N° 533

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 287),
DE M. DOMINIQUE POTIER
ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,


visant à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production  essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne,

 

 

PAR M. Dominique POTIER,

Député

 

 

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président, MM. Laurent MAZAURY, Thierry SOTHER, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL viceprésidents ; MM. Henri ALFANDARI, Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM.  Gabriel AMARD, David AMIEL, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, M. François-Xavier CECCOLI, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Jean-Luc FUGIT, M. Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, M. Andy KERBRAT, Mme Hélène LAPORTE, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Alexandre LOUBET, Matthieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Mme Yaël MENACHÉ, Mme Danièle OBONO, , MM. Frédéric PETIT, Dominique POTIER, Pierre PRIBETICH, Mme Isabelle RAUCH, M. Alexandre SABATOU, M. Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLÉPOLIAN, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.

 

 


SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

premiÈre partie : Le cadre commercial actuel génère des distorsions de concurrence entre producteurs européens et extra-européens qui risquent d’être aggravÉes en cas d’accord avec le mercosur. Face à ce désordre, la mise en œuvre de mesures miroirs effectives et d’exigences de réciprocité en matière environnementale, sanitaire et sociale est une voie de justice économique

A. Les distorsions de concurrence sont dommageables pour les producteurs et les consommateurs européens

1. Les distorsions de concurrence sont liées aux failles existant le long de la chaîne de contrôle allant de l’EFSA aux postes frontières

2. Ces distorsions de concurrence contribuent à un creusement de la balance commerciale et ont des conséquences néfastes sur l’environnement et la santé

B. Alors que l’efficacité des mesures miroirs est de mieux en mieux étayée, celles-ci sont encore trop rares et parfois mal appliquÉes

1. Les études macroéconomiques, encore peu nombreuses sur le sujet, tendent cependant à démontrer l’efficacité des mesures miroirs

2. Les quelques mesures miroirs introduites ces dernières années rencontrent des difficultés de mise en œuvre tenant à la faiblesse des contrôles

DEUXIÈME PARTIE : la proposition de rÉsolution vise, au nom d’un juste Échange, À imposer aux exportateurs des pays tiers des exigences Équivalentes À celles intÉGRÉes par les producteurs europÉens

A. vis-À-vis des pays extra-européens, la proposition de résolution européenne soutient une inversion de la charge de la preuve du respect des principes sanitaires, environnementaux et sociaux dont la portée est universellement admise

1. Une inversion de la charge de la preuve est possible d’un point de vue juridique

a. Une inversion de la charge de la preuve est compatible avec le cadre juridique européen

b. Le droit de l’OMC autorise des dérogations au libre-échange pour des raisons sanitaires, environnementales ou sociales

c. Des mesures miroirs soigneusement calibrées et justifiées pourraient donc être mises en œuvre par l’UE en compatibilité avec les règles de l’OMC

2. La mise en œuvre opérationnelle d’une certification systématique dans les pays tiers constitue un changement paradigme à la fois ambitieux et réaliste

3. Deux scenarii sont envisageables : emballement des rétorsions commerciales ou généralisation des pratiques vertueuses. Il appartient à la puissance publique de faire advenir le plus positif

a. Le premier scenario est celui d’un emballement des rétorsions commerciales

b. Le second scenario est celui d’une généralisation vertueuse des mesures miroirs sur la base de pratiques respectueuses de la santé, du droit des travailleurs et des limites planétaires

B. vis-À-vis des pays européens, cette proposition entend harmoniser les exigences applicables aux produits agricoles et élargir le dispositif des indications d’origine

1. Cesser les exportations de produits phytopharmaceutiques interdits dans l’UE

2. Harmoniser les normes phytosanitaires applicables entre États membres

3. Étendre le recours aux indications d’origine

EXAMEN EN COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXE I : PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

ANNEXE II :  Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 


   Introduction

Devant la Commission des affaires européennes le 30 octobre, le ministre délégué chargé de l’Europe a rappelé l’opposition de la France à un accord avec les pays du Mercosur en l’état. Cette déclaration se situe dans la droite ligne de celle du Président de la République qui qualifiait, en mars dernier, le projet d’accord de « très mauvais ».

Cependant, la possible conclusion des négociations, en marge du prochain G20 au Brésil, à la mi-novembre, est à l’origine d’une recrudescence des tensions dans le monde agricole, les organisations syndicales ayant appelé à reprendre les mobilisations, un an après la naissance du mouvement social de l’automne 2023.

