500 familles les plus riches a doublé, et les 100 premiers assujettis à l’ISF ont récupéré 1 million d’euros supplémentaire par an. Au regard de la situation des finances publiques, n’y aurait-il pas un peu d’argent à aller y chercher ? Rétablir l’ISF en lui associant une composante climatique, comme le propose cet amendement, permettrait de récupérer 5 milliards d’euros.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Dès son premier mandat, Emmanuel Macron a décidé de supprimer l’ISF, ce qui n’a permis que d’enrichir encore les plus grandes fortunes ; dans le même temps, il a pris 5 millions dans les poches des plus pauvres, notamment en décidant de la baisse des aides personnelles au logement (APL).
Tous ces amendements visent donc à réparer cette erreur fondatrice et à faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État, qui en a besoin. Version la plus ambitieuse de notre proposition, l’amendement I-CF1227 tend à créer un ISF renforcé et climatique qui rapporterait 15 milliards, mais nous proposons aussi d’autres déclinaisons. J’espère que ce débat vous permettra de progresser sur ce sujet par rapport à ces sept dernières années.
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Par l’amendement de repli I-CF815, nous proposons de rétablir un impôt de solidarité sur la fortune renforcé, le temps de réfléchir aux modalités d’application de sa future composante climatique.
La suppression de l’ISF, en 2018, a fait perdre 4,5 milliards d’euros de recettes par an à l’État et contribué à l’accroissement des inégalités. Depuis 2017, le patrimoine des 500 plus grandes fortunes a doublé, pour dépasser 1 228 milliards d’euros, soit 52 % du PIB.
Le rétablissement d’un ISF renforcé générerait 10 milliards d’euros de recettes soit, peu ou prou, le montant des crédits annulés autoritairement en février, et qui manquent aujourd’hui cruellement aux services publics et collectivités territoriales, qui sont en grande difficulté.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). On entend souvent que la suppression de l’ISF a permis de renforcer les investissements en faveur de l’économie et des entreprises. Je tiens à préciser aux adeptes du rapport de France Stratégie, si souvent cité, que celui-ci souligne pourtant que la suppression de l’ISF n’a eu aucun effet positif sur la création d’emploi ou l’investissement.
Selon une idée un peu lunaire, l’ISF ferait fuir certains de nos compatriotes à l’étranger. C’est, là encore, une erreur, puisque lorsque l’ISF était en vigueur, seuls 0,2 % des contribuables qui y étaient assujettis partaient à l’étranger, sans que l’on puisse établir un lien avec la fiscalité.
Alors, augmentons l’ISF : non seulement nous n’aurons plus de problèmes pour investir, mais peut-être qu’à terme, certains seront dissuadés de verser encore plus de dividendes.
M. Philippe Brun (SOC). À l’heure où nous devons redresser nos comptes publics, l’amendement I-CF596 vise tout simplement à rétablir le bon vieil ISF, celui qui était en vigueur en France entre 1997 et 2017. Durant cette période, les cigales n’ont pas envahi les champs et l’économie française a été relativement prospère : entre 1997 et 2002, le taux de croissance dépassait 2,5 %, et la taxation du patrimoine était plus juste. D’ailleurs, ni Nicolas Sarkozy, ni Jacques Chirac, n’avaient remis en cause l’ISF.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le groupe Démocrate s’étonne depuis longtemps du paramétrage de l’impôt sur la fortune qui, contrairement à ce qui a été dit, n’a pas disparu : il perdure sous la forme d’un impôt sur la fortune immobilière.
Or il n’est pas exempt de certaines incohérences économiques : l’investissement dans un logement qui sera loué au titre de résidence principale, avec un loyer encadré, est plus intéressant pour la société que celui dans une œuvre d’art, un bateau ou un placement monétaire. Nous devons vraiment réfléchir à l’instauration d’un impôt sur la fortune non productive.
Mon amendement peut être amélioré ; je le retire pour le retravailler en vue de la séance.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans le même esprit, mon amendement vise à remplacer l’IFI par un impôt sur la fortune financière visant les actifs improductifs. L’objectif est de valoriser l’enracinement et l’investissement, et de stimuler la production de richesse, tout en décourageant les investissements spéculatifs, qui sont stériles pour la richesse de notre pays à court ou moyen terme, voire contribuent à l’envoyer dans des pays concurrents ou adversaires.
Les seuils et taux seraient identiques à l’ancien ISF ; seul son périmètre évolue.
Mme Eva Sas (EcoS). L’amendement de repli I-CF545 vise à élargir l’assiette de l’IFI aux placements financiers, biens de luxe et objets d’art d’une valeur de plus de 250 000 euros. Il prévoit également l’obligation de déclarer l’empreinte carbone du patrimoine, afin de commencer à responsabiliser un peu les ultrariches. Au regard de la forte demande populaire d’imposer le patrimoine des ultrariches en France, élargir l’assiette de l’IFI aux placements financiers me semble vraiment le minimum.
Quant à l’amendement I-CF900, il vise à instaurer un complément d’imposition, afin que la contribution totale des ultrariches atteigne au minimum 2 % de la valeur nette de leur patrimoine – c’est ce que l’on pourrait appeler l’impôt « Zucman ». Alors que nous avons besoin de redresser nos comptes publics, on ne peut pas réduire le ticket modérateur pour les plus faibles et faire l’économie d’une imposition plancher sur le patrimoine des ultrariches.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements, qui proposent le rétablissement de l’ISF avec différents taux de taxation, posent tout d’abord un problème de constitutionnalité, déjà rencontré avec l’IFI et, avant lui, l’ancien ISF. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que l’imposition sur le capital, majorée de l’impôt sur le revenu (IR) et des taxes foncières, ne devait pas dépasser 70 %.
À ce plafonnement s’ajoutent les mécanismes d’optimisation : déjà, du temps de l’ISF, dix des cinquante plus grandes fortunes ne payaient aucun impôt, car elles ne versaient aucun dividende et n’avaient donc officiellement que peu de revenus – tout revenait à la holding familiale ; grâce à cette optimisation fiscale, les quarante autres plus grandes fortunes ne payaient, en moyenne, que 10 % du barème. Il est donc très difficile de faire contribuer les plus grosses fortunes.
Par ailleurs, moduler le taux d’imposition en fonction de l’impact environnemental du patrimoine ne fera que majorer les effets du plafonnement.
Enfin, depuis vingt-cinq ans que j’entends parler de la taxation des œuvres d’art, celle‑ci ne s’est encore jamais concrétisée, et pour cause : cela suppose de disposer d’un registre des objets mobiliers et de leur valeur, une démarche inquisitoriale qui, je l’ai dit hier, nécessite un travail titanesque pour les inspecteurs du fisc et la mobilisation d’experts. C’est bien pour cette raison que lors d’une succession, par exemple, les biens mobiliers sont taxés au taux forfaitaire de 5 % – sauf les rares cas de très grande collection.
Nous pouvons en débattre, mais en raison de cette difficulté d’ordre constitutionnel, j’émets un avis défavorable à tous les amendements.
M. le président Éric Coquerel. Je ne souscris pas à l’argument constitutionnel, qui me semble être surtout un prétexte pour ne pas taxer les revenus des ultrariches à un niveau normal. D’ailleurs, nous avons bien étudié la chose, et l’ISF climatique progressif que nous proposons permet de respecter le plafond de 70 %.
Il y a deux catégories d’amendements : ceux qui visent à créer un ISF climatique, qui devrait rapporter entre 10 et 15 milliards d’euros, et ceux qui visent à rétablir l’ancien ISF. J’espère évidemment que les premiers seront adoptés ; en tout cas, il me semble impossible de n’en adopter aucun. Depuis la suppression de l’ISF au profit d’une flat tax, en 2017, le patrimoine des plus riches a explosé. Alors que tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut faire un effort, celui que le Gouvernement entend demander aux plus hauts revenus ne rapporterait que 2 milliards : au regard de ce qui est demandé à l’ensemble des Français, de la baisse des dépenses publiques et sociales, du reste de la fiscalité – en particulier sur l’électricité – et de l’effort global à fournir, c’est très peu.
Au-delà des efforts pour réduire le déficit, la dette écologique est gravissime : jamais, depuis 1953, il n’avait fait si chaud un 17 octobre ! Alors que des dizaines de milliards d’euros d’investissements supplémentaires sont nécessaires pour garantir la transition écologique, ce n’est pas le moment de supprimer ou diminuer le budget de certains dispositifs, comme le fonds Vert.
Je ne vois pas comment ne pas faire contribuer ceux qui en ont le plus les moyens à cet effort, et il n’est pas possible de se contenter de 2 milliards. Il faut se donner les moyens d’aller chercher quelques dizaines de milliards d’euros : c’est l’objectif de ces amendements.
M. Éric Woerth (EPR). C’est un vieux débat, plus politique que technique. Certains considèrent qu’il faut distinguer les ultrariches, les super-riches, les moyens riches, les moyens pauvres sans qu’on sache vraiment qui entre dans telle ou telle catégorie. La France ne manque pas de créativité en matière fiscale et tous les revenus sont taxés. Quelles que soient sa richesse et la disponibilité de celle-ci, on est soumis à une forme d’imposition, progressive ou pas. L’ISF est un mauvais impôt, sur le plan financier comme sur le plan économique, les études objectives concordent sur ce point. C’est un peu le dernier impôt qui s’applique après l’impôt sur le revenu et l’impôt sur le capital. Je suis opposé à l’imposition du patrimoine, néfaste pour tous les Français et non pas seulement ceux qui doivent s’en acquitter, car elle affaiblirait l’économie française.
Mme Eva Sas (EcoS). Monsieur le rapporteur général, vous ne semblez pas être allé au bout de l’analyse de notre amendement. Il comporte une composante socle prévoyant une imposition à 0,5 % de l’ensemble du patrimoine net, parfaitement conforme à la Constitution. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2011 selon laquelle une taxation à 0,5 % n’appelle pas de plafonnement. Je ne partage donc pas votre défaitisme : nous pouvons taxer les plus riches en nous tenant dans les limites de la constitutionnalité.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Comme il y a deux ans, je constate qu’une majorité de députés élus par les Françaises et les Français recherchent une solution de justice sociale pour faire contribuer fiscalement les plus grandes fortunes et les plus grands patrimoines – certains ayant tendance à considérer leurs amendements comme les meilleurs, d’autres se plaisant à croire qu’il est impossible d’établir cette justice. Les députés du Rassemblement national, de bonne volonté, estiment qu’il faut travailler à trouver un compromis recueillant un large consensus avant la séance. Nous décevrons, sinon, les électeurs, de quelque bord qu’ils soient.
Mme Véronique Louwagie (DR). Je vous sais, monsieur le président, préoccupé par la trajectoire de nos finances publiques et animé de la volonté de trouver une solution. Seulement, la gauche veut taxer toujours plus, oubliant qu’en France, le taux de prélèvements obligatoires est l’un des plus élevés d’Europe et qu’il n’a jamais été aussi facile de s’installer dans un autre pays. La réponse au déficit et à la spirale de la dette se trouve, non pas dans une taxation renforcée, mais dans la diminution des dépenses publiques. Nous nous opposerons à ces amendements.
M. Nicolas Sansu (GDR). Il ne faut pas s’en tenir à la moyenne du taux des prélèvements obligatoires, qui est certes parmi les plus forts d’Europe, et se livrer à une analyse par déciles. Le taux moyen de prélèvements obligatoires se situe entre 42 % et 51 % pour 99,9 % des ménages les plus pauvres de cette catégorie, mais il tombe à 27 % pour les 0,1 % les plus riches parce que leur richesse est constituée en majorité de revenus qui ne sont pas imposables à l’IR. Si vous n’imposez pas le patrimoine, vous ne pourrez pas faire contribuer à la hauteur de l’effort qu’on doit attendre d’elles les plus hautes fortunes, dont la valeur du patrimoine a explosé en quelques années.
L’impôt Zucman est en cela très intéressant. Il faudrait peut-être prévoir un taux plus bas la première année pour qu’il échappe aux fourches caudines du Conseil constitutionnel.
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). En France, les 500 plus grosses fortunes cumulent 1 228 milliards de patrimoine tandis que 17 % de la population, soit 11 millions de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté. Peut-être même nous approcherons-nous de la situation de la Grèce où cette proportion atteint un quart. La France est le pays d’Europe où le taux de pauvreté a le plus augmenté ces dernières années.
Cette simple mise en regard devrait nous amener à revenir sur les dispositifs qui ont conduit à cette situation. L’argent qui manque, nous savons où il a été pris. Cela a eu des conséquences sociales inacceptables mais aussi des conséquences démocratiques auxquelles nous, membres de la représentation nationale, ne pouvons être indifférents.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Instaurer un impôt sur la fortune non productive me paraît une bonne piste, mais élargir son assiette jusqu’à englober le patrimoine professionnel risque d’être contre-productif. Jamais celui-ci n’a été taxé et lorsqu’il a été question de revenir sur la fiscalité de l’outil professionnel à titre principal, certains ont craint que les difficultés de gestion en résultant conduisent au départ de certains entrepreneurs de notre territoire.
Au moment de la réforme qui a conduit en 2017 à la mise en place de l’IFI, j’avais été très étonné par certains choix. Un souci de justice fiscale doit nous pousser à améliorer, en toute sérénité, la fiscalité mais évitons les effets pervers déjà identifiés en 1981 et les années suivantes.
M. David Amiel (EPR). L’impôt que vous proposez est-il une bonne manière de répondre à la question de la justice fiscale ? Non, puisque, nous le savons, les plus fortunés échappaient à l’ISF. Des dispositifs comme la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) me semblent beaucoup plus efficaces. Ce n’est pas non plus une bonne manière de répondre à la question du financement de la transition écologique. Le rapport de Jean Pisani‑Ferry et Selma Mahfouz montre bien qu’il doit reposer pour moitié sur des investissements publics et pour moitié sur des investissements privés, que vous allez affecter à force d’alourdir la fiscalité. Mario Draghi, dans son récent rapport, a analysé le décrochage massif de l’Europe face à la Chine et aux États-Unis ; il pourra bientôt en publier un deuxième pour décrire toutes les catastrophes engendrées par vos propositions.
M. le président Éric Coquerel. Les amendements ne prévoient pas de taxation de revenus professionnels en tant que telle. Ils proposent de rétablir un ISF progressif en s’inscrivant dans la logique d’un impôt minimum de 2 %, un temps évoqué par Bruno Le Maire. Je vous renvoie à l’étude de l’Institut des politiques publiques (IPP). Seraient ciblés les contribuables qui font transiter une partie de leur patrimoine sur leurs revenus professionnels. L’ensemble des revenus professionnels ne serait pas pris en compte.
Les amendements I-CF572 et I-CF571 sont retirés.
La commission rejette successivement les autres amendements, l’amendement I‑CF1810 ayant été retiré.
Amendement I-CF776 de Mme Mathilde Feld
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Les milliardaires sont très peu taxés, l’Observatoire européen de la fiscalité et l’IPP ont montré que le taux d’imposition des plus riches n’était que de 2 %. Il importe de corriger cette injustice, en instaurant, une taxe annuelle de 2 % sur les très grandes fortunes, dans la lignée des propositions de l’économiste Gabriel Zucman. Les recettes qui en seraient issues nous permettraient de répondre à la fois à l’urgence sociale et à l’urgence climatique car, et les amendements du NFP l’ont mis en évidence, la fiscalité doit aussi nous permettre d’avancer en matière de transition écologique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Si vous souhaitez taxer les grandes fortunes, je vous invite plutôt à vous tourner vers les mécanismes de défiscalisation – dépenses fiscales, holdings tirelires – qui leur permettent d’échapper à l’impôt. Il faut aussi se pencher sur la portée du plafonnement de l’impôt, en veillant à ne pas le rendre confiscatoire. Je vous rappelle que le mécanisme de l’ISF profitait essentiellement aux très grandes fortunes, si bien qu’il était davantage un impôt de millionnaires que de milliardaires.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Sans remettre en cause les calculs de M. Zucman, rappelons qu’à ces 2 % s’ajouteraient les 25 % de l’impôt sur les sociétés qui s’appliquent au patrimoine professionnel.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF777 de M. Éric Coquerel
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous proposons ici de nous inspirer de l’Espagne qui a mis en place, en 2022, une taxation sur les très hauts patrimoines, à partir de 3 millions d’euros, comportant diverses tranches allant de 1,7 % à 3,5 %. Cela ne l’a pas empêchée d’améliorer la santé de ses finances publiques et même d’augmenter le revenu minimum, mais c’est un autre débat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Depuis la création de l’ISF, on se heurte toujours au même problème. Prenons une personne dont la fortune est essentiellement immobilière : si on lui applique, en plus des 1,5 % du plafond de l’IFI, ces 3,5 %, on parvient à un taux confiscatoire. Comme il n’y a pas de péréquation dans les taux de rendement des différents actifs – certains rapportent beaucoup, d’autres peu –, des contribuables pourraient être obligés de vendre une partie de leur patrimoine pour s’acquitter de leurs impôts. Avis défavorable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Pourquoi ne pas prévoir ce dispositif de façon pérenne si vous y croyez vraiment ? Le problème du financement de la transition écologique cessera‑t‑il de se poser au-delà du 31 décembre 2027 ?
Avant de créer de nouveaux impôts sur le stock de capital, vous devriez prendre en compte le niveau de fiscalisation du capital des autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec lesquels nous nous situons dans un rapport d’un à quatre. Ne découragez pas les investisseurs privés alors que nous allons être confrontés à des impasses de financement. Rappelons que les dépenses publiques dépassent déjà 100 % du PIB.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF773 de M. Éric Coquerel.
M. le président Éric Coquerel. Depuis 2017, les revenus du capital ont été avantagés à outrance et si les dividendes ont été multipliés par deux, les investissements n’ont pas augmenté. Je suis prêt à vérifier les chiffres avec vous, monsieur Lefèvre.
En matière écologique, nous avons besoin d’investissements publics massifs, comme le confirme le rapport Draghi. Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz les estimait à 34 milliards d’euros pour 2030, I4CE les évalue à 50 milliards. Plus nous prenons du retard, plus le seuil sera difficile à franchir. Ces sommes considérables, où les trouver ? Dans leur rapport, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz préconisent une contribution exceptionnelle sur le patrimoine calculée en appliquant un taux de 0,17 % sur la fraction excédant 633 200 euros, assise sur la valeur nette de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables. Elle rapporterait 150 milliards d’euros, soit 5 milliards par an pendant trente ans. Nous reprenons cette proposition dans cet amendement qui sera, je l’espère, adopté. Les 2 milliards de CEHR et les 8 milliards de contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises ne suffiront ni à réduire les déficits ni à répondre au défi des investissements écologiques alors que la planète brûle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous nous heurtons toujours au même problème. En quoi cette contribution serait-elle exceptionnelle alors qu’elle est maintenue jusqu’en 2054 ? Cela fait trente ans, six législatures !
Une imposition sur le patrimoine financier risque de contraindre certains redevables à vendre leurs actions pour pouvoir s’acquitter de l’impôt, les taux de rendement étant très variables. Cette voie est sans issue. Les vraies solutions résident dans le verdissement de la fiscalité, la contribution des entreprises et des banques ou la création d’un plan d’épargne avenir climat.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Nous sommes tous conscients de l’importance qu’il y a à financer la transition écologique. En lisant l’amendement, je me dis : pourquoi pas ? Le problème est que ce budget comporte déjà 20 à 30 milliards d’impositions supplémentaires, auxquels s’ajoutent une bonne dizaine de milliards déjà votés par notre commission et d’autres sans doute à venir. Je crains que cette accumulation ne soit contre-productive.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La question du financement de la transition écologique se pose en effet, et celui de la réindustrialisation avec elle, en tout cas dans l’esprit du Rassemblement national. Toutefois, nous estimons que l’outil fiscal ne sera pas suffisant. Le souverainiste que je suis croit en l’efficacité de la mobilisation de l’outil monétaire, solution à laquelle je m’étonne que les membres du NFP ne soient pas plus sensibles puisque des économistes proches de leurs idées, comme Jézabel Couppey-Soubeyran, la mettent en avant. Les banques centrales, avec leurs politiques innovantes, ont ouvert de nouvelles perspectives en ce domaine. Il faut nous en saisir si nous voulons avoir un peu d’ambition à l’échelle séculaire.
M. François Jolivet (HOR). Pourquoi cet amendement ne vise-t-il que les personnes domiciliées fiscalement en France ? Pourquoi exclure d’autres contribuables établis hors de France, dont le patrimoine peut être très important ? J’ai le souvenir d’avoir eu votre renfort, monsieur le président, au sujet d’une convention fiscale passée entre la France et le Qatar portant sur des exonérations de plus-values.
M. le président Éric Coquerel. Nous pourrons y revenir. J’ai simplement repris la formulation du rapport Pisani-Ferry - Mahfouz.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement pourrait faire consensus. Les sommes dont devraient s’acquitter les contribuables situés au bas de la tranche ne représenteraient que quelques centimes par jour : on est loin d’une spoliation. Le financement de la transition écologique leur serait aussi bénéfique, car leur patrimoine ne se portera que mieux si la planète va bien.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je m’interroge sur l’application de cette contribution aux enfants mineurs. Cela constituerait un précédent dans l’histoire de la fiscalité française, me semble-t-il.
M. le président Éric Coquerel. Je prends note de votre remarque.
Les 34 milliards mis en avant par M. Pisani-Ferry renvoient à l’investissement public. Il faudrait un montant équivalent en investissements issus du secteur privé, ce qui implique des incitations.
Monsieur Tanguy, si je comprends bien, vous voudriez, comme M. Draghi, recourir à un grand emprunt en dehors des marchés financiers. Cela ne me paraît pas incompatible avec nos propositions. Mon amendement n’est peut-être pas parfait mais au moins propose-t-il une solution qui permet à la fois de ne pas accroître les déficits et de financer la transition écologique, vitale pour l’espèce humaine, alors qu’avec ce budget, le Gouvernement diminue de 16 % les crédits en faveur de la transition écologique, en particulier ceux du fonds Vert et du dispositif MaPrimeRénov’.
La commission rejette l’amendement.
Les amendements I-CF57 de M. François Jolivet et I-CF14 de Mme Véronique Louwagie sont retirés.
Amendement I-CF1533 de M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun (SOC). Il vise à intégrer dans l’assiette de l’IFI les liquidités et les contrats d’assurance vie investis en unités de compte, c’est-à-dire en actions d’entreprise. Cela nous permettrait d’augmenter le rendement de cet impôt tout en taxant la fortune improductive, dans l’esprit des propositions de M. Mattei. L’État engrangerait ainsi de nouvelles recettes sans que l’économie en pâtisse.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous nous heurtons à un problème juridique, peu connu : un contrat d’assurance vie n’étant pas considéré comme un bien dont son détenteur a la propriété, il paraît difficile de l’intégrer dans l’assiette de l’IFI.
L’IFI est un impôt sur le patrimoine immobilier ; les actifs portés par les assurances vie n’ont rien à faire dans son assiette, à part une minuscule partie d’entre eux. Vous pourriez soit revoir l’imposition des assurances vie, soit celle du patrimoine mobilier, mais sur des bases différentes de celles de l’IFI. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF769 de M. David Guiraud et I-CF772 de M. Éric Coquerel (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous ne sommes pas parvenus à faire adopter nos amendements sur l’ISF car le RN, en dépit de ses grandes déclarations sur la justice fiscale, a voté contre. Cet amendement de repli vise à instaurer au sein de l’IFI un plafond, de 600 000 euros, sur l’abattement de 30 % appliqué aux résidences principales.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous pourrions réfléchir à la portée de cet abattement mais en tenant compte des divers paramètres fiscaux et constitutionnels, sinon nous prendrions le risque de rendre l’impôt confiscatoire. J’ajoute que l’immobilier est déjà lourdement taxé dans notre pays alors que nous sommes en pleine crise du logement.
M. François Jolivet (HOR). Je trouve cet amendement intéressant mais peut-être faudrait-il le sous-amender pour exclure les patrimoines immobiliers sous plafond de ressources et de loyers, qui participent à une mission d’intérêt général. Je pense, par exemple, aux propriétaires de HLM ayant signé une convention avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour neuf ans.
M. Matthias Renault (RN). Je vais répondre au tacle au sujet de l’ISF, car ces reproches sont récurrents depuis des années et sont même repris sur les réseaux sociaux. Si nous avons voté contre ces amendements, c’est pour une raison simple : nous défendons la création d’un impôt sur la fortune financière (IFF), mesure à laquelle le NFP s’oppose.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas adapté car 400 000 euros, en région parisienne, cela correspond à un 40 mètres carrés. L’amendement retiré par M. Jolivet portait sur le stock de logements, et non sur les seuls logements neufs. Cela aurait eu un caractère peu incitatif ou, plus exactement, désincitatif à la vente. Ce n’est pas ainsi que l’on va augmenter l’offre.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF757 de Mme Marianne Maximi, I-CF1624 et I-CF1629 de M. Jérémie Iordanoff (discussion commune)
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). L’exonération d’IFI de 75 % sur les propriétés forestières n’est pas conditionnée au respect de la biodiversité et du climat. Cela encourage la spéculation et la monoculture intensive, délétère pour la santé des forêts, et ne favorise pas la transmission des parcelles aux opérateurs locaux. Il est proposé d’abaisser l’exonération à 50 % et de la conditionner au respect de normes agroforestières.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’octroi de l’exonération de 75 % nécessite le dépôt d’un plan simple de gestion (PSG) ou d’un règlement type de gestion (RTG). Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il paraît prudent d’anticiper un changement du code forestier en adaptant dès maintenant le système fiscal à la réalité et en conditionnant l’exonération au respect de normes.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Quelle est la cohérence de cet amendement avec celui qui a été défendu hier par l’un des groupes du NFP concernant le crédit d’impôt pour les diagnostics de performance des forêts ?
M. le président Éric Coquerel. Il n’a pas été voté hier.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1194 de Mme Perrine Goulet
Mme Perrine Goulet (Dem). Il y a une distorsion entre les dons des particuliers selon qu’ils sont assujettis ou non à l’IFI. En effet, la réduction est de 66 % pour l’IR et de 75 % pour l’IFI. Je vous propose donc de ramener à 66 % l’avantage fiscal de l’IFI.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est un peu plus compliqué que cela. L’IR propose deux taux, l’un à 66 % et l’autre, qui correspond à l’amendement Coluche, à 75 %. En revanche, l’IFI ne prévoit que le taux de 75 %. Ce n’est pas très cohérent mais l’objectif était d’encourager les plus riches à se montrer généreux.
Mme Perrine Goulet (Dem). Avec un taux à 66 %, ils devront se montrer encore plus généreux pour conserver la même réduction !
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avec votre amendement, le taux resterait à 75 % pour le dispositif Coluche, à l’IFI comme à l’IR, et passerait à 66 % pour tout le reste. Ce serait relativement cohérent.
La commission adopte l’amendement I-CF1194.
Amendements I-CF794 de Mme Marianne Maximi, I-CF1807 de M. Jean‑Paul Mattei et I-CF598 de M. Philippe Brun (discussion commune)
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je vous propose de récupérer 3,5 milliards d’euros en incluant les produits d’assurance vie dans le barème de droit commun des droits de succession. Il s’agit de réduire une niche fiscale particulièrement injuste car elle est uniquement au bénéfice des plus fortunés. L’abattement de 30 500 euros serait toutefois maintenu afin de protéger les petits épargnants.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). La tranche marginale de taxation en matière d’assurance vie est de 31,25 %, alors qu’elle est de 45 % pour les transmissions en ligne directe. Il n’est pas question de remettre en cause le régime de l’assurance vie mais simplement d’aligner sa taxation sur celle des successions en ligne directe.
M. Philippe Brun (SOC). La fiscalité de l’assurance vie est dérogatoire et complexe. De plus, l’héritage joue un rôle prépondérant dans la reproduction des inégalités. Il paraît donc juste de soumettre les actifs d’assurance vie au régime général des droits de mutation à titre gratuit (DMTG).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le stock des contrats d’assurance vie représente 1 900 milliards, que les épargnants peuvent retirer à tout moment car il s’agit d’une épargne liquide. Je vous mets donc en garde : si vous touchez au régime fiscal avantageux de l’assurance vie, il y a un danger de retrait. Or le quart de cette épargne, soit quelque 500 milliards, finance le déficit public. Je ne peux donc pas être favorable à ces amendements, même à celui, plus modéré, de Jean-Paul Mattei. En tout cas, il ne faut pas déstabiliser le régime fiscal des contrats existants : si l’on doit le modifier un jour, cela ne pourra concerner que les futurs contrats.
M. Philippe Brun (SOC). Il faut se rendre compte des sommes en jeu : 44 milliards d’actifs sont transmis par des contrats d’assurance vie en bénéficiant d’une détaxation quasi totale. Il convient de corriger cette niche fiscale considérable.
De plus, cela entraîne un dévoiement de cette épargne, qui vise à investir dans le tissu productif. Si l’on en fait un outil de transmission de patrimoine, on l’oriente vers des actifs plus sûrs, beaucoup moins risqués et contribuant moins au développement de l’économie. La transmission d’une maison ou d’un terrain est soumise aux DMTG : il est logique que les contrats d’assurance vie le soient aussi.
Mme Véronique Louwagie (DR). Modifier les règles pour les contrats en cours risque de saper la confiance des citoyens. Vos amendements s’appliqueraient à toutes les futures successions, sans distinguer entre les stocks et les nouveaux contrats : cela ne me paraît pas possible.
M. Philippe Brun (SOC). La disposition que je vous propose d’adopter s’applique aux contrats d’assurance vie souscrits à partir du 1er janvier 2025, et non aux contrats existants.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il existe deux grandes catégories de contrats d’assurance vie, l’une en euros et l’autre en unités de compte, cette dernière étant investie pour une bonne part dans les entreprises. Il est vrai que l’amendement de M. Brun ne vise que les contrats à venir, mais réfléchissons bien avant de voter un tel amendement.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le taux de 31,25 % a évolué dans le temps : il est donc possible de modifier la règle pour les contrats en cours. Il en va de même pour les droits de succession, qui s’appliquent à des successions non encore ouvertes, et dont les taux évoluent. Pour une transmission en ligne directe, l’écart de taux est quasiment de 15 points entre l’assurance vie et les droits de succession. Cela soulève la question de l’équité de ces deux types de placements.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF794 et adopte l’amendement I-CF1807.
En conséquence, l’amendement I-CF598 tombe.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF795 de M. Aurélien Le Coq.
Amendement I-CF797 de Mme Marianne Maximi
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Il s’agit d’instaurer une contribution solidaire sur les ventes immobilières d’un montant supérieur à 1 million d’euros afin de dégager de nouvelles recettes pour renforcer la lutte contre l’habitat insalubre. Seuls les 5 % de Français les plus aisés seront concernés par cette taxe.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La France a déjà les droits de mutation les plus élevés en Europe, ce qui freine la mobilité. Votre amendement ne ferait que provoquer un gel. Ce n’est pas une bonne idée d’augmenter encore la pression fiscale sur les transactions immobilières. Avis défavorable.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Je suis stupéfait de voir l’énergie que dépense la droite pour protéger le gâteau, alors qu’il s’agit seulement de consentir un petit effort. En revanche, ils sont prêts à imposer des efforts à ceux qui n’ont rien. Le dispositif que nous proposons est sain parce qu’il ne concerne que les personnes possédant un patrimoine immobilier conséquent. Si nous ne prenons pas l’argent là où il se trouve, nous aurons un vrai problème pour équilibrer le budget.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF277 de M. Peio Dufau
M. Peio Dufau (SOC). Il est proposé de majorer le taux de la taxe sur les plus-values immobilières (PVI) élevées afin de dissuader les opérations spéculatives, particulièrement délétères dans les secteurs en tension. La taxe ne s’appliquerait pas aux résidences principales.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les PVI de plus de 50 000 euros sont taxées selon un barème progressif allant de 2 % à 6 %. Le présent amendement vise à étaler le barème de 3 % à 13 %. Ce n’est pas en surtaxant les PVI que nous susciterons des investissements et encouragerons le développement de l’offre de logement. Avis défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Hier soir, l’évocation d’exemples de spéculation immobilière a suscité des moqueries de la part du Rassemblement national. Or, dans un article datant du 16 mai 2024, le journal Sud-Ouest a relaté deux ventes immobilières, l’une pour 1,27 million d’euros à Saint-Esteben, petite commune de l’intérieur du Pays basque, et l’autre pour 1,37 million à Ayherre. Ces deux biens avaient été achetés entre 250 000 et 300 000 euros quelques années auparavant. La spéculation immobilière est une réalité, qu’il convient d’encadrer.
M. Peio Dufau (SOC). Il faut savoir ce que l’on veut : puisque nous avons besoin d’argent, nous proposons que certains en gagnent un peu moins. Il faut arrêter de dire que l’on ne peut pas changer les règles : s’il y a bien un jour où on doit le faire, pour soutenir l’économie, l’écologie et le logement, c’est maintenant !
M. Éric Woerth (EPR). Je suis toujours très étonné par la créativité fiscale qui anime la gauche, alors que notre pays est probablement le plus redistributeur au monde. La France réduit de manière considérable les écarts entre les 10 % les plus modestes et les 10 % les plus aisés par le biais de ses politiques publiques : nous pouvons en être fiers. Chaque fois que vous ajoutez une nouvelle taxe, vous appauvrissez le pays.
M. le président Éric Coquerel. En matière de créativité, il serait intéressant de faire le bilan des niches fiscales sur les vingt dernières années – elles coûtent plus de 100 milliards – et d’en étudier la paternité.
M. Gérault Verny (UDR). Je suis un peu abasourdi par ce que j’entends. Alors que nous sommes le pays le plus fiscalisé de l’OCDE, nos finances publiques sont sinistrées. Ceux qui font preuve de créativité pour inventer des recettes devraient penser à se reconvertir dans l’entrepreneuriat : ce serait plus vertueux en matière fiscale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La situation varie beaucoup d’une région à l’autre. À Paris, le mètre carré est à 10 000 euros, voire 15 000 en centre-ville. À l’inverse, il n’est que de 800 ou 900 euros dans la Creuse, la Haute‑Marne ou la Meuse : on n’y fait pas de plus-values. Si vous accentuez la pression sur les propriétaires qui louent leurs biens, ils risquent de renoncer à vendre, ce qui n’est pas bon pour le marché.
M. le président Éric Coquerel. Dans certaines zones touristiques, les résidents ne peuvent plus vivre tant les prix immobiliers ont monté, pour des raisons spéculatives. Cela ne peut pas être considéré comme un fonctionnement normal du marché. Il faut donc réagir.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas avec une telle taxe que vous résoudrez ce problème.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1308 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Il est proposé d’inclure la location de véhicules propres dans le forfait mobilités durables (FMD).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le FMD couvre déjà les frais de recharge électriques des véhicules des employés. Votre amendement vise à encourager le recours à la location d’une voiture plutôt que son achat. Cela créerait une différence de traitement entre ceux de nos concitoyens qui louent et ceux qui achètent. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1376 de M. Gérard Leseul
M. Gérard Leseul (SOC). L’IR-PME ESUS (réduction d’impôt pour souscription au capital d’une entreprise solidaire d’utilité sociale), qui accorde une réduction d’impôt (RI) de 25 % aux particuliers prenant des parts de capital d’entreprises disposant de l’agrément ESUS, a généré un effet de levier important pour le financement des entreprises solidaires, pour un coût fiscal très mesuré. Or, ce dispositif a récemment été étendu aux entreprises contribuant à la préservation et à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés, ce qui n’a rien à voir avec l’économie sociale et risque d’occasionner des dépenses fiscales supplémentaires. Nous proposons de rétablir l’exigence du dispositif en restaurant sa rédaction précédente.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi de finances de 2024 a prorogé jusqu’à fin 2025 la réduction d’IR de 25 % pour les investissements dans les ESUS et les foncières solidaires, et mis fin au taux majoré pour la RI applicable aux investissements dans les PME. Cela a créé un avantage comparatif pour les ESUS.
D’autre part, si les entreprises solidaires agréées par le ministère de la culture ayant pour mission de contribuer à la préservation, à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés sont concernées par ce taux de 25 %, les foncières solidaires bénéficient de leur côté d’un droit d’enregistrement réduit. Nous n’allons pas exclure les autres entreprises ESUS immobilières visées par le dispositif. Avis défavorable.
M. Gérard Leseul (SOC). M. le rapporteur n’a pas répondu à mon propos. L’ajout opéré en 2024 ne correspond pas à l’esprit de la loi ESS. Je vous propose donc de le supprimer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous reverrons cela l’année prochaine, dans la loi de finances pour 2026, puisque nous avons prolongé ce dispositif jusqu’à fin 2025.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1359 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). L’amendement a pour objet de proroger l’exonération fiscale et sociale sur les pourboires pour l’année 2025. Par ailleurs, il a été convenu que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er octobre 2024, un rapport évaluant les effets de la prorogation au regard de l’évolution de l’utilisation des moyens de paiement et du risque de substitution avec les salaires. Une communication en ce sens permettrait d’éclairer le Parlement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous propose de retirer votre amendement et de le redéposer en séance publique afin d’interroger le Gouvernement sur ce point. Il semblerait, selon des serveurs que j’ai interrogés, que les pourboires soient en chute libre à cause du développement du paiement électronique.
M. le président Éric Coquerel. Nous sommes favorables à l’augmentation des salaires et non à celle des revenus désocialisés. La Cour des comptes a publié un rapport assez éclairant sur les primes ; c’est le même principe.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1361 de Mme Félicie Gérard et I-CF1422 de Mme Christine Arrighi (discussion commune)
Mme Félicie Gérard (HOR). Il est proposé de proroger jusqu’au 31 décembre 2025 les dispositifs de soutien au transport des salariés introduits par la loi de finances rectificative pour 2022.
M. Tristan Lahais (EcoS). Déposé à l’initiative de Christine Arrighi, notre amendement propose de prolonger les dispositions de la loi de finances rectificative de juillet 2022 sur la prise en charge des frais de transport public de leurs salariés par les employeurs privés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Rappelons que cette mesure temporaire, qui expire le 31 décembre 2024, avait été prise avec d’autres dispositions visant à protéger le pouvoir d’achat dans un contexte de forte inflation. L’exonération à l’IR de la prise en charge des titres de transport par les employeurs avait été portée de 50 % à 75 %, et celle de la prise en charge des frais de carburant et de recharge des véhicules électriques de 500 à 700 euros. Cher collègue, il est bon que les mesures temporaires prennent fin lorsque le contexte change – ce qui est le cas – et que nous en revenions aux exonérations antérieures.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Il est amusant d’avoir cette discussion au lendemain d’une réunion où nous avons débattu de l’opportunité de créer une commission d’enquête sur les finances publiques. Dans le cadre des travaux de cette commission d’enquête, nous reviendrons sans doute sur l’été 2022 durant lequel de multiples chèques avaient été signés, montrant la difficulté à sortir du « quoi qu’il en coûte ». Pour ma part, je me range à l’avis de notre rapporteur général : il est bon que les mesures temporaires coûteuses prennent fin. Cela restera peut-être un vœu pieux, mais j’aimerais que nous tirions la leçon de cette période, les deux ou trois dernières années, où nous n’avons pas su arrêter à temps les multiples dispositifs adoptés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1360 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Cet amendement vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2026 le dispositif de monétisation des RTT, introduit par la loi de finances rectificative 2022, afin de donner de la visibilité aux salariés et employeurs concernés. Cette mesure permet aux salariés de convertir leur RTT en rémunération, sachant que ces heures rachetées font l’objet d’un régime social et fiscal favorable. Ils peuvent ainsi augmenter leur salaire et améliorer leur pouvoir d’achat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette mesure, qui expire à la fin de 2025, visait aussi à soutenir le pouvoir d’achat dans un contexte de forte inflation. Alors que l’Insee indique que l’inflation est tombée à 1,1 %, il n’y a pas lieu de la prolonger. Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). A-t-on une idée de ce qu’a coûté cette mesure et de ce coûterait de sa prolongation éventuelle ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Non, on ne sait pas.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Cette mesure a un effet pervers : comme l’évolution des salaires est loin d’avoir suivi le rythme de l’inflation, les plus modestes sont contraints d’échanger du temps de vie libre contre une rémunération. (Exclamations.) Au Rassemblement national, vous vous en fichez car vous n’êtes pas concernés, mais il n’empêche que les gens ont le droit à une vie qui n’est pas faite que de travail. En les maintenant dans une situation où leurs moyens sont très réduits, on les oblige à aller travailler plus pour des salaires plus bas. C’est un appauvrissement de toute la classe populaire.
M. Gérault Verny (UDR). Cette mesure n’a que des effets bénéfiques. Premièrement, c’est une possibilité et non une obligation pour le salarié. Deuxièmement, elle engendre tout de même des rentrées fiscales et sociales supplémentaires, même si elle bénéficie d’un régime favorable. Tout le monde est donc gagnant : le salarié, l’entreprise et l’État. Il n’y a pas de coût.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, il nous reste 1 213 amendements à examiner. Nous sommes allés beaucoup plus vite aujourd’hui, mais nous devons encore accélérer. C’est pourquoi je vous invite notamment à éviter les redondances dans les présentations.
Amendements de suppression I-CF56 de M. Matthias Renault, I-CF570 de Mme Marie-Noëlle Battistel et I-CF1449 de Mme Julie Laernoes
M. Matthias Renault (RN). De notre point de vue, cet article n’a rien à faire dans le PLF pour 2025. Il instaure une taxe sur EDF en remplacement de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) à partir du 1er janvier 2026. Rappelons que l’Arenh est un mécanisme de spoliation d’EDF, fondé sur un marché administré. Dans un système presque pur et parfait de capitalisme de connivence, il donne accès au nucléaire historique à des opérateurs qui n’ont pas besoin de réaliser la moindre production. Nous demandons donc la suppression de ce cavalier législatif.
Mme Eva Sas (EcoS). Ma collègue Julie Laernoes propose cet amendement qui vise à supprimer un article instaurant un nouveau dispositif de redistribution des revenus du nucléaire en remplacement de l’Arenh. Selon nous, il n’est pas concevable d’étudier des mesures aussi complexes et importantes pour la politique énergétique, proposées à la surprise générale dans ce PLF présenté tardivement et aux délais d’examen extrêmement contraints.
En outre, cette réforme post-Arenh comporte des zones d’ombre, notamment concernant les seuils de taxation des revenus du parc nucléaire. Pourquoi le Gouvernement renvoie-t-il la fixation de ces seuils à un acte réglementaire, alors que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a estimé le coût complet du nucléaire à 60,70 euros du mégawattheure et que l’accord conclu avec EDF définit un prix de vente de référence pour le nucléaire autour de 70 euros du mégawattheure. Mon groupe demande donc que cette réforme soit discutée dans un texte spécifique à la politique énergétique et non dans un PLF.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il faudrait supprimer cet article au motif qu’il n’entre en vigueur qu’au 1er janvier 2026, ce qui nous laisserait le temps de discuter de cette réforme très importante. Il est vrai que nous légiférons dans des délais invraisemblables, sans réelles études d’impact. Il y a deux solutions : soit nous supprimons l’article, soit nous l’adoptons en ayant la possibilité de le modifier dans le PLF pour 2026. Pour ma part, je serais plutôt enclin à opter pour la deuxième hypothèse, en expliquant que nous avons adopté l’article sous toute réserve faute de temps pour un examen au fond, mais en demandant de plus amples explications. Comme les collègues qui se sont exprimés, je trouve désagréable que l’on nous demande de renvoyer au pouvoir réglementaire la définition des seuils de prix et autres. Malgré tout, je penche pour la deuxième hypothèse.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Une fois n’est pas coutume, monsieur le rapporteur général, je ne partage pas du tout votre analyse. Pour moi, cet article est évidemment un cavalier législatif. On ne peut pas traiter, au détour d’un PLF examiné dans un contexte politique et budgétaire difficile, de l’avenir à dix, vingt ou trente ans de la production électronucléaire française. Cette production, qui représente des dizaines de milliards d’euros de valeur économique par an, est le socle de notre économie et aussi, je le regrette, le pilier de l’équilibre du système électrique européen. Nous ne pouvons en discuter que dans le cadre d’un texte à part entière comme l’était la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (loi Nome), en ayant du temps pour débattre sur la base d’études d’impact. Tous les gens que j’ai interrogés, y compris des journalistes, n’ont pas compris mieux que moi ce que cet article venait faire dans le PLF. Et j’ai l’impression que le Rassemblement national n’est pas seul à avoir découvert sa présence le jeudi soir à vingt-deux heures.
Mme Eva Sas (EcoS). Moi non plus je ne partage pas l’avis du rapporteur général. Adopter cet article reviendrait à signer un chèque en blanc au Gouvernement qui pourrait agir par voie réglementaire et décider sans concertation ni transparence. À ce jour, nous n’avons aucun engagement du Gouvernement à débattre de ces éléments très importants pour la politique énergétique de la France. Nous maintenons notre amendement de suppression.
M. Philippe Brun (SOC). Il y a plusieurs raisons de s’opposer à l’article 4. Sur la forme, comme l’ont très bien expliqué les collègues, il est tout à fait cavalier d’introduire dans le PLF des dispositions qui devaient figurer dans un texte sur la souveraineté énergétique. Sur le fond, il est question ici de remplacer un mauvais système – l’Arenh et la loi Nome – par un très mauvais système d’une extraordinaire complexité. Le manque de prévisibilité du dispositif nuira à la compétitivité des entreprises françaises qui resteront largement exposées aux prix du gaz et du carbone sur lesquels sont indexés les prix de l’électricité. Le compte n’y est pas s’agissant de la stabilité et de la prévisibilité dont les producteurs et les consommateurs ont besoin. Nous souhaitons donc que ces dispositions soient discutées dans un texte ad hoc.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). N’oublions pas les délais dans lesquels ce texte nous a été transmis, qui ne nous permettent pas de faire un travail sérieux et satisfaisant. Il est important que la commission puisse prendre position, même si j’espère que nous en débattrons aussi dans l’hémicycle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis ouvert aux deux hypothèses. J’ajouterai un élément : le Sénat a adopté hier, avec le soutien du Gouvernement, une proposition de loi sur la programmation de l’énergie. Nous pourrions aussi rejeter cet article et demander au Gouvernement de le présenter sous forme d’amendement lorsque le texte du Sénat viendra en discussion à l’Assemblée. Est-ce que cela ne pourrait pas être une solution de synthèse ?
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 4 est supprimé et l’amendement I-CF1255 de Mme Mereana Reid Arbelot tombe.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet article vise notamment à tirer les conséquences de la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui nous a valu des débats passionnés sous l’ancienne législature. Je tenais à alerter la commission sur un point : les deux entités ne sont absolument pas prêtes pour cette fusion qui doit être opérationnelle au 1er janvier 2025. J’avais déposé un amendement visant à repousser l’échéance à la fin de 2025, afin de laisser plus de temps aux discussions salariales, à l’harmonisation, au règlement des problèmes informatiques, et j’en passe. Mon amendement a hélas été déclaré irrecevable alors qu’il crée une économie puisque le surcoût de la fusion est estimé à environ 20 millions d’euros en 2025. Je pourrai, si vous en êtes d’accord, soulever cette question lors du débat en séance sur l’article 5, pour avoir la réaction du ministre. Sous cette réserve, je suis favorable à l’article 5.
La commission rejette l’article 5.
Amendement de suppression I-CF1585 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet article présente les mêmes défauts que l’article 4, à commencer par son caractère de cavalier. Il tend à réformer un dispositif autorisé par la Commission européenne jusqu’en 2026 : il n’y a donc aucune raison ni urgence à le faire maintenant. Il s’agit de répartir les coûts du fameux mécanisme de capacité entre les utilisateurs du système électrique, qui atteignent jusqu’à 2 euros par mégawattheure, c’est-à-dire 5 % du prix de base du nucléaire, ce qui n’est pas du tout négligeable. Ce dispositif devrait lui aussi être intégré dans une loi de programmation énergétique ou dans une réforme de l’Arenh. En tout cas, il n’a absolument rien à faire dans le PLF.
En outre, nous restons dans cette logique de marché européen libéralisé de l’électricité qui n’incite pas le système électrique français et européen à avoir des capacités de production suffisantes pour assurer toujours un tarif de l’électricité bas, mais qui l’encourage au contraire à jouer avec la marge, quitte à frôler des prix surréalistes ou à effacer la consommation de nos industries, voire un jour celle de nos ménages. Nous sommes totalement défavorables à ce mécanisme dit de capacité qui, derrière un terme technique, consiste à faciliter la spéculation sur le marché de l’énergie. La seule façon d’avoir un système énergétique à coûts raisonnables est d’avoir suffisamment de centrales électriques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mes chers collègues, pour votre bonne information, je vais essayer de vous résumer ce qui est proposé dans cet article très complexe. Le mécanisme de capacité tend à garantir la sécurité d’approvisionnement du système électrique en période de pointe. Il rémunère les capacités de production, de stockage et d’effacement qui permettent d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité. L’existence d’un mécanisme de capacité est jugée utile et efficace. Le système actuel fonctionne selon un principe décentralisé où le fournisseur est tenu d’acheter des garanties de capacité auprès des producteurs, sous peine de pénalités.
L’article 6 propose un nouveau système, centralisé autour de Réseau de transport d’électricité (RTE). Une taxe est payée par les fournisseurs en fonction de leur consommation en période de pointe. Le produit de cette taxe est affecté à RTE, afin de payer les producteurs qui s’engagent à avoir des capacités disponibles en période de pointe. Voilà l’esprit de cette réforme : on passe d’un système de marché à un système totalement centralisé.
Pour ma part, j’émettrai des réserves importantes sur cet article pour des raisons un peu différentes de celles qui viennent d’être énoncées. Premièrement, je ne suis pas convaincu de la nécessité de recentraliser le mécanisme : il me semble que la nouvelle architecture est complexe et moins lisible pour le consommateur. Deuxièmement, le Gouvernement invoque l’urgence puisque ce mécanisme doit être considéré comme compatible avec le droit européen des aides d’État par la Commission européenne avant novembre 2026. L’urgence me paraît donc toute relative, alors que nous devons prendre le temps de discuter de ce mécanisme. En outre, ces dispositions pourraient aussi être intégrées par le biais d’amendements dans le nouveau texte qui vient d’être adopté au Sénat avec l’accord du Gouvernement, afin que nous puissions avoir une vision d’ensemble des problèmes énergétiques.
J’émettrai donc un avis favorable à l’amendement de suppression, en attendant que le Gouvernement nous donne plus d’explications sur le sujet, voire accepte d’en discuter dans le cadre des débats à venir sur la proposition de loi sénatoriale. À ce stade, je me demande d’ailleurs quelle note nous obtiendrions si nous devions, les uns et les autres, répondre à un questionnaire testant notre compréhension de cet article.
M. David Amiel (EPR). Que sommes-nous en train de faire ? Nous avons supprimé l’article 4, qui permettait une régulation du prix de l’électricité. À partir de 2026, nous n’aurons donc plus aucune régulation sur le marché de l’électricité. C’est quand même assez cocasse d’en arriver là à l’initiative de partis qui, généralement, ne défendent pas le libéralisme le plus total. Pour notre part, nous défendons une régulation du prix de l'électricité.
À présent, nous nous apprêtons à supprimer le mécanisme de capacité, c’est-à-dire ce qui permet de rémunérer nos installations pour pouvoir faire face aux pointes de charge sur le réseau. Nous mettons ainsi en cause la sécurité d’approvisionnement. À vous entendre, ce n’est pas grave de supprimer cet article puisque l’échéance est en 2026. Nous n’allons pourtant pas décider de l’organisation du système électrique français dans le PLF pour 2026, à trois semaines de son entrée en vigueur. C’est maintenant que l’ensemble du marché est en train de se structurer. Afin de ne pas être confrontés à un très grave problème de sécurité d’approvisionnement en 2026, nous devons faire preuve de responsabilité. Proposez des amendements de correction mais pas des amendements de suppression.
M. Philippe Brun (SOC). Monsieur Amiel, il y a quand même d’autres solutions que de voter pour ces dispositions qui n’ont rien de budgétaire ou fiscal dans le PLF ou de n’avoir aucune régulation d’ici à 2026. Rappelons que le projet de loi sur la souveraineté énergétique, qui devait être déposé en janvier, ne l’a jamais été car le Gouvernement a beaucoup procrastiné. Comme l’indique le rapporteur général, nous pouvons utiliser le véhicule législatif qu’est cette proposition de loi du Sénat. Nous ne refusons pas toute forme de nouvelle régulation post-Arenh en rejetant ces dispositions pour avoir un débat serein, intelligent et tenant compte du chaos actuel sur le marché européen de l’électricité et de ses effets : la baisse de compétitivité de notre pays ; les difficultés de nos industries dues à l’explosion des prix de l’électricité. En supprimant ces dispositions, nous prenons date pour un débat apaisé, serein et technique sur ces sujets en janvier.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il ne s’agit pas de supprimer tout le mécanisme et de susciter le chaos. Premièrement, le système de marché existant perdure jusqu’à la fin de l’année prochaine. Deuxièmement, nous pouvons intégrer ce sujet aux débats à venir sur la proposition de loi sur la programmation de l’énergie, adoptée au Sénat avec l’accord du Gouvernement. À force d’adopter des articles épars, auxquels on ne comprend d’ailleurs pas grand-chose, nous perdons la vision d’ensemble. Sans compter que cela soulève une grande question sous-jacente : faut-il abandonner le système de marché pour adopter un système centralisé ? La Cour des comptes nous a expliqué que le système actuel marche, malgré certains dysfonctionnements. Le système centralisé fonctionnera-t-il mieux ? Cela mérite un vrai débat. Il vaut mieux ne pas prendre des mesures par petits morceaux, au détour d’un article du PLF. Il est possible d’inscrire rapidement à l’ordre du jour la proposition de loi sénatoriale adoptée le 16 octobre. Nous pourrions ainsi travailler sur ce sujet très important.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1792 de M. David Amiel
M. David Amiel (EPR). Cet amendement technique vise à s’assurer que la nouvelle manière de financer le mécanisme de capacité ne se traduira pas par un surcoût pour le consommateur, en corrigeant une imprécision du texte sur la TVA qui transite par RTE.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable. Il s’agit de neutraliser la hausse de TVA supportée par RTE au titre de la réforme éventuelle du mécanisme de capacité par une baisse de l’accise sur l’électricité. La taxe supportée par les fournisseurs sera égale à la charge financière actuellement supportée dans le cadre du mécanisme de capacité, majorée de 20 % au titre de la TVA que RTE n’aura pas pu déduire et qui est assise sur ses achats de capacité. Au regard du coût estimé du mécanisme, la TVA non déductible supportée par RTE serait de l’ordre de 500 millions d’euros par an. Sans mesure correctrice, cette charge fiscale supplémentaire pèsera sur les fournisseurs qui pourront la répercuter sur les consommateurs. Selon les informations transmises par l’administration, cette hausse liée à la TVA non déductible pour RTE, à la fois sur le plan budgétaire et sur les prix, doit être « neutralisée intégralement », une baisse concomitante de l’accise sur l’électricité « étant privilégiée à ce stade » – ce qui veut dire que ce n’est pas encore décidé. Voilà pourquoi je suis favorable à cet amendement. Il n’en reste pas moins que le montant de la TVA va augmenter de 500 millions d’euros, abondant les recettes fiscales de l’État.
M. Matthias Renault (RN). Dans ce cas, allons au bout de la logique et refusons l’article 6. L’article 4 instaure une taxe sur EDF – il est d’ailleurs un peu curieux que l’État cherche à ponctionner des recettes sur une société dont les capitaux sont à 100 % publics. L’article 6, dans la même logique, augmente une taxe sur RTE. Vous vous opposez au contenu de l’article mais pas à l’article lui-même, ce que je ne comprends pas très bien.
La commission adopte l’amendement.
Elle rejette l’article 6.
Amendements de suppression I-CF65 de M. Matthias Renault et I-CF1589 de Mme Véronique Louwagie
M. Matthias Renault (RN). Nous sommes contre cette augmentation de la taxe sur l’électricité, position qui semble assez transpartisane puisque partagée par plusieurs groupes et certains macronistes.
M. Nicolas Ray (DR). Il faut revenir partiellement sur les mécanismes d’amortisseurs puisque les prix de l’électricité ont baissé, mais nous émettons des réserves sur cet article qui suscite de l’inquiétude et de l’incertitude étant donné la forte volatilité des tarifs de l’électricité. Même avec la baisse de 9 %, les tarifs restent supérieurs à ceux qui étaient pratiqués avant la crise ukrainienne, alors que les consommateurs et les entreprises ont déjà consacré beaucoup de leurs moyens à régler leur facture énergétique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons débattu de cette affaire avec les ministres. Tel que rédigé, l’article 7 nous fait déléguer une partie de notre pouvoir à l’exécutif : les droits d’accise pourraient être fixés par arrêté, et à un niveau qui pourrait même être supérieur à celui d’avant-crise. Interrogé sur le sujet, le ministre chargé du budget et des comptes publics m’avait pourtant indiqué clairement qu’il n’envisageait pas d’augmenter de droit d’accise au-delà de son niveau de 2019. Dans mon amendement I-CF1864, je propose donc de plafonner le droit d’accise à 35 euros.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je voterai pour les amendements de suppression, pour deux raisons. Premièrement, on s’aperçoit que la plupart des Français acquitteront une part plus importante que les ultrariches de l’imposition supplémentaire. Deuxièmement, cet article ne porte pas sur un montant de 3 milliards d’euros comme annoncé, mais d’au moins 6 milliards.
Il s’agit de supprimer la majoration du tarif normal de l’accise sur l’électricité visant à compenser la débudgétisation de la péréquation tarifaire pour les zones non interconnectées (ZNI) – Corse, outre-mer. Jusqu’en 2025, cette péréquation était supportée par le budget de l’État. Pour 2025, le Gouvernement propose de la reporter sur tous les consommateurs. Si la mesure du Gouvernement était adoptée, les factures d’énergie des consommateurs n’augmenteraient pas de 3 milliards d’euros comme annoncé, mais au moins de 6 milliards, comme relevé dans plusieurs articles de presse.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le président, le Gouvernement a pris un engagement : le droit d’accise ne remontera pas au-delà de son niveau de 2019 ; le tarif TTC baissera de l’ordre de 9 %. C’est écrit dans le PLF. Pour ma part, je vous propose de retirer ces amendements de suppression, d’adopter le mien, et de demander au Gouvernement de réitérer son engagement de manière solennelle en séance publique.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous sommes favorables à la suppression de l’article : cette hausse de taxe sur l’électricité est insupportable et insoutenable pour les Français. Même si la baisse relative du tarif de l’électricité advenait comme promis, ce qui n’est pas certain, nos compatriotes seraient en difficulté : 12 millions d’entre eux vivent en état de précarité énergétique ; la moitié a du mal à payer ses factures ; 86 % des gens, notamment les jeunes, sont obligés de baisser leur consommation d’électricité en hiver parce qu’ils n’ont pas les moyens de se chauffer. Une petite évolution à la baisse ne réglerait pas le problème. Il faut donc que cette taxe disparaisse.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je me réjouirais de voir qu’une majorité se dégage pour supprimer ces taxes injustes au possible : elles s’appliquent à l’énergie, un bien indispensable ; elles sont déjà très lourdes et frappent plus durement les classes populaires et moyennes que les personnes les plus favorisées ; nos concitoyens ne se sont toujours pas remis du choc de l’hyperinflation. Sur France Inter, le patron de Carrefour expliquait ce matin que la déconsommation alimentaire n’avait pas baissé, que les gens avaient sacrifié des biens essentiels de qualité – fruits, légumes, poisson, viande – pour se tourner vers des produits de moindre qualité et réussir à se chauffer. Les Français ne peuvent pas se permettre ces hausses de taxes. Si la facture d’électricité baisse de 15 %, ils ne l’auront pas volé.
Monsieur le rapporteur, vous pourrez peut-être m’éclairer sur un point sur lequel je n’ai pas réussi à avoir une réponse de Bercy. Avant les accises sur l’électricité, il y a un tableau où figurent les droits sur d’autres énergies. La hausse de 1 milliard d’euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), que je ne m’explique pas du tout, serait-elle due à une variation de ces autres droits ?
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Nous sommes nombreux à considérer qu’il s’agit d’un sujet extrêmement important pour nos concitoyens, le coût de l’énergie ayant des conséquences directes sur leur pouvoir d’achat.
Ces dispositions, très complexes, ont été largement commentées dans la presse. Or supprimer cet article nous empêcherait d’en discuter et d’éclairer le débat. C’est choquant. Je demande donc à nos collègues de retirer ces amendements de suppression afin de pouvoir débattre.
Sur le fond, soyons raisonnables. On peut discuter de la pertinence du niveau des tarifs d’accise. Selon moi, revenir aux tarifs en vigueur avant que le Gouvernement ne mette en place un mécanisme protecteur pour nos concitoyens est la moindre des choses – je ne suis pas favorable à ce que l’on aille au-delà. Tous ceux qui s’alarment désormais du montant de la dette et qui nous reprochent de ne pas avoir su sortir du « quoi qu’il en coûte » souhaitent pourtant la prolongation des dispositifs quatre ans après le début de la crise.
M. Nicolas Ray (DR). Nous allons retirer notre amendement d’appel, qui avait pour objet de pointer la vive inquiétude de la population s’agissant des conséquences éventuelles de cet article sur les prix de l’électricité.
Nous attendons davantage de précisions d’ici à la séance. Nous voterons peut-être en faveur de l’amendement du rapporteur général et de celui de notre collègue Jean-Didier Berger qui prévoient un plafonnement, donc des garanties.
M. le président Éric Coquerel. Je reprends l’amendement I-CF1589.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les recettes de la TICPE sont globalisées dans le budget général. Elles passeraient de 10,380 milliards à 17,583 milliards. Quand on baisse le prix d’un bien, sa consommation augmente. Le Gouvernement envisage une baisse de 9 % du prix de l’électricité, ce qui pourrait conduire à une augmentation de la consommation comprise entre 3 et 4 %.
Que cet article soit supprimé ou non, nous aurons un débat en séance publique – ce que tout le monde souhaite – puisque la discussion porte sur le texte du Gouvernement. Mais d’ores et déjà, je vous invite plutôt à adopter mon amendement I-CF1864.
Mme Eva Sas (EcoS). La suppression de cet article, implique-t-elle celle de l’augmentation des tarifs d’accise sur le fioul et le pétrole ?
Notre groupe ne souhaite pas, en effet, une hausse de la tarification de l’électricité car nous sommes favorables à une plus grande utilisation de cette énergie. Plus globalement, nous nous opposons à une augmentation de la fiscalité de l’énergie car, dans le même temps, le Gouvernement coupe dans les crédits destinés à MaPrimeRénov’, privant ainsi les Français des moyens de faire des économies d’énergie.
M. David Amiel (EPR). Avec les amendements I-CF1087 et I-CF1785 qui seront discutés ensuite, nous proposons une approche très similaire à celle du rapporteur général. L’idée est de sortir du bouclier tarifaire, dispositif de crise qui se comprenait dans un contexte de prix de marché exceptionnellement élevés et qui coûte 6 milliards. Désormais, les prix diminuent et il est logique d’en tenir compte pour nos finances publiques. L’inverse serait irresponsable.
En revanche, contrairement à ce que propose le Gouvernement, nous ne sommes pas favorables à une augmentation supplémentaire de la fiscalité. Cela irait à l’encontre de la transition énergétique et des efforts que nous devons faire pour préserver les classes populaires et moyennes des augmentations d’impôts.
C’est la raison pour laquelle mon amendement prévoit que le tarif normal n’excède pas 32 euros par mégawattheure – soit un tarif très légèrement inférieur à celui retenu par le rapporteur général, qui tient compte de l’inflation. Cette voie moyenne consiste tout simplement à revenir à la situation qui prévalait avant la crise.
M. Michel Castellani (LIOT). Nous comprenons tous que l’effort de maîtrise budgétaire est nécessairement douloureux. Doit-il pour autant passer par le prix de l’électricité ? Je n’en suis pas convaincu.
Cette énergie est au cœur de la vie économique et sociale. L’augmentation proposée touchera tous les ménages de manière indiscriminée, mais aussi l’ensemble des entreprises. C’est pour le moins contestable s’agissant du pouvoir d’achat des ménages, sans même parler des conséquences sur la compétitivité des entreprises – avec des répercussions en cascade sur la production, le commerce extérieur et les rentrées fiscales.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Madame Sas, les tarifs apparents baissent car, avec la mutualisation, on en revient aux tarifs précédents.
Mon amendement prévoit un tarif de presque 35 euros par mégawattheure, et non de 32 euros, parce que j’y intègre le montant de la contribution des gestionnaires de réseaux au financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale.
La commission adopte les amendements I-CF65 et I-CF1589.
En conséquence, l’article 7 est supprimé et les autres amendements portant sur l’article tombent.
Amendement I-CF1701 de M. David Amiel
M. David Amiel (EPR). Cet amendement vise à encourager l’autoconsommation en matière d’énergie solaire, car nous sommes très en retard par rapport aux préconisations de Réseau de transport d’électricité (RTE). Nous proposons donc d’instaurer un taux réduit de la TVA sur l’installation et la pose des installations concernées jusqu’à 9 kilowatts-crête. Le coût pour le budget serait extrêmement limité puisque la mesure réduirait les obligations d’achat pesant sur EDF et les opérateurs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’acquisition et l’installation de panneaux photovoltaïques ne bénéficient pas du taux de 5,5 % de la TVA applicable aux travaux de rénovation énergétique – à la différence des équipements fonctionnant à l’énergie solaire et directement dotés de capteurs solaires.
Un taux de 10 % s’applique sur les installations photovoltaïques d’une puissance inférieure à 3 kilowatts-crête – qui permettent d’alimenter une maison de 100 mètres carrés fonctionnant entièrement à l’électricité.
De plus, la transmission aux prix d’une baisse de la TVA est toujours incomplète, et il existe déjà un grand nombre de dispositifs de soutien au photovoltaïque : une prime à l’autoconsommation photovoltaïque pour les résidences principales comme secondaires, accordée sans condition de revenus ; l’éco-PTZ, qui a été prorogé jusqu’à la fin de 2027 ; des aides des collectivités ; des aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), couvrant jusqu’à 50 % des travaux ; l’aide « Habiter mieux », cumulable avec celles de l’Anah, pour 10 % du montant de l’investissement ; une exonération d’impôt sur le revenu sur la vente du surplus d’électricité pour les installations d’une puissance inférieure à 3 kilowatts-crête ; enfin, les équipements fonctionnant à l’énergie solaire et les panneaux d’une puissance de moins de 3 kilowatts-crête bénéficient d’une TVA à 10 %.
En outre, la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a prévu plusieurs mesures pour favoriser le développement de la filière photovoltaïque, avec l’objectif de multiplier par huit notre capacité de production d’énergie solaire en 2050. Il s’agit de simplifier la procédure pour les projets au sol de petite taille et de faciliter l’installation de panneaux aux abords des autoroutes et routes à grande circulation. La loi impose également d’équiper les parkings extérieurs de plus de 1 500 mètres carrés en ombrières photovoltaïques sur au moins la moitié de leur surface.
Est-il utile d’ajouter une mesure supplémentaire ?
Avis défavorable.
M. David Amiel (EPR). Il s’agit aussi d’une mesure de simplification, dans la mesure où il existe un effet de seuil autour de 3 kilowatts-crête, ce qui conduit à sous-dimensionner beaucoup de projets et à des coûts supplémentaires de transport d’énergie sur le réseau.
La commission adopte l’amendement I-CF1701.
Amendement I-CF1439 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement vise à instaurer une taxe sur les opérations spéculatives d’achat et de revente d’électricité, sur le modèle de la taxe sur les transactions financières (TTF) – que nous proposons aussi d’augmenter.
Ces activités de trading d’énergie sont extrêmement lucratives, comme on a pu le constater lors de la crise des prix de l’électricité en 2022 et 2023. Les bénéfices réalisés à ce titre par le groupe Engie ont augmenté de 67 %, et il en est de même pour TotalEnergies et d’autres grandes sociétés.
La fameuse contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim) avait pour défaut de frapper les producteurs. Avec notre dispositif, nous rétablissons la justice en nous en prenant aux spéculateurs, ceux qui échangent des quotas d’énergie sur le marché européen de l’électricité. Cette taxe, dont le rendement serait d’environ 333 millions d’euros, serait sans conséquences pour les producteurs d’énergie et pour l’investissement dans la transition énergétique.
M. Charles de Courson (LIOT). Il est douteux que le taux de 0,3 % que vous proposez suffise à décourager des pratiques spéculatives, qui peuvent être extrêmement lucratives.
Le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) a favorisé des comportements opportunistes, voire des pratiques spéculatives, de la part de certains fournisseurs alternatifs lors des phases de hausse des prix, notamment en 2017-2018 et en 2022. Mais la disparition de l’Arenh le 1er janvier 2026 devrait mettre fin à ces comportements.
Cette taxe arrive trop tard.
La commission adopte l’amendement I-CF1439.
Amendement I-CF1759 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous proposons de taxer une autre rente, liée à l’utilisation des réseaux numériques payés par les factures des Français et par le contribuable.
Seulement cinq entreprises multinationales, notamment américaines, utilisent plus de 50 % de la bande passante. Nous voulons qu’elles contribuent au financement des infrastructures. Il n’y a aucune raison que des multinationales privées les utilisent sans aucunement contribuer. Imagine-t-on les poids lourds emprunter les autoroutes ou les fournisseurs d’électricité utiliser RTE sans payer ?
De nombreuses forces politiques ont discuté de cette question depuis des années, mais l’on ne met jamais les pieds dans le plat. Il est temps que les Gafam et Netflix paient enfin leur juste part pour utiliser les réseaux numériques français. Cette contribution rapporterait 750 millions, presque exclusivement en devises étrangères.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est une idée intéressante, qui est évoquée depuis plusieurs années. Mais la contribution telle qu’elle est proposée imposerait une charge administrative tentaculaire pour assurer le suivi de la quantité d’informations transmise par chaque fournisseur de contenus sur internet.
Il faut sans doute innover dans ce domaine, comme nous l’avons fait avec la taxe sur les services numériques, dite « taxe Gafa ». La rédaction de l’amendement mérite d’être revue d’ici à la séance.
Demande de retrait.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Ce débat est légitime et, comme vient de le suggérer le rapporteur général, ces grandes entreprises devraient contribuer davantage au budget de l’État. Elles payent déjà un certain nombre d’impôts et il faut souligner que, depuis 2019, elles sont redevables de la taxe sur les services numériques. La France est d’ailleurs pionnière en la matière. Très peu d’États ont adopté une telle taxe.
Cette « taxe Gafa » est également perfectible. Il faudra peut-être se poser la question de son taux. Mais, en tout cas, la France n’est pas en retard dans la juste contribution des grandes entreprises du numérique.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai soutenu la « taxe Gafa », mais en l’occurrence je propose autre chose. Il s’agit de faire contribuer ceux qui utilisent des infrastructures financées par l’État. Le déploiement de la fibre dans la Somme est par exemple essentiellement payé par les contribuables.
Le dispositif proposé peut bien entendu être amélioré, mais l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) publie chaque année un rapport qui s’appuie sur les données fournies par les quatre principaux fournisseurs d’accès à internet (FAI), lesquels savent très bien d’où viennent les données qui empruntent la bande passante. Cet amendement repose sur le travail réalisé par l’Arcep et les FAI, qui sont capables de transmettre les informations nécessaires au ministère des finances.
Je serais curieux de savoir ce que la gauche pense de cette utilisation des biens publics.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Contrairement au rapporteur général, je ne pense pas qu’il soit impossible de collecter un tel impôt. Dans le numérique, toutes les données sont disponibles et il suffit de mettre en place un algorithme pour pouvoir facturer ensuite l’utilisation des réseaux.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas ce que j’ai dit.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). J’abonde dans le sens du rapporteur général : si l’idée d’une contribution est bonne, il sera en pratique très difficile de mesurer les volumes de données, même avec un algorithme. Ce n’est pas facile et j’en parle en connaissance de cause.
On pourrait asseoir cette contribution directement sur le chiffre d’affaires réalisé, qui est plus représentatif du bénéfice tiré de l’utilisation des réseaux.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF1200 de M. Nicolas Ray et I-CF1647 de M. Mathieu Lefèvre
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à revenir sur l’extension aux carburants d’aviation de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (Tiruert). Cette taxation avait du sens quand elle a été conçue en 2022. Il s’agissait de stimuler l’utilisation de carburants d’aviation plus durables.
Un règlement européen a depuis lors été adopté et il entrera en vigueur le 1er janvier 2025. L’extension de la Tiruert fait doublon avec ce règlement, qui va plus loin pour inciter à incorporer davantage les carburants de nouvelle génération. Les compagnies aériennes font déjà des efforts pour renouveler leur flotte avec des avions qui consomment moins. Elles vont en outre subir la nouvelle taxe sur les billets.
Il s’agit d’un amendement de bon sens, qui ne serait pas très coûteux puisque le rendement de la Tiruert était relativement faible.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Le contexte a changé par rapport à 2022 en raison de l’augmentation prévue de la taxe sur les billets d’avion. Cela va faire peser un risque sur la compétitivité de nos compagnies aériennes.
Par ailleurs, en maintenant la Tiruert nous allons à rebours des grands pays développés, qui mettent en place des crédits d’impôt pour développer des carburants aériens durables.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il est exact que cette taxe n’est pas l’outil le plus efficace. Prévoir un taux obligatoire d’incorporation de biocarburants l’est bien davantage. Afin d’éviter les distorsions de concurrence intraeuropéenne, l’Union européenne a commencé à le faire. Le taux d’incorporation est désormais de 2 %, relativement modeste mais qui doit augmenter. Cependant, je ne suis pas favorable à une exonération complète de la Tiruert pour les carburéacteurs.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF870 de Mme Marianne Maximi
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer la niche fiscale sur les biocarburants de première génération, tels que le biogazole et le bioéthanol. Il s’agit de mettre fin au soutien de la puissance publique à ces biocarburants.
D’une part, ces derniers sont issus de produits agricoles qui pourraient être utilisés pour l’alimentation, sachant que la moitié de notre population se prive. D’autre part, ces biocarburants n’ont aucun effet sur les émissions de gaz à effet de serre, puisque leur production implique une déforestation. On perd donc d’un côté ce que l’on gagne de l’autre.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement propose d’exclure les quantités d’énergie issues de matières premières alimentaires du calcul de la Tiruert. Ces quantités sont prises en compte dans le calcul des objectifs de la taxe, dans la limite de 7 % pour les essences et les gazoles.
Premièrement, il faudrait savoir ce que l’on entend par matières premières alimentaires. Incluez-vous les betteraves ? Ou les graisses alimentaires usagées ? La rédaction mérite d’être améliorée.
Deuxièmement, votre proposition est trop brutale. Elle mettrait en difficulté les filières agricoles concernées, en plus d’augmenter le coût des carburants.
Troisièmement, des plafonds par type de cultures existent déjà. Par exemple, aucune quantité d’énergie issue de la palme ou du soja ne peut être prise en compte dans le calcul de la Tiruert. Pour ce qu’il est convenu d’appeler les égouts pauvres issus des plantes sucrières, les quantités d’énergie prises en compte sont limitées à 1,1 %.
J’ajoute enfin que ceux qui ont longtemps cru que le développement des biocarburants se ferait au détriment de l’alimentation et organiserait la famine dans le monde se sont complètement trompés. Près de 25 % de la production française de betteraves à sucre est transformée en bioéthanol et ce taux se situe entre 10 et 15 % pour les céréales. Or il n’y a pas de pénurie alimentaire en Europe, laquelle exporte beaucoup.
Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement pourrait emporter l’adhésion s’il était plus précis s’agissant de l’interdiction d’importations. Un récent scandale a ainsi montré que l’on importait d’Asie de fausses huiles usagées qui sont en réalité de l’huile de palme issue de la déforestation.
Mais en interdisant de recourir à des betteraves produites nationalement, vous choisissez la politique du pire. Il est en effet préférable d’incorporer des biocarburants pour faire fonctionner les moteurs thermiques. En outre, cela revient moins cher aux classes populaires que les carburants fossiles purs.
Un consensus pourrait se dégager en séance si votre dispositif était plus ciblé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1871 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans son rapport sur les certificats d’économie d’énergie (CEE) présenté en septembre dernier devant notre commission, la Cour des comptes dresse un constat particulièrement critique de ce dispositif qui vise à répondre aux obligations de la France en matière d’efficacité énergétique.
Le dispositif des CEE consiste, par un mécanisme de marché, à obliger les fournisseurs d’énergie et les vendeurs de carburants automobiles, les « obligés », à soutenir des actions d’économies d’énergie afin d’atteindre un objectif global pluriannuel réparti entre eux en fonction de leur volume de vente auprès des particuliers et des entreprises tertiaires, sous peine de sanction.
Le mécanisme des CEE semble en première analyse contraindre les fournisseurs d’énergie à financer des économies d’énergie. Mais en pratique, ceux-ci répercutent les coûts nécessaires à l’obtention des certificats dans leurs prix de vente. Il en résulte que le coût associé aux CEE, qui se serait élevé en moyenne annuelle à 6 milliards d’euros en 2022 et 2023 selon la Cour des comptes, est supporté en définitive par les ménages et les entreprises du secteur tertiaire. La Cour des comptes a estimé que le coût annuel moyen pour un ménage s’est élevé à 120 euros en 2022 et à 164 euros en 2023. Les CEE représentaient ainsi 3,3 % de la facture énergétique des ménages en 2022 et 4,3 % en 2023.
En outre, leur efficacité est incertaine : les résultats affichés sont issus de calculs théoriques, qui ne sont jamais vérifiés. Ainsi, la Cour des comptes considère que les économies d’énergie présentées par le Gouvernement sont surévaluées d’au moins 30 % pour 2022 et 2023.
Alors que l’article L. 100-1 A du code de l’énergie prévoit que le Parlement fixe à partir du 1er juillet 2023 pour une période quinquennale les niveaux minimal et maximal des obligations d’économies d’énergie, aucun texte n’a été adopté en ce sens. C’est donc l’administration qui les fixe, alors qu’il s’agit d’un pouvoir du Parlement.
Pour atteindre les objectifs de la France en matière d’économies d’énergie fixés à l’horizon 2030, un doublement de l’obligation actuelle serait envisagé par le Gouvernement lors de la prochaine période de 2026 à 2030. Le surcoût annuel d’une telle hausse pour un ménage est estimé par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) entre 150 et 200 euros selon le mode de chauffage.
Au regard du poids financier du dispositif pour les ménages et les entreprises, le I du présent amendement prévoit que, dans l’attente de l’entrée en vigueur de la loi relative à la politique énergétique prévue par la loi dite « énergie-climat » du 8 novembre 2019, le Parlement détermine chaque année les niveaux minimal et maximal des obligations d’économie d’énergie au titre des CEE.
Afin d’assurer la recevabilité de cet amendement au regard de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, le II prévoit une augmentation mineure du versement libératoire prévu à l’article L. 221-4 du code de l’énergie, qui constitue bien une imposition de toute nature – on pourra se référer par analogie à la décision n° 2010-84 QPC du 13 janvier 2011.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je me souviens de l’audition et du rapport édifiants de la Cour des comptes sur les CEE.
Votre amendement est-il issu d’une recommandation de la Cour ?
A-t-il un effet sur les finances publiques ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. La Cour des comptes a constaté que la loi n’avait pas été respectée, puisque le Parlement n’avait jamais fixé les plafonds. Il est tout de même extraordinaire que ce soit le ministre chargé de l’énergie qui le fasse. Les CEE représentent environ 6 milliards d’euros. C’est énorme et il semblerait que l’on veuille les porter progressivement à 12 milliards, sans que le Parlement l’autorise.
Pour tout vous dire, je me suis même demandé si les CEE ne relevaient pas des impositions de toute nature. Quoi qu’il en soit, la loi dispose qu’il revient au Parlement d’en fixer les niveaux minimal et maximal, ce qui n’a jamais été fait.
M. David Amiel (EPR). Si l’amendement était adopté, quelle serait l’articulation avec les programmes de CEE en cours ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi prévoyait que le Parlement détermine le niveau des CEE de manière pluriannuelle afin de les moduler, ce qui paraît de bon sens.
L’amendement dispose pour l’avenir, pas pour le passé.
Il faut tout de même rappeler quelle est la loi aux administrations et au ministre chargé de l’énergie. Le mécanisme des CEE est prévu par le droit communautaire.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Notre groupe votera pour cet amendement. Le rapport de la Cour des comptes avait d’ailleurs été demandé par le groupe Rassemblement national car nous sentions qu’il y avait un loup.
Cela étant, nous estimons qu’il faudrait s’orienter vers la suppression du dispositif des CEE, qui ne fonctionne pas. L’argent pourrait être mieux employé, plus directement et sans recourir à des dispositifs qui ont de toute évidence failli, comme l’a montré le rapport de la Cour des comptes.
M. le président Éric Coquerel. L’audition de la Cour des comptes était très éclairante et je voterai également pour l’amendement. Il permet au Parlement, en matière d’économies d’énergie, de déterminer des niveaux minimal et maximal. C’est une sorte de planification et cela me convient bien.
La commission adopte l’amendement I-CF1871.
Amendement I-CF896 de M. Aurélien Le Coq
M. Charles de Courson, rapporteur général. Supprimer dès 2025 le tarif réduit d’accise pour le gazole non routier (GNR) non agricole serait une mesure extrêmement brutale pour le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP), alors qu’il traverse une crise sans précédent. Environ 60 000 emplois y ont déjà été perdus depuis le début de l’année.
Une trajectoire de hausse de l’accise sur le GNR jusqu’en 2030 a été décidée l’an dernier. Il convient de la préserver pour donner de la visibilité à ses bénéficiaires.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF864 de M. David Guiraud
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). La France suffoque, au point qu’on compte chaque année environ 50 000 décès prématurés liés à la pollution de l’air par des particules fines et par les plastifiants rejetés par les moteurs diesel.
Et pourtant, nous faisons un cadeau fiscal aux transporteurs routiers qui s’est élevé à quasiment 1 milliard d’euros en 2019 du fait des allégements et dégrèvements de TICPE. C’est un non-sens politique, financier et environnemental.
C’est aussi une injustice envers les ménages, qui payent plein pot le carburant pour leur véhicule.
Enfin, c’est une injustice par rapport à d’autres secteurs – comme les travaux publics – qui, eux, ne peuvent pas être remplacés par le fret ferroviaire et dont les entreprises ont absolument besoin d’engins à moteur thermique. Cela dissuade les affréteurs d’utiliser le rail, tandis que le fret ferroviaire est abandonné en France, sur injonction de l’Union européenne.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est une affaire difficile.
L’amendement propose de relever le tarif réduit d’accise sur le gazole pour le transport routier de marchandises, lequel bénéficie d’une accise de 45,19 euros par mégawattheure, alors que le taux normal est de 59,40 euros. Ce relèvement serait progressif, avec 2 euros en 2025 et 2 euros en 2026.
Quelques remarques.
Le transport routier français est en difficulté. Il a perdu 30 % de parts de marché en trente ans, et n’en détient plus que 35 %.
Il fait également face à une hausse de ses charges, en raison de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, instaurée l’an dernier, et de la possibilité pour les régions de mettre en place une tarification de l’usage des routes par les poids lourds, comme c’est déjà le cas en Alsace et sera également le cas dans deux ans dans la région Grand Est.
La hausse que vous proposez se répercutera sur les prix à la consommation et se traduira par une perte de pouvoir d’achat pour les plus modestes.
La décarbonation du secteur des transports est déjà favorisée par la taxe incitative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (Tiruert), qui permet une hausse progressive de la quantité de biocarburants incorporés dans les carburants mis à la consommation.
Cette augmentation ne serait pas raisonnable en l’état actuel du marché. Demande de retrait.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Je le maintiens. Le report sur le coût des marchandises, donc des produits finaux, aurait pour vertu de relocaliser la consommation et la production, au lieu d’inciter des camions à parcourir des milliers de kilomètres – si l’on tient compte de tous les composants, y compris ceux du contenant, un yaourt franchit 2 000 kilomètres pour arriver sur notre table.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le report se fera non vers le rail, mais vers les transporteurs routiers étrangers. Nous pourrions parler du problème du transport de marchandises par la SNCF, hélas non compétitif dans bien des secteurs, ce qui explique l’effondrement de la part du rail dans le fret de marchandises.
M. le président Éric Coquerel. En matière de compétitivité, je doute que la dislocation de Fret SNCF arrange la situation. J’espère qu’elle sera évitée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1225 de M. Fabrice Roussel
M. Mickaël Bouloux (SOC). Il vise à supprimer le tarif réduit sur l’électricité pour les aérodromes, qui comprennent les aéroports.
Alors que la politique française en matière de mobilité vise à favoriser le train par rapport à l’avion, le maintien de telles exonérations constitue une subvention supplémentaire au secteur de l’aviation et empêche une concurrence équitable entre moyens de transport. De plus, les aéroports sont très souvent gérés par des entités privées.
Certes, cette mesure n’est pas le Grand Soir : elle ne rapporterait que 4 millions d’euros. Mais cette somme pourrait être affectée aux fonds de compensation des nuisances aéroportuaires (FCNA).
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement peut séduire, mais le tarif réduit introduit en loi de finances pour 2022 avait pour but d’inciter les compagnies aériennes à s’approvisionner en électricité au sol plutôt qu’en vol. En effet, en vol, l’électricité est produite à partir des moteurs, qui fonctionnent au kérosène. Votre amendement est donc antienvironnemental. C’est une fausse bonne idée.
Mme Eva Sas (EcoS). On entend souvent cet argument de l’électrification des usages dans les aéroports. Mais pourquoi faire bénéficier ces derniers d’un tarif spécial alors que l’électrification est censée être promue dans tous les secteurs ? Dans ce cas, il faudrait les exonérer tous.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous avez raison. Nous avons le même problème avec les navires de croisière : ils empestaient les ports d’escale parce qu’ils avaient davantage intérêt à produire l’électricité avec leur fioul lourd ; maintenant que c’est interdit, ils s’approvisionnent en électricité dans les ports où ils se trouvent. Cela leur coûte un peu plus cher, mais l’électricité est beaucoup plus verte.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF874 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1850 de M. Mickaël Bouloux, amendement I-CF579 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). En cette Journée mondiale du refus de la misère où nous laissons filer les milliards, récupérons-en quelques-uns en supprimant la niche fiscale sur le kérosène aérien, injuste socialement et profondément antiécologique.
La SNCF s’acquitte de taxes sur l’électricité, mais les compagnies aériennes profitent d’une véritable aubaine fiscale. Le kérosène est le seul carburant à ne pas être taxé.
En juillet 2023, l’ONG Transport & Environment a calculé le manque à gagner des États du fait des différentes exonérations dont bénéficie l’industrie de l’aviation, sur le kérosène mais aussi sur la TVA ou la taxe sur les billets. L’État français s’est ainsi privé de 4,7 milliards d’euros en 2022, dont 1,94 milliard du seul fait de la taxe sur le kérosène.
L’avion est pourtant le moyen de transport le plus polluant. Son impact sur le climat a doublé en vingt ans et pourrait tripler d’ici à 2050. Il représente 7 % des émissions totales du pays et 16 % des émissions du secteur du transport.
M. Mickaël Bouloux (SOC). La non-taxation du kérosène n’encourage pas les solutions alternatives. Monsieur le rapporteur général, si les avions s’approvisionnent en électricité en vol à partir du kérosène, c’est parce que celui-ci est détaxé. Dans ces conditions, on ne voit pas comment il serait possible d’encourager le développement des biocarburants de troisième génération, qui ont l’avantage de ne pas être en concurrence avec l’alimentation, mais qui ne sont pas encore rentables. Le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) et l’Ifpen (Institut français du pétrole et des énergies nouvelles) sont à la pointe de la recherche dans ce domaine.
L’amendement I-CF579 est de repli : supprimons au moins la détaxation pour les jets privés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements, déposés tous les ans depuis quinze ou vingt ans, sont contraires, s’agissant des vols internationaux, à la convention de Chicago de 1944, qu’il ne serait pas simple de renégocier. Le droit national, lui, ne fait pas obstacle à l’adoption de la mesure à l’intérieur du pays, mais n’oubliez pas la Corse ni les territoires d’outre-mer – nos collègues qui y sont élus ne vous féliciteront pas de faire exploser le prix des billets d’avion. Il serait également possible d’agir dans le cadre d’un accord communautaire, mais nous n’en sommes pas là.
En attendant, je ne peux que donner un avis défavorable.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Vous nous opposez toujours ce qui risque de se passer si nous votons tel ou tel amendement. Votons, commençons quelque chose ; il sera plus facile de négocier sur une base concrète.
Mme Eva Sas (EcoS). J’ai retiré l’amendement identique que j’avais déposé parce que l’exonération de l’ensemble des vols internationaux est rendue en effet impossible par la convention de Chicago. En revanche, elle est tout à fait possible sur les vols intérieurs. J’invite donc la commission à voter l’amendement I-CF579. Cette niche insupportable offre un véritable petit paradis fiscal au secteur aérien, qui bénéficie déjà de la TVA à taux réduit sur les vols intérieurs et de l’exonération de TVA sur les vols internationaux.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF18 de Mme Nicole Le Peih
Mme Nicole Le Peih (EPR). Il s’agit d’étendre aux fabricants de chips installés en France le tarif réduit de l’accise sur les gaz naturels.
C’est une question de justice fiscale : ils sont les seuls producteurs de légumes déshydratés à ne pas en bénéficier. Leurs concurrents en Europe, comme le groupe américain PepsiCo, propriétaire de la marque Lays et implanté en Belgique, ont déjà droit à un taux équivalent au tarif réduit français, ce qui crée une distorsion de concurrence. Dans le secteur de l’agroalimentaire, où les marges sont traditionnellement serrées, cet écart devient crucial pour la compétitivité de nos entreprises. Le haut-commissaire au plan avait d’ailleurs déjà souligné cette incohérence.
Derrière chaque paquet de chips fabriqué en France, il y a des centaines de producteurs de pommes de terre des Hauts-de-France, de Bretagne, de Normandie, d’Île-de-France et de bien d’autres régions, des emplois, de l’innovation et un savoir-faire unique. D’un coût maximal de 4 millions d’euros, cette mesure serait bénéfique pour notre agriculture, car elle permet de soutenir nos producteurs, et pour notre économie, en renforçant la compétitivité de nos industries locales.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Depuis 2019, la déshydratation de légumes et plantes aromatiques bénéficie d’une accise réduite sur le gaz, égale à 1,60 euro par mégawattheure, pour autant que l’intensité énergétique appréciée sur ces seules consommations dépasse un certain seuil. Vous proposez d’étendre ce dispositif aux pommes de terre pour favoriser les fabricants de chips français.
Il est effectivement bizarre qu’ils n’aient pas été intégrés dans le dispositif. Selon la fédération des producteurs de pommes de terre, l’industrie des chips en France a longtemps été faible, ce qui expliquerait qu’elle n’ait pas demandé auparavant à bénéficier de la mesure. Ce n’est plus le cas : la production et les usines de transformation se développent beaucoup dans notre pays, surtout dans le Nord-Pas-de-Calais ou le Grand Est, et de nouvelles usines se sont implantées récemment.
Pour la réindustrialisation de la France, cet amendement va dans le bon sens. Avis favorable.
Mme Nicole Le Peih (EPR). Il s’agit bien d’un investissement !
La commission adopte l’amendement I-CF18.
Amendement I-CF1224 de M. Fabrice Barusseau
M. Philippe Brun (SOC). Il vise à supprimer le tarif réduit de l’accise sur l’électricité consommée par les centres de stockage physique, de traitement, de transport et de diffusion de données numériques.
Compte tenu de la croissance de la pollution associée aux data centers, il n’est plus possible d’accorder à ce secteur une réduction d’impôt relative à l’énergie qu’il consomme.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
La mesure n’aurait pas d’incidence avant 2026 : le PLF reconduit le bouclier fiscal sur l’électricité pour les électro-intensifs, au tarif de 0,50 euro par mégawattheure.
En outre, le bénéfice de ce tarif réduit est subordonné depuis 2022 à une démarche environnementale de l’exploitant – système certifié de management de l’énergie, adhésion à un programme reconnu de mutualisation des bonnes pratiques de gestion énergétique, valorisation de la chaleur fatale dans un réseau de chaleur ou de froid.
Enfin, le tarif réduit permet à la France d’être compétitive dans le secteur des data centers.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je comprends l’idée de l’amendement, mais il est contre-productif : les data centers n’auront qu’à aller de l’autre côté de la frontière ; ici, au moins, ils consomment de l’énergie nucléaire de base, non de l’énergie carbonée comme ce serait le cas ailleurs en Europe. Vous auriez mieux fait de voter la taxe que je proposais pour leur faire payer l’utilisation du réseau.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1412 de Mme Christine Arrighi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il vise à supprimer la fiscalité réduite pour les biocarburants de première génération, une niche fiscale antiécologique. Ces biocarburants produits à partir de cultures habituellement destinées à l’alimentation sont une aberration. Selon l’Inspection générale des finances, dans sa revue de dépenses sur les aides aux entreprises, et la Cour des comptes, dans ses observations définitives sur la place de la fiscalité de l’énergie dans la politique énergétique et climatique française, cette fiscalité, au-delà du non-respect de la neutralité technologique, pose un problème de conformité au droit européen, car elle ne s’appuie pas sur des critères environnementaux.
Cet amendement représente un gain annuel de l’ordre de 700 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement aurait deux conséquences fâcheuses. Il augmenterait le coût des carburants, ce qui toucherait au premier chef le pouvoir d’achat des plus modestes et des habitants des zones rurales ; il remettrait brutalement en cause le modèle économique d’une filière entière, qui comprend de nombreux emplois dans le monde rural.
Par ailleurs, les biocarburants visés ont des atouts. Le gazole B100, principalement utilisé par des poids lourds, contribue ainsi à la décarbonation du transport de marchandises, qu’il faut encourager. Le gazole ED95, qui concerne lui aussi essentiellement les poids lourds, émet 50 % de gaz à effet de serre et 70 % de particules fines de moins que les carburants classiques.
Enfin, je répète que la réduction des émissions du transport routier est également favorisée par la Tiruert, qui permet d’augmenter chaque année la part des biocarburants incorporés aux essences et gazoles mis à la consommation.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF127 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit d’instaurer une exonération d’accise sur le gaz naturel pour les gaz renouvelables et bas carbone, dans un objectif de taxation différenciée des énergies renouvelables et des énergies fossiles.
Alors qu’une augmentation de l’accise sur le gaz naturel a été annoncée, une hausse identique de l’accise sur le biométhane injecté serait un très mauvais signal envoyé aux producteurs et aux consommateurs de cette énergie renouvelable et irait à l’encontre de tous les principes de fiscalité écologique.
À défaut d’une différenciation nette en matière fiscale des offres de gaz fossile et de gaz vert, on peut craindre que le développement de ces dernières suscite peu d’intérêt et qu’elles manquent de visibilité auprès des consommateurs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La part du biogaz dans la consommation de gaz combustible n’est que de 1,6 %.
Vous le savez, la forfaitisation de l’exonération à la hauteur de la quantité de gaz renouvelable injectée dans les réseaux a été préférée au système des garanties d’origine en raison des problèmes de fraude liés à ce dernier – on ne sait pas distinguer le gaz vert du gaz non vert du point de vue de son origine. Le biogaz injecté dans le réseau n’est pas traçable en l’absence de garanties d’origine.
Votre idée est intéressante, mais inapplicable en l’état actuel de nos connaissances.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF868 de M. Aurélien Le Coq
M. Sébastien Delogu (LFI-NFP). Il vise à mettre fin aux exonérations d’accise sur les carburants dont bénéficient les navires de croisière.
Tous les citoyens paient la taxe intérieure sur les carburants lorsqu’ils utilisent leur voiture pour des déplacements essentiels du quotidien. Les compagnies de croisière, elles, sont exonérées, alors que le croisiérisme est incompatible avec l’indispensable bifurcation écologique, que les navires polluent les océans, parasitent la vie des habitants et provoquent des maladies respiratoires, des cancers, des allergies – à Marseille, six mois de croisière représentent un coût pour la santé publique de 30 millions d’euros. L’exonération est injuste et inacceptable.
Les recettes permises par cet amendement s’élèveraient à 22 millions par an.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
Cette exonération d’accise est imposée par la directive de 2003 sur la taxation de l’énergie.
De plus, nous avons adopté en loi de finances pour 2022 un dispositif de déduction exceptionnelle incitant à l’acquisition d’équipements permettant aux navires et aux bateaux de transport de marchandises et de passagers d’utiliser des énergies propres.
Enfin, des investissements sont en cours dans le cadre du plan France mer 2030 pour aboutir à des modèles de navires zéro émission ; 300 millions d’euros sont fléchés vers la décarbonation du transport maritime.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF863 de M. David Guiraud
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Puisqu’il est question d’électricité, parlons des énergéticiens. Plutôt que d’aller chercher 3 milliards dans la poche des Français en augmentant les taxes et en les faisant payer toujours plus cher, si nous remettions au goût du jour la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim) ? Tentée il y a deux ans, puis abandonnée, elle devait rapporter 12 milliards – ce furent finalement 200 petits millions, mais sans doute parce qu’elle était mal calibrée ; ce n’est pas une raison pour renoncer à la renforcer.
Nous proposons donc de la reconduire en abaissant à 50 euros le mégawattheure le plafond des revenus de la production d’électricité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous rejoins sur un point : cet impôt a été mal calibré ; parce qu’on l’a fait reposer sur l’évolution des prix de l’électricité, son rendement est devenu totalement imprévisible. Notons tout de même que, pour l’année 2023, il s’est en réalité élevé à 1,6 milliard, car 1 milliard supplémentaire a été versé en 2024 au titre de 2023.
La contribution que vous proposez posera les mêmes problèmes. De plus, les prix ont baissé et avoisinent désormais 50 euros le mégawattheure ; votre amendement ne rapportera donc rien.
C’est la même chose pour tous les amendements qui proposent de capter des superprofits : il est trop tard ; les profits ont été réalisés et la situation est redevenue normale, si bien qu’il n’y a plus d’assiette à taxer.
La commission adopte l’amendement I-CF863.
Amendement I-CF1201 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Il tend à créer un crédit d’impôt pour l’achat de biocarburants durables d’aviation (SAF).
Leur introduction fait partie, avec le renouvellement de la flotte d’aéronefs, de la feuille de route pour la décarbonation de l’aviation. Certains pays ont des politiques incitatives pour en réduire le prix. Il s’agit de soutenir le secteur aérien pour qu’il puisse se décarboner.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement me paraît redondant par rapport à la Tiruert, applicable au kérosène depuis le 1er janvier 2022 et dont les tarifs ont été relevés par la loi de finances initiale pour 2023.
En outre, des crédits publics sont investis pour la construction de l’avion décarboné.
Enfin, la loi « climat et résilience » impose aux compagnies aériennes de compenser l’intégralité de leurs émissions de gaz à effet de serre depuis 2024, ce qui leur coûte d’ailleurs extrêmement cher.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre cet amendement. TotalEnergies vient d’annoncer un programme de rachat d’actions portant sur 5 % de son capital, soit 8 milliards : ils ont trop d’argent et ne jugent pas utile de l’investir. Mais c’est à eux d’investir dans des carburants propres ! Il faut responsabiliser les acteurs du privé. Ils sont en position quasi oligopolistique sur ce genre de marchés ; à eux de faire de la recherche. Il n’appartient pas à des crédits d’impôt de financer ce que le secteur pétrolier peut payer lui-même.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement I-CF1769 de M. Thomas Cazenave est retiré.
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Réunion du jeudi 17 octobre 2024 à 21 heures (article 8 à après l’article 10)
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Amendement de suppression I-CF1590 de Mme Véronique Louwagie
M. Corentin Le Fur (DR). Cet amendement vise à annuler le durcissement prévu du malus automobile qui, si l’article 8 était adopté, concernerait désormais 80 % des véhicules – y compris des véhicules populaires achetés par la classe moyenne. Nous sommes tous favorables aux mobilités douces mais, dans les circonscriptions très rurales comme la mienne, certains de nos compatriotes n’ont aucune autre solution pour se déplacer : c’est leur pouvoir d’achat qui se trouverait affecté par une telle mesure antivoiture.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il est vrai que la réforme prévue paraît excessive. Selon une étude publiée par Mobilians, la part de véhicules assujettis au malus passerait à 80 % en 2027, contre 40 % en 2023. Le produit des malus serait multiplié par sept pour atteindre 4 milliards d’euros – une somme considérable. Pour les véhicules de la marque Renault, le montant du malus collecté passerait de 34 millions à 330 millions d’euros en 2027. Avis favorable.
M. Eddy Casterman (RN). Nous partageons l’avis de notre collègue Le Fur et du rapporteur général. L’article 8 lance une nouvelle offensive fiscale contre les automobilistes, lesquels vont subir non seulement la hausse du malus sur les émissions de CO2 mais aussi celle du malus sur la masse ainsi que l’évolution du barème relatif aux chevaux fiscaux. Des véhicules peu émetteurs de CO2 et plébiscités par nos concitoyens les plus modestes, comme les Peugeot 208 et 2008, la Dacia Sandero ou encore la Renault Captur, seront concernés. Parce que nous sommes contre les dérives de l’écologie punitive, qui pénalise la France rurale et du travail, et parce que nous refusons de mettre en péril l’industrie et le commerce de l’automobile, nous voterons pour cet amendement de suppression.
M. le président Éric Coquerel. Je comprends que le malus puisse pénaliser les habitants des zones rurales. Mais les constructeurs produisent des véhicules de plus en plus lourds, sans que l’usage le recommande – les SUV, par exemple, se généralisent. Seule une taxe plus importante pourra les en dissuader. Je n’ignore pas que les fins de mois sont parfois un problème, mais la fin du monde en est un aussi ; il faut trouver un juste équilibre. En l’occurrence, ce ne sont pas tous les véhicules qui seraient pénalisés, mais ceux qui pèsent trop lourd.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Si 80 % des véhicules sont concernés par un malus, c’est la double peine pour les utilisateurs. Je vous rejoins, monsieur le président : ce sont les constructeurs qui doivent faire évoluer leurs pratiques. Mais les automobilistes, eux, sont bien obligés d’acheter les véhicules présents sur le marché ! Quelle voiture faut-il désormais acheter pour ne pas subir de malus ?
M. le président Éric Coquerel. Je suis étonné par le pourcentage de 80 %.
M. Éric Woerth (EPR). Ce durcissement des malus est vraiment exagéré. Les normes européennes deviennent intenables : veillons à ne pas laisser le marché aux constructeurs étrangers. Cela mérite que nous ayons une discussion avec le ministre de l’économie sur les conséquences de telles mesures sur l’industrie automobile, laquelle fait des efforts et doit être soutenue.
M. Gérault Verny (UDR). Si les voitures sont de plus en plus lourdes, ce n’est pas parce que ce sont des SUV, comme on le lit dans la presse, mais en raison de l’accumulation des normes de sécurité, de connectivité et de protection de l’environnement. On ne peut pas souhaiter un retour à des véhicules plus simples, à moins d’assumer l’achat de petites voitures indiennes ne respectant pas les normes européennes.
M. le président Éric Coquerel. Vos propos sont un peu exagérés. Depuis une trentaine d’années, la taille des véhicules a réellement augmenté.
La commission adopte l’amendement I-CF1590.
En conséquence, l’article 8 est supprimé et les autres amendements tombent.
Amendement I-CF1016 de M. Gérard Leseul
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Il n’est pas souhaitable d’alourdir la taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé à laquelle sont soumis les poids lourds : ces véhicules évitent déjà les autoroutes parce qu’elles sont coûteuses. Le transport routier français, qui a perdu plus de 30 % de parts de marché en trente ans, est en outre confronté à la hausse de ses charges, notamment du fait de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, instaurée l’an dernier, et de la possibilité qu’ont les régions d’imposer une tarification spéciale aux poids lourds. De plus, l’augmentation que vous proposez se répercuterait sur les prix à la consommation et se traduirait par une perte de pouvoir d’achat pour les plus modestes. Enfin, la décarbonation du secteur est également portée par la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (Tiruert).
La commission rejette l’amendement.
Puis elle rejette l’article 9.
Amendement I-CF1408 de Mme Christine Arrighi
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Pour renforcer la fiscalité environnementale applicable au secteur maritime, lequel contribue de façon significative aux émissions de CO2, cet amendement propose d’instaurer un malus écologique qui toucherait exclusivement les navires les plus polluants – ceux dont l’intensité carbone se trouve en classe C, D ou E selon l’indicateur défini par l’Organisation maritime internationale. De notre point de vue, une telle mesure incitera à l’adoption de technologies plus propres tout en préservant la compétitivité des entreprises qui s’engagent dans la transition écologique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. D’abord, vous ne définissez pas le taux de la taxe que vous voulez créer et vous renvoyez à un arrêté la définition des redevables, ce qui est contraire à l’article 34 de la Constitution. Ensuite, une telle proposition devrait être examinée dans un cadre européen pour éviter de pénaliser les ports français. Enfin, il existe un dispositif de déduction exceptionnelle pour inciter à l’acquisition d’équipements permettant aux navires et aux bateaux de transport de marchandises et de passagers d’utiliser des énergies propres.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1689 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement propose l’instauration d’une contribution d’un euro sur chaque expérimentation menée sur un animal, dans le but de financer le développement de méthodes alternatives. Alors que celles-ci sont encouragées par une directive européenne et font l’objet d’une attente sociétale forte, la France est en retard dans ce domaine.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tout en partageant votre souhait de limiter le recours à l’expérimentation animale, je ne suis pas favorable à la création d’une taxe à faible rendement, qui ne rapporterait que 2 millions d’euros. J’ajoute que c’est dans le cadre européen qu’il faudrait agir sur le sujet.
La commission adopte l’amendement I-CF1689.
Amendement I-CF519 de M. Hendrik Davi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement, rédigé en lien avec l’association Zero Waste France, propose d’introduire une taxe prélevée à la source sur les produits en plastique à usage unique afin d’inciter les metteurs en marché à adopter des solutions plus durables. Cette mesure s’appuie notamment sur les préconisations d’un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d’octobre 2024. En France, près de la moitié du plastique consommé sert à fabriquer des emballages à usage unique, ce qui génère 1,9 à 4,5 millions de tonnes de déchets chaque année. Malgré une légère baisse depuis 2020, la consommation de plastique à usage unique demeure élevée, chaque Français en consommant 70 kilogrammes par an en moyenne, contre 28 en Italie et 37 en Allemagne. Cette taxe, dont le taux serait fixé à 2 %, entraînerait une forte réduction de la production de déchets plastiques et aurait ainsi un impact écologique majeur.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) prévoit que des objectifs de réduction, de réutilisation et de réemploi sont fixés par décret pour la période 2021‑2025, puis pour chaque période consécutive de cinq ans. Plutôt qu’une approche punitive, il me semble donc préférable de poursuivre l’accompagnement des filières vers la sortie du plastique par la voie réglementaire.
M. le président Éric Coquerel. Je pense au contraire que les producteurs ne modifieront pas leurs habitudes tant qu’elles ne leur coûtent pas trop cher.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Exactement : il faut provoquer une forte réduction de la production de déchets plastiques de façon volontariste, en rendant ces produits moins attractifs sur le plan financier. C’est, hélas, la recherche du profit qui caractérise notre système capitaliste. Cette démarche s’inscrit bien dans l’objectif de la loi Agec, qui vise une réduction de 15 % des déchets ménagers d’ici à 2030 et l’élimination des emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. À défaut d’une interdiction totale, qui serait la meilleure solution pour la planète, l’instauration de cette taxe permettrait en outre de renflouer les caisses de l’État : oui, l’écologie peut aider à résorber la dette !
La commission rejette l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Je suis étonné que des députés de circonscriptions littorales ne votent pas en faveur d’un tel amendement.
Amendement I-CF654 de M. Charles Fournier
M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement, rédigé en lien avec WWF France, vise à introduire une taxe de 10 centimes sur les bouteilles d’eau en plastique afin d’inciter les producteurs et metteurs en marché à produire moins, grâce à un signal-prix fort. Le dispositif serait limité à l’eau plate, pour laquelle il existe un substitut facilement accessible, moins onéreux et plus écologique : l’eau du robinet – sachant que l’eau en bouteille coûte 200 à 400 fois plus cher et émet 2 000 fois plus de carbone. Une telle taxe pourrait rapporter 900 millions à 1,3 milliard d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Plutôt que de créer une nouvelle taxe, il serait plus simple de recréer un système de consigne ou de relever de 5,5 % à 20 % la TVA sur ces produits, comme le propose l’Inspection générale des finances (IGF). Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF1757 de M. Emmanuel Maurel et I-CF1848 de Mme Eva Sas
M. Tristan Lahais (EcoS). Le secteur aérien bénéficie d’un véritable paradis fiscal, ce qui engendre un manque à gagner pour l’État et suscite une concurrence déloyale avec le transport ferroviaire. Nous proposons d’augmenter la taxe sur les billets d’avion pour la porter à 10 euros par passager en classe économique sur les vols de moins de 1 000 kilomètres et à 360 euros pour les vols en jet ; les vols vers la Corse et l’outre-mer ne seraient pas concernés par cette augmentation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement pose un problème rédactionnel car il ne tient pas compte de la recodification de cette taxe dans le code des impositions sur les biens et services. De plus, il affaiblirait le transport aérien français : c’est dans un cadre européen qu’il faudrait agir. En outre, le transport aérien est déjà lourdement taxé. Surtout, le Gouvernement a annoncé qu’il déposerait en séance un amendement rehaussant d’environ 1 milliard d’euros, semble-t-il, le tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passagers, notamment pour l’aviation d’affaires. Nous en discuterons donc à ce moment-là : demande de retrait.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF666 de M. Benoît Biteau
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’étiquetage environnemental est devenu un outil essentiel pour informer les consommateurs et orienter leurs choix vers des produits plus respectueux de l’environnement. Nous proposons de taxer la publicité pour les produits alimentaires dont la performance environnementale globale est jugée mauvaise selon le Planet-score – un dispositif prometteur, encore en phase d’expérimentation. L’objectif est non seulement de dissuader la promotion commerciale de produits à forte empreinte écologique mais aussi d’inciter les producteurs et distributeurs à améliorer leurs pratiques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1006 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement, proposé par l’association Animal Cross, vise à instaurer une taxe – oui, vivent certaines taxes ! – sur la vente de munitions de chasse contenant du plomb, selon le principe du pollueur-payeur consacré par l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Le plomb et ses composants sont reconnus comme des substances très dangereuses pour la santé humaine, la santé animale et l’environnement : l’exposition au plomb est associée à des effets sur le développement neurologique, la fonction rénale et la fertilité, et à l’hypertension. Or on estime qu’une boîte de vingt-cinq cartouches disperse dans la nature 800 à 900 grammes de plomb, dont l’utilisation dans les munitions entraîne chaque année la mort de 2 millions d’oiseaux, victimes de saturnisme. Il contamine les sols et l’eau et affecte la santé humaine par la consommation de viande de gibier.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Les munitions de chasse contenant du plomb sont interdites dans les zones humides. Pour réduire leur usage, la voie réglementaire serait préférable ; ne créons pas une énième petite taxe.
M. Eddy Casterman (RN). Depuis 2023, il est interdit de chasser avec du plomb à moins de 100 mètres d’un plan d’eau. J’ajoute que, lorsqu’une cartouche est tirée, il ne reste que très peu de petits plombs dans le gibier et qu’ils ne sont d’ailleurs pas ingérés.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Quand les députés parisiens donnent des leçons aux députés ruraux, c’est toujours drôle ! Et si on arrêtait d’emmerder les chasseurs avec une taxe supplémentaire ? La chasse est liée à la culture de nombre de nos territoires et s’avère très utile pour la régulation de la faune.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Que chacun garde son mépris pour lui. Aucun d’entre vous, collègues, ne s’est inquiété du scandale de l’utilisation du plomb sur le chantier de Notre-Dame : ne jouez pas les donneurs de leçons. Et croire que les cartouches au plomb ne contamineront pas l’eau, même à 100 mètres, c’est faire preuve d’une grande naïveté. Visiblement, il n’y a que dans certains domaines que vous croyez au ruissellement !
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF707 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). Conscient de l’état de nos finances publiques, je vous propose un amendement visant à augmenter fortement la taxe sur les éoliennes en mer. En baie de Saint-Brieuc, il n’y en a pas moins de 62, qui mesurent 200 mètres de haut. Or leur présence conduit à une saturation des paysages, insupportable pour les riverains. Leur installation, qui nécessite de forer les coraux, constitue en outre un véritable scandale écologique. Compte tenu des méthodes employées par les promoteurs, qui sont tous étrangers, et de leur manque de transparence, je n’ai aucun scrupule à suggérer cette augmentation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une multiplication par dix de la taxe me paraît disproportionnée. Pour une éolienne, 20 000 euros sont perçus chaque année au titre de cette taxe, puis répartis entre les collectivités locales, les pêcheurs et d’autres organismes. Le fait de porter cette somme à 200 000 euros ferait exploser le coût de revient déjà élevé de l’électricité produite par les éoliennes en mer et, in fine, renchérirait le montant de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Avis défavorable.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Je suis moi aussi breton, et lassé d’entendre que les éoliennes en mer gâcheraient le paysage. C’est un avis très subjectif. Nous sommes nombreux à apprécier cet hommage au dieu du vent !
M. Jimmy Pahun (Dem). Le parc éolien de Saint-Nazaire fournit actuellement 30 % de l’électricité en Loire-Atlantique et s’acquitte d’une taxe au profit des communes, de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), des pêcheurs et de l’Office français de la biodiversité (OFB). Cette année, grâce aux parcs de Fécamp, Saint-Brieuc et Saint-Nazaire, la SNSM ne perçoit pas moins de 1,7 million d’euros.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF708 et I-CF709 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). Les amendements I-CF708 et I-CF709 sont des amendements de repli qui visent à augmenter la taxe dans une moindre mesure.
Évidemment, monsieur Bouloux, il s’agit d’un jugement subjectif, mais la vue des éoliennes en mer me choque. Celles de Saint-Brieuc sont installées près des côtes. Certes, elles sont source de recettes, notamment pour la SNSM ; ma démarche va dans le même sens. Il s’agit aussi d’envoyer un signal : non seulement ces éoliennes sont nuisibles esthétiquement, mais elles produisent une énergie hypersubventionnée qui coûte très cher aux finances publiques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le premier de ces deux amendements tend quand même à multiplier par cinq le montant de la taxe. Nous aurions pu discuter de l’opportunité d’une faible hausse, mais celle que vous proposez est énorme. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Vous êtes breton : il y a quelques décennies, on a failli construire une centrale nucléaire à Plogoff, tout près du raz de Sein, et je suis très heureux qu’elle ne l’ait pas été. J’espère qu’il n’y aura jamais de centrale nucléaire en Bretagne : il n’y a pas pire pour le paysage ni en matière de pollution. Les éoliennes en mer ont trois fois le rendement des éoliennes terrestres ; un parc maritime produit l’équivalent d’une demi-centrale nucléaire. La production d’énergie a des inconvénients inévitables. Vous dénoncez leur apparence mais dans les pays du Nord, qui sont très en avance sur nous, elles suscitent un développement touristique. Je vous rejoins sur un point : l’installation de certains parcs a été très mal préparée, en particulier vis-à-vis des pêcheurs. Toutefois, il est déraisonnable de s’opposer par principe à une des premières productions d’énergie renouvelable.
M. Matthias Renault (RN). On peut toujours alléguer la subjectivité du goût, mais il faut dans ce cas demander l’avis de la population des communes avoisinantes avant toute installation d’un parc éolien, surtout s’il est en mer, car l’incidence visuelle est pire encore. Le résultat du référendum local doit être décisif.
M. le président Éric Coquerel. Des enquêtes publiques sont organisées.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1527 de M. Stéphane Delautrette
Mme Sophie Pantel (SOC). Le présent amendement vise à élargir la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) aux déchets normalement gérés par les éco-organismes, dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs (REP), qui n’auraient pas été recyclés conformément aux objectifs de prévention et de gestion fixés par la réglementation. Il s’agit d’éviter aux collectivités territoriales un transfert de charge.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Selon un récent rapport de l’IGF, 40 % du gisement des déchets relevant de la REP échappent encore à la collecte. Assujettir à la TGAP les éco-organismes qui ne remplissent pas leurs objectifs ferait peser sur eux une charge fiscale trop lourde et trop brutale et les priverait des moyens d’agir.
En outre, le principal levier pour améliorer les résultats des éco-organismes serait réglementaire. Le rapport de l’IGF identifie un conflit d’intérêts dans leur gouvernance : ils sont créés et dirigés par les producteurs. Pour atteindre les objectifs de réemploi et de recyclage, l’IGF suggère de confier une partie de la gouvernance à l’Ademe, l’Agence de la transition écologique.
Enfin, je relève un problème de rédaction : votre amendement prévoit de taxer les éco-organismes dès 2019.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF691 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). Le coût de collecte des ordures ménagères croît de manière préoccupante. La facture ne cesse d’augmenter, minant le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes. Souvent, les collectivités territoriales elles-mêmes subissent la hausse de la TGAP, qu’elles sont contraintes de répercuter. Je propose donc de la limiter.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous voulez supprimer l’augmentation de la TGAP sur l’enfouissement et l’incinération des déchets. Or la TGAP est une taxe comportementale : elle vise à changer les pratiques. Il faut maintenir une tarification à même d’inciter à réduire et à valoriser les déchets.
Par ailleurs, l’État a prévu des mesures d’accompagnement afin que les collectivités puissent supporter la hausse progressive de la TGAP : depuis 2021, le taux de la TVA sur les prestations de gestion des déchets s’établit à 5,5 % ; les obligations des producteurs ont été renforcées ; une dizaine de nouvelles filières REP ont été créées, incluant, pour 2025, les gommes à mâcher, les textiles sanitaires à usage unique et les engins de pêche contenant du plastique.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF117 de M. Xavier Roseren
M. Xavier Roseren (HOR). La pollution de l’air cause chaque année 40 000 décès prématurés. L’enjeu sanitaire est majeur. Aussi le présent amendement vise-t-il à rehausser le plafond des dons libératoires de la TGAP-air, afin de garantir le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa). En effet, celles-ci jouent un rôle crucial pour informer et protéger nos concitoyens, mais la décarbonation progressive de l’industrie réduit leurs ressources.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Mieux vaut augmenter les subventions que l’État leur verse que de rehausser le plafond de déductibilité : les montants alloués seront ainsi connus donc plus faciles à piloter.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF1392 de M. Gérault Verny
M. Gérault Verny (UDR). Le malus écologique impose à l’excès les ménages qui ont besoin d’un véhicule, en particulier les familles rurales. Par définition, les voitures familiales, qui comptent plus de places, sont plus lourdes que les petites citadines, lesquelles ne sont en outre pas adaptées aux longues distances que ces familles doivent parcourir. Mon amendement vise donc à supprimer cette taxe.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
L’amendement I-CF1802 de M. Corentin Le Fur est retiré.
Amendements I-CF1849 de Mme Eva Sas et I-CF1851 de Mme Estelle Mercier (discussion commune)
M. Tristan Lahais (EcoS). Nous proposons une écocontribution sur les trajets en avion. Les mesures fiscales envoient des signaux à même d’influencer le choix des moyens de transport. En l’état, l’aérien impose une concurrence déloyale au ferroviaire, qui est pourtant le plus soutenable sur le plan écologique.
Mme Sophie Pantel (SOC). Le transport aérien pollue beaucoup, c’est pourquoi le présent amendement tend à renforcer l’écocontribution sur les billets d’avion et à l’étendre aux utilisateurs de jets privés, comme la Convention citoyenne pour le climat (CCC) l’avait demandé. Les territoires ultramarins et la Corse sont exclus du dispositif.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous suggère de retirer ces amendements en attendant celui du Gouvernement que nous examinerons en séance publique sur le même sujet. Sur le fond, j’y suis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Il est dommage que l’amendement du Gouvernement ne soit pas déposé en commission.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF933 de Mme Eva Sas
M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement de repli vise à soumettre à l’écocontribution les passagers des jets privés. À défaut d’être dissuasive, cette taxe nourrirait les finances publiques afin de financer des transports plus écologiques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Attendons l’amendement du Gouvernement, que nous pourrons sous-amender. Il n’est pas encore prêt.
M. le président Éric Coquerel. Notre rôle de parlementaire consiste à défendre les amendements que nous voulons adopter ; je soutiens celui-ci.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF988 de M. Romain Eskenazi
M. Philippe Brun (SOC). Le présent amendement vise à refondre le tarif de solidarité, composante de la taxe sur le transport aérien de passagers. Nous proposons d'appliquer aux passagers de la classe économique un barème équivalent à celui appliqué en Allemagne et de doubler ce barème pour ceux de la classe premium.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF990 de M. Romain Eskenazi.
Amendement I-CF581 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux (SOC). Le présent amendement vise à taxer les jets privés en fonction de leurs émissions de CO2. Une imposition à l’achat peut être contournée en achetant à l’étranger, donc nous proposons de taxer tout passage au-dessus de l’espace aérien français. Qu’on ne me dise pas que c’est impossible : nous disposons des transpondeurs et des caractéristiques des avions et nous savons calculer les émissions de CO2. Admettons que l’avion utilise en partie du carburant durable : s’il fournit un certificat, la note diminuera d’autant.
Les émissions d’un jet privé sont dix à vingt fois supérieures à celles d’un vol commercial ; certains font Nice-Cannes ou Rennes-Dinard : c’est inadmissible. Nous proposons de commencer par une taxe de 100 euros par tonne émise. Plus que modeste, ce tarif est conservateur : nous pourrons l’augmenter en fonction de l’inflation et de nos objectifs climatiques. J’ajoute que cette mesure encourage l’innovation : en faisant évoluer les moteurs et les biocarburants de troisième génération produits à partir des algues pour baisser le montant de l’imposition, on diminuera les émissions de CO2.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Instaurer une telle taxe dans un cadre national affaiblirait le transport aérien français, déjà très imposé, avec notamment la taxe sur le transport aérien de passagers, la Tiruert et les achats de quotas de CO2.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Les passagers de jets privés n’achètent pas de places et ne paient donc pas de taxe à ce titre. Peu importe ici que l’avion se pose en France, en parte ou la survole : la taxe s’applique. Notre pays étant au milieu de l’Europe, elle ne découragera personne.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF1751 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). Nous sommes tous conscients du poids du trafic aérien dans les émissions de gaz à effet de serre et des progrès nécessaires en la matière. La taxe Chirac finance l’aide publique au développement, dont le budget va être largement amputé. En attendant l'amendement du Gouvernement, celui-ci vise à moduler le barème de cette taxe en fonction de la fréquence des voyages aériens du passager. Les citoyens qui prennent l’avion au plus une fois par an seront moins taxés et nous inciterons les grands consommateurs à restreindre leur utilisation, par exemple, pour les grandes entreprises, en organisant des réunions par visioconférence. Il s’agit de diminuer le trafic aérien – je l’assume.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’idée est intéressante mais l’application de la mesure demanderait un suivi administratif lourd, donc un coût de gestion déraisonnable. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Le problème avec les taxes sur les voyages aériens, c’est que tout le monde est taxé de la même manière. Ceux qui voyagent fréquemment ont souvent les moyens de payer davantage, notamment parce que les billets sont payés par les entreprises. Certes la mesure pose une difficulté technique, mais il n’est pas si compliqué de savoir combien de vols a effectués celui qui réserve un billet d’avion. L’idée est intéressante.
M. Michel Castellani (LIOT). Les territoires insulaires constituent un cas particulier : pour leurs habitants, l’avion n’est pas un luxe mais un moyen de transport indispensable pour rejoindre la métropole. La collectivité de Corse notamment subventionne les compagnies aériennes : il ne faut pas subventionner d’un côté et pénaliser de l’autre.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF968 de M. Romain Eskenazi
M. Philippe Brun (SOC). L’aviation d’affaires non commerciale est assujettie à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; nous proposons d'y soumettre également l’aviation d’affaires commerciale afin d’égaliser la charge fiscale. Les nouvelles recettes ainsi perçues seraient affectées aux fonds de compensation des nuisances aéroportuaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Puisque l’amendement ne précise ni le taux, ni l’assiette, ni les modalités de recouvrement de la taxe qu’il tend à instaurer, il est anticonstitutionnel. Avis défavorable. Je vous suggère de le réécrire et de le redéposer pour l’examen en séance publique.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF1421 de Mme Christine Arrighi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le présent amendement vise à instaurer une taxe sur les grands voyageurs aériens, applicable à partir du 1er janvier 2027. Cette mesure découragera la multiplication des voyages aériens et contribuera à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
La taxe sera appliquée aux passagers en fonction de leur nombre annuel de trajets, selon des modalités définies par décret. L’État pourra ainsi calibrer le barème en fonction de ses besoins budgétaires et de ses objectifs environnementaux : il faut gouverner en fonction des besoins, donc dégager les recettes nécessaires pour les satisfaire. Cette nouvelle ressource soutiendra l’effort de transition écologique du secteur des transports.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La rédaction souffre des mêmes lacunes que celle du précédent amendement ; mon avis est donc le même.
La commission rejette l'amendement.
Amendements I-CF582 de M. Mickaël Bouloux et I-CF867 de Mme Marianne Maximi (discussion commune)
M. Mickaël Bouloux (SOC). Intéressons-nous à un autre joujou polluant de milliardaire : le yacht. Mon amendement vise à taxer les bateaux concernés en fonction de leurs émissions de CO2. Encore une fois, nous disposons de toutes les informations nécessaires : les balises AIS (système d’authentification automatique) permettent de calculer les trajectoires – de très bons sites s’y emploient. Monsieur le rapporteur général, j’anticipe vos objections : nos côtes sont les plus belles du monde, les propriétaires de yachts ne renonceront pas massivement à y venir à cause d’une taxe, en revanche ils contribueront au redressement des finances publiques à la hauteur de leur pollution.
M. Sébastien Delogu (LFI-NFP). Nous proposons d’instaurer une taxe carbone sur l’utilisation des navires de croisière et des yachts de luxe, qui rapporterait environ 64 millions par an.
Le tourisme visé est une aberration, comme l’illustre le yacht de Bernard Arnault : équipé de quatre moteurs consommant chacun 657 litres par heure, il émettrait 16 000 tonnes de CO2 par an, soit 1 600 fois plus que la moyenne annuelle d’un Français. Autre exemple, dénoncé par le compte X (ex-Twitter) Yacht CO2 tracker : en 2022, un navire de croisière a brûlé avec ses 110 000 litres de carburant, produisant l’équivalent en CO2 de vingt-huit années d’émissions d’un Français moyen.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Recouvrer une telle taxe impliquerait de surveiller sans relâche tout l’espace maritime français : le coût risquerait d’excéder le montant des recettes.
Par ailleurs, nous avons adopté dans la loi de finances pour 2022 un dispositif de déduction exceptionnelle pour favoriser l’utilisation par les navires d’énergies propres.
Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Avec les AIS, il est très simple de détecter un navire.
Nous voyons les images terribles des inondations en Ardèche. Certains pensent qu’elles n’ont aucun rapport avec le dérèglement climatique mais d’autres, comme moi, pensent que tout est en train de se détraquer. Depuis tout à l’heure, nous n’avons adopté aucun des amendements visant à taxer les engins les plus polluants, jets privés et superyachts de luxe, alors que de telles mesures sont efficaces et que leurs propriétaires n’en seraient pas pénalisés. Je ne comprends ni la logique, ni le choix d’envoyer un tel signal : nous donnons l'impression qu’il n’y a pas d’urgence à agir. De nombreuses recherches sont en cours sur la propulsion vélique des cargos ou sur les carburants propres. Il est incohérent de ne pas dénoncer par ailleurs les engins qui polluent fortement en mer, et pas seulement par leurs émissions de CO2. Je ne comprends pas votre vote.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Vous avez raison, il est très facile de suivre ces bateaux et de collecter toutes les informations nécessaires – ce qui explique l’existence de sites ou de pages comme Yacht CO2 tracker. Pour y échapper, le milliardaire pourrait seulement retirer sa balise AIS, ce qui lui ferait courir un risque en cas d’échouage ou de collision. J’insiste : cette taxe a aussi l'avantage de favoriser les carburants de troisième génération, moins polluants – l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) y travaillent.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je comprendrais votre démarche si vous défendiez l’instauration d’une taxe dans les espaces maritimes européens. Nous avons déjà fait l’expérience de la délocalisation des yachts.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF583 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux (SOC). Mon amendement tend à taxer les navires de croisière, très polluants également, et à multiplier par 100 le montant de la taxe dans les eaux françaises de l’Antarctique. On ne peut pas les y interdire, mais on peut les dissuader d’y aller, car ce tourisme de la dernière chance est particulièrement choquant.
M. Charles de Courson, rapporteur général. À quoi servira de créer de semblables taxes dans un cadre strictement national ? Les croisiéristes ne viendront plus en France – c’est un choix. Si nous voulons réformer ce domaine, il faut agir au niveau européen.
M. le président Éric Coquerel. Ayez confiance dans la beauté de nos côtes et de nos ports, monsieur le rapporteur général ! Une taxe ne suffira pas à dissuader les croisiéristes ni les bateaux de luxe d’y venir. On ne va pas délocaliser la Corse !
M. Éric Woerth (EPR). Monsieur le président, j’appelle votre attention sur l’organisation de la réunion : à ce rythme, nous ne finirons jamais l’examen des amendements.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF241 de M. Jimmy Pahun
M. Jimmy Pahun (Dem). Il vise à exonérer les navires décarbonés de la taxe Barnier, créée il y a quelques années pour faire participer financièrement les transporteurs de passagers à l’entretien des espaces naturels protégés qu’ils traversent. Mon amendement vise tout particulièrement les navires à propulsion vélique, dont l’usage se développe entre Belle-Île ou Les Glénans et le continent. À un coût faible pour les finances publiques, il permet de montrer l’exemple en favorisant le transport de passagers à propulsion vélique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La taxe sur les transports maritimes de passagers à destination d’espaces naturels protégés frappe les embarquements sur des navires à usage professionnel vers les sites relevant du Conservatoire du littoral, les parcs nationaux, les réserves naturelles et d’autres sites naturels remarquables. Elle s’élève à 6,5 % du prix du billet dans la limite de 1,83 euro par passager.
Le produit est affecté aux organismes chargés de la protection de ces espaces à hauteur de la fraction perçue sur les embarquements à leur destination. Votre amendement aurait donc pour effet de réduire les ressources des organismes chargés de la protection des espaces naturels protégés, qui sont les affectataires de cette taxe. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement I-CF241.
Amendement I-CF1092 de Mme Marianne Maximi
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Aux péages autoroutiers, un poids lourd de 38 tonnes ne paie que 2,5 fois le tarif applicable à un véhicule léger alors qu’il pèse vingt fois plus. Par ailleurs, la circulation des poids lourds provoque chaque année près de 50 000 victimes, parmi lesquelles de nombreux animaux de compagnie, soit dit pour provoquer la compassion de nos collègues du groupe Rassemblement national.
Nous demandons l’indexation de la taxation des poids lourds pour l’usage des infrastructures sur leur impact sur l’atmosphère et le revêtement de la chaussée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’idée n’est pas mauvaise, à condition de ne pas en restreindre l’application aux autoroutes. Lors du transfert des routes nationales aux départements et aux régions, nous avons adopté une disposition leur offrant la possibilité de créer une taxe sur les poids lourds qui y circulent. Seules la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) et le Grand-Est en ont adopté une, qui entrera en vigueur en 2027.
Taxer les poids lourds circulant sur les autoroutes et non ceux qui circulent sur les routes nationales n’est donc pas cohérent et provoquerait un report de flux. Avis défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Je suis également favorable à cette idée mais je rejoins le rapporteur général : lors des récentes intempéries, une portion de la route nationale 134 s’est effondrée, laissant un trou béant qu’il faudra plus de six mois pour combler. Or elle dessert le seul point de passage entre la France et l’Espagne des Pyrénées centrales, via une vallée enclavée. Parce qu’elle est gratuite, elle est empruntée chaque jour par 300 à 1 000 camions – qui la dégradent à chaque passage – pour éviter les péages du Perthus ou de Biriatou. Sur les autoroutes comme sur les routes nationales, il faut faire contribuer les transporteurs internationaux à l’entretien de la voirie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF855 de M. Eddy Casterman
M. Eddy Casterman (RN). Cet amendement d’appel vise à intégrer les émissions de CO2 liées à la production et à l’importation des véhicules automobiles dans le calcul du malus, par cohérence avec l’adaptation à la nouvelle procédure d’essai mondiale harmonisée pour les véhicules légers (WLTP) prévue à l’article 8 du présent projet de loi de finances. Il s’agit, pour ne pas s’en tenir aux seules émissions dues au fonctionnement du véhicule, d’instaurer une forme de score environnemental dans le calcul du malus automobile, permettant une évaluation réelle de la pollution globale d’un véhicule et une répartition plus juste selon le type et le régime de la voiture.
Ainsi, nous pourrons intégrer la pollution due à l’importation par cargo du bout du monde, qui représente parfois l’équivalent de la pollution de 50 millions d’automobiles thermiques. L’enjeu économique est double : il s’agit de favoriser les automobilistes et l’industrie automobile française.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’idée est bonne, mais réalisable uniquement dans le cadre communautaire. Au demeurant, une telle démarche a été adoptée pour plusieurs produits, notamment le ciment, l’acier, l’aluminium et certains produits agricoles. Il faudrait la généraliser. La difficulté est de passer de produits simples à des produits tels que l’automobile, dont les composants proviennent souvent pour partie d’Europe et pour partie d’ailleurs. En tout état de cause, l’échelon européen est le seul pertinent.
M. Philippe Juvin (DR). Nous ne sommes généralement pas favorables à la création de nouvelles taxes. Toutefois, la proposition de M. Casterman permet d’ouvrir le débat sur la concurrence déloyale que constitue l’importation de produits fabriqués dans des conditions qui ne sont pas les nôtres, d’autant que leur transport a lui-même un coût environnemental qui n’est pas pris en compte dans le calcul du malus automobile.
Il me semble donc important de soutenir cet amendement pour tenir compte des émissions liées à la production et à l’importation d’un véhicule. Je ne conteste pas la difficulté de les mesurer, monsieur le rapporteur général ; en revanche, rien n’interdit d’agir dans le cadre national.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). S’agissant d’un amendement d’appel, le voter ne coûte rien.
J’ajoute aux excellents arguments qui précèdent que nos concurrents produisent dans des conditions très polluantes. Grâce à notre parc nucléaire et hydroélectrique, grâce aux éoliennes – quand elles fonctionnent –, notre intensité en carbone est très faible. La méthode de calcul proposée est vertueuse et n’est pas un gadget.
Monsieur le président, vous déplorez certains de nos votes sur la fiscalité écologique. Nous ne sommes pas contre la dépollution, mais contre les gadgets sans effet sur les vrais enjeux, au premier rang desquels la répartition des chaînes de production mondialisées. Interdire de se poser à trois jets privés qui iront se poser à Monaco, en Suisse ou en Belgique ne dépolluera pas la planète. Dépolluer les chaînes de production industrielle, en revanche, exige un énorme travail.
Monsieur le rapporteur général, il faut arrêter de se faire des nœuds au cerveau. Nous savons en gros ce qu’émet la Chine par unité de PIB : imposons un forfait à ses produits, point barre ! Ne mettons pas trente ans à taxer son aluminium tout en achetant des voitures produites en Turquie dans des conditions lamentables !
M. le président Éric Coquerel. Je vous invite à aller voir l’aéroport du Bourget. Vous constaterez qu’il ne s’agit pas seulement de trois jets par jour.
M. Michel Castellani (LIOT). Inclure dans les émissions d’un véhicule celles dues à sa production et à son importation est une idée intéressante. Il ne faut pas pour autant négliger celles issues de son fonctionnement.
En Corse comme ailleurs, on incite à acheter des véhicules électriques. Or l’électricité produite en Corse l’est pour l’essentiel par du fioul importé. Le calcul du bilan final de consommation de chaque voiture électrique réserverait sans doute de cuisantes surprises, au point qu’il serait sans doute moins polluant d’utiliser un véhicule thermique. Je suis favorable à l’amendement.
M. David Amiel (EPR). Je rappelle que nous avons, il y a un an, fait évoluer le bonus automobile en restreignant les aides à l’achat aux véhicules produits en France et en Europe grâce à l’introduction du score environnemental. Les résultats sont très impressionnants : dès sa mise en œuvre au début de cette année, la part de marché des véhicules électriques chinois a reculé de façon considérable, distinguant nettement la France des autres pays européens sur ce point. Par ailleurs, les États membres de l’Union européenne viennent de voter des droits de douane ciblant la concurrence extra-européenne.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1075 de Mme Marianne Maximi
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Cet amendement, cher à la coalition du Nouveau front populaire (NFP), vise à instaurer une taxe kilométrique intégrant le coût écologique des produits importés. Elle présente en premier lieu un intérêt écologique mais, puisque l’écologie est compliquée ou non urgente pour de nombreux membres de cette commission, je vais plutôt souligner son intérêt social, car elle vise aussi à sauvegarder l’emploi : chacun aura en effet constaté que les salariés de l’industrie automobile se sont fortement mobilisés aujourd’hui pour dénoncer des fermetures massives d’usines. D’ici à 2030, 80 000 postes risquent d’être supprimés, notamment dans les usines Michelin de Cholet, de Vannes et de Joué-lès-Tours, ainsi que dans plusieurs sites du groupe Valeo.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement est contraire à l’article 34 de la Constitution et au droit communautaire. Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). En toute cohérence, notre groupe votera cet amendement, dont les dispositions sont assez proches de celles du programme de Marine Le Pen, car l’écologie exige de sortir des postures. Il est facile de rédiger des amendements sans portée sur l’environnement, dont l’unique objet est de se donner bonne conscience.
La moitié des émissions réelles de la France sont dues à ses importations. On culpabilise en permanence des gens qui n’y sont pour rien sans jamais s’attaquer à la répartition de la chaîne de valeur mondialisée. Je pense au contraire qu’il faut d’abord s’attaquer aux émissions dues à l’importation avant d’embêter la petite mamie qui va chercher sa baguette en voiture diesel.
La commission adopte l’amendement I-CF1075.
Amendements de suppression I-CF140 de M. Matthias Renault, I-CF710 de M. Corentin Le Fur, I-CF844 de M. Anthony Boulogne et I-CF1062 de M. François Jolivet
M. Matthias Renault (RN). L’article 10 fait partie de la longue liste de hausses de taxes proposées par le Gouvernement dans ce budget. En l’espèce, il s’agit de faire passer la TVA pesant sur l’achat et l’installation des chaudières à gaz de 5,5 % ou 10 % selon les cas à 20 %. C’est un nouveau coup de canif dans le pouvoir d’achat, car il s’agit d’équipements financièrement accessibles.
Ce genre de mesures relève de l’écologie punitive, voire vexatoire et arbitraire : l’État entre dans les foyers des Français, observe leur comportement et, le cas échéant, les punit en les taxant. Pour défendre le pouvoir d’achat et pour des raisons d’ordre symbolique, nous nous opposons à cette nouvelle hausse de taxes.
M. Corentin Le Fur (DR). Je m’oppose à l’article 10, qui pénalisera directement le pouvoir d’achat de nombreux compatriotes. Par ailleurs, il envoie un mauvais signal en taxant les chaudières à haute performance énergétique, en faisant fi des efforts consentis.
M. Anthony Boulogne (RN). Le Gouvernement persiste et signe dans le matraquage fiscal, main dans la main avec Bruxelles. Les Français savent que ce n’est pas bon signe pour eux et qu’il leur en coûtera cher. C’est le premier scandale : l’article 10 frappe de plein fouet les classes moyennes et populaires qui n’ont pas les moyens d’installer des chaudières plus écologiques. Second scandale : on s’attaque aux chaudières à gaz alors qu’elles sont écologiquement plus vertueuses que les chaudières au fioul.
M. François Jolivet (HOR). Je ne comprends pas la nature de l’article, qui repose, non seulement sur une directive européenne, mais sur une décision de l’Union européenne dont je n’ai pas trouvé trace. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une mesure de rendement.
Par ailleurs, j’ai été témoin de l’arrivée du gaz dans les communes rurales avec l’aide de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui a financé des installations. Moins de dix ans plus tard, il n’est plus possible d’en sortir ou de les faire évoluer sauf à s’acquitter d’une TVA à 20 %. Je trouve cela très injuste, d’autant que, dans les territoires ruraux qui seront très impactés, Gaz réseau distribution France (GRDF) a réalisé de gros investissements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements sont incompatibles avec le droit communautaire. Le point 15 de l’article 17 de la directive européenne 2024/1275 dispose : « À partir du 1er janvier 2025, les États membres ne fournissent aucune incitation financière pour l’installation de chaudières autonomes utilisant des combustibles fossiles ». Il est exact que le Gouvernement, dans le projet de loi de finances pour 2025, a omis le mot « autonomes ». Par ailleurs, les chaudières n’utilisant pas de combustibles fossiles ne sont pas concernées.
M. Éric Woerth (EPR). Peut-être faudrait-il prévoir au moins une année pour passer du système où l’acquisition de chaudières à haute performance énergétique faisait l’objet d’une prime à la taxation accrue de ces mêmes chaudières – et pour nous remettre les idées en place, d’autant plus que la France est maillée par un réseau d’approvisionnement en gaz. Tout a été fait pour convaincre les gens de passer au chauffage au gaz. Il n’est pas absurde d’attendre un an avant d’augmenter la TVA qui frappe leurs nouvelles chaudières. Je n’ignore pas que l’article repose sur une directive européenne, mais elle ne sera pas la première que nous mettrons un peu de temps à transposer – dans plusieurs cas assez célèbres, nous avons mis plus d’une année. Ne passons pas sans transition d’un système qui favorise l’acquisition de chaudières à gaz à un système qui la sanctionne.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je rappelle, pour éclairer nos débats en toute objectivité, que les chaudières à gaz ont été favorisées par la réglementation thermique de 2012 (RT 2012), coconstruite par ce qui était alors l’UMP et les socialistes pour promouvoir les chaudières à gaz au détriment des radiateurs électriques, que visait une cabale ridicule menée par Greenpeace en guerre contre nos prétendues surcapacités nucléaires.
Il en va des chaudières à gaz comme du diesel : après avoir dit pendant vingt ans aux Français « Prenez du diesel pour vos bagnoles ! », l’État français augmente les taxes sur le diesel au motif qu’il pollue. Tout cela n’a rien à voir avec la volonté de sauver la planète. Si vous incitez les gens à adopter des comportements pour ensuite les pénaliser par des taxes, comment voulez-vous que les Français, quel que soit leur bord, ne soient pas en colère contre des acteurs politiques qui sont responsables mais jamais coupables ?
M. Philippe Brun (SOC). Ce qui ressort de nos débats, c’est l’évidente instabilité fiscale de la filière des chaudières à gaz. Il y a deux ans, des rumeurs de moratoire sur l’installation de nouvelles chaudières à gaz décidé par la Première ministre Élisabeth Borne, après un moratoire sur le chauffage au fioul, couraient. À présent, il est question d’en alourdir la fiscalité.
En visant le chauffage autonome, comme l’a rappelé le rapporteur général, c’est la France rurale et périurbaine qu’on essaie de tuer. Qui a un chauffage collectif dans la France rurale et périurbaine ? Personne. Le chauffage autonome est malheureusement la règle pour un très grand nombre de nos concitoyens. Pénaliser comme tel le chauffage autonome en lui appliquant un taux de TVA distinct de celui qui s’applique au chauffage collectif, c’est assumer une discrimination qui me semble assez grave dans notre République.
M. François Jolivet (HOR). Il n’y a pas que du gaz d’origine fossile dans les tuyaux : la France développe aussi une filière de biogaz. Elle doit aller au bout de sa démarche et faire un choix. En tout état de cause, elle a des arguments pour gagner un peu de temps avant d’appliquer la directive. Sinon, les méthaniseurs ne servent plus à rien.
La commission adopte les amendements I-CF140, I-CF710, I-CF844 et I‑CF1062.
En conséquence, l’article 10 est supprimé et les autres amendements tombent.
Amendements identiques I-CF501 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF1000 de Mme Sandrine Rousseau
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il s’agit d’aider les refuges et les associations récupérant des animaux maltraités et abandonnés.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Avec Sandrine Rousseau et d’autres, nous sommes engagées à ce sujet depuis plusieurs années. Plusieurs associations, notamment Animal Cross, nous alertent sur la nécessité d’exonérer de TVA les frais vétérinaires des refuges, des fondations et des associations qui récupèrent des animaux maltraités, blessés ou abandonnés.
Chaque année, environ 100 000 animaux sont abandonnés, d’après les estimations les plus basses. Une réduction de la TVA à 0 % serait un vrai coup de pouce pour soulager les finances de ces structures, qui ont subi de plein fouet l’inflation – le coût de l’alimentation des animaux de compagnie a augmenté de 20 % en 2023.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements fort sympathiques se heurtent à un obstacle juridique : une telle exonération n’est pas autorisée par la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite directive TVA. Avis défavorable.
M. Michel Castellani (LIOT). Je suis favorable à ces amendements et regrette que la directive TVA fasse obstacle à l’exonération proposée. Je rends hommage aux personnes, bénévoles ou non, qui œuvrent quotidiennement pour soulager autant que faire se peut la souffrance animale. Par ailleurs, il faut condamner ceux qui, en nombre, font preuve d’absence d’empathie, ou pire de cruauté, envers les animaux.
La commission adopte les amendements identiques I-CF501 et I-CF1000.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF502 de M. Jocelyn Dessigny.
Amendement I-CF926 de M. Guillaume Garot
Mme Sophie Pantel (SOC). Il s’agit d’exonérer de TVA l’achat de denrées au bénéfice des associations d’aide alimentaire habilitées, ce qui ne contrevient pas à la directive TVA. C’est un amendement important, à l’heure où notre pays compte 10 millions de pauvres et où la strate départementale, chargée de la solidarité humaine, rencontre de grandes difficultés de financement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La disposition proposée ne contrevient certes pas à la directive TVA. Toutefois, il semble plus logique, pour être efficace, d’augmenter les subventions aux structures d’aide alimentaire. Les crédits afférents du programme 304 ont justement été augmentés de 20 % dans le budget 2024.
M. Michel Castellani (LIOT). Nous venons de parler de souffrance animale, il est ici question de souffrance humaine ; nous voterons dans le même sens.
Mme Sophie Pantel (SOC). En effet, nous venons d’adopter un amendement favorisant le bien-être des animaux. Nous parlons là d’êtres humains en détresse. Toutes les banques alimentaires sont en difficulté, en dépit de l’augmentation de 20 % des crédits afférents dans le budget 2024. Un coup de pouce est nécessaire pour aider la strate départementale, qui subit un effet de ciseaux. Cet amendement offre le moyen concret et immédiat de le faire.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Les Restos du cœur et les autres banques alimentaires connaissent des difficultés, notamment dans le Nord. Le vote de cet amendement sera scruté. Au rendez-vous annuel des associations et des banques alimentaires, j’ai entendu des députés de tous bords s’engager à soutenir ces structures. Nous sommes ici appelés à voter sur une situation concrète. Il sera tenu compte de ce que chacun votera. Il est temps de prouver que nous ne nous contentons pas de simples paroles.
La commission adopte l’amendement I-CF926.
Amendements identiques I-CF58 de M. François Jolivet et I-CF272 de M. Stéphane Peu, amendement I-CF276 M. Peio Dufau (discussion commune)
M. François Jolivet (HOR). Il s’agit d’assujettir à la TVA non les loyers, qui sont attachés à un bail meublé ou classique, mais les mises à disposition et les facturations d’opérateurs tiers tels que Airbnb. Sur ces plateformes, des opérateurs privés facturent une prestation de service comme un hôtel, par exemple, mais sans être systématiquement assujettis à la TVA. Cela peut inciter à réaliser des travaux d’isolation ou d’ordre patrimonial – sur le principe, cet amendement a suscité de nombreuses réactions dans les zones de montagne et les zones balnéaires. Il n’en reste pas moins qu’un acte purement commercial doit être assujetti à la TVA.
M. Peio Dufau (SOC). Les meublés de tourisme de type Airbnb bénéficient de grosses faveurs fiscales qui déséquilibrent le marché, ce qui, au Pays basque, prive de logement des gens qui y vivent et y travaillent au profit de gens qui préemptent les logements pour en faire un revenu et ne travaillent pas dans la région. La disposition proposée figure dans la proposition de loi de nos collègues Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur. Il est indispensable de l’adopter.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La directive TVA telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) prévoit que les locations meublées sont exonérées de TVA sauf si elles font concurrence au secteur hôtelier, ce que celui-ci ne manque pas d’affirmer. Certains disent qu’assujettir les locations meublées à la TVA présente une certaine fragilité.
Je considère que nous pouvons le faire, afin de replacer dans une situation de concurrence loyale les locations meublées de tourisme et l’hôtellerie. Adoptons l’amendement ; nous verrons en séance publique quelle est la position du Gouvernement.
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement de bon sens s’inscrit dans le travail transpartisan rassemblant de nombreux groupes représentés ce soir. Tous conviennent de la nécessité d’aligner les règles et de simplifier et de favoriser le logement durable, permanent et digne.
La commission adopte les amendements identiques I-CF58 et I-CF272.
En conséquence, l’amendement I-CF276 tombe.
Amendement I-CF724 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). Il vise à supprimer une taxe sur une taxe, en l’espèce la TVA sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. L’amendement est contraire au droit communautaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF736 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux (SOC). Il s’agit d’appliquer le taux réduit de TVA aux biens d’occasion ainsi qu’aux produits reconditionnés ou écoconçus lorsqu’ils sont vendus dans un point de vente physique situé sur le territoire français. Une telle mesure favorisera le développement de l’économie circulaire ; elle profitera à la planète, aux consommateurs et à notre balance commerciale, dans la mesure où elle évitera d’importer deux fois le même objet, a fortiori dans un contexte inflationniste. La condition tenant au « point de vente physique situé sur le territoire français » permet de ne pas appliquer le taux réduit à la vente en ligne de produits de seconde main.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Hélas, une telle mesure n’est pas autorisée par la sixième directive TVA. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1300 de M. Stéphane Delautrette et I-CF694 de M. Corentin Le Fur (discussion commune)
Mme Sophie Pantel (SOC). Nous proposons d’appliquer le taux réduit de TVA au secteur de la réparation, notamment pour l’électroménager et les articles textiles, comme nous y autorise la directive européenne. Encore une fois, cette mesure en faveur de l’économie circulaire profitera aux consommateurs, aux territoires et à la planète.
M. Corentin Le Fur (DR). Je souscris à cette demande d’abaissement du taux de TVA applicable à la réparation de cycles, de chaussures et d’articles en cuir – une proposition qui émane de la Convention citoyenne pour le climat. Les règles fiscales, notamment celles relatives à la TVA, doivent envoyer un signal : en l’occurrence, elles doivent montrer que la réparation est plus valorisée que l’achat d’articles neufs. Cette activité mérite d’être davantage encouragée, soutenue et rendue économiquement viable, notamment parce qu’elle est moins polluante.
M. le président Éric Coquerel. J’ajoute que la réparation permet de créer des emplois non délocalisables, en circuit court. Il y a là un vrai gisement d’emplois, en particulier dans des bassins industriels et dans des villes très populaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’an dernier, nous avons déjà créé un crédit d’impôt pour les réparations de chaussures et d’articles textiles, ce qui nous a valu quelques moqueries de la part de certains de nos concitoyens.
Par ailleurs, la répercussion d’une baisse de TVA sur les prix est généralement incomplète.
Je rappelle enfin que la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a créé des fonds dédiés au financement du réemploi et de la réutilisation, alimentés par les contributions des filières et destinés aux recycleries, aux ressourceries, à d’autres structures de l’économie solidaire et même à certaines entreprises privées. Je ne parle même pas des obligations imposées aux acheteurs publics.
Je donne donc à ces amendements un avis plutôt défavorable.
M. Michel Castellani (LIOT). Dans le cadre de la préparation de mon rapport spécial, j’ai rencontré avant-hier des représentants de l’économie sociale et solidaire – un secteur proche de l’économie circulaire –, qui m’ont décrit les difficultés quotidiennes auxquelles ils étaient confrontés, dans un contexte de baisse des subventions. Je suis donc favorable à ces amendements.
La commission adopte l’amendement I-CF1300.
En conséquence, l’amendement I-CF694 tombe.
Amendement I-CF865 de M. Dominique Potier
Mme Sophie Pantel (SOC). Il convient d’appliquer le taux réduit de TVA aux produits issus du commerce équitable tels que définis par la loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Cela facilitera l’accès des consommateurs à ces produits, souvent 10 % à 15 % plus chers que des produits ordinaires, tout en garantissant des prix rémunérateurs aux producteurs, agriculteurs et éleveurs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une telle mesure n’est pas autorisée par la sixième directive TVA. Du reste, 70 % des biens issus du commerce équitable et vendus en France sont des produits alimentaires, déjà soumis au taux réduit de 5,5 %.
M. David Amiel (EPR). Nous voyons défiler une série de secteurs, tous plus sympathiques les uns que les autres, qui demandent à être soumis au taux réduit de TVA. S’agit-il vraiment du bon instrument pour aider un secteur économique ? Une multitude de rapports prouvent le contraire, car une telle mesure n’est pas ciblée sur les consommateurs à faibles revenus ni sur les besoins des politiques publiques. Pour aider les secteurs dont nous parlons, il y aurait bien d’autres choses à faire que d’appliquer le taux réduit de TVA.
M. le président Éric Coquerel. Je partage votre préoccupation : la plupart du temps, l’application d’un taux réduit de TVA me dérange parce qu’elle ne se répercute pas forcément sur le prix payé par le consommateur. Cependant, dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, de la réparation et de la vente de produits de seconde main, je pense qu’elle produira des effets. Je conviens que c’est un pari mais j’estime que ce système peut être vertueux. C’est un pis-aller car, comme vous, je préfère toujours le versement de subventions ou d’aides financières, mais la volonté affichée du Gouvernement de baisser les dépenses publiques me fait douter de la possibilité de cette option.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF467 de M. Jean-Philippe Tanguy ; amendement I-CF888 de M. Maxime Laisney ; amendements I-CF468, I-CF470 et I-CF469 de M. Jean‑Philippe Tanguy (discussion commune)
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous réclamons une baisse de la TVA sur l’énergie – le gaz, l’électricité, le fioul et les carburants –, non par idéologie mais parce qu’il s’agit de produits de première nécessité, dont on ne peut se passer, au même titre que l’alimentation. Vous connaissez nos arguments, que j’ai déjà exposés, sur le niveau de déconsommation, la crise du pouvoir d’achat et le poids des dépenses contraintes pour les classes moyennes et populaires.
Il est faux de croire qu’une baisse de la TVA ne se répercute pas sur les prix des produits énergétiques non concurrentiels, que le consommateur peut acheter indifféremment dans tel ou tel commerce. Le gouvernement socialiste du Portugal a adopté une telle mesure, et la banque centrale de ce pays a indiqué que le taux de répercussion sur les prix des carburants était de 100 %, comme cela a aussi été constaté dans d’autres pays européens. Je regrette d’ailleurs qu’aucune suite n’ait été donnée à mes demandes répétées d’audition des représentants de la Banque du Portugal.
M. le président Éric Coquerel. Je retiens cette idée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre proposition est contraire au droit communautaire s’agissant du fioul et des carburants ; elle n’est possible que pour le gaz et l’électricité.
L’amendement I-CF467 coûterait quelque 6 milliards d’euros par an. Il n’est pas nécessaire d’appliquer une telle mesure à l’ensemble de nos concitoyens, y compris aux plus aisés qui n’ont pas besoin d’une aide de ce type. S’il fallait vraiment faire quelque chose, il vaudrait mieux agir au moyen du chèque énergie, qui concerne les ménages les plus modestes.
Avis défavorable.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Ce débat sur les taux de TVA est récurrent. Je suis très surpris que des propositions de ce type puissent encore être formulées plus de quinze ans après le fiasco de la baisse de la TVA dans la restauration. L’histoire a montré que ce genre de mesures entraînait des pertes de recettes certaines et définitives pour le budget de l’État, pour des effets très limités voire inexistants sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
M. Philippe Juvin (DR). L’idée est séduisante : on ne peut que se dire qu’une telle mesure serait formidable. Nous avons cependant le devoir de tenir compte de la réalité. Alors que nous connaissons tous la situation financière très compliquée de notre pays, le rapporteur général vient de nous expliquer que ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable à l’électricité, au gaz, au fioul et aux carburants coûterait 6 milliards d’euros par an. Où allons-nous trouver cet argent ? Vous parlez de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), mais vous ne proposez pas de diminutions de dépenses. Ce n’est pas la liste du Père Noël !
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Non, ce n’est pas la liste du Père Noël : c’est la mesure principale – et la plus populaire, à en croire les sondages – du programme du Rassemblement national, qui a rassemblé 11 millions de voix.
Il appartient à la France d’établir sa classification des biens de première nécessité, et c’est bien ainsi que l’énergie doit être considérée. Le rapporteur général a précisé que l’Europe reconnaissait cette possibilité pour deux biens, mais même pour le carburant, la Pologne a obtenu l’application d’un taux de 5 % pendant plus d’un an : il est donc tout à fait possible de faire cette demande, avant de négocier mieux.
Du reste, personne ne veut entendre que, depuis deux ans, un rapport de la Banque du Portugal contredit les allégations de M. Sitzenstuhl. Quel dommage de ne pas pouvoir débattre de façon rationnelle ! Si vous pensez vraiment que la baisse de la TVA dans la restauration n’a eu aucun effet, alors rétablissez le taux de 20 % : on va rigoler…
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF467 et adopte l’amendement I-CF888.
En conséquence, les amendements I-CF468, I-CF470 et I-CF469 tombent.
Amendements I-CF1450 de Mme Julie Laernoes et I-CF1223 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Nous proposons d’appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % à la fourniture et à la pose d’installations photovoltaïques en autoconsommation.
Le nombre de ces installations a été multiplié par trois en deux ans : mi-2024, 500 000 foyers en étaient équipés. Malgré ce chiffre encourageant, la France accuse toujours un retard important par rapport à ses voisins. Réseau de transport d’électricité (RTE) ambitionne d’atteindre 4 millions de maisons équipées en 2030 alors que nos voisins allemands et néerlandais ont déjà atteint ce seuil. La France doit donc adopter des mesures d’urgence pour combler son retard en révisant le cadre fiscal applicable à la production d’énergie solaire. L’application du taux réduit de TVA encouragerait les ménages à s’équiper ; cela permettrait d’atteindre plus vite nos objectifs de développement des énergies renouvelables et d’efficacité énergétique tout en soutenant l’emploi local dans la filière.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, pour des raisons déjà exposées en réponse à un amendement similaire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF175 de M. Julien Dive
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les services à la personne, qu’il est proposé de soumettre au taux réduit de TVA de 5,5 %, font déjà l’objet d’un crédit d’impôt très avantageux, de 50 % dans la limite de 12 000 euros. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF174 de M. Julien Dive.
Amendements I-CF222 de M. Emmanuel Maurel, I-CF619 et I-CF884 de Mme Marianne Maximi, I-CF622 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)
M. Nicolas Sansu (GDR). Comme chaque année, nous demandons que le taux de TVA applicable aux transports publics, ferroviaires ou internes aux agglomérations, soit ramené à 5,5 % afin de favoriser la transition écologique.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Les amendements I-CF619 et I-CF884 visent également à ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable aux trajets en train express régional (TER), bus et métro.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette mesure présente plusieurs inconvénients, à commencer par l’incertitude quant à la répercussion d’une baisse de 4,5 points du taux de TVA sur les prix. Par ailleurs, elle coûterait 2 milliards d’euros. Enfin, les billets de transport en commun sont déjà très subventionnés : ainsi, les recettes provenant des voyageurs ne constituent qu’un quart des ressources d’Île-de-France Mobilités. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1064 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Sophie Pantel (SOC). Cet amendement vise à rendre plus accessibles les prothèses nécessaires à la pratique du handisport. Depuis la réforme des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), il est de plus en plus difficile d’obtenir ce type d’équipements, au prix souvent prohibitif. Une telle mesure favorisera l’inclusion et facilitera la mise en œuvre des décisions prises en commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il me paraît difficile de distinguer le « grand appareillage orthopédique destiné à la pratique du handisport » des autres équipements visant à aider les handicapés à se déplacer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1771 de M. Éric Coquerel
M. le président Éric Coquerel. Je propose de supprimer le taux réduit de TVA sur les droits d’entrée pour la visite d’un parc zoologique. D’une part, cette réduction entraîne, depuis 2017, une distorsion de concurrence en défaveur d’autres secteurs culturels tels que les parcs botaniques, les foires et les salons, les expositions autorisées, les parcs à thème, les jeux et les manèges forains. D’autre part, nous devons nous interroger sur le rapport des zoos à la condition animale. En revanche, je suis favorable à une réduction du taux de TVA applicable aux soins apportés aux animaux par des associations.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En effet, pourquoi favoriser les zoos et non d’autres structures ? Il y a quelques années, le législateur a cédé au lobbying de ces parcs, qui étaient alors en difficulté. Je sais que je ne me ferai pas que des amis, mais je suis plutôt favorable à cet amendement.
M. Éric Woerth (EPR). Pour ma part, je suis opposé à la suppression de cet avantage fiscal, qui existe depuis 2017 et est remis en cause chaque année. La visite d’un zoo est une activité culturelle et éducative à part entière, et le Conseil d’État considère l’exploitation de ces parcs comme une activité agricole. Je comprends les polémiques relatives au bien-être animal, mais les zoos ont beaucoup changé et ne ressemblent plus du tout à ce qu’ils étaient auparavant. Il convient de protéger ce secteur encore très vivant. Ne cédons pas à la tentation quelque peu démagogique qui sous-tend cet amendement : il n’y a aucune raison de relever le taux de TVA sur les tickets d’entrée des zoos.
M. Nicolas Ray (DR). Le groupe Droite républicaine est très défavorable à cet amendement, pour plusieurs raisons. En premier lieu, nous avons besoin de stabilité : aussi les changements incessants de taux sont-ils néfastes. En outre, les parcs zoologiques exercent de vraies missions scientifiques et pédagogiques ; ils contribuent notamment à l’éducation du public. Enfin, cette mesure affecterait le pouvoir d’achat des visiteurs, qui sont une fois de plus des enfants et des familles des classes populaires, qui ne peuvent pas partir en vacances à l’étranger mais profitent de nos parcs situés dans des territoires ruraux.
M. le président Éric Coquerel. Il faudra alors m’expliquer l’inégalité que subissent tous les autres parcs – les parcs botaniques, les parcs à thème, les parcs de jeux et de manèges forains –, dont les droits d’entrée sont soumis au taux normal.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF882 de M. Aurélien Le Coq
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’an dernier, Bruno Le Maire lui-même a introduit dans le PLF pour 2024 une réduction du taux de TVA applicable aux cours d’équitation, ce qui a suscité de nombreux articles de presse. Loin de vouloir jeter l’opprobre sur une pratique sportive – nous voulons au contraire faciliter l’accès à l’équitation –, cet amendement vise à corriger l’injustice que subissent les autres disciplines et à engager une vraie réflexion sur la pratique du sport par toutes et tous, partout sur le territoire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’abaissement du taux de TVA intervenu l’an dernier visait à revenir au droit antérieur, qui avait été condamné par la Cour de justice de l’Union européenne en 2012. La France a mis dix ans à obtenir de l’Union européenne la possibilité de soumettre les activités liées à l’équitation à un taux réduit de TVA. Cela a été accordé en 2022 et transcrit dans la loi de finances pour 2024. Ne revenons pas là-dessus. Avis défavorable.
M. Éric Woerth (EPR). Avec cet amendement, vous voulez jouer au yoyo. Si le Gouvernement a décidé, l’an dernier, de ramener à 5,5 % le taux de TVA sur les centres équestres, c’était pour régler un problème très ancien : à la suite d’un contentieux avec l’Europe perdu en 2012, les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, s’étaient engagés à tout faire pour revenir au taux initial.
Ce secteur économique emploie beaucoup de monde, notamment en milieu rural, et est organisé de manière spécifique : alors que la pratique sportive s’exerce généralement dans un cadre associatif, les cercles hippiques sont souvent de petites entreprises non subventionnées. Maintenons donc le taux de TVA à 5,5 %.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF396 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement, travaillé avec l’association Paris Animaux Zoopolis, vise à supprimer l’avantage fiscal dont bénéficie injustement la vente de poissons aux fins d’empoissonnement, c’est-à-dire dans le but de pêcher. En France, l’objet premier de la pratique de la pêche est purement récréatif, alors qu’en Suisse et en Allemagne, il est interdit de pêcher sans but alimentaire car on ne considère pas les poissons comme des objets de loisir. Permettez-moi d’ailleurs de vous rappeler cette petite phrase de Louis de Funès : « J’ai abandonné la pêche le jour où je me suis aperçu qu’en les attrapant, les poissons ne frétillaient pas de joie. »
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre proposition consiste à taxer à 20 % la vente de poissons d’élevage vivants destinés à la pêche de loisir tout en maintenant le taux de 5,5 % pour la vente de poissons d’élevage vivants destinés à la consommation. Évitons de soumettre le même produit à deux taux différents selon l’utilisateur final. Avis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). La pêche de loisir rassemble 2 millions de personnes dans notre pays. C’est une activité très populaire, qui éduque ses adeptes aux questions liées à la biodiversité.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF695 de M. Corentin Le Fur et I-CF1022 de M. Guillaume Garot
M. Inaki Echaniz (SOC). Il convient de clarifier le champ d’application du taux réduit de TVA de 5,5 % pour les travaux liés à des opérations de rénovation énergétique. Nous en aurons bien besoin, compte tenu des annonces faites au sujet de MaPrimeRénov’.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La rédaction de ces amendements me paraît trop large. J’invite leurs auteurs à les retirer et à les retravailler en vue de la séance ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La commission adopte les amendements identiques I-CF695 et I-CF1022.
Amendement I-CF750 de Mme Martine Froger
M. Michel Castellani (LIOT). Afin d’encourager et d’accélérer la transition énergétique du secteur sanitaire, nous proposons d’appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % aux travaux de rénovation énergétique engagés par les établissements de santé, à l’instar de ce qui est déjà prévu pour certaines catégories d’établissements sociaux et médico-sociaux. Cette proposition s’inscrit également dans le plan de relance de l’investissement dans le système de santé décidé dans le cadre du Ségur de la santé.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF750.
Amendements identiques I-CF248 de M. Stéphane Peu et I-CF810 de Mme Cyrielle Chatelain ; amendement I-CF895 de Mme Marianne Maximi ; amendements identiques I-CF881 de Mme Marianne Maximi et I-CF322 de M. Inaki Echaniz ; amendements I-CF324 et I-CF323 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)
M. Nicolas Sansu (GDR). Le niveau de production de logements, notamment sociaux, est catastrophique. Aussi notre amendement I-CF248 vise-t-il à relancer tant la production que la rénovation de ces logements en ramenant à 5,5 % le taux de TVA applicable à l’ensemble des opérations. Pour l’heure, le taux réduit de 5,5 % ne concerne que les travaux financés par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) ou un prêt locatif à usage social (Plus) ainsi que les opérations menées dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). L’abaissement général du taux de TVA permettra de réduire significativement le coût des opérations, notamment dans le logement intermédiaire actuellement soumis au taux de 10 %.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous faisons face à une terrible crise et accumulons encore chaque année un retard de plus de 50 000 logements. La situation est intenable pour les bailleurs sociaux, qui pourraient pourtant jouer un rôle moteur dans la rénovation thermique des logements. Il est donc essentiel de ramener à 5,5 %, comme le propose l’Union sociale pour l’habitat, le taux de TVA applicable à l’ensemble des travaux de construction de nouveaux logements sociaux et des travaux de rénovation, d’amélioration ou d’entretien des logements sociaux existants. C’est d’ailleurs ce taux de 5,5 % qui s’appliquait à tous les travaux avant 2018.
M. Sébastien Delogu (LFI-NFP). La Fédération française du bâtiment, qui regroupe notamment des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), fait face à une stagnation de la construction de logements. Alors que plus de 26 millions de ménages attendent un logement social, la construction est au point mort. Dans son rapport de 2024 sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé-Pierre souligne qu’en matière de logement social, « la demande est quatre à cinq fois supérieure à l’offre disponible annuellement ». Aussi l’amendement I‑CF895 vise-t-il à rétablir le taux de TVA unique de 5,5 % pour toutes les opérations de construction de logements sociaux, ces derniers étant considérés comme des biens de première nécessité. Cela permettra aux bailleurs sociaux de poursuivre leurs efforts en la matière.
M. Inaki Echaniz (SOC). La construction est en berne et les bailleurs sociaux, en grande difficulté, se trouvent pris en étau entre la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui ponctionne depuis 2018 plusieurs milliards d’euros – des députés du bloc macroniste reconnaissent d’ailleurs cette erreur, ou en tout cas l’existence d’une difficulté –, et l’application du taux de TVA de 20 %. C’est à cette situation qu’entend remédier l’amendement I-CF332, que je pourrais qualifier de transpartisan puisqu’il est identique à l’amendement I-CF881 de Mme Maximi ainsi qu’à deux autres amendements non soutenus de M. Bazin, pour le groupe DR, et de M. Causse, membre du bloc présidentiel, tandis que Mme Chatelain et M. Peu ont déposé des amendements rédigés différemment mais ayant le même objet.
L’amendement I-CF324 est un amendement de repli ; l’amendement I‑CF323 concerne uniquement la rénovation des logements sociaux existants.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour la construction de logements locatifs sociaux, la norme est un taux de TVA à 10 %. Le taux de 5,5 % est une exception réservée aux logements prioritaires relevant de la politique de renouvellement urbain. Au zonage géographique s’ajoute donc un soutien spécifique au logement très social.
Ces amendements visent tous à appliquer le taux de 5,5 % à l’ensemble de la construction de logements sociaux. Une telle mesure poserait un problème de coordination avec les bailleurs privés, auxquels s’applique le taux de 10 % et qui risqueraient de multiplier les demandes reconventionnelles.
En conséquence, il me semble de bon sens de conserver les règles actuelles et de réserver le taux très bas de 5,5 % au logement très social et aux zones prioritaires.
M. le président Éric Coquerel. Ainsi que l’a dit M. Jolivet tout à l’heure, il faut tenter tout ce que l’on peut en matière de construction de logements. Le secteur du BTP (bâtiment et travaux publics) est en crise et il n’y a jamais eu aussi peu de logements sociaux disponibles depuis dix ans ; il en manque partout. La mesure proposée par ces amendements n’est peut-être pas parfaite, mais elle serait tout de suite efficace, aussi bien pour la construction que pour la rénovation et les charges. Je soutiendrai donc cette proposition.
M. Inaki Echaniz (SOC). J’ajouterai que ces amendements sont soutenus par l’ensemble du secteur du logement, qu’il s’agisse des acteurs du logement social, de Nexity ou de la Fédération française du bâtiment (FFB). C’est le logement social dans son ensemble qui est en crise et pas seulement le logement très social. Il faut avoir une vision globale.
Si nous pouvons exonérer les donations jusqu’à 150 000 euros ou maintenir un taux réduit de TVA au bénéfice des parcs zoologiques ou des centres équestres, je ne comprendrais pas que nous ne répondions pas aussi à la crise du logement. Cet enjeu est au cœur de cette législature et de la vie des Français. Comment, dans ces conditions, aurions-nous des pudeurs de gazelle à l’idée de modifier quoi que ce soit ? Il faut abaisser le taux de TVA.
M. Sébastien Delogu (LFI-NFP). Depuis deux ans que je suis député, les gens de ma circonscription ne cessent de m’alerter sur leurs problèmes de logement. Des femmes se retrouvent à la rue avec des enfants. Un homme vit dans sa voiture en face de ma permanence depuis je ne sais combien de temps. Je m’efforce donc d’arracher votre avis de sagesse sur ces amendements, monsieur le rapporteur général, car il s’agit d’une question primordiale. Le logement est dans une situation catastrophique. Des milliers de personnes sont à la rue et des millions dans l’attente d’un logement social. Il serait très regrettable de ne pas accepter ces amendements qui pourraient faire avancer les choses.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le taux de TVA relatif au logement social est une question récurrente depuis la loi Elan et a encore été abordé lors de la mission d’information sur l’accès des Français à un logement digne, que Stéphane Peu a présidée. Nous avons besoin d’un chiffrage présentant non seulement la perte de recettes qu’une telle baisse de TVA impliquerait, mais aussi les effets positifs qu’aurait cette mesure sur la relance de la construction et l’emploi. Il vaut mieux qu’un taux de 5,5 % s’applique à des centaines de millions d’euros que rien du tout, vu que le secteur est bloqué. Il est pénible que nous raisonnions en silos, et d’ici à l’examen du PLF en séance, il faut que nous connaissions la vision de la ministre du logement sur cette question, car la perte fiscale que l’on nous oppose n’en est probablement pas une.
La commission adopte les amendements identiques I-CF248 et I-CF810.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement I-CF1195 de M. Sébastien Saint-Pasteur
M. Jacques Oberti (SOC). Cet amendement vise à instaurer un taux réduit de TVA pour la construction de logements inclusifs, pourvu que leurs bénéficiaires disposent des mêmes droits que les personnes éligibles à l’habitat social. Je rappelle que les logements inclusifs sont destinés aux personnes handicapées et aux personnes âgées, lesquelles peuvent y recevoir un accompagnement particulier.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement ne précise pas le taux réduit qui s’appliquerait au logement inclusif – 5,5 ou 10 %, je
suppose –, pas plus que l’assiette ni les modalités de recouvrement. Ainsi rédigé, il est donc contraire à l’article 34 de la Constitution. Je vous invite à le retirer et à le corriger en vue de l’examen du texte en séance.
L’amendement I-CF1195 est retiré.
Amendement I-CF886 de M. Gabriel Amard
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement est contraire au droit communautaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF885 de M. Gabriel Amard
M. Charles de Courson, rapporteur général. La fourniture d’eau potable et les travaux d’assainissement bénéficient déjà de taux réduits de TVA, s’élevant respectivement à 5,5 et à 10 %. Restons-en là : la fiscalité est déjà très favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF472 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je prends ici mon bâton de pèlerin pour proposer l’instauration temporaire d’une TVA à 0 % sur un panier de produits de première nécessité, soit exactement ce qu’a fait le Portugal, où la mesure s’est répercutée à 95 % sur les prix.
Comme c’est le Rassemblement national qui propose de la reprendre, il y a de la diffamation et des mensonges. Ce faisant, on refuse de considérer une solution qui peut aider les ménages modestes et les familles populaires à mieux se nourrir. Vous pouvez garder vos œillères et refuser tout ce que nous proposons, mais ce dispositif a été instauré par un gouvernement socialiste et a fait l’objet d’un rapport de la part de la Banque centrale du Portugal, sous la supervision de la Banque centrale européenne. Je tiens ce rapport, qui se fonde sur 10 millions d’observations dans les supermarchés, à la disposition de ceux qui auraient un peu de curiosité intellectuelle. Cessons les accusations gratuites !
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans la mesure où vous n’avez pas défini précisément quels seraient les produits de première nécessité concernés, cet amendement est contraire à l’article 34 de la Constitution et constituerait un cas d’incompétence négative du législateur. Pour qu’il soit recevable sur la forme, je vous invite à le retirer et à le réécrire en vue de l’examen du texte en séance.
Sur le fond, je rappelle que selon la directive européenne sur la TVA, seuls les produits d’hygiène absorbants et les protections d’hygiène féminine peuvent bénéficier d’une TVA réduite.
Par ailleurs, la répercussion d’une baisse de TVA sur les prix est toujours incomplète. Au début de l’année 2023, l’Espagne a instauré une TVA à 0 % sur des produits de première nécessité, avec pour conséquence l’accélération des prix alimentaires. De la même manière, en Hongrie, le blocage des prix de certains produits alimentaires a fait bondir parfois de 50 % le coût de certains produits proches.
Enfin, une telle mesure serait très coûteuse pour les finances publiques. Elle représenterait environ 10 milliards d’euros pour les seuls produits alimentaires.
M. le président Éric Coquerel. Je suis contre cet amendement, tout en contestant la corrélation faite par le rapporteur général entre blocage des prix et inflation.
À La Réunion, un blocage des prix de produits de première nécessité a été décidé par un comité auquel participent notamment des représentants de consommateurs et de l’État. Il fonctionne très bien et permet de lutter contre la vie chère, d’ailleurs constatée partout en outre-mer.
Le problème, monsieur Tanguy, est justement que vous ne proposez pas de bloquer les prix. Il n’est pas garanti qu’une baisse de la TVA aboutirait à une diminution des prix ; c’est une fausse bonne idée. Plutôt que faire payer l’État en réduisant la fiscalité, je préfère un blocage des prix, qui permettrait de jouer sur les marges importantes que les distributeurs dégagent sur les produits de première nécessité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans le cas hongrois, ce ne sont pas les produits dont le prix a été bloqué qui ont connu une inflation, mais les produits de substitution, dont la demande a logiquement explosé.
M. le président Éric Coquerel. Toujours est-il qu’une baisse de TVA sur des produits de première nécessité doit être accompagnée d’un blocage des prix.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous avons soutenu le blocage des prix dans les territoires d’outre-mer qui le souhaitaient, car leur situation est particulière. Mais le problème d’un tel dispositif, c’est qu’on ne sait pas en sortir.
En ce qui concerne l’Espagne, vos arguments ne sont pas de bonne foi, monsieur le rapporteur général. La baisse de la TVA y est intervenue alors que le pays connaissait une hyperinflation. La mesure a permis de gagner cinq, six ou sept points d’inflation, mais il est évident qu’elle n’allait pas faire disparaître les quinze points restants. Elle a diminué une augmentation.
Pour revenir à ma proposition, j’ai une étude qui prouve qu’elle fonctionne. Si cela n’intéresse personne, cela vous regarde ; chacun est libre de ses votes ! J’essaie d’être de bonne foi, mais quand je parle de baisse de la TVA, on me répond blocage des prix, et quand je parle du Portugal, on me répond sur l’Espagne…
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF889 de M. Louis Boyard et I-CF1415 de Mme Christine Arrighi (discussion commune)
M. Tristan Lahais (EcoS). L’amendement I-CF1415 vise à revenir sur le taux réduit de TVA dont bénéficie le transport aérien pour les vols domestiques et à lui appliquer le taux normal de 20 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Attendons de voir la taxe sur les billets d’avion qui nous sera proposée. Soyons très prudents : de nombreux secteurs dépendent de ce mode de transport et nos collègues corses et ultramarins ne manqueraient pas de nous interpeller si nous acceptions une telle mesure.
M. Tristan Lahais (EcoS). La Corse et les outre-mer sont exclus du dispositif que nous proposons.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF182 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Alors que le taux de TVA sur les loisirs sportifs marchands comme les abonnements à une salle de sport est de 20 %, il s’élève, sans raison apparente, à 10 % pour d’autres activités comme le mini-golf ou l’accrobranche. Je propose d’appliquer indifféremment le taux de 20 %, ce qui rapporterait à l’État entre 100 millions et 300 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Défavorable. Selon cet amendement, le taux de TVA passerait à 20 % pour les expositions, sites et installations à caractère ludique. Une fois de plus, je plaide en faveur d’un peu de stabilité dans le temps.
La commission adopte l’amendement I-CF182.
Amendements identiques I-CF1613 de M. Nicolas Ray et I-CF1818 de M. Emmanuel Mandon
M. Nicolas Ray (DR). Le bénéfice des taux réduits applicables aux travaux réalisés dans des locaux d’habitation achevés depuis plus de deux ans est conditionné à la réception d’une attestation remplie, datée et signée de la part de l’entreprise. Nous cherchons souvent à simplifier les démarches, tant pour les clients que les sociétés : celle-ci est lourde. Je propose donc de remplacer cette attestation, qui n’est rien d’autre que de la paperasse, par une simple mention du montant de la TVA sur les devis, les factures et les notes – mention que signeraient les clients. Il s’agit d’une mesure de bon sens et de simplification : nous en manquons cruellement dans notre pays.
M. Emmanuel Mandon (Dem). Je précise que ces amendements identiques ont été travaillés avec la Fédération française du bâtiment et qu’ils visent à simplifier la vie de nos concitoyens les moins avisés au sujet de ce type de dispositions. Une telle mesure, en outre, ne coûterait rien.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je m’en remets à la sagesse de la commission. Cela étant, les formulaires en question sont tout de même très simples et il suffit de les signer. Nous pouvons les supprimer si vous le souhaitez mais, le cas échéant, il faudra un système de substitution, car en cas de contrôle fiscal, l’entreprise doit attester qu’elle a bien réalisé les travaux en question, sous peine d’avoir à régler le différentiel de TVA. Je crains que votre idée très simplificatrice ne se retourne contre les sociétés.
La commission adopte les amendements identiques I-CF1613 et I-CF1818.
Amendement I-CF1167 de M. Jean-Pierre Bataille
M. Michel Castellani (LIOT). Cet amendement vise à étendre aux investisseurs particuliers le régime du logement locatif intermédiaire, promu par le Gouvernement auprès des investisseurs institutionnels. Une telle mesure réduirait le déficit de logements et diversifierait l’offre pour répondre aux différents besoins.
Pour ce faire, une TVA réduite à 10 % s’appliquerait aux particuliers investissant dans des ventes en l’état futur d’achèvement (Vefa) et s’engageant à une location nue de longue durée. De plus, les propriétés bâties seraient exonérées de taxe foncière pendant les vingt années suivant l’achèvement. S’ajouterait enfin une déduction annuelle basée sur un amortissement sur vingt ans, afin d’encourager la détention longue.
Ces simples mesures d’alignement sur le dispositif en vigueur pour les institutionnels auraient – nous l’espérons – un impact positif sur les finances publiques, dans la mesure où elles devraient générer 1 milliard d’euros de recettes de TVA tous les 50 000 logements construits, sans compter les recettes ultérieures issues de l’impôt sur les revenus fonciers.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi de finances pour 2024 contenait déjà des mesures favorables à la construction de logements intermédiaires. Elle a étendu le bénéfice du taux de TVA de 10 % à de nouveaux territoires prioritaires, en l’occurrence ceux concernés par une opération de revitalisation du territoire ou par une grande opération d’urbanisme. Et elle a confirmé que les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) sont éligibles à la créance d’impôt dont bénéficient les investisseurs à raison de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dont ils sont redevables pour les logements locatifs intermédiaires.
Ouvrir cet avantage aux particuliers pose question en ce qui concerne le contrôle des conditions fixées par la loi, sachant que les sanctions prévues dans l’amendement paraissent légères.
Enfin, les répercussions d’une baisse de TVA sur les prix ne sont jamais certaines et souvent incomplètes. Si les investisseurs institutionnels sont armés pour négocier les prix, les particuliers le sont nettement moins. Il est donc à craindre une dilution de l’avantage fiscal dans les marges des entreprises de construction. Avis de sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1329 de M. Daniel Labaronne
M. Daniel Labaronne (EPR). Il vise à étendre le régime du logement locatif intermédiaire aux particuliers souhaitant investir dans un organisme de placement collectif immobilier (OPCI).
J’en profite pour signaler qu’il est faux de dire que depuis la disparition du dispositif Pinel, il n’existe plus de véhicule d’investissement pour les particuliers qui voudraient investir dans le logement locatif intermédiaire. Il existe justement les sociétés civiles de placement immobilier, qui sont très intéressantes pour développer ce type de logements et orienter l’épargne des particuliers vers l’investissement immobilier.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Encore une fois, la loi de finances pour 2024 a confirmé que les SCPI sont éligibles à la créance d’impôt dont bénéficient les investisseurs à raison de la TFPB dont ils sont redevables pour les logements locatifs intermédiaires. De plus, en tant que personnes morales, elles bénéficient également de la TVA à 10 %. Étendre ces avantages aux OPCI me paraîtrait excessif, dans la mesure où ils bénéficient déjà d’une fiscalité avantageuse, leurs dividendes faisant partie de l’assiette du prélèvement forfaitaire unique (PFU).