L’objet de cette résolution est d’esquisser des solutions susceptibles d’être réellement au service d’un juste échange. Elles sont notamment issues du rapport de la commission d’enquête parlementaire, réalisée au second semestre 2023, sur « les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire ». La question des concurrences déloyales avait fait l’objet d’un important travail d’analyse tant il était apparu aux membres de cette commission d’enquête que la résorption des injustices économiques était une des conditions nécessaires à la transition agroécologique.

Dans la lignée de ces travaux, nous formulons, à travers cette résolution, cinq propositions :

-         Un principe général novateur : l’inversion de la charge de la preuve pour les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne ;

-         Une disposition précise de limites résiduelles égale à 0 en matière de produits phytopharmaceutiques interdits au sein de l’Union européenne ;

-         Un principe de réciprocité visant la fin de l’exportation des produits phytopharmaceutiques interdits au sein de l’Union européenne ;

-         Un processus d’harmonisation de la mise en œuvre des normes environnementales entre les pays membres de l’Union européenne ;

-         Une capacité étendue de recours à l’indication d’origine.

Ces cinq propositions sont guidées par quatre principes cardinaux : exigence, cohérence, convergence et transparence.

Exigence d’abord, quant à la qualité de nos importations et aux standards que nous souhaitons voir respectés dans les pays tiers. Le rapport accompagnant cette proposition se concentre principalement sur les exigences liées aux produits phytosanitaires et à leurs conséquences sur l’environnement et la santé, mais ne doivent pas être oubliées les exigences en matière sociale et de bien-être animal.

Cohérence, par l’arrêt des exportations de pesticides contenant des substances actives pourtant interdites au sein de l’Union européenne.

Convergence ensuite, pour parachever l’harmonisation des standards au niveau européen et éviter une concurrence déloyale entre les agriculteurs des différents États membres.

Transparence enfin, par un recours accru aux indications d’origine qui sont de nature à orienter le comportement des consommateurs pour soutenir les productions européennes respectueuses des droits des travailleurs, de la santé et de l’environnement.

 

L’inspiration de cette proposition de résolution est universaliste. Face à l’aggravation de la crise climatique, à la menace pour la santé et la biodiversité que constituent certaines substances actives, aux conditions de travail moralement insupportables que connaissent certains producteurs, il nous semble que la recherche de standards faisant consensus au sein de la communauté scientifique, est de nature à restaurer un cadre commercial juste.

 

 


premiÈre partie : Le cadre commercial actuel génère des distorsions de concurrence entre producteurs européens et extra-européens qui risquent d’être aggravÉes en cas d’accord avec le mercosur. Face à ce désordre, la mise en œuvre de mesures miroirs effectives et d’exigences de réciprocité en matière environnementale, sanitaire et sociale est une voie de justice économique

A.   Les distorsions de concurrence sont dommageables pour les producteurs et les consommateurs européens

1.   Les distorsions de concurrence sont liées aux failles existant le long de la chaîne de contrôle allant de l’EFSA aux postes frontières

La chaîne du contrôle a fait l’objet d’une analyse détaillée dans le rapport de la commission d’enquête de décembre 2023 ([1]). Nous en reprenons ici les principaux éléments.

En début de chaîne, la Commission détermine les limites maximales de résidus (LMR) de pesticide par type d’aliment après avis de la European Food Safety Authority (EFSA). Ces LMR conditionnent la possibilité de commercialisation d’un aliment, qu’il soit européen ou extra-européen. Toutefois, ce premier maillon présente des failles.

D’abord, les LMR ne rendent pas forcément compte de l’ensemble des produits phytosanitaires appliqués dans le processus de production. En effet, tous les produits phytosanitaires utilisés ne laissent pas de résidus dans les denrées commercialisées. Par ailleurs, certains importateurs auraient recours à des produits masquant rendant les résidus de pesticides indétectables lors des contrôles. L’identification de ce stratagème avait été soulevée à plusieurs reprises dans le cadre de la commission d’enquête comme un champ de recherche à explorer pour renforcer l’efficacité des limites maximales de résidus.

Ensuite, la Commission peut relever de manière discrétionnaire les LMR au nom de « tolérances à l’importation », « afin de répondre aux besoins du commerce international » ([2]). Ces tolérances à l’importation s’appliquent uniquement dans les cas où la substance n’est pas autorisée « pour des raisons autres que de santé publique », ce qui signifie que l’impact environnemental avéré d’une substance ne fait pas obstacle à l’établissement de tolérances à l’importation.

Enfin, pour éviter que leurs molécules ne soient interdites pour des raisons sanitaires (classification CMR), les fabricants de pesticides laisseraient souvent expirer leurs homologations au sein de l’UE, dans l’espoir d’obtenir une tolérance à l’importation sur la LMR applicable à leur substance ensuite.

En fin de chaîne, les contrôles douaniers sont insuffisamment nombreux et révèlent des non-conformités importantes.

Les produits importés dans l’Union européenne font l’objet de contrôles aux frontières, dans le cadre d’un programme de contrôle pluriannuel et coordonné de l’UE qui, chaque année, exige que les États membres prélèvent des échantillons, effectuent des analyses et mènent des essais sur un éventail convenu de produits – pertinent par rapport au régime alimentaire – pour un éventail convenu de pesticides. Par ailleurs, les États membres disposent de leurs propres programmes nationaux fondés sur l’évaluation des risques. En France, ce contrôle relève désormais de la compétence de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

Cependant, ces contrôles apparaissent d’autant plus limités en ampleur que les non-conformités détectées sont assez importantes. Ainsi, comme l’a analysé le rapport d’information du Sénat sur la compétitivité de la Ferme France, publié en septembre 2022, l’Union européenne interdit 907 sur les 1 498 substances actives recensées. Sur ces 907 substances actives interdites, le plan de contrôle européen ne prévoit l’analyse que de 176 substances. Le plan de contrôle des douanes françaises prévoit par ailleurs le contrôle de 568 substances. Ainsi 744 substances sur 907 interdites font l’objet d’un contrôle, ce qui signifie tout de même que 163 substances interdites ne sont pas contrôlées.

Même en se concentrant sur les substances actives contrôlées, les résultats des recherches effectuées par la DGDDI révèlent des non-conformités importantes. Ainsi en 2022, des contrôles documentaires ont été effectués sur 17 000 lots. Des contrôles physiques ont ensuite été menés sur certains d’entre eux : 860 lots ont donné lieu à des analyses en résidus de pesticides. Un peu moins de 80 % d’entre eux ne contenaient pas de traces détectables, en revanche, 89 lots révélaient des non-conformités qui ont été remontées à la Commission européenne, soit plus de 10 % des lots analysés.

Ce taux élevé de non-conformité doit certes être mis en relation avec le caractère ciblé des contrôles, qui ne portent que sur les triptyques pays/produit/contaminant les plus sensibles, mais il plaide tout de même pour un accroissement de leur nombre.

 

2.   Ces distorsions de concurrence contribuent à un creusement de la balance commerciale et ont des conséquences néfastes sur l’environnement et la santé

Comme le notait le Haut-Commissariat au Plan dans un rapport intitulé L’agriculture : enjeu de reconquête, publié en juillet 2021 : « L’agriculture française a été l’objet de normes et de pressions nouvelles considérables, à visées écologique et sociale. Mais toutes les puissances agricoles n’ont pas consenti à cet effort nécessaire. Les normes différenciées ont joué ainsi un rôle important dans les difficultés d’une agriculture française en concurrence avec nos voisins et les pays producteurs dans le monde, par exemple des pays d’Amérique du Sud en matière d’oléagineux et de protéagineux. »

Ces distorsions de concurrence sont donc à la fois le fait des autres États membres et des pays extra-européens. Elles sont néfastes à trois égards.

D’abord, elles ont contribué au creusement de la balance commerciale française dans le secteur agricole et au recul des parts de marché de la France à l’échelle mondiale.

En 20 ans, la France est passée du 2e rang au 6e rang des exportateurs mondiaux de produits agricoles, voyant ses parts de marché reculer de 8 % du total à un peu moins de 5 % ([3]). Selon le rapport sénatorial sur la compétitivité de la ferme France susmentionné, « 70 % des pertes de parts de marché s’expliquent par la perte de compétitivité par rapport aux autres pays producteurs ».

Thierry Pouch, économiste en chef de Chambres d’Agriculture France, illustre cette dégradation pour le cas spécifique de la filière volaille : « D’une position excédentaire à la fin des années 1990, la France est, depuis 2000, sur une trajectoire déficitaire (plus de 50 % de notre consommation de viande de poulet proviennent de l’extérieur, le premier fournisseur de la France étant la Pologne). Il en découle que, dans ces importations, les différentiels de conditions de production sont évidents, allant jusqu’au coût de la main-d’œuvre. Un effet de rattrapage puis de déclassement s’est opéré depuis l’élargissement de l’UE. L’une des manifestations de cette concurrence se situe dans une réalité statistique : le France tire l’essentiel de son excédent commercial agroalimentaire de ses échanges avec les pays tiers, alors qu’avec l’UE, elle est déficitaire. » ([4]).