M. Michel Castellani (LIOT). Contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire de l’amendement, il me semble que l’inefficacité du dispositif Pinel n’a justement pas été démontrée. Il ne devrait pas être enterré si facilement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF624 de M. Laurent Panifous
M. Michel Castellani (LIOT). À ce jour, seuls les investisseurs institutionnels sont aidés pour s’engager dans la construction de logements locatifs intermédiaires. Ils bénéficient d’une TVA à 10 % pour les logements achevés. Cet amendement de mon collègue Laurent Panifous vise à étendre ces aides aux particuliers, afin de mobiliser un nouveau levier d’investissement privé et ainsi répondre à la pénurie de logements abordables. S’il est adopté, les particuliers bénéficieraient également d’un taux de TVA réduit à 10 %, ainsi que d’un crédit d’impôt pendant les dix premières années, en contrepartie, bien sûr, d’un engagement à louer le bien comme résidence principale pendant au moins dix ans.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour les mêmes raisons que sur l’amendement précédent, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF891 de M. Aurélien Le Coq
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Par cet amendement, le groupe LFI‑NFP propose d’appliquer un taux de TVA relevé à 33 % à certains biens et services de luxe, afin de financer l’audiovisuel public. Rappelons que la suppression de la redevance audiovisuelle fait perdre à l’État 3,7 milliards d’euros chaque année, une somme qui finançait la culture, la création et le service public de l’information. Le dispositif que nous défendons ferait peser le financement de l’audiovisuel public non sur une fraction du produit de la TVA, mais sur une TVA spécifique aux produits de luxe. Ceux-ci sont l’apanage des plus riches et devraient faire l’objet d’un taux supérieur à celui s’appliquant aux autres marchandises. C’est l’occasion d’instaurer un système plus juste et qui fonctionne ; la Norvège l’applique déjà.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il s’agirait d’une disposition anticommunautaire puisque la sixième directive relative à la TVA interdit le recours à des taux de TVA relevés par rapport au taux normal choisi par l’État membre, en l’occurrence 20 % pour la France.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1556 de Mme Christine Pires Beaune et amendements identiques I‑CF828 de M. Jean-René Cazeneuve et I-CF1400 de Mme Lise Magnier (discussion commune)
Mme Christine Pires Beaune (SOC). D’après la Cour des comptes, le manque à gagner dû à la fraude à la TVA atteindrait 25 milliards d’euros par an. Afin de lutter contre ce phénomène, mon amendement I-CF1556 vise à interdire le recours à des logiciels de caisse dits permissifs, c’est-à-dire permettant une autocertification des comptes.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Mon amendement a le même objet : lutter contre la fraude à la TVA et renforcer notre exigence vis-à-vis des logiciels utilisés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je partage cette idée. Il me semble simplement que l’amendement de Mme Pires Beaune est plus précis, dans la mesure où la certification des logiciels passerait par un organisme indépendant des éditeurs. Comme tout le monde est d’accord sur le fond, adoptons celui-là, puis nous discuterons avec le Gouvernement.
M. Matthias Renault (RN). Je partage l’objectif, mais la fraude à la TVA n’est-elle pas principalement due aux paiements en liquide et à l’absence d’édition d’une facture par le vendeur ? Qu’il soit certifié ou non, je ne vois pas en quoi le type de logiciel utilisé a une importance.
Par ailleurs, quel coût aurait, pour un commerçant, le passage à un logiciel certifié ?
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Le mode de paiement n’est pas en cause : la fraude à la TVA concerne indifféremment les paiements en liquide ou par carte bancaire. Les logiciels permissifs permettent, à la fin de la journée, d’effacer des écritures.
Deuxièmement, il n’y a pas de surcoût lié à l’utilisation d’un logiciel certifié.
En revanche, la fraude tend à s’aggraver et il est urgent d’agir. J’avais déjà déposé cet amendement l’an dernier, mais je disposais de moins d’informations. À cet égard, je vous invite à lire les motifs de deux condamnations récentes, la première à Albi, la seconde à Toulouse, qui ont donné lieu à des amendes de plusieurs milliers d’euros et à des peines de plusieurs mois de prison. Y compris dans l’intérêt des utilisateurs de ces logiciels, nous devons légiférer.
L’amendement I-CF828 est retiré.
La commission adopte l’amendement I-CF1556.
En conséquence, l’amendement I-CF1400 tombe.
Amendements identiques I-CF625 de M. Jean-Hugues Ratenon et I-CF249 de Mme Karine Lebon et amendements I-CF1023 de Mme Sandrine Rousseau, I‑CF1153 de M. Olivier Serva et I-CF1105 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
M. David Guiraud (LFI-NFP). L’amendement I-CF625 de mon collègue Ratenon est très important et concerne nos compatriotes d’outre-mer. Nous sommes toutes et tous au fait des récents événements en Martinique et personne ne peut être indifférent au coût de la vie dans les territoires ultramarins. Selon l’Insee, les Guadeloupéens payent les produits 42 % plus cher qu’en Hexagone, les Martiniquais 40 % et les Guyanais 39 %. En Martinique, le papier toilette coûte 6 euros et la lessive 17,50 euros, contre respectivement 2,80 euros et 5 euros en métropole. Bref, les distorsions de prix sont insupportables pour nos compatriotes ultramarins.
Cet amendement vise donc à appliquer un taux de TVA à 0 % sur les produits de première nécessité en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Martin. Nous pouvons nous le permettre quand, par ailleurs, 60 milliards d’euros de TVA sociale vont être mobilisés, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour compenser les exonérations de cotisations sociales. Il ne s’agirait que d’un petit coup de pouce pour aider nos compatriotes. Ce serait certes insuffisant, tout comme les négociations en cours ne suffiront pas, mais ils ont besoin que nous fassions tout pour réduire les prix des produits de première nécessité dans leurs territoires.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je rappelle simplement que le dispositif décrit par David Guiraud existe déjà en Guyane et à Mayotte. Il ne s’agit que de l’étendre à quatre autres collectivités d’outre-mer.
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). L’amendement I-CF1023 de ma collègue Sandrine Rousseau est presque identique. À ce qui vient d’être dit, et pour faire écho à nos précédents débats, j’ajoute que nous souhaitons que l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) s’assure que l’exonération de TVA que nous proposons se répercutera bien sur les prix et non sur les marges des entreprises.
M. Michel Castellani (LIOT). Le bouclier qualité prix (BQP) est un dispositif destiné à lutter contre la vie chère en outre-mer, dans un contexte de crise sociale dans le bassin Antilles-Guyane. Il convient d’envoyer un signal politique fort aux territoires ultramarins. L’objet de l’amendement I-CF1153 de mon collègue Serva est donc d’exonérer de TVA les produits inclus dans le BQP.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Avant de se prononcer sur l’amendement de repli I-CF1105 de mon collègue Gustave, ainsi que sur les autres de cette discussion commune, j’espère que chacun aura en tête la mobilisation, notamment en Martinique, contre la vie chère, et la situation insupportable que mes collègues ont présentée. Les prix sont en moyenne 40 % plus élevés en Martinique et en Guadeloupe que dans l’Hexagone. Les yaourts, par exemple, coûtent 116 % plus cher.
Oui, il faut une TVA à 0 % sur les produits du bouclier qualité prix dans ces deux territoires, ainsi qu’à La Réunion. Le BQP est un dispositif négocié de régulation des prix permettant le plafonnement réel, par arrêté préfectoral, du prix de produits de première nécessité, après consultation de l’OPMR et des différents acteurs. Il est absolument nécessaire de bloquer le prix de produits de consommation courante, qu’ils soient alimentaires ou d’hygiène.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Rappelons d’abord que la TVA ne s’applique pas en Guyane et à Mayotte. En Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, le taux normal s’élève à 8,5 % et le taux réduit à 2,1 %, soit des niveaux très bas.
Ensuite, l’accord qui vient d’être trouvé en Martinique et qui prévoit une baisse des prix de 20 %, indique bien que le problème n’est pas tant le taux de TVA que le monopole qui existe dans le domaine de la distribution.
À cela s’ajoute un autre problème explosif qu’il nous faut régler : l’octroi de mer. Dispositif transitoire devant s’éteindre, sauf erreur de ma part, en 2027, il s’agit d’une sorte de taxe à l’importation qui abonde fortement les budgets des collectivités de Martinique et de Guadeloupe. S’il était supprimé, les prix baisseraient davantage.
En définitive, la question fiscale me semble bien modeste – sachant que, de surcroît, il n’est pas certain qu’une baisse de 2,1 à 0 % du taux de TVA se répercuterait sur les prix.
M. le président Éric Coquerel. En cohérence avec ce que j’ai répondu plus tôt à M. Tanguy lors de la discussion de l’amendement I-CF472, je soutiendrai les amendements incluant un blocage des prix.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). La situation que vous décrivez préoccupe tout le monde, à commencer par nos collègues ultramarins, mais baisser les recettes de l’État n’est pas la solution. Le système en vigueur dans ces territoires est très spécifique et la mesure proposée ne ferait qu’enrichir les intermédiaires et alimenter la spéculation.
Comme l’a expliqué le rapporteur général, les questions de l’octroi de mer, qui n’est autre que la principale recette des collectivités d’outre-mer, et de la situation de monopole ou de duopole qui existe s’agissant de l’importation de certains produits, sont très importantes, sans parler de la politique économique de diversification qu’il conviendrait de mener. Je vous renvoie d’ailleurs à un récent éditorial de Patrick Cohen consacré à cette question.
M. Philippe Juvin (DR). En Martinique, les produits alimentaires sont 42 % plus chers qu’en métropole. À cet égard, la commission d’enquête sur la vie chère en outre-mer, lancée lors de la précédente législature à l’initiative du groupe Socialistes, avait insisté, comme vient de le faire le rapporteur général, sur le fait que les écarts de prix étaient surtout dus à la concentration excessive dans le domaine de la distribution, où il existe un quasi-monopole et donc une absence de concurrence. La commission d’enquête avait bien montré qu’il s’agissait du problème principal à résoudre et qu’il représentait un gain potentiel de 10 à 20 % pour les consommateurs, dans le cadre des négociations avec les grands groupes. Je le répète, le vrai sujet n’est pas la TVA, mais la situation de monopole dans la distribution.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Vous avez raison, il y a bien un grave problème, dû notamment à l’existence d’une quinzaine d’intermédiaires pour l’importation des produits et aux frais d’approche, et il est vrai que l’exonération de TVA ne le résoudra pas. Cela étant, ce n’est pas parce que la question fiscale est secondaire que nous ne devons pas agir. Associée au blocage des prix, cette mesure procurerait une respiration.
Par ailleurs, alors que vous êtes aux responsabilités, pourquoi n’agissez‑vous pas au sujet des intermédiaires ou du blocage des prix ? Ces amendements vous donnent l’occasion de valider une mesure demandée et attendue par les personnes mobilisées en outre-mer. Si vous voulez pouvoir vous regarder dans la glace, prenez vos responsabilités ! (Protestations.) Les manifestants le réclament. Là, vous vous cachez derrière votre petit doigt en disant que le problème est ailleurs !
M. David Guiraud (LFI-NFP). À la lumière de cette intéressante discussion, il me semble que l’amendement le mieux rédigé est le I-CF1023. Il faut effectivement que la baisse de la TVA s’accompagne d’une diminution des prix et qu’elle n’ait pas pour effet d’accroître les marges des entreprises.
Par ailleurs, je tiens à vous alerter : la situation en Martinique est appelée à s’étendre, car quand on ne peut pas acheter du papier toilette, dont le prix est deux ou trois plus élevé que dans l’Hexagone, la dignité des gens est atteinte, d’où la mobilisation sociale. À cet égard, les négociations sont en passe de capoter, la principale organisation à l’origine des manifestations ayant claqué la porte il y a quelques jours. Il faut donc revenir à la raison et être un tant soit peu utile en tant que législateur.
M. Christian Baptiste (SOC). Ce n’est pas la première fois que nous proposons à la commission des finances d’instaurer une TVA à 0 % en Guadeloupe ou en Martinique. Pour les entreprises, il s’agirait d’une opération neutre, dans la mesure où elles reversent cette taxe. L’exonération améliorerait donc automatiquement le pouvoir d’achat de nos compatriotes ultramarins.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). S’agissant des outre-mer, vous avez raison, monsieur le président, la situation oligopolistique impose de bloquer les prix. Pourriez-vous indiquer quel amendement le prévoit, car il me semble que ce n’est pas le cas du I-CF1023 ?
M. le président Éric Coquerel. C’est exact. Si tout le monde est d’accord, je suggère le retrait des amendements I-CF625, I-CF249 et I-CF1023, au profit du I-CF1153 de M. Serva, qui me semble préférable et qui fait référence au BQP.
Les amendements I-CF625, I-CF249 et I-CF1023 sont retirés.
La commission adopte l’amendement I-CF1153.
En conséquence, l’amendement I-CF1105 tombe.
Amendement I-CF22 de Mme Sophie Taillé-Polian
M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement vise à conditionner le taux très réduit de TVA dont bénéficient les entreprises des secteurs de la presse, du papier et du numérique à l’instauration d’un droit d’agrément des journalistes sur la nomination de tout responsable de leur rédaction. Il s’agit ici d’articuler la liberté de la presse, qui est un élément fondamental de la démocratie protégé par la Constitution, avec le pouvoir, accordé aux actionnaires, de nommer des directeurs de publication – pouvoir qui devient excessif lorsque les journalistes ne donnent pas leur assentiment.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Conditionner le bénéfice de la TVA à 2,1 % à l’instauration d’une procédure d’agrément des journalistes à la nomination des responsables de leur rédaction n’est pas possible.
Notons d’abord que seul Le Monde prévoit actuellement une telle procédure. Il serait donc le seul journal concerné par le dispositif que vous proposez.
Rappelons ensuite que ce taux réduit de TVA coûte environ 60 millions d’euros par an, tandis que les aides à la presse, elles, sont de l’ordre de 180 millions. Il serait donc plus efficace de cibler ce dispositif, comme le fait la proposition de loi de Mme Taillé-Polian visant à protéger la liberté éditoriale des médias sollicitant des aides d’État.
Enfin, votre amendement reviendrait de fait à autoriser la désignation de responsables sans l’assentiment des journalistes : il suffirait de payer un taux de TVA plus élevé. Je ne crois pas que ce soit votre objectif.
Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Le groupe DR est opposé à cet amendement. La liberté de la presse avant tout !
M. Inaki Echaniz (SOC). Ayant été corapporteur, avec Isabelle Rauch, de la mission d’évaluation de la loi Bloche, j’ai étudié le dispositif du droit d’agrément et je suis favorable à l’amendement ici proposé. Je serai heureux de vous communiquer ce rapport d’ici à l’examen du PLF en séance, monsieur le rapporteur général, afin que vous puissiez changer d’avis.
La commission rejette l’amendement.
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Réunion du vendredi 18 octobre 2024 à 9 heures (article 11 à après l’article 13)
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).
Amendements de suppression I-CF1 de M. Charles Sitzenstuhl, I-CF1355 de M. Charles Rodwell et I-CF1648 de M. Mathieu Lefèvre
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Nous en arrivons à un sujet important : la hausse de l’impôt sur les sociétés (IS), prévue à l’article 11 et qui est une très mauvaise idée.
L’histoire retiendra que c’est un gouvernement de droite qui fait replonger la France dans la folie fiscale. En 2017, après l’élection d’Emmanuel Macron, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont déployé la grande réforme fiscale qui avait été promise aux Français. La pierre angulaire en était la baisse de l’impôt sur les sociétés, alors ramené à 25 % – un taux proche de la moyenne européenne.
Assurer la stabilité de ce taux est particulièrement important pour encourager les investisseurs, garantir l’attractivité de la France et redonner une marge de manœuvre à nos entreprises. Je ne peux souscrire à l’importante hausse de l’IS qui est proposée, et qui, n’en doutons pas, est appelée à être pérennisée. Je demande donc la suppression de cet article.
M. Charles Rodwell (EPR). Effectivement, la réforme fiscale menée depuis 2017 a été une grande victoire politique et l’un des principaux moteurs de notre économie. Depuis sept ans, elle a permis de recréer de la valeur, de l’emploi, des entreprises. Nous ne pouvons donc pas soutenir cette hausse sans précédent de l’IS.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). L’enfer fiscal est toujours pavé de bonnes intentions. Cette hausse massive de la fiscalité ferait largement décrocher la France par rapport à ses voisins européens. Même les travaillistes britanniques ont sanctuarisé le taux d’impôt sur les sociétés, conscients qu’il joue un rôle majeur dans les comparaisons à l’échelle internationale.
Adopter cette surtaxe, qui risque en effet malheureusement d’être pérennisée, c’est envoyer un signal délétère non seulement aux 450 entreprises directement concernées, mais aussi à toutes les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) de la chaîne de sous-traitance qui font vivre vos circonscriptions, avec toutes les conséquences que l’on sait sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Une hausse de 8 milliards de l’impôt en 2025 ne peut pas être sans conséquences négatives sur la croissance, l’attractivité et l’emploi.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vais exposer ma position sur l’ensemble de l’article ; je serai plus bref ensuite.
Les entreprises doivent contribuer à limiter le déficit public, mais l’effort qui leur est demandé par le Gouvernement à travers l’article 11 me semble excessif. Je vous proposerai donc deux amendements visant à le diviser par deux, pour le ramener à 4 milliards.
Des amendements ont été déposés pour pérenniser la contribution, en augmenter le taux ou élargir le champ des entreprises assujetties. Certaines de ces propositions pourraient aboutir à imposer les bénéfices à hauteur de 55 % : c’est trop. N’oublions pas que les grandes entreprises ne seront pas les seules redevables de cette surtaxe, qui touche également plusieurs entreprises de taille intermédiaire (ETI), au chiffre d’affaires compris entre 1 et 1,5 milliard d’euros.
En l’état, notre taux d’IS est déjà légèrement au-dessus de la moyenne européenne, qui va de 15 % à 35 % pour Malte. Avec ces amendements, il deviendrait le plus élevé de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Le taux d’imposition prévu par le Gouvernement est de 30,15 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 3 milliards, et 35,3 % pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur. Face à des hausses aussi massives, il y a fort à parier que les entreprises développeraient des stratégies comptables adaptées. La pérennisation proposée dans certains amendements ne ferait que déplacer la base taxable dans d’autres pays.
D’autres amendements proposent à l’inverse de supprimer cette contribution, d’en abaisser le taux ou de la limiter à une seule année. Pour ramener le déficit sous la barre des 5 %, nous ne pouvons pas nous permettre de la supprimer totalement. Cette contribution reste ciblée, contrairement à celles des années 1990, qui concernaient presque toutes les entreprises, ou à celle de 2011, qui visait celles dont le chiffre d’affaires était supérieur à 250 millions d’euros. En outre, la durée d’application du dispositif – deux ans – reste réduite par rapport à ce que nous avons pu connaître par le passé : les surtaxes instaurées par Alain Juppé, Lionel Jospin et François Fillon avaient duré respectivement dix, trois et cinq ans.
Je demande donc le retrait de tous les amendements au profit des deux miens.
M. le président Éric Coquerel. À l’heure où l’on demande un effort à tous – chômeurs, retraités, classes populaires et moyennes – et où un plan de rigueur prévoit une baisse de 36 milliards des dépenses sociales et publiques, qui sont le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas, les Français ne comprendraient pas que l’on renonce à faire contribuer les très grandes entreprises, qui sont les grandes gagnantes de sept années de macronisme et qui ont pour la plupart recyclé les cadeaux que vous leur avez accordés non même pas en profits, mais en dividendes.
Le taux d’IS proposé – à titre temporaire, d’ailleurs, et croyez bien que je le regrette – serait un retour à celui qui avait cours en 2017, voire en dessous, selon que le chiffre d’affaires de l’entreprise excède ou non 3 milliards. Voilà en quoi consiste tout votre effort !
Cette surtaxe ne concerne en réalité qu’une infime partie des entreprises et, quoi que vous en disiez, ne les mettra pas en difficulté. Leurs dividendes en souffriront peut-être un peu, mais au regard des efforts nécessaires, notamment en matière écologique, elle paraît tout à fait justifiable. Si elle était supprimée, votre budget serait définitivement inacceptable.
Quant à votre bilan économique, je vous renvoie à la tribune que j’ai signée dans Libération il y a quelques jours. Quand on observe une baisse de 2 % des emplois industriels depuis 2017, on ne peut pas parler de réindustrialisation du pays – ce que vous dites est faux depuis le début. Depuis 2022, on compte toujours moins de créations d’entreprises, mais beaucoup de fermetures liées à la délocalisation. Quant aux 2 millions d’emplois prétendument créés, je rappelle que près de 1 million correspondent en réalité à des apprentis, et 700 000 à des autoentrepreneurs. Alors arrêtez d’embellir votre bilan et d’essayer de faire croire que la baisse des impôts des très grandes entreprises a été bénéfique. C’est faux, et il serait inimaginable de ne pas les faire contribuer aujourd’hui.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Si certains en doutaient encore, les amendements de suppression proposés par la majorité sont bien la preuve de l’étrangeté de la situation politique.
Bien évidemment, nous nous y opposerons. Quoi que vous disiez, vous demandez des efforts à tous les Français : la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ne suffira pas à leur épargner une hausse des dépenses quotidiennes. Mutuelle, assurances, taxe sur l’électricité, la note sera salée ! Dès lors, vous ne pouvez pas tenir à l’écart les profits des 450 plus grandes entreprises, sans quoi nous verrons les gilets jaunes revenir dans la rue – et ils auront raison !
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Personne, ici, ne peut croire qu’augmenter l’imposition des entreprises sera sans conséquence sur l’investissement, l’emploi et le développement, sur les employés de ces entreprises et, par ricochet, sur tous les Français. On voit bien l’idée d’une vengeance de court terme, d’une punition contre des entreprises qui se sont fait beaucoup d’argent, mais à moyen terme, tout le monde en sera victime. Contrairement à ce que vous semblez penser, madame Pirès Beaune, les entreprises sont déjà ciblées par ce projet de loi de finances, à travers l’augmentation des charges et de plusieurs taxes spécifiques.
Néanmoins, je voterai contre ces amendements de suppression. Au regard de l’état de nos finances publiques, il est nécessaire de prévoir un impôt supplémentaire, à condition qu’il soit exceptionnel et ciblé sur les plus grandes entreprises. Et j’espère que, d’ici à la fin de la discussion budgétaire, nous aurons diminué suffisamment les dépenses publiques pour que la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises soit la plus faible possible.
M. Nicolas Sansu (GDR). Bien évidemment, je voterai contre ces amendements de suppression.
Chers collègues macronistes, qui nous parlez de vos victoires politiques et économiques depuis 2017, vous devriez vous demander pourquoi elles ne se sont pas traduites en victoires électorales ! Il existe en France un véritable problème de consentement à l’impôt, parce que l’immense majorité des Français n’acceptent pas que les cadeaux soient toujours pour les mêmes. On sait que les très grandes entreprises ont fait des profits extraordinaires, les versements de dividendes des très grandes multinationales augmentent année après année, ils dépasseront 100 milliards cette année !
Comment, dès lors, ne pas leur demander un effort, alors que tous les Français seront mis à contribution, par exemple, comme vient de le rappeler Mme Pirès Beaune, à travers la hausse du coût des mutuelles ou de la taxe sur l’électricité, si le Gouvernement décidait de passer en force sur ce sujet ? Refuser cette surtaxe serait une grave erreur politique, qui fracturerait le pays.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous ne voterons pas non plus ces amendements de suppression, non parce que ça nous fait plaisir d’augmenter les impôts, mais parce qu’en l’absence de plan de financement, ils déséquilibreraient le budget. Moi, je n’ai pas de baguette magique. Nous allons bien proposer quelques amendements, notamment un pour imposer lourdement le rachat d’actions, mais mon petit doigt me dit que nos collègues macronistes auteurs des amendements de suppression ne le voteront pas !
Que l’on soit ou non d’accord avec les idées des uns et des autres pour trouver de nouvelles recettes et limiter le déficit, le plan qui nous est proposé a l’avantage d’être cohérent. À ma connaissance, vous ne proposez pas un plan qui permette 8 milliards d’économies sur les dépenses.
M. Nicolas Ray (DR). Si vous n’aviez pas mis les finances publiques dans cet état, nous ne serions pas en train de débattre d’une nouvelle taxe ! Notre groupe souhaite vivement que les efforts portent principalement sur la réduction des dépenses, mais à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : une contribution temporaire et ciblée est une des solutions pour résoudre une équation budgétaire extrêmement complexe. Chacun doit faire un effort, y compris les entreprises – même le président du Medef, qui n’était pourtant pas ravi, en a convenu.
Si nous voulons alléger les contraintes des Français et des collectivités dans d’autres domaines – retraites, factures d’électricité –, cette mesure est nécessaire, même si nous ne l’acceptons pas de gaieté de cœur et qu’il faut absolument la borner et la calibrer. Nous voterons donc contre ces amendements de suppression.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Ces amendements, dus aux macronistes mêmes qui nous ont plongés dans le chaos budgétaire à coups de cadeaux aux grandes entreprises, sont scandaleux et insupportables.
Vouloir récupérer 3 milliards avec une hausse de la taxe d’électricité alors que 12 millions de gens sont en situation de précarité énergétique, c’est normal... Gagner 3,6 milliards sur les retraites alors que 2 millions de retraités sont pauvres, ou 3,8 milliards sur le déremboursement des consultations médicales alors qu’on compte 11 millions de pauvres dans notre pays, cela vous convient. Mais alors, aller récupérer 8 milliards auprès des très grandes entreprises auxquelles vous avez consenti jusqu’à 200 milliards de cadeaux par an et qui ont versé 107 milliards de dividendes l’an dernier, cela vous est insupportable ! C’est absolument indécent !
Non, les baisses d’impôts n’ont eu absolument aucun effet positif sur l’économie et la croissance de notre pays. Cette année, on compte trente-sept fermetures d’usine pour vingt-trois ouvertures.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous sommes absolument contre ces amendements de suppression.
Il y a quelques années, suite à la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe de 3 % sur les dividendes, nous avions demandé aux grandes entreprises un effort ponctuel d’une année, dans le cadre de la loi sur les services numériques, et elles avaient joué le jeu. Y sont‑elles prêtes aujourd’hui ? Il est vrai que l’effort qui leur est demandé est important, mais il est nécessaire pour équilibrer les finances publiques. En revanche, la baisse de l’impôt sur les sociétés a été une réussite, qui a permis aux entreprises de dégager des profits pour les réinvestir, d’améliorer la situation de leurs salariés et de soutenir leur développement. C’est pourquoi la contribution qui leur est demandée doit absolument rester ponctuelle.
Mme Eva Sas (EcoS). Ces amendements de suppression illustrent bien l’attitude de certains partisans d’Emmanuel Macron, constants dans leur volonté de diminuer toujours plus l’impôt sur les entreprises, quitte à creuser le déficit, comme ils l’ont fait pendant déjà sept ans.
Et pourtant, le projet de loi de finances (PLF) est déjà très déséquilibré : on demande beaucoup au plus grand nombre, notamment à travers les 10 milliards de coupes budgétaires dans les dépenses sociales, et peu aux plus riches. La seule chose que l’on demande aux grandes entreprises, c’est cette contribution exceptionnelle sur l’IS, dont le rendement ne devrait même pas atteindre les 8,5 milliards annoncés – plus personne n’y croit, je vous renvoie aux Échos d’aujourd’hui. La suppression de cette contribution ne ferait que déséquilibrer encore davantage le budget.
M. Gérault Verny (UDR). Prenons l’exemple de LVMH, qui alimente beaucoup de fantasmes dans l’opinion. Son chiffre d’affaires représente 0,7 % du PIB français, mais 4,5 % des produits de l’IS. Alors qu’il ne réalise que 7 % de son chiffre d’affaires en France, le groupe y verse 40 % de ses impôts. Gardons en tête que les grandes entreprises que vous voulez taxer réalisent leurs profits à l’étranger mais font rentrer des devises et créent de l’emploi en France.
Il y a un problème idéologique : une entreprise n’est pas une banque, c’est une personne morale qui crée de la richesse et des emplois, eux-mêmes contributeurs de richesse. Les besoins en innovation de la France, comme les carburants novateurs dont nous avons parlé hier, ce sont ces entreprises qui y répondront.
Le taux d’IS en France est déjà fixé à 25 %, pour une moyenne européenne de 21 %.
M. Éric Woerth (EPR). D’un point de vue économique, cette mesure peut sembler une erreur. Personne, dans la majorité relative, n’a envie d’augmenter l’IS. Mais il faut regarder la réalité d’en face.
Ce PLF marque le début d’une nouvelle histoire pour nos finances publiques. Alors que nous commençons à tenter de les redresser structurellement, après toutes les crises, ce grand impôt est un passage obligé – cette solution a d’ailleurs déjà été retenue dans le passé. L’important est qu’il reste ciblé et temporaire, les deux étant garantis dans le texte, qui prévoit une contribution de deux ans réduite de moitié la deuxième année.
D’ailleurs, un tel impôt n’est en rien contradictoire avec la politique de l’offre qui a été menée jusqu’à présent, et dont je crois sincèrement qu’elle a été efficace en France, comme dans d’autres pays – mais je sais que vous ne partagez pas ma conviction, monsieur le président. Les résultats sont longs à apparaître, mais la France est bel et bien en train de se transformer sur le plan économique, et plutôt en bien.
M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas le tout de le croire, encore faut-il le démontrer.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques I-CF1270 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1428 de M. Éric Coquerel, I-CF1832 de M. Olivier Faure, I-CF1837 de Mme Eva Sas
M. Nicolas Sansu (GDR). Tout le monde s’accorde sur le fait que le dispositif proposé par le Gouvernement ne générera pas 8 milliards d’euros de recettes. Pour atteindre cet objectif de rendement, l’amendement vise à demander aux 450 plus grandes entreprises une contribution exceptionnelle de quinze points pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 3 milliards, et de trente points pour celles dont le chiffre d’affaires excède 3 milliards.
Et que l’on ne nous reproche pas une mesure confiscatoire, car cela reviendrait à considérer que le chiffre d’affaires est un revenu personnel ; or vous répétez sans cesse que ce n’est pas le cas. On ne peut pas changer de point de vue en fonction du type d’impôt que l’on souhaite instaurer !
M. Philippe Brun (SOC). À l’évidence, il y a un problème avec l’article 11 : d’après nos calculs, le rendement du dispositif proposé par le Gouvernement s’approche davantage de 5,5 milliards que des 8 milliards annoncés. Afin de rester fidèles au montant promis aux Français, qui figure dans tous les documents d’évaluation du PLF, il est donc nécessaire de modifier les taux prévus à l’article 11.
Les propos de l’ex-majorité présidentielle sont troublants : cette contribution exceptionnelle n’est que la redite de la surtaxe sur l’IS votée avec enthousiasme par Jean-René Cazeneuve en 2017. Éric Woerth, qui avait voté contre, y est aujourd’hui favorable. C’est le même dispositif, mais les avis évoluent.
Quand il faut trouver de l’argent, on instaure une surtaxe sur l’IS des grands groupes : c’est un dispositif vieux comme le monde, ou comme la désindexation des retraites ! On a toujours fait comme cela et il est très étrange de s’y opposer avec tant de ferveur.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La baisse continue de la fiscalité des entreprises n’a pas entraîné la floraison de l’économie mais, bien au contraire, une explosion des dividendes et une stagnation des investissements. Or, pour faire face notamment aux enjeux essentiels de la transition écologique et de l’adaptation au dérèglement climatique, nous avons besoin d’investir massivement. Pour pallier le manque d’investissement des entreprises, la puissance publique a besoin de recettes. En la matière, les propositions du Gouvernement ne sont que de la poudre aux yeux : elles sont largement insuffisantes pour répondre aux enjeux, d’où notre amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tels qu’ils sont rédigés, au B. du IV. de l’article, vos amendements aboutiraient à abaisser le taux de la contribution exceptionnelle à 30 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards. Je vous invite donc à les retirer et à les retravailler d’ici à la séance.
M. David Amiel (EPR). Au-delà de cette erreur de forme, je voudrais relever deux contrevérités. Premièrement, la surtaxe à l’impôt sur les sociétés instaurée en 2017 n’avait rien à voir avec celle proposée aujourd’hui. Le gouvernement de François Hollande ayant décidé d’une modulation de l’IS contraire aux règles européennes, il avait fallu rembourser 10 milliards d’euros aux grandes entreprises. La surtaxe proposée visait à protéger les finances publiques du coût de cette erreur.
Ensuite, il ne faudrait pas laisser croire que la hausse de l’impôt sur les sociétés, si nécessaire soit-elle à court terme en matière budgétaire, serait sans conséquence sur l’investissement, l’emploi ou l’attractivité. Sinon, la gauche britannique n’aurait pas pris la peine de sanctuariser l’impôt sur les sociétés dans le plan d’ajustement budgétaire qui est en cours.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Amiel, ce n’était pas une modulation du taux de l’IS, mais une taxe de 3 % sur les dividendes : c’est à ce motif qu’elle a été invalidée par la Cour de justice de l’Union européenne.
M. Philippe Brun (SOC). Il est toujours désagréable de contredire le rapporteur général, mais l’alinéa qu’il cite correspond non à l’imposition globale au titre de l’IS, mais au taux de la surtaxe. Les 30 % que nous proposons aboutissent donc à une taxe plus élevée que le texte en l’état.
La commission rejette les amendements.
Amendements I-CF1297 de Mme Danielle Simonnet, I-CF1353 de M. Charles Rodwell, I-CF1649 de M. Mathieu Lefèvre, I-CF377 de M. Charles Sitzenstuhl et I-CF1736 de M. Philippe Brun (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Si nous en sommes arrivés à un tel niveau d’endettement, c’est à cause des politiques menées par les gouvernements successifs depuis 2017, qui ont appauvri les caisses de l’État à coups de cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises.
Pourquoi limiter cette contribution exceptionnelle sur l’IS à deux ans ? La casse de l’école, de l’hôpital, de l’ensemble des services publics sera pérenne, elle ! Les réductions de dépenses publiques qui mettent les services à l’os aussi, et les classes populaires en sont les premières victimes.
À défaut de demander aux entreprises un effort plus important, pérennisons au moins cette augmentation de l’IS. C’est l’objet de cet amendement.
M. Charles Rodwell (EPR). La logique de mon amendement est exactement inverse, cela ne vous étonnera pas. L’histoire fiscale française prouve que les contributions exceptionnelles ne le demeurent pas. Face à un choc fiscal sans précédent – sauf, peut-être, celui organisé par François Hollande il y a une dizaine d’années – nous proposons de limiter cette hausse d’impôts à l’année 2025. Nous pourrons en analyser les effets concrets avant, éventuellement, de la reconduire.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Effectivement, une mesure ponctuelle ne peut, par définition, pas être prise pour deux ans. Je répète une fois encore que l’instauration de cette contribution éloignerait durablement notre pays des standards internationaux en matière d’impôt sur les sociétés, alors même que d’autres impôts frappent beaucoup plus durement l’appareil productif dans notre pays qu’ailleurs. L’impôt sur la production, par exemple, y est cinq fois plus élevé qu’outre-Rhin, et les entreprises doivent s’en acquitter avant même le premier euro de bénéfice.
Comme mon collègue Rodwell, je me désole qu’une fois la boîte de Pandore fiscale ouverte, tout ce qui était ciblé et temporaire soit élargi et pérennisé. Il convient donc a minima que cette contribution reste ponctuelle.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). L’article n’ayant pas été supprimé, à mon grand regret, mon amendement de repli vise lui aussi à limiter la contribution au seul exercice 2025.
Je tiens à souligner que le rapporteur général partage notre scepticisme sur cette surtaxe.
Enfin, on entend souvent que la politique fiscale menée par Emmanuel Macron et Bruno Le Maire aurait appauvri les caisses de l’État. C’est tout l’inverse : elle a enrichi la France, dont les recettes fiscales nettes sont passées de 450 milliards en 2017 à 543 milliards en 2023. Cent milliards de gain en sept années de présidence active d’Emmanuel Macron !
M. Philippe Brun (SOC). C’est orwellien. Le déficit dérape de deux points non prévus, et M. Sitzenstuhl nous assure que la politique d’Emmanuel Macron aura été une réussite pour le rétablissement des comptes publics !
Monsieur Amiel, vous prétendez que la contribution exceptionnelle est très différente de la surtaxe de 2017, parce que celle-ci faisait suite à une censure du Conseil constitutionnel. Je vous rappelle que ce qui avait été censuré, c’était une taxe sur les dividendes, pas sur les bénéfices des sociétés, et que ce ne sont pas les mêmes groupes qui étaient concernés. En réalité, ces deux surtaxes sont bien de même type. Taxer temporairement les très grands groupes qui peuvent se le permettre est une mesure que l’on instaure fréquemment, en France comme dans d’autres pays, lorsqu’il y a un trou dans la caisse – et, en l’occurrence, c’est vous qui en êtes responsables.
L’amendement du groupe socialiste vise à pérenniser la contribution proposée, mais en l’état, le dispositif proposé est bien temporaire. Il nous est difficile de nous faire les avocats du Gouvernement, mais si cela est nécessaire, sur cet article, nous le ferons.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable à tous ces amendements, qui vont dans des sens contraires. Ceux qui veulent pérenniser la contribution conduiraient notre pays à avoir le taux d’IS le plus élevé d’Europe. Le caractère temporaire de la contribution me semble tout à fait raisonnable. D’ailleurs, les gouvernements de toutes sensibilités ont toujours limité ce genre de taxes exceptionnelles dans le temps – trois ans pour Lionel Jospin, cinq pour François Fillon et dix pour Alain Juppé, ce qui est un peu long.
M. le président Éric Coquerel. Il faut arrêter de répéter que le taux d’IS français est le plus élevé d’Europe. Nous sommes légèrement au-dessus de la moyenne européenne, mais notre taux légal et notre taux d’imposition effectif sont respectivement de 25,8 % et 25,9 %, contre 29,8 % et 26,6 % en Allemagne par exemple. D’ailleurs, ils représentent une part du PIB inférieure à la moyenne européenne.
Monsieur Rodwell, le choc fiscal sans précédent, c’est celui que l’on connaît depuis 2017, qui a privé l’État de 62 milliards de recettes en 2024. Convenez qu’Il ne s’agit pas aujourd’hui d’accorder des baisses séculaires d’impôt, mais de revenir sur une partie des cadeaux fiscaux que vous avez consentis de manière inconsidérée et qui ont augmenté le déficit du pays.
M. Gérault Verny (UDR). Tout de même, il faudrait arrêter de penser qu’on est forcément les meilleurs : si les pays qui fonctionnent dans le monde ont un taux d’imposition bien moindre, c’est peut-être dans cette direction qu’il faut aller ! Ce que vous appelez cadeaux fiscaux n’est qu’un retour à un taux d’imposition à peu près normal des entreprises. Tous les Français devraient être fiscalisés de la même façon.
M. Laurent Baumel (SOC). Monsieur Rodwell, si je me souviens bien, François Hollande a surtout beaucoup baissé l’impôt sur les sociétés, notamment à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui a permis une baisse d’impôts inconditionnelle et pérenne de 40 milliards. Cela avait d’ailleurs fait débat au sein de ma famille politique et, plus largement, de la gauche.
Dès que l’on ne baisse plus les impôts, vous criez au choc fiscal : c’est une définition un peu curieuse ! On finit par avoir l’impression d’une approche purement idéologique.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Nous sommes contre ces amendements. Nous préférerions que l’effort porte en priorité sur la réduction des dépenses mais, au regard de la situation de la France, nous acceptons le principe de la surtaxe. Nous espérons que les efforts paieront et que, dans deux ans, nous pourrons revenir dessus.
M. David Amiel (EPR). Le taux moyen d’IS se situe plutôt aux alentours de 21 % en Europe, monsieur le président, c’est-à-dire bien en dessous de notre taux actuel de 25 %. Quant à la comparaison avec l’Allemagne, elle doit s’apprécier au regard de l’ensemble des prélèvements sur les entreprises, qui, outre-Rhin, sont inférieurs aux nôtres de 3 points de PIB. C’est pourquoi j’en appelle à la raison : l’effort demandé aux grandes entreprises doit rester exceptionnel, en réponse à une situation budgétaire ponctuelle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le président, je n’ai pas dit que le taux actuel était le plus élevé, mais qu’il le deviendrait si nous votions pour les mesures proposées par le Gouvernement. Et si l’on compare les taux, il faut aussi comparer les assiettes, ce qui est plus compliqué.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1344 de M. Charles Rodwell, I-CF378 de M. Charles Sitzenstuhl et I-CF1746 de M. Philippe Brun (discussion commune)
M. Charles Rodwell (EPR). Avec ce nouvel amendement de repli, nous proposons de revoir les seuils à la hausse, afin d’épargner autant que possible les ETI qui font la force du tissu économique en France et qui ont été les plus affectées par les chocs économiques subis depuis plusieurs décennies. Il s’agit de les protéger d’un choc fiscal – j’assume ce terme – qui pourrait entraîner des destructions d’emplois.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Nombre de nos collègues semblent oublier que l’économie française évolue au sein d’un marché unique européen et que nos grands groupes affrontent des concurrents européens et surtout mondiaux. D’où la réforme fiscale lancée en 2017 avec Emmanuel Macron, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. Contrairement à ce que prétendent certains sur les bancs de gauche, l’idée n’était pas de faire des cadeaux aux grandes entreprises, mais de les aider à être plus compétitives au niveau européen et mondial. Résultat : baisse du chômage, relance de l’industrie, hausse de l’attractivité. Le choc fiscal envisagé risque de casser durablement la croissance et l’attractivité des grandes entreprises françaises.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous proposons au contraire de revoir le seuil de l’imposition à la baisse, en passant de 1 milliard de chiffre d’affaires à 800 millions, afin de mettre les entreprises un peu plus à contribution. Même si elles évoluent dans un marché européen et mondial, les entreprises vivent aussi dans un environnement national. Quand la société et les services publics vont mal, elles en pâtissent. Pour recoudre les plaies infligées au pays depuis sept ans, il faut remette de l’argent dans les services publics. Les entreprises, elles aussi, en profiteront.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les 8 milliards d’euros attendus de l’article 11 se décomposent de la façon suivante : 1 milliard venant de 294 entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 3 milliards ; 7 milliards de 157 entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur. Remonter le seuil de chiffre d’affaires, comme le proposent les deux premiers amendements, ferait perdre 1 milliard. Abaisser le seuil à 800 millions, comme le propose le troisième amendement, rapporterait 400 à 450 millions. Pour ma part, je préconise d’en rester au texte initial. Avis défavorable.
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Il est toujours surprenant d’entendre nos collègues macronistes vanter leur bilan formidable en matière de lutte contre le chômage, qui serait dû à leur politique fiscale. Parlons des résultats, plus que discutables. Les défaillances d’entreprises ont littéralement explosé au cours des premiers trimestres de cette année, et le pays reste en situation de chômage de masse. La baisse affichée du chômage est largement imputable à la manière dont vous avez modifié, réformé et en définitive trafiqué son mode de calcul. En outre, vous avez fait exploser la précarité dans ce pays. Il y a 700 000 travailleurs ubérisés ! La réforme Pénicaud, l’une des premières effectuées en 2017, s’est traduite par un dynamitage des conventions collectives, qui a entraîné des conséquences désastreuses pour les travailleurs de ce pays. Voilà votre bilan.
M. Daniel Labaronne (EPR). Revenons sur la notion de pérennité. Les mesures en cours d’adoption vont porter un coup terrible aux entreprises. Casser les entreprises, la croissance, l’emploi, l’innovation, l’investissement, va avoir des effets pérennes. Quant aux chiffres du chômage, ils sont calculés par le Bureau international du travail (BIT). Quel intérêt le BIT aurait-il à trafiquer les taux de chômage français ?
Allez voir les chefs d’entreprise. Ils vous diront tous que la politique économique et fiscale, que nous avons conduite, leur a permis de se développer, de croître et de créer de l’emploi. C’est le recrutement qui leur pose actuellement des difficultés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1651 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Par souci d’équité, nous proposons d’exonérer de la nouvelle contribution les sociétés appartenant à un groupe fiscalement intégré lorsqu’aucune société du groupe n’a un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est une question que je me suis posée, monsieur Lefèvre. Dans le texte, le seuil d’assujettissement à la contribution exceptionnelle est similaire à celui retenu pour toutes les autres contributions au titre de l’IS. Vous voulez leur permettre de conserver les avantages de l’intégration fiscale sans en supporter les inconvénients sur ce point. Le principe est de considérer le groupe d’entreprises comme une unité économique, ce qui permet de compenser les bénéfices de certaines filiales avec les déficits des autres filiales. Et n’oublions pas que l’intégration fiscale est une option : rien n’oblige les entreprises à y recourir, elles peuvent y renoncer. Pour les groupes intégrés, il est normal de retenir le chiffre d’affaires agrégé au niveau du groupe, indépendamment du résultat de chaque entité. Avis défavorable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Vous confirmez donc, monsieur le rapporteur général, que certaines entreprises intégrées se retrouveraient redevables de la contribution alors même qu’elles n’atteignent pas le seuil de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires à elles seules.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Absolument. Je me suis effectivement posé la question d’une éventuelle rupture d’égalité mais, je le répète, l’intégration n’est qu’une option. En contrepartie des avantages, il peut y avoir des inconvénients. Vous pouvez toujours soulever le problème, monsieur Lefèvre, si vous faites un recours devant le Conseil constitutionnel.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1228 de Mme Marianne Maximi et I-CF1229 de M. Éric Coquerel (discussion commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). À rebours des interventions précédentes des macronistes, nous voulons pérenniser la contribution des grandes entreprises à la solidarité nationale. Remettons les choses en perspective : cette contribution ne compensera même pas les cadeaux faits aux entreprises depuis sept ans ! Dans quel monde vivez-vous ? Je me pose la question quand je vous entends dire que vous avez relancé la croissance et que tout va bien. Arrêtez aussi de penser que nous ne discutons pas avec les entreprises, que vous êtes leurs seuls interlocuteurs et que vous en avez une connaissance beaucoup plus fine que tout le monde. Reconnaissez que votre politique a détérioré les finances publiques de notre pays sans produire le moindre effet sur les emplois industriels. Admettez qu’il faut un changement complet et pérenne de la fiscalité des entreprises. Quand vous vous en prenez aux classes populaires avec des réformes comme celle de l’assurance chômage, vous ne posez pas de bornes dans le temps. Dans ces cas-là, c’est définitif. Essayons de faire la même chose quand il s’agit de faire contribuer les plus gros.
M. le président Éric Coquerel. L’amendement I-CF1229 est un amendement de repli.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons épuisé le sujet au cours des échanges sur les amendements précédents : la pérennisation de la contribution nous conduirait à redevenir les champions du taux d’IS, au détriment de nos entreprises. Avis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). Il est très embarrassant d’entendre en permanence critiquer les résultats macroéconomiques de notre politique, à rebours de ce qu’indiquent tous les organismes internationaux de statistiques. Pourquoi avons-nous été le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers durant quatre années consécutives, si ce n’est grâce à une politique d’attractivité, de compétitivité et d’amélioration de la productivité ? C’est pour les mêmes raisons que les créations d’entreprises ont été plus nombreuses que les fermetures. Il faut arrêter d’avoir cette vision absolument pessimiste et catastrophique de nos résultats macroéconomiques : ils sont là et nous en sommes fiers !
M. le président Éric Coquerel. Monsieur Labaronne, crier dans le micro ne donne pas plus de vérité à vos arguments. En nombre d’entreprises créées, nous sommes effectivement les premiers en Europe depuis quatre ans, mais en valeur et en nombre d’emplois, nous sommes dans la moyenne. Et vous savez très bien qu’il y a plus d’investissements qui partent vers l’étranger que d’investissements arrivant en France.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1231 de Mme Marianne Maximi, I-CF1233 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1650 de M. Mathieu Lefèvre, I-CF379 de M. Charles Sitzenstuhl, I-CF1348 de M. Charles Rodwell et I-CF1885 de M. Charles de Courson
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous souhaitons que les grandes entreprises contribuent à la hauteur de ce qu’elles ont pu recevoir de la part de nos collègues macronistes au cours des dernières années : 62 milliards d’euros de baisse d’impôt par an, selon les propres chiffres d’Emmanuel Macron et de Gabriel Attal. Quand on prend les mesures déclassées pour les grandes entreprises, on peut même atteindre les 200 milliards. En comparaison, la proposition du Gouvernement nous semble faible, pour ne pas dire anecdotique. Nous proposons donc de porter le taux de contribution exceptionnelle à 40 % pour les entreprises entre 1 et 3 milliards de chiffre d’affaires et à 55 % au-delà. Si vous voulez rétablir nos finances publiques, il va falloir faire des choix courageux. J’ai l’impression que vous avez toujours beaucoup plus de courage pour taper sur les Françaises et les Français que pour taper sur vos amis patrons de grandes entreprises.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Pourquoi la France insoumise ne propose-t-elle pas un taux à 100 %, étant donné que le programme de M. Mélenchon prévoit ce taux pour les particuliers qui dépassent un certain niveau de revenus ? Je ne comprends pas. En revanche, je comprends pourquoi vous ne votez pas les projets de lois de règlement. Si vous les lisiez, vous verriez que les recettes d’IS ont augmenté quand le taux a été abaissé de 33 % à 25 %. C’est bien la preuve que la politique de l’offre fonctionne et que l’on raisonne, comme le dit le rapporteur général, de façon économique et dynamique. On peut aussi raisonner de façon statique et penser que l’on captera 100 % des bénéfices des grandes entreprises si l’on porte le taux d’IS à 100 %. En réalité, c’est oublier la compétition internationale, le grand plan de réarmement industriel des États-Unis, la libéralisation de la Chine ; et c’est peut-être avoir une vision assez étriquée de la France et de ses entreprises.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). J’invite notre collègue Maximi, qui se demande dans quel monde nous vivons, à venir chez moi, dans le centre de l’Alsace, où le taux de chômage frôlait les 10 % il y a quelques années, comme à peu près partout dans le pays. Le plein emploi est désormais une réalité. Si vous circulez sur les routes, vous voyez des entreprises industrielles qui s’installent, s’agrandissent, cherchent de nouveaux salariés. Voilà les résultats tangibles de notre politique économique. Depuis 2017, le taux de chômage est passé de 9,4 % à un peu plus de 7 %. Ce ne sont pas des cadeaux aux entreprises, c’est du travail et de meilleurs salaires pour les Françaises et les Français.
M. Charles Rodwell (EPR). Je regrette vraiment que certains de nos collègues ne se réjouissent pas que nous ayons créé 2,7 millions d’emplois depuis sept ans dans notre pays, car c’est autant de familles dont la vie a changé. L’amendement que je propose cherche encore à limiter l’effet négatif de la hausse d’IS prévue. S’il n’était pas adopté, l’amendement I-CF1885 du rapporteur général pourrait être considéré comme un repli acceptable. Espérons que nos collègues, notamment ceux qui ont choisi Charles de Courson comme rapporteur général, soutiendront son amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les deux premiers amendements aboutissent à des taux d’IS marginaux respectivement de 55 % et de 43 %. Ce n’est pas raisonnable. D’ailleurs, quand la gauche était au pouvoir, avec Lionel Jospin par exemple, elle ne l’a jamais fait. Les autres amendements visent à réduire la contribution exceptionnelle. Le mien propose une baisse de moitié, quand les autres vont un peu au-delà.
Les chefs d’entreprise avec lesquels j’ai discuté ne demandent pas la suppression de la mesure. Ils sont conscients des difficultés que traverse le pays et estiment qu’ils doivent aider à son redressement. Le montant de 8 milliards d’euros leur paraît excessif, mais ils appuieraient une mesure de 4 milliards. Il faut garder un équilibre.
C’est pourquoi je propose de ramener le montant de la contribution à 4 milliards la première année et 2 milliards la seconde. Je donne un avis défavorable à tous les autres amendements.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Pour être honnête, je pensais que les résultats de la politique économique du Gouvernement et des dernières élections vous feraient un peu douter. S’agissant des rentrées de l’IS, un détail devrait vous sauter aux yeux : les prix ont augmenté, et il y a eu des superprofits ! C’est cela qui a généré un peu plus d’IS.
En transformant le CICE en allègements de charges, vous avez transféré le poids de cet outil – plusieurs dizaines de milliards d’euros d’aide aux entreprises par an – du budget de l’État vers celui de la sécurité sociale. Mais mécaniquement, le montant de l’IS a augmenté. Le grand mensonge du quinquennat, c’est que la politique de l’offre que vous vantez a été payée par les Français qui font leurs courses au supermarché et qui paient la TVA. Cela s’appelle la TVA sociale.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). À entendre les mélenchonistes, il y a cadeau fiscal dès que le taux d’imposition n’est pas de 100 %. Votre objectif est vraiment le ras-le-bol fiscal. Pour ce PLF, vous avez proposé plus d’une centaine de taxes supplémentaires : c’est une véritable addiction. Pour notre part, nous revendiquons d’avoir baissé les impôts de 50 milliards par an, à égalité entre les entreprises et les ménages. La suppression de la taxe d’habitation et de la redevance télévision a redonné du pouvoir d’achat aux Français : dites-leur que vous voulez le reprendre ! Et la baisse de l’IS a permis aux entreprises d’améliorer leur compétitivité, d’investir et de créer des emplois.
M. Nicolas Sansu (GDR). Que les Français sont ingrats, chers collègues macronistes : vous avez tout fait bien, et ils ne votent pas comme il faut !
Monsieur Sitzenstuhl, je vous signale que sur les 90 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires des sept dernières années, il y a 80 milliards de recettes de TVA. Quoi que vous disiez, les entreprises ont été moins mises à contribution que les ménages. Avec la baisse de l’IS et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, elles ont moins contribué qu’elles n’auraient dû au budget de la nation. À un moment, il est bon de réintroduire un peu de justice fiscale.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF1884 de Mme Marianne Maximi, I-CF1881 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1883 de M. Mathieu Lefèvre ; amendements identiques I-CF380 de M. Charles Sitzenstuhl, I-CF1882 de M. Charles Rodwell et I-CF1887 de M. Charles de Courson (discussion commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Petit rappel au bloc présidentiel : en 2017, vous aviez demandé une contribution exceptionnelle aux grandes entreprises, la surtaxe d’IS décidée par Édouard Philippe, qui avait rapporté 10 milliards d’euros. Celle que vous envisagez rapportera au mieux 5 milliards. Nous proposons d’en relever le taux de manière à atteindre au moins le niveau de 2017, ce qui semble raisonnable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Comme celui du rapporteur général, mon amendement tend à réduire le taux de la surtaxe. À notre collègue Baumel, je rappellerai que la hausse d’une vingtaine de milliards des prélèvements obligatoires, décidée en 2012 sous la présidence de François Hollande, avait totalement grippé l’économie pendant plus d’un an. Ensuite, en effet, François Hollande avait changé de politique. Soutenu par sa majorité, il avait eu la bonne idée de créer le CICE, que le président Macron a eu raison d’intégrer dans les allégements généraux de charges.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Merci, monsieur le président, d’avoir laissé vivre le débat sur l’IS pendant une bonne heure. Il n’est pas certain que nous puissions l’avoir en séance.
Je sais que c’est difficile à entendre pour quelqu’un de gauche, mais je voudrais redire à Nicolas Sansu qu’une baisse des taux d’imposition peut conduire à une augmentation importante des rendements. Lisez les données publiques sur le sujet. Les recettes fiscales nettes sont passées de 450 à 543 milliards d’euros entre 2017 et 2023. La politique de baisse des impôts initiée en 2017 n’a donc pas entraîné une diminution des recettes fiscales.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous propose de réduire de moitié le montant de la contribution, dont l’essentiel portera sur les 157 entreprises qui réalisent plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Selon les dernières estimations et à taux inchangé, le produit de l’IS, qui était de 57 milliards en 2023, devrait être de 58 milliards en 2024 et de 56 en 2025. Il n’y a donc pas d’explosion des bénéfices des entreprises. Ajouter 8 milliards, concentrés sur peu d’entreprises, aux 56 milliards qui sont payés au total au titre de l’IS, c’est trop. C’est pourquoi je vous propose d’adopter les trois amendements identiques, tandis que j’émets un avis défavorable pour les trois amendements précédents. Le I-CF1884 porterait le taux d’IS à 55 %, soit cinq points de plus que celui que j’ai connu en arrivant dans cette assemblée il y a trente et un ans ! Le I-CF1881 nous ferait d’ailleurs retrouver ce taux de 50 %.
M. le président Éric Coquerel. Comme Charles Sitzenstuhl, je pense qu’il est bon que nous ayons ce débat. Sans vouloir faire de polémique, je pense qu’il sera aussi au cœur de la commission d’enquête sur les finances publiques. Pendant plusieurs années, vous avez défendu l’idée qu’en baissant les seuils d’imposition vous obtiendriez plus de rendement. Ce fut le cas pendant les années post-covid pour l’IS, et pendant les années de forte inflation comme 2023 pour la TVA. Mais dès que l’inflation a reflué et que la croissance a faibli après le rebond, cela s’est infirmé. C’est d’ailleurs le problème que nous rencontrons cette année : si les recettes sont si faibles, c’est que l’inflation a reflué, entraînant une réduction des montants de TVA. Quant au rendement de l’IS, il a retrouvé un niveau commun depuis 2023, une fois passé le rebond post-covid. Le rendement supérieur n’était donc pas imputable à la baisse des seuils, mais à la conjoncture économique et à l’inflation. L’une de mes théories est que votre croyance dans cet effet de seuil explique en partie la surprise de la baisse des recettes en 2024.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Les macronistes prétendent que la baisse de l’IS a permis de lutter contre le chômage et a fait advenir le plein emploi. M. Sitzenstuhl nous décrit son territoire – où les chiffres repartent à la hausse, au passage – comme étant en plein emploi, mais 6 ou 7 % de chômage, ce n’est pas zéro ! Le plein emploi, ce n’est pas cela ! Il y a des gens derrière les chiffres, qui ont besoin d’accompagnement à la recherche d’emploi. Or vous proposez de baisser les crédits de France Travail, vous réformez l’accompagnement, vous réduisez les droits des gens. Vous repoussez l’âge légal de départ à la retraite alors que certains sont en recherche d’emploi après un accident du travail ou une maladie professionnelle, vous prenez les crédits des accidents du travail et maladies professionnelles au lieu de mener des politiques de prévention ! Cette politique ne contribue pas au plein emploi.
M. Éric Woerth (EPR). C’est ahurissant : une bonne partie de nos collègues n’arrivent pas à se réjouir de la baisse du chômage. Vous ne vous réjouissez que des mauvaises nouvelles dont vous vous nourrissez sur le plan politique.
Cet article est au cœur du dispositif prévu par le Gouvernement pour redresser les finances publiques, priorité absolue de ce PLF : c’est le centre des mesures consacrées aux recettes, sachant que la réduction des dépenses est un volet plus important. À vouloir trop le modifier, on remet en cause l’équilibre d’ensemble. Si certains amendements visent à réduire les recettes et d’autres à les augmenter, il serait peut-être plus sage d’en rester à ce que propose le Gouvernement, en se montrant très vigilants sur le caractère transitoire du système : deux ans, avec une réduction de moitié de la contribution la seconde année.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Après une heure de débats, je voudrais vous faire part d’une vraie inquiétude : je ne sais pas où va ce PLF. Ce n’est pas du fait des oppositions, mais du fait de la majorité, si l’on peut l’appeler comme ça. Je ne vois aucune coordination entre les différentes parties qui soutiennent M. Barnier. Certains veulent supprimer la ressource principale de leur budget. C’était la même chose hier avec les taxes sur l’électricité, on entendait tout et son contraire.
M. Sitzenstuhl vient de sous-entendre que l’on ne discuterait pas de tout cela en séance : cela signifie qu’il y aura un recours à l’article 49.3, puisqu’une motion de rejet ne peut pas être adoptée sans nous et que j’ai indiqué que nous ne la voterions pas. À moins que vous ne votiez pour une motion de rejet de votre propre budget ? Tout est possible, surtout si l’on veut faire croire que l’impossibilité d’élaborer un budget sérieux est due à une faute collective du Parlement.
Sans vouloir polémiquer, j’aimerais savoir où nous allons. Nous travaillons tous sérieusement, je le dis sans ironie. Nous ne sommes pas là pour faire du théâtre. Alors je le demande aux forces de la majorité : où allez-vous ? Est-ce que vous vous coordonnez ? Je ne vous vois pas travailler ensemble, ni ici ni en coulisses. Ce n’est pas trahir un secret : c’est dans la presse.
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Puisque Charles Sitzenstuhl décrit les résultats mirobolants de la politique macroniste chez lui, qu’il vienne tout près, dans ma circonscription, à Strasbourg et Illkirch-Graffenstaden. Depuis mon élection, en juin 2022, les suppressions d’emplois se multiplient : 80 chez Fast Despatch Logistics, un sous-traitant d’Amazon qui a fermé ; 125 chez Clestra, fabricants de cloisons pour bureaux ; 248 chez du Dumarey Powerglide, un équipementier automobile ; 126 chez Novares, autre sous-traitant automobile qui va fermer son site d’Ostwald. Dans quel monde vivent les macronistes, et singulièrement M. Sitzenstuhl ? Venez voir à quel point votre politique fonctionne !
M. Corentin Le Fur (DR). Je partage l’avis d’Éric Woerth. Cette contribution exceptionnelle ne fait plaisir à personne et certainement pas à Michel Barnier, mais le creusement brutal de la dette et du déficit nous impose de prendre des décisions courageuses et difficiles. Il faut donc conserver cet article, en insistant sur le caractère exceptionnel de la contribution.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). J’entends dire que la France insoumise va déposer une motion de rejet. Par respect de la représentation nationale, il est important que nous sachions dès maintenant si vous avez vraiment l’intention de censurer ce budget avant même que nous puissions en débattre. Je constate que le Rassemblement national a voté pour les deux motions de rejet que vous avez déjà déposées. Dans ce cas, il n’y aurait pas de débat sur le budget à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi je vous pose la question, monsieur le président : allez-vous déposer une motion de rejet ? Est-ce que nos travaux sont utiles ?
M. le président Éric Coquerel. Et vous, allez-vous recourir ou non à l’article 49.3 ? Pour ma part, je vous répondrai ceci : vous verrez la semaine prochaine.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). S’il devait y avoir une motion de rejet, ce serait très grave pour notre débat parlementaire. Nous l’avons déjà mal vécu dans d’autres circonstances.
Pour en revenir à l’article 11, je tiens à rappeler que la baisse de l’IS à 25 % a été très bénéfique. Elle a permis aux entreprises de constituer des réserves, de faire de l’autofinancement, de se projeter dans l’avenir. Il faut distinguer le bénéfice utile du bénéfice futile. Le premier est celui qui est réinvesti, qui sert à l’entreprise. Je suis assez réservé sur cette contribution exceptionnelle, mais je pense qu’il faut faire avec et que les grandes entreprises vont jouer le jeu, car nous avons besoin de recettes complémentaires. Mais il faut s’assurer de son caractère temporaire pour, j’insiste, préserver la baisse de l’IS. Nous serions même favorables à ce que le taux de 15 % soit appliqué à davantage d’entreprises.
M. le président Éric Coquerel. En réponse aux envolées d’Éric Woerth, revenons-en aux faits : 35 % de la baisse du nombre de chômeurs constatée en 2023, ce qui représente 100 000 personnes, s’explique par un changement des statistiques de Pôle emploi.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 11 non modifié.
Amendement I-CF1652 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Il s’agit de limiter l’application de la contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime, prévue, là encore, sur deux exercices, à la seule année 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 12 est particulier en ce qu’il concerne un seul groupe : CMA-CGM.
Comme les autres entreprises de transport maritime, celui-ci est assujetti, au titre de l’impôt sur les sociétés, à une taxe sur le tonnage de ses navires. Ce dispositif spécial, qui lui a permis de s’acquitter, au cours des deux dernières années, d’un impôt sur les sociétés d’environ 100 millions par an, n’est pas propre à la France : il s’applique dans vingt-deux des vingt-sept pays de l’Union européenne (UE) et explique que quatre des cinq plus grandes compagnies maritimes au monde sont européennes. Ceux qui souhaitent la suppression de ce régime fiscal particulier doivent donc être conscients qu’elle entraînerait immédiatement la délocalisation de l’activité, car il a pour contrepartie le maintien d’au moins la moitié de la flotte de l’entreprise sous pavillon français – ce qui implique que l’ensemble des officiers des navires concernés soient français.
Le produit de la contribution exceptionnelle proposée par le Gouvernement devrait être de 500 millions en 2025 et de 300 millions en 2026, ce qui me paraît tout à fait raisonnable. Je joue cartes sur table : le président de la CMA-CGM, qui a demandé à me rencontrer, m’a indiqué qu’il était tout à fait d’accord. Il aurait pu faire un don à l’État français, cela aurait été plus drôle, mais en l’occurrence cela passe par l’IS.
Limiter cette contribution à un seul exercice, monsieur Lefèvre, même le président de la CMA-CGM n’y est pas favorable. Avis défavorable, donc.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1417, I-CF1424 et I-CF1425 de Mme Christine Arrighi
M. Pouria Amirshahi (EcoS). La contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime est d’autant plus souhaitable qu’elle s’applique à un secteur dans lequel les enjeux liés à transition écologique sont importants. Toutefois, son montant est, à l’évidence, largement insuffisant. Ainsi, CMA-CGM, numéro trois mondial du transport maritime, dont les profits ont monté en flèche au cours des dernières années, ne serait taxée, au titre des deux contributions exceptionnelles proposées par le Gouvernement – la première sur les grandes entreprises, la seconde sur les armateurs – qu’à hauteur de 19 % en 2025 et de 14,6 % en 2026. Nous proposons donc de porter le taux de la contribution exceptionnelle du transport maritime à 31 % en 2025 et 27 % en 2026, de manière que son produit atteigne 900 millions la première année et 800 millions la suivante.
Les amendements I-CF1424 et I-CF1425 sont de repli.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vos trois amendements porteraient la contribution totale de la CMA-CGM à, respectivement, 3,2 milliards, 2,7 milliards ou 1,6 milliard, soit du double au quadruple de ce qui est proposé. Au regard des 8 milliards de la contribution de l’article 11, il me paraît suffisant de demander à une seule entreprise un effort de 800 millions.
En outre, j’appelle votre attention sur le risque de délocalisation de l’activité : il n’y a pas plus fragile qu’une compagnie de transport maritime. Si nous adoptons l’article 12 sans modification, nous conforterons les dirigeants de la CMA-CGM dans leur volonté de rester en France, plus précisément à Marseille. Avis défavorable.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Ce chantage permanent à l’emploi et à la délocalisation est une manière de nous priver de notre capacité d’agir, en l’espèce en imposant une taxe – qui plus est exceptionnelle – à une entreprise qui a largement les moyens de l’acquitter. J’ajoute que le taux proposé par le Gouvernement reste bien inférieur au taux normal de l’impôt sur les sociétés, qui est de 25 % – impôt dont toutes les entreprises françaises sont redevables. La moindre des choses serait de retenir un taux équivalent pour cette contribution exceptionnelle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je comprends votre réaction, mais il faut être pragmatique. Il y a une contrepartie au régime dérogatoire dont bénéficient les compagnies de transport maritime, puisqu’elles s’engagent à maintenir une partie de leur flotte sous pavillon français. Rien ne serait plus facile pour elles que de délocaliser leur activité : on peut changer de pavillon du jour au lendemain. Il est de mon devoir de rapporteur général d’appeler votre attention sur ce véritable risque.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). M. Renault avait déposé un amendement qui visait à doubler le taux de la contribution exceptionnelle, mais il est retenu par une audition liée à notre niche parlementaire. Nous soutiendrons donc le I-CF1425.
Les arguments du rapporteur général sont fondés : cette activité est facilement délocalisable. Mais compte tenu des profits très importants réalisés par CMA-CGM au cours des trois ou quatre dernières années, un effort supplémentaire ne serait pas du luxe.
La commission rejette successivement les amendements I-CF1417 et I-CF1424 et adopte l’amendement I-CF1425.
Amendement I-CF1426 de Mme Christine Arrighi
M. Pouria Amirshahi (EcoS). La rédaction du Gouvernement offre aux grands groupes de transport maritime la possibilité de contourner le dispositif. Ils pourraient en effet créer des filiales, lesquelles pourraient échapper à la contribution au prétexte qu’elles ne réalisent pas un chiffre d’affaires suffisant. Nous proposons donc de retenir, non pas le résultat de l’entreprise, mais celui du groupe.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les modalités d’assujettissement prévues sont assez classiques en droit fiscal. Je peux vous garantir qu'il n'y a pas de faille, pour la simple raison que seule CMA-CGM remplit la condition de chiffre d'affaires. Aucune autre entreprise n'est susceptible d'être concernée, et ce même si nous adoptions votre amendement. Je vous invite donc à le retirer, car il est satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 12 modifié.
Amendements identiques I-CF400 de M. Éric Ciotti, I-CF912 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1234 de Mme Marianne Maximi
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il n’est pas étonnant que M. Saadé ait accepté de s’acquitter d’une petite taxe de 500 millions : en 2022, le montant de ses bénéfices s’est élevé à 23,5 milliards. C’est le record pour une entreprise française, TotalEnergies compris… Il peut donc participer beaucoup, beaucoup plus !
La taxe au tonnage, qui permet aux entreprises de transport maritime de calculer le montant de leur IS sur le tonnage de leur flotte plutôt que sur leurs bénéfices, a fait perdre à l’État 3,8 milliards en 2022 et 5,6 milliards en 2023. Nous proposons donc de supprimer cette niche fiscale : nul doute que celui qui est désormais également le patron de RMC et de BFM TV a les moyens de payer l’impôt sur les sociétés de droit commun.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous mets en garde contre l’abrogation de la taxe au tonnage. Celle-ci a été introduite en 2004, peu après la publication par l'UE d'orientations visant à encadrer les aides d’État au transport maritime. Cette taxe, qui existe dans la plupart des pays maritimes du monde, a été adoptée au sein de l’Union par une vingtaine d’États, dont l'ensemble des pays qui possèdent une compagnie maritime. Près de 90 % de la flotte mondiale est couverte par un régime similaire.
Ce régime dérogatoire a largement rempli son rôle en matière de défense de la compétitivité des armateurs européens, puisque trois des quatre premiers armateurs mondiaux le sont : l'Italo-Suisse MSC, le Danois Maersk et le Français CMA-CGM.
Avant la crise, il coûtait entre 50 et 200 millions d’euros par an. Certes, son coût a explosé entre 2020 et 2023, en raison de la forte augmentation des tarifs du fret, liée notamment à la crise ukrainienne. Mais il est bien plus pertinent de faire contribuer CMA-CGM de manière ponctuelle, via une contribution comme celle prévue à l'article 12 – d’autant que nous venons d’en doubler le taux – que de supprimer la taxe au tonnage.
En effet, sa suppression mettrait à mal la compétitivité de CMA-CGM, qui emploie 155 000 personnes dans le monde, dont 4 000 à Marseille. Ses dirigeants seraient alors conduits, ils ne me l’ont pas caché, à délocaliser leur activité. Je vous rappelle que tous les officiers des navires battant pavillon français doivent être français. Si CMA-CGM ne bénéficie plus du régime, il ne sera plus tenu d’en respecter la contrepartie, à savoir le maintien d’une partie de la flotte sous pavillon français. Or un officier français coûte deux fois plus cher qu’un officier non européen…
Je vous mets donc en garde : on pourrait discuter de la suppression de ce régime à l’échelle européenne, mais l’envisager dans un cadre franco-français serait une pure folie.
M. Jimmy Pahun (Dem). CMA-CGM est l’arbre qui cache la forêt, car l’économie maritime française ne se porte pas si bien que cela : beaucoup d’armements qui ne parviennent pas à tenir leurs objectifs sont en vente.
L’existence d’une flotte stratégique française importante est le fruit d’une volonté politique. Les Américains, par exemple, n’ont plus de flotte internationale. La taxe au tonnage s’applique à la quasi-totalité de la flotte mondiale ; or il suffit de vingt-quatre heures pour changer de pavillon !
J’ajoute que CMA-CGM – dont, je vous le promets, je ne suis pas le porte‑parole – réinvestit près de 85 % de ses bénéfices et, en tout état de cause, acquittera la contribution exceptionnelle que nous avons adoptée. De manière générale, la suppression de la taxe au tonnage pourrait mettre à mal le Fontenoy du maritime – qui doit nous permettre de doubler, d’ici à 2027, le nombre des élèves formés dans le secteur de la marine marchande – et tout un secteur de l’économie française.
M. Philippe Brun (SOC). Traditionnellement, nous défendons, lors du débat budgétaire, un amendement similaire à ceux dont nous discutons. Nous avons, du reste, été les premiers, au sein de cette commission, à susciter un débat sur la taxe au tonnage, lorsque nous avons constaté les superprofits réalisés dans ce secteur en 2021, 2022 et 2023.
Cette année, nous avons choisi de proposer une autre mesure que la suppression de ce régime avantageux. En effet, si la taxe au tonnage confère à un très grand groupe un important bénéfice fiscal, elle a, s’agissant des autres armateurs, plus modestes – notamment les compagnies de ferries – un coût très faible pour les finances publiques. Ainsi, entre 2009 et 2019, c’est-à-dire avant que CMA-CGM ne réalise des superprofits, son coût moyen n’était que de 45 millions d’euros, soit un montant tout à fait acceptable pour une niche fiscale destinée à soutenir nos entreprises de transport maritime. Ce qui n’est pas acceptable, en revanche, c’est que le groupe CMA-CGM ne paie qu’1 % d’impôts en 2022 et 2 % en 2023.
Nous proposons donc de maintenir la taxe au tonnage mais d’en limiter le bénéfice à 500 millions d’euros – c’est l’objet de l’amendement I-CF605. Ainsi, nous protégerions les petits armateurs tout en taxant celui qui réalise des superprofits, à savoir CMA-CGM.
Mme Eva Sas (EcoS). Nous ne voterons pas non plus pour l’abrogation de cette niche fiscale. Nous préférons en effet l’encadrer en faisant en sorte que les entreprises de fret maritime s’acquittent d’une imposition équivalente à au moins 15 % du bénéfice imposable au titre de l’IS, soit le taux auquel sont soumis les PME.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF605 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons, comme je viens de l’expliquer, qu’une entreprise assujettie à la taxe au tonnage plutôt qu’à l’impôt sur les sociétés ne puisse pas en tirer un avantage supérieur à 500 millions. Ainsi, dans les phases où elle ne réalise pas des profits importants, CMA-CGM serait protégée et, dans les phases hautes, elle verserait une juste contribution au redressement des comptes publics et au financement des services publics. Est‑il normal que cette entreprise ait payé moins de 1 % sur les bénéfices en 2022 et moins de 2 % en 2023 ? Rodolphe Saadé a multiplié sa fortune par six en deux ans !
Nous sommes fiers que cet armateur français soit florissant et nous nous réjouissons qu’il investisse, mais reconnaissons qu’il doit s’acquitter d’une juste contribution. Il n’est pas normal qu’un boulanger se voie imposer un taux d’IS de 15 %, voire de 25 %, et qu’un armateur ne soit taxé qu’à hauteur de 2 %.
Nous sommes favorables au maintien de la niche fiscale parce qu’elle s’applique dans 23 pays européens et que nous voulons défendre les armateurs français, mais nous souhaitons en limiter l’avantage pour les entreprises qui réalisent des profits très importants. Tel est l’équilibre que nous défendons.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tout d’abord, les bénéfices des grandes compagnies maritimes sont très fluctuants. Il arrive qu’elles soient en déficit. Certes, les crises récentes leur ont permis de réaliser des profits considérables, mais elles pensaient toutes voir leurs résultats plonger en 2024 : si cela n’a pas été le cas, c’est parce que, la navigation en mer Rouge étant devenue dangereuse à cause des attaques houthies, les armateurs contournent l’Afrique. N’oublions pas, du reste, qu’il y a quatre ou cinq ans, la CMA-CGM était en difficulté au point qu’elle a dû solliciter le soutien d’un pool bancaire.
Pour tenir compte de ces fluctuations, le calcul devrait se faire sur une base pluriannuelle, pour s’assurer que les excédents compensent les déficits. Par ailleurs, il faudrait que votre amendement, qui est intéressant, s’applique à l’échelle européenne, sous peine de provoquer la délocalisation de l’activité dans un autre pays européen. Enfin, le régime actuel étant appliqué sous la forme d’une option décennale irrévocable, le modifier en cours d’option crée un risque juridique.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement et d’y retravailler en réfléchissant à une éventuelle extension de la mesure à l’échelle européenne.
M. le président Éric Coquerel. À ce compte-là, monsieur le rapporteur général, toute entreprise susceptible de délocaliser son activité pourrait avancer les mêmes arguments pour bénéficier d’un régime fiscal aussi favorable ! CMA-CGM a payé moins de 2,7 % d’impôt sur les sociétés depuis 2020. Je conçois que les entreprises du fret maritime puissent être aidées pour que leurs navires continuent de battre pavillon français, mais je ne crois pas que la différence en frais de personnel avec un pavillon de complaisance soit à la hauteur des cadeaux fiscaux en question. Du reste, nous n’avons pas affaire à une entreprise qui ne se maintient à l’équilibre que grâce à ces aides : elle verse entre 2 et 6 milliards de dividendes par an et M. Saadé a multiplié sa richesse par six ! C’est disproportionné.
J’estime donc, pour ma part, qu’il faut corriger le dispositif actuel. L’amendement de M. Brun, qui tient compte du caractère fluctuant de l’activité tout en rétablissant une certaine justice vis-à-vis des autres entreprises confrontées à la concurrence internationale, me semble pertinent.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le groupe CMA-CGM ne distribue pas de dividendes : c’est une entreprise purement familiale, non cotée, qui réinvestit la totalité de ses bénéfices en interne. Si nous n’avions que des entreprises de ce type en France, ce serait formidable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF825 de M. Jean-René Cazeneuve
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je me réjouis que le bon sens ait gagné du terrain au sein de notre commission puisque nous ne sommes plus les seuls à défendre ce régime fiscal. Les socialistes et le Rassemblement national ont rejoint nos conclusions. Chacun devrait se réjouir que la France possède un champion mondial aussi puissant et qu’elle soit devenue, en vingt ans, l’un des leaders mondiaux du transport maritime, pour le bénéfice de tous.
Nous proposons, même si cette mesure ne rapporte pas grand-chose, que le barème de la taxe au tonnage, qui est exprimé en euros, soit indexé sur l’inflation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous avez raison, les tranches du barème n’ont pas été actualisées depuis la création du régime, en 2004. Toutefois, les régimes applicables dans les différents pays européens ne sont pas uniformes, simplement soumis à un encadrement commun. Ainsi, notre barème débute à 93 centimes pour les 1 000 premières unités de jaugeage, contre 90 centimes en Italie, en Espagne et en Norvège et 92 en Allemagne. C’est pourquoi il serait préférable que la mesure que vous proposez s’applique à l’échelle européenne plutôt qu’au niveau national.
M. le président Éric Coquerel. Je confirme, monsieur le rapporteur général, que le groupe CMA-CGM se verse bien des dividendes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ils restent dans la famille !
M. le président Éric Coquerel. Soit, mais il s’agit tout de même de dividendes.
La commission adopte l’amendement I-CF825.
Amendement I-CF984 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Nous proposons d’instaurer un complément d’imposition pour les entreprises ayant opté en faveur du régime de la taxation forfaitaire au tonnage afin que leur contribution soit au minimum égale à 15 % du bénéfice imposable au titre de l’impôt sur les sociétés, soit le taux auquel sont soumises les PME. Il s’agit, autrement dit, de plafonner l’avantage très important que les entreprises tirent de cette niche fiscale, qui est l’une des plus coûteuses pour les finances publiques : 5,6 milliards d’euros en 2023. En 2021, CMA-CGM n’a payé que 2 % d’impôt sur les 16 milliards de profits qu’elle a réalisés !
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons tous approuvé la transposition de l’accord conclu dans le cadre de l’OCDE pour porter à 15 % le taux d'imposition minimale des multinationales. Mais, pour des raisons que j’ai déjà expliquées, les compagnies de transport maritime sont exclues du périmètre de cet accord. Je ne peux donc pas être favorable à votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF936 de Mme Chantal Jourdan et I-CF953 de Mme Marianne Maximi
M. Philippe Brun (SOC). Je dois vous dire mon étonnement : si l’on s’en tient aux programmes de chacun des groupes parlementaires, l’encadrement, sinon la suppression de la taxe au tonnage aurait dû être adopté par notre commission à une majorité d’environ 60 %. En France, le lobbying a encore de beaux jours devant lui ! Force est de constater que le groupe CMA-CGM, qui a fait le siège du bureau de chaque parlementaire, a obtenu gain de cause. On peut se demander dans quelle mesure les mouvements politiques sont indépendants de ces mauvaises influences.
Quoi qu’il en soit, nous vous proposons, comme depuis plusieurs années, de taxer les superprofits des entreprises du transport maritime par une contribution additionnelle à celle que nous avons adoptée à l’article 12.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La création d’une taxe exceptionnelle sur les surprofits des compagnies de transport maritime est déjà l'objet de l'article 12. La contribution qu’il instaure est prévue pour deux ans, et son taux a été doublé par notre commission. Par ailleurs, le rendement de votre taxe serait faible car elle est assise sur les bénéfices imposables, calculés en appliquant le régime de taxation au tonnage. Ainsi, son produit ne devrait pas dépasser 150 millions alors que celui de la contribution exceptionnelle s’élève à 1,6 milliard sur deux ans. Reparlons-en donc dans deux ans. Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). M. Brun a raison d’évoquer les risques du lobbying, mais il ne peut pas lancer des accusations en l’air. La position du Rassemblement national a toujours été la même : chaque année, nous proposons de taxer les surprofits, et à défaut de supprimer la niche fiscale. Nous n’aurions rien contre voter pour l’amendement de M. Brun, sauf qu’il rapporterait moins que la contribution de l’article 12. Nous avons soutenu l’amendement de Mme Arrighi qui a permis d’en doubler le taux, et nous avions déposé un amendement qui avait le même objet.
Il est donc difficile de nous soupçonner. La seule préoccupation du Rassemblement national est de taxer des surprofits très importants, dénoncés à juste titre par des collègues de bords différents, pour faire rentrer, dans les deux prochaines années, un maximum d’argent dans les caisses de l’État et le mettre au service du bien public. Notre seul souci, c’est l’efficacité. Du reste, j’ai indiqué publiquement, lors de la présentation de notre contre-budget, que si des surprofits étaient constatés malgré l’extension du dispositif, nous proposerions une nouvelle taxe ou la suppression de la niche fiscale.
Nous avons fait adopter un amendement de la gauche, et vous nous accusez d’être vendus à Saadé ! C’est dommage, et c’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je souscris aux interrogations de M. Brun. Puisqu’on parle des investissements de M. Saadé, je pose la question : à quoi servent les superprofits qu’il a accumulés ? Notamment à acheter une chaîne de télévision, BFM TV, en faisant savoir qu’on ne pourrait pas forcément y parler librement des entreprises possédées par le même M. Saadé… Nous pouvons craindre que l’indépendance de la rédaction de la chaîne ne soit gravement remise en cause, comme le confirment les récents départs de journalistes.
Le fait que ces entreprises qui enregistrent des profits records les investissent dans les médias pour influer sur la fabrique de l’opinion publique doit nous conduire à nous interroger. Ces profits maximaux ne devraient-ils pas servir l’intérêt général plutôt que la diffusion des idées de leurs dirigeants et la défense de leurs intérêts dans la sphère politique et médiatique ?
M. le président Éric Coquerel. J’ajoute que le groupe a également acheté La Provence.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Face aux insinuations, nous assumons parfaitement notre indépendance.
La taxe au tonnage – qui est, du reste, une forme d’impôt de production, en l’absence de bénéfices – est indispensable pour préserver l’activité des entreprises concernées. Mais il est vrai que l’on peut s’interroger lorsque des bénéfices soumis à une taxation avantageuse remontent dans une holding pour être investis dans une activité différente. Le problème se pose, en fait, à l’échelle européenne, car il relève du régime des sociétés mères-filles, auquel nous devons nous intéresser. La taxe au tonnage est utile, mais elle ne doit pas être dévoyée.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF550 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement, qui va dans le sens d’une rationalisation de la logistique, vise à créer une taxe sur les livraisons à domicile dont seraient exonérées les livraisons dans les territoires ruraux et dans les points relais. Taxer les livraisons à domicile limiterait le trafic et l’émission de CO2 dans les villes, notamment en Île-de-France. La taxe serait affectée aux autorités organisatrices de la mobilité, en vue du financement des transports en commun. Cette mesure rationnelle alignerait la France sur les autres pays européens, où la livraison en point relais est beaucoup plus répandue et la livraison à domicile beaucoup moins.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les livraisons de colis provenant d'un pays tiers à l'Union européenne sont déjà taxées depuis 2021, en application d'une directive européenne. En outre, la taxe proposée serait répercutée sur les clients des plateformes, alors que pour certains, par exemple les personnes à mobilité réduite, la livraison est une nécessité.
Une telle taxe ne peut être décidée qu’à l'échelle de l'Union, comme cela a été le cas pour la première taxe de cette nature, sous peine de pénaliser les seules entreprises françaises, par exemple Leboncoin. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Eva Sas (EcoS). L’objet de cette taxe n’est que de créer un avantage en faveur de la livraison en point relais par rapport à la livraison à domicile, afin d’inciter les gens à choisir cette formule. C’est ce que font tous les autres pays européens, où la livraison en point relais est beaucoup plus importante. C’est rationnel car, avec la livraison à domicile, les chauffeurs passent plusieurs fois par jour, ce qui génère beaucoup plus de trafic et d’émissions de CO2. Ne serait-il pas possible de faire ce petit geste ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1868 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement très technique vise à interpeller le Gouvernement à propos des modalités de transposition des règles du pilier 2 dans notre droit national et de la potentielle contradiction entre certains éléments de l’article 13 du projet de loi de finances et le droit de l’Union européenne.
La mise en œuvre de l’accord sur l’impôt minimal mondial au sein de l’UE est prévue par la directive du 14 décembre 2022, qui a été transposée par l’article 33 de la loi de finances pour 2024. Postérieurement à l’adoption de cette directive, l’OCDE a régulièrement publié des instructions administratives visant à apporter des éclaircissements sur les modalités de mise en œuvre du système d’imposition minimale.
L’article 13 du présent projet de loi de finances transpose une partie de ces instructions, dont certaines ne figurent pas dans la directive et peuvent, dans certains cas, entrer en contradiction avec ses dispositions. L’interposition de la directive entre le droit national et les instructions administratives de l’OCDE entraîne par conséquent un conflit de normes, qui pourrait conduire la loi française soit à ne pas être à jour des derniers standards appliqués par nos partenaires pour calculer et prélever l’impôt minimal mondial, soit à s’écarter de la lettre de la directive du 14 décembre 2022.
Cet amendement vise donc supprimer les alinéas qui entrent en contradiction avec cette directive, à savoir ceux portant sur la notion de crédit d’impôt transférable, sur les modalités de calcul de la déduction fondée sur la substance au prorata du temps de travail et de la présence sur le territoire des personnels et des actifs corporels des entités constitutives, sur l’ajustement des charges de personnel et des actifs corporels d’une entité soumise à un régime de dividende déductible, sur la simplification des modalités de calcul du résultat qualifié des entités non significatives, et sur la prise en compte sur option des plus ou moins-values sur participations dans le résultat qualifié.
Nous avons le devoir de bien légiférer. À défaut, de nombreux recours pourraient être formulés et les dispositions conformes aux recommandations de l’OCDE mais non à la directive européenne seront annulées. Nous verrons lors de l’examen du texte en séance publique ce qu’en pense le Gouvernement.
M. Daniel Labaronne (EPR). Faut-il comprendre que cet amendement vise à mettre le droit français en conformité avec les préconisations de l’OCDE plutôt qu’avec celles de l’Union européenne ? En d’autres termes, existe-t-il une hiérarchie des normes qui placerait l’OCDE au-dessus de l’Europe ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le problème est précisément que le texte gouvernemental nous demande de transposer les recommandations de l’OCDE, qui, sur certains points, ne sont pas conformes au droit communautaire. L’amendement vise à supprimer les dispositions non conformes au droit communautaire ; nous les réajusterons si le droit communautaire évolue. Nous poserons la question en séance publique au Gouvernement, mais la sagesse est de nous caler sur le droit communautaire afin d’éviter des contentieux qui risquent d’être nombreux.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les explications du rapporteur général sont très claires mais, au-delà de la hiérarchie des normes, les suppressions proposées amoindrissent-elles le dispositif ? Que produirait, ou ne produirait pas, cette modification ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. On peut regretter que l’OCDE et l’Union européenne n’aient pas essayé d’harmoniser leurs positions, mais c’est aux directives européennes que notre droit doit être conforme. Quant à savoir si les dispositions que je propose de supprimer sont plus ou moins dures que le droit européen, c’est variable selon les alinéas. La question est difficile, mais il faut poser cette question juridique.
M. le président Éric Coquerel. Je précise que, bien que les deux amendements ne soient pas en discussion commune, le vote de celui-ci ferait tomber le suivant de M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous voterons pour cet amendement et contre l’article, car la transposition intègre un élargissement de crédits d’impôt auquel nous sommes opposés. Qui plus est, le taux prévu pour l’impôt mondial minimal est de 15 % alors qu’un début de consensus avait été trouvé, y compris avec les Américains, à 21 %, soit la moyenne dans les pays de l’OCDE. Ce sont le président Macron et l’ancien ministre de l’économie Bruno Le Maire qui ont soutenu la fixation d’un taux inférieur
La commission adopte l’amendement I-CF1868.
En conséquence, l’amendement I-CF1236 de M. Aurélien Le Coq tombe.
La commission adopte l’article 13 modifié.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1079 de M. Jean-Luc Fugit et I-CF1050 de M. Gabriel Amard.
Amendements I-CF842 de M. Dominique Potier et I-CF661 de M. Benjamin Lucas-Lundy (discussion commune)
M. Laurent Baumel (SOC). L’amendement I-CF842, motivé par un souci de justice, propose un mécanisme pour inciter à la diminution des écarts de revenus. L’idée est qu’au-delà d’un écart de 1 à 12, les rémunérations et les cotisations qui y sont associées ne soient plus déductibles de l’impôt sur les sociétés. Qui peut en effet se prévaloir, quels que soient son mérite, son talent, ses études ou son parcours, de créer en un mois plus de richesses que quiconque en un an ?
M. Pouria Amirshahi (EcoS). L’écart moyen entre le salaire du PDG et le salaire moyen est passé de 64 à 97. La rémunération du PDG a augmenté en moyenne de 66 %, contre seulement 21 % pour celle des salariés. L’amendement I-CF661 vise donc à établir un budget plus juste et plus efficace socialement en comptant les rémunérations dépassant vingt fois les rémunérations les plus basses dans la base de calcul de l’impôt sur les sociétés. C’est une façon de poser clairement la question des écarts de salaire au sein de l’entreprise. Une bonne part des profits réalisés n’est pas réinvestie en augmentation des salaires : voici une incitation à le faire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement pose un problème d’égalité des entreprises. Vous calculez en effet un rapport de 1 à 20 sur les plus bas salaires, mais il y a de grosses différences selon les entreprises. La déductibilité serait donc à géométrie variable.
Par ailleurs, la déductibilité est déjà encadrée : les rémunérations excessives ne sont pas admises – une règle qui est strictement appliquée pour les dirigeants – et les rémunérations alternatives font l’objet de dispositions spécifiques – les jetons de présence, par exemple, ne sont déductibles que dans la limite d’une fraction des rémunérations moyennes dans l’entreprise.
C’est pourquoi je vous suggère de retirer ces amendements pour les réécrire.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Dans la réalité, toutefois, les écarts de salaire de 1 à 20 n’existent pas dans les petites entreprises : ils s’observent d’abord dans les grandes entreprises, où ils sont creusés par les surrémunérations des dirigeants. Il est très rare, dans une PME une PMI, que des dirigeants gagnent vingt fois plus que le salaire le plus bas de leur entreprise.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mais dans une société holding qui ne compte que des cadres percevant de hauts salaires, vous allez rendre déductibles tous les salaires ! La structure des salaires est très différente d’une entreprise à l’autre. Avis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne suis pas favorable à de tels amendements. Je suis favorable à la propriété privée, à la liberté d’entreprise et à l’économie de marché, pas à l’économie administrée, aux prix planchers ni à l’encadrement des salaires. Je ne suis pas d’accord avec cette dérive vers la remise en cause d’un système d’économie de marché par l’immixtion de l’État dans la gestion des entreprises, ni à ce que la représentation nationale dicte la conduite des chefs d’entreprise.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1414 de Mme Christine Arrighi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il vise à réviser les règles d’amortissement des véhicules de société thermiques et hybrides, avec des seuils décroissants en fonction des émissions de ces véhicules. Il s’agit de réduire une niche fiscale brune, d’un coût de 450 millions, en réduisant progressivement les plafonds de déduction maximale pour amortissement de ces véhicules de 20 % par an à partir de 2025, soit une suppression en 2029. Pour normaliser progressivement le régime d’amortissement des voitures électriques, il est proposé de réduire de 10 % par an le plafond d’amortissement pour ces véhicules, de 2026 à 2029. L’objectif est de favoriser les véhicules à très faibles émissions de dioxyde de carbone.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les plafonds sont plus élevés pour les véhicules dont les émissions sont faibles, et inversement. Vous interprétez ces dispositions comme une niche fiscale brune mais ce n'est pas le cas, car elles visent à exclure des charges déductibles certaines dépenses considérées comme somptuaires. La modulation des plafonds a été introduite comme un bonus-malus pour favoriser l'acquisition de véhicules à faibles émissions. Votre amendement veut approfondir cette logique, mais il va à l'encontre de la notion même de charges déductibles, car ces dernières sont liées aux charges exposées dans le cadre de la gestion normale de l'entreprise. Il est normal, pour les besoins de l'activité professionnelle, d'autoriser la déduction des véhicules de société. Je ne peux pas donner un avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1074 de M. Emmanuel Duplessy
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il vise à aligner la fiscalité applicable aux jets privés sur celle qui s’applique aux yachts et bateaux de plaisance. Quatre-vingt mille tonnes d’équivalent CO2 relâchées dans l’atmosphère, près de 11 millions de kilomètres parcourus, soit 272 fois tour de la Terre : ces chiffres impressionnants correspondent aux déplacements réalisés par cinquante jets privés français en l’espace d’une année seulement. Les avions d’affaires d’entreprises comme Axa ou Total, ou encore d’Artémis, la holding de la famille Pinault, ont chacun consommé en un an l’équivalent de quatre siècles d’empreinte carbone d’un Français moyen. On voit que certaines personnes sont complètement déconnectées et prennent l’avion comme d’autres le bus ou le métro. Elles polluent terriblement, car les vols en jet privé émettent dix fois plus de dioxyde de carbone que les vols en avion de ligne.
Les dépenses de toute nature liées à certains biens somptuaires, comme les yachts ou les bateaux de plaisance, sont déjà exclues des charges déductibles de l’assiette de l’impôt dû par les entreprises. Cet amendement vise à ajouter à cette liste les jets privés, à l’utilisation si néfaste à l’environnement. Conjuguant environnement et justice fiscale, cet amendement définit bien la position du groupe Écologiste et social.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans notre droit fiscal, sont déductibles les dépenses liées à l’exploitation de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle les yachts sont exclus : il n’est pas interdit à une société d’en acheter un, mais ce n’est pas déductible. Toutefois, les jets privés peuvent être utilisés à des fins professionnelles. Si l’on démontre que ce n’est pas le cas, les charges correspondantes ne seront pas déductibles. Il me paraît nécessaire de préserver cette cohérence de notre droit.
M. le président Éric Coquerel. Depuis hier, on trouve toujours une raison pour ne pas taxer les jets privés, qui sont pourtant, proportionnellement au nombre de passagers transportés, les engins les plus polluants qui soient. Ce n’est pas un très bon message.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La limite entre l’usage professionnel et l’usage privé est parfois floue et très propice à l’optimisation, comme on le voit pour de nombreux dispositifs fiscaux. Par ailleurs, il faut interpeller les dirigeants d’entreprises très fortunés : leur confort et la rapidité de leurs déplacements ne peuvent pas justifier de telles atteintes à l’environnement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est aux inspecteurs des impôts de contrôler l’utilisation dans le cadre du contrôle fiscal, comme ils le font pour les automobiles : s’ils découvrent que vous utilisez votre véhicule professionnel pour aller en vacances, ils vous redresseront, car ces frais-là ne sont pas déductibles.
Mme Eva Sas (EcoS). Mais ce n’est pas parce que le déplacement est professionnel que tout est permis ! C’est tout de même un comportement climaticide ! Nous appelons à la rationalisation des émissions de CO2, y compris dans le cadre professionnel.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1276 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Il s’agit des JEIR, les jeunes entreprises d’innovation de rupture, qui sont des TPE et PME innovantes issues de nos laboratoires de recherche, souvent industrielles. Je rappelle à ce propos que 50 % de la création nette d’usines en France est issue des TPE et PME industrielles et innovantes, comme Quandela et Pasqal, qui font des ordinateurs quantiques, Naarea et Jimmy, dans le nucléaire de quatrième génération, Néolithe, qui transforme les déchets, ou Mycophyto, qui trouve des alternatives aux pesticides.
Ces JEIR subissent une double peine, car il est beaucoup plus long de recourir à la deep tech et à l’innovation, et parce qu’elles sont souvent lancées par des chercheurs qui, dans les premières années, s’y consacrent à temps partiel parallèlement à leur doctorat ou à leurs recherches. Elles perdent de ce fait plusieurs années d’aides par rapport aux JEI (jeunes entreprises innovantes) classiques. Il est donc proposé de porter de huit à douze ans la durée de l’aide qui leur est destinée, sachant que les trois ou quatre premières années ne sont généralement pas utilisées. Cette disposition est financée par d’autres amendements, dont certains ont déjà été votés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. La loi de finances pour 2024 a déjà fortement assoupli le régime des jeunes entreprises en rehaussant les plafonds de l'IR-PME et le taux de réduction d'impôt pour les versements réalisés dans les JEI. Et vous voulez porter de huit à douze ans la durée de ces avantages ! Pensez que le tissu économique n’est pas fait que de JEI. Évaluons le dispositif avant de voir s’il faut le faire évoluer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1275 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Cet amendement de repli vise à limiter l’application de la mesure aux entreprises créées depuis le 1er janvier 2018. Il n’a donc pas de coût pour le budget pour 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le coût de ce que nous avons voté dans la loi de finances de 2024 est de l’ordre de 200 millions. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1274 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Cet autre amendement de repli tend à appliquer la mesure aux seules JEIR créées à compter du 1er janvier 2025, de telle sorte qu’elle n’aura pas de coût pour les huit prochaines années. Il s’agit, en revanche, d’un symbole très important. Il n’y a certes pas que des JEI, mais nous en avons besoin pour réindustrialiser le pays et réaliser la transition écologique – je ne citerai que Beyond Aero, qui fait des avions à hydrogène.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mêmes motifs, même avis.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement I-CF207 de Mme Marie-Christine Dalloz est retiré.
Amendements I-CF857 et I-CF959 de Mme Marianne Maximi, et amendements identiques I-CF1291 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1431 de Mme Marianne Maximi, I-CF1831 de M. Boris Vallaud et I-CF1836 de Mme Eva Sas (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Puisque l’objectif est de trouver des sources de financement pour nos politiques publiques, nous vous en proposons une : la taxation sur les dividendes. En effet, un dividende ne sert pas à grand-chose, sinon enrichir quelques-uns, puisque 96 % de la masse versée sont captés par une infime partie de la population française. Or tout ce qui part en dividendes est autant d’argent qui ne va pas en augmentation de salaires, donc en consommation populaire, ni en investissements dans l’entreprise.
Ainsi, les dividendes ne servent finalement qu’à priver les entreprises et les salariés, qui ont produit la richesse, de l’argent qui leur est dû. L’amendement I-CF1857 vise à les taxer à hauteur de 10 %, récupérant ainsi 6,7 milliards pour les caisses de l’État. Voici donc remboursés celles et ceux qui pleuraient tout à l’heure en trouvant qu’il manquait trop d’argent.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement I-CF959 est un amendement de repli. La promesse du Président de la République de reprendre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat n’a, comme on le sait, pas été tenue. L’une de ces propositions était l’instauration d’une taxe de 4 % sur les dividendes, élargie au rachat d’actions. Or les entreprises du CAC40 ont distribué l’année dernière 107 milliards d’euros en dividendes et en rachat d’actions.
Il est déjà indécent de ne pas tenir ses promesses, mais ce l’est encore plus quand, dans le même temps, on supprime 4 000 postes d’enseignants, on retire le chèque énergie automatique et on coupe dans les moyens de l’hôpital. On peut demander un petit effort sur les dividendes : 4 %, ce n’est pas grand-chose !
M. Nicolas Sansu (GDR). La question des superdividendes a déjà été abordée dans les deux derniers PLF et un amendement de M. Mattei avait d’ailleurs été retenu à ce propos. L’amendement I-CF1291 vise faire payer les entreprises avant distribution des dividendes, et non pas les bénéficiaires de ces derniers. L’ensemble des groupes du Nouveau Front populaire proposent ainsi une taxe sur les superdividendes lorsque les revenus dépassent de 20 % la distribution des années antérieures.
Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement I-CF1831 vise lui aussi à instaurer une taxe exceptionnelle sur les superdividendes distribués par les grandes entreprises qui ont dépassé de 20 % la moyenne des dividendes distribués les cinq dernières années et qui réalisent plus de 1 milliard de chiffre d’affaires.
Les grandes entreprises françaises ont distribué à leurs actionnaires plus de 63 milliards l’an dernier, soit une hausse de 8,7 % par rapport à l’année précédente. Mais parfois, elles ne déclarent pas de bénéfices. TotalEnergies, par exemple, qui ne déclare pas de bénéfices en 2021, trouve malgré tout le moyen de verser 2,62 milliards d’euros de dividendes au titre d’un seul trimestre – soit, rapporté aux 550 000 actionnaires, une moyenne de 4 764 euros.
Mme Eva Sas (EcoS). Mon amendement identique tend à surtaxer à hauteur de 5 % les dividendes pour leur partie supérieure à 120 % de la moyenne des cinq années précédentes. Cet amendement très raisonnable est nécessaire dans cette période où nous avons besoin de recettes complémentaires pour redresser nos comptes publics. C’est mieux que de procéder à des coupes budgétaires dans les dépenses sociales et de mettre tout le monde à contribution. Cet amendement avait été adopté à l’initiative de Jean-Paul Mattei durant la législature précédente. Cette surtaxation des dividendes est le minimum qu’on puisse demander.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’invalidation par le Conseil constitutionnel, en 2017, de la taxe de 3 % sur les dividendes créée en 2012 par le gouvernement Ayrault a coûté 10 milliards, car il a fallu rembourser les entreprises. Il y a donc là un problème constitutionnel de conformité au droit européen.
Se pose également un problème économique. C’est un vieux débat : faut-il traiter différemment les bénéfices mis en réserve et les bénéfices distribués ? Toutes les thèses s’affrontent depuis vingt ou trente ans, la vôtre étant de privilégier les premiers sur les seconds. La mienne est plus équilibrée : il me semble que cela dépend des entreprises et qu’il est très difficile de légiférer à ce propos. Pour cette raison, avis défavorable à tous ces amendements.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je les défends. Sur le plan constitutionnel, l’interprétation est un peu abusive et je vous invite à vérifier ce qu’il en est lorsqu’il y aura des recours, sans quoi nous risquons de nous brider pour des raisons peu scientifiques.
Ces amendements sont vertueux, y compris pour les défenseurs de la politique de l’offre. Pour ces derniers, si l’on veut attirer les capitaux, qui deviendront de l’investissement, de l’emploi et de l’économie, il faut les avantager. Mais les avantages deviennent difficilement défendables lorsqu’ils favorisent exagérément l’enrichissement particulier du capital au moyen des dividendes. Même en admettant qu’ils rejailliraient sur l’économie, le fait est que les dividendes des entreprises du CAC40 ont été multipliés par deux depuis 2017, ce qui est bien plus par exemple que l’investissement. Taxer très raisonnablement les dividendes – ainsi que les superdividendes, c’est-à-dire ceux qui augmentent inconsidérément d’une année sur l’autre – sans pour autant pénaliser les profits me semble être un bon moyen préventif : peut-être ceux qui ne voudront pas être taxés commenceront-ils à mettre ces sommes en réserve ou les consacreront-ils à des investissements, plutôt que de les mettre dans leur poche.
Cette proposition, qui est en outre très rentable, me semble être, parmi toutes celles qui portent sur les superprofits, celle que nous devrions adopter.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je suis très surpris d’entendre nos collègues mélenchonistes dire que les dividendes ne servent à rien. Allez dire cela à des épargnants, à des ménages français, à des retraités ou même à des salariés qui placent leur argent dans des plans d’épargne en actions ou des assurances vie pour préparer leur retraite ! Ces dividendes peuvent être une composante de leurs revenus, et donc de leur pouvoir d’achat.
Les dividendes sont aussi une prime de risque. On accepte de placer son argent dans des entreprises : si ça marche, on a des dividendes, sinon, on n’a plus que ses yeux pour pleurer. Faudrait-il instaurer une sorte de crédit d’impôt pour ceux qui placent leurs dividendes dans les entreprises quand cela ne marche pas ? Votre conception de l’économie est étonnante.
On peut évidemment encadrer les dividendes s’ils ne sont pas réinvestis ou servis sous forme de revenus à des épargnants ou des retraités, mais dire que les dividendes ne servent à rien, c’est vraiment le niveau zéro de la compréhension du fonctionnement de notre économie. Si un étudiant m’avait dit ça lorsque j’étais professeur d’économie, j’en aurais conclu que je ne lui avais rien appris.
M. le président Éric Coquerel. Les dividendes ne servent pas à rien, ils servent à enrichir la rente capitaliste – mais on peut contester cette utilité.
Par ailleurs, monsieur Labaronne, je rappelle que les dix premiers actionnaires du CAC40 possèdent environ 30 % des actions : cela relativise un peu l’argument selon lequel l’augmentation des dividendes profiterait aux petits actionnaires.
M. Nicolas Sansu (GDR). Monsieur Labaronne, je ne vois pas de risque majeur à investir dans un plan d’assurance vie. En outre, même s’il y a des risques, il pleut tout de même toujours où c’est mouillé : 93 % des revenus des dividendes reviennent à 0,1 % des ménages.
Par ailleurs, s’il est évidemment vrai, monsieur le rapporteur général, qu’il y avait en 2012 un problème constitutionnel, nous en sommes maintenant à la flat tax, et non plus aux revenus de dividendes barémisés. Le risque n’est pas le même.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Puisque mon nom a été cité, je dois dire que ce type d’amendement me semblait plus pertinent en 2022 qu’aujourd’hui, car il n’est pas certain que, compte tenu de la situation économique, nous aurons beaucoup de superdividendes à distribuer. Quoi qu’il en soit, l’idée était de se demander, au moment de la distribution des dividendes, si les bénéfices seraient mis en réserve ou distribués – car, monsieur le rapporteur général, ce qui est mis en réserve, c’est un bénéfice ; un dividende, c’est ce qui sort. Cela étant dit, il est tout à fait normal que les actionnaires soient rémunérés – et heureusement.
Je rappelle, même si nous ne savons pas ce qu’il adviendra de cette mesure, que nous avons adopté hier une augmentation très raisonnable, de 3 points, du taux de la flat tax. Il faudrait aussi voir comment s’articule la question des superdividendes avec la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus : n’y aura-t-il pas un effet d’écrasement ? J’assume donc pleinement le principe de s’intéresser aux superdividendes, mais il ne faudrait pas entraîner des effets négatifs sur les autres mesures prévues dans ce PLF.
M. Matthias Renault (RN). Nous avons déjà eu cette discussion à propos de l’amendement I-CF603 de M. Philippe Brun après l’article 3, qui reprenait l’amendement Mattei de 2023 et qui a été adopté. Évitons de débattre deux fois du même sujet.
M. Philippe Brun (SOC). Il ne s’agit pas tout à fait de la même chose. L’amendement « ex-Mattei » que nous avons adopté avant-hier portait sur l’impôt sur le revenu ; ceux dont nous parlons concernent l’IS.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1538 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Le régime des sociétés mère-fille est un dispositif cohérent lorsque les dividendes sont distribués au sein d’un groupe dont les sociétés sont soumises à des taux identiques d’impôt sur les sociétés, mais il ne l’est pas lorsque les dividendes reçus proviennent de pays où les taux d’impôt sur les sociétés sont nettement plus bas qu’en France. Il permet aux entreprises concernées d’échapper à 24 milliards d’euros d’impôt chaque année. Il s’agit de la principale niche fiscale existante, représentant deux tiers du rendement actuel de l’impôt sur les sociétés.
Je propose de limiter le jeu des déductions de bases imposables pour la réintégration des résultats des filiales étrangères, en cantonnant le dispositif aux pays de l’Union européenne, en instaurant, pour les pays hors UE et les flux concernés, un mécanisme de crédits d’impôt qui restreindra les déductions fiscales, et en plafonnant ces crédits d’impôts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le régime mère-fille n’est pas une dépense fiscale, il vise à éviter les doubles impositions : le remettre en cause, c’est prendre le risque de taxer deux fois les flux.
Votre amendement va en réalité surtout concerner les entreprises, dont de très nombreuses PME et ETI, qui ont des filiales au Royaume-Uni, au Maghreb, aux États-Unis, au Canada ou au Japon. Des milliers d’entreprises françaises qui avaient réussi à se développer à l’international et à investir en seront lourdement pénalisées. C’est un effet pervers de votre proposition, certes suffisamment prudente pour exclure les relations intraeuropéennes, pour ne pas buter sur la directive communautaire.
Pour ces raisons, l’amendement ne me paraît pas très adapté.
M. le président Éric Coquerel. Dans le cadre de notre mission d’information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises, Jean-René Cazeneuve et moi-même étions arrivés à la conclusion que la différenciation fiscale en fonction de la taille – au profit des grandes entreprises – existait, mais était moins marquée qu’à une certaine époque. La vraie différence concerne les entreprises multinationales, qui peuvent jouer de leurs filiales, de leurs holdings et de divers dispositifs pour payer beaucoup moins d’impôts que les entreprises françaises.
La commission adopte l’amendement I-CF1538.
Amendement I-CF913 de Mme Marianne Maximi
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Il s’agit là aussi de durcir la fiscalité sur les holdings, utilisées par les grandes multinationales pour défiscaliser massivement leurs bénéfices grâce au régime des sociétés mère-fille. Ces entreprises développent des réseaux de filiales à l’étranger dont les bénéfices sont artificiellement déplacés vers une holding, souvent implantée dans un paradis fiscal, ce qui permet qu’ils ne soient pas taxés. C’est un immense braquage dont les premières victimes sont les salariés, qui produisent en bout de chaîne une valeur qu’ils ne voient jamais puisqu’elle s’évade vers les îles Caïman par exemple. Grâce à ces montages, des multinationales profitent de la main-d’œuvre d’États où elles ne paient pas d’impôts. Nous demandons donc que le régime mère-fille ne soit plus applicable aux holdings.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le phénomène d’optimisation fiscale que vous décrivez est bien réel ; nous devons certainement réfléchir à la manière de l’encadrer et de le limiter. Mais votre amendement n’est pas conforme au droit européen. Si nous l’adoptions, nous ne pourrions l’appliquer aux entreprises qui ont des filiales dans d’autres pays de l’Union européenne et le Conseil constitutionnel finirait par annuler la mesure pour rupture d’égalité devant les charges publiques.
Par ailleurs, vous ne visez que les holdings bancaires alors que l’essentiel du problème provient des holdings familiales ou patrimoniales.
Je vous suggère de retirer l’amendement afin de le retravailler d’ici à la séance.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). À entendre ce que répètent en boucle certains collègues, on croirait que l’évasion fiscale est autorisée en France. Si la France est un paradis fiscal, comme vous le dites, pourquoi les entreprises y pratiqueraient-elles l’optimisation que vous dénoncez ? En réalité, les profits n’échappent pas à l’impôt : ceux réalisés en France sont taxés en France. Quant aux dividendes, ils sont taxés puisqu’ils ont été soumis à l’impôt sur les sociétés. Et s’ils ne sont pas distribués mais versés à une holding, que celle-ci se situe en France ou à l’étranger ne change rien à la fiscalité applicable.
Depuis sept ans, nous avons beaucoup développé la lutte contre la fraude. Je salue à ce propos le travail des services de Bercy, ainsi que les efforts faits dans le cadre de l’OCDE. Le rapport d’information cité par le président témoigne de ces progrès. La fraude fiscale diminue dans le monde, et c’est une très bonne chose.
M. Nicolas Sansu (GDR). Mais quand on multiplie les dispositifs comme le Dutreil, le démembrement et le versement des dividendes à des holdings familiales situées dans des paradis fiscaux, on pratique bien une optimisation agressive qui s’apparente à de la fraude fiscale.
M. Gérault Verny (UDR). La transmission d’une entreprise n’a rien à voir avec la taxation de certains dividendes ou de certains profits.
Une holding est une société qui détient une société fille, notamment dans le but de consolider la propriété de plusieurs entreprises pour des raisons de simplification. Cela a été dit, les résultats des sociétés filles sont systématiquement taxés ; c’est même le cas de la remontée des dividendes de la société fille à la société mère, en France ou à l’étranger. Tant que l’argent reste dans la holding, je ne vois pas le problème : cela permet de réinvestir les sommes – et si elles sont distribuées, elles sont fiscalisées.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF522 de M. Hendrik Davi et I-CF967 de M. David Guiraud
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Un rapport sénatorial a montré que 80 % des créations d’emploi en recherche et développement se faisaient dans des entreprises de moins de 500 salariés. Pourtant, cinquante grands groupes captent à eux seuls la moitié du CIR (crédit d’impôt recherche).
Avec la transformation du CICE en baisse de cotisations, le CIR est devenu en 2024 la première dépense fiscale du budget de l’État, son coût s’élevant à 7,7 milliards d’euros par an – pour des résultats très discutables. Un rapport de France Stratégie publié le 1er juin 2021 démontre son inefficacité.
Pour Sanofi, dont le directeur général déclarait pendant la pandémie que son vaccin bénéficierait en priorité aux États-Unis, le CIR représente plus de 1 milliard d’euros au cours des dix dernières années. Pourtant, la société a multiplié les plans massifs de licenciement, touchant 1 000 postes en France, dont 400 de chercheurs. C’était aussi le deuxième distributeur de dividendes du CAC40 en 2020, avec 4,8 milliards.
Notre amendement vise à supprimer cette niche inutile et coûteuse. Il faut remettre entièrement à plat le financement de la recherche et développement.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il est évident que le crédit d’impôt recherche, première niche fiscale en France, doit être revu. France Stratégie – rattaché au Premier ministre – estime que son impact est faible, notamment dans les grandes entreprises, bien que les cinquante plus grosses en captent près de 50 %.
Alors que l’on demande aux Français et aux petites entreprises de justifier la moindre aide perçue, Sanofi se prend 1 milliard de CIR en dix ans et supprime la moitié de ses postes de chercheurs, sans compter les choix stratégiques qui le conduisent à liquider à l’étranger des fleurons comme le Doliprane ! C’est injuste et cela doit nous alerter.
Il faut donc faire en sorte que le bénéfice du CIR aille aux plus petites entreprises, qui en ont besoin, plutôt qu’à un grand groupe qui en profite pour verser 4 milliards de dividendes à ses actionnaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il faut lire les rapports correctement. Ce que dit celui de France Stratégie publié le 1er juin 2021 n’est pas que le CIR est inefficace, mais qu’il est plus efficace pour les petites et moyennes entreprises que pour les grandes. Le rapport n’en conclut pas qu’une limitation du CIR ne s’y traduira pas par une réduction de la recherche et de l’innovation.
Le CIR fait tout de même l’objet d’une adhésion globale des différents groupes politiques. Il n’est pas parfait : quelques amendements tenteront d’ailleurs de le recalibrer. Mais il serait excessif de dire qu’il est totalement inutile. Avis défavorable aux deux amendements.
M. Pierre Henriet (HOR). Le crédit d’impôt recherche fait la preuve de son efficacité dans beaucoup d’entreprises. Il faut effectivement améliorer son ciblage, mais en veillant à le préserver en particulier au profit des PME. Mickaël Bouloux et moi, qui sommes vos corapporteurs spéciaux du budget de la recherche, défendrons plus tard un amendement I‑CF344 tendant à lui appliquer un plafond de 100 millions d’euros. C’est une mesure d’équilibre qui ne nuirait pas à l’objectif du CIR – doter nos entreprises de chercheurs de haut calibre.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Mon groupe votera également contre les amendements qui tendent à supprimer purement et simplement le crédit d’impôt recherche. En tant que rapporteure spéciale des crédits de la mission Remboursements et dégrèvements, je le vois évoluer et j’ai travaillé sur le sujet avec Francis Chouat en 2021, dans le cadre du rapport sur l’application de la loi fiscale du rapporteur général Laurent Saint-Martin ; nous défendrons d’ailleurs des amendements issus de ce travail. La suppression du CIR pour toutes les entreprises serait une grave erreur, car il est intéressant, notamment, pour les TPE et PME.
M. David Amiel (EPR). Ce que dit le rapport de France Stratégie – comme celui du Conseil d’analyse économique – est très éloigné de l’utilisation qui en est faite par nos collègues. Un exemple : « la réforme du CIR a eu des effets positifs et statistiquement significatifs sur les activités de R&D et le chiffre d’affaires ».
Il est vrai que les effets du CIR sont beaucoup plus forts sur les PME que sur les grandes entreprises. Il faut dire que le dispositif a été pensé à une époque où le taux d’impôt sur les sociétés était très élevé, pour favoriser l’attractivité et l’investissement au niveau des grandes entreprises. Il serait déraisonnable de le réduire alors que nous avons décidé d’augmenter considérablement leur taux d’IS pour les années à venir. Nous parlons d’entreprises internationalisées, qui font un choix entre différents pays pour localiser leurs sites industriels, de développement et de recherche.
M. le président Éric Coquerel. Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires propose tout de même des pistes de profondes réformes. Nous y reviendrons.
M. Nicolas Sansu (GDR). Le CIR peut être très intéressant pour les TPE et PME, voire pour les ETI. Il l’est aussi pour les multinationales, mais il faudrait le calibrer, cibler ses bénéficiaires et l’encadrer. En effet, son montant a plus que doublé en quelques années : le chien s’est échappé de la niche, jusqu’où ira-t-il ? En outre, des représentants de la DGFIP (direction générale des finances publiques) m’ont dit en audition ne pas réussir à le contrôler du fait du caractère uniquement déclaratif du dispositif.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF500 de M. Emmanuel Taché de la Pagerie
M. Kévin Mauvieux (RN). C’est très bien de soutenir les entreprises dans les domaines de la recherche, de l’innovation et de l’investissement, sauf si on devient le dindon de la farce. Nous proposons que les entreprises qui ont bénéficié du CIR soient tenues de rembourser le montant perçu lors des trois précédents exercices fiscaux en cas de délocalisation, et ne puissent y prétendre pendant les trois exercices suivants. Le CIR doit être subordonné au fait de rester en France, d’y investir et d’en faire bénéficier le pays.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement est contre‑productif : il découragera les entreprises innovantes de s’installer en France en les exposant au risque de devoir rembourser l’intégralité des créances de CIR perçues à l’échelle du groupe si l’un de leurs établissements ferme – quand bien même elles ouvriraient par ailleurs un nouveau site en France dans le même temps.
En outre, le CIR est octroyé en fonction des dépenses de recherche : si l’entreprise diminue son activité en France, le montant auquel elle a droit baissera.
Une réforme du CIR est nécessaire, mais plutôt sous la forme d’une révision de son assiette et peut-être de son taux. Avis défavorable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). La boîte de Pandore fiscale est ouverte ! Mais notre pays a besoin de stabilité fiscale. Pourquoi une entreprise installerait-elle en France ses activités de recherche si elle est menacée de devoir un jour rembourser son crédit d’impôt au motif qu’elle aurait délocalisé une partie de son activité ? Vous vivez dans un monde dénué de toute dimension concurrentielle. Le crédit d’impôt recherche est un avantage compétitif pour le territoire national. S’il est aussi coûteux pour les finances publiques, c’est d’abord parce que notre coût du travail est beaucoup plus élevé qu’ailleurs, mais aussi parce que notre productivité est plus faible. En agissant sur ces deux facteurs de production, peut-être pourrons-nous nous passer in fine de ce type de crédit d’impôt.
M. le président Éric Coquerel. La productivité française n’est pas inférieure à celle des autres pays. Nous ne sommes pas de mauvais élèves du point de vue du taux de productivité par personne en état de travailler. Un travailleur français est plus productif qu’un travailleur allemand. Arrêtez ce déclinisme !
M. Kévin Mauvieux (RN). Si je l’ai bien compris, M. le rapporteur général craint que la mesure que nous proposons ne dissuade des entreprises de venir s’installer en France, de peur de devoir rembourser un avantage fiscal si elles délocalisent après en avoir profité. Mais c’est exactement ce que nous voulons : éviter que des entreprises ne repartent deux ans après leur arrivée, après avoir profité de l’argent des Français ! Ce n’est pas ainsi que notre économie pourra structurellement se redresser : il n’y aura que des installations conjoncturelles.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce que cherchent les entreprises, c’est la stabilité du système. Une entreprise peut être obligée de fermer un laboratoire, non par plaisir, mais en raison de graves difficultés ou d’évolutions technologiques. Si elle sait que, dans cette éventualité, elle devra rembourser le CIR sur trois ans, elle n’est pas incitée à venir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1287 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Nous proposons un CIR à la source pour les jeunes entreprises innovantes.
M. le rapporteur général me dira qu’il n’y a pas que les JEI dans la vie, mais les TPE‑PME innovantes sont le premier moteur de création d’emplois en France : si nous voulons le plein emploi, nous avons besoin d’elles. Or une des difficultés du CIR, très bon dispositif par ailleurs, est que les entreprises le touchent avec un an de décalage, voire deux ou trois. L’idée est que les JEI puissent en bénéficier dès l’année en cours, afin de pouvoir anticiper d’un an la création d’emplois. Il ne s’agit donc pas d’un coût supplémentaire, même si la mesure aurait évidemment un impact sur la trésorerie de l’État.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les JEI bénéficient déjà du remboursement immédiat du CIR, alors que les autres entreprises ne sont remboursées qu’au bout de trois ans.
Votre amendement pose également un problème opérationnel : il implique de verser le CIR avant la clôture de l’exercice et avant la constatation de la créance. Il créera ainsi de la complexité en obligeant les entreprises à rembourser les trop-perçus d’une année sur l’autre.
Non, il n’y a pas que les JEI dans la vie, on ne peut pas déroger pour elles à toutes les règles. Elles ont déjà beaucoup d’avantages. Restons-en là et voyons déjà ce qu’ils donnent.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Cet amendement est frappé au coin du bon sens. Il s’agit, en la réduisant à un petit nombre d’entreprises, d’expérimenter une mesure que nous avons appliquée à d’autres crédits d’impôt, comme celui sur les services à la personne : on perçoit une avance de trésorerie alors que l’impôt sur le revenu n’est pas liquidé.
Monsieur Sansu, il n’est pas possible que quiconque à la DGFIP vous ait dit que le CIR n’était pas contrôlé. Il l’est évidemment.
D’ailleurs, la restriction de l’amendement aux JEI est une garantie contre le risque de fraude que l’on pourrait associer à un versement anticipé du CIR.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il y a bel et bien un problème dans les opérations de contrôle de la DGFIP. D’abord, les moyens humains manquent – hélas, vous les réduisez de budget en budget. Surtout, il y a un problème de compétences dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Ce n’est pas la même chose d’être compétent en matière fiscale et de l’être concernant la recherche en pharmacologie ou dans l’énergie. Par exemple, c’est le Centre national du cinéma qui juge s’il est légitime de soutenir un projet d’innovation et de recherche cinématographique : il est compétent pour cela. Mais pour le CIR, comme il s’agit d’entreprises, on ferme les yeux : elles font forcément des choses passionnantes ! Il n’y a pas d’administrations de contrôle qui aient la compétence nécessaire en interne. Redonnons à la DGFIP les moyens de contrôler les comptes et confions aux administrations thématiques le soin de vérifier le contenu de la recherche et de l’innovation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1265 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Les émeutes qui ont eu lieu cette année en Nouvelle‑Calédonie ont très gravement endommagé le tissu économique de l’île. Il faut maintenant reconstruire. Nous proposons d’appliquer à la Nouvelle-Calédonie le taux de réduction d’impôt majoré déjà appliqué en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, pour accroître l’attractivité du territoire auprès des entrepreneurs comme des investisseurs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons déjà examiné des amendements de ce type. La situation particulière qui fait suite aux émeutes en Nouvelle-Calédonie relève davantage d’aides budgétaires que d’un tel dispositif. Le Gouvernement a d’ailleurs inscrit un certain nombre de crédits pour aider à la reconstruction. Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Nous sommes en profond désaccord : vous souhaitez que l’État aide ; je propose une réduction d’impôt pour éviter cette aide. C’est une différence de vision de la société. Baissez les taxes et vous verrez que l’État aura moins besoin d’aider l’activité économique.
La commission adopte l’amendement I-CF1265.
Amendements identiques I-CF288 de M. Moerani Frébault et I-CF298 de M. Nicolas Metzdorf
M. Moerani Frébault (EPR). Notre amendement confirme l’éligibilité des panneaux photovoltaïques aux dispositifs de défiscalisation destinés aux logements sociaux ultramarins – un pas décisif vers notre objectif de 100 % d’électricité renouvelable d’ici à 2030 dans les outre-mer.
Le logement en outre-mer fait face à une crise structurelle, alors que les besoins augmentent. Les coûts de construction et d’entretien n’étant pas suffisamment pris en compte, beaucoup de bailleurs renoncent à des équipements essentiels, dont les panneaux photovoltaïques, à cause de leur incertitude quant à leur éligibilité au dispositif de défiscalisation. En votant l’amendement I-CF288, nous les inciterons à adopter des solutions d’énergie renouvelable.
Ce mécanisme ne présente aucun effet d’aubaine possible, étant réservé aux bailleurs sociaux pour leur autoconsommation, à l’image de ce qui a été fait l’an dernier pour le secteur productif.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Depuis le 1er janvier 2024, ces investissements sont éligibles au dispositif, au titre de l’article 199 undecies B du code général des impôts concernant les investissements productifs outre-mer, lorsque l’exploitant en affecte au moins 80 % à l’autoconsommation. Les amendements créeraient ainsi une mesure doublon, de surcroît avec des conditions encore plus souples. Avis défavorable.
La commission adopte les amendements.
Amendements I-CF1326 et I-CF1328 de M. Daniel Labaronne
M. Daniel Labaronne (EPR). Parmi toutes les dépenses fiscales bénéficiant au logement locatif social, une seule n’est pas liée à l’activité de construction des bailleurs sociaux et bénéficie à l’ensemble des acteurs, y compris aux organismes investissant peu ou pas du tout : l’exonération d’impôt sur les sociétés. L’Agence nationale de contrôle du logement social signale que les deux tiers des organismes ne prennent pas la part qu’on peut attendre d’eux dans la construction neuve au regard de leur poids dans le parc actuel. L’exonération d’IS, qui vise à renforcer les fonds propres pour stimuler l’investissement, n’atteint donc pas son objectif initial.
L’amendement I-CF1326 tend par conséquent à supprimer l’exonération d’IS pour les bailleurs sociaux, tandis que le I-CF1328 vise à la faire dépendre de résultats en matière de construction.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exonération d’IS au profit des bailleurs sociaux représente environ 800 millions par an. La contrepartie en était la construction de logements.
La situation des bailleurs sociaux étant très variable, je suis défavorable à votre premier amendement.
En revanche, le second propose une piste intéressante : recycler ces 800 millions pour aider ceux des bailleurs qui investissent le plus dans les zones les plus difficiles. J’y suis plutôt favorable, en le considérant comme un amendement d’appel au Gouvernement. Tout avantage fiscal doit avoir une contrepartie d’intérêt général. Des organismes de logeurs qui n’investissent pratiquement plus – parfois pour de bonnes raisons, d’ailleurs – ne devraient pas continuer à bénéficier de l’exonération. Plusieurs rapports ont du reste soulevé le problème.
La commission rejette l’amendement I-CF1326 et adopte l’amendement I-CF1328.
Amendements I-CF948 de M. Éric Coquerel et I-CF11 de M. Emmanuel Maurel (discussion commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous proposons la création d’un impôt universel ciblant les multinationales pour contrecarrer leurs différentes stratégies d’évitement de l’impôt.
Je ne comprends vraiment pas pourquoi le bloc présidentiel refuse de combattre l’évasion fiscale, qui coûte jusqu’à 100 milliards par an selon certains chiffrages. Pire, vous coupez dans les moyens de combattre l’évasion fiscale : le prochain budget prévoit de supprimer 550 postes à la DGFIP, qui a déjà perdu 25 % de ses effectifs depuis sa création en 2008.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement contrevient à l’ensemble des conventions fiscales conclues par la France, lesquelles, rappelons-le, ont une valeur supérieure à la loi.
Tout d’abord, le principe de territorialité de l’IS suppose de n’imposer que les bénéfices réalisés en France ; les bénéfices réalisés à l’étranger sont imposés par d’autres États.
Il est par ailleurs tout à fait possible que la répartition du bénéfice d’une entreprise soit décorrélée de la répartition de son chiffre d’affaires : on peut être bénéficiaire dans un pays et déficitaire dans un autre. Tout dépend de la localisation des charges et de la répartition des activités les plus rentables.
En outre, pour appréhender les bénéfices sous-imposés des grandes entreprises à l’étranger, il existe le pilier 2, que nous avons transposé en France l’an dernier. Il n’est pas parfait, loin de là, mais il est plus opérationnel. C’est sur ce sujet que notre commission devrait concentrer ses travaux. Défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Cet amendement, qui me semble très pertinent, est issu de travaux de Gabriel Zucman, qu’il a présentés récemment au Parlement européen. Le cas de TotalEnergies illustre bien le problème auquel nous sommes confrontés : il y a quelques années, on a constaté que le groupe n’avait payé aucun impôt en France pendant deux ans alors même qu’il y réalisait un quart de son chiffre d’affaires. La plupart du temps, les entreprises déclarent leurs bénéfices dans des pays appliquant une fiscalité privilégiée. Cela engendre un coût estimé à 36 milliards annuels pour notre pays ; 40 % des profits des multinationales seraient ainsi délocalisés dans des paradis fiscaux, notamment par une utilisation abusive, ou du moins difficilement corrigeable, des prix de transfert.
Gabriel Zucman propose que l’entreprise paye ce qu’il appelle un « déficit fiscal » au pays où elle réalise une partie de son chiffre d’affaires ; ainsi, si elle réalise 10 % de ses ventes en France, elle devra s’acquitter de l’impôt sur les sociétés sur 10 % des bénéfices qu’elle déclare dans des pays à fiscalité privilégiée. On pourrait ainsi récupérer 26 milliards. C’est un des amendements les plus rentables en matière de lutte contre l’optimisation fiscale abusive.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Madame Maximi, nous ne sommes pas opposés à la lutte contre l’évasion fiscale ; en revanche, nous refusons la spoliation fiscale.
Il est indécent, non seulement à notre égard, ce qui n’est pas très grave, mais surtout à l’endroit des agents de la DGFIP, de prétendre que nous n’avons rien fait pour lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. Quinze milliards d’euros issus de la fraude ont été récupérés l’an dernier.
Vous évoquez les suppressions de postes, mais elles sont liées aux réformes d’ampleur qui ont été menées, en particulier le prélèvement à la source et la suppression de la taxe d’habitation.
Pour revenir à l’amendement, imaginons que l’ensemble des pays développés décident d’agir de même : quel bénéfice nous resterait-il à taxer ? Cet amendement est totalement décorrélé de la réalité. Il ne prend pas en considération l’existence de conventions fiscales empêchant, fort heureusement, la double imposition.
M. Charles de Courson, rapporteur général. TotalEnergies réalise effectivement 25 % de son chiffre d’affaires consolidé en France, par le biais de deux activités : la distribution de carburants, qui lui procure, comme à tous ses concurrents, un revenu de 1 à 2 centimes par litre ; et la raffinerie, qui est déficitaire, pour des raisons étrangères au prix de transfert – un accord conclu entre Total et l’administration fiscale prévoit que les prix de transfert sont calés sur les prix de marché.
M. Pouyanné nous a expliqué que les bénéfices du groupe, qui, il y a deux ans, avaient franchi la barre des 20 milliards, provenaient en grande partie des pays dans lesquels TotalEnergies produit le pétrole. Toutefois, les États en question imposent les entreprises pétrolières à des taux bien supérieurs à ceux que l’on applique en France : ils sont souvent de l’ordre de 50 % et peuvent aller jusqu’à 75 %. Dans le cas de TotalEnergies, le chiffre d’affaires n’est en rien corrélé au bénéfice réalisé et, par conséquent, cela ne me paraît pas être un bon critère. Il faut plutôt suivre, à mon sens, l’approche de l’OCDE, dont on pourra peut-être s’inspirer, un jour lointain, pour la fiscalité des particuliers.
M. le président Éric Coquerel. Monsieur Lefèvre, il ne s’agit pas de mettre en cause la qualité du travail des agents de Bercy mais d’écouter ce qu’ils nous disent. Face à des entreprises qui emploient à prix d’or des avocats fiscalistes et des techniciens dotés d’une grande expertise, ils se sentent souvent en état d’infériorité. Dans ces domaines qui réclament des compétences très pointues, l’administration a toujours un train de retard. Le fait que TotalEnergies soit assis sur la puissance française a une forte incidence sur son implantation à l’international, singulièrement en Afrique, et sur le chiffre d’affaires qu’il réalise en France et en dehors de nos frontières. Il faut en tenir compte, et non se fonder sur son chiffre d’affaires stricto sensu. Il y a en effet un décalage important, qui n’est pas acceptable, entre la taxation et cette réalité. La taxe proposée permettrait de rééquilibrer quelque peu les choses.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Décidément, vous n’aimez pas les entreprises ! Quand je vois l’accumulation de taxes et de propos dirigés contre elles, je m’inquiète. Il va falloir que vous choisissiez : vous ne pouvez pas taper toute la journée sur les entreprises et, dès qu’un risque de délocalisation apparaît, vous précipiter pour soutenir les salariés sur les piquets de grève.
Bien sûr qu’il faut lutter contre l’évasion fiscale : je rappelle que c’est nous qui avons soutenu l’impôt minimum mondial élaboré par l’OCDE et toutes les initiatives en faveur de la transparence. Ces dernières, en particulier les exigences de publication pesant sur les grandes entreprises, se sont traduites par des obligations d’une ampleur considérable qui n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient il y a cinq ans ni même trois.
Bien sûr aussi que le prix de transfert constitue un enjeu, mais celui pratiqué par TotalEnergies, comme par toutes les grandes entreprises, est contrôlé chaque année. C’est d’autant plus facile dans le cas d’une entreprise pétrolière que ce sont les cours instantanés qui déterminent les prix de transfert. Le prix du baril de brent étant public, l’entreprise ne peut pas tricher.
Vous intentez un procès permanent aux entreprises, surtout lorsqu’elles réussissent.
M. le président Éric Coquerel. Monsieur Cazeneuve, je ne résume pas l’intérêt de l’entreprise à celui de ses actionnaires : il faut aussi prendre en compte l’intérêt des salariés, qui produisent les richesses.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Pour rester au même niveau de finesse, je vous dirais, monsieur Cazeneuve, ainsi qu’à vos amis macronistes, que pour votre part, vous n’aimez pas la justice !
On a tout de même pu constater votre échec, après vos grands discours sur la lutte contre la fraude, l’optimisation et l’évasion fiscale. Vous avez fait une loi avec M. Darmanin, et l’année dernière, M. Attal nous a refait un plan. Mais en réalité, vous n’avez pas voulu appliquer les mesures fortes qui auraient permis de mettre un coup de frein à l’évasion et à la fraude fiscale.
On nous oppose souvent les conventions fiscales internationales qui, il est vrai, peuvent constituer un obstacle. Alors évaluons-les, l’une après l’autre, pour déterminer si l’on a intérêt à les conserver en l’état ou s’il faut les remettre en cause, dans le cas où elles ne font que freiner la lutte contre la fraude fiscale.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Une convention fiscale bilatérale est le fruit d’une négociation entre deux pays. On ne peut la faire évoluer que si l’on se met d’accord au préalable. Nous avons de grands principes, comme l’absence de double imposition. Par conséquent, lorsqu’une entreprise disposant d’un établissement stable dans un pays y paie l’impôt, on ne peut exiger d’elle le versement d’un impôt complémentaire – on peut éventuellement lui demander une compensation. En tout état de cause, il est très compliqué de modifier les conventions internationales.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons ces amendements. Même s’ils ne sont pas parfaits techniquement, ils témoignent d’un travail qui doit être salué.
Nicolas Dupont-Aignan et Alain Bocquet avaient élaboré une proposition de cette nature il y a dix ans. Depuis lors, le travail n’a pas été fait. Cela n’a rien à voir avec le fait d’aimer ou de ne pas aimer les entreprises. Lorsque je travaillais chez General Electric, le groupe avait à New York une division de 6 000 employés dédiée exclusivement à l’optimisation fiscale dans tous les pays où il était présent. Il ne s’agissait en rien de créer des usines, de concevoir des produits ni d’aider les ingénieurs, mais de gagner de l’argent – en truandant peut‑être, mais sans créer la moindre valeur.
Il faut parfois protéger les puissances de l’argent contre leur envie d’en faire toujours plus. L’hubris, en la matière, détruit le capitalisme. L’éthique du capitalisme, c’est l’épargne et sa bonne gestion dans le temps. La destruction sous nos yeux de Boeing devrait tout de même vous inquiéter : c’est une entreprise qui avait une capacité phénoménale d’innovation et de création de produits de qualité, et qui s’est détruite de l’intérieur par passion triste pour l’argent.
La commission adopte l’amendement I-CF948.
En conséquence, l’amendement I-CF11 tombe.
Amendement I-CF983 de M. Éric Coquerel
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il s’agit d’établir une véritable taxe sur les Gafa, les géants du numérique, après l’échec de celle de Bruno Le Maire. Comme l’indique le rapport d’information d’Éric Coquerel et de Jean-René Cazeneuve sur les différentiels de fiscalité entre entreprises, « la taxe sur les activités numériques des entreprises mise en place en 2019 reste peu efficace, vu qu’elle s’applique tout autant aux entreprises françaises qui payaient déjà leurs impôts, comme Leboncoin, qu’aux Gafa – en plus d’avoir une portée bien trop réduite et de ne traiter le souci de l’évitement fiscal qu’en surface. » Les Gafa, qui sont devenus des champions du monde de l’évitement fiscal, seraient parfaitement en mesure de s’acquitter de cette taxe. De fait, ils sont souvent en situation de monopole ; cela a permis à Amazon, par exemple, d’augmenter le prix de ses abonnements de 80 % en deux ans.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à créer la notion complexe d’établissement stable virtuel pour imposer en France les profits des géants du numérique. En première analyse, il me semble inopérant de vouloir consacrer l’établissement stable virtuel en droit national si l’on ne renégocie pas les conventions fiscales internationales avec nos partenaires. En outre, le pilier 1 de l’OCDE, en cours de négociation, propose une solution plus opérationnelle, qui permettrait de réattribuer des droits à imposer selon les ventes des acteurs du numérique. L’avenir de ces discussions dépend du résultat de l’élection américaine. En attendant, nous pouvons relever le taux de la taxe Gafa existante, dont le rendement atteindra tout de même 756 millions en 2024. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1260 de M. François Ruffin, I-CF939 de Mme Marianne Maximi et I-CF12 de M. Emmanuel Maurel (discussion commune)
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Une série de dispositifs permet aux plus grandes fortunes d’échapper à l’impôt et à ce qu’elles doivent à la collectivité. Ainsi, les impôts personnels sont progressifs jusqu’à 600 000 euros ; au-delà, il existe diverses possibilités d’y échapper, au point qu’ils deviennent régressifs. Ainsi, les 378 ménages les plus riches ne paient que 2 % d’impôt sur leur revenu. Au-delà de 600 000 euros, les détenteurs de grandes fortunes effectuent divers placements, investissent dans des sociétés, parfois des holdings, pour échapper au taux de 59 % d’impôt sur le revenu et se voir appliquer le taux de 25 % de l’impôt sur les sociétés. En outre, ils se servent des biens acquis par ces sociétés pour couvrir leurs frais personnels, comme nous l’avons vu tout à l’heure à propos des jets.
À défaut d’une réforme fiscale globale, qui rendrait le système plus juste grâce à la création de nouvelles tranches, nous proposons, par l’amendement I-CF1260, d’augmenter le taux de la quote-part pour frais et charges afin de contraindre les hauts revenus à contribuer au financement de la collectivité, conformément aux principes de la Déclaration des droits de 1789.
M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF12 a également pour objet d’augmenter la quote-part de frais et charges sur les remontées de dividendes opérées dans le cadre du régime mère-fille. Il vise notamment les holdings familiales, qui posent le plus de problèmes. Lorsqu’une filiale verse un dividende de 100 000 euros à la société mère holding, cette dernière n’est imposée que sur 5 000 euros, ce qui représente, au taux de 15 %, un impôt de 750 euros. Celui-ci s’élèverait à 25 000 euros si l’on était dans le cadre de l’IS normal. Cela explique le gonflement des patrimoines. De nombreux travaux ont dénoncé ce système. Nous l’avions pointé du doigt, avec Jean-Paul Mattei, dans notre rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine. La mesure proposée limiterait l’évitement de l’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La quote-part de frais et charges est de 5 %, ou 1 % dans les groupes intégrés. L’amendement I-CF1260 vise à porter ces taux à 30 et 60 %, ce qui est vertigineux, et les amendements suivants, à 10 % et 6 ou 5 %.
Le phénomène d’optimisation fiscale que vous décrivez est bien réel, mais vos amendements ne sont pas conformes au droit européen. L’article 4 de la directive mère-fille interdit qu’une quote-part de plus de 5 % soit prélevée sur les distributions opérées entre sociétés établies dans l’Union européenne. Si nous adoptions l’un de ces amendements, nous ne pourrions donc appliquer la majoration des taux aux entreprises ayant des filiales dans d’autres pays de l’Union européenne et le Conseil constitutionnel serait immanquablement saisi par un contribuable invoquant l’atteinte au principe d’égalité. En effet, il existerait deux régimes : un régime intraeuropéen, où s’appliqueraient les taux de 5 et 1 %, et un autre où les taux s’élèveraient à 30 et 60 %. Avis défavorable.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur général, mais la question ne se poserait pas si les précédents gouvernements avaient entrepris une réforme fiscale qui, par la création de nouvelles tranches d’imposition, aurait rendu l’impôt plus progressif. L’impôt serait alors justement réparti en fonction de la capacité contributive de chacun.
La possibilité d’effectuer des placements dans des sociétés, parfois des holdings, permet d’échapper à l’impôt et entretient une forme de confusion entre les dépenses professionnelles et personnelles. Le passage de 1 à 60 % peut effectivement paraître impressionnant, mais cela ne représenterait in fine qu’un impôt de 7,5 %, qui plus est pour des contribuables qui ont largement la possibilité de s’en acquitter – j’ajouterai qu’ils en ont le devoir. Si cet amendement ne recueillait pas votre vote, je considérerais les deux autres comme des amendements de repli.
M. Nicolas Sansu (GDR). Il faut trouver le moyen d’encadrer le régime mère-fille, qui est l’un des dispositifs d’optimisation fiscale les plus importants. Les sommes en jeu s’élèvent, selon la DGFIP, à 30 milliards d’euros. On ne peut accepter que de tels montants échappent à l’imposition de droit commun et que le budget de l’État soit grevé de la sorte. Je vous invite à chercher une solution pour que l’on puisse lancer le débat sur cette question.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je partage la position du rapporteur général : ces propositions se heurtent au droit européen, qui autorise un taux maximal de 5 %. La France applique d’ailleurs ce taux maximal.
Cette question doit être traitée avec nos partenaires européens. Il serait justifié de faire passer le taux de la quote-part de 5 à 10 %, ce qui se traduirait par une taxation de 2,5 % – un taux raisonnable, surtout compte tenu de la baisse de l’IS. Cela étant, les holdings sont nécessaires au développement de notre tissu économique. Elles peuvent par exemple permettre le rachat d’entreprises. Le système de l’intégration fiscale pourrait peut-être évoluer, avec la participation salariale, mais cela ne peut se faire qu’au niveau européen.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF832 de M. Jean-René Cazeneuve
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Cet amendement, qui est issu d’une proposition de l’Inspection générale des finances (IGF), vise à supprimer la déduction des investissements productifs réalisés dans les départements et collectivités d’outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent ces investissements. L’efficacité de cette niche fiscale n’est pas connue et, en tout état de cause, très peu d’entreprises en bénéficient.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L'IGF souligne en effet que ce dispositif connaît une désaffection croissante. Cela étant, on dénombre encore un millier de bénéficiaires de cette déduction, qui est par conséquent toujours utile. La sagesse commanderait d’approfondir cette question et de chercher des dispositifs plus efficaces dans les collectivités d’outre-mer. En attendant, supprimer ce dispositif sans disposer d’un outil de substitution me paraîtrait peu prudent. Demande de retrait.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Nous sommes pleinement dans notre rôle, à la commission des finances, lorsque nous nous efforçons de supprimer des niches fiscales. L’ancien rapporteur général formule une proposition sur la base d’un rapport de l’IGF parfaitement détaillé. Si vous jugez la mesure trop brutale, appliquons-la à compter du 1er janvier 2025.
Les niches fiscales ne sont pas pérennes par nature, et n’ont pas à être systématiquement remplacées par des incitations budgétaires. Si elles sont inefficaces, nous devons assumer la décision de les supprimer.
M. Matthias Renault (RN). Cette niche fait partie d’un ensemble de cinq dépenses fiscales qui constituent l’héritage des lois Pons, Girardin et Perben et qui sont destinées à favoriser l’investissement productif outre-mer. Ce régime fiscal, qui avait ses défauts, a été considérablement raboté. Le dispositif que vous visez est le miroir d’autres dispositions relatives à l’impôt sur le revenu, lesquelles constituent la principale dépense fiscale en faveur de l’investissement outre-mer. Je crains qu’avec cet amendement, vous n’envoyiez un signal de détricotage des trois lois précitées et que, par la suite, vous ne vous attaquiez à l’exonération fiscale sur l’IR.
M. Nicolas Sansu (GDR). Peut-être cette niche est-elle inefficace, mais lorsqu’il s’agit du crédit d’impôt recherche ou du régime mère-fille, vous refusez d’y toucher ! Il faut être un peu cohérent. Il ne s’agit pas du tout des mêmes montants, et la suppression de cet avantage fiscal constituerait un très mauvais signal pour nos compatriotes d’outre-mer.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF942 de M. Éric Coquerel, I-CF214 de M. Emmanuel Maurel, I‑CF943 de M. Éric Coquerel et I-CF944 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement I-CF942 veut rendre l’impôt sur les sociétés progressif, à l’instar de l’impôt sur le revenu. Cet objectif devrait recueillir l’assentiment d’une majorité d’entre nous. En effet, vous êtes nombreuses et nombreux ici à vous préoccuper du sort des petites entreprises, qui sont bien souvent soumises à un taux d’imposition supérieur à celui qui s’applique aux grandes ou aux très grandes entreprises. Nous proposons, dans un but de justice fiscale, que les plus petites paient moins et que les plus grandes, qui sont capables de verser des dividendes considérables – 107 milliards l’année dernière –, s’acquittent d’une contribution supérieure.
M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF214 vise, de la même façon, à instaurer un IS progressif. Nous proposons d’aller du taux réduit de 15 % jusqu’à un taux maximal de 33,3 %.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Par l’amendement I-CF943, nous vous proposons un mécanisme concret et vertueux consistant à moduler l’IS en fonction de l’usage qui est fait des bénéfices. L’impôt serait plus ou moins élevé selon que ces derniers sont intégralement reversés sous forme de dividendes ou majoritairement employés pour effectuer des investissements et recruter – comme le font les petites entreprises. Ce serait une mesure de justice.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’institution d’un barème progressif de l’impôt sur les sociétés est-elle fondée, et quelles en seraient les conséquences ? On pourrait dire que le barème est déjà progressif, puisqu’il comporte deux tranches, aux taux de 15 et de 25 %. Mais il est vrai que le plafond de la tranche à 15 % est bas – on n’y a d’ailleurs pas touché lorsqu’on a diminué le taux normal.
Les dispositions que vous proposez entraîneraient une rupture d’égalité entre les groupes intégrés, qui constituent une unique structure juridique, et ceux qui ont un grand nombre de filiales. Elles pourraient même conduire le Conseil constitutionnel à estimer qu’une entreprise unique réalisant un très gros chiffre d’affaires est moins bien traitée qu’une autre entreprise ayant filialisé.
En outre, la France, si elle les appliquait, se trouverait dans une situation tout à fait distincte de celle de ses voisins. Cela nous ferait courir un risque de délocalisation ou d’optimisation fiscale.
L’institution du taux de 15 % a été inspirée par un objectif comparable au vôtre, mais cela a été fait avec une extrême modération puisque le seuil à partir duquel on passe à 25 % est faible.
Par ailleurs, l’idée selon laquelle, par nature, la mise en réserve des bénéfices serait bonne et leur distribution sous forme de dividendes, mauvaise ne me semble pas pertinente. Il est logique qu’une entreprise mature ayant peu de projets d’investissement distribue des dividendes. En revanche, des sociétés, jeunes ou anciennes, qui ont des plans ambitieux d’investissement versent beaucoup moins, voire pas du tout de dividendes. Les stratégies de distribution sont extraordinairement variées.
Ces propositions, si elles sont intellectuellement intéressantes, se heurtent à la réalité. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF914 de M. Aurélien Le Coq
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer la niche Copé, au sujet de laquelle nous avons des débats passionnés depuis des années.
Avant l’entrée en vigueur de ce dispositif, beaucoup d’entreprises réalisaient leurs plus-values à l’étranger, notamment en Belgique, où les plus-values ne sont pas taxées. La niche Copé a permis de rapatrier les plus-values en France – c’est pourquoi certains disent qu’elle coûte, et d’autres qu’elle rapporte. Ce qui est certain, c’est que supprimer ce dispositif créerait un biais fiscal important en faveur des dividendes. Une société mère qui détient une filiale privilégierait en effet la remontée des bénéfices par le versement de dividendes plutôt que par une plus-value. Autrement dit, les entreprises se livreraient à de l’optimisation fiscale. D’ailleurs, la majorité des pays de l’OCDE disposent d’un régime similaire. Le supprimer ferait de nous une exception dans un sens défavorable à nos entreprises. Avis défavorable
M. le président Éric Coquerel. C’est une des niches fiscales dont le coût est le plus élevé. En 2019, Éric Woerth l’évaluait à 5 milliards par an. Compte tenu de l’envolée boursière, il a dû exploser depuis. Je doute que ses bénéfices excèdent son coût. C’est le genre de niches qu’il conviendrait de supprimer, d’autant plus à un moment où l’on cherche à réduire les déficits. À tout le moins, il faudrait la remettre à plat.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous travaillons nous-mêmes à un dispositif qui limiterait le coût de la niche Copé tout en lui faisant produire des effets positifs pour l’économie. De façon générale, dans ce PLF, nous considérons une multitude de mesures une par une alors que nous aurions besoin d’une réforme générale de la taxation du capital et des niches. En multipliant les votes, quel que soit le bien-fondé de chaque mesure prise isolément, nous créons un problème de cohérence globale et risquons de réduire l’attractivité de la France. Il me paraîtrait intéressant que la commission des finances travaille sur une réforme générale au cours des mois à venir.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). J’ai déposé un amendement destiné à augmenter légèrement la quote-part de frais et charges. Lorsqu’une entreprise cède des titres de participation, elle est taxée, dans le cadre de la niche Copé, à un taux de 3 %. Il y a quelques années, avec Émilie Cariou, nous avions fait adopter un amendement qui visait à relever légèrement ce taux, compte tenu de la baisse de l’impôt sur les sociétés. En effet, l’IS étant passé de 33,3 à 25 %, la taxation, dans le cadre de la niche Copé, a été ramenée de 4 à 3 %.
Cela étant, je partage le point de vue de M. Tanguy : il faut regarder les choses globalement. Lorsqu’une entreprise cède un élément d’actif, en dehors des titres, elle est soumise à l’IS. Il y a là un traitement différencié, qui peut toutefois se justifier par certaines contraintes, en particulier le fait que, lorsqu’une entreprise rachète un titre, elle ne peut pas l’amortir. Bref il y a sur ces sujets très techniques un équilibre qui ne peut être trouvé que par une réflexion globale.
La commission rejette l’amendement.
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Réunion du vendredi 18 octobre 2024 à 14 heures 30 ([suite] après l’article 13 à après l’article 16)
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).
Amendements I-CF1540 de M. Philippe Brun et I-CF1808 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)
M. Philippe Brun (SOC). Mon amendement vise à moduler la niche dite Copé, qui permet aux holdings de bénéficier d’un taux préférentiel sur les plus-values à long terme tirées de cessions de titres de sociétés. Je propose de maintenir le taux actuel de la quote-part pour frais et charges financières (QPFC) devant être réintégrée dans le résultat fiscal en deçà de 1 million d’euros, mais de le fixer à 20 % au-delà̀. Les plus-values à long terme seraient ainsi soumises à un taux d’impôt sur les sociétés (IS) de 10 %, ce qui permettrait à la fois d’imposer davantage les grandes opérations et de préserver les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME).
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je propose de porter la QPFC de 12 % à 16 %, pour tenir compte de la baisse du taux d’IS décidée en 2022, dont je me félicite. Les plus-values tirées de cessions de titres de holdings seraient ainsi taxées à 4 %, contre 3 % actuellement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Augmenter la quote-part de frais et charges appliquée dans le cadre du dispositif Copé induirait un biais important : une société mère pourrait être tentée de distribuer les bénéfices de ses filiales en versant des dividendes plutôt que de réaliser une plus-value.
En outre, la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) appliquent un régime similaire au dispositif Copé. Il faut donc veiller à ce que des groupes ne soient pas incités à réaliser leurs plus-values à l’étranger, en cédant leurs titres de participation à prix coûtant. Je suis donc réservé quant à ces amendements.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je m’étonne de vous entendre suggérer qu’il serait possible de faire de l'optimisation fiscale en cédant des titres à des prix réduits : ceux-ci doivent systématiquement être vendus à leur valeur vénale.
Une société qui cède des actifs est assujettie à l’IS, à hauteur de 25 %, alors qu’une société qui cède des titres ne paie que 3 % au titre de la QPFC. Au vu de cet écart important, porter le taux d’imposition à 4 % ne me semble pas constituer un effort extraordinaire et apporterait un peu de justice. Un amendement similaire avait d’ailleurs déjà été adopté il y a quelques années, avant d’être supprimé dans le cadre de la navette parlementaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En tout état de cause, s’il faut adopter l’un des deux amendements, mieux vaut le vôtre que celui de M. Brun.
La commission rejette l’amendement I-CF1540 et adopte l’amendement I-CF1808.
Amendements I-CF601 de M. Philippe Brun et I-CF1819 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)
M. Philippe Brun (SOC). Je propose de réduire l’imposition des PME par rapport à celle des grands groupes. Comme les travaux de notre président, Éric Coquerel, l’ont montré, du fait des déductions dont les entreprises peuvent bénéficier, le taux implicite d’impôt sur les sociétés s’établit à 39 % pour les PME, contre 18 % pour les grandes entreprises.
Les sociétés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 millions d’euros payent un taux d’IS de 15 %, dans la limite de 42 500 euros de bénéfices imposables. Nous proposons de porter ce plafond à 100 000 euros. Les PME bénéficieraient ainsi d’une première tranche élargie à un taux d’IS réduit. Ce serait un premier pas vers le rétablissement de la justice fiscale pour les entreprises.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le taux d’IS réduit est en effet un bon outil pour soutenir les petites entreprises. Je propose pour ma part de relever le plafond à 60 000 euros. S’il est difficile de chiffrer le coût de cette mesure, qui devra peut-être être équilibrée par des recettes complémentaires, j’estime qu’elle inciterait de nombreuses entreprises à opter pour l’IS – je songe notamment aux entreprises individuelles, auxquelles cette possibilité est ouverte depuis février 2022 – et favoriserait l’activité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Lorsque le taux de l’IS a été abaissé de 33,3 % à 25 %, nous étions nombreux à estimer que le taux réduit de 15 % aurait dû diminuer dans la même proportion. Cela n’a pas été le cas. Le seuil à compter duquel les bénéfices sont taxés à 25 % n’a pas été révisé non plus.
C’est ce deuxième problème que vous vous efforcez de traiter. J’y serais tout à fait favorable si la question du financement ne se posait pas. Le taux réduit de 15 % coûte actuellement 2,8 milliards d’euros. L’amendement de notre collègue Brun créerait une dépense fiscale d’environ 2 milliards, contre 800 voire 900 millions pour celui de M. Mattei. Si nous souhaitons améliorer le dispositif, commençons donc par adopter ce dernier.
M. le président Éric Coquerel. Je suis un peu réservé quant à ces amendements. L’idée d’appliquer un IS progressif selon la taille des entreprises, en baissant l’impôt des TPE-PME tout en augmentant celui des multinationales, me semblait intéressante. Ici, en revanche, il s’agit simplement de baisser l'impôt dont s’acquittent les petites entreprises. Or tous les propriétaires de PME ne sont pas nécessairement vertueux et étrangers à toute stratégie d’optimisation ou de défiscalisation, notamment s’ils possèdent plusieurs sociétés : ce n’est pas parce qu’une entreprise est de taille modeste qu’elle paye mécaniquement un niveau d’impôt conforme à sa production et à la richesse créée. Je m’abstiendrai donc sur ces amendements qui visent à alléger les impôts des PME de façon indifférenciée.
M. Philippe Brun (SOC). Ce projet de loi de finances (PLF) alourdit, bien qu’insuffisamment à nos yeux, la charge fiscale des grandes entreprises. Nous avons d’ailleurs sauvé l’article 11, que l’ex-majorité présidentielle voulait supprimer. Il me semblerait juste que nous allégions dans le même temps la charge qui pèse sur les PME. Il n’est pas acceptable que ces dernières soient assassinées d’impôts comme elles le sont aujourd'hui. J’assume totalement que nous, députés de gauche, défendions les artisans et les commerçants, qui travaillent toute leur vie et supportent un niveau d’impôt très élevé par rapport aux grands groupes. Vous aurez donc compris que cet amendement est probusiness…
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je veux rassurer nos collègues : en adoptant l’amendement de M. Mattei, nous permettrions aux PME concernées de payer 1 750 euros d’IS en moins. Ce montant me semble très modéré.
Pour répondre à la préoccupation exprimée par M. le président, nous pourrions décider, au-delà d’un certain niveau de bénéfice, d’appliquer le taux de 25 % dès le premier euro, ce qui serait négligeable pour les grandes entreprises. Peut-être faut-il étudier cette solution.
M. David Amiel (EPR). Je me réjouis de voir certains de nos collègues de gauche faire un pas vers la social-démocratie. Je partage l’objectif de ces amendements : la non-indexation des barèmes de l’IS sur l’inflation, notamment celui du taux réduit, pose problème. J’appelle toutefois ceux qui entendent ainsi protéger les TPE-PME à faire preuve de la même vigilance quand il sera question des hausses de charges prévues dans le PLFSS, qui pèseront très lourdement sur les entrepreneurs de toutes tailles. Le groupe EPR soutiendra en tout cas l’amendement de M. Mattei, moins coûteux, même s’il faudra l’affiner en séance.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le plafond des bénéfices éligibles au taux réduit d’IR n’a presque pas varié depuis 2002 : s’il avait été seulement indexé sur l’inflation, il serait bien plus élevé que celui que nous proposons. Nous suggérons d’ailleurs, dans le même temps, de baisser le plafond de bénéfices donnant accès au régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) de 77 700 à 50 000 euros, afin d’inciter davantage d’entreprises à opter pour l’IS et à tenir une comptabilité. Cet amendement nous semble donc de nature à générer de nouvelles recettes fiscales, tout en améliorant la clarté des comptes des entreprises.
La commission rejette l’amendement I-CF601 et adopte l’amendement I-CF1819.
Amendements I-CF957 de Mme Marianne Maximi et I-CF858 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Comment justifier que, dans une entreprise, un salarié gagne plus de vingt fois ce que gagne un autre ? Qui apporte plus de vingt fois la richesse produite par un autre salarié ? Personne. Ces écarts de salaire faramineux n’ont aucun sens et ne font que renforcer les injustices. Et que dire de M. Pouyanné, patron de TotalEnergies, qui touche 7,33 millions d’euros, soit 450 fois le Smic, ou du PDG de Teleperformance, qui perçoit 1 484 fois le salaire moyen dans son entreprise ?
Afin de limiter les écarts de salaire, nous proposons d’augmenter le taux d’IS pour les entreprises où ils excèdent un ratio de 1 à 20 – ou, à défaut, de 1 à 50 dans l’amendement de repli. C’est une question de justice.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’outil que vous proposez n’est pas le bon. Dès lors qu’un président de groupe n’est pas forcément rémunéré par la seule société mère mais peut l’être aussi par ses filiales, les entreprises n’ayant pas filialisé leurs activités subiraient en quelque sorte une distorsion de concurrence. Pour réduire les écarts de salaire, il faut adopter une tout autre approche et éventuellement réformer le droit commercial, par exemple en prévoyant que les conseils d'administration ne peuvent pas fixer la rémunération de leurs dirigeants au-delà d’un certain niveau. Une augmentation du taux de l’IS ne me semble pas pertinente, d’où mon avis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je rappelle que 65 % des salariés de TotalEnergies participent au capital de l’entreprise : ils détiennent 11 milliards d’euros de capital et ont touché 525 millions en dividendes en 2023. Toucher aux dividendes, c’est donc nuire au pouvoir d’achat des salariés qui en bénéficient.
Par ailleurs, d’après les chiffres de l’Insee, si l’écart entre les revenus des 10 % de Français les plus aisés et ceux des 10 % les plus modestes est de dix-huit avant redistribution, il est réduit à sept après paiement des cotisations sociales et des impôts, et même à trois une fois pris en compte les services publics dont nos concitoyens bénéficient gratuitement. Ce ratio fait de notre système l’un des plus redistributifs et des moins inégalitaires parmi les pays développés.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). La mesure s’appliquerait-elle également aux clubs de football ?
M. le président Éric Coquerel. Pour rappel, elle est défendue par la Confédération européenne des syndicats (CES), à laquelle appartient par exemple la CFDT et d’autres syndicats qu’on ne saurait taxer de radicalisme.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1095 de Mme Marianne Maximi et I-CF958 de Mme Aurélien Le Coq.
Amendement I-CF255 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). L’animation est un domaine d’excellence française : parmi les dix plus grandes écoles du monde dans ce secteur, trois sont françaises, dont celle des Gobelins, et notre pays accueille de grands studios, comme Fortiche production, à l’origine de la série Arcane. Alors que les coûts de développement sont de plus en plus élevés – jusqu’à 100 000 euros pour produire une minute de film ou de série –, le crédit d’impôt audiovisuel reste plafonné à 3 000 euros par minute produite. Pour assurer l'attractivité de la France dans un secteur d’activité par ailleurs en crise, je propose de le porter à 10 000 euros par minute.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le coût du crédit d'impôt audiovisuel s'élève à 140 millions d'euros. Son taux, de 20 %, est majoré à 25 % pour les œuvres audiovisuelles d'animation. Les aides versées par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), automatiques pour les trois quarts, représentent déjà plus de 400 millions annuels. Compte tenu de la dynamique de ces dépenses, la Cour des comptes recommande d’évaluer le crédit d'impôt audiovisuel, ce qui n’a pas encore été fait. Cette niche a d’ailleurs été créée lorsque le taux d'IS s'établissait à 33,33 %. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je profite de l’occasion pour exprimer mon soutien aux salariés d’Ubisoft en grève.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1104 de M. Steevy Gustave
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à porter de 20 % à 40 % le taux du crédit d’impôt pour les productions cinématographiques et audiovisuelles réalisées en outre-mer. Les territoires des océans Atlantique et Indien sont en effet confrontés à un surcoût de 20 %, qui atteint même 30 % pour les collectivités du Pacifique, d'après le rapport de nos anciens collègues Stéphane Claireaux et Maina Sage. Il s’agit d’atténuer ces surcoûts, ce qui permettrait aussi de redynamiser les territoires concernés, très touchés par le chômage.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je l’ai dit, le crédit d'impôt audiovisuel coûte déjà 140 millions d'euros. Le CNC propose également des aides sélectives pour les œuvres présentant un intérêt culturel pour les départements d'outre-mer. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF574, I-CF573 et I-CF575 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)
M. Mickaël Bouloux (SOC). Il s’agit de favoriser l’utilisation du vélo en permettant aux entreprises de mettre des flottes de vélos à disposition de leurs salariés. L’amendement le mieux-disant prévoit d’indiquer clairement que ces derniers peuvent utiliser ledit vélo autrement qu’entre leur domicile et leur travail. Les trois amendements visent par ailleurs à prolonger le dispositif existant.
Inciter les entreprises à proposer des flottes de vélos est à la fois bon pour la planète, bon pour la santé et bon pour le pouvoir d'achat des salariés – utiliser son vélo plutôt que sa voiture pour se rendre au travail peut permettre d’économiser plusieurs centaines d’euros par mois. Renforcer le dispositif existant ne permettra pas de résoudre toutes les difficultés, mais constituerait néanmoins une avancée intéressante.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez de proroger la réduction d’impôt dont bénéficient les entreprises mettant à disposition des vélos jusqu’en 2030, de l'étendre aux cas dans lesquels les vélos ne sont pas utilisés entre le domicile et le travail, d’étendre la réduction d’impôt aux entreprises qui louent les vélos pendant au moins deux ans – contre trois ans actuellement –, et de porter le taux de la réduction d’impôt de 25 % à 30 % du prix d'achat de la flotte.
La loi de finances pour 2024 a déjà prorogé la réduction d’impôt jusqu’en 2027. Attendons donc d’évaluer le dispositif avant de le prolonger davantage. L’étendre aux vélos qui ne sont pas utilisés entre le domicile et le travail constituerait ensuite un détournement de la réduction d’impôt. Enfin, le taux de 25 % me semble déjà très incitatif, d’autant que les entreprises disposent d'autres outils, comme le forfait mobilités durables et le fonds mobilités actives. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF488 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). Dans le cadre du dernier Printemps de l’évaluation, j’ai conduit une étude sur le crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV), dont j’ai tiré une série d’amendements.
Le premier vise à allonger de trois à cinq ans la période d’accompagnement par ce crédit d’impôt pour les jeux vidéo dont le budget excède 5 millions d’euros. Alors que la France développe de plus en plus de jeux vidéo de très grande qualité – dits AAA –, un délai de trente-six mois n’est pas toujours suffisant au vu de leur technicité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On ne peut pas accroître sans cesse le soutien à certains secteurs d’activité au détriment des autres. Pourquoi l’industrie audiovisuelle serait-elle davantage privilégiée que l'industrie textile ou automobile ?
Dans la mesure où une grosse production coûte en moyenne 100 millions d’euros, votre amendement concernerait en réalité la grande majorité des jeux : ce que vous présentez comme une exception deviendrait la règle. Les jeux vidéo les plus complexes, dont le budget dépasse 10 millions d'euros, bénéficient en outre déjà d'un délai allongé de soixante-douze mois. Ne modifions pas les règles avant d’avoir évalué le dispositif.
M. Denis Masséglia (EPR). Je n’oppose pas les secteurs industriels : nous voulons tous encourager l’ensemble des activités, quelles qu’elles soient.
Je précise que les développeurs ne bénéficient pas du crédit d’impôt pendant soixante-douze mois : ils peuvent simplement choisir les trois exercices au titre desquels ils souhaitent le percevoir, sur une période de six ans maximum. Je propose qu’ils puissent le toucher pendant cinq ans. L’existence d’un plafond par structure permet en outre de centrer l’accompagnement sur des entreprises dont le chiffre d’affaires est relativement faible.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF495 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). L’industrie du jeu vidéo se transforme : de plus en plus souvent, un jeu continue d’être développé même après son lancement sur le marché – c’est le concept du game as a service, le jeu vidéo en tant que service. Dans ces cas, il convient, sous réserve d’un agrément du CNC, de poursuivre l’accompagnement financier pendant deux ans après le lancement – au-delà, il ne revient plus à l’État d’assumer une partie des coûts liés au développement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le crédit d'impôt jeux vidéo est la colonne vertébrale du soutien à la filière et a permis de nombreux succès. Votre idée est intéressante mais les besoins d'un studio de développement ne sont pas forcément les mêmes avant et après la mise sur le marché. Je ne suis donc pas certain que la prolongation de l'octroi du crédit d'impôt soit une mesure bien calibrée, le dispositif existant étant déjà assez généreux, puisqu’il porte sur 30 % des dépenses engagées dans la limite de 6 millions d’euros par exercice.
Si un agrément provisoire complémentaire était créé, il faudrait adapter l'aide allouée à l'entreprise, afin de garantir l'efficience de cet outil et d’en limiter le coût. Je vous propose de retirer votre amendement et de le modifier d’ici la séance. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF493 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). Pour bénéficier du crédit d’impôt, le développeur présente un prototype au CNC afin d’obtenir un agrément. Ce temps de préparation, souvent très long, peut mettre en péril certains studios. Je propose donc, tout en conservant la durée actuelle d’octroi du crédit d’impôt, de permettre aux studios qui en font la demande d’en bénéficier dès six mois avant l'obtention de l’agrément.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il ressort de vos propres travaux que la prise en compte des dépenses de prototypage n'est pas la règle chez nos voisins – seule l'Allemagne le fait, en accordant des taux de subvention inférieurs à ceux applicables en France. Cette mesure serait en outre de nature à renchérir fortement le coût du crédit d'impôt. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je remercie M. Masséglia pour cette série d’amendements. Si je ne le rejoins pas sur toutes les solutions qu’il propose, il a le mérite de souligner l'importance du secteur du jeu vidéo, qui fait partie des fleurons français et doit être soutenu au même titre que l'industrie cinématographique, et de proposer des mesures très précises, adaptées à la manière dont se développe concrètement un jeu. Je voterai pour cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF486 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). Les jeux vidéo AAA présentent des coûts de développement supérieurs à 100 millions d’euros. Plusieurs studios français, ayant atteint le plafond du crédit d’impôt, s’interrogent sur l’opportunité de poursuivre le développement en France plutôt que de le sous-traiter. Je propose donc de porter ce plafond de 6 millions à 10 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez une hausse d’environ 40 %, dont la nécessité n'est pas démontrée puisque, comme vous le soulignez vous-même, la plupart des entreprises bénéficiant du crédit d'impôt n'atteignent pas le plafond. Je rappelle également que les jeux vidéo les plus complexes disposent d'un délai rallongé de soixante-douze mois. Les entreprises concernées peuvent donc prétendre à des aides plus élevées. Avis défavorable.
M. Denis Masséglia (EPR). Je me permets d’insister sur le fait que l’accompagnement n’excède jamais trente-six mois, même pour les jeux vidéo les plus perfectionnés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF484 de M. Denis Masséglia et amendement I-CF1878 de M. Daniel Labaronne (discussion commune)
M. Denis Masséglia (EPR). S’il faut voter un seul amendement, c’est bien celui-ci. Il ne créera aucune dépense supplémentaire en 2025 ni en 2026, mais permettra d’affirmer que nous voulons continuer à produire des jeux vidéo en France – et si vous souhaitez l’inverse, vous pourrez voter pour l’amendement de M. Labaronne. Au vu des coûts de développement et des investissements nécessaires pour concevoir des jeux vidéo, il faut donner de la visibilité au secteur, qui connaît déjà des tensions – la société Don’t Nod vient d’annoncer soixante-neuf licenciements et Ubisoft est en grande difficulté. Si nous ne le faisons pas, la France risque de perdre une de ses forces.
M. Daniel Labaronne (EPR). Sans vouloir passer pour celui qui veut détruire l’industrie du jeu vidéo, je propose, pour la bonne gestion des finances publiques, de fixer la borne temporelle au 31 décembre 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est la loi de finances pour 2024 qui a instauré un bornage temporel pour le CIJV, sur votre proposition même, monsieur Labaronne. Je m’étonne donc d’un tel amendement. Maintenons la date actuelle de 2026. Nous avons deux ans devant nous pour éventuellement proroger ce dispositif.
Ouvrir un horizon aussi lointain que 2031, monsieur Masséglia, annulerait les effets du bornage. Nous ne respecterions plus la règle dont nous avons convenu selon laquelle la durée des avantages fiscaux doit être revue tous les trois pour déterminer s’il faut les maintenir.
Denis Masséglia (EPR). La mesure que je propose fait suite à une évaluation et, de manière générale, il serait bon de s’appuyer sur les travaux des députés ayant analysé les secteurs que nous examinons. L’industrie du jeu vidéo s’inscrit dans le temps long. Un studio de capture de mouvement nécessite pour son fonctionnement plusieurs centaines de milliers d’euros d’investissement. Si nous voulons conserver les 20 000 emplois que génère cette industrie en France, nous devons donner de la visibilité aux entreprises.
Cet amendement est vital pour elles. Les membres de la commission qui voteraient contre auraient une part de responsabilité en cas de délocalisation.
M. le président Éric Coquerel. J’ai déjà demandé que ce type d’argument ne soit pas utilisé au sein de la commission.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je salue la sagacité du rapporteur général et retire mon amendement.
Monsieur Masséglia, vous défendez avec fougue cette industrie, toutefois je soulignerai avec un peu de malice que vous n’êtes pas seulement son promoteur mais aussi son évaluateur – et son utilisateur… (sourires). N’y aurait-il pas un biais de sélectivité dans votre analyse ?
M. le président Éric Coquerel. Vous l’aurez compris, il me paraît nécessaire que l’industrie du jeu vidéo puisse se projeter grâce à des aides pérennes. Toutefois, le crédit d’impôt ne me paraît pas une bonne solution. Un système similaire aux aides distribuées par le CNC pour le cinéma serait préférable. Nous avons jusqu’à fin 2026 pour réfléchir à des financements alternatifs et je suis prêt à travailler en ce sens.
M. Denis Masséglia (EPR). Je vous remercie pour votre proposition, monsieur le président. Je suis tout disposé à me joindre à cette réflexion, que j’ai déjà entamée en envoyant divers courriers à l’exécutif. Nous pourrions réfléchir à la solution que vous préconisez, même si le secteur n’y est pour l’instant pas favorable. Un dispositif équivalent à celui du CNC ne s’oppose toutefois pas au crédit d’impôt. C’est la raison pour laquelle j’insiste sur la nécessité de prolonger dès maintenant le CIJV.
L’amendement I-CF1878 est retiré.
La commission rejette l’amendement I-CF484.
Amendement I-CF1879 de M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne (EPR). Nous proposons de borner au 31 décembre 2025 le crédit d’impôt dont bénéficient les entreprises du spectacle vivant.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce dispositif est déjà limité au 31 décembre 2027. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF110 de Mme Fatiha Keloua Hachi.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement a pour objet d’étendre le champ d’application du crédit d'impôt en faveur des représentations théâtrales d’œuvres dramatiques aux œuvres chorégraphiques, après l’adjonction du cirque l’année dernière. Cette petite niche de 2 millions d’euros ne concernant que trente bénéficiaires ; mieux vaudrait l'évaluer avant de procéder à un nouvel élargissement.
La commission adopte l’amendement I-CF110.
Amendements identiques I-CF509 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1365 de Mme Marianne Maximi, I-CF1764 de M. Christian Baptiste, amendements I-CF1844 de Mme Eva Sas, amendements I-CF978 de Mme Marianne Maximi et I-CF831 de M. Jean-René Cazeneuve (discussion commune)
M. Nicolas Sansu (GDR). Le crédit d’impôt recherche (CIR) est une niche coûteuse dont l’utilisation n’est pas très bien documentée. Par cet amendement, nous proposons, pour l’application du taux de 30 %, d’abaisser le plafond des dépenses de 100 millions à 50 millions et de procéder au calcul du plafonnement au niveau du groupe.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Avec ces amendements, chers collègues macronistes, nous proposons d’envisager non la suppression mais la conditionnalité du crédit d’impôt recherche.
M. Christian Baptiste (SOC). Si nous avons abaissé le plafond à 50 millions, c’est qu’au-delà de ce montant de chiffres d’affaires, une entreprise n’est plus considérée comme une PME. C’est autour d’elles que nous voulons recentrer le CIR car elles sont les plus susceptibles de réaliser des innovations de rupture. Le niveau de dépenses de recherche et développement resterait en dessous du montant moyen de celles exposées par les grandes entreprises, d'après la direction de la législation fiscale.
Mme Eva Sas (EcoS). Le CIR est une dépense fiscale certes utile mais élevée – 7,2 milliards en 2023. Il convient donc de l’encadrer pour mieux la cibler. En l’occurrence, nous entendons la recentrer sur les PME et exclure l’immobilier d’entreprise de son assiette. Nous espérons ainsi limiter les effets d’aubaine.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le plafonnement au niveau du groupe et non plus des entités permettrait d’éviter que ce soient les grandes entreprises qui profitent le plus du CIR. Rappelons que 10 % des bénéficiaires les plus importants reçoivent 77 % de son montant total.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je retire mon amendement.
Mme Eva Sas (EcoS). Je le reprends.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il y a dans cette série d’amendements deux propositions : modifier les taux du CIR et consolider le calcul des dépenses de recherche au niveau du groupe. Décomposons les économies induites : 400 millions pour la suppression du taux de 5 % au-delà de 100 millions, et 3 milliards environ pour l’abaissement du plafond à 50 millions, ce qui réduirait déjà le CIR de moitié ; c’est tout à fait excessif.
Quant à l’idée de calculer le montant des dépenses de recherche au niveau du groupe, et non de chaque entité, elle vise à répondre à un problème ancien : certains groupes ayant de nombreuses filiales peuvent déclarer plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses éligibles – jusqu’à 1 milliard pour certaines entreprises des secteurs automobile, aéronautique et pharmaceutique –, contrairement aux structures intégrées qui sont soumises au plafond de 100 millions. La question mérite réflexion mais une telle modification ferait baisser le CIR de 1 milliard. Autrement dit, les amendements qui cumulent les deux propositions auraient pour effet de réduire le CIR de 60 % environ.
Le CIR est un outil efficace pour les PME, plusieurs études le montrent, d’où la volonté de nos collègues de créer un taux intermédiaire entre 50 et 100 millions. Soyons prudents : supprimer ce crédit d’impôt pour les entreprises qui dépasseraient le seuil de 100 millions ne me paraît pas pertinent.
Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Ce qui me paraît excessif, c’est le dévoiement du CIR, qui a été conçu, non pour soutenir l’attractivité, mais pour favoriser la recherche et le développement et l’innovation. Or les cinquante plus gros bénéficiaires, qui ne représentent que 0,17 % du total des entreprises concernées, accaparent la moitié des avantages de la niche. Depuis dix ans, le groupe Sanofi, par exemple, a bénéficié de 1 milliard au titre du CIR tout en fermant onze laboratoires de recherche et en supprimant des centaines de postes de chercheur en France – et voilà qu’il s’apprête à vendre sa filiale produisant le Doliprane car il estime que ses profits ne sont pas à la hauteur du taux de rentabilité visé. Précisons que le chiffre d’affaires d’entreprises comme Sanofi repose pour partie sur la sécurité sociale puisqu’ils vendent des médicaments remboursés par la collectivité. C’est dire combien les mannes dont elles bénéficient s’accumulent. Il faut corriger cette situation. Évitons de nouveaux scandales et réservons ce crédit d’impôt aux entreprises qui en ont le plus besoin, les TPE et les PME.
Je précise que plusieurs de ces amendements sont inspirés de recommandations du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO).
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Le CIR est une arme essentielle de compétitivité qui contribue à maintenir nos chercheurs en France ; personne ne peut dire le contraire. Son efficacité, il est vrai, est plus grande pour les PME mais elle se vérifie aussi dans les grands groupes qui en bénéficient, rappelons-le, en contrepartie des frais qu’ils engagent pour créer laboratoires et emplois.
Ce matin, vous avez tiré sur TotalEnergies, maintenant vous vous en prenez à Sanofi. Vous oubliez qu’il s’agit d’une entreprise multinationale qui réalise seulement 7 % de son chiffre d’affaires en France ; on ne peut donc pas dire que c’est la sécurité sociale qui finance ce groupe, qui a du reste annoncé un investissement de 1 milliard en France. Ne nous arrêtons pas aux mauvaises nouvelles.
Si j’ai retiré mon amendement, c’est que depuis le début de l’examen du budget, s’accumulent taxes et impôts sur les entreprises, en particulier les grandes entreprises. Halte au feu ! Restreindre encore le CIR aurait été un mauvais signal, même s’il peut être amélioré.
M. Corentin Le Fur (DR). Le CIR est un outil indispensable sur l’efficacité duquel tout le monde s’accorde. En revanche, on peut s’interroger sur le dévoiement dont il fait l’objet et l’envolée de son coût qui commence à atteindre un niveau préoccupant pour nos finances publiques. Une réflexion s’impose. Le réserver aux PME n’est pas une bonne solution, car les grands groupes ont aussi besoin d’innover. Mieux vaudrait le limiter aux activités industrielles et agricoles, en excluant le secteur de l’assurance et de la finance. Ce recentrage sur l’économie réelle, que nous proposerons dans un amendement ultérieur, dégagerait une économie de près de 1,5 milliard.
M. Daniel Labaronne (EPR). C’est une erreur de penser que les secteurs de la banque et de l’assurance n’ont pas besoin d’être soutenus, car la recherche y est très en pointe dans notre pays.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF499 de M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement d’appel entend, comme le suivant, renforcer le dispositif de l’impôt mondial sur les multinationales mis en place par l’OCDE. Je salue sa création mais ce n’est pour moi qu’une étape. Si le taux minimal de 15 % est maintenu, cela ne fera que renforcer la concurrence internationale. Il faut le relever à 25 %. Au sein des pays de l’OCDE, le taux théorique de l’impôt sur les sociétés (IS) se situe en moyenne entre 20 % et 22 % et le taux réel est déjà de 15 %. Que les multinationales occidentales contribuent à hauteur de 25 % aux frais liés aux infrastructures, à la formation et aux systèmes de soins ne me paraît nullement abusif.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ferai une remarque de méthode : le taux de l’impôt mondial n'est pas comparable au taux de l'IS, lequel repose sur une assiette plus restreinte. Les entreprises utilisant beaucoup de crédits d’impôt risqueraient d’être assujetties à un taux supérieur à 25 %. En outre, votre amendement est contraire à l'accord de l'OCDE que nous avons signé en 2021 et à la directive du 14 décembre 2022 qui le transpose, remarque qui vaut aussi pour votre amendement suivant. Je vous invite donc à les retirer pour les retravailler.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je m’étonne de voir un représentant du Rassemblement national s’émouvoir d’un taux d’imposition sur les entreprises trop bas alors que ce matin, ce même groupe a soutenu une hausse de l’IS.
Rappelons par ailleurs que l’accord de l’OCDE est le fruit d’une négociation internationale aussi longue que difficile, dans laquelle la France a joué un rôle majeur. Ce taux de 15 % peut paraître faible, de notre point de vue français, mais il est élevé pour d’autres pays. Ce compromis, c’est mieux que rien.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous allons retravailler cet amendement pour l’améliorer, monsieur le rapporteur général. Toutefois, je le maintiens pour que l’alerte lancée par le RN figure au compte rendu.
La commission rejette l’amendement.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF498 de M. Jean-Philippe Tanguy.
Amendements I-CF949 de M. Manuel Bompard, I-CF956 M. Éric Coquerel, I-CF950 et I-CF952 de M. Aurélien Le Coq, I-CF951 de Mme Marianne Maximi, I-CF955 de M. Aurélien Le Coq, I-CF548 et I-CF549 de Mme Eva Sas (discussion commune)
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Dans le rapport qu’elle a consacré en 2021 aux travailleurs de la deuxième ligne, Christine Erhel soulignait le manque de reconnaissance à leur égard au sortir de la crise du covid tandis qu’Élisabeth Borne, alors ministre du travail, pariait sur le dialogue social pour faire avancer les choses. Or c’est la catégorie de salariés qui a perdu le plus d’argent du fait de la crise et de l’inflation, comme l’a montré une étude récente de l’Insee. Dans le même temps, des entreprises comme CMA CGM ou TotalEnergies accumulent les superprofits. Nous proposons de les taxer pour procéder à un rééquilibrage et investir davantage dans nos services publics.
Ce n’est pas sans précédent : en 1916, une contribution exceptionnelle avait été mise en place sur les bénéfices de guerre pour soutenir les « essentiels » qu’étaient alors les soldats. Faisons en sorte que ces travailleurs, qui ont connu un autre front en aidant nos concitoyens pendant le covid, soient reconnus à leur juste valeur.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nos amendements déclinent la création d’une taxation sur les superprofits des entreprises ayant profité de la crise et de l’inflation après avoir touché des aides durant le covid, des sociétés autoroutières aux géants céréaliers en passant par les banques qui ne sont pas en reste. Après avoir atteint un record en 2023, avec 11 milliards, les bénéfices de BNP Paribas ont déjà connu une hausse de 20 % au deuxième trimestre et ceux du Crédit agricole suivent une évolution comparable – 8 milliards en 2023 et une augmentation de 6 % au deuxième trimestre. Rappelons que pendant le covid, ces banques ont bénéficié de 2 300 milliards de prêts.
Nous en avons assez de voir ceux qui ont été aidés au moment où ils en avaient besoin mettre l’argent dans leurs poches plutôt que de le réinvestir pour relancer l’économie.
Mme Eva Sas (EcoS). En 2023 a été instaurée, outre la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim), une contribution temporaire de solidarité (CTS) sur les bénéfices des entreprises appartenant à l’aval de la chaîne pétrogazière. Son rendement a été faible, 61 millions, alors que l’exemple de l’Italie, qui ne compte sur son sol pas plus de productions pétrogazières, montre qu’on aurait pu espérer davantage puisqu’une taxation analogue y a rapporté 2,8 milliards.
Notre amendement I-CF548, très important à nos yeux, a pour objet de rétablir cette CTS en corrigeant les failles mises au jour par l’économiste Laurent Bach. Il importe d’étendre le champ d’application aux entreprises procédant à des achats-reventes de produits pétroliers et sous-traitant le raffinage, leur exclusion ayant conduit à une diminution de 72 % de la base taxable. De la même manière, il convient d’intégrer les bénéfices avant report des déficits antérieurs, susceptibles d’augmenter de 20 % cette même base.
Alors que le déficit public atteint 6,1 %, il serait incompréhensible de demander des efforts aux classes moyennes et populaires sans faire contribuer les groupes pétrogaziers, qui ont enregistré plus de 10 milliards de bénéfices au premier semestre. Jean-René Cazeneuve, alors rapporteur général, avait d’ailleurs proposé de prolonger la CTS dans la loi de finances pour 2024.
Ceux qui sont sceptiques pourront toujours adopter notre amendement I-CF549, de repli, qui propose une taxe d’un rendement moindre, estimé à 300 millions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je donnerai un premier avis sur les amendements relatifs à la taxe sur les superprofits. Les précédents gouvernements ont instauré deux types d’impôts sur les superprofits, la CTS et la Crim, dont le produit a été décevant, respectivement 61 millions et 1,6 milliard contre les 12 milliards espérés. Ce faible rendement s’explique par les spécificités de l'imposition des bénéfices : la possibilité de reporter des déficits et la territorialité de l'impôt rendent très difficile un tel exercice, surtout si l'on corrèle l'imposition à l'évolution des prix.
Désormais il est trop tard pour capter les profits particulièrement élevés enregistrés entre 2021 et 2023. Les bénéfices des entreprises stagnent et le produit de l’IS avec, tournant autour de 58 milliards.
En outre, le PLF prévoit une hausse d'impôt sur les entreprises de 8 milliards auxquels s’ajoute 1 milliard pour les compagnies de transport maritime, ce qui est considérable.
L’amendement I-CF956, qui vise à créer une taxe sur les dividendes exceptionnels pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions, se heurte à la décision du Conseil constitutionnel de 2017 sur l’application de la directive « mères filles ». Il en va de même des deux amendements suivants.
L’amendement I-CF955 prévoit une contribution additionnelle sur les bénéfices des entreprises du secteur céréalier. Or la récolte de 2024 a été la plus mauvaise depuis une vingtaine d’années, avec des chutes de 20 % à 60 %. Il n’y aura donc pas de superprofit à taxer. En revanche, cela affectera la compétitivité de plusieurs coopératives françaises, normalement exonérées d’impôt sur les sociétés mais taxées en raison de leurs filiales.
Les amendements I-CF548 et I-CF549 tentent de redéfinir l’assiette de la taxe de solidarité mais son rendement n’en demeurerait pas moins réduit, sans compter le risque d’optimisation fiscale.
Mme Eva Sas (EcoS). Votre seule critique est que le rendement de nos deux amendements ne sera peut-être pas à la hauteur. Néanmoins, ils corrigent les failles observées pour la CTS. Par ailleurs, s’il est exact que les entreprises n’ont pas réalisé de superprofits dans certains secteurs, c’est faux dans le secteur pétrogazier : TotalEnergies a engrangé 10 milliards de dollars au premier semestre 2024. Il est donc nécessaire d’appliquer la CTS, sous peine d’éroder le consentement à l’impôt.
Mme Véronique Louwagie (DR). La définition d’un superprofit ou d’un profit exceptionnel est difficile, comme l’a démontré la Crim, dont le rendement a été très inférieur aux prévisions – environ 1,5 milliard contre 12,3 milliards. Je suis surprise par ces amendements alors qu’existe déjà la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des entreprises. Ces dispositifs pourraient être de nature à inquiéter le monde économique.
Par ailleurs, nous devons tenir compte des taux d’impôt dans les autres pays. Ainsi, au Portugal, le taux d’impôt de 21 % baissera à 17 % en 2026 et à 15 % en 2027. Si vous voulez que toutes nos entreprises quittent le territoire, ne vous y prenez pas autrement !
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). La notion de superprofit est définie dans l’amendement I-CF951 : « La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019. » Quand on voit les résultats des banques au deuxième trimestre, on peut considérer qu’elles sont encore en période de superprofits.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ces amendements sont mieux ciblés qu’une taxe générale car ils permettent de récupérer une partie des superprofits réalisés depuis trois ans sans pénaliser les entreprises qui se sont bien comportées. Ce n’est pas inintéressant du point de vue de l’efficacité économique. Le Rassemblement national s’abstiendra parce que ces dispositifs sont proches de ceux qu’il proposait l’année dernière. Avez-vous chiffré l’effet de ces amendements ? Cela pourrait éclairer nos travaux en séance.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je suis toujours surpris que l’on confonde profit et bénéfice. Les superprofits font l’objet d’une définition ? mais à quoi correspondent les superbénéfices ?
Par ailleurs, entendez-vous taxer de la même manière les banques qui réalisent des résultats satisfaisants principalement à l’étranger – sans doute est-ce une forme de colonialisme fiscal – et le réseau mutualiste, qui fait l’effort d’avoir des agences commerciales dans tous les territoires, notamment ruraux ?
La commission adopte l’amendement I-CF949.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement I-CF1283 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). La niche fiscale relative aux brevets, dite patent box, ne concerne que quelques grandes entreprises. Elle permet de fiscaliser les revenus des brevets non pas à 30 % mais à 10 %, pour un coût d’environ 800 millions par an et sans véritable effet avéré. Je vous propose de plafonner cet avantage à 20 millions par entreprise : cela permet de le préserver pour les TPE, PME et ETI innovants, tout en le limitant pour seulement une douzaine de grandes entreprises. Mon objectif n’est pas d’augmenter la fiscalité sur les entreprises mais d’assurer, par ce gage, le financement de l’avantage social du programme JEI (jeune entreprise innovante), dont le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoit la suppression, ce qui serait une catastrophe pour des centaines de jeunes TPE-PME et leurs milliers d’emplois.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette niche fiscale n’a pas permis une hausse significative du nombre de brevets déposés. De plus, en 2020, dix entreprises représentaient 66 % des montants déclarés, pour un total de 700 bénéficiaires. Plutôt que de plafonner l’avantage fiscal – cela peut poser problème selon que les groupes sont ou non intégrés –, je propose une légère hausse de son taux, qui passerait de 10 % à 15 %. Un taux proportionnel me semble plus cohérent.
M. Paul Midy (EPR). Je maintiens ma proposition de plafonnement car une augmentation du taux affecterait les TPE, PME et ETI innovantes, et non les seules grandes entreprises.
M. David Amiel (EPR). Pouvez-vous nous donner un chiffrage des deux options proposées ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le relèvement du taux à 15 % rapporterait environ 200 millions d’euros. Le plafonnement est plus difficile à évaluer mais, compte tenu de la forte concentration de cette niche, il ne devrait pas rapporter beaucoup plus.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Ayons bien les chiffres en tête : dix entreprises se partagent 650 millions dans le cadre de ce crédit d’impôt, tandis que la transformation de la réduction d’impôt pour les personnes résidant en Ehpad en crédit d’impôt coûte 880 millions pour quelque 300 000 personnes.
M. Paul Midy (EPR). Le plafonnement à 20 millions devrait permettre de récupérer 40 millions par entreprise, soit un total de 400 millions. C’est donc plus que le relèvement du taux et cela n’affecte pas les TPE-PME.
La commission adopte l’amendement I-CF1283.
Amendement I-CF1070 de M. Arnaud Bonnet
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Il s’agit de mettre fin aux exonérations dont bénéficient les entreprises donatrices aux établissements d’enseignement privé, dans le secondaire comme dans le supérieur, qui pratiquent des frais de scolarité très élevés, tournent le dos à des publics pourtant prioritaires, accueillent des familles qui contournent la carte scolaire. La défiscalisation des dons en leur faveur représente autant d’argent en moins pour les établissements d’enseignement public. De plus, ces dons mettent en cause non seulement l’indépendance de la recherche mais aussi la gouvernance des établissements, qui sont pourtant d’intérêt général.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La quasi-totalité de ces établissements participent au service public de l’éducation et sont contrôlés, notamment sur leurs programmes. Je ne vois pas comment vous pouvez discriminer des organismes qui participent à l’exécution d’un service public. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF917 de Mme Sarah Legrain.
Amendements I-CF544 de Mme Eva Sas, I-CF1498 et I-CF1500 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF1121 et I-CF1122 de M. Jean-Pierre Bataille, I‑CF1123 de M. Michel Castellani, I-CF344 de M. Pierre Henriet, I-CF1526 et I‑CF1521 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF972 de M. Aurélien Le Coq, I‑CF974 de Mme Marianne Maximi, I-CF975 de M. Éric Coquerel, I-CF1440 de M. Pierrick Courbon, I-CF1124 de M. Michel Castellani et I-CF1222 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Pour limiter les effets d’aubaine du crédit d’impôt recherche, l’amendement I-CF544 a pour objet de réserver le taux de 30 % aux activités respectant l’un des six objectifs environnementaux de la taxonomie verte européenne – à l’exception des recherches liées aux énergies gazières et nucléaires – et de réduire ce taux à 20 % dans le cas contraire. L’Ademe pourrait être chargée de contrôler ce critère.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Le CIR est très coûteux – plus de 7 milliards d’euros par an, dont 5 milliards pour les grandes entreprises – mais son impact reste modeste au regard du montant élevé de la dépense fiscale, qui a triplé depuis 2008 : les dépenses de recherche et développement (R&D) sont restées stables en France ces trente dernières années, alors qu’elles ont crû fortement en Allemagne, aux États-Unis et au Japon où l’équivalent du CIR n’est pourtant pas aussi généreux.
Je retire l’amendement I-CF1498, qui propose une réforme en profondeur, car il demande une réflexion plus importante. L’amendement I-CF1500 vise à créer une tranche intermédiaire au taux de 15 %
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). L’amendement I-CF1121 vise à créer un nouveau palier entre 50 millions et 100 millions, taxé à 15 %, tandis que l’amendement I-CF1122 propose un taux de 20 % jusqu’à 100 millions et de 5 % au-delà. Enfin, l’amendement I-CF1123 vise à plafonner le CIR à 30 millions, ce montant étant ajusté pour les départements et régions d’outre-mer (Drom) et la Corse.
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement I-CF344, issu de la mission transpartisane que je conduis avec Pierre Henriet, vise à supprimer le taux de 5 % au-delà de 100 millions. Cela rapporterait plus de 600 millions, qui pourraient être utilisés pour refinancer la loi de programmation de la recherche, dont la trajectoire a été légèrement diminuée.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement I-CF1526 vise à supprimer le taux de 5 % et à abaisser le plafond à 20 millions, ce plafond étant toutefois porté à 100 millions au niveau du groupe. L’amendement I-CF1521 propose la même disposition à l’exception du plafonnement au niveau du groupe.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le coût du CIR est disproportionné puisqu’il s’élève à 7 milliards par an sans pour autant atteindre son objectif, comme l’illustre l’exemple de Sanofi. Cette entreprise, qui a touché plus de 1 milliard ces dix dernières années, a en effet divisé par deux ses effectifs de recherche. Les amendements I-CF972, I-CF974 et I-CF975 visent donc à abaisser le seuil du CIR afin que celui-ci coûte moins cher l’année prochaine à l’État.
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement I-CF1222 vise à accorder un taux préférentiel à la recherche utilisant des méthodes alternatives à l’expérimentation animale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tous ces amendements ont pour but de réduire le coût du CIR. Le meilleur compromis me paraît être la solution proposée par l’amendement I-CF1121, qui consiste à créer un taux intermédiaire de 15 % entre 50 et 100 millions. Avis défavorable à tous les autres amendements.
M. François Jolivet (HOR). Nous apportons notre soutien à l’amendement I-CF344 déposé par MM. Henriet et Bouloux, tous deux rapporteurs spéciaux du budget de la recherche, qui vise à plafonner le CIR à 100 millions. En effet, la création d’un taux intermédiaire aura pour effet de pénaliser les grosses ETI.
M. Gérault Verny (UDR). Tout d’abord, je souhaite que nous en finissions avec cette diatribe contre Sanofi. Le paracétamol a été découvert en 1889 : ce n’est donc pas une innovation. De plus, le principe actif du Doliprane n’étant malheureusement plus fabriqué en France, mais en Inde et en Chine, il ne sert à rien de parler de délocalisation.
L’innovation ne se traduit pas seulement en brevets : elle existe également en matière de procédés permettant aux entreprises d’améliorer leur productivité et leur compétitivité. Le CIR permet donc de générer de la richesse ; c’est un atout que les pays du monde entier nous envient. Il faut absolument le protéger.
Les amendements I-CF1498 et I-CF1500 sont retirés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF723 de M. Corentin Le Fur, I-CF1116 de Mme Natalia Pouzyreff, I-CF1687 de M. Mickaël Bouloux et I-CF1820 de Mme Perrine Goulet (discussion commune)
M. Corentin Le Fur (DR). Il faut réduire le coût du CIR, qui ne cesse de progresser. Je propose d’exclure de ses bénéficiaires les entreprises des secteurs de l’assurance et de la finance.
Mme Constance Le Grip (EPR). L’objet de l’amendement I-CF1116 est identique.
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement I-CF1687 vise à exclure les activités liées à la finance du bénéfice du CIR.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous nous sommes déjà interrogés sur l’éligibilité des secteurs concernés. Elle s’explique par leur recours à des programmes informatiques spécialisés. En réalité, ces secteurs ne réunissent que 1,74 % des dépenses de recherche déclarées dans ce cadre et captent 1,86 % de l’avantage fiscal, soit quelque 140 millions.
Avis de sagesse.
M. Daniel Labaronne (EPR). Dans les domaines de l’économie monétaire, de la finance internationale et des assurances, l’école française jouit d’une solide renommée internationale. L’école d’économie de Toulouse, la Toulouse School of Economics, par exemple, a accueilli Jean Tirole, lauréat du prix Nobel d’économie : ses travaux ont alimenté une réflexion théorique qui profite au secteur bancaire et financier, produisant in fine de nombreux emplois et donnant lieu à beaucoup de services très concrets pour les consommateurs. Ce serait un non-sens de supprimer le crédit d’impôt recherche dans ces domaines.
La commission adopte l’amendement I-CF723.
En conséquence, les amendements I-CF1116, I-CF1687 et I-CF1820 tombent.
Amendements I-CF1447 de Mme Christine Pirès Beaune et I-CF969 de M. David Guiraud (discussion commune)
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Mon amendement vise à réserver le CIR aux PME et aux TPE. Les grandes entreprises bénéficieront, elles, d’une réduction d’impôt, et non d’un crédit. Pendant trois ans, TotalEnergies a payé 0 euro d’impôt sur les sociétés mais a empoché chaque année 50 millions au titre du CIR.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Si nous adoptons cette mesure, une entreprise déficitaire ne pourra plus bénéficier d’une créance d’impôt liée à ses activités de recherche. Il est discutable de fonder une différence de traitement sur un unique critère de taille, car il n’y a pas de lien avec les capacités contributives des entreprises ni avec l’objet du CIR, qui doit demeurer attractif. Il vaudrait mieux réviser son assiette et créer un taux intermédiaire.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est un amendement malin. Toutefois, il faudrait peut-être en modifier la rédaction pour l’examen en séance afin d’étaler le dispositif sur plusieurs années. Certaines multinationales qui connaissent de fortes variations de trésorerie font beaucoup de recherche, notamment dans le secteur de l’automobile. Elles peuvent de bonne foi mener des projets de recherche les années où elles sont déficitaires, mais il est rare qu’elles restent déficitaires plusieurs années de suite.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). D’autres pays appliquent un critère de taille, qui ne devrait donc pas être inconstitutionnel. Nous ne disposons pas d’un chiffrage de la mesure, qu’il serait intéressant d’établir.
La commission adopte l’amendement I-CF1447.
En conséquence, l’amendement I-CF969 tombe.
Amendement I-CF1869 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’un des éléments de calcul de l’assiette du CIR fait débat : la masse salariale des jeunes docteurs est doublée, de sorte que le crédit d’impôt sur les dépenses concernées s’élève à 60 % au lieu de 30 %. Nombreux sont ceux qui trouvent que c’est excessif, j’ai donc déposé cet amendement pour que nous débattions de la suppression de ce dispositif. Ses défenseurs soulignent qu’il favorise l’embauche de jeunes docteurs en réduisant son coût pour les entreprises. Toutefois, l’aide étant déjà de 30 %, on peut discuter de l’opportunité de la doubler. Le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) recommande de revenir à l’assiette générale.
M. Gérault Verny (UDR). Ce dispositif a été créé pour rendre le secteur privé plus perméable au monde de la recherche fondamentale, les jeunes docteurs étant difficilement employables car trop éloignés de l’univers de l’entreprise. Pendant une période limitée, celle-ci devra dépenser de l’argent pour faciliter l’adaptation du jeune docteur, qui n’aura donc pas réellement de valeur ajoutée. Il est dangereux de supprimer ce dispositif.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1337 de M. Daniel Labaronne
M. Daniel Labaronne (EPR). J’en déposerai une version améliorée pour l’examen en séance publique.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1514 de Mme Christine Pirès Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il vise à inscrire dans la loi une recommandation publiée au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), afin d’éviter les erreurs d’interprétation concernant le temps de travail effectivement consacré à la recherche dans les entreprises bénéficiaires du CIR.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement tend à préciser que l’entreprise établit « avec précision et rigueur » le temps de recherche – cela va de soi. Cette obligation figure déjà dans le Bofip et elle est vérifiée en cas de contrôle. Il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. Je vous propose de retirer l’amendement.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Je fais confiance aux agents de la DGFIP ; ils estiment que cette précision servira leur travail.
La commission adopte l’amendement.
Amendements I-CF1870 de M. Charles de Courson, I-CF1564 de M. Jean‑Philippe Tanguy et I-CF187 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. De nombreux groupes ont présenté des amendements tendant à réformer le CIR, sans remettre en cause ses atouts. Dans son assiette figurent les dépenses liées aux brevets, à la normalisation et à la veille technologique. L’amendement I-CF1870 vise à les en exclure, conformément à la recommandation de l’IGF. La veille technologique n’est pas une activité de recherche. Sur 7,8 milliards de dépenses, ce toilettage ferait économiser 250 millions.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Sans répéter les arguments du rapporteur général, j’ajoute que l’idée vient de France Digitale : pour une fois qu’un lobby défend une mesure qui diminuera les dépenses de l’État plutôt que de les augmenter à son profit, j’ai estimé qu’il était intéressant de la défendre – je le fais de manière transparente.
M. Philippe Juvin (DR). Le CIR est indispensable parce qu’on surtaxe les entreprises, ce qui oblige à créer des crédits d’impôt, lesquels entraînent des abus – c’est un système digne des Shadoks. Je propose de supprimer au moins les frais d’abonnement à des revues scientifiques et de participation à des congrès – bref, la veille technologique. Cela engendrera 250 millions d’économies, mais il faut surtout remettre à plat ce crédit d’impôt qui incite l’État à maintenir un niveau de taxe très élevé.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je ne voterai pas ces amendements. Le CIR vise à soutenir la recherche et la recherche a besoin d’être nourrie de lectures, de discussions, de rencontres, ce qui passe aussi par la circulation des chercheurs dans les congrès, internationaux notamment. Tout cela engendre des frais.
M. le président Éric Coquerel. Je m’abstiendrai. Une remise à plat est nécessaire, mais nous avons examiné des amendements qui y tendaient. Je n’ai pas envie de voter des amendements qui ne changeront rien mais dont l’adoption permettra de dire que nous avons débattu du CIR. C’est la niche la plus importante et on peut dire ce qu’on veut, elle constitue pour certaines entreprises une aubaine fiscale plus qu’une incitation à la recherche et à l’innovation – au moins en partie. Ce n’est pas acceptable et je regrette que nous n’ayons pas travaillé là-dessus aujourd’hui. J’ajoute que je ne vois pas l’intérêt de cibler cet aspect en particulier.
La commission adopte l’amendement I-CF1870.
En conséquence, les amendements I-CF1564 et I-CF187 tombent.
Amendement I-CF602 de M. Philippe Brun ; amendements identiques I‑CF229 de M. Denis Masséglia, I-CF1307 de Mme Félicie Gérard et I-CF1497 de M. Stéphane Delautrette ; amendements identiques I-CF225 de Mme Marie‑Christine Dalloz et I-CF1306 de Mme Félicie Gérard (discussion commune)
M. Philippe Brun (SOC). Le crédit d’impôt collection (CIC) soutient la filière textile, qui renaît doucement après des années de délocalisations. Il coûte très peu aux finances publiques mais il joue un rôle décisif dans la relocalisation de cette industrie. Son extinction est prévue le 31 décembre 2024 ; ce serait une erreur de ne pas le prolonger. L’amendement I-CF602 vise à supprimer le bornage, les suivants à le reporter.
M. Denis Masséglia (EPR). Grand défenseur de toutes les industries, je suis présent pour soutenir celle du textile qui irrigue nos territoires. La France a des compétences excellentes dans ce domaine. Il est indispensable de prolonger ce crédit d’impôt.
Mme Félicie Gérard (HOR). L’amendement I-CF1307, issu d’échanges avec les représentants du secteur textile, vise à prolonger de trois ans le CIC, jusqu’en 2027. Sa suppression pourrait avoir des effets délétères pour les entreprises de ce secteur, en particulier pour les TPE et PME, dans un contexte de forte concurrence internationale. Avec les plateformes de vente, le textile à bas coût se développe rapidement ; il est essentiel de soutenir ces entreprises françaises.
Le I-CF1306, de repli, vise à prolonger le CIC d’un an.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable à sa prolongation pour trois ans mais défavorable à en faire un dispositif permanent – c’est contraire à notre doctrine.
M. Daniel Labaronne (EPR). Ces amendements illustrent le dévoiement du crédit d’impôt recherche. On nous explique qu’il faut maintenir le CIC pour soutenir la filière, or ce dispositif a été conçu pour favoriser la création de collections, non pour soutenir la filière. Si c’est ce qu’on veut faire, il faut élaborer un plan stratégique qui prévoie des dispositions spécifiques – ce que nous avons fait en 2020. En attendant, les propositions de cette nature nuisent à la notoriété et à la crédibilité du CIR. Dans la loi de programmation des finances publiques, nous avons prévu d’évaluer systématiquement les crédits d’impôt avant de les proroger. Nous ne tenons pas nos engagements.
M. Denis Masséglia (EPR). La France est un grand pays industriel dont certaines activités ont subi des délocalisations massives dans les années 1990 et 2000. Dans ma circonscription du Maine-et-Loire, des milliers d’emplois ont été supprimés chaque année dans le secteur du cuir et du textile. Il rebondit enfin. L’État doit absolument accompagner ce mouvement, sinon, le jour où nous n’aurons plus d’industrie, nous en serons tous responsables. Chaque fois que nous votons la suppression d’un crédit d’impôt, il faut réfléchir aux conséquences sur les territoires – des milliers d’emplois sont peut-être en danger. L’IGF avait ainsi recommandé dans un rapport de supprimer un crédit d’impôt sur les jeux vidéo tout en reconnaissant ignorer les effets possibles de la mesure.
M. Charles de Courson, rapporteur général. M. Labaronne n’a pas tort : le CIC n’était pas borné jusqu’en 2020, quand nous avons décidé de l’arrêter en 2024. Nous avions prévu un rapport d’évaluation, que nous n’avons pas eu. Je compte sur les auteurs des amendements pour exiger du ministre une évaluation afin de décider de l’avenir du dispositif.
L’amendement I-CF602 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques I-CF229, I-CF1307 et I-CF1497.
En conséquence, les amendements identiques I-CF225 et I-CF1306 tombent.
Amendements identiques I-CF1502 de Mme Christine Pirès Beaune et I‑CF1791 de M. Paul Midy et amendement I-CF1852 de M. Boris Vallaud (discussion commune)
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Mon amendement vise à prolonger de trois ans le crédit d’impôt innovation (CII), qui doit s’éteindre le 31 décembre 2024. Je propose l’année 2027 parce que le CII Corse (CIIC) prendra fin également à cette date. Dans ce laps de temps, nous devrions pouvoir disposer d’un rapport d’évaluation digne de ce nom – celui que le Gouvernement a déjà produit n’était pas satisfaisant.
M. Paul Midy (EPR). Le CII prendra fin le 31 décembre ; l’amendement I-CF1791 du groupe Ensemble pour la République vise à le proroger trois ans. En effet, 10 000 TPE et PME y ont recours chaque année, il soutient le financement de prototypes et de pilotes qui permettent d’innover et ses bénéfices ont été plusieurs fois démontrés. La Banque de France notamment a relevé ses effets positifs sur l’emploi et les chiffres d’affaires – donc sur les recettes des cotisations et de l’IS – et sur l’innovation – tous les acteurs concernés le soutiennent, en particulier la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le CIIC coûte 320 millions ; des évaluations existent, elles concluent en effet à une hausse du nombre d’emplois et du chiffre d’affaires des entreprises qui en bénéficient, ainsi qu’à une augmentation du nombre de produits créés. Je sais que les amendements concernent le dispositif en général ; il existe peut-être des spécificités corses, mais le bilan est globalement positif. Avis favorable sur les amendements identiques et défavorable sur le I-CF1852.
M. Denis Masséglia (EPR). Je viens de recevoir un message du patron d’une petite PME de ma circonscription, qui nous regarde. Son entreprise emploie quelques dizaines de personnes et fabrique des équipements de levage pour les contrôles techniques de véhicules. Il explique que grâce au CIR, il a recruté un ingénieur recherche et développement en 2021, un deuxième en 2023 et un ingénieur développeur en 2024. On voit que ce dispositif est essentiel même dans les territoires ruraux.
La commission adopte les amendements identiques I-CF1502 et I-CF1791.
En conséquence, l’amendement I-CF1852 tombe.
L’amendement I-CF186 de M. Philippe Juvin est retiré.
Amendements I-CF976 de M. Aurélien Le Coq et I-CF977 de M. Éric Coquerel (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le premier amendement vise à exiger le remboursement du CIR, assorti d’une pénalité, lorsque l’entreprise qui en a bénéficié a réduit ses moyens consacrés à la recherche. Le second, de repli, prévoit seulement le remboursement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Si l’entreprise diminue sa masse salariale affectée à la recherche, toutes choses égales par ailleurs, le montant de son CIR baisse mécaniquement. Les effets de bord de la mesure que vous soutenez seraient dommageables. La recherche est par nature risquée. Si une entreprise a engagé un programme de recherche pointu, qui n’aboutit pas, et qu’elle supprime les postes afférents, doit-elle perdre le CIR de tous ses programmes ? Une entreprise qui remplace un chercheur expérimenté par un jeune chercheur, diminue donc sa masse salariale, doit-elle voir son crédit réduit ?
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF981 de Mme Marianne Maximi.
Amendement I-CF1503 de Mme Christine Pirès Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les agents de la DGFIP en Corse nous ont signalé que la loi ne précise pas si le CIIC peut s’appliquer à un investissement qui concerne à la fois une activité éligible et une activité exclue. Ainsi, des propriétaires de villas de luxe, estimées entre 6 et 8 millions d’euros, ont demandé à bénéficier du crédit d’impôt alors qu’ils les louent une semaine par an – ce n’est donc pas de l’hébergement touristique. Nous avons déjà renforcé le cadre, mais cela ne suffit pas. Le présent amendement vise donc à préciser que le crédit d’impôt s’applique aux investissements consentis pour satisfaire les besoins « exclusifs » d’une activité éligible.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On peut même poursuivre le raisonnement : le propriétaire fait ensuite de la villa sa résidence principale pendant deux ans – ce sera cinq ans si l’amendement que nous avons adopté l’est dans le texte définitif – avant de la revendre, exonérée de plus-value. Mme Pirès Beaune, nos quatre collègues corses et moi-même sommes convenus de la nécessité de mettre fin à ce petit jeu – pour une fois que des élus se mettent d’accord pour restreindre des abus, il faut le saluer. Avis favorable, donc, à cet amendement que le président Coquerel et moi-même avons cosigné.
La commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF839 de M. Aurélien Le Coq.
Amendement I-CF789 de Mme Céline Hervieu
M. Philippe Brun (SOC). L’amendement I-CF789 vise à exclure les dirigeants assimilés salariés du bénéfice du crédit d’impôt famille (Cifam), pour mieux réguler les crèches privées. Dans son livre Les Ogres, le journaliste Victor Castanet met au jour la manière dont certains opérateurs contournent ce dispositif sur le marché des crèches d’entreprise, en commercialisant des berceaux pour le gérant, et non pour les salariés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le détournement du Cifam pose surtout la question de son contrôle. Certains dirigeants de PME peuvent légitimement utiliser ces places de crèche : rien ne justifie de les pénaliser. Le dispositif a permis d’orienter les financements des entreprises et de créer des berceaux. Comme le soulignaient les rapports d’inspection déjà publiés sur ce sujet, il ne faut pas remettre en cause l’intégralité du dispositif sans disposer d’une alternative satisfaisante.
Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF790 de Mme Isabelle Santiago
M. Philippe Brun (SOC). Avec la garantie de réservation anticipée, certaines crèches privées proposent de mettre à disposition une place à une date fixe moyennant une rémunération pouvant atteindre 50 % du prix. Victor Castanet dénonce là un autre contournement du Cifam : les entreprises surréservent les berceaux, avec le financement de l’État, sans qu’aucune prestation ne soit finalement délivrée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement propose d’exclure du bénéfice du crédit d’impôt famille les réservations de places en crèche à date fixe. Le Cifam a permis d’orienter les financements des entreprises et de créer des places en crèche ; son détournement pose davantage une question de contrôle que de législation. Mon avis est donc plutôt défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF849 de M. Sébastien Peytavie
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le dispositif de l’amendement vise à tirer les conséquences du livre Les ogres de Victor Castanet mais il émane également d’une proposition soutenue par l’ancien gouvernement devant la commission d’enquête sur les crèches en avril dernier.
Les entreprises imposées sur leurs bénéfices sont incitées à investir dans la garde des enfants de leurs employés, mais le système soulève de nombreuses questions. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a pointé plusieurs limites du Cifam. Le plafond de 500 000 euros des dépenses engagées par une société n’empêche pas le mécanisme de profiter avant tout aux grandes entreprises.
En outre, aucune limite n’a été fixée au prix du berceau. Par conséquent, les grands groupes privés pratiquent des tarifs anormalement élevés sur les places en crèche. L’amendement vise à plafonner le tarif pris en charge par le Cifam.
Il faudra instaurer un jour un véritable service public de la petite enfance et sortir les crèches du secteur marchand.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous ne pouvez pas fixer un plafond national car les coûts de revient diffèrent fortement selon les endroits – il suffit de penser aux écarts de loyer entre les villes. Si le plafond est trop élevé, il ne sert à rien ; s’il est trop bas, de nombreuses crèches situées dans les métropoles ne bénéficieront plus du dispositif.
Je vous demande de retirer l’amendement, à défaut, l’avis sera défavorable.
M. Matthias Renault (RN). L’objectif de l’amendement est bien d’éliminer les crèches privées des grandes villes – l’amendement émane d’ailleurs entre autres d’élus de la ville de Lyon. Nous examinons toute une série d’amendements visant à détricoter le Cifam, sous couvert d’un livre mettant en lumière certains scandales : au moins, le I-CF839, qui proposait la suppression du crédit d’impôt, avait-il le mérite de la franchise.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’amendement de mon collègue Peytavie propose que le montant du plafond soit déterminé par décret en Conseil d’État après la consultation de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) et des collectivités territoriales.
L’ancien gouvernement avait soutenu cette disposition au printemps dernier devant la commission d’enquête : son adoption est donc non seulement possible, mais souhaitable pour que le Cifam cesse de financer des prix exorbitants de places en crèche pour des grandes entreprises qui réalisent une grosse opération financière et des groupes de crèches comme People & Baby – si vous avez encore besoin de vous informer sur tous les problèmes que pose l’activité de ces structures lucratives, je vous invite à lire l’enquête de Victor Castanet.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF783 de Mme Isabelle Santiago et I-CF785 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)
M. Philippe Brun (SOC). Le premier amendement fixe un tarif unitaire annuel maximum à 12 000 euros, toutes taxes comprises, pour l’accueil de l’enfant.
Le livre de Victor Castanet souligne l’absence de plafond pour le prix annuel du berceau. Il est donc possible de siphonner le Cifam en mettant un tarif de 25 000 ou de 30 000 euros par enfant. L’argent public ne peut pas financer des crèches privées à des tarifs de palaces.
Le second amendement va dans le même sens et vise à mettre fin au financement public de berceaux à un prix prohibitif et déconnecté de toute réalité économique. Il propose que le ministre chargé de la famille fixe le tarif couvert par le crédit d’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF783 est plus astucieux, dans la mesure où il n’empêche pas l’existence de tarifs différents et où il se contente de plafonner l’avantage fiscal. Le problème de la grande disparité des coûts de revient reste néanmoins entier : les crèches publiques comme privées coûtent plus cher dans les centres-villes. La fixation d’un plafond national me semble inopportune et son application créerait de nombreuses difficultés. Réfléchissons à un système adapté à la disparité des situations locales.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
M. le président Éric Coquerel. Je vous invite à ne pas défendre longuement vos amendements lorsque le rapport de force sur un sujet est établi et n’est pas amené à bouger – en l’occurrence, sur le Cifam. Je demande également au rapporteur général de donner brièvement son avis, afin que nous puissions accélérer l’examen du texte.
Amendement I-CF1238 de M. Denis Fégné
M. Philippe Brun (SOC). Il vise à conditionner l’éligibilité des grandes entreprises au crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV) à des engagements concrets de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1237 de M. Denis Fégné.
Amendements I-CF929 de M. Stéphane Delautrette, I-CF511 de M. Patrice Martin, I-CF930, I-CF931 et I-CF935 de M. Stéphane Delautrette et I-CF653 de M. Charles Fournier (discussion commune)
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). L’amendement I-CF653 vise à étendre le C3IV aux entreprises industrielles et commerciales qui assurent le recyclage, le réemploi, la réutilisation et le reconditionnement des équipements et composants d’équipements, en ajoutant les équipements électriques et électroniques ainsi que les véhicules selon leur teneur en métaux critiques – aluminium, cuivre et terres rares.
Une telle mesure améliorerait fortement la disponibilité et l’accès à ces matières premières nécessaires à la production industrielle, dimension importante pour la souveraineté de notre pays. En outre, le soutien à cette filière de recyclage ferait de celle-ci un atout de la politique industrielle française voire européenne. Enfin, une telle politique réduirait fortement le besoin d’extraction primaire notamment de terres rares, activité qui cause des ravages humains et environnementaux dans plusieurs parties du monde.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis défavorable à l’ensemble des amendements, notamment au I-CF653 qui est contraire à nos engagements européens.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF908 de M. Aurélien Le Coq, I-CF906 de M. David Guiraud, I-CF909 de Mme Marianne Maximi, I-CF910 de M. Aurélien Le Coq et I-CF911 de Mme Marianne Maximi (présentation commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Le premier amendement conditionne l’octroi du C3IV à la publication d’une série de données fiscales à des fins de transparence. Le deuxième le conditionne à la fixation d’engagements annuels de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le troisième pose comme condition l’absence de versement de dividendes en cas de licenciements économiques. Le quatrième est un repli du précédent. Enfin, le cinquième rend inéligible au C3IV toute entreprise condamnée pour avoir enfreint les règles relatives à la non-discrimination – égalité entre les femmes et les hommes, présence de salariés handicapés et absence de discrimination selon l’orientation sexuelle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le bénéfice du C3IV est déjà subordonné à l’octroi d’un agrément et les sociétés qui le perçoivent sont particulièrement contrôlées par l’administration. Les grandes entreprises que vous ciblez sont déjà soumises à l’obligation de publier une déclaration pays par pays. L’avis est défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1197 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement vise à ouvrir aux ménages la possibilité de financer une installation solaire photovoltaïque par l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ).
Le développement de solutions d’autoconsommation n’est pas accessible aux ménages les plus modestes car MaPrimeRénov’ ne couvre que 90 % du coût des travaux et 14 % du prix des panneaux photovoltaïques. C’est insuffisant pour démocratiser cette technologie et en faire bénéficier les foyers les plus modestes. L’ouverture de l’éco-PTZ à ce type d’équipement aiderait les particuliers à réduire leur facture énergétique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’éco-PTZ, couplé à MaPrimeRénov’, permet déjà de financer des équipements de chauffage ou de fourniture d’eau chaude fonctionnant à l’énergie solaire. Une hausse des plafonds, pouvant désormais atteindre 50 000 euros, a assoupli l’éco-PTZ. En outre, les installations en autoconsommation bénéficient de plusieurs aides, notamment l’obligation d’achat, qui sont régulièrement accrues. L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF250 de Mme Karine Lebon.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1162 de M. Olivier Serva.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF925 et I-CF927 de M. David Guiraud.
Amendement I-CF741 de Mme Martine Froger.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à instaurer un crédit d’impôt pour la souscription par les associés coopérateurs de parts sociales dans une société coopérative d’entreprises. J’y suis défavorable car la souscription de titres participatifs dans les sociétés coopératives ouvre déjà droit à une réduction d’impôt, dite Madelin, égale à 18 % des versements effectués au titre des souscriptions au capital d’une PME. Vous fixez le plafond de ce crédit d’impôt à 40 000 euros, ce qui me paraît très élevé. La mesure serait donc très coûteuse pour les finances publiques.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1327 de M. Daniel Labaronne.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF518 de Mme Violette Spillebout.
Amendement I-CF986 de Mme Marianne Maximi
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Il propose de supprimer les exonérations de la taxe d’apprentissage dont bénéficient les très grandes entreprises qui embauchent des apprentis. Il conviendrait de revenir sur la généralisation de l’apprentissage. En effet, cette opération raye artificiellement 1 million de personnes des listes de demandeurs d’emploi et ces travailleurs sont presque intégralement payés par l’État. Les patrons ont, surtout dans les grands groupes, recours à des apprentis, qui n’obtiennent pas d’emploi pérenne à la suite de leur formation et sont remplacés par d’autres apprentis. Et tout cela se fait sur le dos des lycées professionnels qui sont démantelés alors que ces établissements garantissent, pour leurs diplômés, une bonne sortie du système éducatif.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La masse salariale mensuelle des entreprises pouvant bénéficier d’une exonération de taxe d’apprentissage lorsqu’elles embauchent des apprentis ne doit pas dépasser 10 500 euros : il s’agit donc d’entreprises de toute petite taille. Je suis défavorable à votre amendement car il est sans portée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF15 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il propose la neutralité fiscale du transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel ou du patrimoine affecté de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) – statut créé il y a quelques années – vers une société.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La doctrine fiscale est assez claire : lorsqu’un entrepreneur individuel choisit l’assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) valant option pour l’IS, les conséquences sont la cessation de l’entreprise individuelle et le transfert des biens professionnels.
Si les conditions sont remplies, les exonérations et les abattements sur les plus-values prévues à l’article 151 septies du code général des impôts (CGI) s’appliquent. L’option du report d’imposition, inscrit à l’article 151 octies, est également ouverte. Ce n’est qu’une possibilité ; il est de la responsabilité du contribuable de s’en saisir ou non. Il n’y a donc pas de distorsion entre les entrepreneurs soumis à l’IR et ceux assujettis à l’IS. Je vous demande de retirer l’amendement.
Mme Véronique Louwagie (DR). Je retire l’amendement, que je redéposerai en séance publique pour avoir l’avis du ministre.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques I-CF206 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1332 de M. Daniel Labaronne
M. Nicolas Ray (DR). L’examen de conformité fiscale (ECF), institué par un décret de 2021, a pour objet, dans le cadre d’une nouvelle relation de confiance avec la direction générale des finances publiques (DGFIP), d’encourager les entreprises à faire preuve de transparence pour mettre de côté le risque fiscal de l’activité courante. Toutefois, très peu d’entreprises se sont inscrites dans cette démarche. L’amendement vise à les inciter à le faire en leur accordant une prescription fiscale sur les dépenses et les charges ; il s’inscrit ainsi dans l’esprit de la loi d’août 2018 pour un État au service d’une société de confiance.
M. Daniel Labaronne (EPR). L’amendement engage les entreprises, notamment les PME, à avoir davantage recours à l’ECF. Celui-ci, conduit par un organisme agréé, aboutit à l’obtention d’une certification : nous proposons que cette dernière sanctuarise les dépenses et les charges de l’entreprise dans le domaine fiscal. Si un contrôle révélait la présence d’anomalies, l’administration pourrait toutefois engager des poursuites. L’idée de l’amendement m’a été soufflée par la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous demande le retrait de ces amendements, dont l’effet pourrait se révéler contraire à l’objectif recherché. En réduisant de trois à deux ans le délai de reprise de l’administration fiscale pour les entreprises ayant procédé à un ECF, les contrôles de l’administration fiscale sur ces structures risquent d’augmenter d’un tiers.
La réalisation d’un ECF n’exonère l’entreprise d’aucune de ses obligations. Cependant, en cas de contrôle de l’administration fiscale entraînant un rappel d’impôt, l’administration ne pourra pas exiger le paiement de pénalité ni d’intérêt de retard si les entreprises ont bien pris en compte les recommandations formulées par l’auditeur. En outre, l’entreprise peut demander le remboursement de la part des honoraires de l’auditeur correspondant aux impôts dont certains montants ont été rappelés.
L’amendement I-CF1332 est retiré.
La commission rejette l’amendement I-CF206.
Amendement I-CF824 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Eva Sas (EcoS). Le dispositif d’encouragement de l’actionnariat solidaire, qui repose sur une réduction d’impôt égale à 25 % des versements effectués par un particulier acquérant des parts du capital d’une entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS), a été étendu par le Sénat à des entreprises agréées par le ministère chargé de la culture ayant pour mission de contribuer à la préservation et à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, des parcs et des jardins protégés. Ces entreprises ayant un objet totalement différent de celui des ESUS, nous proposons de revenir au dispositif initial pour davantage de lisibilité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. La dernière loi de finances initiale (LFI) a prorogé le taux de réduction d’IR de 25 % pour les investissements dans les ESUS et les foncières solidaires et a mis fin au taux majoré de la réduction d’impôt applicable aux investissements dans les PME. Le dispositif bénéficie d’un avantage comparatif puisque la réduction d’impôt pour les PME est de 18 % : maintenons-le en l’état.
Mme Eva Sas (EcoS). Pardon, mais votre réponse n’a aucun rapport avec l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF316 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il vise à proroger de trois ans un dispositif qui doit expirer le 31 décembre 2024 et fait bénéficier les dirigeants d’entreprise qui cèdent leurs titres lors de leur départ à la retraite, sous certaines conditions, d’un abattement fixe de 500 000 euros sur les plus-values réalisées pour le calcul de l’IR. Il est opportun de proroger ce mécanisme qui assure une rémunération équitable aux dirigeants des PME au moment de leur départ à la retraite et qui les incite à ne pas céder trop tardivement leur entreprise. Les fonds dégagés peuvent être réinvestis et l’activité préservée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 19 du PLF fait plus que satisfaire votre amendement, puisqu’il proroge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2031. Je vous demande donc de le retirer.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF807 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Eva Sas (EcoS). Il vise à supprimer les aides publiques aux banques et aux assurances ne déployant pas de programme de cessation des investissements dans les énergies fossiles, qui sont responsables d’au moins 90 % des émissions de dioxyde de carbone (CO2). Ces investissements pourraient causer la prochaine crise des subprimes en devenant des actifs échoués si les énergies fossiles venaient à perdre leur valeur – perspective vraisemblable dans un avenir proche. Nous souhaitons inciter les acteurs financiers à ne plus investir dans ces énergies et, pour ce faire, de conditionner toute aide à ce secteur à l’engagement de ne pas financer de nouveau projet fossile et de réduire leurs investissements dans ces énergies de 90 % d’ici à 2040.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une telle mesure appliquée aux banques nationales déplacerait les investissements vers les banques européennes et mondiales ou vers des filiales de banques françaises.
Avant de disposer de sources d’énergie totalement décarbonées, nous avons des besoins énergétiques à satisfaire et des projets à financer. On ne peut pas prendre de disposition aussi brutale, la transition doit être progressive. L’avis est donc défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’article 14 non modifié.
Amendement I-CF1811 de M. Jean-Paul Mattei
M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’idée est de payer la plus-value l’année où on la réalise : l’imposition des plus-values immobilières se fait à la source et l’amendement vise à étendre cette modalité de taxation aux plus-values réalisées sur les cessions de titres d’entreprise. Cette disposition améliorerait la trésorerie de l’État car, actuellement, le prélèvement n’a lieu qu’un an après l’opération.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’idée est intéressante, mais la possibilité de choisir le barème au choix supposerait que les intermédiaires prélevant l’impôt reçoivent au préalable communication du taux personnalisé d’imposition ou une application du prélèvement forfaitaire unique (PFU) suivie, le cas échéant, d’une compensation. Cela créerait une nouvelle charge pour les intermédiaires désignés et pour l’administration, sans garantie de gains supplémentaires significatifs. Enfin, cela ne mettrait pas fin aux déclarations.
Je propose le retrait de l’amendement au profit d’une demande de rapport sur la mise en œuvre de cette mesure.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je souhaiterais que l’amendement soit examiné en séance publique car je défends cette idée depuis longtemps. Il est possible de régler la question des compensations, comme on l’a fait pour les crédits d’impôt.
La commission adopte l’amendement.
Mme Véronique Louwagie (DR). S’agissant de l’amendement I-CF316 que j’ai retiré après les explications du rapporteur général, je m’aperçois que le titre de l’article 19 du projet de loi, « Mesures d’incitation à la transmission des exploitations agricoles au profit de jeunes agriculteurs », laisse à penser que le champ de l’article est plus restreint que celui de mon amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’alinéa 67 de l’article 19 dispose bien que l’année 2024 est remplacée par l’année 2031. Vous pourrez demander confirmation au ministre en séance.
Amendement I-CF516 de M. Franck Allisio
M. Emmanuel Fouquart (RN). Il reprend un amendement adopté par la commission des finances du Sénat – puis supprimé par amendement gouvernemental – lors de l’examen du texte devenu la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. La disposition prévoyait d’appliquer le régime de rapatriement des bénéfices à toutes les sociétés établies dans un paradis fiscal. Le Rassemblement national, qui avait soutenu le plan de lutte contre la fraude, voit dans cette mesure un gisement de recettes fiscales et un moyen de lutter contre l’évitement de l’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement vise à étendre le régime des sociétés étrangères contrôlées (SEC) aux entreprises situées dans un État ou territoire non coopératif (ETNC). Le régime des SEC permet déjà la taxation en France des bénéfices des entreprises établies dans un ETNC lorsque celui-ci est aussi qualifié de régime fiscal privilégié. La qualification d’ETNC repose sur l’absence de coopération administrative en matière d’échanges d’informations, tandis que le régime fiscal privilégié se fonde sur l’appréciation, au cas par cas, du niveau d’imposition qui peut s’appliquer aux filiales d’entreprises situées en France.
Votre amendement pourrait avoir comme conséquence d’imposer en France des entreprises déjà taxées dans leur État de résidence indépendamment du fait qu’elles soient soumises à un régime fiscal privilégié ou non. Il conviendrait de réécrire l’amendement.
Pour l’établissement dans un ETNC, de nombreuses mesures sont déjà applicables, lesquelles se traduisent le plus souvent par de lourdes majorations des retenues à la source.
Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ce dispositif, qui n’a pas été élaboré par le Rassemblement national, est techniquement utile. La commission des finances du Sénat ne brille ni par son progressisme ni par son inclination à soutenir ce genre de mécanisme, or elle l’a adopté, preuve de l’utilité de celui-ci. Je préfère que l’on défende l’intérêt des contribuables français plutôt que de refuser le risque d’imposer doublement les entreprises s’établissant dans des territoires non coopératifs, pour ne pas dire pire.
On peut toujours trouver des limites techniques, mais comme l’a dit le président, ces sociétés ont toujours un temps d’avance sur nous ; il serait opportun que, pour une fois, notre État ait un temps d’avance sur elles.
La commission adopte l’amendement I-CF516.
Amendement I-CF1586 de M. Franck Allisio
M. Emmanuel Fouquart (RN). Afin de compléter le dispositif visant à lutter contre les abus en matière de prix de transferts, introduit dans la dernière loi de finances, l’amendement modifie l’article 223 quinquies B du CGI de manière à rendre obligatoire pour toute entreprise dont le chiffre d’affaires de l’entité française atteint au moins 50 millions d’euros non pas la réalisation d’une déclaration postérieure à la clôture de l’exercice mais l’obtention d’un accord préalable unilatéral en matière de prix de transfert. Cet accord existe déjà mais il est facultatif.
Les abus étant récurrents, un contrôle plus strict de ces pratiques se révèle nécessaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette mesure, totalement disproportionnée, reviendrait à demander à toutes les entreprises de solliciter un rescrit auprès de l’administration fiscale. Elles sont déjà soumises à l’obligation de définir leurs prix de transfert en application du principe de pleine concurrence. En outre, l’administration dispose des outils adaptés pour contrôler les prix de transfert et éviter que ceux-ci ne réduisent l’assiette de l’IS en France. Tout bénéfice indûment transféré peut être réintégré à la comptabilité de l’entreprise.
La conclusion d’un accord préalable de prix de transfert n’exclut ni le contrôle ni la fraude, car une entreprise ayant conclu un accord peut toujours décider de s’en écarter. Les accords préalables existent avant tout pour assurer une forme de sécurité juridique aux entreprises.
L’avis est défavorable.
La commission adopte l’amendement I-CF1586.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF1725 de M. Guillaume Garot.
Amendement I-CF517 de M. Franck Allisio
M. Emmanuel Fouquart (RN). Il vise à aggraver les amendes prévues aux articles 1740, 1740 A et 1741 du CGI sanctionnant respectivement les fraudes aux dispositifs d’allégement fiscaux spécifiques aux outre-mer, la délivrance de faux documents permettant à un contribuable d’obtenir indûment un allégement ou un crédit d’impôt, et le fait de se soustraire ou de tenter de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel de l’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les aggravations d’amendes proposées sont quelque peu excessives compte tenu de l’important renforcement de la pénalisation de la fraude voté en 2024.
En cas de fraude à l’impôt sur le revenu (IR) ou à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), une privation du bénéfice des crédits et des réductions d’impôts pendant trois ans est prévue. S’agissant des manœuvres visant à aider un contribuable à frauder, un délit ad hoc de mise à disposition d’instruments facilitant la fraude, qui a fait l’objet de longs débats en commission, a été créé. Enfin, concernant l’aggravation de l’amende prévue à l’article 1741 du CGI, le montant de 500 000 euros peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, et jusqu’à 3 millions d’euros en cas de fraude fiscale aggravée.
Nous avons déjà beaucoup durci les sanctions dans les dernières lois de finances ; essayons de dresser un bilan avant de les aggraver de nouveau. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1549 de Mme Christine Pirès Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’article 1740 A bis du CGI, que nous avons créé en 2018 et modifié en 2020, est inopérant ; l’administration ne l’a jamais appliqué. Le Gouvernement souhaitait, à juste titre, responsabiliser les professionnels fournissant des conseils ou les moyens en vue de frauder, tant il est vrai que cela requiert une certaine technicité. Le dispositif ne s’appliquait donc que lorsque l’administration avait pu à établir des manœuvres frauduleuses entraînant une majoration de 80 %, ce qui est très rare.
Cet amendement vise à rendre effectif cet article, qui s’appliquerait aux manquements délibérés à l’encontre desquels l’administration prononce une majoration de 40 %, qui sont plus fréquents.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour sanctionner la complicité fiscale des conseils du contribuable, l’administration fiscale doit démontrer que la prestation a un rôle direct et intentionnel dans les manœuvres frauduleuses. Cette sanction a donc été réservée aux situations d’abus de droit et aux schémas frauduleux d’optimisation, cas où les conseils jouent un rôle déterminant.
Notre collègue va plus loin en proposant de l’étendre aux manquements délibérés du contribuable : la minoration de revenus fonciers ou les omissions déclaratives, par exemple, sont techniquement simples, et il paraît très difficile d’apporter la preuve du rôle du conseil. Le contrôle par le juge serait exigeant.
En l’état du droit, le nouveau délit créé sanctionne durement la mise à disposition d’outils facilitant la fraude fiscale. Je ne suis pas favorable à une modification du droit ; attendons trois ans pour constater si les craintes de Mme Pirès Beaune se confirment.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous avons du recul sur l’application de cet article, qui a été modifié en 2020. Par ailleurs, cet article ne s’applique pas en cas de rectifications ou de bonne foi du contribuable.
La commission adopte l’amendement I-CF1549.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1551 de M. Christine Pirès Beaune.
Compte tenu de l’avis défavorable du rapporteur général, l’amendement I-CF1333 de M. Daniel Labaronne est retiré.
Amendement I-CF1782 de M. Thomas Cazenave
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Il s’agit de renforcer les moyens de l’État pour lutter contre la fraude dans le domaine des cryptomonnaies.
La commission adopte l’amendement I-CF1782.
Amendement I-CF1504 de Mme Christine Pirès Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il fait suite aux travaux du Printemps de l’évaluation 2024 relatifs à la Corse et vise à permettre aux services de Bercy de se rendre sur place dans le cadre d’un contentieux relatif au CIIC, comme c’est le cas en matière de remboursements de crédits de TVA.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable car cette situation est anormale.
La commission adopte l’amendement I-CF1504.
Amendements de suppression I-CF841 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF1357 de M. Charles Rodwell
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans la vie politique, il y a vraiment des moments de grande ironie. Il revient donc au Rassemblement national de se mobiliser pour permettre à Emmanuel Macron de tenir sa promesse. On aura vraiment tout vu !
Si Marine Le Pen avait gagné les élections présidentielles, nous aurions baissé drastiquement les impôts de production. Nous aurions notamment supprimé la cotisation foncière des entreprises (CFE), impôt injuste, ce qui aurait favorisé les TPE et PME, en particulier les artisans. Ce choix n’a pas été fait.
S’agissant de la réindustrialisation, le lien de confiance ne doit pas être brisé. Notre contre-budget prévoit d’honorer l’engagement de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) que d’autres ont pris. La parole de la France en matière de stratégie économique a un sens. La suppression de la CVAE n’est pas idéale mais va dans le sens d’une baisse des impôts de production.
Quand Marine Le Pen sera à l’Élysée, nous mènerons enfin une politique industrielle digne de ce nom. J’ai hâte !
M. Charles Rodwell (EPR). C’est effectivement ironique que le Rassemblement national critique publiquement notre politique économique avant d’en souligner les bienfaits. La suppression progressive de la CVAE est un engagement que nous avons pris vis-à-vis des entreprises et des salariés depuis plusieurs années.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements sont pleins d’humour. Celui de M. Tanguy vise à souligner la contradiction entre les promesses faites et l’article 15, qui reporte de trois ans la suppression progressive de la CVAE, soit après les élections présidentielles. Je salue les trois fondamentalistes qui croient encore aux engagements pris. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je suis défavorable à ces amendements : c’était un mauvais projet et il est très bon qu’il soit gelé. La suppression de la CVAE pose un gros problème aux collectivités locales : cette mesure a été adoptée sans tenir compte du lien qui existait entre les collectivités et un impôt assis sur la réalité économique locale, lequel incitait les collectivités à attirer des entreprises sur leur territoire. Sa suppression a donc un effet délétère. Par ailleurs, elle est compensée par l’octroi d’une fraction de TVA, ce qui pose problème quand celle-ci est moins dynamique. Enfin, nous avons besoin des recettes issues de cet impôt.
M. Corentin Le Fur (DR). Je suis d’accord avec vous s’agissant des difficultés rencontrées par les collectivités ; il faudra réfléchir à un financement plus global de celles-ci. Néanmoins, nous estimons indispensable de baisser les impôts de production. Malheureusement, l’état très préoccupant de nos finances publiques nous impose de reporter cette mesure. C’est pourquoi nous voterons contre ces amendements.
M. Nicolas Sansu (GDR). Revenons aux fondamentaux : on ne peut défendre les collectivités locales tout en étant favorable à la baisse de la CVAE ; il y a là une contradiction patente.
Revenons à la réalité : en 2009, la taxe professionnelle (TP) a rapporté 30 milliards. Aujourd’hui, le produit des impôts économiques locaux s’élève à 12 milliards en raison de la baisse de la CFE et de la CVAE. En 2009, la taxe foncière et la taxe d’habitation ont rapporté 45 milliards, contre presque 40 milliards aujourd’hui pour la seule taxe foncière. Autrement dit, la charge de l’impôt a été transférée sur les habitants, et sur les consommateurs puisque la suppression de la CVAE est compensée par la TVA. Nous n’avons pas d’impôt économique local digne de ce nom qui garantisse le développement du service public local et de l’investissement public local ; ce n’est pas raisonnable.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Le Conseil d’analyse économique (CAE), organe rattaché à Matignon, a analysé les conséquences de la suppression de la CVAE : elle profitera aux entreprises du secteur de l’énergie, du gaz, des mines et de la finance – uniquement de grosses entreprises. Vous choisissez de faire des cadeaux aux grosses entreprises au détriment des collectivités locales ; c’est scandaleux. Votre politique consiste toujours à prendre aux petits pour donner aux gros. À votre place, je retirerais ces amendements de suppression.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Sansu, ce qui reste du produit de la CVAE est versé à l’État.
Je partage l’analyse du président : on a brisé à la fois le lien entre le citoyen contribuable et le citoyen électeur, du fait de la suppression de la taxe d’habitation, et celui entre les intercommunalités, les communes et les entreprises, en transformant la CVAE en impôt d’État. Aujourd’hui, il faut être fou pour équiper des zones d’activités ; c’est un problème qui nous concerne tous.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je n’ai pas rencontré un seul électeur gersois me suppliant de rétablir la taxe d’habitation ou une seule entreprise gersoise me priant de rétablir la CVAE. Cette baisse d’impôts a donné du pouvoir d’achat aux Français et a permis aux entreprises de se développer.
M. le président Éric Coquerel. Je connais des électeurs gersois qui étaient contre la suppression de la taxe d’habitation et qui ont quand même voté pour vous au second tour.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1047 de M. David Guiraud
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous sommes pour le rétablissement de la CVAE, dont les deux tiers étaient payés par 10 000 grandes entreprises. Vous faites les poches des collectivités territoriales et, une fois de plus, vous faites payer les Françaises et les Français à la place des entreprises. Il est donc faux de dire que seules les toutes petites entreprises y contribuaient.
Le manque à gagner pour l’État est d’environ 15 milliards. La suppression de la CVAE est compensée par un transfert de TVA : ce sont donc les catégories populaires qui paieront à la place des entreprises. Non seulement les collectivités territoriales sont prises à la gorge, parce que vous supprimez leurs ressources fiscales, mais en plus, vous leur imposez un effort de 5 milliards – voire 6,5 milliards.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Si nous rétablissions la CVAE pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, les collectivités percevraient beaucoup moins de recettes au titre de cet impôt qu’en 2022.
Par ailleurs, le rétablissement de la CVAE n’est pas la meilleure manière de faire contribuer les entreprises : lorsqu’on taxe la valeur ajoutée, on ne prend pas en compte le bénéfice réalisé par l’entreprise et on pénalise l’investissement et la compétitivité des entreprises.
Enfin, sa suppression bénéficiera à terme à près de 530 000 entreprises dont 25 % sont industrielles. Selon le rapport Dubief-Le Pape de 2018 sur la fiscalité de production, 80 % des entreprises bénéficiaires sont des TPE, des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).
M. Éric Woerth (EPR). La mesure doit être reportée, compte tenu de la situation, mais il convient de supprimer la CVAE, ainsi que, plus globalement, les impôts de production – c’est ce que nous faisons au fur et à mesure ; le chemin est long et difficile.
Nous pourrions avoir un dialogue beaucoup plus adulte et moins agressif avec les collectivités. Nous pourrions leur proposer une réforme de la fiscalité locale reposant sur un partage de l’impôt national en fonction des compétences des collectivités locales. Le bloc communal pourrait concentrer la fiscalité foncière – tant celle applicable aux entreprises que celle applicable aux ménages –, tandis que les régions se verraient attribuer une fraction de l’impôt sur les sociétés territorialisée.
M. David Guiraud (LFI-NFP). La question démocratique est ici fondamentale. On ne peut mêler autant le budget de l’État et celui des collectivités locales en multipliant des tours de passe-passe comme la suppression de la CVAE par la TVA payée par les Français.
La réalité, c’est que les collectivités ont de moins en moins la capacité de mener des projets. La maire de Pibrac a ainsi démissionné car elle se considère comme une « simple gestionnaire sans marge de manœuvre ».
Monsieur Cazeneuve, avez-vous discuté avec les élus locaux, qui sont assurément contre la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE ?
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le problème vient de la suppression de la taxe professionnelle. La liberté des communes a été abandonnée depuis longtemps. Elles n’étaient pas libres de fixer le taux de la CVAE, qui était imposé par l’État. La CVAE est un impôt de production, ce qui signifie que même en l’absence de bénéfices, une entreprise doit l’acquitter. C’est l’impôt le plus ridicule pour l’entreprise.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Woerth, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) est un impôt local qui finance le bloc communal ; plus les propriétaires seront nombreux dans la commune, plus le lien entre les contribuables et la commune sera fort. Dans votre rapport sur la décentralisation, vous proposez de créer une contribution sociale généralisée (CSG) départementale, à laquelle je suis favorable à condition de territorialiser l’assiette et de moduler le taux. Il est en revanche impossible de verser une fraction de l’IS aux régions car on ne peut territorialiser l’assiette.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1048 de M. Aurélien Le Coq.
Amendements identiques I-CF1438 de M. Éric Coquerel, I-CF-1269 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1834 de M. Philippe Brun et I-CF1838 de M. Tristan Lahais
M. Nicolas Sansu (GDR). Cet amendement, soutenu par les quatre groupes du Nouveau Front populaire, vise à rétablir la CVAE pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard, afin de redonner des marges de manœuvre aux collectivités locales.
Par ailleurs, hier, Édouard Philippe a dit à Mme Vautrin tout le bien qu’il pensait de ce budget qui réduira l’investissement public local.
M. Jacques Oberti (SOC). En devenant député, j’ai abandonné mon poste de président d’une communauté d’agglomération d’Occitanie que j’occupais depuis dix ans. Monsieur Cazeneuve, aucun chef d’entreprise ne m’a jamais demandé de supprimer la CVAE. En revanche, ils se réjouissaient des moyens dégagés par l’intercommunalité en faveur de l’aménagement du territoire, des transports publics et du développement économique.
Le premier coup de rabot a été donné par le mode de calcul de la compensation versée aux communes, assise sur la moyenne des recettes des trois dernières années de perception de l’impôt. Le second est l’engagement non tenu par l’État d’abonder le fonds Vert avec l’argent perçu.
Mme Eva Sas (EcoS). Au nom du groupe Écologiste et social, je dénonce la saignée infligée aux collectivités locales, qui subissent plus de 8,5 milliards d’euros de coupes budgétaires, entre le mécanisme de résilience, la diminution du fonds Vert et la non-indexation des dotations sur l’inflation.
Les conséquences seront gravissimes. Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg, dont le budget sera amputé de 9 millions d’euros, se demande si elle devra fermer des crèches ou des cantines scolaires, ou arrêter de financer des animations dans les quartiers.
Nous refusons ces coupes budgétaires. Nous souhaitons que les collectivités retrouvent des marges de manœuvre fiscales. Nous proposons le rétablissement progressif de la CVAE pour sauvegarder les services publics du quotidien.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Plus les collectivités ont des moyens, mieux on se porte dans les territoires. Néanmoins, je ne peux laisser dire qu’il n’y a plus de marges de manœuvre pour les collectivités locales. Cette année, leur niveau d’investissement a augmenté de 12 % ; elles n’ont jamais eu autant de moyens pour investir. Je me réjouis des bonnes nouvelles contrairement à d’autres – ce n’est pas leur fonds de commerce.
Par ailleurs, on ne pouvait ni piloter la CVAE ni prévoir ses recettes ; les communes n’étaient pas compétentes pour fixer son taux. De nombreux rapports recommandaient sa suppression.
M. le président Éric Coquerel. Monsieur Mattei, la philosophie de l’impôt de production, c’est que l’agent économique qu’est l’entreprise bénéficie des services assurés par la collectivité – les routes, l’éducation…– et qu’à ce titre, il est normal qu’elle participe à son financement. On peut en débattre, mais ce n’est pas un impôt stupide.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF628 de Mme Marianne Maximi
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). La suppression de la CVAE met en lumière votre politique : vous supprimez les moyens de souveraineté des communes qui n’ont plus aucune marge de manœuvre, elles le disent toutes. Dans le même temps, le bloc présidentiel, qui fait porter la responsabilité du déficit sur les collectivités locales, adopte une attitude méprisante.
Vous prévoyez d’effectuer des prélèvements sur les recettes des collectivités. Intercommunalités de France a fait des calculs qui font froid dans le dos. Dans la commune de Clermont-Ferrand, ils s’élèveront à 3,7 millions d’euros, soit une fois et demie les dépenses de la cantine scolaire ; pour la métropole, c’est 4,5 millions en moins, soit la rémunération de 320 agents. Or les collectivités assurent 60 % de la commande publique. Depuis sept ans, vous vous dites favorables aux entreprises, mais vous menez une politique en parfaite contradiction avec ces discours.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
M. Éric Woerth (EPR). Les collectivités n’ont pas le monopole du service public. Il n’y a pas, d’un côté, les collectivités, qui financent les services publics et, de l’autre, l’État, responsable d’une gabegie d’argent public et qui n’offrirait aucun service public aux Français. L’éducation nationale, les forces de l’ordre et l’essentiel de la dépense sociale sont financés par l’État. D’un autre côté, les collectivités sont également touchées par la crise.
Si nous partageons ce constat, nous pouvons dialoguer de manière responsable sur la répartition du financement des services publics entre les acteurs et les modalités de ce financement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1760 de M. Philippe Brun
M. Jacques Oberti (SOC). Cet amendement de repli vise à conserver ce qui reste de CVAE et de CFE, en vue de préserver l’important lien entre les entreprises et les intercommunalités et d’être attentif au monde de l’entreprise.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF631 de M. Aurélien Le Coq et I-CF633 de M. David Guiraud (discussion commune)
M. David Guiraud (LFI-NFP). C’est également un amendement de repli relatif à la CVAE. Nous savions que la Macronie avait pris fait et cause pour les entreprises plutôt que pour les collectivités. Mais voilà que le Rassemblement national modifie significativement sa ligne politique : il avalise la suppression de la CVAE, à son tour prend fait et cause pour les entreprises et abandonne la liberté des collectivités territoriales. Pendant un an, le Rassemblement national nous a fait croire l’inverse ; il montre aujourd’hui son vrai visage.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je ne sais pas de quoi parle M. Guiraud. Le Rassemblement national, qui a toujours défendu la baisse des impôts de production, aurait souhaité la suppression d’un autre impôt que la CVAE. Si M. Guiraud et quelques-uns de ses amis n’avaient pas voté pour M. Macron, une autre décision aurait été prise. Je le regrette ; j’aurais presque préféré que M. Guiraud appelle à voter pour Marine Le Pen.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF1243 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1398 de M. Gérault Verny, I-CF1655 de M. Mathieu Lefèvre, I-CF1351 de M. Charles Rodwell et I-CF381 de M. Charles Sitzenstuhl (discussion commune)
M. Charles Rodwell (EPR). Même les fondamentalistes savent faire preuve de pragmatisme. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’engagement que nous avons pris de supprimer la CVAE. Je rappelle que celle-ci a été compensée aux collectivités. Je rappelle aussi que les impôts de production sont une hérésie économique : il s’agit de taxer un bien avant même qu’il ne soit vendu. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons poursuivre la politique économique de baisse massive des impôts de production menée depuis sept ans.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Il est important de supprimer ou, à tout le moins, de baisser la CVAE. À entendre les débats, on a le sentiment qu’en France, les entreprises vivent dans un paradis fiscal. Ce n’est pas ce que montrent les chiffres. Le poids des impôts de production en France représente environ 4 % du PIB, contre 3 % en Italie, 2 % en Espagne et en Pologne, et 0,75 % en Allemagne – la comparaison avec nos concurrents et partenaires directs me semble pertinente. C’est pourquoi ce matin, certains d’entre nous ont mené un combat important pour baisser les impôts de production, ou à tout le moins, éviter d’alourdir la charge qui pèse sur les entreprises.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1243, qui vise à reporter à 2100 la suppression de la CVAE, est une provocation ; je ne peux qu’y être défavorable.
L’amendement I-CF1398 tend à supprimer la CVAE au 1er janvier 2025. Or le report de cette suppression permettra à l’État d’économiser 6 milliards d’euros sur la période 2025-2027. Les amendements I-CF1655, I-CF1351 et I-CF381, qui proposent de suspendre la suppression progressive pendant un an avant de la reprendre, sont du même acabit.
Pouvez-vous nous fournir l’équivalent de cette économie en réduction des dépenses ? Les auteurs de ces amendements soutiennent le Gouvernement tout en le mettant en difficulté – enfin, chacun fait ce qu’il veut.
Avis défavorable à tous ces amendements.
M. Gérault Verny (AD). Nous ne pouvons pas, d’un côté, déplorer la baisse de la production industrielle française et les difficultés que rencontrent les entreprises françaises à l’export et, de l’autre, ne pas nous intéresser aux causes, d’autant qu’elles sont connues. Le coût horaire du travail s’élève à 41 euros en France, contre 22 euros en Espagne, 21 euros en Italie, 8 euros en Bulgarie – cas le plus extrême dans le marché commun. Les impôts de production représentent 4,75 % du PIB en France, contre 2,87 % en Italie, 2 % en Espagne et 0,75 % en Allemagne qui est notre plus grand concurrent industriel.
En supprimant la CVAE nous mettrions fin à une injustice, un boulet aux pieds des industriels, qui se battent sur le marché commun contre des concurrents qui ne sont pas soumis à la même réglementation ou à la même fiscalité.
M. Jacques Oberti (SOC). Je me place du côté des collectivités et de leurs regroupements : contrairement à ce qui a été dit, la suppression de la moitié de la CVAE n’a absolument pas été compensée – on a pris la moyenne de trois années, dont la dernière était celle du covid. Certaines collectivités, qui comptaient sur une stabilisation, ont misé sur le fait qu’on ne rognerait pas la TVA redistribuée, mais chacun voit ce qui nous attend.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 15 non modifié.
La commission adopte l’article 16 non modifié.
Amendement I-CF84 de M. Nicolas Sansu
M. Nicolas Sansu (GDR). Nous proposons d’augmenter la taxe sur les bureaux dans les zones qualifiées de premium au vu de la valorisation de ces locaux et de leur taux de rentabilité. Cette contribution au financement des infrastructures de transport peut être relevée sans problème. Elle a déjà servi à financer le Grand Paris Express et on pourrait également l’utiliser pour le développement des Serm (services express régionaux métropolitains).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement doublerait brutalement le montant de la taxe, qui passerait de 25 à 50 euros par mètre carré. Ce n’est pas raisonnable. Je vous invite à retirer cet amendement et à formuler une proposition plus réaliste.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF329 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Nous souhaitons reprendre une mesure qui était inscrite dans la proposition de loi de Romain Daubié visant à faciliter la transformation des bureaux en logements. Il s’agit d’exonérer de la taxe sur les bureaux et autres locaux professionnels, dans les régions Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), les locaux à usage de bureaux ayant fait l’objet d’un plan de transformation en logements. Nous avions adopté à l’unanimité la proposition de loi, mais la navette a été stoppée par la dissolution.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exonération que vous proposez est trop large : si elle débute à la date de la demande de permis, les bureaux seront exonérés pendant des années avant de devenir effectivement des logements. Il faudrait au moins corriger l’amendement sur ce point d’ici à la séance. Par ailleurs, la taxe sur les bureaux qui s’applique désormais en Paca – l’Île-de-France n’est plus la seule région concernée – n’a pas encore deux ans. Attendons de voir ses effets avant de la grever d’exonérations. Avis défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Votre réponse m’étonne, monsieur le rapporteur général, car cette mesure figurait dans un texte voté à l’unanimité dans l’hémicycle – y compris, donc, par vous, si vous étiez présent à ce moment-là.
La commission adopte l’amendement I-CF329.
Amendement I-CF814 de Mme Cyrielle Chatelain, amendements identiques I-CF564 de M. Inaki Echaniz, I-CF585 de M. Mickaël Bouloux et I-CF1325 de M. Daniel Labaronne, amendements I-CF1009 de Mme Marianne Maximi, I‑CF1010 de M. Aurélien Le Coq, I-CF220 de M. Emmanuel Maurel, amendements identiques I-CF132 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1143 de M. Paul Molac et amendement I-CF816 de Mme Cyrielle Chatelain (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Près de 3,1 millions de logements sont vacants alors que les besoins explosent et que l’organisation de la rareté aggrave la spéculation immobilière et donc la cherté du logement. Par ailleurs, un tiers des logements vacants depuis plus de deux ans appartiennent à des multipropriétaires.
Pour lutter contre ce phénomène sans appliquer des mesures punitives à l’égard des ménages modestes, l’amendement I-CF814 fusionne la taxe sur les logements vacants (TLV) et la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) pour en faire une taxe obligatoire dans toutes les communes. Cela permettra de renforcer les financements des collectivités territoriales, durement asphyxiées par ce projet de budget.
L’amendement I-CF816 vise à rendre cette taxation progressive, selon le nombre de biens vacants détenus par le propriétaire, afin qu’elle soit beaucoup plus incitative et plus juste, par un ciblage sur les multipropriétaires.
M. Inaki Echaniz (SOC). La situation, comme l’a expliqué Mme Simonnet, est difficile car le nombre de logements vacants ne cesse d’augmenter. La fusion des deux taxes existant en la matière pour lutter contre ce fléau dans des conditions plus efficaces et plus intéressantes pour les collectivités est une vieille demande des collectivités et de nombreux groupes parlementaires. Nous vous proposerons aussi d’adopter un dispositif innovant pour taxer les logements vacants de façon progressive, en fonction du nombre de mètres carrés, du nombre de biens détenus et de la durée de la vacance.
M. Daniel Labaronne (EPR). Mon amendement vise également à fusionner les deux taxes. Il donne en outre aux conseils municipaux la possibilité de moduler la majoration de la taxe d’habitation sur les logements vacants et les résidences secondaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements visent à fusionner la TLV et la THLV en supprimant la première, en alignant la notion de vacance du logement sur ce qui était prévu dans le cadre de la TLV, à savoir une durée d’un an, et en donnant la possibilité aux assemblées locales de majorer la THRS. Je rappelle que le taux de la TLV est de 17 % la première année, puis de 34 %.
La TLV est une recette de l’État, alors que la THLV va aux communes. La fusion des dispositifs que vous proposez priverait l’État du produit de la TLV, soit à peu près 200 millions d’euros.
Une extension du zonage retenu pour la majoration de THRS est intervenue l’année dernière, avec l’accord des associations d’élus locaux et du CFL (Comité des finances locales). Restons-en à ce périmètre au lieu de prévoir une généralisation : le zonage actuel est déjà très étendu puisqu’il concerne 3 697 communes, abritant 29 millions d’habitants – 16 millions de logements et 2,25 millions de résidences secondaires.
Le dispositif actuel est suffisant. Avis défavorable à une nouvelle augmentation qui pèserait sur les contribuables locaux.
M. Philippe Juvin (DR). Flaubert parle de « fureur de déambulation » dans Madame Bovary. Votre fureur est celle de la fiscalisation. Nous avons déjà une taxe dont le taux passe de 17 à 34 % au bout d’une année, celui de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires peut aller jusqu’à 60 % et la taxe sur les logements vacants est sans plafond. Nous avons donc affaire à un objet fiscal incontrôlé. Je vous propose de ne pas céder à ce moment d’égarement et de rejeter en bloc les présents amendements.
M. Daniel Labaronne (EPR). Il faut absolument remettre des biens sur le marché. Les 3 millions de logements vacants représentent 8 % du parc immobilier : c’est un enjeu majeur, notamment dans les territoires ruraux. Nous avons besoin d’une fiscalité très incitative et d’un accompagnement pour les propriétaires, afin de lutter contre un ensemble d’inhibitions ou de craintes. Je rappelle à cet égard qu’il existe des dispositifs de garantie en cas de loyer impayé ou de dégradation du bien. Il faut inciter les élus locaux à appliquer des mesures pour remettre sur le marché des biens vacants.
M. Inaki Echaniz (SOC). La vacance des logements n’est pas seulement frictionnelle : il y a des propriétaires qui ne veulent pas mettre leurs biens sur le marché et les laissent à l’abandon, notamment dans les villes moyennes et les territoires ruraux. Je devine en vous écoutant, monsieur Juvin, que vous soutiendrez notre amendement visant à réduire l’imposition sur les locations de longue durée. La crise du logement est telle que nous ne pouvons pas continuer à arrondir les angles face à des gens qui ne font pas les efforts nécessaires.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). J’ai encore le bonheur d’être maire, puisqu’un recours a été déposé contre mon élection à l’Assemblée nationale. Je sais, comme les élus locaux que vous êtes ou que vous avez été, qu’il est difficile de reconquérir des logements vacants. Dans ma modeste commune de 4 500 habitants, nous rencontrons tous les propriétaires concernés afin de leur présenter les aides dont ils peuvent bénéficier pour la rénovation énergétique des logements et leur remise en location, mais il faut aussi utiliser la THLV. J’aurai plus tard l’occasion de défendre la déliaison des taux : nous devons laisser les communes voter la fiscalité dont elles ont envie pour mener leurs projets. Si elles votent de mauvais taux, leurs élus seront battus aux élections municipales. Laissons les communes gérer comme elles l’entendent.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis choquée, monsieur Juvin, que vous parliez d’égarement quand nous débattons sérieusement de la taxation des logements vacants. Le véritable égarement, c’est que 2 000 enfants soient laissés à la rue et que le Gouvernement ne se donne aucun moyen de répondre à la crise du logement. Que mettez-vous sur la table ? S’il faut recourir à des taxes pour que le logement serve à son usage premier, qui est de loger des gens, au lieu d’être un objet de spéculation financière, alors utilisons ce levier.
L’amendement I-CF132 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements restants.
Amendement I-CF1203 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Les communes de plus de 50 000 habitants situées dans des zones tendues disposent de la taxe sur les logements vacants, mais les autres n’ont pas d’outil spécifique. Pour elles, tout dépend de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Or les communes veulent un véritable levier fiscal pour lutter contre la vacance de logements. Je vous propose donc de créer une taxe communale spécifique en la matière.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous incite à retirer votre amendement pour le réécrire : en l’état, la nouvelle taxe ne ferait que s’ajouter à l’existant, c’est-à-dire la TLV, la THLV et la THRS. Il faudrait préciser l’articulation entre les dispositifs.
L’amendement est retiré.
L’amendement I-CF178 de Mme Marie-Christine Dalloz est retiré.
Amendements I-CF594 de Mme Sophie Pantel, I-CF422 de Mme Sandra Regol, I-CF1555 de M. Nicolas Ray, I-CF1038 de M. Sébastien Saint-Pasteur, I‑CF996 de M. Aurélien Le Coq, amendements identiques I-CF95 de M. Vincent Descoeur et I-CF1518 de M. Jean-Pierre Bataille, amendements identiques I‑CF1892 de M. Charles de Courson, I-CF94 de M. Vincent Descoeur, I-CF1354 de Mme Sophie Pantel et I-CF1517 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)
Mme Sophie Pantel (SOC). Nous devons consolider notre modèle de sécurité civile en donnant aux services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) les moyens de faire face à leurs nouvelles missions, compte tenu des défaillances auxquelles ils sont obligés de remédier sur le terrain, et de garantir à tous et toutes un égal accès aux secours. C’est une préoccupation transpartisane, dont les épisodes cévenols et d’autres événements que nous venons de vivre dans plusieurs départements montrent bien l’importance.
Le financement des Sdis est essentiellement assuré par les départements, les communes et un petit bout du FCTVA (fonds de compensation pour la TVA). La contribution des communes étant plafonnée, les départements servent de variable d’ajustement alors qu’ils sont exsangues. Ils subissent, en effet, un effet de ciseaux dû à la perte de leur autonomie fiscale et à la hausse des dépenses qui leur incombent, en particulier les restes à charge des allocations individuelles de solidarité. La strate départementale est, par ailleurs, celle qui fait le plus d’efforts en matière de solidarité horizontale, c’est-à-dire entre collectivités de même niveau.
Les amendements que nous vous proposons ont été préparés avec Départements de France et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Un consensus a vu le jour, notamment après l’été 2022, sur le principe de la « valeur du sauvé ». Puisque les assureurs sont les principaux bénéficiaires des interventions des Sdis, nous souhaitons doubler la TSCA (taxe spéciale sur les conventions d’assurance) en mettant fin à certaines exemptions qui concernent, par exemple, des activités contribuant au réchauffement climatique – je pense aux contrats relatifs aux aéronefs, aux navires de commerce ou aux poids lourds. L’amendement I‑CF594 permettrait ainsi de collecter 300 millions d’euros au profit des départements, avec un fléchage vers les Sdis. Chers collègues, votre vote sera scruté par 250 000 sapeurs-pompiers.
Mme Sandra Regol (EcoS). Comme beaucoup, sur tous les bancs, nous voulons mobiliser la TSCA pour financer notre sécurité civile, désormais exsangue. On voit bien que les inondations et les feux de forêt massifs se multiplient, mais on réalise mal leur coût, au-delà de la santé, pour nos pompiers. Leur mobilisation contre les feux en Gironde a pourtant coûté 1 million d’euros par jour, dont 60 000 euros par jour lors du pic des incendies rien que pour le carburant. De tels coûts nécessitent de dégager des financements supplémentaires. Le recours à la TSCA, évoqué depuis des années par les syndicats de pompiers, est désormais une idée transpartisane. Il est temps d’avancer pour donner à notre sécurité civile les moyens dont elle a réellement besoin.
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement I-CF1555 vise à augmenter le financement des Sdis en doublant la part du produit de la TSCA qui est affecté aux départements. Seule la répartition évoluera : notre amendement n’a pas d’effet sur les montants payés par les assurés. Le produit de la taxe a changé, mais la part allouée aux départements n’a pas été corrigée depuis 2007 : elle reste déterminée selon le nombre de certificats d’immatriculation délivrés en 2005.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Michel Barnier a dit ce matin que les 2 300 interventions de sapeurs-pompiers réalisées à la suite des récentes crues et inondations avaient sauvé des vies. Reste à savoir comment financer de telles interventions. Il y a un consensus au sein des services départementaux d’incendie et de secours et des conseils départementaux sur le fait que les financements actuels ne suivent plus la croissance des interventions, qu’il s’agisse de lutter contre les feux de forêt et les inondations ou de réaliser d’autres missions d’assistance : les budgets sont de plus en plus dans le rouge. Nous proposons, par l’amendement I-CF996, de modifier la clef de répartition du produit de la taxe sur les conventions d’assurance en augmentant de 3 points la fraction reversée aux départements. Tout le monde dit que le modèle actuel ne tiendra pas sans un effort sur ce plan.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le premier de tous ces amendements relatifs au financement des Sdis tend à supprimer certaines exonérations de TSCA, concernant les aéronefs ou les navires. Je vous mets en garde : les acteurs visés auront tout simplement recours à des assureurs étrangers et nous n’aurons donc pas un sou de plus.
La plupart des autres amendements, dont le mien, jouent sur la répartition du produit de la taxe – 13,3 % vont actuellement à la Cnaf, 6,45 % aux départements et le reste à l’État. En réduisant de 3 points la part de la Cnaf pour augmenter d’autant celle des départements, on déplacerait 200 millions d’euros ; il reviendrait ensuite aux départements de déterminer s’ils utilisent ces crédits uniquement pour les Sdis ou non – ces services sont plus ou moins en difficulté selon les cas. Il me semble que c’est la voie de la sagesse. Vous objecterez peut-être que l’on dégraderait de 200 millions les comptes de la Cnaf, mais ils sont excédentaires. J’émettrai donc un avis favorable aux amendements qui vont dans ce sens et défavorable aux autres.
Mme Sophie Pantel (SOC). Notre amendement I-CF1038 tend à faire passer de 6,45 % à 10,45 % la part de TSCA affectée aux départements. L’amendement I-CF1354 aura, de même, pour effet de transférer vers les départements 200 millions d’euros, en les prélevant sur les excédents de la Cnaf. Nous sommes d’accord sur le principe d’un tel transfert, mais je trouve qu’il serait regrettable de ne pas faire contribuer un peu plus les assureurs, qui sont les premiers gagnants lorsque les sapeurs-pompiers interviennent. Il faut aller chercher de nouvelles recettes. En Suisse et ailleurs en Europe, la sécurité civile est uniquement financée par les systèmes assurantiels. Notre amendement I-CF594 leur demande un effort supplémentaire, sans augmenter la charge pour les familles, puisque tous les contrats relevant du quotidien – habitations ou encore automobiles – seront exclus.
M. Éric Woerth (EPR). Il est difficile de traiter la question du financement des départements uniquement à travers le prisme de la TSCA : s’ils sont probablement le niveau de collectivités le plus affaibli sur le plan budgétaire, ce n’est pas seulement en raison des risques naturels. Le financement des dépenses sociales peut représenter jusqu’à 60 % de leurs charges. Il faut s’intéresser à l’ensemble des prérogatives des départements : plutôt que de bricoler, essayons d’inventer un nouveau schéma de financement.
M. Jocelyn Dessigny (RN). J’ai remis l’année dernière, avec Xavier Batut, un rapport sur le financement des Sdis. Nous avons longuement étudié la question de la TSCA : 1,134 milliard d’euros sont reversés à la Cnaf, alors qu’il n’existe plus de lien direct entre la TSCA et cette caisse, qui a par ailleurs un excédent de 1,9 milliard. Nous avons donc proposé de récupérer au profit des Sdis non pas une fraction mais l’intégralité du produit de la TSCA versé à la Cnaf. On pourrait ainsi augmenter les moyens des Sdis d’environ 1,1 milliard sans créer des charges ou des taxes supplémentaires. Je déposerai à cette fin un amendement en séance, et j’espère que nos collègues si attachés à cette question me suivront.
Mme Sandra Regol (EcoS). Monsieur le rapporteur général, pourquoi s’arrêter en chemin quand le recours à un levier qui permettrait d’avancer plus rapidement et concrètement fait l’objet d’une telle unanimité ? Les premiers concernés, nos services d’incendie et de secours, souhaitent qu’on aille dans ce sens. Le système que nous proposons est le plus indolore pour la collectivité, et il permettra enfin d’investir et d’anticiper. Je comprends que vous préfériez votre propre amendement, mais nous pourrons peut-être trouver un accord d’ici à la séance, en espérant qu’un 49.3 ne vienne pas tout effacer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Des amendements identiques au mien ont été déposés par plusieurs groupes et la proposition que nous vous faisons me paraît équilibrée.
Si tous les amendements en discussion commune ont pour objet d’abonder les financements des départements pour aider les Sdis, les recettes supplémentaires ne seront pas juridiquement affectées à ces derniers. Pour atténuer l’ire des départements, nous leur avons donné une part de TSCA, mais il n’existe plus du tout de lien avec les Sdis et les versements n’ont jamais correspondu aux coûts à l’euro près.
Nous vous proposons une solution de compromis qui évitera à nos concitoyens de payer des primes d’assurance encore plus élevées. Je rappelle que les taxes sur les contrats multirisques habitation vont déjà augmenter de 7 % rien que pour alimenter le fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles.
La commission rejette successivement les amendements I-CF594, I-CF422, I-CF1555, I-CF1038, I-CF996, I-CF95 et I-CF1518, puis adopte les amendements I-CF1892, I-CF94, I-CF1354 et I-CF1517.
Amendement I-CF421 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Nos collègues LR doivent connaître la valeur du sauvé, puisqu’Éric Pauget a notamment travaillé sur cette notion dans un rapport qu’il a remis l’an dernier. Pour rappel, il s’agit de la valeur de ce que l’intervention des sapeurs-pompiers a permis de sauver – vies humaines, biens matériels ou écosystèmes. Il est vrai que nous ne disposons pas encore d’une méthodologie partagée pour produire des chiffres en la matière, mais nous savons que les feux de forêt de l’an dernier en Gironde ont coûté entre 4 et 5 milliards d’euros. Le présent amendement essaie de répartir entre les assureurs les coûts que les Sdis permettent d’économiser, afin que nous puissions mieux nous protéger et anticiper – nous démultiplierons peut-être ainsi la valeur du sauvé.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il existe déjà une taxe sur les compagnies d’assurance pour financer les Sdis : nous venons de parler longuement de la TSCA. La taxe, à l’assiette très large, que vous proposez d’instituer ne ferait que renchérir le coût des assurances, car elle serait répercutée sur leurs clients. Par ailleurs, s’il fallait créer un nouvel impôt de production, je préférerais qu’il permette aux collectivités locales de retrouver un pouvoir de taux. Enfin, il me semble que les amendements que nous venons d’adopter résolvent, pour partie, le problème. Avis défavorable.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Le calcul serait une véritable usine à gaz. Les recommandations que j’ai formulées avec Xavier Batut étaient de commencer par verser 100 % de la TSCA aux Sdis et de ne pas proroger l’exonération totale ou partielle dont bénéficient les véhicules électriques.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1405 de M. Gérault Verny
M. Gérault Verny (UDR). Afin de renforcer l’autonomie budgétaire des collectivités territoriales, l’amendement vise à leur reverser 7 % de la TVA collectée sur leur territoire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La TVA ne peut pas être territorialisée puisqu’elle est payée au siège de l’entreprise. Votre amendement est très inégalitaire : la plupart des communes ne récolteraient rien tandis que d’autres – celles dont dépend La Défense par exemple – verraient leurs ressources exploser. Je vous invite à le retirer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1315 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). Les réseaux de chaleur publics livrant moins de 10 gigawatts et alimentés à plus de 50 % par des énergies renouvelables et de récupération représentent 2 % des livraisons des réseaux de chaleur, soit 400 gigawatts. Ils sont installés dans des zones rurales, des gros bourgs et des petites villes.
L’amendement vise à autoriser les communes à exonérer ces installations de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises pour soutenir ce service public.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Certains outils de production d’énergie renouvelable peuvent déjà bénéficier d’exonérations. Ce n’est pas le cas des réseaux de production de chaleur. Dans la mesure où l’amendement ouvre une possibilité d’exonération, sans compensation, j’y suis favorable.
La commission adopte l’amendement I-CF1315.
Amendement I-CF34 de M. Stéphane Buchou
M. Christophe Plassard (HOR). La difficulté à se loger que connaissent nombre de nos concitoyens est plus aiguë encore dans les zones touristiques, où le taux de résidences secondaires est très élevé. Dans la loi de finances pour 2024, des mesures ont été adoptées pour y remédier : surtaxe sur les résidences secondaires, rééquilibrage de la fiscalité sur les meublés de tourisme. Elles doivent s’accompagner d’une invitation à transformer les résidences secondaires. Tel est l’objet de l’amendement, qui donne aux maires la possibilité d’exonérer de taxe foncière les propriétaires de résidences secondaires lorsqu’ils s’engagent à les destiner à la location à l’année.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Quelle idée baroque ! Pourquoi les résidences secondaires dans les zones tendues devraient-elles donner droit à un avantage fiscal au motif qu’elles sont promises à un locataire ?
M. Christophe Plassard (HOR). À Royan, la moitié des 80 000 résidences sont vides alors que 5 000 personnes attendent un logement. Si 10 % des résidences secondaires inoccupées étaient louées à l’année, nous aurions résolu le problème du logement dans notre territoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1168 de M. Michel Castellani
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les établissements d’enseignement supérieur privés sous contrat, à la différence des établissements publics, doivent s’acquitter de la taxe foncière. L’amendement de M. Castellani tend à donner la faculté aux collectivités de les en exonérer. J’y suis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF130 de Mme Véronique Louwagie et I‑CF1823 de M. Emmanuel Mandon
M. Philippe Juvin (DR). Dans un souci de simplification administrative, il est proposé d’exonérer de taxe foncière les immeubles communaux et intercommunaux pour lesquels la collectivité paie la taxe à elle-même.
Mme Sophie Mette (Dem). Le coût pour le budget de l’État de l’amendement, qui a été rédigé en collaboration avec l’AMF (Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité), est nul.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Lorsque des collectivités territoriales sont propriétaires de logements, il est logique qu’elles s’acquittent de la taxe foncière. L’amendement n’est pas neutre financièrement : si une intercommunalité est propriétaire, la commune dans laquelle est sis le logement perdra la part de taxe foncière qui lui revient.
M. Philippe Juvin (DR). Il est bien précisé que l’exonération ne vaut que pour la part d’impôt que la collectivité se paie à elle-même.
La commission adopte les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF510 de M. Patrice Martin, puis les amendements identiques I-CF755 de Mme Martine Froger et I-CF1572 de Mme Sabrina Sebaihi.
Amendements identiques I-CF587 de M. Mickaël Bouloux et I-CF999 de M. Jérôme Legavre, amendement I-CF1202 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
M. Jacques Oberti (SOC). Il s’agit de rétablir la possibilité pour les communes d’appeler la taxe foncière dès la première année pour les logements neufs construits sur une parcelle non artificialisée, en supprimant l’exonération de 40 % octroyée pendant les deux premières années.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il y a un paradoxe à prôner le zéro artificialisation nette (ZAN) et dans le même temps à imposer une exonération de taxe foncière.
M. Nicolas Ray (DR). Avant la suppression de la taxe d’habitation, les communes pouvaient refuser l’exonération de taxe foncière pendant les deux premières années pour les constructions nouvelles à usage d’habitation. Aujourd’hui, elles sont contraintes d’accorder une exonération minimale de 40 %.
Il convient de restituer aux communes la liberté de taxer dès la première année si elles le souhaitent.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Bref retour en arrière : avant la suppression de la taxe d’habitation, les communes pouvaient supprimer entièrement l’exonération de TFPB pendant deux ans pour les logements neufs. Depuis le transfert de la TFPB départementale aux communes, la part de 40 % de l’exonération correspond à l’ancienne part départementale de TFPB et ne peut être supprimée sans provoquer une hausse brutale d’impôt.
Les communes peuvent déjà effacer jusqu’à 60 % de l’exonération. La suppression complète de l’exonération pourrait aboutir à de très fortes hausses de TFPB pour certains contribuables alors que les bases ont déjà augmenté fortement.
M. Jacques Oberti (SOC). Puisqu’il s’agit de constructions nouvelles, l’impôt est acquitté pour la première fois. On ne peut donc pas parler d’augmentation.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je soutiens les amendements. La décision de supprimer l’exonération est entre les mains des élus. Les futurs contribuables ne sont pas pris en traître. Cela peut même avoir pour vertu de faire baisser le prix du foncier.
Après avoir rejeté les amendements identiques, la commission adopte l’amendement I-CF1202.
Amendement I-CF688 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). La réhabilitation des friches est aujourd’hui plus coûteuse que la construction neuve, qui devient pour les ménages modestes le seul moyen d’accéder à la propriété.
Afin de lutter contre l’artificialisation des sols, nous devons encourager cette réhabilitation. L’amendement prévoit ainsi une exonération de taxe foncière pour les constructions sur des friches.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exonération entraîne une perte de recettes que l’État devra compenser. Ce n’est pas acceptable.
Le fonds « friches », désormais intégré au fonds Vert, permet déjà de soutenir la reprise de friches. Le montant du fonds Vert a certes été réduit mais il demeure supérieur à l’ancien montant du fonds « friches ».
D’autres outils fiscaux peuvent être plus adaptés, notamment la taxe d’aménagement.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Nous reconnaissons tous les difficultés de financement des collectivités. Depuis la suppression de la taxe d’habitation, la seule marge de manœuvre dont elles disposent est la taxe foncière. Si vous commencez à autoriser les exonérations, vous leur retirez encore des ressources.
En outre, depuis l’adoption du ZAN, les friches sont particulièrement recherchées par les investisseurs. Il n’est pas besoin de les promouvoir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1296 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement a pour objet de moduler la TFPB jusqu’à 10 % pour les bâtiments les plus consommateurs d’énergie – ceux dont le diagnostic de performance énergétique est classé en catégorie F et G, voire E à compter du 1er janvier 2025 – afin d’inciter les propriétaires à engager des travaux de rénovation énergétique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La location de tels bâtiments est déjà progressivement interdite. Votre amendement aura pour effet de décourager tout investissement locatif. Et puis, entre nous, une modulation de 10 % ne changerait pas grand-chose.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF326 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). La loi de finances pour 2024 a prolongé pour la période de 2025 à 2030 l’abattement de 30 % sur la taxe foncière sur les logements sociaux situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Mais l’une des conditions posées – l’acquisition des biens avant 1998 – rend le dispositif inopérant. Il est donc proposé de la supprimer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous suggère de demander une évaluation du coût de votre mesure pour l’État, qui verse déjà au titre de la compensation 126 millions d’euros pour 2,14 millions de locaux en 2024.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF325 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Afin de tenir compte des retards de calendrier, il s’agit d’octroyer un délai de trois mois supplémentaires pour la signature des contrats de ville pour bénéficier de l’abattement sur la taxe foncière pour les logements sociaux en QPV dès 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il s’agit d’une mesure technique bienvenue pour faciliter la mise en œuvre d’une politique publique décidée par le législateur.
La commission adopte l’amendement I-CF325.
Amendement I-CF687 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). L’amendement vise à soulager certains ménages modestes qui sont exonérés de taxe foncière mais redevables de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) en les exonérant de cette dernière.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La Teom permet de faire un lien utile entre la contribution des habitants de la collectivité et le service rendu.
De plus en plus, les collectivités perçoivent non pas une taxe mais une redevance d’enlèvement des ordures ménagères (Reom), à laquelle votre proposition ne s’appliquerait pas. L’amendement créerait donc une rupture d’égalité entre les citoyens. Je vous invite à le retirer.
M. Corentin Le Fur (DR). J’entends votre argument. Néanmoins, nous devons nous interroger sur le coût astronomique que représente la Teom – ou la Reom – pour de nombreux ménages modestes.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF689 de M. Corentin Le Fur
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) des terrains non exploités destinés à la préservation de la biodiversité entraînerait une perte de recettes locales qui ne serait pas compensée par l’État ; la TFPNB peut constituer jusqu’à 50 % des ressources pour les petites communes rurales.
Les terrains naturels qui ont un intérêt pour la biodiversité – boisés, plantés, en état de régénération, zones humides, zones Natura 2000 – bénéficient déjà d’allégements importants de TFPNB qui peuvent aller de 20 % jusqu’à la totalité de l’assiette.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1052 de M. Manuel Bompard.
Amendement I-CF1170 de M. Michel Castellani
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable à l’amendement, au demeurant peu coûteux, qui vise à exonérer de TFPNB pendant dix ans les terrains boisés qui réunissent deux parcelles au moins.
La commission adopte l’amendement I-CF1170.
Amendement I-CF1007 de Mme Marianne Maximi et I-CF762 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement CF762 vise à favoriser la diversification des essences, conformément à la feuille de route pour l’adaptation des forêts au changement climatique, et à décourager les coupes rases en supprimant dans ce cas l’exonération de TFPNB.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les terrains forestiers bénéficient d’exonérations de TFPNB dont la durée varie selon l’essence concernée – dix ans pour les peupliers, trente ans pour les résineux et cinquante ans pour les autres feuillus.
Vous proposez de conditionner l’exonération des terrains ensemencés, plantés ou replantés au respect des cycles naturels de la sylviculture. Mais les terrains concernés font déjà l’objet de plan simple de gestion (PSG) ou de règlement type de gestion (RTG) qui répondent à cette condition.
Le soutien à la sylviculture passe plutôt par des aides budgétaires : France 2030 comprend ainsi 150 millions d’euros de crédits pour le renouvellement forestier et les aides régionales sont fréquentes.
M. le président Éric Coquerel. Je soutiens les amendements. Le colloque organisé il y a deux ans par les responsables du projet Canopée soulignait les méfaits des coupes rases pour l’environnement et la biodiversité. Nous devons nous assurer que cette pratique reste une exception, ce qui n’est pas encore le cas dans toutes les régions.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il est vrai que les plans de gestion ont permis le plus souvent d’éliminer les coupes rases. Néanmoins, ces pratiques persistent dans certaines régions, en Corrèze par exemple. La suppression de l’exonération permettra de favoriser une forêt durable.
La commission rejette successivement les amendements.
M. le président Éric Coquerel. Je note que la commission est allante en matière sociale mais qu’elle reste très frileuse en matière d’écologie.
Amendement I-CF1015 de M. Éric Coquerel
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Tout le monde s’accorde à dire que les collectivités territoriales manquent de ressources et d’autonomie. La suppression de la taxe d’habitation dont la Macronie se félicite tant en est en partie responsable.
Nous proposons donc de rétablir la taxe d’habitation pour les 20 % des contribuables les plus riches. Cela rapportera 8 milliards d’euros aux collectivités et cela permettra de retisser le lien entre les administrés, l’impôt et leur commune.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le rétablissement de la taxe d’habitation représenterait un coût considérable pour des millions de foyers, de l’ordre de 20 milliards d’euros.
Je rappelle qu’avant sa suppression, 20 % des Français ne payaient pas la taxe d’habitation et 20 % ne payaient qu’un montant plafonné à 3,4 % de leur revenu fiscal de référence.
Je regrette comme vous la perte d’autonomie fiscale des collectivités consécutive à cette réforme et pire encore la rupture du lien entre le contribuable et l’électeur, surtout dans les communes qui comptent de nombreux locataires. Cependant, il est préférable de trouver une autre solution que de rétablir un impôt dont l’assiette – les valeurs locatives – est injuste et ne correspond plus à la réalité du marché.
Enfin, il faudrait profondément revoir les flux financiers entre l’État et les collectivités si l’amendement était adopté car les recettes de celles-ci ont largement évolué.
En l’état, l’amendement n’est pas satisfaisant. Avis défavorable.
M. Matthias Renault (RN). J’ai une question pour la gauche : avez-vous fait l’addition des mesures que vous proposez – augmentation de taxes et impôts en tout genre ?
On a l’impression d’une grande loterie, totalement déconnectée de la réalité. Mais ce n’est pas un jeu, nous sommes législateurs.
M. le président Éric Coquerel. La commission a jusqu’à présent voté 50 milliards de recettes supplémentaires avec votre assentiment ou au moins votre abstention.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement est limité aux 20 % des plus riches donc il devrait rapporter environ 8 milliards, mais c’est encore énorme.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF131 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit du pendant de l’amendement I-CF130 pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Il est proposé d’exonérer les communes ou intercommunalités de ladite taxe dès lors qu’elles la payent à elles-mêmes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Je ne comprends pas dans quels cas votre amendement trouverait à s’appliquer. Quelles collectivités possèdent une résidence secondaire ?
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF481 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Certains fonctionnaires, du fait des missions qui leur sont confiées et de sujétions de service, peuvent être mobilisés à tout moment. Ils peuvent alors se voir attribuer par leur administration un logement concédé par nécessité absolue de service sans que celui-ci ne soit un avantage en nature.
L’amendement, inspiré par des exemples dans ma circonscription, vise à exonérer de taxe d’habitation le logement occasionnel des fonctionnaires qui est occupé non par choix personnel mais par nécessité de service.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans quels cas un logement occasionnel pour des fonctionnaires serait-il assujetti à la taxe d’habitation, qui touche les résidences secondaires ? Je ne vois pas. Faites-moi part des exemples sur lesquels vous vous appuyez.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF563 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). L’amendement, demandé par des élus locaux de tous bords, vise à porter de 60 % à 100 % le plafond de la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Il s’agit d’un outil sans caractère confiscatoire que les maires sont libres d’utiliser et d’assumer face à leurs électeurs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le zonage des communes éligibles a été largement étendu l’année dernière.
En ce qui concerne la hausse de la majoration, je recommande la prudence. Dans certaines communes qui comptent parfois plus de 50 % de résidences secondaires, leurs propriétaires pourraient faire valoir qu’ils coûtent bien moins cher à la collectivité qu’un résident permanent. C’est un débat périlleux. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF643 de M. Éric Coquerel et I-CF1316 de M. Stéphane Delautrette, amendement I-CF1294 de Mme Danielle Simonnet, amendements identiques I-CF645 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1631 de M. Tristan Lahais (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Les maires, élus par les résidents permanents, prennent leurs responsabilités selon la situation propre à la commune. Certains résidents secondaires profitent pleinement des infrastructures payées par les résidents permanents. Il est normal qu’ils contribuent aux investissements nécessaires pour la commune.
Je ne comprends votre opposition à une mesure de bon sens, facultative de surcroît.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Laissons les communes fixer librement le taux de majoration. Dans nombre d’entre elles, en particulier sur le littoral ou dans les métropoles, l’explosion du nombre de résidences secondaires et de meublés touristiques est à l’origine de la pénurie de logements pour les résidents permanents et les travailleurs. Cette évolution est néfaste sur le plan social et écologique.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Depuis le début de nos débats, rares ont été les amendements en faveur du logement adoptés. Ce serait l’occasion d’y remédier.
Mme Eva Sas (EcoS). À Paris ou à Rennes, la demande de logements est si forte qu’il n’est pas acceptable que certains logements restent inoccupés. L’amendement donne aux collectivités la faculté d’augmenter le taux de la majoration pour décourager l’achat de résidences secondaires. Certains propriétaires ne seront peut-être pas ravis, monsieur le rapporteur général, mais les familles en difficulté sont trop nombreuses pour que nous restions passifs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les amendements portent sur le zonage, d’une part, et sur le taux de majoration, d’autre part.
S’agissant du premier, je plaide pour le statu quo car il a été étendu l’année dernière. Quant au second, il n’est pas raisonnable de le porter à 100 % voire à 300 %.
Enfin, je rappelle que les maires ne sont pas élus par les seuls résidents permanents. Les propriétaires d’une résidence secondaire peuvent choisir de s’inscrire sur les listes électorales de la commune où celle-ci est située.
Le taux de résidences secondaires est de 33 % en Corse et dans les Hautes Alpes, il est parfois supérieur à 50 %. Il ne faut pas sous-estimer les risques de déstabilisation.
Avis défavorable.
M. Éric Woerth (EPR). Les seuls à payer un impôt local aujourd’hui sont les propriétaires de résidences secondaires, qui consomment un peu moins de services publics que les habitants. Ces derniers pourraient parfois se féliciter de cette contribution.
Dans les communes avec de nombreuses résidences secondaires, le foncier a longtemps appartenu aux habitants. À un moment donné, les élus locaux et les habitants ont accepté de jouer la carte des résidences secondaires, et il n’y a rien de choquant à cela.
Arrêtez de vous en prendre aux résidents secondaires et de les considérer comme des habitants de seconde zone !
M. Inaki Echaniz (SOC). L’extension du zonage est un moyen de rompre avec la politique curative, qui est toujours en retard sur la situation dans les territoires. La zone détendue aujourd’hui sera tendue demain.
Si les résidents secondaires ne sont pas contents de la décision du maire, ils s’inscrivent sur les listes électorales et votent contre lui lors de l’élection suivante.
Le clivage sur l’amendement est moins politique – il est soutenu par des élus de droite – que géographique. Ceux qui vivent dans les aires urbaines ne se rendent pas compte de la situation dans les territoires. Les habitants ne peuvent plus se loger là où ils ont toujours vécu. Des infirmières qui travaillent à l’hôpital de Bayonne font deux heures de route pour aller soigner des patients car elles ne trouvent pas de logement, tout cela pour que certains passent de bonnes vacances à Saint-Pée-sur-Nivelle. Ça suffit !
La commission adopte les amendements identiques I-CF643 et I-CF1316 puis rejette les autres amendements.
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Réunion du vendredi 18 octobre 2024 à 21 heures ([suite] après l’article 16 à article 23)
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Amendement I-CF490 de M. Karim Ben Cheikh
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Cet amendement a pour objet la création du cadre fiscal de la résidence d’attache, c’est-à-dire de la résidence détenue en France par des contribuables établis en dehors de l’Union européenne. Son adoption contribuerait à entretenir leur sentiment d’appartenance au territoire national, tout en permettant aux parlementaires, à l’administration et au gouvernement de poursuivre les discussions entamées sur le contour de ce nouveau cadre fiscal, dont les modalités et les conditions seraient fixées par décret.
Si elle n’est plus une résidence principale, la résidence des Français vivant à l’étranger n’est pas non plus une résidence secondaire. Nombreux sont les petits retraités qui se sont établis dans ma circonscription pour vivre un peu plus dignement ; incapables de payer les charges de l’unique logement qu’ils détiennent en France, désormais considéré comme une résidence secondaire, ils finissent par devoir le vendre, au risque de dépendre de France Horizon à leur retour. Des professeurs détachés, partis pour trois ans d’expatriation, sont confrontés à la même situation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à permettre aux Français établis hors de France d’échapper à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). Cependant, il ne définit pas précisément la résidence d’attache ni les raisons qui justifieraient son exonération. De plus, le dispositif ne prévoit aucune discussion avec les différents pays de résidence des contribuables concernés.
La nécessité de disposer d’un logement en France diffère suivant l’éloignement du pays de résidence. Pourquoi exonérer de la THRS les Français établis hors de France mais pas les contribuables habitant en France, dont la résidence principale est devenue secondaire suite à une mutation, par exemple ? Adopter cet amendement créerait une injustice entre ces deux catégories et risquerait d’inciter des non-résidents à conserver en France un logement inoccupé sans nécessité établie, notamment dans des zones sous tension. Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). La croisade anti-résidence secondaire à laquelle nous avons assisté tout à l’heure se heurte au principe de réalité. Il n’y a aucune raison de traiter certains propriétaires de résidence secondaire différemment des autres.
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). J’ai essayé de vous présenter les difficultés concrètes de Français établis en dehors de l’Union européenne, qui sont contraints de rompre avec le territoire national. Monsieur le rapporteur général, je vous invite à venir dans ma circonscription constater à quel point il est important de maintenir ce lien. Or les personnes dont je parle n’en ont pas les moyens.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF893 de Mme Mélanie Thomin
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Cet amendement tend à créer une taxe forfaitaire sur les résidences secondaires dans les communes des îles de Sein et de Molène, qui ne disposent d’aucune fiscalité directe locale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces deux communes sont dépourvues de cadastre, qu’il serait long de créer. Votre proposition de taxer la valeur vénale introduirait une injustice fiscale entre contribuables. La vie insulaire coûte, à Molène, 38 % plus cher que sur le continent – c’est loin d’être un paradis fiscal ! Le maire de Sein a déclaré à la presse ne pas souhaiter taxer les résidences secondaires, qui accueillent régulièrement de nombreuses personnes originaires de l’île. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1187 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Estelle Mercier (SOC). Cet amendement vise à permettre aux collectivités qui le souhaitent de délibérer sur la non-application de l’exonération de la taxe d’habitation pour les locaux meublés associatifs accompagnant des personnes malades sans logement, lorsque ceux-ci sont régulés par l’assurance maladie et listés au 9° du L.312-1 du code de l’action sociale et des familles. Au même titre que les Ehpad, les appartements de coordination thérapeutiques, les lits d’accueil médicalisé et les lits haltes soins santé concourent à une mission de santé et d’intérêt public pour les personnes fragiles sans logement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’administration considère-t-elle qu’il s’agit de résidences secondaires ? Ne serait-ce pas une erreur d’appréciation des services fiscaux ? Cet amendement me plonge dans des abîmes de perplexité. Déposez-le en séance publique, le ministre vous répondra !
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’an dernier, mon collègue Mickaël Bouloux avait rapporté le cas d’associations à but non lucratif dans le domaine sanitaire qui avaient reçu une THRS.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La maison d’accueil et de résidence pour l’autonomie (Marpa) que je préside en a reçu une ; le directeur départemental des impôts m’a expliqué que cet envoi, automatique, faisait suite à des déclarations erronées.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1043 de M. Aurélien Le Coq
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Cet amendement vise à rétablir la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les entrepôts, centres de tri et agences de livraison du e-commerce, afin de limiter les effets négatifs de ce secteur d’activité sur les commerces de proximité tout en dégageant de nouvelles recettes pour les collectivités. La caractérisation des entrepôts logistiques en sites industriels leur permet de bénéficier de la réduction de la TFPB sur les bâtiments industriels, mesure destinée en principe à améliorer la compétitivité de l’industrie, qui représente toutefois un manque à gagner pour les collectivités.
Dans le secteur du commerce, les principales entreprises bénéficiaires de cette baisse sont les géants du e-commerce, parmi lesquels l’entreprise Amazon, qui exploite trois fois plus d’entrepôts que ses concurrents français. Les magasins physiques n’en bénéficient pas, alors qu’ils sont par ailleurs assujettis à la cotisation foncière des entreprises (CFE).
M. Charles de Courson, rapporteur général. La valeur locative industrielle a été divisée par deux parce que sa méthode d’évaluation induisait une disproportion avec les autres locaux professionnels. Rétablir la TFPB pour les bâtiments des seules entreprises du e-commerce provoquerait une disproportion de traitement qui ne me semble pas judicieuse. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je suis en désaccord avec le rapporteur général, parce que les entreprises du e-commerce ne partagent pas leurs centres logistiques. Un grand centre logistique de ce genre doit être construit à Gennevilliers, dans une zone classée Natura 2000.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). C’est de l’emploi.
M. le président Éric Coquerel. Monsieur Cazeneuve, si vous souhaitez accueillir de telles entreprises dans votre circonscription, je vous les laisse ! Non seulement elles tuent les commerces de proximité au profit du commerce à distance, mais elles ne proposent que des emplois partiels et précaires. C’est pourquoi il me semble désormais nécessaire qu’elles soient taxées de manière différenciée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1787 de M. Jean-René Cazeneuve
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Depuis 2018, les valeurs locatives sont indexées sur l’inflation, ce qui a une répercussion sur l’ensemble des impôts locaux concernés. Afin de renforcer l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, il me paraît important de leur laisser la liberté d’augmenter ou non le taux de la taxe foncière. Cela permettra également de clarifier les responsabilités des uns et des autres aux yeux des contribuables, qui ne comprennent pas toujours le décalage entre le discours qui leur est tenu et le montant réel de leurs impôts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement est astucieux : en désindexant de l’inflation les valeurs locatives, il obligerait les collectivités territoriales à augmenter leur taux d’imposition, ne serait-ce que pour maintenir le montant des impôts en euros constants. Il me paraît donc excessif, d’autant qu’avec la nette réduction du taux d’inflation, actuellement de 1,1 %, son impact serait particulièrement limité. Avis défavorable.
M. Jacques Oberti (SOC). Lorsque j’exerçais les fonctions de président de l’association des maires de Haute-Garonne et de vice-président d’Intercommunalités de France, je n’ai jamais entendu évoquer un tel mécanisme. En revanche, la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et, surtout, des locaux d’habitation, est très attendue.
M. Éric Woerth (EPR). Cet amendement me semble être une bonne idée, puisqu’il octroierait plus de liberté aux élus locaux. Cependant, la révision des valeurs locatives, dont il est question depuis quinze ans, reste l’enjeu principal. Pour éviter qu’elle demeure une simple velléité, il me semble judicieux de permettre aux collectivités territoriales de la concrétiser avec l’aide des services fiscaux de l’État.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Cet amendement est provocateur : expliquer qu’il faut redonner aux communes de l’autonomie fiscale et des marges de manœuvre après avoir supprimé la taxe d’habitation, il fallait oser !
De 2012 à 2017, nous nous sommes battus pour fixer le coefficient de revalorisation des valeurs locatives, pour finalement l’indexer sur l’inflation. Cette règle a permis de le stabiliser pendant des années. Alors que le taux d’inflation est revenu à la normale après quelques années exceptionnelles, vous voudriez désindexer les valeurs locatives ?
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Si nous voulions vraiment redonner de l’autonomie aux élus locaux, ils devraient pouvoir intervenir lors des conseils d’évaluation cadastrale, qui se tiennent chaque année. En réalité, ils n’ont pas la faculté de réviser les valeurs locatives. En outre, il serait sans doute plus pertinent de prendre en considération les valeurs vénales – mais c’est un autre débat.
Si les valeurs locatives n’étaient pas indexées sur l’inflation, la seule solution, pour le moins brutale, consisterait à modifier le taux de l’impôt foncier. En tout état de cause, il serait préférable que les élus locaux disposent d’une plus grande latitude dans le cadre des commissions des impôts directs.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). L’année dernière, lorsque nous avons proposé de maintenir l’indexation des valeurs locatives sur l’inflation, tous les groupes s’y étaient opposés. Bien sûr que si, madame Pirès Beaune, vous pouvez vérifier ! Les valeurs locatives ont augmenté de 13 % en deux ans : les élus locaux doivent pouvoir augmenter le taux de la taxe foncière en fonction de leurs besoins de financement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Cazeneuve, la valeur locative est censée être représentative de la réalité des loyers. Votre proposition va à l’encontre de sa nature même, puisqu’elle serait gelée pendant des années.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF704, I-CF705, I-CF706 de M. Corentin Le Fur et I‑CF732 de M. Fabrice Barusseau (discussion commune)
M. Corentin Le Fur (DR). L’amendement I-CF704 vise à multiplier par dix l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) pesant sur les éoliennes terrestres, qui saturent les paysages de nombreux territoires ruraux. Ainsi, à Tramain, dans ma circonscription, les habitants sont encerclés par des éoliennes de plus en plus nombreuses, hautes et oppressantes. De plus, cette énergie hautement subventionnée est payée par les contribuables.
Les amendements de repli I-CF705 et I-CF706 visent à multiplier l’IFER respectivement par cinq et par deux.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Que l’on soit pour ou contre les éoliennes, est-il raisonnable de multiplier par dix l’IFER, qui porte sur des éoliennes déjà implantées ? Connaissez-vous beaucoup d’impôts dont le taux est ainsi multiplié par dix, cinq ou deux, du jour au lendemain ? Ces amendements relèvent d’un arbitraire fiscal total !
Par ailleurs, une telle mesure ferait rire de nombreux élus locaux, puisque cet impôt se répartit comme suit : 30 % pour les départements, 50 % pour les intercommunalités et 20 % pour les communes d’implantation.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Si l’efficacité des éoliennes était multipliée par dix, nous en serions tous satisfaits ! Puisque cela n’arrivera malheureusement jamais, pourquoi ne pas les taxer davantage ?
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF730 de M. Fabrice Barusseau
M. Jacques Oberti (SOC). Cet amendement propose d’adapter l’IFER pour que son assiette ne repose plus sur la puissance électrique des installations photovoltaïques, mais sur l’électricité produite par celles-ci.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette proposition me semble inadaptée, en raison de la variation de l’ensoleillement, qui peut atteindre 15 % par rapport à une moyenne décennale. Une telle modification engendrerait une trop grande incertitude pour les recettes des collectivités territoriales.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF954 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). Cet amendement vise à restreindre la niche fiscale sur les installations photovoltaïques au sol sur terres agricoles, naturelles et forestières, qui bénéficient depuis 2020 d’un taux réduit d’imposition, comme toutes les installations photovoltaïques. Il s’agit de réinstaurer un taux plein d’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux, à 8,16 euros par kilowatt de puissance électrique installée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement est rétroactif. Nous avons voté une loi interdisant désormais l’implantation d’installations photovoltaïques sur ces terres, sauf s’il est prouvé qu’elles ne réduisent pas leur capacité productive de plus de 10 % – ce qui est très rare. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1743 de M. Jacques Oberti
M. Jacques Oberti (SOC). Je vais défendre en même temps les amendements I‑CF1743, I-CF1737 et I-CF1742, qui ont trait au même sujet.
En 2022, les procédures administratives ont été entièrement dématérialisées. Parallèlement, 13 millions de nos concitoyens sont considérés comme étant en situation d’illectronisme. Dans le cadre du plan de relance, en partenariat avec les collectivités territoriales et l’économie sociale et solidaire, l’État a mobilisé 80 millions pour créer 4 000 postes de conseillers numériques. Depuis 2022, ceux-ci ont réalisé 4,5 millions d’accompagnements.
Le PLF pour 2025 prévoit de réduire ce montant à 28 millions. C’est catastrophique, en matière non seulement de perte de droits, mais aussi d’emploi. Le nombre de conseillers numérique sera en effet réduit à 1 800, alors que l’inclusion numérique est essentielle, tant pour développer un numérique plus responsable que pour éviter les pertes de droit.
Cet amendement vise à inscrire l’IFER dans un cercle vertueux : les usages numériques créent du trafic, qui conforte la rentabilité des installations. Pour ce faire, nous proposons que le forfait principal de l’IFER sur les stations radioélectriques soit augmenté de 100 euros, au titre du rattrapage de l’inflation depuis 2017, et de 80 euros supplémentaires. Les 50 à 60 millions ainsi collectés pourraient ainsi être alloués à l’inclusion numérique. S’agissant de l’IFER fixe, nous proposons de réduire l’exonération de cinq à trois ans et de la déplafonner pour atteindre 440 millions, afin de préserver une marge de manœuvre relativement aux évolutions de la rentabilité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce que vous proposez avec l’amendement I-CF1743 existe déjà : l’IFER sur les stations radioélectriques est indexée sur l’inflation, comme la loi le prévoit. Elle a ainsi augmenté de 4,3 % en 2023 et de 2,5 % en 2024. Le rattrapage que vous suggérez est donc inutile.
M. Jacques Oberti (SOC). Indépendamment de l’inflation, le rattrapage de 180 euros permettrait de financer l’inclusion numérique, selon un cercle vertueux : les usages produits par l’inclusion confortent le revenu des infrastructures.
La commission adopte l’amendement I-CF1743.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF964 de M. Stéphane Delautrette.
Amendement I-CF479 de M. Sébastien Chenu
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement reprend une mesure figurant dans la proposition de loi défendue par Sébastien Chenu lors d’une journée de niche du groupe RN. Il vise à réformer la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) pour la rendre plus équitable et mieux adaptée aux pratiques des contribuables. En effet, cette taxe n’est pas corrélée à la quantité de déchets produits, ce qui peut pénaliser des personnes seules, notamment des veuves. Nous prévoyons également un abattement pour les personnes en situation de handicap, afin de leur redonner un peu de pouvoir d’achat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette mesure pénaliserait les familles nombreuses, qui peuvent cependant avoir une gestion vertueuse des déchets. Par ailleurs, l’abattement pour les personnes en situation de handicap relève d’une politique sociale et non de la TEOM, qui vise exclusivement à financer la gestion des déchets. Vous soulevez en revanche le caractère injuste de la TEOM. Avec la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (Reom), ces questions ne se poseraient pas.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1313 et I-CF1302 de M. Stéphane Delautrette.
Amendements I-CF963 et I-CF1301 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable à l’amendement CF963. La Reom est adaptée aux logements individuels, mais elle n’est pas facile à appliquer pour les logements collectifs. Cette proposition évite aux collectivités d’avoir à choisir entre Reom et TEOM en leur permettant de choisir l’une ou l’autre selon le quartier.
La commission adopte l’amendement I-CF963.
En conséquence, l’amendement I-CF1301 tombe.
Amendements I-CF1099 et I-CF1112 de Mme Lisa Belluco et I-CF1012 de Mme Marianne Maximi (discussion commune)
Mme Eva Sas (EcoS). En juin 2023, le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, s’était engagé à mener un travail pour aligner notre cadre fiscal sur l’objectif de zéro artificialisation nette. Il s’était déclaré favorable à créer « une surtaxe au moment de l’artificialisation », un engagement réitéré en commission du développement durable l’an passé avant l’examen du PLF. Ma collègue Lisa Belluco et l’ancien président de la commission, Jean-Marc Zulesi, ont travaillé avec lui à la rédaction d’un amendement fusionnant deux taxes sur les plus-values des terrains naturels devenus constructibles, dont le taux a été fixé à 30 %.
La Fondation pour la nature et l’homme, Terre de Liens, la Confédération paysanne et nous-mêmes aurions préféré un taux de 70 %, mais il s’agit là d’une mesure de compromis.
Chers collègues du camp présidentiel, vous avez voté pour le zéro artificialisation nette. Il faut voter une fiscalité cohérente avec cet objectif, d’autant que l’amendement est une proposition directe d’un ancien ministre issu des rangs du groupe Horizons.
Nous retirons l’amendement I-CF1112.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement propose de taxer à 30 % les plus-values sur les terrains nus rendus constructibles si le prix de cession est trois fois supérieur aux prix d’acquisition. Il propose également la suppression de l’exonération pour durée de détention. C’est une révolution copernicienne du même ordre que celle que proposait M. Mattei sur les plus-values financières. Le taux proposé est excessif et nuirait à la cession même des terrains. Je rappelle que ce taux est actuellement de 5 % lorsque le prix de cession est compris entre dix et trente fois le prix d’acquisition, et de 10 % pour la partie qui dépasse trente fois le prix d’acquisition.
Nous devons privilégier une approche globale : une hausse du taux est envisageable avec l’instauration d’un taux progressif en fonction du rapport entre le prix de vente et le prix d’acquisition. Nous devons également réfléchir à la révision de l’abattement pour durée de détention, ou encore à celle de l’exonération des ventes de moins de 15 000 euros.
La commission rejette successivement les amendements I-CF1099 et I‑CF1012, l’amendement I-CF1112 ayant été retiré.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF887 de M. Stéphane Delautrette
Amendement I-CF389 de M. Peio Dufau
M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à compléter le dispositif de la taxe additionnelle aux droits d’enregistrement ou à la taxe de publicité foncière exigibles sur les mutations à titre onéreux en donnant la possibilité aux communes d’augmenter son taux dans les cas où l’acheteur ne s’engage pas à faire du bien sa résidence principale pendant au moins cinq ans. Cette mesure apportera une flexibilité supplémentaire aux communes qui le souhaitent en leur permettant de dissuader les acheteurs ne souhaitant pas s’installer durablement, tout en préservant les acheteurs qui souhaitent acquérir une résidence principale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les droits de mutation français sont déjà les plus élevés d’Europe ; les augmenter ne ferait que rigidifier davantage le marché de l’immobilier et accroître l’effet de ciseaux lié à cette recette. J’ajoute que les DMTO ne sont pas un impôt progressif et la hausse pèsera plus fortement sur les premiers déciles de revenus. Il faut trouver des recettes départementales plus stables. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF800 de M. Emmanuel Grégoire
M. Philippe Brun (SOC). Il vise à établir une égalité de traitement fiscal entre les cessions d’immeubles et les cessions de parts sociales de sociétés à prépondérance immobilière comme les sociétés civiles immobilières (SCI), les sociétés en nom collectif (SNC), les sociétés fiscalement transparentes et les sociétés de capitaux. Actuellement, les cessions d’immeubles sont davantage taxées que les cessions de parts de SCI ; en conséquence, celles-ci se multiplient à Paris en raison de leur statut fiscalement plus avantageux. Nous proposons de remédier à cette inégalité en portant le taux des droits d’enregistrement de ces sociétés à 5,8 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il faut évidemment lutter contre les montages abusifs, mais la méthode proposée n’est pas la bonne. Les pratiques que vous dénoncez peuvent d’ores et déjà être sanctionnées car il s’agit d’un abus de droit.
La loi de finances initiale pour 2024 a renforcé les obligations déclaratives relatives à ces cessions afin de lutter contre les pratiques d’optimisation. Ainsi, les actes et déclarations ayant pour objet de telles cessions, que celles-ci soient réalisées en France ou à l’étranger, doivent désormais indiquer expressément si les participations cédées confèrent au cessionnaire, direct ou indirect, le droit à la jouissance d’immeubles ou de fractions d’immeubles. L’idée est de permettre à l’administration de s’assurer que l’opération de cession ne porte pas sur des droits conférant, en réalité, la jouissance d’un bien immobilier. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF799 de M. Emmanuel Grégoire
M. Philippe Brun (SOC). Il vise à attribuer aux départements une fraction du produit des cessions de participation dans les sociétés à prépondérance immobilière citées à l’amendement précédent.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Transférer aux départements un quart des recettes des droits d’enregistrement pour les cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière priverait l’État d’une ressource substantielle ; je n’en connais pas le montant exact, mais il est élevé. Par ailleurs, s’il faut demander à l’État de soutenir temporairement les départements en attendant de régler le problème de fond par de nouvelles recettes, je préfère un mécanisme de péréquation à l’image du fonds de sauvegarde. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1179 de M. Sébastien Saint-Pasteur, I-CF109 de M. Emmanuel Maurel, I-CF551 de Mme Eva Sas, I-CF642 de Mme Marianne Maximi et I-CF28 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune)
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement de notre collègue Sébastien Saint-Pasteur vise à redonner des marges de manœuvre aux départements en relevant le taux maximal des DMTO à 5 %. Comme M. le rapporteur général, nous appelons de nos vœux une solution pérenne, mais il faut des solutions transitoires pour permettre à la cinquantaine de départements qui risquent de ne pas pouvoir boucler leur budget pour 2025 de remplir leurs obligations.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Je ne suis pas sûr que l’argument de l’effet de ciseaux invoqué par le rapporteur général soit pertinent. Le poids des DMTO est marginal comparé au prix des logements, lequel ne baisse que marginalement en raison de la rétractation de l’offre. Celle-ci est due à des causes multiples : les taux d’intérêt élevés, l’attentisme des multipropriétaires et, surtout, la transformation de logements en meublés touristiques et en résidences secondaires. Avec la crise immobilière, le produit des DMTO régresse dans des proportions inédites : 3 milliards d’euros en moins en 2022, 1 milliard en 2024. C’est une catastrophe pour les départements. Nous proposons un dispositif qui répond à un besoin impérieux. Il sera toujours temps de revenir dessus si l’on s’aperçoit qu’il n’est pas efficace.
Mme Eva Sas (EcoS). Mon amendement vise à relever le taux plafond des DMTO à 4,8 %. La situation de grande difficulté dans laquelle se trouvent les départements est dangereuse pour la continuité du service public et des prestations sociales. Nous devons adopter des dispositions permettant d’abonder le budget des départements.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Il faut avoir conscience que, derrière ces questions d’argent, il y a les politiques sociales des départements. La protection de l’enfance se porte déjà très mal et il est inacceptable de se dire que l’avenir des enfants placés dépend des droits de mutation immobilière dans un marché en crise. Nous devons renforcer les moyens des départements pour leur permettre de prendre en charge des enfants en danger qui ne sont actuellement pas accueillis, faute de place et de moyens.
Mme Véronique Louwagie (DR). Je propose de laisser la possibilité aux départements d’augmenter le taux maximal des DMTO jusqu’à 5,5 %, contre 4,5 % actuellement, pour une durée de trois ans. De manière générale, je considère qu’il faut laisser une liberté aux collectivités territoriales ; c’est une question de confiance envers les élus.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tous les amendements mettent le doigt sur la situation très grave dans laquelle se trouvent les départements. J’ai parlé d’un effet de ciseaux entre la croissance spontanée des dépenses sociales et la baisse des recettes des DMTO : moins 2 % en moyenne en 2023 et une baisse supplémentaire de 19 % prévue en 2024, avant une remontée estimée par le projet de loi de finances à 7 % en 2025. Certains départements ont perdu en deux ans plus de la moitié de leurs recettes – à partir d’un montant élevé, certes, car certains départements ont perçu des sommes énormes lorsque les taux d’intérêt étaient quasi nuls. Tous les départements, sauf deux, étant déjà au taux plafond de 4,5 %, l’augmentation à 5 % créerait plus d’un milliard d’euros de recettes supplémentaires. Ce serait évidemment une solution, mais financer des dépenses sociales croissantes par un impôt aussi fluctuant n’est pas une bonne idée à moyen et long terme.
Le deuxième problème est que les DMTO perçus par habitant varient de 1 à 10 selon le département. Il n’est pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre que la somme n’est pas la même pour une maison à 800 euros du mètre carré en Lozère ou dans le Lot et pour un logement à 10 000 euros du mètre carré à Paris. Le fonds de péréquation était une bonne idée, mais il ne marche pas lorsque le marché est à la baisse.
Je rappelle que la France a le taux de DMTO le plus élevé d’Europe. Si l’on cumule les 4,5 % de droits d’enregistrement, les 1,2 % de la taxe communale et les frais de notaire, qui sont partiellement négociables, cela fait un total de 7 à 9 %.
M. David Amiel (EPR). Aux arguments du rapporteur général, qui se place du côté des départements, je veux ajouter un argument du point de vue des ménages. La crise du logement est en grande partie due à une hausse des taux d’intérêt qui a fragilisé la situation financière de nombreux acheteurs. Les DMTO sont une taxe sur l’accession à la propriété ; augmenter leur montant, c’est freiner la possibilité pour de nombreux Français d’acquérir une résidence principale.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le sujet mériterait un débat global sur la fiscalité de l’immobilier. M. Amiel a rappelé que les DMTO sont payés par l’acquéreur ; pour peu qu’il ait un budget serré, cela peut plomber le financement de l’opération. J’avais proposé, avec Nicolas Sansu, de créer des droits d’enregistrement rechargeables qui offriraient droit à une déduction pour les personnes faisant l’acquisition d’une nouvelle résidence principale, mais ce serait une perte de ressources pour les départements. On pourrait envisager de flécher vers eux une partie des plus-values, avec une exonération en cas de rachat d’une résidence principale : il est plus facile de payer pour le vendeur, qui encaisse le prix de vente, que pour l’acquéreur. Je suis d’accord avec le rapporteur général pour dire que les DMTO sont une ressource trop variable.
Mme Sophie Pantel (SOC). Rappelons que le fonds de péréquation horizontal a été mis en place par les départements ; on attend encore en bonne partie la péréquation verticale de la part de l’État. Et que l’on ne nous parle pas de recettes incertaines : lorsque les gouvernements précédents ont choisi de compenser le transfert de la taxe foncière aux communes en allouant aux départements une part de TVA, l’option avait été soulevée, sans être retenue. Nous appelons évidemment de nos vœux une solution pérenne mais il faut d’urgence trouver une solution pour financer le budget des départements en 2025.
J’ajoute à l’intention de M. le rapporteur général qu’avec la pression foncière, les jeunes de Lozère ne peuvent plus se loger ; si vous trouvez un mas cévenol à moins de 1 000 euros le mètre carré, faites-moi signe.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1794 de M. Mathieu Lefèvre.
Amendement I-CF327 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à renforcer le déploiement du bail réel solidaire en mettant fin à plusieurs doubles taxations. Vous voyez que nous ne voulons pas seulement taxer ! Nous sommes même prêts à lever la taxation pour l’investissement vertueux qui permet l’accession à un toit pour tous de façon durable et digne. L’amendement a d’ailleurs été déposé conjointement par mon collègue Thibaut Bazin, qui est conscient des difficultés du logement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous voulez imposer les cessions aux organismes de foncier solidaire à un droit d’enregistrement fixe de 125 euros pour éviter les doubles taxations. Les baux réels solidaires sont un outil utile pour favoriser l’accès au logement mais ils bénéficient déjà d’une fiscalité favorable : un taux réduit de TVA sur toutes les opérations de cession, livraison, construction et rénovation et un abattement de 30 %. Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1737 et I-CF1742 de M. Jacques Oberti
Amendements identiques I-CF391 de M. Peio Dufau et I-CF417 de M. Nicolas Thierry, amendement I-CF1314 de Mme Sophie Mette (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à supprimer la taxe spéciale d’équipement (TSE) destinée à financer les nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, car elle contrevient au principe d’égalité devant l’impôt.
Lorsqu’il est saisi du principe d’égalité devant l’impôt, le Conseil constitutionnel examine, de manière spécifique au principe d’égalité devant les charges publiques, le caractère objectif et rationnel des critères qui fondent la différence de traitement. Or, si la distance en véhicule depuis la mairie des communes concernées par la taxe semble bien constituer un critère objectif, son caractère rationnel est contestable. En effet, le critère mène à des différences de traitement entre des contribuables placés dans des conditions semblables : par exemple, deux foyers voisins résidant respectivement dans les communes d’Urrugne et d’Ascain sont traités différemment, le premier étant dans l’obligation de payer la TSE et le second n’y étant pas soumis, alors qu’ils accèdent dans les mêmes conditions à la nouvelle gare desservie par la LGV.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’amendement de Nicolas Thierry vise à supprimer les taxes spéciales destinées à financer les nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, qui sont prélevées sur les habitants et les entreprises dans les communes situées à moins de soixante minutes en voiture d’une gare desservie par les futures lignes.
Le groupe écologiste soutient un investissement public dans le ferroviaire pour réduire le temps de trajet au sud de Bordeaux. Néanmoins, la seule solution viable pour les finances publiques comme pour l’environnement est l’aménagement des voies existantes. Le projet de LGV représente un coût de 14,3 milliards d’euros et la destruction de près de 5 000 hectares d’espaces naturels, dont près de 2 000 hectares de forêts. La rénovation des voies existantes réduirait largement les emprises au sol, coûterait 8 milliards d’euros de moins et permettrait des temps de trajet pratiquement équivalents à ceux du projet de lignes nouvelles.
Mme Sophie Mette (Dem). La TSE touche 2 340 communes et impose une contribution supplémentaire aux propriétaires, aux entreprises et aux touristes, alors que les lignes ne sont pas en service. Comme mes collègues de Gironde et du Pays basque, je souhaite son abrogation pour épargner aux contribuables le paiement d’une taxe injustifiée destinée à financer un projet dont la pertinence est largement contestée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On retrouve derrière ces amendements ceux qui sont contre la LGV Bordeaux-Toulouse. Le projet a été décidé et l’on a créé deux taxes qui rapportent au total 50 millions d’euros pour contribuer au financement de cette ligne. En supprimant ces deux taxes, vous voulez arrêter le chantier, mais il est trop tard. La TSE a été adoptée en concertation avec les élus locaux – du moins, la majorité d’entre eux. Avis défavorable.
M. François Jolivet (HOR). Indépendamment du lieu, j’observe que ceux qui bénéficieront d’un nouvel équipement public, qui augmentera la valeur des biens alentour, ne veulent pas contribuer à son financement. Dans le cadre du Grand Paris, plusieurs lignes de métro ont été prolongées et les gens ont payé pendant les travaux ; certaines communes ont même modifié la valeur locative des biens et créé une surtaxe foncière dans le périmètre immédiat des nouvelles stations – à raison, selon moi. Il faut savoir ce que l’on veut. Tout à l’heure, on disait qu’il fallait taxer davantage l’arrivée d’équipements publics ; là, un équipement public arrive, et l’on ne veut plus taxer.
M. Inaki Echaniz (SOC). Je considère effectivement qu’il vaut mieux réaménager l’existant, mais là n’est pas le sujet. Le problème tient à l’injustice du calcul au kilomètre : à cause de lui, la commune A devra payer la taxe alors que la commune limitrophe B ne la paiera pas. C’est une inégalité pour les communes qui verront passer la ligne devant leur fenêtre sans être proches de la gare.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF537 et I-CF409 de M. Éric Ciotti (discussion commune)
M. Gérault Verny (UDR). Ces amendements visent ces taxes mesquines qui menacent le consentement à l’impôt : celle qui frappe la cabane au fond du jardin, dans laquelle le jardinier du dimanche range la tondeuse et les outils de papi, ou les vérandas. Ces taxes stupides ne méritent que d’être supprimées.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pourquoi proposez-vous de supprimer la taxe d’aménagement uniquement pour les vérandas ? Elles font l’objet d’un permis de construire, même si certains les construisent clandestinement. Il est normal de majorer la base locative cadastrale. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1535 de M. Laurent Mazaury.
Amendements identiques I-CF1894 de M. Charles de Courson et I-CF30 de Mme Véronique Louwagie
M. Charles de Courson, rapporteur général. Suivant une proposition des présidents de conseils départementaux, l’amendement propose de porter à 3,5 %, pour une période de trois ans, la taxe d’aménagement départementale pour les espaces naturels sensibles actuellement plafonnée à 2,5 %. Cela facilitera l’investissement pour des équipements du type pistes cyclables, puisqu’il s’agit d’une taxe affectée.
La commission adopte les amendements I-CF1894 et I-CF30.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF588 de M. Mickaël Bouloux.
Amendement I-CF1204 de M. Nicolas Ray ; amendements identiques I‑CF586 de M. Emmanuel Grégoire et I-CF637 de M. Aurélien Le Coq ; amendements identiques I-CF129 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1446 de M. Stéphane Delautrette ; amendement I-CF85 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)
M. Nicolas Ray (DR). Nous proposons de supprimer la règle de lien entre le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et celui de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS), afin que les collectivités pilotent leurs recettes fiscales avec plus de souplesse.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette règle de lien protège les contribuables qui ne votent pas dans la commune – entreprises, propriétaires de résidences secondaires. Ces derniers peuvent être imposés davantage, à condition que cela reste cohérent avec l’imposition des résidents. La faculté de majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, plafonnée à 60 %, a été étendue à 2 300 communes supplémentaires l’année dernière, là où la proportion de résidences secondaires est plus élevée. Nous venons de voter son extension à la France entière. Avis défavorable : il suffit d’exercer la faculté de majoration existante.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF420 de Mme Sandra Regol et I-CF595 de Mme Sophie Pantel (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). La sécurité civile a besoin de financements pour faire face aux effets du réchauffement climatique. À cette fin, de nombreux rapports préconisent de s’appuyer sur la taxe de séjour. Il existe en effet un lien direct entre l’augmentation des flux touristiques et la suractivité des pompiers. Le financement de ces derniers n’est pourtant ni adapté ni repensé, et ils n’ont pas de moyens matériels ou humains supplémentaires à leur disposition. En mobilisant ainsi la taxe de séjour, nous ferions contribuer les touristes étrangers au financement d’un service public dont ils sont susceptibles de bénéficier.
Une taxe additionnelle de 20 % à la taxe de séjour serait quasiment indolore mais rapporterait près de 50 millions d’euros, ressource essentielle pour aider enfin les services d’incendie et la sécurité civile.
Mme Sophie Pantel (SOC). Nous proposons nous aussi de rehausser la taxe de séjour, afin que les personnes dont la présence induit des risques supplémentaires contribuent au financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), et que ces services puissent absorber les variations de population qui accroissent leurs besoins humains et matériels.
La hausse aurait un montant minimal modeste mais incompressible, 0,20 euro par nuitée, les élus pouvant opter pour un montant supérieur et l’affecter à leurs SDISou à la brigade de sapeurs‑pompiers dans le cas de Paris. Par précaution, les sommes collectées n’entreraient pas dans celles qui sont plafonnées au titre de la contribution obligatoire pour le fonctionnement des SDIS. Il s’agirait donc bien d’une recette supplémentaire, qui atteindrait 170 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous venons de débattre du financement des SDIS par les départements, et nous avons adopté une mesure importante relative à la TSCA. Autant cette dernière a un lien direct avec l’activité des SDIS, autant ce lien est moins évident pour la taxe de séjour – à certains endroits, elle est payée essentiellement par des habitants du département ou de la région. À cela s’ajoute un deuxième problème : dans quelques rares cas, la taxe de séjour est perçue à l’échelle de l’intercommunalité. Les départements ne perçoivent qu’une taxe additionnelle, sous réserve qu’elle ait été créée par la commune ou l’intercommunalité. Il n’y a donc pas d’adéquation entre la taxe de séjour et les possibilités de financement des SDIS. Cet outil n’est pas adapté.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF345 de M. Nicolas Sansu, I-CF1429 de Mme Mélanie Thomin, I‑CF1042 de Mme Marianne Maximi et I-CF1039 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)
M. Emmanuel Maurel (GDR). Le caractère forfaitaire de taxe de séjour induit des incongruités. Nous souhaitons la rendre plus juste grâce à un barème proportionnel aux prix pratiqués par les hôteliers et autres hébergements touristiques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La sixième directive TVA exclut tout droit d’accise ad valorem ; la taxe de séjour est donc nécessairement forfaitaire – avec, certes, un barème compliqué. Un dispositif contraire ne serait pas conforme. Avis défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Actuellement, on verse la même taxe qu’on paie un hébergement 100 euros ou 1 000 euros la nuit : ce n’est pas logique. Il faut créer un dispositif progressif, corrélé au montant de la nuitée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette taxe a justement été réformée : elle a désormais un taux progressif, du premier niveau jusqu’au palace, et les élus peuvent en déterminer le montant au sein d’une fourchette.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1750 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Par souci de bonne gestion des finances publiques, nous proposons que le crédit d’impôt au titre des manifestations artistiques organisées par les casinos soit circonscrit à la saison des jeux. Afin que le Parlement se prononce en connaissance de cause sur la prorogation éventuelle de ce crédit d’impôt, nous demandons au Gouvernement de nous remettre un rapport évaluant les effets du dispositif.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce crédit d’impôt est tellement complexe que personne ne l’utilise – même la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de ma circonscription ignorait son existence quand je l’ai sollicitée ! Je soutiens donc cet amendement.
La commission adopte l’amendement I-CF1750.
Amendements identiques I-CF1181 de M. Laurent Panifous et I-CF1558 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit d’élargir les dispositions du versement mobilité aux collectivités et syndicats mixtes de transport signataires d’un contrat opérationnel de mobilité. Je précise que cet amendement a été travaillé avec l’association Régions de France.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le versement mobilité est une forme d’impôt de production indépendant du résultat des entreprises. Il est normal que les sociétés contribuent au système de transport dont leurs salariés bénéficient, mais ces derniers ne sont pas les seuls usagers des transports publics. Il convient donc de trouver un équilibre entre le versement mobilité et la tarification des transports, d’autant que les entreprises contribuent par ailleurs aux transports publics à travers le forfait mobilités durables et la prise en charge de 75 % du coût de l’abonnement de leurs salariés.
Le versement mobilité constitue déjà une ressource très importante : avec une assiette dynamique, c’est le deuxième impôt local payé par les entreprises. Il s’élevait à 11 milliards en 2023, versés pour moitié en Île-de-France. J’ajoute que les employeurs publics, y compris les collectivités territoriales, en sont redevables. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF690 de M. Corentin Le Fur.
Amendements I-CF1409 et I-CF1410 de Mme Christine Arrighi ; amendements identiques I-CF561 de M. Nicolas Sansu, I-CF1436 de Mme Marianne Maximi, I-CF1839 de Mme Christine Arrighi et I-CF1847 de M. Jacques Oberti ; amendements I-CF1045 et I‑CF1046 de Mme Alma Dufour, I‑CF872 et I-CF1366 de M. Thierry Sother, I-CF1402 de M. Pierrick Courbon (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Un choc d’offre est indispensable pour favoriser le report modal et offrir des alternatives à l’usage individuel des véhicules ; il nécessite d’importants investissements pour les autorités organisatrices de mobilité (AOM). Alors que le modèle économique d’Île-de-France Mobilités a été consolidé dans la loi de finances pour 2024, nous proposons de garantir une équité territoriale en relevant le plafond du versement mobilité à 3,2 % pour les autres territoires, tout en laissant la possibilité aux AOM de moduler les taux entre les communes de leur ressort.
M. Nicolas Sansu (GDR). Nous proposons d’accroître le versement mobilité pour toutes les AOM, petites ou grandes. Un régime particulier a été accordé à Île-de-France Mobilités l’année dernière – tant mieux pour les Franciliens ! –, mais des problèmes se posent aussi dans de nombreux petits territoires. Dès lors que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est supprimée, il nous semble important qu’une taxe affectée soutienne la transition écologique et les mobilités douces. Les réseaux de transport des petites villes risquent, sinon, de disparaître.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Les difficultés des transports en commun ne concernent pas uniquement les petites villes. À Lille par exemple, les transports fonctionnent mal et le réseau doit être développé. Encore faut-il que les collectivités territoriales en aient les moyens ! Plutôt que de rendre le stationnement payant dans les quartiers populaires, comme à Lille, mieux vaut augmenter le taux du versement mobilité.
M. Jacques Oberti (SOC). Des RER métropolitains ont été annoncés, mais sans la moindre piste de financement. Aussi souhaitons-nous relever le plafond du versement mobilité ; cela produirait 15 à 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous voulons permettre aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération de porter les taux maximaux du versement mobilité de 0,05 % à 1,5 %, afin de financer la gratuité des transports.
M. Thierry Sother (SOC). Le versement mobilité a certes été augmenté en Île-de-France, mais de nombreux projets de transports en commun nécessitent aussi des investissements en région. Aussi proposons-nous de porter le taux maximal de ce versement de 2 % à 2,2 % pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) non franciliens comprenant une commune de plus de 100 000 habitants.
Dans le même esprit, les AOM qui instaurent une gratuité des transports devraient pouvoir majorer le taux maximal du versement mobilité de 0,4 % en cas de gratuité totale ou de 0,2 % en cas de gratuité partielle. Si nous ne voulons pas que les AOM cessent d’investir, nous devons leur offrir une plus grande marge de manœuvre financière.
Ces mesures sont tout à la fois soutenables et nécessaires pour assurer un système de transports juste.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis défavorable à tous ces amendements, à l’exception du I-CF1409 qui vise à permettre aux régions qui sont des AOM de lever le versement mobilité. Lorsque les intercommunalités ont transféré aux régions la compétence mobilité, il me semble normal que ces dernières puissent lever ce versement – ce qu’elles ne pouvaient pas faire jusqu’à présent.
Quant aux autres amendements, ils alourdiraient encore les prélèvements sur les entreprises ; sachons nous arrêter.
M. le président Éric Coquerel. Je suis favorable à la plupart de ces amendements. L’année dernière, j’ai été saisi par Mme Pécresse sur les difficultés des transports en commun en Île-de-France ; j’ai même soutenu une partie des amendements qu’elle a proposés. Or ces difficultés ne touchent pas la seule région francilienne.
Il faut savoir ce qu’on veut et prendre ses responsabilités : si nous entendons réduire l’utilisation de la voiture individuelle et des transports polluants, nous n’avons d’autre solution que de développer les transports en commun, y compris en rouvrant des petites gares. Mais avec les financements actuels, les collectivités ne peuvent pas y faire face. Ces amendements alourdiraient certes la contribution des entreprises, mais c’est un moindre mal – d’autant que leurs salariés bénéficient aussi des transports du quotidien.
M. François Jolivet (HOR). Je voterai l’amendement I-CF1409 qu’a approuvé M. le rapporteur général. Je souligne toutefois que la région Île-de-France perçoit 56 % du montant total du versement mobilité, alors qu’elle ne compte que 12 millions d’habitants. Le versement mobilité est collecté par l’Urssaf, et les entreprises qui sont implantées dans plusieurs régions s’en acquittent là où se trouve leur siège – le plus souvent en Île-de-France. L’Urssaf ne s’embarrasse pas de répartir la collecte selon l’implantation des salariés. Il en résulte un pillage colossal par la région francilienne. Les territoires non franciliens auraient intérêt à étudier la composition de l’assiette, et à demander au STIF de leur reverser les montants qui leur reviennent. J’invite les élus locaux à se saisir de cette question. Il faudrait alors envisager d’augmenter les ressources pour l’Île-de-France, car son versement mobilité pourrait diminuer de 30 %.
M. Jean-Didier Berger (DR). Il faut raisonner en nombre d’usagers des transports en commun plutôt que d’habitants ; or il y a bien davantage d’usagers en Île-de-France que partout ailleurs.
La commission adopte l’amendement I-CF1409.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendements I-CF1183 de M. Laurent Panifous, I-CF1561 de M. Philippe Brun et I‑CF890 de Mme Mélanie Thomin ; amendements identiques I-CF892 de Mme Mélanie Thomin, I-CF1184 de Mme Martine Froger et I-CF1562 de M. Philippe Brun (discussion commune)
M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons de définir le périmètre de perception du versement mobilité additionnel (VMA) à l’échelle des EPCI.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le zonage du VMA repose sur des critères socio-économiques suivis par l’Insee ; il est plus fin et plus souple que le périmètre des EPCI. Il a également le mérite d’être actualisé régulièrement au regard de la densité, de la proximité des services, etc. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1501 de Mme Mélanie Thomin
M. Philippe Brun (SOC). Les communes insulaires non soumises au regroupement intercommunal – Ouessant, l’Île-d’Yeu, l’Île-de-Bréhat, l’Île-de-Sein –, se trouvent dans une situation particulière de discontinuité territoriale. Nous souhaitons les autoriser à créer une taxe d’entretien indexée sur le coût du transport vers l’île. Elle compenserait les frais d’entretien liés à l’afflux de visiteurs, notamment en matière de collecte et de traitement des déchets. Cette initiative répond à une préoccupation soulevée par la chambre régionale des comptes de Bretagne, et l’amendement a été travaillé avec les élus des communes concernées.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il est vrai que la législation sur les intercommunalités a exempté certaines îles en la matière. Toutefois, les communes insulaires bénéficient déjà de bonus importants : une dotation communale d’insularité de 4 millions d’euros ; une revalorisation des critères d’attribution de la fraction péréquation de la dotation de solidarité rurale (DSR) ; l’absence de prélèvement au titre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), avec néanmoins la possibilité de toucher des reversements de ce dernier. Il ne me semble pas raisonnable d’aller au-delà.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF455 de Mme Mélanie Thomin
M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit de créer une taxe sur la consommation d’eau touristique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. À ma connaissance, il existe un unique réseau d’eau – à moins d’en créer un spécialement pour les touristes ! Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF1180 de M. Laurent Panifous et I-CF1553 de M. Philippe Brun
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les conseils régionaux peuvent fixer librement le montant de la taxe sur les cartes grises, dans une limite de 60 euros. Or aucun n’atteint ce plafond. C’est notamment en Bretagne que cette taxe est la plus élevée, à 55 euros. La demande de l’association Régions de France de porter le plafond à 80 euros n’est donc pas raisonnable : il faut commencer par utiliser la marge de manœuvre disponible.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1178 de M. Laurent Panifous
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le présent projet de loi prévoit déjà d’augmenter très fortement les taxes à l’immatriculation. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF520 de M. Hendrik Davi et I-CF1044 de Mme Marianne Maximi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Qui veut faire gagner des millions à la France ? L’amendement de M. Davi permettrait d’engranger 21 millions d’euros. Savez-vous que les croisiéristes et les propriétaires de yachts ne paient pas de taxe de séjour ? Nous proposons d’y remédier avec une taxe de séjour de 4 euros par nuitée – montant dérisoire, trop raisonnable à mon goût – ou de 3 euros par passager si le navire reste à quai moins d’une nuit. Dans la lignée des amendements visant à augmenter la taxe de séjour dans les hôtels de luxe, il faut évidemment taxer le séjour des navires de croisière et des yachts.
Les navires de croisière, tels que définis par l’amendement, ont une vocation de plaisance ou de loisirs et proposent un hébergement à bord de plus de deux nuits. Ils se distinguent donc des ferries classiques, auxquels la taxe ne s’appliquerait pas.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avec votre système, un passager qui descendra du bateau pour dormir à l’hôtel cumulera la taxe du croisiériste et celle de l’hôtelier… Nous pouvons craindre que ce dispositif ait des conséquences économiques importantes. Surtout, le contrôle et le recouvrement de la taxe seraient confiés aux communes. Comment y procéderont-elles ? Devront-elles pénétrer dans les cabines, ou demander au capitaine de déclarer les nuitées ? C’est une usine à gaz. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas une réponse sérieuse. Voudriez-vous aussi supprimer la taxe de séjour des hôtels ? Il n’y a pas de différence entre les passagers d’un bateau de croisière qui débarquent en ville et les visiteurs qui dorment à l’hôtel : tous utilisent les services urbains. Le principe de la taxe de séjour est de participer à l’accueil qu’une ville vous réserve. Quant à dire qu’on ne pourrait pas recenser les nuitées des croisiéristes, c’est une plaisanterie. J’ajoute que tout bateau de plaisance paie une taxe quand il s’amarre dans un port ; cette taxe n’étant pas calculée par nuitée, c’est même une concurrence déloyale par rapport aux hôtels.
Je ne comprends pas qu’on exonère les croisiéristes d’une taxe de séjour, alors qu’ils entretiennent un tourisme de masse qui a un fort impact sur les villes.
M. Denis Masséglia (EPR). Cet amendement me paraît intéressant s’agissant des croisiéristes, mais comment s’appliquera-t-il aux yachts ? Qu’en sera-t-il s’ils restent un ou deux mois dans un port ?
M. Emmanuel Fouquart (RN). Sachez qu’à Marseille, les croisiéristes s’acquittent de 5 euros par passager.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1895 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les départements perçoivent une part de la taxe d’aménagement, spécialement affectée à certaines dépenses : protection des espaces sensibles, aménagement de pistes cyclables, etc. Or de nombreux départements n’arrivent pas à la consommer, car son champ est trop restrictif. J’ai proposé de l’élargir, mais mon amendement a été jugé irrecevable en vertu de l’article 40. Je vous soumets donc un nouvel amendement visant à restreindre son champ, l’objectif étant en réalité d’ouvrir le débat. Nous interrogerons le ministre en séance publique sur la possibilité d’élargir l’objet de la taxe d’aménagement.
Mme Sophie Pantel (SOC). Vous me surprenez ! La taxe d’aménagement peut aussi être affectée aux conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). J’ai du mal à croire qu’elle ne soit pas consommée partout.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les présidents des départements de la couronne parisienne m’ont tous dit qu’ils n’arrivaient pas à la consommer, pas plus que mon département de la Marne d’ailleurs.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF330 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à rétablir le versement pour sous-densité (VSD).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce versement, institué en 2010, était une taxe sur les nouvelles constructions n’atteignant pas un seuil minimal de densité de bâti. Non seulement il s’agissait d’une taxe intrusive mais c’était aussi un outil facultatif et compliqué, très peu utilisé par les communes. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF840 de Mme Marine Le Pen
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il vise à supprimer enfin l’une des dernières taxes de l’Ancien Régime : l’octroi de mer. Il n’y a pas de raison que nos territoires ultramarins soient les seuls où les collectivités territoriales aient besoin d’un impôt complémentaire, avec les conséquences désastreuses que nous savons sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes. Nous proposons de le supprimer sur les produits venus de l’espace économique européen et de le maintenir sur les productions des territoires voisins à faible coût du travail. Il y a urgence à agir !
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’octroi de mer étant incompatible avec la sixième directive TVA, nous bénéficions d’une dérogation temporaire jusqu’en 2027. Il nous reste trois ans pour trouver une solution pour compenser la disparition de ses recettes auprès des collectivités territoriales. Peut‑être pourrions-nous créer une mission ou un groupe de travail pour éviter d’y réfléchir au dernier moment ? En cas de suppression, il faudrait également veiller à ce que la baisse du prix profite réellement au consommateur final. Monsieur Tanguy, il serait intéressant de retirer votre amendement et de le redéposer en séance, pour savoir où en est le Gouvernement sur ce sujet – eu égard, surtout, aux derniers événements dans les Antilles. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Matthias Renault (RN). M. Darmanin s’était engagé à réformer l’octroi de mer en profondeur en vue de sa mise en extinction. Il faudrait évidemment coupler le resserrement que nous proposons avec une augmentation de la concurrence dans la grande distribution ultramarine, comme le suggéraient les conclusions de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les outre-mer.
M. Nicolas Sansu (GDR). Le coût de la vie outre-mer ne peut pas être imputé au seul octroi de mer. Cette taxe représente entre 6,5 et 8 % du coût global et le taux de TVA est environ de 8,5 %, ce qui fait un total autour des 15 %. Ce qu’il faut, c’est bloquer les prix, appliquer des TVA différenciées sur les produits de première nécessité et mettre en pratique certaines mesures faites par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Il faut aussi se demander comment compenser le 1,6 milliard d’euros de l’octroi de mer. Les élus des collectivités de Martinique et de Guadeloupe ne sont pas favorables à la suppression telle que vous la proposez.
M. le président Éric Coquerel. Hier, nous avons voté un amendement pour appliquer un taux zéro sur les produits de première nécessité et bloquer certains prix.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1411 de Mme Christine Arrighi
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une partie du produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre étant affectée à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), il ne me semble pas pertinent de la déstabiliser financièrement. Le versement mobilité, qui dispose d’une assiette dynamique, permet déjà de financer les AOM. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF1190 de Mme Martine Froger et I-CF1603 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit de la transposition du protocole État‑régions en faveur des formations sanitaires et sociales. Financé en 2023 et en 2024, il ne l’est pas pour 2025. Nous proposons de réparer cet oubli.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez en réalité de faire passer le montant de l’accise sur les énergies reversée aux régions de 232 millions d’euros à 273 millions. Cet amendement concrétise l’engagement pris par l’État en 2022 et correspond à la trajectoire financière qu’il a fixée avec les régions au titre des compensations financières qui leur sont versées dans le domaine des formations sanitaires et sociales. Je ne doute pas que le Gouvernement prévoyait de déposer un tel amendement en séance. Avis favorable, car il s’agit d’un compromis trouvé entre l’État et les régions, signe qu’une collaboration entre les deux est possible.
La commission adopte les amendements I-CF1190 et I-CF1603.
Amendements I-CF1347 de M. Stéphane Delautrette, I-CF1659 de M. Corentin Le Fur et I-CF591 de M. Emmanuel Grégoire (discussion commune)
M. Corentin Le Fur (DR). L’amendement vise à garantir un équilibre entre le commerce en ligne et le commerce physique, afin de protéger les commerces de proximité.
M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit d’assujettir les systèmes de drive à la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour soutenir le commerce de proximité et la revitalisation des centres-bourgs, il existe déjà des outils budgétaires : le plan Action cœur de ville, doté de 5 milliards d’euros sur cinq ans, et Petites villes de demain, doté de 2 milliards d’euros. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement I-CF1347.
En conséquence, les amendements I-CF1659 et I-CF591 tombent.
Amendement I-CF1350 de M. Stéphane Delautrette
M. Charles de Courson, rapporteur général. La Tascom a eu l’effet inverse de celui recherché : au lieu de dissuader les surfaces commerciales de s’installer, elle a encouragé les communes et les EPCI à les accueillir pour profiter de nouvelles recettes fiscales. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1343 de M. Stéphane Delautrette.
Amendement I-CF1542 de M. Stéphane Delautrette
M. Philippe Brun (SOC). La compensation de la suppression de la CVAE doit correspondre au montant réellement perçu par l’État au moment de cette suppression.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En l’état, votre amendement est inopérant. Le mécanisme de transfert de TVA en compensation de la perte de CVAE est plus complexe, puisqu’il prend notamment en compte les compensations d’exonérations de CVAE. Il vous faudrait donc ajuster votre amendement.
Sur le fond, la compensation de CVAE se fait sur la base d’une moyenne quadriennale de 2020 à 2023. La seule prise en compte de l’année 2022 serait défavorable pour les collectivités territoriales car le montant de CVAE perçu par le bloc communal et les départements en 2020, 2021 et 2023 était supérieur à celui de 2022. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je vous suggère de revoir sa rédaction pour la séance.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF562 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à stimuler la production de logements par le biais d’un mécanisme de prime aux maires bâtisseurs assis sur le produit de la TVA plutôt que sur une aide forfaitaire par logement. Bénéficieraient de ce dispositif les communes situées en zone tendue dont le nombre de logements collectifs neufs livrés durant une année donnée serait supérieur à la moyenne des autorisations accordées les trois années précédentes. Le produit ainsi affecté correspondrait à 25 % du produit de TVA perçu pour la part des logements autorisés au-delà de cette moyenne. Il ne s’agirait pour l’État que d’une baisse de recettes, qui permettrait de relancer la production de logements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Le coût de votre mesure n’est pas évalué.
M. Inaki Echaniz (SOC). Ça ne coûte rien ! Ce sont des recettes en moins.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Par ailleurs, d’autres leviers fiscaux existent pour lutter contre la vacance de logements en zone tendue : taxe sur les logements vacants (TLV) ou majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS).
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF1247 de M. Stéphane Delautrette et I‑CF1451 de Mme Julie Laernoes
Mme Estelle Mercier (SOC). Une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), correspondant à 15 euros par habitant, serait attribuée aux collectivités territoriales ou à leurs groupements ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial (PCAET).
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Nos territoires manquent cruellement de moyens financiers pour mettre en œuvre ces plans, d’autant plus dans un contexte de cure budgétaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les plans climat-air-énergie territoriaux définissent des stratégies locales de lutte contre le changement climatique, en particulier des actions d’amélioration de l’efficacité énergétique. Ils sont obligatoires pour les EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants. Ce montant de 15 euros par habitant est considérable, dès lors qu’on le multiplie par les quelque 55 millions de personnes concernées. Étant donné l’état des finances publiques, je ne peux pas donner un avis favorable.
La commission rejette les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1251 de M. Stéphane Delautrette.
M. Matthias Renault (RN). Ce genre d’article me laisse assez sceptique. Il s’agit de la transposition d’une ordonnance très technique, à la suite de l’adoption de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) du 22 avril 2024. Son impact financier n’est pas chiffrable, en l’absence de données disponibles sur les opérations concernées. Il est toujours gênant de voter un article dont le contenu nous échappe.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Notre collègue a raison. À moins d’être un très grand spécialiste des questions de fusion, vous n’y comprendrez rien. Par ailleurs, intuitivement, cela m’étonnerait que cette transposition apporte des recettes supplémentaires. J’y suis tout de même favorable.
La commission rejette l’article 17 non modifié.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF716 de M. Corentin Le Fur et I-CF1211 de M. Nicolas Ray
Amendements identiques I-CF607 de Mme Véronique Louwagie, I-CF715 de M. Corentin Le Fur et I-CF1212 de M. Nicolas Ray
Mme Véronique Louwagie (DR). Il vise à supprimer toute ambiguïté dans l’accès au nouveau dispositif de fiscalisation partielle des réintégrations de sommes déduites au titre de l’épargne de précaution, en cas de survenance de risques listés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce que vous proposez inciterait les exploitants à réintégrer au maximum leur déduction pour épargne de précaution (DEP) lors des mauvaises années, sans lien avec leur besoin réel, pour profiter de l’exonération – soit 50 000 euros, soit l’intégralité de leur épargne. Cette gestion de court terme n’est pas compatible avec les objectifs de la DEP. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques I-CF627, I-CF717 et I-CF1213.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF718 de M. Corentin Le Fur et I-CF1214 de M. Nicolas Ray.
Amendement I-CF1215 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Il vise à améliorer le mécanisme de provision comptable pour soutenir l’élevage bovin, comme l’avait promis le Gouvernement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ne suis pas favorable aux deux premières mesures. Il est utile d’inciter les exploitants à signer des contrats sur la vente de leurs produits pour leur garantir une plus grande visibilité sur leurs débouchés et contribuer à une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. Ces contrats existent depuis 2010 et sont bien connus ; la loi n’est pas imprécise sur ce sujet. Aussi, le fait d’exonérer l’exploitant de reprendre la provision en cas de stabilité du cheptel est contraire à l’objectif de la provision, qui est de favoriser une recapitalisation du cheptel.
S’agissant de l’exonération de reprise en cas d’abattage sanitaire, l’idée me semble intéressante mais la rédaction est à préciser. Je vous propose de déposer un amendement portant sur ce sujet en séance.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF682 de M. Benoît Biteau.
Amendement I-CF1872 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il prévoit de rehausser de manière progressive l’exonération de TFPNB visant les terrains à usage agricole en portant son taux à 30 % au 1er janvier 2025, à 40 % au 1er janvier 2026 et enfin à 50 % au 1er janvier 2027. Si le terrain fait l’objet d’un bail, le bénéfice de l’exonération est partagé entre le propriétaire et l’exploitant en fonction de la fraction de taxe foncière mise à la charge de l’exploitant. Cette mesure doit permettre de rendre le portage du foncier agricole plus attractif et de réduire les impôts de production supportés par les exploitants agricoles.
Actuellement, les terrains à usage agricole bénéficient d’exonérations de TFPNB dont le taux varie selon leur localisation : ils en sont exonérés en totalité en Corse ; à hauteur de 80 % en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion ; à concurrence de 20 % dans le reste du territoire français. La hausse d’exonération à 30 % coûterait environ 50 millions d’euros. C’est pourquoi je vous propose un lissage sur trois ans pour atteindre 50 % en 2027.
La commission adopte l’amendement I-CF1872.
En conséquence, les autres amendements à l’article 18 tombent.
La commission adopte l’article 18 modifié.
Amendement I-CF608 de Mme Véronique Louwagie
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il ne me semble pas nécessaire de définir à l’article 151 septies la notion d’intégralité des parts. Bien qu’elle constitue un ajout dans ce dispositif, elle est déjà mentionnée à l’article 238 quindecies de cette façon. Le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) pourra éventuellement actualiser l’article 151 septies.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF859 de M. Philippe Lottiaux.
Amendement I-CF1856 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à étendre le dispositif portant à 600 000 euros le seuil au-delà duquel l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit est ramenée à 50 % – contre 75 % pour les montants inférieurs – lors de la transmission de biens ruraux donnés à bail à long terme, de biens donnés à bail cessible en dehors du cadre familial et des parts de groupements fonciers agricoles (GFA) correspondant à de tels biens.
De la sorte, cette hausse du seuil sera applicable à toutes les transmissions et non seulement à celles effectuées pour des baux conclus au profit d’un jeune agriculteur.
M. François Jolivet (HOR). Je n’avais pas bien compris le texte du Gouvernement, qui au fond encourage le vendeur à demander un prix plus élevé à un jeune agriculteur, puisque le seuil passe de 500 000 à 600 000 euros.
Vous proposez pour votre part d’étendre ce dispositif à tous les acheteurs. Qu’est-ce qui le justifie ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Actuellement, le taux d’exonération passe de 75 % à 50 % au-delà de 500 000 euros.
Je propose d’étendre l’augmentation à 600 000 euros de ce seuil à la transmission de biens ruraux donnés à bail à long terme, de biens donnés à bail cessible en dehors du cadre familial et des parts de GFA correspondant à de tels biens. Ce seuil sera applicable à toutes les transmissions et non plus aux seules transmissions au profit des jeunes agriculteurs. Est-ce plus clair ?
M. François Jolivet (HOR). Oui, mais cela veut donc dire que n’importe qui pourra se porter acquéreur et que les jeunes agriculteurs ne seront plus prioritaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. S’il s’agit d’un jeune agriculteur, les terres sont louées dans le cadre d’un bail à long terme, soit au moins quinze ans.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le texte comporte deux seuils, dont l’un relève de l’article 238 quindecies du code général des impôts, qui exonère de plus‑values les cessions d’entreprise jusqu’à 600 000 euros.
La commission adopte l’amendement I-CF1856.
En conséquence, les amendements identiques I-CF226 de Mme Émilie Bonnivard, I‑CF235 de Mme Sylvie Bonnet, I-CF267 de Mme Virginie Duby‑Muller, I-CF392 de Mme Justine Gruet, I-CF443 de Mme Valérie Bazin‑Malgras, I-CF835 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF869 de Mme Josiane Corneloup et I-CF1778 de Mme Laure Miller tombent.
Amendements identiques I-CF610 de Mme Véronique Louwagie, I-CF720 de M. Corentin Le Fur et I-CF1432 de M. Benjamin Dirx, amendement I-CF1217 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
Mme Véronique Louwagie (DR). Mon amendement concerne la fiscalité de la transmission, notamment dans le cadre du pacte Dutreil.
Il s’agit d’améliorer les conditions de transmission à titre gratuit des exploitations agricoles familiales en alignant les règles fiscales applicables en cas de transmission des terres agricoles sur celles relatives à l’entreprise familiale. C’est un sujet très important.
M. Corentin Le Fur (DR). C’est en effet un enjeu majeur. Un nombre considérable d’exploitants agricoles vont partir à la retraite dans les cinq à dix ans qui viennent. Il faut absolument trouver des solutions pour faciliter la transmission des exploitations si l’on veut préserver notre agriculture et notre élevage.
M. Benjamin Dirx (EPR). Les agriculteurs et les viticulteurs ne peuvent plus transmettre certaines terres. Il est donc important de favoriser les transmissions et appliquant le même dispositif que celui du pacte Dutreil.
M. Nicolas Ray (DR). Une exonération autour de 75 % de la valeur du foncier – à condition bien sûr de rester propriétaire pendant au moins quinze ans – favoriserait la transmission aux jeunes agriculteurs et contribuerait à préserver notre modèle agricole de petites et moyennes exploitations.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les amendements identiques sont intéressants, mais ils vont un peu trop loin.
Le président de la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) m’a indiqué que le seuil de 600 000 euros couvre l’essentiel des transactions. Le dispositif Dutreil n’est pas plafonné, les amendements identiques aboutiraient à supprimer tout seuil. Ce n’est pas raisonnable car cela permettrait une exonération y compris pour une ferme de 500 hectares.
M. Benjamin Dirx (EPR). Je comprends votre argument mais, lorsqu’un agriculteur ne peut plus transmettre dans le cadre de la famille, son exploitation est achetée par des investisseurs étrangers ou par de grands industriels – que la gauche n’aime pas.
En Côte-d’Or, un domaine viticole de 1,3 hectare vient d’être acheté par Bernard Arnault pour plus de 15 millions.
Nous devons agir si nous voulons conserver notre modèle agricole et viticole.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Cet article propose de porter à 600 000 euros le plafond lors des transmissions en faveur des jeunes agriculteurs et nous venons d’adopter l’amendement du rapporteur général qui concerne les terres données à bail à long terme.
Avec l’extension du dispositif du pacte Dutreil les exonérations concerneraient le foncier mais également la transmission de bâtiments, de matériels agricoles et du cheptel. Je comprends ces amendements qui permettent d’égaliser la fiscalité des transmissions. Pourquoi serait-on moins bien traité fiscalement lorsque l’on transmet une entreprise agricole que lorsque l’on transmet une autre entreprise ?
M. Daniel Labaronne (EPR). L’amendement du rapporteur général que nous avons adopté précédemment permet déjà d’assurer la reprise d’une exploitation par un jeune agriculteur.
L’idée de ces amendements est séduisante, mais il faut prendre garde au risque de dérives : il serait possible de profiter de la transmission de l’actif professionnel pour inclure une maison d’hôte ou une chasse, par l’intermédiaire d’une société de type holding. On peut avoir affaire à des abus et je suis très inquiet du coût d’une telle mesure pour les finances publiques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous connaissons le même type de problèmes dans la Côte des Blancs, où l’hectare atteint 1,7 million d’euros. Lorsque les prix atteignent de tels niveaux, il faut monter une société pour entrer dans le cadre du dispositif Dutreil afin de maintenir le caractère familial de l’exploitation.
Il faut tout de même être raisonnable. L’exonération de 75 % jusqu’à 600 000 euros est déjà suffisante selon le président de la Fédération nationale des Safer. Lorsque l’on a affaire à des cas très particuliers, il faut faire un montage Dutreil.
La commission adopte les amendements identiques I-CF610, I-CF720 et I‑CF1432.
En conséquence, l’amendement I-CF1217 de M. Nicolas Ray tombe.
La commission adopte l’article 19 modifié.
La commission adopte l’article 20 non modifié.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1054 de Mme Aurélie Trouvé.
Amendement I-CF262 de M. Jérôme Nury
Mme Véronique Louwagie (DR). Nous tenons beaucoup à cet amendement, très attendu par beaucoup d’exploitants agricoles en difficulté.
De nombreux agriculteurs doivent procéder à des abattages sanitaires imposés par l’État lorsque leur troupeau est malade. En contrepartie, ils reçoivent une indemnité qui représente un montant important. Mais celle-ci est soumise aux prélèvements fiscaux et sociaux, alors même qu’il faut investir dans un nouveau cheptel. Cela pose des difficultés aux éleveurs et c’est la raison pour laquelle nous proposons que cette indemnité ne soit pas imposable, à condition qu’elle soit utilisée pour reconstituer un troupeau.
M. Charles de Courson, rapporteur général. De manière générale, les indemnités versées aux entreprises à la suite d’un sinistre sont imposables, soit dans la catégorie des bénéfices d’exploitation, soit dans la catégorie des plus-values. Le fait que les indemnités versées à la suite d’un abattage sanitaire soient imposées n’est donc pas exceptionnel.
La loi de finances pour 2001 n’a d’ailleurs pas exonéré les indemnités versées pour les troupeaux abattus suite à la détection de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Son article 15 prévoyait un dispositif d’étalement des revenus exceptionnels sur sept ans.
Un dispositif similaire est toujours en vigueur avec l’article 75-0 A du code général des impôts. Il permet aux exploitants d’éviter un ressaut d’imposition l’année de perception des indemnités.
Avis défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Je soutiens ce très bon amendement.
Dans ma circonscription, un élevage a été touché par la tuberculose il y a moins d’un mois. L’éleveur va certes percevoir des indemnités, mais elles vont être fiscalisées alors qu’il est pris à la gorge par les difficultés financières.
La commission adopte l’amendement I-CF262.
Amendements identiques I-CF612 de Mme Véronique Louwagie, I-CF721 de M. Corentin Le Fur et I-CF1218 de M. Nicolas Ray
M. Corentin Le Fur (DR). La rédaction est légèrement différente de celle de l’amendement que nous venons d’adopter, mais l’esprit est le même : éviter la double peine pour les éleveurs qui ont dû faire abattre leur troupeau.
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement permet d’étaler sur plusieurs années le paiement des impôts dus au titre de l’indemnité perçue par les éleveurs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Demande de retrait car l’amendement I-CF262 qui a été adopté est plus favorable.
L’étalement du paiement de l’impôt est déjà possible et il peut atteindre sept ans.
Les amendements sont retirés.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1827 de M. Emmanuel Mandon et I-CF1056 de Mme Marianne Maximi.
Amendements identiques I-CF722 de M. Corentin Le Fur et I-CF1219 de M. Nicolas Ray, amendement I-CF1826 de Mme Sophie Mette (discussion commune)
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à garantir la reconduction du crédit d’impôt remplacement, qui a permis aux agriculteurs et aux éleveurs de recourir au remplacement pour congés.
C’est une avancée salutaire pour leurs conditions de vie.
Mme Sophie Mette (Dem). Il convient de garantir la reconduction du crédit d’impôt remplacement jusqu’au 31 décembre 2027.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Notre commission a toujours considéré qu’il n’était pas de bonne politique de pérenniser des dispositifs ad vitam æternam. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable aux deux amendements identiques.
En revanche je suis favorable à l’amendement I-CF1826, qui proroge le dispositif pour trois ans.
La commission rejette les amendements identiques.
Elle adopte l’amendement I-CF1826.
Amendements I-CF808, I-CF811 et I-CF1021 de M. Guillaume Garot
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Cet amendement vise à renforcer le crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour congé de certains exploitants agricoles en augmentant le taux de 50 % à 70 % et étendant de dix-sept à vingt-et-un le nombre de jours de congés pouvant bénéficier de ce crédit d’impôt.
L’amendement I-CF811, qui suit, prévoit seulement d’étendre le nombre de jours.
Quant à l’amendement I-CF1021, il vise à réparer une injustice en accordant le bénéfice du crédit d’impôt lorsque les salariés vont suivre une formation, et non plus seulement lorsqu’ils prennent des congés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable pour ces trois amendements.
La loi de finances pour 2024 a porté le taux de ce crédit d’impôt à 60 % et le nombre de jours éligibles à dix-sept. Attendons de voir les effets produits par cette réforme avant de modifier de nouveau ces deux paramètres.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF423 de Mme Marie Pochon
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’agriculture biologique concilie production alimentaire et respect des écosystèmes. Dans un rapport de 2022, la Cour des comptes indiquait que le développement de cette agriculture est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale et d’entraîner les exploitations agricoles dites conventionnelles vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
Alors que la filière bio subit une crise importante et que l’on constate malheureusement des risques de retour de certains producteurs vers un mode de production conventionnelle, notre groupe propose de renforcer et de prolonger le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique jusqu’en 2027 – ce qui correspond à la programmation de la politique agricole commune (PAC).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le coût de ce crédit d’impôt, qui s’élevait à 24 millions en 2015, devrait atteindre 140 millions cette année.
Il expirera en 2025 et nous avons donc le temps d’évaluer son utilité avant de le proroger, le cas échéant.
La Cour des comptes a souligné en 2022 l’enjeu stratégique de la rétribution des services rendus par l’agriculture bio ainsi que la nécessité de prévenir un mouvement de déconversion.
En outre, votre amendement renchérirait de 30 millions le coût du dispositif.
Demande de retrait.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous avons pourtant prolongé d’autres crédits d’impôts, notamment le crédit d’impôt innovation (CII) jusqu’en 2027. Il est dommage de ne pas faire de même pour le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique jusqu’à la même date – d’autant que ce dernier est beaucoup moins coûteux que le CII.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les dispositifs qui ont été prolongés expiraient à la fin de l’année 2024. Le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique expirera à la fin de 2025 et nous aviserons l’an prochain.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF246 de Mme Virginie Duby-Muller et I‑CF1824 de M. Emmanuel Mandon
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous indiquez dans l’exposé sommaire qu’il n’existe pas d’incitation fiscale pour les agriculteurs à se regrouper en coopérative. Les coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) sont pourtant exonérées d’impôt sur les sociétés pour les opérations avec leurs associés coopérateurs.
La création d’un crédit d’impôt sur la mécanisation collective ne semble donc pas être la solution optimale.
Demande de retrait.
L’amendement I-CF1824 est retiré.
La commission rejette l’amendement I-CF246.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF268 de Mme Virginie Duby-Muller.
Amendements identiques I-CF529 de M. François Jolivet et I-CF623 de Mme Véronique Louwagie
M. François Jolivet (HOR). Cet amendement répond à une demande formulée par les Jeunes Agriculteurs lors des négociations avec le Gouvernement qui ont suivi la crise agricole de l’hiver dernier.
Dans bien des cas, la vente de terres agricoles peut être freinée par le souhait des propriétaires de disposer d’une rente, vue comme un revenu complémentaire. Il est donc proposé de développer le recours au viager, en abaissant les droits de mutation pratiqués sur ce type de vente à 0,7 %, contre 5,8 % aujourd’hui.
Le Gouvernement avait semble-t-il répondu positivement à cette demande, mais cette mesure ne figure pas dans le PLF.
Mme Véronique Louwagie (DR). De manière générale, nous aurions intérêt à réfléchir à la manière de favoriser le recours au viager. Grâce au bouquet et à la rente, ce mécanisme permet aux personnes de rester propriétaires de leur bien tout en leur apportant des revenus complémentaires. D’où la réduction des droits de mutation proposée par cet amendement, afin de rendre le dispositif plus attractif.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Qui va payer la note de la baisse des droits de mutation ? Les départements et les communes, qui subiront une perte de recettes.
En outre, l’exposé sommaire évoque les terres agricoles mais le dispositif n’est pas limité : la seule notion d’immeuble rural ne suffit pas pour cibler exclusivement les agriculteurs. Cela risque d’entraîner une forte baisse des droits de mutation. Est-ce justifié ?
Il faudrait revoir la rédaction pour limiter le dispositif aux seules terres agricoles.
Demande de retrait.
Les amendements sont retirés.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF960.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF530 de M. François Jolivet.
Amendement I-CF533 de Mme Julie Ozenne
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement vise à taxer les engrais azotés, qui sont responsables de 80 % des émissions nationales de protoxyde d’azote.
Il propose d’harmoniser la fiscalité sur les produits bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché en appliquant aux engrais azotés de synthèse la taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises qui mettent sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il faut privilégier une démarche concertée avec les parties prenantes plutôt que de sanctionner.
Une trajectoire annuelle de réduction des émissions d’ammoniac du secteur agricole figure dans l’article 268 de la loi « climat et résilience ». De plus, un plan national de réduction des polluants atmosphériques, issu d’une concertation avec toutes les parties prenantes, a été publié en 2022 afin d’accompagner la profession dans l’évolution de ses pratiques.
Ce plan est assorti d’un engagement, inscrit dans la loi : si les objectifs ne sont pas atteints pendant deux années consécutives, une redevance pourra être mise en place sur l’usage des engrais azotés minéraux. Il faut attendre les résultats des deux premières années.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF578 de M. Jean-Victor Castor
M. Nicolas Sansu (GDR). La Guyane est un territoire unique au sein de la République. Sa surface équivaut à celle du Portugal, mais 0,5 % seulement est consacré à l’agriculture – ce qui est loin de permettre l’autosuffisance alimentaire.
L’accord de Guyane signé en 2017 prévoyait la cession gratuite de terres par l’État à la collectivité territoriale et à la Safer.
Cet amendement a pour objectif de permettre à la Guyane d’atteindre 75 000 hectares de surface agricole utile d’ici à 2030 pour assurer sa sécurité alimentaire. En effet, l’État possède 90 % des 8,4 millions d’hectares de la Guyane et deux jeunes sur trois abandonnent leur projet en sortant du lycée agricole faute de foncier disponible.
Résultat : tous les produits consommés en Guyane sont importés, avec des conséquences sociales importantes – vie chère, paupérisation extrême et développement des activités économiques parallèles.
Pour atteindre l’objectif fixé par le schéma d’aménagement régional de la Guyane à l’horizon 2030, il conviendrait de transférer entre 125 000 et 150 000 hectares à la Safer. Tel est l’objet de cet amendement, qui prévoit ce transfert en l’étalant sur dix ans.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La question de la cession à la collectivité territoriale de Guyane de terres qui sont la propriété de l’État est importante.
Pour autant, je ne suis pas certain qu’une modification de la loi soit le bon outil : L’accord de Guyane de 2017 prévoyait le transfert de 20 000 hectares à la Safer et le financement de la moitié du budget de cette dernière par l’État. En 2022, près de 6 000 hectares avaient déjà été transférés. Ces transferts prennent du temps et dépendent beaucoup des travaux menés par la Safer avec les services de l’État.
Je ne suis pas convaincu que le fait d’adopter cet amendement accélère les choses. Je vous propose d’en parler avec le ministre en séance.
Demande de retrait.
M. Nicolas Sansu (GDR). Jean-Victor Castor et Davy Rimane ont déjà eu l’occasion d’en parler au ministre de l’agriculture et aux autres ministres concernés. À un moment donné, il faut signaler quelles sont les priorités et cet amendement en est une pour la Guyane.
M. le président Éric Coquerel. M. Castor m’a indiqué qu’il considérait cet amendement comme un élément décisif pour la question agricole en Guyane. C’est une affaire sérieuse et cela fait deux ans qu’il essaie de faire avancer les choses.
M. Matthias Renault (RN). La détention du foncier par l’État en Guyane constitue un problème très important, mais nous ne sommes pas capables d’évaluer les conséquences du transfert de ces terres à la Safer. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre cet amendement.
La commission adopte l’amendement I-CF578.
Amendement I-CF657 de M. Benoît Biteau
Mme Eva Sas (EcoS). L’amendement propose de proroger pour 2024 le crédit d’impôt qui permet d’accompagner les entreprises agricoles qui renoncent à utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active du glyphosate.
En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé le glyphosate comme « cancérogène probable ». Il a estimé qu’il y avait des preuves suffisantes de sa génotoxicité, tant pour la substance active pure que pour ses formulations. Ses conclusions s’appuient sur plus de 1 000 études indépendantes, exemptes de conflit d’intérêts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement créerait seulement un effet d’aubaine : en effet, il ne porte que sur l’année 2024 et bénéficierait donc aux exploitants qui sont sortis du glyphosate, sans encourager de nouvelles transitions.
Beaucoup d’autres outils ont été mis en place, comme le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique ou le crédit d’impôt pour les exploitations certifiées de haute valeur environnementale (HVE), ce qui justifie que le crédit d’impôt « sortie du glyphosate » ne soit pas reconduit. Le cumul de ces différents crédits et des aides à la conversion est de toute manière plafonné.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF982 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1220 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à reconduire le crédit d’impôt pour les exploitations certifiées HVE. Ce dernier vise à compenser les coûts induits par les procédures de certification environnementale et à inciter les agriculteurs à s’inscrire dans cette démarche. Compte tenu de la crise agricole du début de l’année, il serait malvenu de ne pas le reconduire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF982 propose de supprimer le crédit d’impôt HVE. Ce crédit de 2 500 euros a montré son efficacité, avec 18 000 bénéficiaires pour un coût modeste de 40 millions.
La réforme du cahier des charges de la certification HVE en 2023 a également renforcé les exigences pour bénéficier de cette dernière.
Le rapport d’évaluation rendu au Parlement l’an passé soulignait que le crédit d’impôt couvrait une partie des coûts de certification et avait permis d’augmenter le nombre d’exploitations certifiées – on en compte 36 000, soit 30 000 de plus qu’en 2019.
Avis défavorable.
Avis favorable à l’amendement I-CF1220.
La commission rejette l’amendement I-CF982.
Elle adopte l’amendement I-CF1220.
Amendement I-CF1898 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Lors de l’examen du PLF pour 2024, le Sénat a adopté un amendement réaffectant 100 millions du produit de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance aux communes, à leurs EPCI et aux départements.
Le Gouvernement avait accepté cette modification lorsqu’il a utilisé l’article 49.3 à l’Assemblée. Aussi doit-il assumer ses responsabilités : refuser de publier des décrets d’application de la loi n’est pas acceptable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1235 de M. Peio Dufau
Amendement I-CF1859 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement supprime l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transformer en impositions de toute nature les redevances qui rémunèrent les services rendus par la direction générale de l’aviation civile (DGAC) en matière de surveillance et de certification.
Il s’agit pourtant bien de rémunérations pour services rendus, puisqu’elles sont liées à des activités aériennes.
En outre, si on les intègre dans la catégorie des impositions de toute nature, il faudra les actualiser chaque année à l’occasion du PLF. Ce n’est pas raisonnable.
La commission adopte l’amendement I-CF1859.
La commission rejette l’article 21.
La commission adopte l’article 22 non modifié.
La commission adopte l’article 23 non modifié.
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Réunion du samedi 19 octobre 2024 à 9 heures (article 24 à après l’article 32)
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Amendement de suppression I-CF1305 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). La réintégration des amortissements dans le calcul de la plus-value des locations meublées à titre non professionnel sera totalement contre-productive : alors que le secteur du logement a désespérément besoin d’une relance, elle contribuera à créer les conditions d’une fiscalité confiscatoire sur l’investissement locatif de longue durée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 24 permet de corriger une anomalie fiscale majeure dénoncée ces dernières années par l’Inspection générale des finances (IGF), par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) et par notre collègue Annaïg Le Meur à l’issue de la mission que lui a confiée le Gouvernement. Il est normal que les amortissements censés traduire la dépréciation du bien soient pris en compte au moment du calcul de la plus-value. En effet, le régime de la location meublée non professionnelle (LMNP) offre un double avantage fiscal dans le traitement des amortissements, lequel ne bénéficie ni aux propriétaires de logements loués vides ni aux loueurs de logements meublés exerçant à titre professionnel. Il n’y a pas de risque de grippage du marché immobilier, car le régime LMNP ne représente que 13 % du marché locatif et demeure très avantageux. L’article 24 rééquilibre la fiscalité pour encourager plutôt la location de logements vides – de long terme, donc.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF902 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Nous vous proposons de distinguer les locations de courte durée de celles de longue durée et de conserver, pour celles-ci, les avantages du statut LMNP. On trouve notamment dans cette catégorie les résidences pour étudiants et seniors.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Les dispositions de l’article 24 doivent s’appliquer à l’ensemble du régime LMNP.
M. David Amiel (EPR). Il est important d’adopter cet amendement car, si l’exposé des motifs vise les meublés de tourisme, l’article en lui-même concerne l’ensemble des locations meublées non professionnelles. En l’état, il risquerait de mettre à l’arrêt la commercialisation des résidences pour étudiants et seniors, alors que nous traversons une crise aiguë du logement.
La commission adopte l’amendement I-CF902.
Amendements identiques I-CF618 de M. Laurent Panifous et I-CF1014 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit de limiter les dispositions de l’article 24 aux locations meublées n’excédant pas trente nuitées.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable pour les mêmes raisons qu’évoquées précédemment.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1601 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Cet amendement du groupe Droite républicaine vise à sécuriser l’équilibre financier des investissements réalisés en LMNP avant le 1er octobre 2024 en les excluant du nouveau dispositif. Il s’agit de ne pas mettre en difficulté les investisseurs déjà engagés et de ne pas modifier les règles en cours de jeu.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Les dispositions de l’article 24 devraient contribuer dès l’an prochain à un rééquilibrage du régime fiscal de la location de meublés avec celui de la location de logements vides dont ont besoin nos concitoyens. D’après le Gouvernement, elles auront un rendement de 200 millions d’euros dès 2025.
Mme Véronique Louwagie (DR). En l’état actuel, ces dispositions ne vont pas accroître le nombre de logements sur le marché mais au contraire dissuader les propriétaires sous statut LMNP de céder leurs biens. C’est la raison pour laquelle je propose de distinguer le stock du flux de logements.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous avons bien fait d’adopter l’amendement visant à exclure de l’article 24 les résidences pour étudiants et seniors. Mais l’adoption de celui-ci irait à l’encontre de l’objectif du Gouvernement, qui vise à augmenter le nombre de locations de longue durée.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 24 modifié.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF528 de M. François Jolivet.
Amendements I-CF523 de M. Hendrik Davi, I-CF280 et I-CF279 de M. Inaki Echaniz, I-CF1059 de Mme Marianne Maximi, I-CF1226 de M. Nicolas Ray, I-CF166 de M. Paul Molac, I-CF1617, I-CF281, I-CF554 et I-CF1618 de M. Inaki Echaniz, I-CF1058 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1893 de M. Charles de Courson (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous proposons de sortir les locations meublées du régime fiscal des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Les bénéfices réalisés dans ce cadre seraient désormais imposés selon le régime foncier réel et microfoncier. Pour attirer les loueurs vers ce régime, le plafond du revenu brut annuel serait relevé à 30 000 euros et l’abattement porté à 40 %. Seules les locations de longue durée doivent être encouragées, la multiplication des meublés touristiques rendant difficile l’accès au logement.
M. Inaki Echaniz (SOC). Notre groupe propose de prolonger le travail transpartisan mené sur la fiscalité du logement et de mettre en œuvre une mesure issue du rapport d’Annaïg Le Meur. Il s’agit, pour favoriser la location de longue durée, de porter à 50 % l’abattement fiscal. Cette mesure ne coûterait rien à l’État car elle serait compensée par la réduction de l’abattement dont bénéficient les propriétaires de meublés de tourisme. Pour les meublés non classés, nous proposons en effet d’abaisser l’abattement à 30 %, de même que pour les meublés classés ordinaires – avec un bonus pour les gîtes ruraux, les meublés situés dans les stations de ski et les maisons d’hôtes. Ces mesures figurent à l’article 3 de la proposition de loi (PPL) visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, pour laquelle une commission mixte paritaire (CMP) est convoquée le 28 octobre prochain. Par sécurité, nous souhaitons néanmoins qu’elles soient aussi inscrites dans le projet de loi de finances (PLF).
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement que je propose vise à corriger une erreur de procédure survenue au Sénat, relative à l’imposition des meublés classés.
S’agissant des autres amendements de la discussion, je ne suis pas favorable à l’exclusion des locations meublées du régime BIC mais plutôt à l’alignement progressif des deux régimes ; c’est ce que prévoit l’article 24. Quant aux niveaux de l’abattement, il est cohérent avec le coût moyen des charges. En le portant à 40 % ou à 50 %, on en fait un avantage fiscal qui pourrait coûter jusqu’à 500 millions d’euros à l’État.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF523 et adopte l’amendement I-CF279.
En conséquence, l’amendement I-CF280 tombe.
Elle rejette successivement les amendements I-CF1059, I-CF1226 et I‑CF166.
Elle adopte l’amendement I-CF1617.
En conséquence, les amendements I-CF281, I-CF554, I‑CF1618, I-CF1058 et I‑CF1893 tombent.
Amendements I-CF1619 et I-CF317 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Le rapport d’Annaïg Le Meur montre que, grâce à la déduction des amortissements, 68 % des propriétaires de meublés de tourisme au régime réel ne payent pas d’impôts sur leurs revenus locatifs : c’est une niche fiscale particulièrement avantageuse, qu’il convient d’interroger !
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Restons cohérents avec nos votes précédents.
M. Inaki Echaniz (SOC). L’article 24 va corriger la possibilité d’amortir deux fois un bien, pendant sa détention et au moment de sa cession ; c’est très bien. Mais il se trouve que les propriétaires de meublés de tourisme peuvent amortir leurs charges et, ainsi, ne pas payer d’impôt sur leurs revenus locatifs.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le dispositif que vous proposez de remettre en cause relève du droit commun. Les amortissements d’une entreprise sont une charge déductible des bénéfices réels, comme l’ensemble des charges. Or la location meublée est une activité commerciale. Une telle exception créerait un précédent ; elle n’est pas acceptable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans la mesure où la location meublée relève du régime BIC, il est cohérent de maintenir la faculté de déduire les amortissements. Une diminution importante de la rentabilité du régime LMNP risque de détourner les propriétaires du foncier et de les pousser vers d’autres types d’investissements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF412 de Mme Béatrice Piron
Mme Béatrice Piron (HOR). Cet amendement vise à rétablir de façon temporaire, pour l’année 2025, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt relatifs à l’acquisition ou à la construction de l’habitation principale. Cette mesure instaurée par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (loi Tepa) de 2007 avait permis à de nombreux ménages de devenir propriétaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. « Ce crédit d’impôt n’est pas pris en compte par les banques dans le calcul de solvabilité de leurs clients. […] On dépense 3 milliards d’euros sans que les banquiers intègrent cet élément. » Voilà le bilan que le secrétaire d’État au logement Benoist Apparu tira en 2010 de cette mesure qui fut supprimée l’année suivante. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF615 de M. Laurent Panifous, amendements identiques I‑CF46 de M. François Jolivet, I-CF414 de Mme Béatrice Piron, I-CF620 de M. Laurent Panifous et I‑CF1018 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune)
M. François Jolivet (HOR). La niche fiscale Pinel doit disparaître le 31 décembre 2024. Nous proposons que puissent en bénéficier les signataires de contrats de réservation – et non pas seulement d’actes d’acquisition – signés avant cette date. Pour le secteur de la promotion immobilière, il serait préférable que le dispositif s’arrête progressivement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Le Pinel n’est pas la solution ; tous les acteurs ont d’ailleurs anticipé sa disparition progressive. Ne le réinventons pas.
M. François Jolivet (HOR). Il s’agit simplement de débloquer des opérations de promotion dont on estime le nombre à 2 500, et qui pourraient aboutir à la construction de 8 000 logements.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je soutiens cet amendement qui ne prolongerait le dispositif que de trois mois, pour des contrats déjà signés.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne comprends pas la nécessité d’une telle mesure alors que les opérateurs ont tous pris en compte la fin du Pinel, dont ils ont été informés il y a plus de deux ans.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF817 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement, travaillé avec la Fondation Abbé Pierre et la Fédération des acteurs de la solidarité, vise à prolonger le dispositif Loc’Avantages jusqu’à 2030 et à transformer l’avantage fiscal en crédit d’impôt. C’est essentiel pour garantir l’accès au logement très social, notamment au cœur des agglomérations.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Le dispositif, qui arrive à échéance le 31 décembre, a coûté 5 millions d’euros et bénéficié à 1 825 ménages. La réduction d’impôt est calculée en fonction du montant du loyer : plus celui-ci est bas, plus elle est élevée. Cela permet déjà des réductions de loyers substantielles dans le parc locatif privé.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il me semble important, justement, de prolonger ce dispositif qui répond à une véritable urgence. Il y avait encore 2 000 enfants à la rue à la rentrée ! Il faut tout faire pour le « logement d’abord ». Nous proposons d’aider les propriétaires de logements vacants à les mettre en location à des loyers très sociaux en transformant la réduction d’impôt – qui ne bénéficie pas à ceux qui ont les plus faibles revenus – en crédit d’impôt. Ce dispositif n’a été jugé ni inutile, ni inefficace !
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1060 de M. Éric Ciotti, I-CF1063 de M. François Piquemal, I‑CF331 de M. Inaki Echaniz et I-CF1065 de Mme Mathilde Feld (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement transpartisan vise à prolonger la progressivité de la taxe sur les logements vacants (TLV) au-delà de la deuxième année, en fonction de la durée de la vacance. La mobilisation des logements vacants est en effet l’un des multiples leviers à actionner pour préserver les sols de l’artificialisation tout en répondant de manière juste et efficace à la crise du logement.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il y a en France 3 millions de logements vacants, alors que 4 millions de personnes sont mal logées ou à la rue. Qu’attend-on pour agir ? En attendant la réquisition des logements vacants, nous vous proposons une solution de compromis : imposer plus lourdement les multipropriétaires qui accumulent les logements en vacance à des fins de pure spéculation. Cette mesure, qui ne concernera qu’un multipropriétaire sur dix et potentiellement 2 millions de logements vacants, bénéficiera à l’ensemble des Français : avec des logements plus nombreux sur le marché, il s’exercera une pression à la baisse sur le montant des loyers.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1060, qui vise à abroger la TLV, n’est pas raisonnable : il entraînerait une perte sèche de 200 millions d’euros pour l’État et nous priverait d’un outil utile dans la lutte contre la vacance abusive. Quant aux augmentations proposées par les autres amendements, elles me semblent excessives. Je vous rappelle que nous avons adopté hier un amendement prévoyant la généralisation de la TLV à toutes les communes de la France. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.
M. Inaki Echaniz (SOC). Ce qui est excessif, c’est le nombre de logements vacants ! Le dispositif actuel n’est pas assez dissuasif. Il est vrai que nous prévoyons un niveau très important de taxation, mais au bout de la quatorzième année de vacance ! Les logements concernés tombent en désuétude. Après tout ce temps, un propriétaire qui ne souhaite pas être taxé n’aura qu’à vendre son bien ou le mettre en location.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques I-CF1066 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1293 de Mme Danielle Simonnet
Mme Danielle Simonnet (EcoS). La région parisienne est touchée par la spéculation immobilière, comme d’autres agglomérations. Or la loi instaurant l’encadrement des loyers n’est pas toujours respectée. À Paris, pas moins de 36 % des bailleurs sont hors la loi. Au prétexte d’un complément de loyer, ils imposent en moyenne un surcoût de 2 000 euros à leurs locataires. Nous proposons d’instaurer, dans les zones soumises à l’encadrement, une taxe sur les loyers excédant le loyer de référence.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On ne crée pas une taxe pour sanctionner une pratique illégale. Si l’administration a connaissance de propriétaires ne respectant pas la loi, elle doit les sanctionner. Les amendes de 5 000 à 15 000 euros prévues par les textes existants sont suffisantes.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Une pénalité de 5 000 euros est dérisoire car de nombreux propriétaires engrangent bien plus avec les augmentations illégales de loyer : payer l’amende leur revient moins cher. Un autre amendement que j’avais déposé en ce sens a été jugé irrecevable parce que je m’étais trompé en fléchant la recette, mais celui-ci est utile, car la politique de contrôle n’est pas assez dissuasive.
La commission rejette les amendements identiques.
Amendement I-CF1001 de Mme Estelle Youssouffa
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le montant du prêt à taux zéro (PTZ) et les conditions de son remboursement dépendent du coût de l’opération, de la composition du foyer, de ses ressources, de la localisation géographique du bien, du caractère neuf ou ancien du logement concerné. Le montant est égal à un pourcentage du coût total de l’opération, dans la limite d’un plafond.
On peut proposer d’étendre le PTZ dans le neuf à tout le territoire : le département de Mayotte, qui n’est pas en zone tendue, pourra donc bénéficier du PTZ dans le neuf comme dans l’ancien, mais si on veut étendre la portée du dispositif dans un territoire, mieux vaut agir sur la quotité de financement pris en charge ou le plafond de l’opération, qui pourraient bénéficier aux personnes aux revenus modestes, alors que la suppression du plafond de ressources bénéficierait à des personnes ayant davantage de moyens pour se loger. La mesure proposée est donc inadaptée. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1599 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1208 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
M. Nicolas Ray (DR). Ces amendements visent à rétablir le dispositif du prêt à taux zéro tel qu’il avait cours avant son recentrage sur les habitations collectives dans la loi de finances pour 2024. Afin de répondre à la crise du logement, marquée par un effondrement de la construction et les grandes difficultés qu’éprouvent nos concitoyens pour se loger, ils tendent à élargir l’application du PTZ à l’ensemble du territoire. En effet, un grand nombre de communes, notamment rurales, sont exclues du dispositif actuel. L’adoption de cette mesure serait un signal important. En outre, le prêt à taux zéro assure des ressources à l’État – entre 25 000 et 30 000 euros pour chaque logement neuf financé.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable au retour au dispositif antérieur à 2024, mais celui-ci doit être borné dans le temps. Je vous invite donc à retirer ces amendements au profit de mon amendement I-CF1891, borné à 2027.
M. Inaki Echaniz (SOC). L’adoption de cet amendement ferait tomber mon amendement I-CF556, qui propose un dispositif similaire, mais amélioré et soutenu par la Fédération française du bâtiment. Il tend en effet à étendre le PTZ à toutes les zones, notamment dans le neuf mais, à la place de l’exonération de donation proposée par M. Jolivet, nous proposons de rendre le PTZ accessible à tous les primo-accédants dans le neuf sans limitation de revenus. Ce dispositif est borné à deux ans afin de donner un coup de fouet à l’accession à la propriété et à la construction du neuf pendant ce délai. Pour ce qui concerne l’ancien, nous conservons le même dispositif, mais avec le barème de revenus habituel.
M. le président Éric Coquerel. Vous appelez donc à ne pas voter pour les amendements en discussion, mais pour le vôtre.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il n’est pas raisonnable de supprimer la condition de ressources. Avis défavorable à tous ces amendements. Ralliez-vous plutôt à mon amendement I-CF1891, raisonnable et borné dans le temps.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle rejette l’amendement I-CF556 de M. Inaki Echaniz.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1017 de Mme Véronique Louwagie.
Amendement I-CF1788 de M. Daniel Labaronne
M. Daniel Labaronne (EPR). Afin d’accélérer le développement des BRS, les baux réels solidaires, cet amendement vise à en élargir le champ des bénéficiaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis plutôt favorable, ou de sagesse. Il s’agit en effet d’une amélioration du BRS, dont les conditions de ressources sont maintenues et raisonnablement relevées.
M. Inaki Echaniz (SOC). C’est un bon amendement, que je soutiendrai. Je regrette toutefois, monsieur le rapporteur général, que vous n’ayez pas émis d’avis favorable sur les amendements déposés hier à propos du BRS.
M. le président Éric Coquerel. En votant tout à l’heure pour votre amendement, monsieur Echaniz, je n’avais pas vu qu’il ne prévoyait pas de condition de ressources. Celui de M. Labaronne en fixe une.
Le BRS n’est pas un mauvais système, toutefois je conteste le fait que, pour les villes, il soit intégré au quota de logement social – mais c’est un autre problème.
La commission adopte l’amendement I-CF1788.
Amendement I-CF1891 de M. Charles de Courson, faisant l’objet du sous‑amendement I-CF1906 de M. Jean-Pierre Bataille, amendements identiques I-CF271 de M. Stéphane Peu et I-CF1363 de M. François Jolivet (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1891 est celui que j’annonçais tout à l’heure, identique à ceux de nos collègues du groupe DR, mais borné dans le temps.
M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement I-CF271 vise à un dézonage généralisé du PTZ, qui s’appliquerait ainsi à l’ensemble du territoire national, dans le neuf comme dans l’ancien, ce qui est particulièrement utile dans un contexte de taux d’intérêt nominaux plus élevés que par le passé.
M. François Jolivet (HOR). Ces amendements ont été discutés dans un cadre transpartisan et j’y suis favorable. Il faut être conscients que la mise en œuvre du PTZ commencera vraisemblablement à partir de mai 2025, car les interfaces bancaires ont besoin de trois à quatre mois pour se mettre en place.
Monsieur le rapporteur général, vous précisez dans l’exposé des motifs de votre amendement que ce dispositif sera ouvert aux maisons individuelles. Cela remet-il en question le dispositif qui s’appliquait au logement en maisons en bandes, avec quelques règles pour accompagner l’application de la loi ZAN – zéro artificialisation nette ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’invite notre commission à se rallier à mon amendement I-CF1871 et à ne pas voter les amendements identiques. Le mien, qui ne porte que sur le neuf, est plus raisonnable. Avis défavorable, par ailleurs, au sous-amendement, dont l’adoption rendrait mon amendement identique aux deux autres.
Le sous-amendement I-CF1906 est retiré.
M. Inaki Echaniz (SOC). Le volet logement du Conseil national de la refondation avait produit plusieurs idées allant dans le bon sens, dont Mme Borne n’a pourtant repris aucune, hormis le resserrement du PTZ et la suppression du dispositif Pinel. Depuis lors, nous dénonçons le resserrement du PTZ et nous constatons que l’ex-majorité, la droite et d’autres groupes rejoignent les positions du Parti socialiste et du Nouveau Front populaire (NFP) propos du PTZ. C’est donc aujourd’hui une victoire du bon sens pour la primo-accession au logement. Je vous invite donc à nous écouter plus souvent : cela nous évitera de perdre un an ou deux.
M. François Jolivet (HOR). J’invite à voter contre l’amendement du rapporteur général qui réduit l’application du PTZ au logement neuf, car c’est une attaque en règle contre la ruralité, contre l’augmentation du stock de logements, contre les DMTO, les droits de mutation à titre onéreux, et contre les départements. J’invite, en revanche, à voter pour les amendements identiques.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne me rallie absolument pas à l’amendement du Parti socialiste sur le PTZ, dispositif dont plusieurs études de l’Inspection générale des finances ont montré qu’il était très coûteux pour les finances publiques et que son efficacité était toute relative. Je pense en effet que le resserrement que nous avions décidé en 2024 était une bonne option. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous n’étions pas tout à fait d’accord sur ce point dans le rapport sur le financement du logement que j’ai eu le plaisir de corédiger avec Charles de Courson.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons cette disposition, qui figure dans le programme du Rassemblement national.
Toutefois, je ne comprends pas pourquoi, chaque année, le projet de loi de finances est transformé en projet de loi sur l’immobilier, de telle sorte que nous passions presque une journée entière sur des amendements très techniques dans ce domaine, où chacun défend sa position. Les questions sont intéressantes, mais les problèmes de politique de logement que nous rencontrons depuis tant d’années méritent une discussion à part entière. C’est comme si j’avais déposé à l’article 4 tous mes amendements sur le nucléaire ou sur l’énergie : nous y aurions passé deux jours, alors que cela ne relève pas spécialement de la discussion budgétaire.
Chacun de nos groupes dispose de niches parlementaires et nous pouvons travailler à des lois transpartisanes : nous pourrions concevoir une grande loi sur l’immobilier, pour laquelle chacun pourrait préparer ses arguments techniques. En revanche, nos discussions sur l’immobilier dans le projet de loi de finances doivent paraître très décalées à nos concitoyens, alors que d’importantes questions budgétaires restent à traiter. Cette remarque n’est une attaque contre personne, mais un conseil d’ordre général.
M. le président Éric Coquerel. Peut-être la situation du logement est-elle si dramatique que nous ne pouvons pas attendre une loi sur le logement qui ne vient pas.
M. Nicolas Ray (DR). Le groupe Droite républicaine soutiendra l’amendement de M. Jolivet. Il importe en effet de lutter contre la vacance de logements et les logements dégradés, en particulier dans les zones rurales, où ils sont nombreux. On observe partout en France un problème de logement et le coût de la rénovation est parfois aussi important que celui de la construction neuve. En outre, même si nous déplorons le ZAN, il nous faut être en cohérence avec cette règle qui limite la construction et il faut donc absolument élargir à l’ancien le dispositif du PTZ.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Je souscris aux propos de M. Tanguy sur le fait que nous passions beaucoup de temps sur le logement et que nous aurions dû avoir une loi ad hoc. Cependant, il y a urgence, car le niveau du logement est très bas.
Monsieur Labaronne, de nombreux rapports d’instituts économiques concluent à l’inefficience de cette niche fiscale qu’est le crédit d’impôt recherche, sur lequel nous avons eu hier une longue discussion, mais nous ne tenons pas compte pour autant de ces rapports.
Notre groupe soutiendra l’amendement de M. Jolivet, et non pas celui du rapporteur général, parce que chaque fois que nous faisons une différence entre l’urbain et le rural, nous enfonçons un coin dans la cohésion du territoire.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le groupe Les Démocrates soutiendra également l’amendement de M. Jolivet. Dans le PTZ, l’important n’est pas le taux zéro, mais le fait que ce prêt, souvent in fine, permet de constituer un apport personnel dans un schéma d’acquisition. C’est donc un très bon outil, qui permet de boucler des financements pour les primo-accédants. Nous ne devons pas faire de différence entre l’urbain et la ruralité.
M. le président Éric Coquerel. Personnellement, je voterai pour. Le PTZ pose toutefois un problème, car il ne fait pas baisser le prix de vente de l’immobilier. La situation de nombreux primo-accédants est dramatique, en raison du coût du crédit et des garanties qu’on leur demande, qui avantagent ceux qui disposent d’un apport personnel. Je suis par ailleurs sensible à la nécessité de ne pas traiter différemment la ruralité et les territoires urbains. Surtout, il est urgent qu’une grande loi sur le logement remette les choses à plat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On peut certes toujours étendre le champ de la mesure. Toutefois, le coût de mon amendement est déjà de 1 milliard d’euros à terme et l’extension du dispositif à l’ancien ajouterait à peu près autant. Je me suis centré sur le minimum, afin d’augmenter plus rapidement le nombre de logements aux normes.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF1891 et adopte les amendements identiques I-CF271 et I-CF1363.
Amendement I-CF1902 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à revenir sur l’interdiction posée par l’article 25 d’inscrire des droits ou bons de souscription ou d’attribution et des titres souscrits en exercice de ceux-ci sur un plan d’épargne en actions (PEA), un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises (PEA-PME), un plan d’épargne entreprise (PEE), un plan d’épargne interentreprises (PEI) et un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (Pereco).
L’objectif est de favoriser l’actionnariat salarié en permettant de cumuler le cadre fiscal avantageux des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) et la possibilité de bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue pour les gains générés sur les PEA et PEA-PME ouverts depuis plus de cinq ans, uniquement sur la partie patrimoniale du gain, afin d’éviter que le gain de nature salariale n’échappe à l’impôt.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1279 de M. Paul Midy
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, car les BSPCE bénéficient d’un régime fiscal favorable, avec application du PFU, le prélèvement fiscal unique, sur les gains dont une partie correspond à un gain salarial, ce qui est dérogatoire du droit commun. Une condition de présence dans l’entreprise de trois ans s’applique pour que le gain salarial bénéficie d’une imposition réduite à 12,8 %, au lieu de 30 %. Vous proposez de réduire ce délai à un an, or il est déjà dérogatoire d’appliquer le PFU à un revenu qui relève de la catégorie des salaires.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Si je comprends le but de l’amendement de correction du rapporteur général, je ne comprends pas celui que poursuit le Gouvernement dans cet article. En l’absence d’un ministre, et la majorité ne défendant visiblement pas ce budget, quelqu’un est-il capable de nous l’expliquer ? Je pourrais poser cette question sur de nombreux articles, mais celui-ci mérite particulièrement que nous nous la posions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le but du Gouvernement était de favoriser le développement de cette forme d’intéressement que sont en particulier les BSPCE. Je regrette néanmoins son refus de la possibilité d’inscrire ces produits dans le cadre d’un PEA. La question est complexe et l’amendement que j’avais déposé à cette fin a été rejeté.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1855 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination entre le code général des impôts et le code de commerce à propos des modalités d’émission des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise. Il correspond à une précision apportée par la direction de législation fiscale prévue initialement pour apparaître dans le dispositif.
La commission adopte l’amendement I-CF1855.
Amendement I-CF1280 de M. Paul Midy
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, car les BSPCE bénéficient déjà d’un régime fiscal favorable, avec application du PFU sur les gains dont une partie correspond à un gain salarial, ce qui est dérogatoire du droit commun. Des conditions s’appliquent par ailleurs pour les entreprises émettrices, qui doivent avoir moins de quinze ans, être non cotées ou avoir une capitalisation boursière de moins de 150 millions d’euros, et avoir un capital détenu pour 25 % au moins par des personnes physiques.
L’amendement propose de porter ce taux à 15 %, alors qu’il est déjà fixé avec souplesse, sans qu’il soit tenu compte des parts détenues par certaines structures comme les sociétés de capital-risque, les sociétés de développement régional, les sociétés financières d’innovation ou les fonds communs de placement à risque, les fonds communs de placement dans l’innovation et les fonds d’investissement de proximité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1278 de M. Paul Midy
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le régime a été conçu pour les jeunes entreprises afin de compenser leur faible surface financière. La durée de quinze ans me semble bien calibrée et il n’y a donc pas lieu de la modifier. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1281 de M. Paul Midy
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1513 de M. Gérault Verny
M. Gérault Verny (UDR). Cet amendement, qui vise à favoriser la transition écologique, l’actionnariat salarié et le progrès technique, a donc de quoi satisfaire l’ensemble de la commission.
Si un salarié peut souscrire des BSPCE sur une société, il ne peut aujourd’hui pas le faire pour la société contrôlante. Or, dans de nombreux secteurs, une société peut créer des filiales distinctes contrôlées par une même entité – c’est par exemple le cas d’une start-up qui, dans le domaine de l’aviation, séparerait ses activités de recherche et développement en créant deux filiales consacrées respectivement aux néocarburants et aux moteurs, toutes deux contrôlées par une même société. L’amendement tend à corriger cette anomalie en permettant de souscrire des BSPCE directement au niveau de la société contrôlante, à condition que les sociétés filles respectent les conditions applicables en la matière.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement tend à assouplir le régime actuel, qui est déjà très favorable. Mieux vaut en rester aux dispositions existantes.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 25 modifié.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement de suppression I-CF1403 de M. Gérault Verny.
Amendement I-CF541 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement vise à créer une véritable taxe sur les rachats d’actions, à un taux de 4 %, applicable aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions. Contrairement à la proposition du Gouvernement, cette taxe est directement assise sur la valeur d’acquisition des actions, c’est-à-dire la valeur de marché, et non pas sur leur valeur comptable, c’est‑à-dire la valeur à l’émission.
Les rachats d’actions, opérations par lesquelles les entreprises rachètent leurs propres actions sur le marché, ont considérablement augmenté en France et à l’international ces dernières années. En 2023, les sociétés cotées du CAC40 ont distribué plus de 97 milliards à leurs actionnaires, dont 30 milliards sous forme de rachats d’actions.
La taxe que propose le Gouvernement est très insuffisante, car elle repose sur la réduction de capital, et non sur les opérations de rachat. Elle porte donc sur la valeur nominale de l’action, et non sur sa valeur de marché. À titre d’exemple, la valeur nominale de l’action L’Oréal est de 20 centimes, alors que sa valeur de marché est de 372 euros. La taxation proposée par le Gouvernement n’est donc qu’une mesure de façade, une mesure cosmétique. L’amendement I-CF541 propose d’en fixer le taux à 4 %, et l’amendement de repli I-CF542 à 2 %. Nous ne pouvons pas faire moins que les États-Unis, qui taxent déjà les rachats d’actions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En droit américain, la taxe n’est pas assise sur la valeur nominale, mais sur la valeur de marché. Mme Sas soulève un vrai problème, car le Gouvernement a en effet opté pour une taxation selon la valeur nominale.
Nous examinerons prochainement un amendement que j’ai déposé en vue de demander un rapport à ce propos. Comme notre collègue, j’envisageais initialement d’asseoir la taxe sur la valeur de marché, mais évidemment avec un taux beaucoup plus faible, de l’ordre de 1 % comme aux États-Unis, or cela entrerait en contradiction avec la directive européenne « mères-filiales », car l’adoption de l’amendement conduirait à taxer des bénéfices déjà taxés entre les mains des filiales des groupes qui rachètent leurs actions.
Je propose donc le retrait de ces amendements au profit de celui par lequel je demande un rapport demandant au Gouvernement de trouver une solution technique pour retenir la valeur de marché plutôt que la valeur nominale. Pour ma part, je n’ai pas trouvé la solution.
M. le président Éric Coquerel. Je m’exprimerai en faveur de l’amendement. La taxation des rachats d’actions est un serpent de mer dont j’entends parler depuis deux ou trois ans. On nous l’avait annoncée dans le cadre des dialogues de Bercy voilà deux ans et, finalement, la mesure proposée ne changeait pas grand-chose. Vous demandez maintenant un rapport pour y voir clair, mais nous voyons clair : à la différence des dividendes, les rachats d’actions échappent à l’impôt. C’est en quelque sorte le pire du pire en matière de capitalisme financiarisé, car cela consiste, pour une entreprise, à spéculer elle-même sur ses actions pour produire un profit qui échappe à l’impôt. Le taux de 1 % que propose le Gouvernement est purement cosmétique par rapport à l’ampleur du problème. Emmanuel Macron avait employé à ce propos une expression plus que critique.
La proposition du Gouvernement rapportera 200 millions : il serait plus que raisonnable d’appliquer un taux de 4 % à la valeur d’acquisition et je soutiens donc fortement cet amendement.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je m’inscris en faux face à une telle analyse. Le capital des entreprises a été lourdement taxé et on va maintenant taxer la trésorerie qu’elles utilisent pour racheter des actions, alors que cette démarche profite aux salariés dans le cadre des plans d’épargne salariale. Ainsi, le rachat d’actions auquel a procédé Total a profité très largement à ses salariés. Enfin, les rachats d’actions sont très encadrés par l’AMF, l’Autorité des marchés financiers.
Ces programmes envoient sur les marchés un message indiquant que l’entreprise a des perspectives positives. Je vous mets donc en garde contre une accumulation de signes très défavorables qui pèseront très lourdement sur le capital et sur la trésorerie des entreprises. D’un point de vue macroéconomique, cette mesure sera délétère.
Mme Eva Sas (EcoS). Monsieur Labaronne, les opérations de rachat d’actions sont un usage improductif de bénéfices destiné non à investir dans l’entreprise ou développer l’emploi ou les salaires, mais uniquement à augmenter la valeur des actions pour l’actionnaire. Vous ne pouvez pas vous cacher derrière le développement de l’emploi ou l’investissement pour l’avenir. Le président Macron lui-même avait déclaré que ces opérations étaient néfastes pour l’économie réelle.
J’entends les arguments du rapporteur général, mais je demande quand même à voir, car si c’est possible aux États-Unis, ce doit pouvoir l’être aussi en France. Pour donner un signal, notre commission doit voter une véritable taxe sur les rachats d’actions. Le président de la commission s’est déclaré favorable à l’amendement I-CF542, qui propose une taxe à 2 %, ce qui me paraît très raisonnable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La véritable taxe sur les rachats d’actions que présentera tout à l’heure mon collègue Matthias Renault, à laquelle le Rassemblement national tient beaucoup et que Marine Le Pen avait longuement évoquée à l’occasion des élections de 2022, est la pire des spéculations, comme vous l’avez dit, monsieur le président.
Monsieur Labaronne, vous avez raison quant aux intentions initiales, mais cet instrument a été dévoyé par une certaine finance, comme d’autres instruments financiers l’ont été, conduisant nos économies au pire en 2008. Pis encore : en cas d’attaque spéculative ou de problème boursier, des milliards d’euros peuvent disparaître du jour au lendemain comme s’ils n’avaient jamais existé, au lieu d’être investis ou placés en trésorerie ou en épargne, ce qui est très différent.
Nous ne voterons pas l’amendement de Mme Sas – non que nous ne poursuivions pas le même objectif, mais parce que notre amendement est beaucoup plus dur que le sien. Nous voulons en effet récupérer 33 % de ces programmes de rachat, en vue d’éteindre cette pratique toxique pour l’économie.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je rappelle que notre commission avait adopté un amendement prévoyant une taxe de 1 %. J’entends le risque européen que vous évoquez. Toutefois je crains que, si nous demandons un rapport, la mesure ne soit pas opérante immédiatement.
Il existait d’autres pistes qu’une taxe, par exemple un droit d’enregistrement – j’ignore toutefois quel vecteur fiscal nous pourrions adopter. Je suis favorable à l’élaboration d’un rapport, afin d’éviter les effets de bord et le renouvellement de la mauvaise expérience que nous a valu la taxe de 3 % qui a été déclarée inconstitutionnelle.
M. Philippe Brun (SOC). Rappelons la réalité des chiffres : la France est championne d’Europe des rachats d’actions, en particulier pour les sociétés du CAC40, avec 33 milliards de rachats d’actions en 2023, particulièrement concentrés sur deux sociétés : TotalEnergies et BNP Paribas. Ces rachats ont pour seul but de manipuler le cours de Bourse afin de le faire augmenter artificiellement. C’est inacceptable, car c’est de l’argent qui ne va pas à l’investissement – autant le verser en dividendes, car c’est presque plus légitime !
La taxe sur les rachats d’actions bénéficie d’un large soutien dans notre commission. Elle doit être aussi opérante que possible, et c’est ce que permet l’amendement de Mme Sas.
Je rappelle en outre qu’avant 1998, les rachats d’actions étaient interdits en France, et que notre économie ne s’en portait pas plus mal. Taxer les rachats d’actions est sain pour la finance en particulier et pour l’économie en général.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Les rachats d’actions vont encore plus loin que les dividendes en termes de capitalisme financiarisé. De fait, si les dividendes ne produisent pas de valeur, n’aident pas les entreprises et n’ont pas d’autre effet que d’engraisser toujours les mêmes, les rachats d’actions ont le même effet, voire pire. Il est donc temps de les taxer, car les revenus du capital le sont très peu. Nous avons déposé un amendement, qui sera examiné plus tard, proposant une taxation à 3 %, et je soutiens celui de Mme Sas, car nous souhaitons que cette taxe soit adoptée. Une partie monstrueuse des dividendes passe en rachat d’actions – 30 milliards en 2023 et 25 milliards l’année précédente. Tout le monde est conscient de ce problème, jusqu’à Thomas Cazenave, qui est loin d’être communiste et qui se disait prêt à travailler à mieux encadrer les rachats d’actions. Si des gens comme lui sont conscients de ce problème, c’est qu’il est particulièrement important et que nous devons pouvoir aller assez loin dans ce domaine.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’observe qu’une taxation sur la valeur de marché des actions plutôt que sur leur valeur faciale rencontre des obstacles juridiques. Ne faudrait-il donc pas revenir sur la réforme de 1966 ? Avant cette date, il était interdit à une entreprise de racheter ses actions. Après des modifications progressives, le législateur a fini par complètement libéraliser le code de commerce en la matière en 1998.
L’an dernier, aux États-Unis, les entreprises ont racheté leurs actions pour l’équivalent de 850 milliards d’euros. C’est colossal. En France, le montant des rachats d’actions n’a été que de 33 milliards d’euros ; or l’assiette de la taxation sur la valeur faciale des actions retenue par le Gouvernement n’est que de 2,5 milliards. C’est un écart considérable, d’un coefficient supérieur à 12, car, pour certaines entreprises, l’écart entre la valeur faciale d’une action et sa valeur de marché est de 1 à 3 000.
Pour compenser cette base extrêmement faible, le Gouvernement a choisi un taux de taxation élevé, 8 %, et a inclus les primes d’émission dans l’assiette. Toutefois, le produit attendu de la taxe reste epsilonesque, de 200 millions d’euros.
Nous sommes coincés juridiquement. L’arme atomique serait de revenir sur la libéralisation du droit engagée dans les années 1990. J’ai donc déposé un amendement afin que cette piste soit étudiée, parmi d’autres. Je ne demande pas pour autant la suppression du présent article.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF542 de Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement de repli prévoit une taxe sur la valeur faciale des actions rachetées d’un taux très raisonnable, 2 %.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1673, I-CF1458, I-CF1460 et I-CF1457 de M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault (RN). Alors que notre contre-budget prévoit de nombreuses et puissantes baisses d’impôts, cette commission multiplie les taxes de manière déraisonnable.
Quelques taxes, rares, sont certes vertueuses, comme celle sur le rachat d’actions, phénomène qui n’a aucune justification économique même pour un esprit libéral, et qu’il faut bien distinguer des plans d’épargne en actions destinés aux salariés. En 2023, le montant des rachats d’actions s’élevait à 30 milliards. Or le Gouvernement n’entend taxer que la valeur nominale de ces titres, avec un rendement faible.
Nous proposons donc, avec l’amendement I-CF1673, de taxer ces actions à leur valeur de rachat, comme c’est le cas aux États-Unis, avec un taux dissuasif de 33 %. Le rendement serait donc très élevé la première année, mais faible les suivantes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Si les dirigeants des entreprises distribuent des dividendes à leurs actionnaires, les plus fortunés d’entre eux seront soumis au prélèvement forfaitaire unique, dont le taux est de 30 %. Les entreprises préfèrent donc contourner l’impôt sur le revenu, à travers un rachat d’actions.
Pour neutraliser les rachats d’actions, nous pourrions donc les taxer à 30 % ou 33 %, comme vous le proposez et comme j’avais songé à le proposer. Mais nous nous heurterions alors à la réglementation européenne « mères-filiales », si bien que je ne peux émettre un avis favorable.
Il nous reste donc soit à utiliser l’arme atomique en rétablissant l’interdiction du rachat d’actions par les sociétés, soit à instaurer des droits d’enregistrement sur les rachats d’actions, comme le propose M. Mattei.
M. Jean-Didier Berger (DR). Pour éviter les dévoiements évoqués, j’ai déposé un amendement visant à aligner le taux de la taxe sur le rachat d’actions sur celui de la flat tax, à 30 % – sans anticiper que notre commission voterait pour augmenter ce taux. Je continue de trouver le taux de 30 % préférable pour ces deux taxes.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cette proposition a une valeur morale. Nous sortons d’une période d’hyperinflation et d’abus de la part d’entreprises qui ont bénéficié de taux de profit importants, voire de superprofits. Puisque nous ne pouvons pas les taxer de manière rétroactive, nous devons nous montrer malins pour récupérer l’argent de nos 66 millions de concitoyens. Ceux-ci ont conscience qu’une petite minorité s’est fait de l’argent sur leur dos et que même si l’État de droit est indispensable, certains en abusent.
Le gouvernement précédent s’était déjà moqué du Parlement en proposant un dispositif de taxation de la rente inframarginale qui était bidon – tout le monde le savait, y compris vous, monsieur le rapporteur général –, puis, à l’heure de constater que celui-ci nous avait fait perdre 17 milliards d’euros, en prétendant nous faire pleurer dans les chaumières. Il nous faut désormais aller au clash, pour récupérer l’argent des Français et financer des baisses d’impôt.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1660 de M. Mathieu Lefèvre
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous retrouvons ici le débat sur la taxation du rachat des actions à leur valeur de marché. Mon devoir est de vous avertir que c’est une impasse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1304 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Une taxe sur le rachat d’actions doit surtout permettre d’éviter que des sociétés cotées recourent à ce type d’opération pour augmenter artificiellement le cours de leurs titres. Nous proposons donc de limiter le champ d’application de cette taxe aux sociétés cotées. Nous préserverons ainsi l’actionnariat salarié.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je comprends bien que la question de la valeur se pose différemment dans les sociétés cotées, qui ont une valeur de marché, et dans les sociétés non cotées, qui n’en ont pas. Cela n’empêche pas toutefois d’instaurer un mécanisme de taxation valable pour les deux.
Je rappelle par ailleurs que certaines grandes entreprises telles que la CMA CGM ne sont pas cotées. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1459 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Cet amendement de repli vise à élargir l’assiette de la taxe. Elle s’appliquerait aux entreprises à partir de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires et non pas à partir de 1 milliard. Nous reprendrions ainsi la borne retenue pour la taxe « Gafa ».
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce seuil, apprécié à partir du chiffre d’affaires consolidé ou individuel, permet d’assujettir la grande majorité des entreprises ayant recours à des rachats d’actions. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1310 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Nous proposons d’étendre l’exception d’application de la taxe à l’ensemble des opérations de rachat de titres au profit des salariés, y compris aux opérations réalisées en dehors des outils légaux d’intéressement des salariés. Ainsi, la taxe ne restreindrait pas le recours à l’actionnariat salarié par les entreprises, quelle que soit sa forme.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans la rédaction actuelle de l’article, la taxe ne s’applique pas aux rachats d’actions pour les salariés. Votre amendement aurait l’effet inverse de celui recherché, car il conduirait à appliquer la taxe à certains d’entre eux. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1114 de Mme Natalia Pouzyreff
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous demandez d’exonérer les opérations de réduction du capital visant à compenser les augmentations de capital réalisées pour renforcer l’actionnariat salarié. Or cette demande est satisfaite par le texte. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1309 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). La taxe prévue à cet article vise les opérations de réduction de capital menées par les plus grandes entreprises au moyen du rachat de leurs propres titres auprès de leurs actionnaires puis de leur annulation au plan juridique. Or elle risque de s’appliquer aux opérations de retrait d’un associé d’une société à capital variable, dont les objectifs et les effets sont très différents. Cela réduirait l’intérêt de recourir à ce type de structure sociétale. Notre amendement vise à l’éviter, en les excluant du champ de la taxe.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Demande de retrait. Le retrait d’un associé d’une société à capital variable est déjà exclu du champ de la taxe. Vous pourrez déposer le même amendement en séance publique, si vous souhaitez obtenir la confirmation du ministre.
M. Philippe Juvin (DR). Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous m’assurer qu’aucune des dispositions relatives à la taxation du rachat d’actions que nous avons votées ne concerne les petits porteurs, à travers par exemple les ventes et rachats d’actions d’un PEA, qui sont tout à fait normales ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Oui. Seules les entreprises sont concernées.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1632 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Comme Mme Sas tout à l’heure, nous proposons de modifier l’assiette de la taxe sur le rachat d’actions, pour qu’elle porte non sur la valeur nominale des actions, mais sur leur valeur de rachat. C’est un amendement de repli.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF1632.
Amendement I-CF410 de M. Nicolas Sansu
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement aurait pour effet de comptabiliser les primes intégralement lors de la première réduction de capital et ne pas les comptabiliser lors des suivantes. Ce serait un jeu à somme nulle par rapport à ce que prévoit l’article. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1668 de M. Mathieu Lefèvre.
Amendement I-CF1675 de M. Jean-Didier Berger, amendements identiques I-CF543 de Mme Eva Sas et I-CF1298 de M. Aurélien Le Coq, amendements I‑CF1678 de M. Nicolas Ray, I-CF128 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1900 de M. Philippe Brun (discussion commune)
M. Jean-Didier Berger (DR). Je propose d’aligner le taux de la taxe sur le rachat d’actions sur celui de la flat tax, dans une synthèse des souhaits de tous les groupes présents. Nous pourrions ainsi éviter les dévoiements actuels et multiplier par quatre les recettes prévues pour cette taxe.
Mme Eva Sas (EcoS). Nous proposons ici de taxer le rachat d’actions sur leur valeur faciale, mais avec un taux triple de celui prévu par le Gouvernement. Le rendement passerait ainsi de 200 millions d’euros à 600 millions.
M. Nicolas Ray (DR). Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement de M. Berger. Le taux de la taxe passerait de 8 % à 16 %
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit également d’un amendement de repli par rapport à celui de M. Berger. Le taux de la taxe serait de 12,8 %, soit un taux identique à celui de l’impôt sur le revenu compris dans la flat tax.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le problème est que l’assiette prévue, la valeur faciale, n’est pas représentative – dans certains cas limites, elle est 3 000 fois inférieure à la valeur du marché. Ce n’est pas en modifiant le taux de la taxe que l’on résoudra le problème. Même si ces débats sur les taux sont intéressants, mon avis est donc défavorable.
La solution est de revenir sur l’autorisation des rachats d’actions, accordée en 1966, ou de créer des droits d’enregistrements spécifiques pour ces rachats, comme le propose M. Mattei.
La commission adopte l’amendement I-CF1675.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement I-CF1113 de Mme Natalia Pouzyreff
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez d’appliquer une taxation réduite quand les actions sont rachetées pour être distribuées aux salariés. Mais la taxe prévue à cet article ne concernera pas ces rachats, ni le rachat d’actions sans réduction de capital visant à régulariser les cours.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1299 de Mme Marianne Maximi
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). La taxe devrait s’appliquer aux rachats de capitaux réalisés à partir du 1er janvier 2024, et non à ceux réalisés à partir de la date de dépôt du texte, le 10 octobre 2024.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une telle disposition risque d’être annulée, au motif qu’elle constituerait une taxation rétroactive, donc inconstitutionnelle. Soyons prudents.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1886 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Demandons un rapport au Gouvernement sur les pistes que nous avons évoquées : l’arme atomique de l’interdiction des rachats d’actions par les sociétés ; la création de droits d’enregistrements sur ces opérations ; la taxation de la valeur de marché. Peut-être que d’autres pistes apparaîtront, pour éviter que cette taxe ne se résume à de la poudre aux yeux, comme c’est le cas actuellement.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons cette demande de rapport. Ce que fait le Gouvernement n’est pas bien. Sa taxe sur le rachat d’actions n’est que de la poudre aux yeux, car son rendement ne serait que de 100 millions ou 200 millions d’euros, soit 0,33 % du montant des rachats visés en 2024, 30 milliards d’euros.
C’est une insulte aux électeurs, alors que, lors des dernières élections européennes et législatives, ils se sont prononcés fortement contre les dérives de la finance et pour davantage de justice fiscale et que M. Barnier, ainsi que les partis qui le soutiennent un jour sur deux, prétendent traiter ces problèmes.
Constatons en revanche que, sur cette question, le Rassemblement national s’est bien comporté avec la gauche, et que la gauche s’est bien comportée avec le Rassemblement national.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne voterai pas cet article, car ni l’État ni le Parlement ne doivent s’immiscer dans la gestion des entreprises, qui doivent être libres d’utiliser leur trésorerie comme elles l’entendent.
Cette taxe affaiblira la souveraineté industrielle de notre pays. En rachetant leurs actions, les entreprises en font monter le cours, ce qui rend plus difficile les attaques spéculatives de fonds vautours ou d’entreprises étrangères, américaines notamment, qui disposent d’une trésorerie abondante, car elles peuvent utiliser leurs fonds comme elles l’entendent.
Avec cette taxe, vous désarmez donc les entreprises françaises face à des attaques spéculatives, ou menées par des concurrents et nuisez ainsi à notre souveraineté économique, financière et industrielle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre argument est inopérant. Une entreprise qui rachète 10 % de ses actions – c’est le plafond pour ce type d’opération – augmentera mécaniquement la valeur individuelle de ses actions, mais cela ne changera pas sa valeur d’ensemble en bourse. Observez les marchés !
La commission adopte l’amendement I-CF1886.
Elle adopte l’article 26 modifié.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette amendement I‑CF1049 de M. Aymeric Caron.
Amendements I-CF961 de M. Matthias Tavel, I-CF965 de Mme Marianne Maximi, I‑CF966 de M. Éric Coquerel et I-CF1662 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Ces amendements visent à instaurer une taxe sur le rachat d’actions mieux-disante que celle prévue à l’article 26. L’amendement I-CF961 prévoit un taux de 10 % ; les amendements de repli I‑CF965 et I-CF966 prévoient respectivement un taux de 4 % et de 1 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF961 et adopte l’amendement I-CF965.
En conséquence, les amendements I-CF966 et I-CF1662 tombent.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Confirmez-vous que nous venons de voter un impôt distinct de celui prévu à l’article 26 ?
M. le président Éric Coquerel. Oui, c’est un impôt supplémentaire, d’un taux de 4 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les deux impôts ont en outre la même assiette, puisque nous avons voté pour que l’impôt prévu à l’article 26 porte sur la valeur de marché. Il aurait fallu retirer ces amendements, car ils étaient satisfaits.
Amendements identiques I-CF580 de M. Mickaël Bouloux et I-CF987 de M. David Guiraud
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le rendement de la TTF – taxe sur les transactions financières – est stable en 2023 et 2024, à 1,1 milliard d’euros. Ces dernières années, l’affectation de 528 millions du produit de la taxe au fonds de solidarité pour le développement a été sanctuarisée.
Vous proposez d’augmenter le taux de cette taxe, mais ce serait risqué car son assiette est volatile et sensible aux signaux. Nous devons éviter des effets d’éviction similaires à ceux de la taxe sur le trading à haute fréquence, qui ont conduit à la délocalisation de ces opérations, notamment en Grande-Bretagne.
Vous proposez en outre de modifier l’assiette de la TTF. La loi de finances pour 2017 visait déjà à l’élargir aux opérations intrajournalières. La mesure, impossible pour des raisons techniques, a été abandonnée l’année suivante.
En 2017, la Cour des comptes avait invité à généraliser la taxe au niveau européen avant d’envisager d’en étendre le champ aux produits dérivés. Cette approche européenne doit primer.
Loin de frapper la finance, la taxe proposée serait répercutée par les opérateurs sur les investisseurs et donc sur les épargnants, qui paient des frais auprès des intermédiaires financiers. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques I-CF1434 de M. Éric Coquerel et I-CF1841 de M. Karim Ben Cheikh
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Cet amendement des groupes du Nouveau Front populaire vise à renforcer l’efficacité de la taxe sur les transactions financières, en élargissant son assiette aux opérations intrajournalières, comme l’avait décidé le Parlement en 2017 ; en augmentant son taux nominal, qui passerait de 0,3 % à 0,6 % et, surtout, en centralisant son recouvrement auprès de la DGFIP – direction générale des finances publiques –, qui s’appuierait sur les registres tenus par l’Autorité des marchés financiers – AMF.
Actuellement, ce sont les prestataires de services d’investissement qui renseignent eux-mêmes le montant des transactions réalisées et qui définissent eux-mêmes si elles entrent dans le champ des exemptions. La Cour des comptes avait souligné l’insuffisance de cette modalité de collecte ; nous proposons d’y remédier. Le gain atteindrait entre 1 et 3 milliards d’euros, selon les économistes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Toutefois, comme la Cour des comptes l’a souligné, le mode de recouvrement actuel de la TTF manque de transparence ; je m’interroge d’ailleurs sur sa constitutionnalité. Votre proposition, à cet égard, me semble bonne.
Je vous invite à retirer votre amendement et à déposer, d’ici à l’examen du texte en séance publique, une demande de rapport sur la faisabilité du transfert de la collecte de la TTF vers la DGFIP, car ce type de processus, en cours pour d’autres taxes, est complexe.
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Je vous remercie de le souligner, le choix de confier la collecte à Euroclear France pose problème. Cette solution avait été retenue faute du temps nécessaire pour en développer une autre. Depuis, l’AMF s’est dotée d’un puissant outil informatique lui permettant d’obtenir des informations sur toutes les transactions réalisées. Comme le souligne le professeur Capelle-Blancard, une collaboration entre DGFIP et AMF serait un gage parfait d’expertise, de fiabilité et d’indépendance et participerait à l’unification du recouvrement fiscal autour de la DGFIP.
La commission adopte les amendements identiques I-CF1434 et I-CF1841.
En conséquence, les amendements I-CF1268 à I-CF1754 tombent.
Amendement I-CF1721 de M. Bruno Fuchs
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour les raisons évoquées précédemment, je demande le retrait de cet amendement. Nos collègues Fuchs et Mattei en sont conscients : il n’est pas opportun de décider brutalement du transfert du recouvrement de la taxe sur les transactions financières. Cette opération est une bonne idée, mais il serait plus prudent soit d’en décaler l’entrée en vigueur, soit de demander un rapport au Gouvernement sur la faisabilité technique et le temps que prendrait un tel changement.
L’amendement I-CF1721 est retiré.
M. le président Éric Coquerel. Je rappelle que les amendements I-CF1008 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1078 de M. David Guiraud, I-CF1073 de Mme Alma Dufour et I‑CF1067 de M. Manuel Bompard sont tombés du fait de l’adoption d’un amendement portant article additionnel après l’article 3.
Amendement I-CF1726 de M. Guillaume Garot
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mon avis est défavorable sur cet amendement. Les publicités comparatives sont déjà très encadrées par le droit de la consommation. Elles sont d’ailleurs doublement imposées au titre de la taxe sur certaines dépenses de publicité – avec un taux d’environ 1 % – et de la taxe locale sur la publicité extérieure.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1727 de M. Guillaume Garot
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement a le même objet que le précédent. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1069 de M. David Guiraud
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement a également le même objet. Par conséquent, même avis.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF209 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement, travaillé avec la Fédération nationale des courses hippiques, vise à soutenir la filière équine et hippique. Alors qu’elle assure des missions de service public, qu’elle procure des ressources à nos collectivités locales ainsi qu’à nos finances publiques et qu’elle crée de nombreux emplois dans nos territoires, cette filière connaît en effet des difficultés en raison du développement des jeux en ligne. L’idée est d’autoriser de nouveaux paris sur des courses passées ou déjà commencées, afin d’enrichir l’offre et d’accroître les recettes fiscales affectées à la filière – le cadre fiscal du pari hippique demeurerait, lui, inchangé. Je précise que seules seraient autorisées les courses hippiques réelles, et non les courses virtuelles.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Parier sur des courses déjà commencées ou déjà achevées est interdit en France, ce qui conduit les joueurs à miser sur un marché parallèle. Nous nous posons la même question dans d’autres domaines : ne faudrait-il pas encadrer la pratique et l’autoriser en France ?
Je ne suis pas défavorable à cette idée, mais je crains que l’amendement ne soit considéré comme un cavalier budgétaire, l’administrateur que j’ai interrogé à ce sujet m’ayant confirmé que c’était probable. L’idée mérite d’être approfondie.
M. Éric Woerth (EPR). Je suis favorable à l’amendement. La filière hippique représente plusieurs milliers d’emplois partout dans le pays, s’autofinance et rapporte de l’argent à l’État ; il ne faut pas la déséquilibrer. La France est d’ailleurs l’un des derniers pays à avoir préservé cette activité et à ne pas avoir tué les courses hippiques.
Si, comme l’indique le rapporteur général, cet amendement n’a probablement pas sa place au sein du PLF, il serait intéressant que nous entamions une discussion avec les ministres du budget et de l’agriculture.
Lorsque, en 2010, j’ai conduit l’ouverture des paris en ligne, j’ai agi pour la raison évoquée par le rapporteur général : quand on ne peut maîtriser un marché illégal, il est parfois préférable de l’internaliser et de le réguler. C’est ainsi qu’est née l’Autorité de régulation des jeux en ligne, à laquelle a succédé l’actuelle Autorité nationale des jeux. Nous aurons d’ailleurs certainement une discussion comparable un peu plus tard au sujet des casinos, Mme Duby-Muller ayant déposé un amendement à ce sujet.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je demande la parole pour revenir un instant sur les deux taxes sur les rachats d’actions que nous avons adoptées. Je ne voudrais pas que la multiplication des dispositifs nuise à leur compréhension et, surtout, qu’elle soit utilisée par nos adversaires pour nous reprocher d’avoir été excessifs. J’ai bien compris qu’un 49.3 était envisagé au nom de la responsabilité budgétaire et de la lutte contre un déficit qui continue d’augmenter et il ne faudrait pas qu’une mauvaise excuse puisse être invoquée. Nos compatriotes ne doivent pas être abusés par un sentiment de panique fiscale.
La commission adopte l’amendement I-CF209.
Amendements I-CF1245 et I-CF1248 de M. Boris Tavernier
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1245 vise à créer une taxe sur la publicité pour les produits alimentaires dont le score nutritionnel est mauvais. J’y suis défavorable, car le Nutri-score ne relève pas du pouvoir législatif : il est fixé par arrêté. Cette disposition serait donc contraire à l’article 34 de la Constitution ; c’est au Parlement de définir l’assiette d’un impôt.
Quant à l’amendement I-CF1248, qui tend à appliquer une taxe aux produits comportant une trop grande part de sucres ajoutés, j’estime qu’il serait plus efficace de renforcer l’information des consommateurs, de s’appuyer sur une approche partenariale avec les producteurs et de justement utiliser le Nutri-score, qui contribue réellement à l’amélioration de la qualité nutritionnelle des produits et, surtout, à la responsabilisation du consommateur. Je ne crois pas qu’une nouvelle taxe influerait sur le comportement des acheteurs.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1051 de M. Gabriel Amard.
Amendement I-CF1263 de M. François Ruffin
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement de mon collègue Ruffin a pour objectif de rendre le sport plus accessible, quels que soient les revenus et les éventuels handicaps des participants. Rappelons que 71 % des enfants de parents à bas revenus ne sont inscrits à aucune pratique sportive, contre 38 % des enfants de parents à hauts revenus – sachant que les problématiques liées à l’absence d’accessibilité universelle aggravent fortement la situation. Nous proposons donc de relever à 20 % le taux de prélèvement sur les paris sportifs en ligne, à 16 % sur les paris sportifs commercialisés en réseau physique et à 12 % sur les jeux de loterie, afin de financer le sport populaire et son accessibilité universelle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dû par la Française des jeux et les opérateurs de paris sportifs en ligne, le prélèvement sur le produit des paris sportifs s’applique sur la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées aux gagnants. L’amendement vise à porter le taux de ce prélèvement de 6,6 à 16 % pour les paris sportifs commercialisés dans le réseau physique de distribution, de 10,6 à 20 % pour les paris en ligne, et de 5,1 à 12 % pour les jeux de loterie, soit de très fortes augmentations.
Il conviendrait donc de mener une concertation avec la Française des jeux et les opérateurs de paris et loteries afin d’évaluer les répercussions de telles hausses sur leur modèle économique.
De plus, dans la mesure où la part des prélèvements affectés à l’Agence nationale du sport fait l’objet d’un plafond très inférieur à leur produit, je crains que l’amendement ne soit inefficace. Pour les paris sportifs, le produit s’élève à 181 millions d’euros et le plafond à 34 millions. Pour les loteries, le produit est de 246 millions, pour un plafond de 71 millions. Pour que votre proposition soit opérationnelle, il vous faudrait donc également remonter ces plafonds, qui sont fixés dans un article ultérieur du PLF. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à cet amendement.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, j’estime que c’est un excellent amendement. Alors que les dépenses du ministère des sports sont appelées à baisser, taxer ce type d’activités, qui ne coûtent rien à l’État, me semble une excellente chose si nous voulons tirer profit de l’héritage des Jeux olympiques.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF843 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Charles de Courson, rapporteur général. La contribution à l’aide juridique, instituée entre 2011 et 2013 et que cet amendement vise à rétablir, faisait l’unanimité contre elle, des avocats jusqu’aux magistrats. J’ajoute que, dans le contexte actuel, il n’y a pas lieu d’alourdir les charges administratives qui pèsent sur nos tribunaux en prévoyant un nouveau droit de timbre. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1528 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). Cet amendement de mon collègue Delautrette vise à instaurer une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) « amont » sur les produits en plastique mis sur le marché, mais qui ne font partie d’aucune filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) ou de récupération – une situation qui concerne la majorité des déchets plastiques faisant l’objet d’un stockage. De plus, les metteurs sur le marché de ces produits ne contribuent aucunement à la gestion des déchets, même quand ils sont couverts par une filière de recyclage. Cette charge repose sur les collectivités, qui doivent assurer la collecte et le traitement des déchets par leurs installations et s’acquitter de la TGAP sur ces opérations. L’amendement tend donc à responsabiliser les producteurs concernés, en établissant une écocontribution, dont le montant serait de 0,03 euro par unité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Selon moi, la responsabilisation des producteurs devrait plutôt passer par la création de nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs ; la loi sur l’économie circulaire en avait créé une douzaine.
De plus, à l’inverse de l’écocontribution, qui finance directement les efforts d’une filière en faveur de l’écoconception et du traitement des déchets, la TGAP abonde le budget général de l’État. La contribution d’une TGAP « amont » aux progrès de l’écoconception serait donc plus aléatoire que celle d’une écocontribution.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1543 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). Cet autre amendement du groupe Socialistes vise à inciter les collectivités à réduire leur stockage de déchets en prévoyant, pour celles qui y parviennent, une réfaction de TGAP.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le premier problème de cet amendement est qu’il ne se limiterait pas à introduire une réfaction pour les collectivités performantes : il modifierait le tarif de la TGAP de manière rétroactive. De plus, le dispositif proposé ne s’insérerait pas dans la version du code des douanes qui sera en vigueur à partir du 1er janvier prochain.
Par ailleurs, la TGAP est une taxe comportementale qui vise à changer structurellement les pratiques. Alors qu’il faut maintenir une tarification qui incite à la réduction des déchets et à leur valorisation, je me demande si votre proposition ne favoriserait pas les dépôts sauvages. Sans compter que stocker 50 % de déchets en moins par rapport aux niveaux de 2010 n’est pas nécessairement l’assurance d’une bonne gestion.
Enfin, l’État a déjà prévu des mesures d’accompagnement afin que les collectivités puissent faire face à la hausse progressive de la TGAP, en réduisant, en 2021, le taux de TVA à 5,5 % pour les prestations de gestion des déchets, en renforçant les obligations des producteurs, ou encore en créant une dizaine de filières REP.
Voilà pourquoi je donne un avis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1076 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Déléguer notre alimentation à d’autres était une « folie », a dit Emmanuel Macron au cœur de la crise du covid. Pourtant, au-delà des mots, la folie continue. La Commission européenne s’apprête à signer un accord pour l’importation de dizaines de milliers de tonnes de bovins et de volailles depuis les pays du Mercosur, où les animaux sont élevés dans des fermes‑usines 15 000 fois plus grandes que celles qui existent en France, où ils sont nourris avec des produits interdits chez nous, et où il n’y a pas de traçabilité. Tout cela n’est rien d’autre qu’une concurrence déloyale vis-à-vis de nos éleveurs, qui n’en voient pas le bout. Les éleveurs bovins sont les plus pauvres de tous les agriculteurs. Un quart d’entre eux vit sous le seuil de pauvreté et nous allons les tuer si nous signons ces accords de libre-échange. Le présent amendement vise donc à rétablir des droits de douane. On ne peut à la fois affirmer soutenir les éleveurs et autoriser la Commission européenne à passer de tels accords.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement est contraire au règlement européen du 29 avril 2004 qui prévoit que les redevances perçues à l’occasion des contrôles vétérinaires des importations d’animaux ne peuvent excéder les coûts supportés par les autorités compétentes qui en sont responsables. La méthode de calcul des redevances doit d’ailleurs être rendue publique et être transmise à la Commission européenne. Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons volontiers cet amendement et pourrions nous-mêmes en déposer de similaires, car la filière bovine n’est pas la seule à vivre une situation catastrophique : il y a aussi la volaille. Cela étant, cette proposition prouve l’incohérence de votre coalition politique ! Votre mesure, monsieur Maudet, irait à l’encontre de tout ce qu’ont approuvé les socialistes ou les Verts au sujet des traités européens, et qui fait que nous ne sommes plus souverains sur le plan commercial. J’y insiste, les socialistes et les Verts ont accordé le vote à la majorité qualifiée à nos prétendus partenaires européens qui, sur les questions commerciales, sont plutôt nos adversaires. Bienvenue dans la réalité !
La commission adopte l’amendement I-CF1076.
Amendement I-CF1091 de M. Aurélien Le Coq
M. David Guiraud (LFI-NFP). Cet amendement vise à accroître les droits de douane sur les produits israéliens, eu égard à la poursuite du génocide à Gaza, à la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie, aux crimes de guerre perpétrés au Liban et aux menaces réelles et concrètes qui pèsent sur les soldats français – les nôtres ! – engagés au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Nous avons tout intérêt à cesser toute importation d’armes ainsi que toute relation commerciale avec Israël. Compte tenu des menaces qui, je le répète, pèsent sur nos compatriotes franco-libanais et sur nos soldats, rehausser les droits de douane me semble être la moindre des choses pour appeler Israël à se calmer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable sur cet amendement. Dans le cadre de l’union douanière, les droits de douane sont fixés à l’échelle européenne. Une telle mesure devrait donc être défendue par les parlementaires européens et non par des députés nationaux.
M. Matthias Renault (RN). Cet amendement est la preuve d’un clientélisme sans limite. J’ajoute, pour la bonne information des personnes qui nous regardent, que le but de ce type d’interventions est de réaliser une capture vidéo et de la diffuser sur TikTok et les réseaux sociaux. Le groupe LFI-NFP en produit de manière industrielle, les prises de parole de ses membres étant même calibrées à cette fin.
M. David Amiel (EPR). Cet amendement illustre la méthode employée par de nombreux députés du groupe LFI-NFP, qui ne peuvent passer une journée sans alimenter la haine d’Israël et, à travers elle, l’antisémitisme qui, en France, atteint des niveaux exceptionnels. C’est votre obsession ! Nous le voyons au travers de cet amendement qui n’a rien à voir avec le budget, mais tout à voir avec votre stratégie politique délétère qui met en danger nombre de nos concitoyens.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Sachez d’abord que je n’avais aucunement l’intention de faire de cette intervention une capsule vidéo. (Exclamations.)
Ensuite, quand vous parlez de clientélisme, ayez au moins le courage de dire au profit de qui, car j’y vois une sortie raciste de votre part.
Quant à la mesure que nous proposons, j’estime, au contraire, qu’elle a toute sa place dans le débat parlementaire et budgétaire, puisqu’il s’agirait d’une hausse des droits de douane.
Voici le titre d’une tribune parue hier : « Citoyens israéliens, nous appelons à une pression internationale pour qu’Israël cesse le massacre ». Si cela, c’est du clientélisme, c’est que vous avez perdu une petite partie de votre humanité !
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF480 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement vise à favoriser la reconstitution d’un champion national de l’hydroélectricité. Nous souhaitons qu’à terme, l’ensemble des installations hydroélectriques, qui sont financées par les factures des Français, entrent dans le giron d’EDF. Pour ce faire, nous proposons d’introduire une redevance dont les acteurs privés de cette filière auraient à s’acquitter. Le but assumé est de favoriser EDF, entreprise du service public, contre ses concurrents qui n’ont pas à faire des profits sur le bien public.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je précise d’abord que les centrales hydroélectriques n’appartiennent pas à EDF, mais à l’État, EDF n’en étant que le concessionnaire.
Ensuite, les acteurs autorisés à exploiter des installations hydrauliques leur appartenant sur les cours d’eau du domaine public s’acquittent déjà des redevances domaniales, fixées dans l’acte d’autorisation.
Enfin, la mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne que vous évoquez dans l’exposé sommaire ne concerne pas les installations hydrauliques placées sous le régime de l’autorisation, c’est-à-dire dont la puissance installée est inférieure à 4,5 mégawatts et qui n’appartiennent pas à l’État. La mise en demeure concerne les installations publiques, dont la gestion est systématiquement confiée à EDF.
Pour ces trois raisons, mon avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement
Amendement I-CF532 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). L’amendement vise à créer un bonus-malus relatif au bruit pour les deux-roues et les trois-roues motorisés. Le bruit est le deuxième facteur environnemental causant le plus grand nombre de problèmes de santé derrière la pollution atmosphérique, le cumul des pollutions étant d’ailleurs très important. Le bruit généré par les deux-roues motorisés arrive même en tête des bruits les plus gênants. Rappelons à cet égard que les motos peuvent émettre jusqu’à 80 décibels, contre 74 pour les voitures.
Le produit de la taxe ici proposée serait affecté au soutien de l’électrification du parc de deux-roues et de trois-roues.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il est contraire à l’article 34 de la Constitution de renvoyer le barème d’une taxe à un décret. Il revient au Parlement de fixer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement d’un impôt. Dans le cas contraire, il s’agit d’un cas d’incompétence négative du législateur. Rien que pour cette raison, j’invite à repousser l’amendement.
M. Emmanuel Fouquart (RN). Le bruit excessif est une infraction prévue par le code de la route. Il suffit donc de faire appliquer la loi, voire de proposer des journées de sensibilisation sur cette nuisance.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1077 de M. David Guiraud
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement de mon collègue Guiraud tend à supprimer les taxes et les droits de timbre relatifs aux titres de séjour et à leur renouvellement, ainsi qu’aux cartes d’identité. Leur montant peut en effet atteindre 425 euros dans le cas d’un titre de séjour d’un an donnant la possibilité de travailler.
De la même manière, nous proposons de supprimer ces frais pour l’obtention d’une carte de travailleur temporaire, dont la validité est de moins d’un an et dont le montant est passé de 19 euros en 2019 à 225 euros actuellement.
Ces taxes ne visent en effet qu’à renforcer les difficultés et à précariser celles et ceux qui le sont déjà.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour la délivrance d’un titre de séjour, son renouvellement ou la fourniture d’un duplicata, les taxes s’élèvent à 200 euros. Quant aux demandes de naturalisation, elles coûtent 55 euros, montant perçu au bénéfice de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Je ne crois pas qu’il soit sage de réduire les moyens des services des étrangers. Je vous renvoie au rapport spécial que j’avais rédigé à ce sujet : j’estime qu’il convient même d’augmenter les taxes, car certains services de préfecture ne parviennent plus à délivrer les titres dans les délais prévus.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1254 de M. Éric Ciotti
M. Gérault Verny (UDR). Dans un contexte où certains pays refusent d’émettre les laissez-passer consulaires nécessaires à la bonne exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), le présent amendement vise à armer le ministère de l’intérieur en lui permettant de prendre par voie de décret, au titre de l’article L. 151-2-1 du code monétaire et financier, des mesures de rétorsion. Cet amendement permettrait de corriger une anomalie qui nuit à la sécurité de nos compatriotes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à autoriser la création, par décret, d’une taxe de 33 % sur les mouvements de capitaux, les règlements, les exportations d’or et autres mouvements matériels de valeurs, laquelle s’appliquerait aux pays exécutant moins de 90 % des délivrances de documents de voyage. Sur la forme, l’amendement priverait le législateur de son pouvoir de définition de l’impôt. À cela s’ajoute que vous ne définissez pas ce que sont les mouvements matériels de valeurs. Enfin, sur le fond, pensez-vous que l’introduction d’une telle taxe freinerait les flux migratoires ? Je vous suggère de retirer l’amendement et de l’affiner d’ici à l’examen du texte en séance. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je ne sais pas si cet amendement anticipe une prochaine loi immigration, mais cela m’inquiète.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1858 et I-CF1866 de M. Charles de Courson, I-CF188 de M. Philippe Juvin et I-CF1783 de M. Thomas Cazenave (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements visent à encadrer plus strictement la vente des sachets de nicotine. Pour ceux qui ne le connaissent pas, ce produit, qui fait l’objet d’un taux de TVA de 20 %, s’achète dans le commerce et se place entre la lèvre et la gencive. Cette substance est très nocive et il n’est pas normal qu’elle ne soit ni assujettie à un droit d’accise, comme pour les autres produits du tabac, ni interdite aux mineurs. Il s’agit donc d’amendements de santé publique.
Le I-CF1858 tend à fixer l’accise à 22 euros par kilo dans un premier temps, avant de l’augmenter progressivement à 44 euros puis à 66 euros par kilo d’ici à 2027. Je précise qu’une boîte de vingt sachets contient entre 8 et 16 grammes de substance à consommer et qu’elle est vendue au prix d’environ 7 euros. L’accise serait donc comprise entre 18 et 35 centimes par boîte. Les sachets de nicotine ne sont pour l’heure qu’un produit émergent en France, mais s’ils connaissent une pénétration similaire à celle observée sur d’autres marchés, le produit de cette accise pourrait atteindre à terme 200 millions d’euros.
Quant à mon autre amendement I-CF1866, il contient le même dispositif, mais vise aussi à confier aux buralistes un monopole sur la vente de ces sachets, afin de mieux contrôler leur interdiction aux mineurs. Cette option présente des avantages et des inconvénients, mais elle a ma préférence.
M. Philippe Juvin (DR). Les sachets de nicotine contiennent un mélange de cellulose et de nicotine extraite du tabac. Cette substance ne relève d’aucun cadre réglementaire particulier, alors qu’elle fait évidemment partie des produits du tabac. Une loi de 2023 tend à encadrer l’action des influenceurs les concernant, mais il est vrai qu’une fiscalisation permettrait de mieux surveiller la consommation et de nous aligner sur nos voisins, qui ont déjà instauré une taxation adaptée. Pour ma part, je propose de fixer l’accise à 22 euros par kilo.
M. David Amiel (EPR). L’amendement I-CF1783 de mon collègue Cazenave va dans le même sens. Nous souhaitons lutter contre la prolifération de ces produits qui s’adressent souvent à des mineurs et qui peuvent constituer pour eux une porte d’entrée vers un tabagisme excessif. C’est la raison pour laquelle nous proposons à la fois de les fiscaliser et de confier aux buralistes le monopole de leur vente, afin de l’interdire aux mineurs.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les dispositifs proposés par ces quatre amendements étant similaires, lequel nous conseillez-vous d’adopter, monsieur le rapporteur général ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vais retirer l’amendement I-CF1858 pour la clarté du débat.
Les amendements I-CF1866 et I-CF188 prévoient tous deux le même montant d’accise et le monopole des buralistes, mais seul le premier inclut une progressivité des prélèvements.
Quant à l’amendement I-CF1783, il poursuit le même objectif, mais pâtit de quelques imprécisions. En effet, les sachets de nicotine que l’on trouve dans le commerce ne sont pas destinés à être ingérés : comme je le disais, ils se placent entre la joue et la gencive et la nicotine libérée est absorbée par la muqueuse buccale. De plus, le produit de l’accise ne serait que de 20 centimes par boîte.
L’amendement I-CF1858 est retiré.
La commission adopte l’amendement I-CF1866.
En conséquence, les amendements I-CF188 et I-CF1783 tombent.
Amendement I-CF1865 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les autorités de santé et de nombreuses études scientifiques présentent les cigarettes électroniques comme une aide au sevrage tabagique. Or les produits de vapotage ne sont pas sans risque et ne doivent pas être destinés à des non-fumeurs ou à des mineurs.
Si ces produits sont réglementés, la directive européenne sur les produits du tabac et les produits connexes ayant été transposée dans le code de la santé publique, ils ne sont pas taxés car la directive relative aux taux des accises applicables aux tabacs manufacturés ne prévoit pas de cadre fiscal harmonisé pour les cigarettes électroniques. Pourtant, dix-neuf pays européens ont déjà fiscalisé ce produit, pour des montants allant de 0,10 euro par millilitre en République tchèque à 1,04 euro par millilitre, pour certains liquides, en Suisse. Le Luxembourg applique un droit de 0,12 euro, l’Italie un droit compris entre 0,09 et 0,13 euro, la Belgique un droit de 0,15 euro, l’Allemagne un droit de 0,20 euro… Au demeurant, la révision en cours de la directive européenne sur les droits d’accise prévoit la création d’une catégorie fiscale dédiée à ces liquides dans les prochaines années.
Afin de mettre fin à cette exception fiscale française, mon amendement vise à taxer spécifiquement les produits de vapotage. L’instauration d’un droit d’accise de 0,15 euro par millilitre devrait avoir un impact modéré sur les prix, ce qui préserverait l’accès à la cigarette électronique des 3,5 millions de consommateurs de ce produit et éviterait un retour de ces derniers, dont beaucoup sont d’anciens fumeurs, à la cigarette traditionnelle – un risque que soulignait récemment la commission des affaires sociales du Sénat. Le produit de ce droit d’accise est estimé entre 150 et 200 millions d’euros par an.
La commission adopte l’amendement I-CF1865.
Amendement I-CF1416 de Mme Christine Arrighi
M. Charles Fournier (EcoS). Nous proposons une refonte du tarif de solidarité, composante de la taxe sur le transport aérien de passagers, en alignant le barème de la classe économique sur le niveau allemand et en doublant ce barème pour obtenir le montant de la taxe en classe premium. Cette mesure serait budgétairement efficace, puisqu’elle permettrait de percevoir 2,5 milliards d’euros supplémentaires par an et de combler ainsi une partie du manque à gagner lié aux exonérations fiscales du transport aérien, dont le montant total est estimé à plus de 9 milliards. Elle serait socialement juste, puisque le montant payé dépendrait de la situation financière des passagers, les aéronefs d’affaires et les classes supérieures accessibles aux ménages les plus aisés étant taxés davantage. Enfin, elle serait écologiquement utile, puisque les tarifs seraient modulés selon que les vols sont des courts, des moyens ou des longs courriers.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le Gouvernement a annoncé qu’il déposerait, en séance, un amendement en ce sens dont le produit annuel serait de l’ordre de 1 milliard d’euros. Le président de la commission et moi-même avons demandé au ministre de nous transmettre cet amendement le plus tôt possible afin que nous puissions en discuter en amont. J’espère qu’il ne sera pas déposé au dernier moment, auquel cas nous n’aurions pas le temps de l’examiner. Le sujet est délicat, d’autant que se pose la question des collectivités d’outre-mer et de la Corse. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). Je maintiens mon amendement car il me paraît bien plus raisonnable d’envisager une recette de 2,5 milliards qu’un rendement de 1 milliard. Du reste, j’ai pris en compte la spécificité des outre-mers en les excluant du champ d’application de ma proposition.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1072 de Mme Marianne Maximi et I-CF1854 de M. Mickaël Bouloux.
Amendement I-CF1747 de M. Emmanuel Maurel, amendements identiques I-CF49 de M. Fabrice Brun et I-CF1125 de M. Michel Castellani, amendement I‑CF52 de M. Fabrice Brun (discussion commune)
M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement I-CF1747 vise à porter de 3 % à 6 % le taux de la taxe sur les services numériques, dite taxe Gafam. En effet, les géants du numérique paient un impôt effectif deux fois moins élevé que les entreprises traditionnelles. Le comportement des Gafam, qui tirent parti de la libre circulation des capitaux au sein de l’Union européenne en rapatriant leurs profits en Irlande ou au Luxembourg, aboutit à une situation absolument intolérable où un chiffre d’affaires de plusieurs milliards ne produit que quelques dizaines de millions de rentrées fiscales. Pour avoir étudié ce sujet lorsque j’étais député européen, je peux vous dire que c’est totalement délirant ! Un doublement du taux de la taxe Gafam, qui porte sur le chiffre d’affaires des sociétés et dont le rendement est estimé à 800 millions en 2024, apporterait à l’État des recettes supplémentaires. Une telle mesure me paraît juste, nécessaire et susceptible d’être comprise par le plus grand nombre.
M. Nicolas Ray (DR). Dans le contexte budgétaire actuel, chaque secteur doit participer à l’effort. Nous proposons donc de relever légèrement le taux de la taxe Gafam, à laquelle sont soumises des entreprises en plein essor. L’amendement I-CF49 vise à porter ce taux de 3 % à 5 % du chiffre d’affaires, tandis que l’amendement de repli I-CF52 prévoit un taux de 4 %.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Nous sommes, nous aussi, favorables à un taux de 5 %, comme le propose notre amendement I-CF1125.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce serait déjà bien de passer de 3 % à 5 %. Le surproduit serait alors de l’ordre de 500 millions d’euros.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF1747 et adopte les amendements identiques I-CF49 et I-CF1125.
En conséquence, l’amendement I-CF52 tombe.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1253 de M. Éric Ciotti.
Amendement I-CF163 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Eva Sas (EcoS). Nous proposons de soumettre à une contribution additionnelle, dont le taux serait de 2 % de la masse salariale annuelle, les entreprises dont l’écart salarial entre les femmes et les hommes dépasse un seuil de tolérance fixé à 5 %. Ce seuil a été déterminé en fonction des écarts observés dans des entreprises responsables, où des efforts pour l’égalité ont permis de ramener les différences de salaires à des niveaux plus proches de la parité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je pense que chacun partage l’objectif de réduire, si ce n’est de supprimer, les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes à niveau égal d’ancienneté et de compétence. La taxe que vous proposez pose toutefois quelques difficultés.
Les entreprises de plus de cinquante salariés doivent tenir un index de l’égalité professionnelle. Celles qui constatent des écarts indus ont l’obligation de définir et d’atteindre des objectifs de progression, avec des sanctions, en cas de manquement, pouvant atteindre 1 % des rémunérations versées.
Par ailleurs, votre taxe concerne toutes les entreprises alors que nous ne disposons pas d’outils pour contrôler les plus petites d’entre elles. Les comparaisons sont plus difficiles lorsque le nombre de salariés est faible.
Pour renforcer les obligations des entreprises dans ce domaine, le droit du travail me semble être un meilleur outil que la fiscalité. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF164 de Mme Marie-Charlotte Garin
M. Charles de Courson, rapporteur général. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF165 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Eva Sas (EcoS). Il s’agit de renforcer l’application de la loi Copé-Zimmermann, qui impose un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance. Certaines entreprises ne respectent toujours pas cette obligation légale, freinant ainsi l’accès des femmes à leurs instances de gouvernance. Aussi proposons-nous d’instaurer une taxe additionnelle, au taux de 3 % de la masse salariale annuelle, pour les entreprises ne respectant pas ce quota, ce qui revient à créer un mécanisme de sanction financière en cas de non-respect de la parité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La France se place au premier rang européen et mondial en matière de féminisation des conseils d’administration. En effet, la loi Copé-Zimmermann a déjà assorti de sanctions extrêmement fortes le non-respect du quota : les nominations irrégulières sont entachées de nullité, de même que les délibérations votées par les conseils comprenant des membres irrégulièrement nommés, et le versement des jetons de présence aux membres de ces conseils est temporairement suspendu. Ces sanctions sont, à mon sens, bien plus dissuasives qu’un prélèvement supplémentaire. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’article 27 non modifié.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement de suppression I-CF647 de Mme Marianne Maximi.
Amendement I-CF1464 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). L’interdiction des casinos à Paris et dans un rayon de 100 kilomètres autour de la capitale résulte d’une vieille législation datant du XIXe siècle, qui a favorisé l’émergence de cercles de jeux clandestins, lieux de blanchiment d’argent et de fraude fiscale. L’expérimentation des clubs de jeux à Paris, que le Parlement a votée en 2017 et que l’article 28 du présent PLF prévoit de poursuivre, est vertueuse, dans la mesure où l’activité de sept clubs de jeux à Paris a fait rentrer 60 millions d’euros dans les caisses de l’État. Je propose de l’élargir en autorisant les machines à sous au sein de ces clubs, ce qui favorisera leur attractivité et dynamisera leur activité, source de rentrées fiscales. Paris est la seule capitale européenne sans casino ; il est dommage de se priver ainsi de recettes fiscales en empêchant les touristes de s’adonner à leur passion.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Si nous autorisons les machines à sous dans ces clubs de jeux, ils deviendront des casinos. D’ailleurs, 95 % du résultat de ces derniers provient des machines à sous, les tables de jeux ne représentant que 4 % à 5 % du chiffre d’affaires. Un seul casino est autorisé dans l’agglomération parisienne, à Enghien-les-Bains – c’est le plus grand de France. Ainsi, en défendant votre amendement, vous posez implicitement la question suivante : faut-il supprimer le monopole de fait dont bénéficie, en région parisienne, le casino d’Enghien ?
L’article 28 ne fait que prolonger l’expérimentation votée il y a quelques années. J’observe d’ailleurs que certains de ces clubs de jeux ouverts à titre expérimental ont refermé leurs portes… Nous attendons donc avec impatience la remise, en avril 2025, du rapport sur cette expérimentation.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.
M. Matthias Renault (RN). J’assume de vouloir transformer, dans le cadre de l’expérimentation, les clubs de jeux en casinos, considérant que l’interdiction datant de la fin du XIXe siècle n’est plus justifiée et que le tourisme pourrait dynamiser l’activité de ces établissements.
M. Éric Woerth (EPR). Un équilibre a visiblement été trouvé en interdisant les casinos à Paris et en autorisant l’ouverture de cercles de jeux, dont l’activité est mieux encadrée. Ne le dénaturons pas !
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 28 non modifié.
Amendement I-CF483 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement habituel du Rassemblement national vise à rendre leur vraie nature aux bâches qui couvrent les monuments historiques en travaux. Si le mécénat est bienvenu, il est insupportable de voir des biens publics dénaturés par des publicités en tout genre pour des biens commerciaux sans aucun rapport avec l’entretien du patrimoine. Montrer aux Français et aux étrangers qui viennent avec plaisir visiter Paris, et ont parfois beaucoup investi dans leur voyage, des bâtiments dénaturés par des grandes marques multinationales me paraît très loin des valeurs et de la culture françaises. Un peu de décence ! Paris n’est pas un centre commercial !
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’administration peut autoriser l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage sur des monuments historiques. Les recettes perçues par le propriétaire du bâtiment – généralement l’État – sont affectées par le maître d’ouvrage au financement des travaux. Vous proposez de n’autoriser que des bâches décoratives, avec mention du mécène, et d’affecter les recettes à l’État. Or ces bâches, qui ne sont que temporaires, me semblent être un bon moyen de financement des rénovations. Je considère votre amendement comme un amendement d’appel à l’adresse du Gouvernement, qui n’a pas réellement sa place en loi de finances, comme vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même dans l’exposé sommaire.
M. Éric Woerth (EPR). Ne faisons pas de la suradministration ! La bonne nouvelle, quand il y a des bâches, c’est qu’il y a des travaux – la situation serait pire s’il n’y en avait pas et que le bâtiment tombait en ruine. Les publicités affichées, qui ne sont pas choquantes, permettent de financer les travaux.
M. le président Éric Coquerel. Cet amendement soulève un vrai problème. Au fil du temps, la réglementation a été dénaturée : la décoration a été progressivement reléguée sur les côtés de la bâche tandis que le message publicitaire s’est imposé en grand. La loi d’exception mise en place pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 a encore empiré les choses. Ce débat renvoie à notre conception de la place de la publicité dans l’espace public. Pour ma part, je ne suis pas favorable à cette agression permanente.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai fait évoluer mon amendement pour prendre en compte les remarques de collègues de tous bords, y compris du camp présidentiel. Je propose donc d’autoriser l’affichage du nom du mécène, mais cela semble encore poser problème…
Non, monsieur Woerth, la Conciergerie, le Louvre et l’Opéra Garnier n’étaient pas en train de tomber en ruine. Si LVMH et Nike y font afficher des publicités pour leurs produits, c’est parce qu’ils en tirent un gros bénéfice. Je ne suis pas sûr que leur intérêt pour le mécénat pèse plus lourd que leur volonté de placer leur marchandise. Remettons un peu de mesure dans cette pratique devenue insupportable ! Je ne vois pas ce qu’il y a d’excessif à revenir à l’esprit de la loi. Le jour où LVMH permettra de financer la rénovation d’une petite chapelle au fin fond de la Somme, je ferai à cette entreprise des excuses publiques – mais je ne suis pas sûr que cela arrive l’année prochaine…
La commission adopte l’amendement I-CF483.
Amendements I-CF962, I-CF980 et I-CF1013 de M. Éric Ciotti
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exposé sommaire de l’amendement I-CF962 évoque une privatisation d’Orange. Il est vrai que l’article 34 de la Constitution dispose que le transfert d’une entreprise du secteur public au secteur privé relève du domaine de la loi, mais une telle opération mériterait peut-être une loi spécifique, et non un simple article voté au détour des débats budgétaires. Du reste, il ne s’agirait ici que de céder une participation minoritaire, l’État possédant un peu plus de 13 % et Bpifrance un peu plus de 9 % du capital d’Orange. Cet amendement n’a donc pas de portée. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
A – Dispositions relatives aux collectivités territoriales
Amendements I-CF651 de M. Jérôme Legavre, I-CF1685 et I-CF1730 de M. Tristan Lahais, amendements identiques I-CF569 de M. Stéphane Delautrette, I-CF655 de Mme Marianne Maximi, I-CF1131 de M. Jean-Pierre Bataille, I‑CF1394 de Mme Sophie Pantel et I-CF1692 de M. Tristan Lahais (discussion commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Notre amendement I-CF651 vise à alerter la représentation nationale quant à l’évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des collectivités territoriales. L’apparente stabilité n’est qu’une illusion d’optique : en 2022, la dotation a baissé pour la moitié des communes ; en 2023, elle a encore diminué pour 10 % d’entre elles, de même qu’en 2024, pour 20 % d’entre elles. Si l’on tient compte de l’inflation, la DGF a en réalité baissé pour la totalité des collectivités ; si la dotation avait suivi l’inflation depuis 2014, celles-ci auraient touché 70 milliards d’euros de plus de la part de l’État.
J’insiste sur ce chiffre pour que le bloc présidentiel et l’extrême droite, une fois de plus très alignés, comprennent à quel point leur discours stigmatisant les collectivités est insupportable, d’autant que ces moyens ne sont pas accordés à objectifs constants, puisque de nouvelles missions ont été confiées aux collectivités. Il faut trouver des solutions, faute de quoi des cantines scolaires, des centres communaux d’action sociale (CCAS) et des maisons de quartier vont devoir fermer… J’espère vraiment que les députés du bloc présidentiel et du Rassemblement national assumeront leur position dans leur circonscription et expliqueront pourquoi ils mettent à mal les services publics locaux.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nos amendements I-CF1685, I-CF1730 et I‑CF1692 visent à revaloriser la DGF versée aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux départements à hauteur de l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix à la consommation depuis 2018, 2024 ou 2025.
La situation est très préoccupante : les collectivités sont prises à la gorge, asphyxiées. Malgré l’apparente stabilisation de la DGF depuis 2018, la conjoncture économique s’est fortement dégradée. Les collectivités ont dû faire face aux nombreux défis qui ont touché les ménages les plus fragiles et les acteurs économiques, qu’il agisse de la crise sanitaire ou de la forte inflation. Tous les services publics locaux, les cantines, les Ehpad, les transports et les infrastructures ont été affectés. À ces causes conjoncturelles s’ajoutent des mesures catégorielles que les collectivités ont dû assumer sans compensation de l’État – je pense par exemple à l’augmentation du point d’indice, aux mesures du Ségur, ou encore à l’augmentation du RSA.
Les collectivités jouent un rôle indispensable de bouclier social et d’investisseurs dans la transition écologique. L’augmentation de DGF est donc indispensable.
M. Jacques Oberti (SOC). L’amendement I-CF569 vise à revaloriser la DGF à hauteur de la hausse du coût de la vie. Cette mesure ne serait encore qu’imparfaite, puisque l’indice du « panier du maire » augmente généralement d’un point de plus que l’indice des prix à la consommation.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). L’amendement I-CF1131 est identique à celui que vient de défendre M. Oberti. Je vous soumettrai dans un instant l’amendement de repli I‑CF1130. La DGF doit être au moins maintenue en 2025 au même montant qu’en 2024.
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement I-CF1394, travaillé avec Départements de France, prévoit de revaloriser la DGF départementale à hauteur de l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix à la consommation pour 2025.
Après quatre années de baisse de la dotation puis un gel de cette dernière depuis 2018, l’effet ciseaux joue à plein. Du reste, les départements sont dans une situation particulière puisque certaines de leurs dépenses ne peuvent être prévues ou anticipées : ainsi, la décision d’un plan d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou le placement d’un enfant sur décision d’un juge s’imposent à eux. Il y va du maintien des politiques publiques en matière de solidarité territoriale et de solidarité humaine.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tous ces amendements visent à augmenter le montant de la DGF. Or la situation des comptes publics est catastrophique : le déficit atteindra 6,1 % du PIB en 2024 et le tendanciel est de 6,9 % pour 2025, même si nous espérons revenir à 5,2 % ou 5 % l’année prochaine. La dette continue d’augmenter : elle représentera 112,9 % du PIB en 2024.
Dans ce contexte, il faut regarder les choses en face. Les trois blocs de collectivités territoriales sont dans une situation différente. Les départements sont les plus en danger, comme en témoigne le grand nombre d’amendements qui les concernent : quatorze d’entre eux seront en déficit de fonctionnement en 2025 si rien n’est fait.
Je vous propose de maintenir le montant de la DGF tel qu’il est, c’est-à-dire gelé, car il n’est pas anormal que les collectivités participent à l’effort. En revanche, je défendrai à l’article 32 un amendement visant à abonder de 466 millions le fonds de sauvegarde des départements. Ce montant est assez proche des 500 millions que vous réclamez pour la DGF départementale, mais une majoration de cette dernière profiterait au bloc communal et à tous les départements alors que certaines de ces collectivités vont encore relativement bien. La solution du fonds de sauvegarde me semble donc plus adaptée.
Quant au bloc communal, il se porte mieux. L’épargne brute des communes, qui correspond à leur capacité d’autofinancement, a augmenté de 5,7 % entre août 2023 et août 2024, tandis que leurs dépenses d’investissement ont progressé de 10 % pendant la même période – il faut dire que nous sommes en haut du cycle électoral. Dès lors, il me semble raisonnable de ne pas augmenter le montant global de la DGF, car cette hausse bénéficierait à tous sans prendre en compte la situation de chacun.
Je donne donc à tous ces amendements un avis défavorable, en vous donnant rendez-vous à l’article 32, lorsque nous discuterons du fonds de sauvegarde des départements.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part je suis favorable aux amendements, qui visent à régler un vrai problème qui ne date pas d’aujourd’hui. Les explications du précédent gouvernement, qui a pointé du doigt la responsabilité des collectivités pour expliquer l’évolution du déficit public, me laissent songeur… L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) estime que le manque à gagner des collectivités a été de 70 milliards d’euros entre 2014 et 2024. Par ailleurs, le Parti de gauche considère, à l’appui de données issues de l’enquête sociale de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), de l’Insee et de la Cour des comptes, que les collectivités ont été privées de 250 milliards, du fait de la non-compensation de transferts de compétences et de suppressions de taxes ou d’impôts locaux, ainsi que de la baisse de 30 milliards de la DGF et de la désindexation de cette dernière par rapport à l’inflation. Chacun conviendra qu’un trou financier très important a été creusé ces dix dernières années.
Que la DGF soit indexée sur l’inflation me semble être un minimum pour que les départements puissent continuer à assumer leur rôle. Ce n’est pas aux collectivités territoriales de payer les déficits dont elles ne sont responsables que pour une part infime, puisqu’elles sont tenues d’équilibrer leur budget de fonctionnement et que tout le monde compte sur elles pour investir. Il y a là un paradoxe difficilement acceptable.
M. Éric Woerth (EPR). Il n’y a pas un enfer qui serait l’État et un paradis qui serait les collectivités locales. La situation est un peu plus compliquée que cela ! Les gestionnaires de collectivité, qui ne sont plus très nombreux à l’Assemblée nationale en raison de l’interdiction du cumul des mandats, le savent très bien.
La DGF a augmenté au cours des années passées – pas au niveau de l’inflation, certes, parce que tout ne peut pas être indexé sur l’inflation. Le vrai problème ne réside pas dans le montant de la dotation, mais dans ses composantes. Elle est devenue de plus en plus complexe du fait de nombreuses décisions prises par le passé, il y a parfois trente ou quarante ans, si bien que plus un seul élu ne comprend aujourd’hui à quoi il a droit. Nous avons eu avec M. Laignel des discussions comme il n’en faut plus, au cours desquelles l’État et les collectivités locales se sont passé le mistigri. Aussi devons-nous tout remettre à plat, dans le cadre d’une concertation avec les élus locaux visant à inventer un nouveau système de financement des collectivités. Chacun prendra alors ses responsabilités. Lorsque les départements sous-financent les dépenses sociales, notamment l’aide sociale à l’enfance, c’est leur choix, qu’ils ne doivent pas justifier par un système de financement insuffisant.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Depuis plusieurs jours, nous avons réussi, par nos votes, à dégager quelques moyens financiers. Aussi est-il possible de revaloriser la DGF d’un montant correspondant au moins à l’inflation – c’est même nécessaire si nous ne voulons pas que les collectivités se trouvent en grande difficulté.
Mme Sophie Pantel (SOC). J’appelle votre attention sur les effets d’une non-indexation de la DGF. La solidarité entre départements, qui s’exerce dans le cadre d’un fonds de péréquation, serait remise en cause car, pour la première fois, de gros départements percevant jusqu’alors des DMTO importants connaissent des difficultés.
Sans une indexation de la DGF et un abondement du fonds de sauvegarde, plus de cinquante départements seront en difficulté l’année prochaine. Ces deux mesures sont nécessaires, faute de quoi on ne fera que mettre un pansement sur une jambe de bois.
Mme Véronique Louwagie (DR). Les interventions de nos collègues montrent les problèmes que rencontrent certaines collectivités, notamment les départements. Présidente de la commission des finances du conseil départemental de l’Orne, j’éprouve des difficultés à boucler le budget pour 2025 à cause du déploiement en année pleine de certaines mesures et de la baisse des DMTO.
Il est temps d’aborder la question de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, dans l’optique d’assurer une véritable décentralisation. Le système ne fonctionne plus et l’État ne pourra pas toujours abonder le manque de recettes locales, surtout dans sa situation budgétaire actuelle ; dans le même temps, les collectivités doivent remplir leurs missions. Nous sommes à la croisée des chemins et nous devons reconstruire les relations entre l’État et les collectivités.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’indexation de la DGF demandée représente un coût légèrement inférieur à 500 millions. Je vous propose plutôt de consacrer cette somme à aider les départements en difficulté. Je partage les propos de nos collègues Louwagie et Woerth et je vous invite à relire le récent rapport de ce dernier, « Décentralisation : le temps de la confiance », dans lequel il recommande d’affecter aux départements une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG). Je souhaite aller plus loin en territorialisant cette mesure, afin de répondre au constat dressé par Mme Louwagie sur l’impossibilité d’ajuster les dépenses et les recettes même en faisant preuve de la plus extrême rigueur.
M. le président Éric Coquerel. Une partie de la TVA a déjà été transférée et vous proposez de suivre la même orientation pour la CSG, prélèvement qui n’a pas été conçu pour financer les départements et qui, en outre, n’est pas progressif.
M. Éric Woerth (EPR). Il faut lire sérieusement le rapport, lequel ne propose pas de prendre au hasard une partie du produit de la CSG et vise justement à abandonner le fractionnement de la TVA.
M. le président Éric Coquerel. Je dis simplement que la CSG n’a pas été prévue pour cela.
M. Éric Woerth (EPR). La CSG a une dimension sociale, domaine qui recoupe la compétence principale des départements.
M. le président Éric Coquerel. Elle est surtout liée au budget de la sécurité sociale.
La commission rejette successivement les amendements I-CF651, I-CF1685 et I‑CF1730.
Elle adopte les amendements identiques I-CF569, I-CF655, I-CF1131, I‑CF1394 et I‑CF1692.
Amendement I-CF1130 de M. Jean-Pierre Bataille
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au I‑CF1131, qui vient d’être adopté. La DGF sera donc revalorisée à hauteur de la prévision d’inflation figurant dans le PLF, à savoir 1,8 %. Je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF656 de M. Aurélien Le Coq.
Amendements identiques I-CF1147 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1188 de Mme Martine Froger et I-CF1569 de M. Philippe Brun, amendements identiques I-CF1148 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1189 de Mme Martine Froger et I‑CF1573 de M. Philippe Brun, amendement I-CF1496 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). L’amendement vise à maintenir la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Année après année, cette compensation ne cesse de diminuer, ce qui grève le budget des régions.
M. Laurent Baumel (SOC). Dans le malheur général que le désengagement budgétaire de l’État produit sur les finances locales, les régions souffrent moins que les départements mais leur niveau d’épargne brute ne cesse de diminuer. Notre amendement s’oppose à la nouvelle baisse de la DCRTP.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Mon amendement de repli vise à limiter la baisse de la DCRTP.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’article 29 fixe le montant de la DGF et pérennise l’augmentation de 320 millions des fonds de péréquation obtenue en 2024. Ce sont les collectivités qui permettent le maintien de ce montant. Le PLF agit sur plusieurs variables d’ajustement dont certaines concernent les départements, alors que tout le monde reconnaît qu’il s’agit du niveau de collectivité le plus en difficulté. Cette politique n’est pas bonne et n’offre aucune visibilité globale sur les moyens des collectivités.
Monsieur Cazeneuve, j’ai retrouvé les propos que vous avez tenus l’année dernière en commission et je maintiens que vous avez menti. J’avais déclaré mon opposition aux amendements de Mme Louwagie, de M. Tanguy et de M. Reda qui visaient à revenir sur la revalorisation des valeurs locatives indexées sur l’inflation et mon soutien aux propos du rapporteur général d’alors, à savoir vous-même.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’objet de l’ensemble de ces amendements est de réduire les prélèvements sur les variables d’ajustement. Celles-ci reposent sur sept éléments pour un montant de 3,738 milliards d’euros dans la dernière loi de finances. Le PLF les réduit de 487 millions d’euros pour financer le dynamisme des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, à l’instar des quelques prélèvements sur recettes (PSR) qui se trouvent en augmentation – à hauteur de 337 millions – liée notamment au dynamisme des compensations des allègements de fiscalité locale.
Le texte ne touche pas à la dotation « carrée » des départements, variable d’ajustement qui reste à 362 millions d’euros. La DCRTP des départements subit une baisse modeste de 39 millions d’euros par rapport à son montant de 1,204 milliard d’euros. La réduction de la DCRTP touche principalement le bloc communal, à hauteur de 200 millions d’euros – la dotation passe de 1,129 milliard d’euros à 928 millions d’euros –, et les régions, où elle se contracte de 467 millions d’euros à 278 millions d’euros.
Ces baisses financeront notamment les remboursements de suppressions, d’abattements et de réductions d’impôts locaux décidés par l’État, donc je ne peux pas soutenir les amendements.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Je ne peux pas vous suivre car tous les départements ne perçoivent pas de DCRTP ni ne bénéficient d’un fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Ceux qui les touchent sont les départements les moins favorisés : en ponctionnant les variables d’ajustement, on attaque la solidarité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le FDPTP est mal nommé car il ne concerne que le bloc communal et ne comporte aucune part départementale. Les départements ventilent simplement les aides entre les communes. En outre, la réduction de leur montant ne dépasse pas 57 millions d’euros.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Et moi je ne peux pas vous suivre, monsieur le rapporteur général, car les régions essuient trois punitions : la non-indexation de la DGF, le recul de la DCRTP et le gel du produit de la TVA.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Tout d’abord, il n’y a plus de DGF pour les régions, elle a été remplacée par une part du produit de la TVA.
Sur le fond, nous touchons là à la question du soutien aux collectivités territoriales : soit nous aidons toutes les collectivités, soit seulement celles qui en ont vraiment besoin. Il me semble que l’État doit choisir la seconde option. Les finances de certains départements sont actuellement dans le rouge : la représentation nationale devrait décider d’une aide spécifique pour ces collectivités en abondant le fonds de péréquation. Si on augmente le montant total de la DGF, on accroît le soutien aux collectivités en bonne santé financière, que l’on retrouve principalement dans le bloc communal. Quand les moyens viennent à manquer, notre responsabilité politique est d’aider celles qui ont des problèmes et non de soutenir tout le monde.
M. le président Éric Coquerel. La DGF n’est pas une aide, mais une compensation de transferts de compétences. Elle n’a pas pour but de réduire les inégalités : si nous voulions la transformer en ce sens, il nous faudrait repenser complètement le système et instaurer une fiscalité propre. Une telle approche modifierait en profondeur l’organisation territoriale et même celle de la République.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 29 modifié.
Amendements de suppression I-CF332 de M. Stéphane Delautrette, I‑CF660 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1140 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1206 de M. Nicolas Ray et I‑CF1423 de Mme Christine Arrighi
Mme Sophie Pantel (SOC). Nous souhaitons supprimer l’article 30 qui baisse le taux et réduit l’assiette du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), afin de soutenir l’économie locale et de préserver la commande publique, essentielle dans tous les territoires, particulièrement dans les zones rurales.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Les collectivités locales réalisant 58 % de l’investissement public, une baisse de 2 points du FCTVA diminuera les capacités d’autofinancement des prochains investissements, donc le produit de la TVA.
M. Nicolas Ray (DR). L’article 30 prévoit de baisser le taux de remboursement du FCTVA et de réduire son périmètre. Je veux bien que les collectivités fassent des efforts – j’ai ainsi refusé de soutenir l’indexation totale de la DGF –, mais il faut préserver l’investissement, source de dépenses utiles et d’emplois.
Le changement des règles constitue également un mauvais coup pour les collectivités ayant déjà prévu leur plan de financement, d’autant que nous arrivons à la fin des mandats locaux de la période 2020-2026.
Revenir sur l’élargissement du fonds aux opérations d’entretien des bâtiments et de la voirie n’est pas acceptable : l’instabilité pose problème et la distinction entre les dépenses d’investissement et de fonctionnement est très ténue – j’ai pu éprouver cette difficulté par le passé en tant que comptable public.
Enfin, la grêle a endommagé de nombreux bâtiments, dont la remise en état entrera dans les dépenses de fonctionnement des collectivités : ces dernières ont besoin d’être soutenues, d’où la nécessité de maintenir le niveau actuel du FCTVA.
M. Charles Fournier (EcoS). Les collectivités locales effectuent presque 60 % de l’investissement public. Leur rôle sera déterminant dans la période difficile dans laquelle nous entrons. L’attaque contre le FCTVA ébranlera les collectivités, d’autant que celles-ci ont déjà planifié leurs investissements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le FCTVA n’est pas, contrairement à ce que l’on dit, un remboursement de la TVA : le dispositif repose sur le produit d’un taux réduit de 1,25 %, reversé à l’Union européenne, et sur une assiette qui ne correspond pas au montant de la TVA acquittée, puisque toutes les subventions des administrations publiques nationales y sont soustraites. Ainsi, le taux de 16 % est bien plus faible si on le rapporte à l’ensemble des investissements des collectivités locales.
Rapporteur général, je tente de trouver des compromis : le Gouvernement propose de diminuer le taux de remboursement de 16,404 % à 14,85 %, soit une baisse de 1,55 point, qui correspond à une économie de 800 millions d’euros par rapport à l’estimation des investissements éligibles en 2025. Je vous propose de maintenir le montant du FCTVA, qui atteint 7,104 milliards d’euros ; dans ce cadre, il est envisageable de réduire quelque peu le taux de remboursement pour le fixer à 15,41 %, ce qui représente une baisse d’environ 1 point.
L’avis est défavorable sur les amendements.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’article 30 est très dangereux : les gouvernements successifs ont toujours lutté pour conserver le principe même du FCTVA, qui n’est pas une compensation. Si on veut préserver l’investissement et l’activité économique, il faut refuser d’entrer dans l’engrenage de la modification du FCTVA. Voilà pourquoi, nous souhaitons supprimer cet article.
La commission adopte les amendements I-CF332, I-CF660, I-CF1140, I‑CF1206 et I‑CF1423.
En conséquence, l’article 30 est supprimé et les autres amendements tombent.
Amendements de suppression I-CF565 de Mme Sophie Pantel, I-CF665 de Mme Marianne Maximi, I-CF1141 de M. Jean-Pierre Bataille et I-CF1758 de M. Tristan Lahais
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement vise à supprimer l’année blanche de TVA prévue dans le PLF. Le transfert d’une partie de la TVA vers les départements a toujours été présenté comme une opération avantageuse pour ces derniers en raison du dynamisme du produit de cette taxe. Avec l’année blanche, c’est une nouvelle promesse qui n’est pas respectée.
Mme Eva Sas (EcoS). Le Gouvernement présente l’article 31 comme une réforme garantissant la stabilité des transferts de TVA aux collectivités locales en 2025 et améliorant la prévisibilité des recettes locales. Néanmoins, le document « Évaluations préalables des articles du projet de loi » semble plutôt indiquer qu’il s’agit d’une mesure de pure économie, d’un montant estimé à 1,2 milliard l’année prochaine. Le Gouvernement procédant déjà à de nombreuses coupes dans les concours financiers aux collectivités locales, nous souhaitons supprimer cet article.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le produit de la TVA est désormais réparti entre les collectivités locales, la sécurité sociale et l’État. En 2024, 52,5 milliards d’euros sont reversés aux collectivités territoriales et plus de 60 milliards d’euros abondent la sécurité sociale : le budget de l’État ne perçoit plus que 45 % à 46 % du produit de la TVA, ce qui constitue un changement énorme, opéré en moins de six ans par la suppression d’impôts locaux et d’exonérations de cotisations sociales.
La prévision du produit de la TVA me semble surévaluée dans le PLF : elle s’établit à 106 milliards d’euros pour l’État alors que la prévision actualisée n’atteint que 96 milliards d’euros. La désindexation des compensations versées aux collectivités locales a rompu le lien avec l’évolution du produit de la TVA nette.
Il me semble que le maintien d’un reversement de 52,5 milliards d’euros aux collectivités locales n’est pas négligeable dans le contexte actuel. L’écart de 1,2 milliard d’euros me semble sous-évalué par rapport aux hypothèses gouvernementales, mais l’ordre de grandeur est le bon.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Autant on peut comprendre la critique portée à l’encontre de l’article 30, qui changeait les règles du jeu entre les collectivités et l’État, autant l’article 31 pose clairement pour principe le partage de l’effort. Il me semble que cette approche est conforme à l’intérêt général. Moins d’argent pour les collectivités locales signifie certes moins de services et d’investissements, mais l’économie de 1,2 milliard renforcera les services et les investissements de l’État. Ce jeu à somme nulle est un moyen de faire participer les collectivités territoriales à l’effort commun.
À nos collègues du groupe Socialistes qui donnent des leçons depuis quelques heures, je tiens à leur rappeler que la seule période de baisse en euros des dotations de l’État aux collectivités territoriales s’est produite durant le quinquennat de François Hollande.
M. Philippe Juvin (DR). Que les collectivités territoriales doivent participer à l’effort, cela va de soi et personne ne s’opposera à cette exigence. Les collectivités ont en effet vécu une période très noire sous François Hollande, époque au cours de laquelle toutes les lois présentées comme décentralisatrices étaient en réalité des lois de centralisation. Néanmoins, l’instauration du transfert d’une partie du produit de la TVA était la contrepartie de la disparition presque totale de toute fiscalité autonome des collectivités : l’article 31 écorne le contrat de confiance signé entre les collectivités et l’État.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous approuvons l’effort demandé aux collectivités locales par cette mesure sur la TVA. Nous avons soutenu l’indexation de la DGF car nous avons estimé qu’elle était soutenable grâce à de nouvelles ressources et économies, mais on ne peut pas raser gratis à tous les articles. J’alerte les membres de l’opposition sur le fait que le refus de toute nouvelle économie pourrait semer une confusion dont pourraient bénéficier le Premier ministre, très discret sur le budget, et les partis qui le soutiennent. Qui trop embrasse, mal étreint.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques I-CF1568 de M. Philippe Brun et I-CF1715 de M. Michel Castellani, amendements I-CF1146 de M. Michel Castellani, I-CF1679 et I-CF1677 de M. Matthias Renault (discussion commune)
M. Matthias Renault (RN). L’amendement I-CF1679 propose d’économiser 600 millions sur la fraction de la TVA versée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le processus d’intercommunalisation, qui s’est effectué à marche forcée, devait dégager des économies d’échelle grâce à la mutualisation des moyens, or c’est l’inverse qui s’est produit. La taille des collectivités, les charges de personnel et le développement des compétences facultatives et optionnelles – l’existence même de telles compétences devrait d’ailleurs faire l’objet d’un débat – ont connu une très forte inflation alors que la proportion d’agents au contact de la population est plus faible que dans les petites communes. Nous avons voté une augmentation de la DGF de 500 millions et il est opportun de répartir l’effort entre les différents niveaux de collectivité : donnons moins aux intercommunalités et davantage aux petites communes.
Le second amendement vise à demander un effort de 500 millions d’euros aux régions. Le saupoudrage des aides aux entreprises et l’enchevêtrement des compétences entre les collectivités nous semblent peu efficaces. Nous défendons à terme la suppression des régions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Deux amendements visent à diminuer la part de la TVA transférée et trois ont pour objet de l’augmenter par rapport à ce que prévoit le texte, sans toutefois maintenir le niveau de 2024.
L’amendement I-CF1679 vise à réduire de 5 % le produit de la TVA affecté aux EPCI. Les intercommunalités percevant actuellement 13,5 milliards d’euros, la baisse s’élèverait à 600 millions d’euros. Le I-CF1677 a pour objet d’appliquer la même diminution aux régions : celles-ci recevant 5 milliards d’euros de TVA au titre de la compensation de leur ancienne dotation globale de fonctionnement (DGF), la contraction de leurs recettes atteindrait 250 millions d’euros. Le cumul de ces deux amendements représenterait une économie de 850 millions d’euros. Je ne peux pas soutenir ces amendements qui n’opèrent aucune distinction entre les communes.
Quant aux amendements qui visent à indexer les fractions de la TVA transférées aux collectivités territoriales sur l’inflation, j’y suis défavorable. La loi n’a pas posé une telle règle, elle a seulement instauré une indexation sur l’évolution de la TVA nette. La prévision de cette dernière est de 210 milliards d’euros en 2024 et de 216 milliards d’euros en 2025, soit une hausse de 3 %. La part de l’État progresse de 96,1 milliards d’euros à 106,2 milliards d’euros grâce à la stabilité du produit affecté à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales, respectivement de 57,5 milliards d’euros et de 52,5 milliards d’euros.
J’émets un avis défavorable à l’ensemble des amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle rejette l’article 31.
Amendements identiques I-CF1132 de M. Jean-Pierre Bataille et I-CF1395 de Mme Sophie Pantel
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons déjà approuvé une hausse de la DGF de 500 millions d’euros. Dans un souci de clarté, il convient de ne pas adopter ces deux amendements.
Les amendements sont retirés.
Amendements I-CF1676, I-CF1630, I-CF1690 et I-CF1684 de M. Kévin Mauvieux
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le Rassemblement national propose diverses économies dans ces quatre amendements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis opposé à une plus grande diminution des dotations de compensation des pertes de taxe professionnelle et des prélèvements sur recettes (PSR) affectés aux collectivités territoriales.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF938 de Mme Mereana Reid Arbelot
M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement vise à abonder la dotation globale d’autonomie au bénéfice de la Polynésie française. Le montant du fonds pour la reconversion de l’économie de la Polynésie française (FREPF) n’a pas été augmenté depuis sa création en 1996, alors que l’inflation cumulée s’élève à près de 50 % depuis cette date. Nous proposons une mesure de rattrapage.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (Dacom), que touche notamment la Polynésie française, a progressé de 258 millions d’euros en 2019 à 367 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 42 % en quatre ans. Plus largement, la DGF par habitant est bien supérieure dans les territoires d’outre-mer qu’en métropole : elle s’établissait ainsi à 247 euros outre-mer en 2022 contre 165 euros dans l’Hexagone ; en Polynésie française, elle atteignait même 278 euros. L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF674 de M. Aurélien Le Coq
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement vise à compenser aux collectivités locales le coût des dernières revalorisations salariales de la fonction publique territoriale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous souhaitez créer un PSR de 1,35 milliard d’euros destiné à compenser l’augmentation du point d’indice dans la fonction publique territoriale. Si nous adoptions une telle mesure, jusqu’à maintenant inédite, il n’y aurait plus qu’à étatiser les fonctionnaires territoriaux.
En outre, vous proposez une solution de court terme quand il faudrait changer de paradigme et créer de véritables instances de concertation entre l’État, les collectivités et les représentants des fonctionnaires territoriaux. Compenser a posteriori les effets de décisions prises de manière centralisée et sans consultation des collectivités n’est pas de bonne politique.
L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF731 de M. Aurélien Le Coq
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons de mettre en œuvre un plan de reconstruction pour Kanaky Nouvelle‑Calédonie.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Beaucoup de mesures ont été prises pour soutenir la Nouvelle-Calédonie après les manifestations qui ont secoué ce territoire, parmi lesquelles le financement du chômage partiel, à hauteur de 50 millions d’euros, des prêts d’urgence – notamment une avance remboursable de 100 millions d’euros du Trésor et un prêt de 50 millions d’euros de la Banque des territoires –, une subvention spécifique pour le soutien de la province Sud, à hauteur de 4,2 millions d’euros, et le financement de la reconstruction des établissements scolaires et des autres bâtiments publics. Au total, le soutien apporté à la Nouvelle-Calédonie s’élève, pour l’instant, à plus de 400 millions d’euros, et il va encore croître.
Je vous invite donc à retirer l’amendement et à interroger le Gouvernement sur les mesures à venir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF681 de M. Éric Coquerel
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Les coûts accumulés par les collectivités au cours des dernières années sont importants, en particulier celui lié à la revalorisation de 4,6 % du RSA en 2024. Nous proposons donc de compenser aux départements, qui sont pris à la gorge, le coût en année pleine de cette revalorisation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous soulevez un véritable problème mais, pour soutenir les départements dont la situation financière est difficile, il me paraît préférable d’abonder, d’un montant équivalent à celui que vous proposez, le fonds de sauvegarde, qui permet de cibler ceux qui en ont le plus besoin – c’est l’objet de l’amendement que je vais défendre dans un instant. Avis défavorable, donc.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1901 de M. Charles de Courson, amendements identiques I-CF567 de Mme Sophie Pantel, I-CF1139 de M. Jean-Pierre Bataille et I-CF727 de Mme Marianne Maximi (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Comme je l’indiquais à l’instant, nous proposons que l’État abonde de 466 millions d’euros le fonds de sauvegarde des départements. Ce montant, estimé en accord avec Départements de France, correspond à l’aide dont les départements les plus en difficulté ont besoin pour rétablir leur situation financière.
De fait, depuis deux ans, la situation des départements s’est dégradée, notamment à cause de la très forte chute – de 22 % en 2023 et d’environ 20 % en 2024 – des recettes liées aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO). De nombreux départements se retrouvent ainsi en grande difficulté pour boucler leur budget pour 2025, et quatorze d’entre eux afficheront même un déficit de fonctionnement si rien n’est fait. Il s’agit donc d’une mesure de solidarité.
Mme Sophie Pantel (SOC). Mon amendement est analogue à celui du rapporteur. J’insiste néanmoins sur le fait que nous devons agir sur les causes des difficultés rencontrées par les départements si nous voulons mettre fin à cette spirale et éviter de devoir abonder chaque année le fonds de sauvegarde. Il nous faut rapidement prendre à bras-le-corps la problématique du financement des collectivités.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous invite à voter l’amendement I‑CF1901, qui est un peu plus généreux que les autres.
La commission adopte l’amendement I-CF1901.
En conséquence, les amendements I-CF567, I-CF1139 et I-CF727 tombent.
L’amendement I-CF1520 de M. Jean-Pierre Bataille est retiré.
Amendement I-CF1002 de Mme Estelle Youssouffa
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable à cet amendement qui tend à soutenir le département de Mayotte pour la prise en charge des mineurs non accompagnés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF664 de M. Benjamin Lucas-Lundy
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit d’instaurer un prélèvement sur les recettes de l’État au titre du soutien communal à l’aide au départ en voyage scolaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Croyez‑vous franchement que ce soit le rôle de l’État de subventionner les communes pour qu’elles organisent des voyages scolaires ? Ces opérations, je le sais pour avoir été maire pendant 38 ans, sont cofinancées par les familles et les communes ou les intercommunalités.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF471 de Mme Céline Hervieu
M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit de renforcer les moyens dédiés au contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant par les services départementaux de protection maternelle et infantile (PMI), en faisant en sorte que le nombre des équivalents temps plein (ETP) dédiés à ce contrôle soit porté de 55,6 à 150.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant est une compétence des départements, à qui il revient donc de s’organiser pour que ce contrôle soit effectif. Il est vrai que la situation est très variable d’un département à l’autre, mais certains d’entre eux y parviennent très bien. Ainsi, dans la Marne, deux ou trois structures ont été fermées. Avis défavorable.
M. Éric Woerth (EPR). Cette question est très importante car elle est au cœur de l’enjeu du financement des départements. Soit on opte pour une recentralisation en matière de protection maternelle et infantile à l’aide sociale à l’enfance (ASE), afin de garantir l’égalité de traitement des enfants sur l’ensemble du territoire ; soit on laisse cette compétence aux collectivités mais on leur donne davantage de moyens pour leur permettre de l’exercer, en recourant à une dotation de solidarité, qui couvrirait 40 % à 50 % du coût, et à une fraction de CSG.
En tout état de cause, c’est un débat que nous devons avoir, car nous ne pouvons pas laisser évoluer ainsi ce service public auquel l’État ne participe plus qu’à travers la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et la médecine scolaire, et dont les départements ne cessent de dénoncer l’absence de financement.
M. Éric Coquerel (LFI-NFP). Je souscris à vos propos, au vu de la situation qui prévaut dans mon département.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 32 modifié.
Amendement I-CF217 de M. Nicolas Sansu
M. Emmanuel Maurel (GDR). Afin de protéger certains ménages qui ne peuvent parfois s’acquitter d’une taxe foncière dont le montant excède 5 % de leurs revenus, nous proposons d’instaurer un mécanisme de dégrèvement, à l’instar de ce qui se faisait jadis pour la taxe d’habitation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Un dégrèvement, je le rappelle, est compensé par l’État ; la décision ne relève pas des collectivités. J’estime, pour ma part, qu’il faut respecter l’autonomie fiscale, ou ce qu’il en reste, du bloc communal.
Du reste, des allègements sont déjà prévus pour les personnes vulnérables ; je pense notamment à l’exonération et au dégrèvement d’office pour les personnes modestes en fonction du revenu fiscal de référence ou pour les personnes âgées vulnérables. Par ailleurs, la taxe foncière est calculée en fonction de la valeur locative, comme l’était la taxe d’habitation. Enfin, l’État est le premier contribuable local puisqu’il verse près de 10 milliards d’euros de dégrèvements et de compensations d’exonérations, soit près de 6 % des recettes de la fiscalité locale. Nous ne renforcerions donc pas l’autonomie fiscale des collectivités territoriales si nous adoptions votre amendement. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF650 de M. David Guiraud, I-CF658 de Mme Marianne Maximi, ainsi que les amendements I-CF787 et I-CF1024 de Mme Isabelle Santiago.
Amendements identiques I-CF101 de M. Vincent Descoeur et I-CF568 de Mme Sophie Pantel
Mme Sophie Pantel (SOC). Il s’agit de compenser aux départements le coût lié à l’extension du Ségur de la santé. Je précise que le ministre de l’économie lui-même a reconnu devant la commission des affaires sociales que le coût du Ségur n’avait pas été compensé par l’État.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1614 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons d’octroyer une dotation exceptionnelle de 50 millions d’euros à la collectivité de Corse car, depuis 2009, le montant de la dotation de continuité territoriale perçue par celle-ci est figé et n’évolue plus selon l’inflation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le gel de la dotation de continuité territoriale perçue par la collectivité de Corse affecte d’autant plus ses ressources que les coûts d’exploitation du service public de transport maritime et aérien ont fortement augmenté, à la suite notamment de l’inflation née du conflit ukrainien et de l’explosion des prix du carburant. Dans ce contexte, la loi de finances pour 2024 a majoré, de manière exceptionnelle, la dotation de continuité territoriale à hauteur de 40 millions d’euros, après l’aide exceptionnelle de 33 millions d’euros qui avait été prévue dans la loi de finances rectificative pour 2022.
Je suis favorable à l’amendement, mais je regrette que le Gouvernement ne soit pas intervenu, comme nous le lui avions demandé, dans le projet de loi de finances pour nous éviter d’avoir à compléter cette dotation chaque année.
La commission adopte l’amendement I-CF1614.
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Réunion du samedi 19 octobre 2024 à 14 heures (article 33 à article 41)
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).
B – Impositions et autres ressources affectées à des tiers
Amendements identiques I-CF1587 de M. Emmanuel Maurel et sous-amendement I‑CF1907 de M. Sébastien Peytavie, et I-CF1793 de M. David Amiel, amendement I-CF1665 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune)
M. Emmanuel Maurel (GDR). L’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) bénéficie d’une taxe affectée. Le Gouvernement a choisi d’en plafonner le versement à 457 millions, alors que l’Agefiph en attendait 520 à 550. Cet amendement a donc pour but de revenir sur ce plafonnement, qui était une mauvaise nouvelle pour le secteur du handicap. J’ai cru comprendre que de nombreux députés, issus de tous les groupes, étaient sensibles à cette question.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable sur les amendements ; il ne me paraît pas raisonnable d’écrêter le reversement dont bénéficie l’Agefiph. En revanche, avis défavorable sur le sous-amendement visant à modifier le rendement prévisionnel d’une taxe, qui est dénué de portée juridique.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je vous invite au contraire à adopter le sous-amendement qui vise à porter à 575 millions le montant attribué à l’Agefiph, ce qui correspond à ses besoins pour mener à bien ses missions auprès de plus de 200 000 personnes handicapées. L’insertion professionnelle ne doit pas être une variable d’économie.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le tableau visé par le sous-amendement est erroné, je ne peux donc y être favorable.
La commission adopte le sous-amendement I-CF1907 puis rejette l’amendement I‑CF1587 sous-amendé.
La commission adopte l’amendement I-CF1793. En conséquence, l’amendement I‑CF1665 tombe.
Amendement I-CF1897 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le Conservatoire du littoral fait face à une augmentation constante de son domaine, alors que le plafond de la taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel (Taemup) qui lui est affectée demeure stable. Cet effet ciseau appelle à un relèvement du plafond de la taxe, à la modeste hauteur de 3 millions. Pour ne pas pénaliser les autres affectataires de la taxe – la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) et les éco-organismes agréés de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) relative aux navires de plaisance ou de sport –, je propose d’augmenter le taux de la Taemup pour les navires dont la puissance administrative dépasse 51 chevaux-vapeur et pour les véhicules nautiques à moteur dont la puissance propulsive nette maximale dépasse 160 kilowatts.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF1896 de M. Charles de Courson, I-CF837 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF1071 M. Jean-Pierre Vigier, I-CF1777 de M. Guillaume Garot et I‑CF1828 de Mme Sophie Mette
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’indexation sur l’inflation de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TA-TFNB), ainsi que du plafond de son affectation aux chambres d’agriculture, permettrait à celles-ci de continuer à assurer leurs missions d’accompagnement et de proximité auprès des agriculteurs, qui sont de plus en plus nombreuses. Il convient donc de relever ce plafond de 12,6 millions.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Il serait judicieux de soutenir les chambres d’agriculture, compte tenu des grandes attentes exprimées par les agriculteurs.
Mme Sophie Pantel (SOC). Il faut en effet revaloriser durablement leurs ressources.
La commission adopte les amendements identiques.
Amendement I-CF1097 de Mme Élise Leboucher
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement, modifiant le montant prévisionnel de la taxe sur les transactions financières (TTF) et non pas le plafond des ressources du fonds de solidarité pour le développement (FSD), n’a aucun effet juridique. Je vous demande de le retirer et de le modifier en vue de la séance publique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1482 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Avec votre permission, j’en profiterai pour défendre par anticipation une série d’amendements similaires à l’article 33.
Pendant quatre jours, nous avons examiné des centaines d’amendements déposés par les groupes de gauche, dont le but était une hausse folle de la fiscalité. Il est temps de parler d’économies et de réduction de la dépense publique. Mes amendements à l’article concernent quatre-vingts opérateurs de l’État, dont la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la Commission nationale du débat public (CNDP), le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), les agences régionales de santé (ARS), le centre pour le développement de l’information sur la formation permanente.
Il existe 190 opérateurs de l’État, 25 autorités administratives indépendantes et plus de 300 comités, conseils, hautes autorités et autres hauts conseils. Ces agences coûtent plus de 80 milliards par an ; la plupart d’entre elles et la totalité de celles dont nous proposons la réinternalisation font doublon avec des directions ministérielles. Pour beaucoup, elles sont la source d’une complexité administrative coûteuse, inutile et parfois néfaste, en produisant de la bureaucratie, des normes et des procédures ; elles cherchent à justifier leur existence en utilisant leur capacité de blocage ou en abusant de leur pouvoir sur nos concitoyens. Je pense en particulier à l’Office français de la biodiversité (OFB), qui persécute les agriculteurs.
L’État a vocation à fournir des services à nos concitoyens, pas à multiplier des baronnies vivant d’argent public et dotées de trop nombreux postes de direction qui sont autant de rentes. Plusieurs amendements de notre groupe visent à réinternaliser certaines missions de ces agences. Nous en tenons la liste à la disposition du Gouvernement, qui peut s’y reporter s’il souhaite faire des économies.
Le débat progresse, puisque notre collègue Philippe Juvin a signé une tribune énumérant des agences qui pourraient être réinternalisées. La lutte contre la bureaucratie implique des propositions précises, quitte à bousculer les baronnies et les rentes. Nous n’avons pas besoin d’une multiplication des taxes, mais d’un comité de la hache, pour simplifier et faire des coupes dans la mauvaise dépense.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Cet amendement, qui porte sur l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ne contribue ni à l’optimisation de ses moyens ni à sa réinternalisation au sein de l’État. Je suis défavorable aux amendements similaires, pour les mêmes raisons.
La commission rejette l’amendement I-CF1482
Amendements I-CF1240 de M. Romain Eskenazi et I-CF1483 de M. Matthias Renault (discussion commune)
Mme Sophie Pantel (SOC). Cet amendement vise à augmenter le financement d’AFITF, pour développer davantage les trains de nuit, qui seraient particulièrement utiles dans la diagonale du vide qui traverse le Massif central.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président Éric Coquerel. Je suis farouchement opposé à tous les amendements de Matthias Renault, dont l’adoption entraînerait des régressions considérables. Vous ne pouvez pas dire que l’OFB ne sert à rien, à moins de considérer que l’écologie ou la défense de l’environnement n’ont pas d’importance. L’Agence nationale de l’habitat (Anah) et l’Agence nationale du sport (ANS) ont également une véritable utilité. Par ailleurs, comme l’a souligné le rapporteur général, vous ne proposez pas le transfert des moyens de ces opérateurs vers l’État, ce qui revient à supprimer leurs missions.
Mme Véronique Louwagie (DR). Entre 2017 et 2023, le budget de ces opérateurs a augmenté de 30 milliards, passant de 50 à 80 milliards – ce qui inclut leurs ressources propres ; depuis 2019, leurs effectifs ont crû de 20 000 agents. La qualité des services publics rendus en a-t-elle été améliorée ? La réponse est dans la question.
On ne peut établir de lien entre les moyens octroyés aux opérateurs pour mener à bien les politiques publiques et la qualité des services rendus. Nous devons sortir de la logique selon laquelle accorder des crédits suffit à répondre aux besoins de services publics.
M. le président Éric Coquerel. On peut discuter de la manière dont l’État a transféré à des opérateurs externes certaines de ses missions de service public. Gardons-nous cependant de supprimer ces opérateurs sans réaffecter leurs moyens à l’État de sorte qu’il puisse reprendre leurs missions. L’abandon de ces missions entraînerait une diminution des services rendus à nos concitoyens.
M. Éric Woerth (EPR). Ce débat n’est pas nouveau : quand on veut faire des économies, on cite des opérateurs et on évoque des chiffres, sans que personne ne sache précisément de quoi il s’agit. La plupart de ces opérateurs ont été créés parce qu’ils semblaient plus souples à gérer que les administrations centrales et parce que leurs missions étaient claires – qu’elles aient été votées ici même, par les collectivités territoriales ou décidées par l’État.
Pour éviter tout simplisme, il faut, opérateur par opérateur, déterminer quelles sont les attentes de l’État et mieux définir les plafonds d’emploi, les budgets et les taxes plafonnées affectées. Il est d’ailleurs aberrant de déplafonner des taxes affectées ; cela revient à intégrer au budget des taxes qui avaient été votées dans un autre but.
M. Jean-Philippe Tanguy. Je tiens à apaiser vos inquiétudes : le programme du Rassemblement national réinternalise toutes ces missions de service public, il ne les supprime pas. Aucun de nos amendements ne propose de réduire à zéro leur budget.
C’est une question de vision de l’État. Nous avons toujours été contre la logique de gestion exposée par M. Woerth, contre le désarmement de l’État, contre la déconcentration vers des agences et des opérateurs, contre l’autonomie de gestion de structures qui ne rendent de comptes à personne. Il faut que l’État fasse son travail ; il peut le déléguer aux préfets et, le cas échéant, les renvoyer aux collectivités territoriales.
Nous faisons l’effort de présenter vingt-cinq amendements en deux minutes, et voilà qu’on nous accuse de simplisme !
M. Daniel Labaronne (EPR). De manière générale, je plaide pour la rebudgétisation des taxes affectées afin de permettre un meilleur contrôle du Parlement sur l’utilisation des fonds destinés à ces opérateurs.
M. David Guiraud (LFI-NFP). La suppression de ces agences n’est pas seulement une question de vision de l’État, monsieur Tanguy. Vous avez aussi voté, il y a à peine quarante-huit heures, contre tous les amendements proposant la revalorisation des moyens pour l’écologie, la transition énergétique, la biodiversité, les collectivités territoriales, l’eau et le sport. C’est une réduction nette que vous proposez.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1484, I-CF1485, I-CF1486, I-CF1487, I-CF1488, I-CF1489, I-CF1490 et I-CF1491 de M. Matthias Renault.
Amendements I-CF1523 et I-CF1529 de M. Benjamin Dirx, I-CF141 de Mme Claudia Rouaux, I-CF1522 de M. Benjamin Dirx, amendements identiques I-CF121 de Mme Claudia Rouaux et I-CF1525 de M. Benjamin Dirx, amendement I-CF1492 de M. Matthias Renault (discussion commune)
M. Benjamin Dirx (EPR). Mes amendements visent à augmenter le budget du programme Sport pour le maintenir au niveau des années passées.
L’amendement I-CF1523 propose la revalorisation de 100 millions d’euros du plan Génération 2024, qui promettait d’installer des équipements sportifs de proximité dans les territoires ruraux et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et le rattrapage des 6 millions d’euros de financement que l’Agence nationale du sport a perdus lorsque le produit affecté de la taxe sur les jeux de loterie a été remplacé par une part de la taxe sur les paris sportifs en ligne. Il propose également la revalorisation du pass sport, dont le budget a été diminué de 25 millions d’euros en 2024 en raison d’une sous-exécution en 2023 ; il est prévu une réduction supplémentaire de 10 millions d’euros en 2025 alors que nous serons en surexécution du fait des Jeux olympiques, qui ont entraîné une forte demande dans les salles de sport de la part des jeunes.
Les amendements procèdent à un relèvement du plafond de la taxe affectée sur les paris sportifs en ligne comprise entre 6 % et 16 %, ce qui est encore inférieur à d’autres pays européens.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. L’amendement I‑CF1523 propose une hausse du plafond de la taxe sur les paris sportifs de 116 millions d’euros et l’amendement I-CF1529 de 106 millions. Le projet de loi de finances propose une baisse du budget de l’ANS de 6 millions. Ce n’est pas raisonnable.
M. le président Éric Coquerel. Je soutiens la proposition de taxer davantage les paris sportifs, comme le proposait un autre amendement examiné précédemment. Sauf erreur de ma part, ceux de M. Dirx tiennent compte de l’impact de la fin des Jeux olympiques sur la baisse du budget du sport et proposent un maintien de l’engagement budgétaire.
M. Benjamin Dirx (EPR). En effet, le programme 306 connaît une baisse de plus de 80 millions d’euros du fait de la fin des Jeux olympiques qu’il n’est pas question de compenser. Ce que je propose de compenser, c’est le plan Génération 2024 pour lequel étaient prévus 300 millions d’euros sur trois ans, soit 100 millions par an. Ces 100 millions ont été conservés en autorisations d’engagement, mais pas en crédits de paiement, ce qui crée un écart de plus de 20 % qui pose un problème de sincérité. On peut se demander si les autorisations d’engagement seront réellement exécutées.
Cette proposition pourrait être transpartisane. Certains collègues du groupe LIOT m’ont proposé de la cosigner.
La commission adopte l’amendement I-CF1523.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1466, I-CF1467, I-CF1468, I-CF1469, I-CF1470, I-CF1471, I-CF1472, I‑CF1473 et I-CF1474 de M. Matthias Renault
Amendement I-CF1899 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il me semblait qu’il était tombé du fait de l’adoption d’un autre amendement sur l’Agefiph.
L’amendement est retiré.
Amendements I-CF1173 et I-CF1174 de M. Denis Masséglia (discussion commune)
M. Denis Masséglia (EPR). Le premier amendement vise à supprimer le plafond de la taxe destinée à l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP). Le second propose de le relever de 8 à 10 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Un rapport de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) sur l’ASTP dessine quatre perspectives de financement de l’association, parmi lesquelles le redimensionnement du système d’aides et l’élimination des aides en doublon. L’ASTP doit accomplir ce travail d’optimisation avant de s’interroger sur un éventuel relèvement du plafond de la taxe affectée, voire son déplafonnement.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1762 de M. Éric Coquerel et I-CF1475 de M. Matthias Renault.
Amendements I-CF1362 de Mme Félicie Gérard, amendements identiques I-CF1430 de Mme Sophie Pantel, I-CF1741 de M. Jacques Oberti, I-CF1767 de M. Thomas Cazenave, I‑CF1784 de M. David Amiel et I-CF1830 de M. Emmanuel Mandon, amendement I-CF1664 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune)
Mme Félicie Gérard (HOR). L’article 33 du projet de loi de finances prévoit une nouvelle réduction pérenne des ressources du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) de 40 millions d’euros. L’amendement I-CF1362 – un amendement raisonnable – vise à compenser cette baisse par un prélèvement équivalent dans les fonds de roulement du réseau CCI France.
Mme Sophie Pantel (SOC). Notre amendement vise à respecter l’accord passé entre CCI France et le Gouvernement qui prévoit un prélèvement de 100 millions d’euros – 40 millions en 2024 et 20 millions pour chacune des trois années suivantes – sur les fonds de roulement, sans toucher à la taxe affectée au réseau des CCI.
M. David Amiel (EPR). Nous proposons également de revenir à l’accord passé avec les chambres de commerce et d’industrie. Plus généralement, je considère que nous devons rester fidèles à nos engagements pluriannuels afin de donner de la visibilité aux acteurs.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Mon amendement propose un retour à la trajectoire envisagée l’an passé. Repasser à un prélèvement sur la taxe affectée enverrait un mauvais signal. Quand on donne son accord pour trois ans, on le respecte.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La trajectoire sur laquelle s’étaient accordés l’État et CCI France l’année dernière prévoyait un prélèvement de 20 millions d’euros sur la trésorerie du réseau en 2025. L’amendement I-CF1430 porte ce prélèvement à 40 millions. Demande de retrait au profit des amendements I-CF247 et identiques qui rétablissent la trajectoire initialement fixée par l’État et CCI France et auxquels je donne un avis favorable en raison du vieux principe latin : pacta sunt servanda.
La commission adopte les amendements identiques I-CF1430, I-CF1741, I-CF1767, I-CF1784 et I-CF1830, l’amendement I-CF1362 ayant été retiré.
En conséquence, l’amendement I-CF1664 tombe.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1476 de M. Matthias Renault
Amendements identiques I-CF114 de Mme Fatiha Keloua Hachi et I-CF1176 de M. Denis Masséglia, amendements I-CF113 de Mme Fatiha Keloua Hachi, I-CF1175 de M. Denis Masséglia et I-CF1477 de M. Matthias Renault (discussion commune)
Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement I-CF114 vise à déplafonner la taxe sur les spectacles de variétés affectée au Centre national de la musique (CNM), dont elle est la principale source de financement. Cette taxe permet de favoriser la création artistique et elle est très importante dans les territoires. Pourtant, son plafond n’a pas été revalorisé depuis de nombreuses années. L’amendement I-CF113 est un amendement de repli.
M. Denis Masséglia (EPR). L’amendement I-CF1175 est un amendement de repli qui propose d’augmenter le plafond de la taxe de 50 à 70 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Dans le projet de loi de finances pour 2024, le CNM s’est vu attribuer le produit de la nouvelle taxe sur le streaming, portant l’ensemble de ses taxes affectées à 68 millions d’euros. Il a désormais atteint sa vitesse de croisière.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques I-CF1244 de M. Éric Ciotti, I-CF1340 de M. Daniel Labaronne, I-CF1437 de Mme Sophie Pantel et I-CF1797 de M. Mathieu Lefèvre
M. Daniel Labaronne (EPR). Je propose de limiter à 13,25 millions d’euros en 2025 la diminution des ressources affectées au réseau des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), comme ce fut déjà le cas pour l’année 2024, afin de respecter l’accord passé entre CMA France et le Gouvernement.
Mme Sophie Pantel (SOC). En effet, l’amendement vise à limiter la diminution des ressources affectées aux chambres de métiers et de l’artisanat à 13,25 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable, par respect pour le travail réalisé par les chambres de métiers et de l’artisanat.
La commission adopte les amendements identiques I-CF1244, I-CF1340 d, I-CF1437 et I-CF1797.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1478, I-CF1479, I-CF1480 et I-CF1481 de M. Matthias Renault.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le Gouvernement et les partis de la majorité ont demandé au Parlement de trouver 5 milliards d’économies. Les amendements de Matthias Renault à l’article 33 ont tous été rejetés alors qu’ils représentaient 3,4 milliards d’économies. Précisons que, contrairement aux affirmations de certains, ils ne prévoyaient aucune suppression d’agences : seules y figuraient des diminutions de crédits ou de taxes affectées. Les Républicains et les macronistes n’ont défendu que des amendements de dépenses et vous-même, monsieur le rapporteur général, vous êtes opposé à beaucoup de nos amendements. Nos solutions n’ont pas suscité un seul commentaire parmi les membres des groupes Dem, Horizons, DR ou EPR, pas un. Qu’ils n’aillent pas dire ensuite dans les médias que nous ne proposons rien !
La commission adopte l’article 33 modifié.
Amendements I-CF1100 de M. Éric Coquerel, amendements identiques I-CF24 de Mme Sophie Taillé-Polian, I-CF92 de M. Emmanuel Grégoire et amendement I-CF1407 de M. Gérault Verny (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous proposons de réformer la redevance audiovisuelle en modulant son montant en fonction des revenus des ménages.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cette contribution à l’audiovisuel public juste, proportionnelle et progressive irait de 0 euro pour les foyers les modestes à 220 euros pour les foyers les plus riches. On renforcerait ainsi le financement de l’audiovisuel public, qui subit un plan social sans précédent depuis dix ans, tout en évitant d’en faire peser le poids sur les ménages.
M. Gérault Verny (UDR). Notre amendement vise à supprimer le financement de l’audiovisuel public par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée. Il n’est pas logique que tous les Français soient mis à contribution alors que nombre d’entre eux, en particulier les plus jeunes, ne se tournent pas vers cette offre.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Notre assemblée examinera prochainement la proposition de loi organique émanant du Sénat, qui vise à maintenir le financement de l’audiovisuel public par une taxe affectée. Elle a été élaborée, rappelons-le, en concertation avec les six responsables de l’audiovisuel public. Nous pourrons discuter de vos propositions dans ce cadre. Demande de retrait.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF557 de M. Éric Ciotti.
Amendements identiques I-CF2 de M. Jean-Claude Raux et I-CF104 de Mme Fatiha Keloua Hachi et amendement I-CF103 Mme Fatiha Keloua Hachi (discussion commune)
Mme Eva Sas (EcoS). Il est urgent de supprimer la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) qui atteint plus de 100 euros cette année. Certes, les boursiers en sont exonérés mais selon un récent sondage, 53 % d’étudiants vivent avec moins de 100 euros par mois après avoir payé leurs loyers et leurs charges.
M. Inaki Echaniz (SOC). Un amendement identique avait été adopté lors de l’examen du PLF 2024 avant d’être balayé par le 49.3. Quant à l’amendement de repli I-CF103, il vise à désindexer la CVEC de l’inflation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La CVEC participe au financement de l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants de l’enseignement supérieur. Son montant est modéré et les boursiers en sont exonérés. Vos amendements pénaliseraient les étudiants les plus précaires car ils les priveraient de services essentiels proposés par l’enseignement supérieur. Avis défavorable.
La commission adopte les amendements identiques I-CF2 et I-CF104.
En conséquence, l’amendement I-CF103 tombe.
Amendement I-CF415 de M. Éric Ciotti
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les taxes relatives à la délivrance de titres de séjour ont récemment fait l’objet d’une réforme consensuelle issue des travaux menés par notre collègue Stella Dupont. Le chiffrage qui justifie l’amendement est très surprenant. L’augmentation de 200 euros à 500 euros, loin de décupler le produit de ces taxes, le doublerait à peine. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF418 de M. Nicolas Thierry
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit de mettre en place une redevance sur les rejets dans l’eau des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (Pfas), polluants éternels, en cohérence avec les mesures déjà adoptées lors de la première lecture de la proposition de loi de Nicolas Thierry. Si nous n’allons pas en ce sens, le coût de la dépollution atteindra des montants colossaux dont la charge reposera sur les collectivités.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour lutter contre la pollution engendrée par ces substances, il nous paraît plus efficace de compter sur le déploiement du plan d’action interministériel sur les Pfas lancé en janvier 2023.
M. Emeric Salmon (RN). Cette taxe introduit une discrimination à l’encontre de la production française et s’écarte de la logique d’harmonisation qui devrait prévaloir au sein de l’Union européenne. Elle revient à donner un avantage concurrentiel indu aux autres États membres, non soumis à de telles contraintes. Cette rupture d’équité affaiblirait grandement la capacité de la France à rester compétitive en Europe et dans le monde. Nous voterons contre.
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit, non pas d’interdire les Pfas, objet de la proposition de loi, mais d’appliquer le principe du pollueur-payeur. Cela ne crée donc pas de distorsions.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF463 et I-CF464 de M. Jean-Claude Raux et I-CF1117 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
Mme Julie Ozenne (EcoS). Les amendements I-CF463 et I-CF464 proposent des hausses respectives de 50 % et 20 % du taux de la redevance pour pollutions diffuses. Au-delà de l’application du principe fondamental du pollueur-payeur, il s’agit d’assurer aux agences de l’eau de nouvelles ressources pour accompagner la transition agroécologique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pensez-vous que ce soit le moment d’augmenter la pression fiscale que subissent les agriculteurs ? Les changements de mode de production et les mesures réglementaires sont beaucoup plus efficaces en ce domaine que des augmentations de redevance. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1531 de M. Stéphane Delautrette.
Amendement I-CF252 de M. Jimmy Pahun
M. Jimmy Pahun (Dem). Cette augmentation de la taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel est un effort demandé aux propriétaires de bateaux hors-bord de plus de 250 chevaux. Elle viendra renforcer les ressources du Conservatoire du littoral, qui vous est cher, monsieur le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il existe déjà une taxe spécifique sur les navires de grande plaisance dont la longueur de coque dépasse 30 mètres. Prenons garde à ne pas trop alourdir la fiscalité qui pèse sur eux. Des propriétaires vont déjà dans d’autres pays faire immatriculer leurs bateaux.
M. Jimmy Pahun (Dem). Il ne s’agit pas de cette catégorie de navires mais de bateaux de type zodiac ne dépassant pas 6 à 7 mètres, dotés de moteurs d’une très grande puissance.
M. le président Éric Coquerel. Je suis favorable à cet amendement qui nous offre une dernière chance d’adopter une mesure un peu écologiste. Veuillez croire, monsieur le rapporteur général, en l’excellence de l’expertise de Jimmy Pahun en ce domaine. Sont visés, par exemple, des engins très polluants, d’une puissance exceptionnelle qui leur permet par exemple de rallier la Corse depuis le continent en deux heures et demie seulement.
La commission adopte l’amendement I-CF252.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF1418 de Mme Christine Arrighi.
Amendements I-CF994 de M. Peio Dufau et I-998 de M. Denis Masséglia (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Il est légitime que nos très chères sociétés d’autoroute contribuent à l’effort général de restauration de nos finances publiques et au financement des besoins d’investissements en matière écologique alors qu’elles engrangent des profits exceptionnels. Nous proposons donc une hausse de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance.
M. Denis Masséglia (EPR). Défavorable aux rentes, je me suis opposé à la privatisation des sociétés d’autoroutes. Par l’augmentation de cette taxe, celles-ci prendraient leur part aux efforts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les concessions ayant prévu de répercuter toute fiscalité spécifique sur les tarifs, vos amendements aboutiraient à pénaliser les usagers.
De surcroît, ils conduiraient également à pénaliser, parmi les sociétés imposées, celles ayant la rentabilité la plus faible, puisque vous ne prévoyez pas de seuils. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. J’appellerai à l’inverse à voter pour. D’une part, votre argument, monsieur le rapporteur général, reviendrait à n’adopter aucune taxe exceptionnelle. D’autre part, l’État a la possibilité de s’opposer à toute augmentation des tarifs pendant une certaine durée. Les auteurs des amendements pourraient les retravailler en vue de la séance en intégrant cet élément.
Il serait paradoxal de proposer une taxe exceptionnelle sur les compagnies maritimes et aucune sur les sociétés d’autoroute.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le président, je me contente de faire mon travail en attirant l’attention sur les risques de contentieux. Vous ne parviendrez pas ainsi à capter la rente autoroutière.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF125 de M. Emmanuel Maurel
M. Emmanuel Maurel (GDR). Nous proposons de doubler le rendement des taxes sur les services d’accès à des contenus audiovisuels à la demande et sur la publicité diffusée au moyen de ces services. L’objectif est de financer davantage l’audiovisuel public, sans amputer le financement du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements I‑CF1239 de M. Romain Eskenazi et I-CF1441 de M. Gérault Verny.
Amendement I-CF1420 de Mme Christine Arrighi
Mme Eva Sas (EcoS). Il s’agit de classer la plateforme aéroportuaire de Bordeaux-Mérignac dans le groupe 1, ce qui porterait sa taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires à 25 euros. Avec les recettes de sa classification actuelle, en effet, il faudrait pas moins de trente-deux ans pour insonoriser l’ensemble des logements éligibles.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette taxe a déjà plus que doublé pour l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, passant de 4,45 à 10 euros en juin 2024. Une pause s’impose.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1241 de M. Jérôme Legavre
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Ce modeste amendement vise à remettre de l’ordre dans les aides à l’apprentissage, qui en ont bien besoin. Les apprentis sont presque intégralement financés par l’État : c’est tout bénéfice pour les employeurs. C’est aussi une aubaine pour les formations privées à but lucratif de l’enseignement supérieur, dont le nombre a d’ailleurs explosé ; alors qu’elles sont souvent très coûteuses, leur contenu est parfois discutable. Dans le même temps, l’université publique s’effondre. Il faut remédier à ces dérives.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La majoration de 100 % de la taxe d’apprentissage pour les apprentis de niveau master que vous proposez n’est pas adaptée à l’objectif que vous visez. Elle n’est d’ailleurs pas recommandée par la revue de dépenses de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2024 que vous citez dans votre exposé sommaire. Il me paraît plus simple de recentrer le dispositif sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur les niveaux de diplôme inférieurs ou égaux à bac + 3, plutôt que de recourir à une taxe.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1053 de M. Jérôme Legavre
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Non loin d’ici, le lycée Jean-Drouant dispense des formations dans les locaux du centre de formation des apprentis (CFA) privé Médéric ; tous deux préparent des étudiants aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration. Malheureusement, le lycée public n’a même plus les moyens de payer son loyer au CFA. Le CFA privé étant déjà financé par l’opérateur de compétences (Opco), il serait légitime de réserver le solde de la taxe d’apprentissage aux établissements publics. C’est l’objet de cet amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette mesure créerait une rupture d’égalité devant la loi, car les établissements privés qui contribuent au service public de l’éducation participent bien au service public, à l’exception de ceux qui sont hors contrat. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF662 de M. Benjamin Lucas-Lundy
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous proposons de taxer temporairement le chiffre d’affaires des entreprises en charge de l’entretien des ascenseurs, afin que les rénovations les plus urgentes puissent être financées par les pouvoirs publics. L’Agence nationale de l’habitat (Anah) disposerait ainsi d’un outil fiscal pour obtenir des subsides des ascensoristes et les contrôler.
L’ascenseur est le mode de transport le plus usité. Ses défaillances provoquent une assignation à résidence pour les personnes âgées et à mobilité réduite – sans parler des risques mortels. Ça suffit : il est urgent d’agir.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les carences en matière de rénovation des ascenseurs ne sont pas de la seule responsabilité des ascensoristes ; le sujet concerne aussi les copropriétés et les bailleurs sociaux, avec les moyens dont ils disposent pour financer les travaux. L’Anah et certaines collectivités locales, comme la région Île-de-France, proposent déjà d’allouer des subventions pour accélérer la rénovation des ascenseurs.
Enfin, la responsabilité des ascensoristes défaillants peut être engagée pour réparer le préjudice qu’ils ont causé. Il n’y a pas lieu de faire payer ceux qui entretiennent correctement leur matériel. Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Une poignée d’ascensoristes se partage un monopole ; depuis une vingtaine d’années, ils appliquent des stratégies d’optimisation des profits en réduisant leurs effectifs de maintenance – cette situation est bien documentée. Ça suffit ! La loi devrait aussi les contraindre à constituer des stocks suffisants de pièces de rechange. Croyez-moi, la situation est grave : les 637 000 ascenseurs en France tombent en panne trois fois par an en moyenne, neuf fois sur dix dans le parc social. Une taxe temporaire sur le chiffre d’affaires des ascensoristes ferait bouger les choses ; elle doterait l’Anah de subsides et de moyens de contrôle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour m’être occupé pendant près de trente ans de tous les collèges de mon département, j’ai pu constater l’incroyable diversité des ascensoristes. J’ai aussi constaté que le lancement d’appels d’offres faisait baisser drastiquement les frais d’entretien : la mise en concurrence porte ses fruits dans ce secteur qui n’a rien d’oligopolistique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF436 de M. Damien Girard
Mme Julie Ozenne (EcoS). Depuis quatre ans, des industriels du secteur salmonicole cherchent à produire du saumon en France, à terre, dans des bassins de pisciculture utilisant la technologie de l’eau recirculée, dite RAS. Ces projets hors normes, généralement financés par des subventions publiques, ont un impact majeur sur les écosystèmes : consommation massive d’eau et d’électricité, pollution liée aux rejets de déjections de poissons, emprise des usines sur les terres agricoles. Cet amendement vise à taxer les projets les plus polluants et nocifs pour les écosystèmes, en appliquant le principe pollueur-payeur de manière stricte au secteur aquacole. Les bénéfices de cette contribution seraient alloués à la recherche sur les océans, les milieux marins et l’aquaculture.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Sur son site internet, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) explique les atouts de ce type d’élevage, qui permet de réduire les besoins en eau et le volume des rejets. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
C – Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux
La commission adopte l’article 34 non modifié.
La commission adopte l’article 35 non modifié.
Amendement de suppression I-CF1904 de M. Charles de Courson
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je n’ai pas déposé à temps un amendement à cet article, qui visait à imposer une redevance aux entreprises qui squattent le marché historique de l’électricité et du gaz depuis plus de dix ans. Cela permettrait à l’État de récupérer des sommes non négligeables sur des biens publics dont certains acteurs mésusent et abusent depuis des années.
La commission adopte l’amendement I-CF1904.
En conséquence, l’article 36 est supprimé et l’amendement I-CF1101 de Mme Marianne Maximi tombe.
La commission rejette l’article 37.
Amendements de suppression identiques I-CF1102 de M. David Guiraud et I-CF1755 de Mme Eva Sas
L’amendement I-CF1755 est retiré.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Sur la forme, supprimer cet article reviendrait à imposer une double peine aux organismes de sécurité sociale : non seulement ils devraient assumer le coût des politiques d’exonération de cotisations sociales, qui dépasse 70 milliards, mais encore ils ne bénéficieraient d’aucune compensation financière de l’État. On creuserait alors le déficit de la sécurité sociale de façon considérable.
Sur le fond, vous vous opposez aux allégements de cotisations sociales. Je ne partage pas cet avis, car ces exonérations contribuent à diminuer le coût du travail – nous en débattrons.
Il peut être intéressant de revenir rapidement sur la réforme proposée par l’article 6 du PLFSS pour 2025. L’abaissement du point de sortie des allègements de 3,5 à 3 Smic me semble une bonne mesure, meilleure que l’ensemble de la réforme qui nous est proposée. Je n’en demeure pas moins défavorable à votre amendement, qui aurait pour effet de supprimer la compensation des exonérations pour les administrations de sécurité sociale. Ce serait folie que de le voter.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1666 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je suis opposé à la hausse du coût du travail qu’annonce le PLFSS, et dont tient compte l’article 38 du PLF. Mon amendement vise à augmenter la fraction de TVA affectée par l’État à la sécurité sociale, afin de neutraliser la baisse de l’impôt sur les sociétés de 1 milliard consécutive à la réforme des allégements généraux de charges prévue par le PLFSS. Je suis convaincu que quand on augmente le coût du travail, on diminue les recettes de l’impôt sur les sociétés et les recettes sociales afférentes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La réforme des allégements généraux de cotisations prévue par le PLFSS devrait produire une économie d’environ 4 milliards pour l’État, et une charge supplémentaire pour les entreprises. La mesure que vous proposez ira uniquement au bénéfice de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), et non de la branche maladie, qui sera pourtant également concernée par les gains de la réforme. Si je suis plutôt favorable, dans l’esprit, à un tel amendement, je pense qu’il faudrait le retravailler pour la séance, afin que la branche maladie bénéficie aussi d’une neutralisation de la baisse d’IS pour l’État. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1874 et I-CF1875 de M. Charles de Courson, amendement I‑CF1106 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Après 2,6 milliards en 2024, le Gouvernement propose de porter à 3,35 milliards la ponction sur les excédents de l’Unedic. Rappelons que l’Unedic commence à dégager des excédents, mais qu’il a une dette de 58,4 milliards à rembourser.
L’amendement I-CF1874 vise à mettre fin au prélèvement par l’État des excédents de l’Unedic, au nom du respect du paritarisme. L’amendement de repli I-CF1875 vise à maintenir le prélèvement au niveau de 2024, à 2,6 milliards. Je précise que ces propositions sont neutres du point de vue du déficit public.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il est scandaleux que l’État ponctionne l’Unedic. Les réformes de l’assurance chômage n’ont cessé de frapper les chômeurs et les plus précaires, auxquels on accorde toujours moins d’argent. L’argent qui reste, l’État décide même de le ponctionner, alors qu’il devrait aider les gens les plus précaires et les plus en difficulté. C’est encore un signe de la politique antisociale de la Macronie.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Si je devais choisir, je privilégierais l’amendement I-CF1874.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je rappelle que l’Unedic est endettée à hauteur de 80 milliards.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous sommes, comme M. le rapporteur général, dans un esprit de bonne gestion et de réalité des comptes. Vous défendez votre amendement en avançant qu’il respecte l’équilibre général et que le déficit global resterait le même. Certes, mais votre amendement creuserait un trou dans la première partie du PLF.
Monsieur Lefèvre, vous êtes contradictoire : vous souhaitez maintenir le prélèvement de 3 milliards à l’Unedic tout en reconnaissant l’importance de sa dette.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La dette que l’Unedic doit rembourser est bien de 58,4 milliards.
Supprimer le prélèvement ou le réduire ne change rien, ni à la dette publique ni au déficit public considérés globalement, et cela permettrait à l’Unedic de se désendetter plus rapidement – au prix, certes, d’un alourdissement du déficit de l’État.
Une clarification me semblerait saine.
La commission adopte l’amendement I-CF1874. En conséquence, les amendements I‑CF1875 et I-CF1106 tombent.
Elle rejette l’article 38.
La commission adopte l’article non modifié.
Amendement I-CF1581 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement propose une baisse du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (PSR-UE) de 5 milliards d’euros, pour le fixer à 18 milliards d’euros. Ce n’est donc pas un Frexit déguisé. Le récent budget rectificatif de l’Union européenne a montré que des dizaines de milliards d’euros étaient dépensés en faveur de la politique extérieure de l’Union, de la politique d’élargissement, de la politique en faveur de la Turquie : ces dépenses n’ont pas lieu d’être.
Il ne s’agit pas de sacrifier la politique européenne, mais de faire des choix. La France est le pigeon royal de l’Union européenne : nous sommes un important pays contributeur net mais nous sommes le seul pays à ne pas avoir de rabais et nous recevons bien moins que d’autres du plan de relance.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le versement du PSR est un engagement de la France, c’est une dépense obligatoire et le Parlement ne le vote qu’à titre informatif – je l’ai appris quand j’ai déposé, il y a longtemps, un amendement du même tonneau parce que j’étais défavorable à l’adhésion de la Turquie à l’Union. Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous reconnaissez donc que notre vote n’est qu’une mascarade. Je laisse nos concitoyens en être juges.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1454 de M. Gérault Verny
M. Gérault Verny (UDR). Cet amendement est similaire et je reprends à mon compte l’excellente argumentation de mon collègue Tanguy.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ma réponse sera la même : l’adoption d’un tel amendement irait à l’encontre de nos engagements internationaux qui, je le rappelle, ont été votés par le Parlement.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 40 non modifié.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES
Amendement I-CF1667 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Cet amendement propose d’intégrer les comptes d’affectation spéciale (CAS) au budget général.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Supprimer les comptes d’affectation spéciale ne se fait pas d’un trait de plume : il faut également intégrer les politiques publiques qu’ils financent au budget général, ce que vous ne faites pas. Par ailleurs, pour être juridiquement cohérent, il aurait fallu supprimer l’article 34 qui prévoit la reconduction des comptes d’affectation spéciale. Or nous l’avons adopté.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1567 de M. Kévin Mauvieux
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, même si comme vous le savez c’est aussi ma position.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1877 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il est proposé de compléter le dispositif de l’article d’équilibre pour y insérer une disposition prévoyant, conformément à ce qu’impose la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), que les éventuels surplus de recettes fiscales par rapport aux prévisions de la loi de finances seront utilisés dans leur totalité pour la réduction du déficit budgétaire, et non pour le financement de nouvelles dépenses.
C’est formel, évidemment, car vous savez ce qu’il en est du retour à l’équilibre.
La commission rejette l’amendement.
Elle rejette l’article 41 et l’état A.
M. le président Éric Coquerel. Avant de passer au vote de l’ensemble de la première partie du PLF, je voudrais faire le point sur les modifications que nous y avons apportées.
Concernant la vie quotidienne des Français, nous avons supprimé les dispositions qui apportaient entre 3 et 6 milliards de recettes nouvelles par la taxation de la population sur la consommation d’énergie, ainsi que celles prévoyant le simple maintien voire la diminution des montants de TVA versés aux collectivités locales.
Mon estimation des nouvelles recettes votées en commission est d’environ 60 milliards : taxes sur les superprofits, sur les superdividendes, sur les rachats d’actions, sur les bénéfices des multinationales réalisés en France ; pérennisation de la contribution des plus hauts revenus ; reconduction et renforcement de la taxe sur les énergéticiens ; doublement de la contribution exceptionnelle des entreprises de transport maritime ; taxe sur les opérations d’achat d’électricité ; augmentation de la taxe Gafam sur les géants du numérique ; limitation des réductions d’impôt permises par le régime mère-fille ; transformation du crédit d’impôt recherche (CIR) en réduction d’impôt pour les grandes entreprises, et exclusion du secteur de la finance ; renforcement de la taxe sur les transactions financières ; création d’un impôt ciblé sur les contribuables quittant la France pour des pays à fiscalité réduite ; rétablissement du système de l’exit tax dans sa version originale ; amélioration du dispositif de lutte contre le contournement des taxes sur les dividendes dit CumCum ; amélioration du dispositif de la lutte contre la fraude fiscale ; création d’une taxe kilométrique pour intégrer le coût écologique et social des produits importés ; taxe sur les importations de bovins ; lutte contre la spéculation immobilière ; indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation ; suppression d’une partie des avantages fiscaux en cas de transmission de contrat d’assurance vie ; limitation de l’optimisation fiscale permise par les pactes Dutreil.
Pour la vie quotidienne des Français, nous avons voté la réduction de la TVA pour les premiers kilowattheures nécessaires à une vie digne ; l’augmentation du crédit d’impôt lié aux frais d’installation d’équipements d’accessibilité pour des personnes âgées ou handicapées ; le rétablissement du taux de TVA de 5,5 % sur toutes les constructions neuves de logements sociaux ; l’exonération de la TVA pour l’achat des denrées par les associations d’aide alimentaire habilitées et sur les produits inscrits dans le bouclier qualité-prix ; l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ).
Les mesures adoptées représentent une dizaine de milliards de dépenses supplémentaires. Au total, nous proposons donc environ 50 milliards de recettes supplémentaires nettes.
Les mesures que j’ai citées – en essayant d’être exhaustif – viennent de tous les groupes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je voulais vous remercier pour la bonne ambiance dans laquelle se sont déroulées ces longues heures de travail.
La commission va sans doute rejeter la première partie du PLF. Cela n’empêchera pas le texte d’être ensuite discuté en séance. Toutefois, en cas de rejet en séance de la première partie, l’Assemblée ne pourra pas examiner la seconde partie ; le texte sera transmis au Sénat dans son état initial, et le Sénat l’adoptera, comme il le fait traditionnellement. Cela signifie que l’Assemblée nationale, qui exerce la souveraineté nationale, ne pourra donc pas influencer le PLF.
M. le président Éric Coquerel. Nous avons, en moyenne, examiné quarante-cinq amendements par heure, mais les débats ont été de qualité. Je vous en remercie tous.
Nous passons aux explications de vote.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Notre groupe votera contre la première partie du budget.
La première raison est que le Gouvernement et les partis de la majorité ont menti aux Français en faisant croire qu’ils laissaient des marges de négociation : nous avons bien vu qu’il n’y avait rien à négocier. Il semblerait que leur décision était déjà prise et que l’on s’achemine soit vers un 49.3, soit vers un vote par le Sénat d’une version favorable à M. Barnier.
La seconde raison est que les deux parties du budget forment un tout. Or nous ne pouvons pas présager de la deuxième partie. En tant que parti d’opposition, nous ne pouvons donc pas voter pour la première partie.
M. David Amiel (EPR). Nous sommes entrés dans ce débat sans sectarisme. Fidèles à nos convictions, nous avons défendu des dispositions visant à renforcer la solidité de notre économie, mais aussi des mesures de justice, telles que la contribution différentielle, la contribution temporaire demandée aux plus grandes entreprises et la disposition relative aux rachats d’actions.
Nous aurions voulu voir ce budget être construit avec sérieux et responsabilité, mais force est de constater que, depuis trois jours, cette commission a voté des impôts et des taxes dans tous les sens, dans le cadre de ce qui s’apparente à un carnaval fiscal, pour 60 milliards d’impôts supplémentaires, cela vient d’être dit. Cette boucherie fiscale ferait immédiatement basculer l’économie française dans la récession et la crise.
La série d’amendements votés par le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire n’a rien à voir avec ce que la gauche avait fait lorsqu’elle était au pouvoir, même lorsque son programme était très marqué politiquement. On est trois fois au-dessus des niveaux de hausses d’impôts de 1981 en part du PIB. C’est inédit dans notre histoire ; c’est le fruit d’une alliance entre l’extrême droite et le Nouveau Front populaire. Tous les Français seront touchés, dans leur emploi, leur salaire, leur épargne, y compris la plus modeste, dans l’accès à la propriété, et j’en passe.
La première partie du budget a été élaborée sans que personne ne propose ni n’assume une vision d’ensemble, pour notre pays et notre économie. Elle est le fruit d’alliances de circonstance, amendement par amendement, sans cohérence économique, quelle qu’elle soit. C’est un peu un budget Frankenstein. Ainsi, le Rassemblement national, après l’avoir voté par pièces détachées, vote contre le résultat final.
C’est avec beaucoup de tristesse devant le spectacle donné depuis trois jours que nous voterons contre cette première partie de la loi de finances.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il nous incombait d’étudier la première partie d’un projet de loi de finances présenté par un gouvernement illégitime, qui a perdu les élections législatives et qui comptait à nouveau faire adopter un budget de violence sociale, en récupérant 3 milliards dans les poches des Françaises et des Français grâce à la hausse des taxes sur l’électricité et en amputant une nouvelle fois les finances des collectivités territoriales de 5 milliards – je ne parle pas ici des mesures telles que la suppression de postes d’enseignants, que nous examinerons en deuxième partie.
Nous avons démontré qu’il était possible de faire autre chose et que le Nouveau Front populaire, arrivé en tête des élections et occupant une large place au sein de notre assemblée, était en mesure de présenter un contre-budget, axé sur la justice sociale et fiscale. On nous avait dit qu’il fallait 60 milliards pour rétablir les déficits. Plutôt que de couper dans les dépenses publiques et de s’en prendre aux plus pauvres, nous avons démontré qu’il est possible de récupérer 60 milliards d’euros de recettes auprès des plus riches – car, oui, les ultrariches détiennent cet argent. La fortune des 500 familles les plus riches a doublé depuis qu’Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir, pour atteindre 1 228 milliards. L’année dernière, 107 milliards d’euros de dividendes ont été distribués, dont 96 % ont été captés par un tout petit pourcent de la population.
Nous avons à présent, devant les yeux, un budget de justice sociale et fiscale, qui n’a rien à voir avec le budget initial. Évidemment, celles et ceux qui se positionnent contre ce nouveau budget, ce sont tout à la fois les macronistes et le Rassemblement national qui, une fois de plus, décident de protéger les ultrariches.
Nous voterons donc pour un budget proche du Nouveau Front populaire, en faveur de la justice sociale et fiscale.
M. Philippe Brun (SOC). Ce débat nous offre l’occasion de rappeler au Président de la République et au Premier ministre qu’en démocratie, c’est au sein du Parlement que l’on fait la loi et que l’on vote le budget. Notre commission a affirmé très clairement qu’il est inacceptable de redresser les comptes publics sur le dos des classes populaires et des classes moyennes – ce qui l’a conduite à rejeter l’ensemble des mesures qui les frappaient – et au détriment du service public communal, départemental et régional, ce patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Elle a posé pour principe que le rétablissement des comptes, s’il devait avoir lieu, exigeait la mise à contribution des plus aisés et a adopté, à cette fin, de multiples dispositions qui visent à taxer le monde financier, à faire contribuer les plus grandes entreprises et à rétablir, autant qu’il est possible, la justice fiscale dans notre pays. Nous nous retrouvons, en toute honnêteté intellectuelle, dans les dispositions qui ont été adoptées. Nous voterons en faveur de la première partie du projet de loi de finances.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le groupe Droite républicaine juge également impératif de redresser nos finances publiques mais, pour nous, cela doit passer avant tout par la réduction des dépenses. Nous sommes opposés, de manière générale, à la création d’impôts ou à leur augmentation. Nous ne pouvons donc nous inscrire dans une démarche qui contribuerait à instaurer durablement des impôts d’une certaine ampleur. Nous avions d’ailleurs déposé des amendements de suppression du malus automobile et de l’article 7 relatif à l’augmentation des tarifs des taxes sur l’électricité.
Dans le budget amendé, les recettes qualifiées de « nouvelles » proviennent, encore et toujours, de taxes et d’impôts. Je rappelle que la France a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Un tel budget aurait des conséquences catastrophiques pour la France et les Français, car il mettrait à mal l’économie et les entreprises, et limiterait très rapidement l’attractivité de notre pays sur la scène européenne et internationale. Or, mettre à mal l’économie, c’est, très vite, nuire à l’emploi et accroître le chômage.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget.
Mme Eva Sas (EcoS). Le groupe Écologiste et social votera en faveur de ce budget amendé, qui comporte un grand nombre d’avancées. Les mesures que nous avons votées renforceront la justice fiscale et accroîtront les recettes, ce qui permettra, lors de l’examen de la deuxième partie du PLF, d’éviter les coupes budgétaires injustes prévues pour l’assurance maladie, l’éducation nationale et l’écologie. Nous nous réjouissons en particulier du rétablissement de l’exit tax, de l’augmentation de la taxe sur les transactions financières, de la hausse du prélèvement sur les revenus du capital, de la pérennisation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de l’indexation de la DGF– bien que cette dernière soit très insuffisante au regard des besoins des collectivités locales. Nous regrettons toutefois que l’impôt sur la fortune n’ait pas été élargi et que les mesures écologiques n’aient pu être votées, du fait, en particulier, de l’opposition systématique du Rassemblement national, pour qui l’environnement n’est visiblement pas une priorité.
Cela étant, nous avons démontré qu’une autre politique budgétaire est possible, qui met à contribution les plus riches et les grandes entreprises, non pas déraisonnablement, comme cela a été dit, mais simplement en revenant sur toutes les baisses d’impôt qui ont été opérées depuis 2017. Cela nous permet de retrouver des marges de manœuvre fiscales tout à fait normales, qui sont nécessaires pour consolider nos services publics et investir dans la lutte contre le dérèglement climatique et la protection des Français contre les conséquences de ce dernier.
Nous voterons donc avec enthousiasme ce budget amendé, en espérant que la deuxième partie nous permettra d’investir dans nos services publics et la transition écologique.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous sommes satisfaits de l’adoption de certaines mesures mais nous aurions souhaité, dans une optique de plus long terme, conserver la ligne qui avait été fixée par Michel Barnier, à savoir la réalisation d’un effort budgétaire reposant pour les deux tiers sur une réduction des dépenses et pour un tiers sur des recettes complémentaires. Nous avions pour préoccupation de sécuriser ces recettes. Nous allons examiner les effets de l’instauration de la contribution différentielle sur les hauts revenus, qui est un dispositif complexe. Nous allons prêter attention aux effets de bord des mesures votées, notamment vis-à-vis des petits épargnants.
Je souhaite que l’on puisse débattre du texte dans l’hémicycle avec le Gouvernement, qui est un interlocuteur indispensable. Nous savons que la discussion se terminera avec le 49.3 mais nous devons, d’ici là, nourrir la réflexion. Je suis troublé lorsque j’entends qu’une motion de rejet pourrait être défendue dès lundi soir ; j’espère que, le cas échéant, elle ne sera pas votée.
Il est dommage que l’on ne puisse pas débattre de l’ensemble du PLF, car le budget forme un ensemble mais, en tout état de cause, nous ne pouvons pas voter la première partie dans sa rédaction actuelle, car elle ne correspond pas à notre conception des équilibres budgétaires.
Nous avons eu le souci d’adopter des mesures de justice fiscale, inscrites dans la durée, mais qui ne brisent pas les talents. Nous sommes très attachés à la rémunération du travail par rapport à celle du capital : il nous faut retrouver, à cet égard, un équilibre sain pour notre économie.
M. Charles de Courson (LIOT). Quelle que soit notre orientation politique, notre priorité doit être le redressement de nos finances publiques, autrement dit la réduction des déficits. Le projet de loi de finances initiale pour 2025 le faisait d’une façon qui n’était déjà pas équilibrée puisque, selon l’analyse – que nous partageons – du Haut Conseil des finances publiques, ce redressement provenait pour moitié de l’augmentation des recettes, et pour moitié d’une réduction de la dépense. En outre, les questions des collectivités territoriales, du logement et un certain nombre d’autres problèmes n’étaient pas correctement traités, ce qui a justifié la multiplication des amendements, dont certains allaient tout à fait dans la bonne direction.
À l’issue du vote de près de deux cents amendements, toutefois, le déséquilibre s’est accentué, puisque les nouvelles recettes fiscales, qui s’ajoutent aux 20 milliards figurant dans le projet de loi initial, sont de 40 ou de 50 milliards – la différence ne change pas le raisonnement. On avait souligné le caractère récessif du projet initial : il va encore s’accentuer.
Si ce même texte était adopté en séance publique, nos concitoyens en subiraient les conséquences car cela affecterait l’emploi et leur pouvoir d’achat. Notre groupe votera donc contre cette première partie.
Mme Félicie Gérard (HOR). Après plusieurs jours d’examen, le constat est clair : le projet de loi de finances pour 2025 a été totalement dénaturé. Nous sommes passés d’un budget de responsabilité à un texte complètement déséquilibré, qui entraînera un choc fiscal insupportable pour les particuliers et les entreprises. Le texte issu de nos débats alourdit dans une proportion inouïe les prélèvements obligatoires. Fiscalité du patrimoine, immobilière, sur le travail, sur les entreprises, locale : absolument tous les curseurs ont été relevés jusqu’au déraisonnable et aucun pan de notre économie n’est épargné.
Il nous paraît indispensable de revenir à la raison en vue de l’examen du texte en séance publique. Les membres du groupe Horizons et indépendants veulent faire entendre une voix d’équilibre et de responsabilité afin de parvenir au compromis le plus large possible. Force est de constater que le compte n’y est pas. Nous redoublerons d’efforts lors de l’examen en séance pour faire adopter un budget qui protège nos concitoyens et nos entreprises, tout en rétablissant les finances publiques. Le groupe Horizons et indépendants se tiendra au côté du Gouvernement et des groupes du socle commun pour permettre à la France de se doter d’un budget crédible, exigeant et équilibré, afin de redresser les comptes publics sans porter préjudice au développement économique de notre pays.
Vous l’aurez compris, nous voterons contre le texte ainsi amendé.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a prétendu qu’il travaillerait main dans la main avec l’Assemblée nationale : nous l’avons pris au mot. Je n’accepte pas que l’on parle de « carnaval » à propos de notre débat budgétaire, que j’ai trouvé sérieux et rigoureux. Comme nous y invitait M. Barnier, nous avons trouvé des recettes fiscales supplémentaires. Vous regrettez qu’il y ait davantage d’impôts et de taxes, mais peut-être faut-il expliquer comment on en est arrivés là et rappeler que la majorité sortante nous a laissé une situation financière catastrophique, qui nous oblige à chercher de l’argent. Nous ne souhaitons pas, pour notre part, couper dans les dépenses : nous préférons accroître les recettes. De ce point de vue, nous avons fait le job.
Chers collègues de l’ancienne majorité présidentielle, vous nous dites que nous manquons de vision, mais vous n’avez pas été capables une seule fois de vous mettre d’accord entre vous. Vous êtes en cohabitation permanente avec vous-mêmes. En ce domaine, un peu d’humilité vous ferait du bien. Commencez par vous mettre d’accord entre vous et parlez avec le Gouvernement. J’espère qu’en séance publique, nous verrons plus de rigueur et de sens de l’intérêt général.
Je ne dis pas que je voterai le texte avec enthousiasme, mais nous avons obtenu des avancées. Je me réjouis que l’on épargne aux Français une taxe supplémentaire sur l’électricité, que l’on évite aux collectivités locales de subir une pression insupportable, que l’on généralise le prêt à taux zéro.
M. Gérault Verny (UDR). L’examen de cette première partie a ressemblé à un concours Lépine de la taxe la plus stupide, ce qui explique que le texte s’apparente à un canard sans tête courant en tous sens. La première partie, telle qu’elle a été amendée, fragilise les entreprises, les Français les plus modestes, les jeunes, les familles et nos anciens. La réalité, c’est que près de 40 milliards de taxes nouvelles s’ajoutent aux 20 milliards de taxes initiales, ce qui correspond peu ou prou à 2 500 euros de prélèvements en plus par actif français. En conséquence, le groupe UDR votera avec force et conviction contre le texte.
La commission rejette la première partie du projet de loi de finances pour 2025.
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