Le creusement de la balance commerciale, désormais déficitaire s’agissant des échanges avec les autres États membres, est illustré par le graphique suivant.

Source : Rapport d’information sous la XVIe législature par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur la balance commerciale agricole, déposé en juin 2024

Ensuite, ces distorsions de concurrence sont néfastes pour l’environnement et la santé. Leurs effets ont été particulièrement mis en lumière s’agissant du projet d’accord entre l’UE et les pays du Mercosur.

Ainsi, l’étude d’impact de la commission Ambec, remise au Premier ministre en septembre 2020, conclut que « l’accord représente une occasion manquée pour l’UE d’utiliser son pouvoir de négociation pour obtenir des garanties solides répondant aux attentes environnementales, sanitaires et plus généralement sociétales de ses concitoyens (…) L’accord intègre certaines des attentes sociétales, par exemple en mentionnant explicitement la prise en compte du principe de précaution et l’accord de Paris sur le climat. Pour autant, nous estimons que les dispositions de l’accord concernant le respect du principe de précaution, le respect des engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris et la reconnaissance des préférences européennes vis-à-vis des normes environnementales et sanitaires, des normes de travail et des préférences liées au bien-être animal offrent des garanties relativement fragiles. »

Les retombées économiques attendues sont minimes et masquent une hétérogénéité entre des secteurs qui enregistreront des gains – essentiellement l’industrie et les services – et d’autres, comme l’agriculture, qui pâtiront de la concurrence des pays du Mercosur.

Dans le détail, le rapport Ambec effectue une analyse de la plupart des produits agricoles sensibles : la volaille, les viandes bovines, le sucre, l’éthanol et le miel. Du fait de l’accord, il projette une augmentation des importations européennes de volaille, de viandes bovines, d’éthanol et de miel en provenance des pays du Mercosur, ce qui pourrait fragiliser les producteurs agricoles européens si cette tendance se traduit par des baisses de prix sur les marchés européens.

Sur le plan sanitaire et phytosanitaire, l’accord ne modifie pas les dispositions sanitaires des parties mais peut augmenter les risques sanitaires en cas d'intensification des échanges. Le rapport Ambec estime qu’il représente « une occasion manquée d’introduire des exigences liées aux modes de production, dans un triple objectif de garantie de la santé publique, de respect des préoccupations des consommateurs européens (notamment sur les plans de l’environnement et du bien-être animal) et de la loyauté du commerce. » Il déplore le caractère peu contraignant des instances de dialogue mises en place par l’accord dans les domaines du sanitaire, du bien-être animal, des biotechnologies et de la résistance microbienne. Quant à la reconnaissance du principe de précaution, elle reste incomplète. Le principe est énoncé dans une version amoindrie qui suggère que les parties sont en désaccord sur le niveau de protection sanitaire et environnemental susceptible de justifier un obstacle au libre-échange.

Concernant le risque de déforestation, le rapport Ambec l’évalue sous la forme d'un équivalent en surfaces de pâturages supplémentaires qui serait théoriquement nécessaire pour répondre à l’augmentation de production de viande bovine liée aux nouvelles exportations vers l’UE. Le résultat obtenu est une accélération de la déforestation annuelle de l'ordre de 5 % pendant la période de six ans prévue par l'accord pour la réduction des tarifs, par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Ces valeurs ne prennent pas en compte les surfaces supplémentaires des cultures nécessaires pour l’alimentation de la viande bovine, de la volaille et, éventuellement de la canne à sucre.

Du point de vue des enjeux climatiques, les émissions supplémentaires attribuables à l’accord seraient comprises entre 4,7 et 6,8 millions de tonnes équivalent CO2, selon le scénario d’évaluation d’impact conservateur ou ambitieux, respectivement. Ce résultat notable reste toutefois limité au regard des bénéfices économiques. En effet, avec une valeur forfaitaire dite « tutélaire » du carbone à 250 euros ([5]), le solde entre les gains économiques et les coûts climatiques calculés est positif. En revanche, la prise en compte du risque de déforestation renverse cette conclusion : si ce risque était avéré, le bilan net entre les gains économiques et les coûts climatiques serait alors négatif.

Enfin, les distorsions de concurrence sont pour beaucoup dans le sentiment de déclassement et d’abandon ressenti par une partie de la profession agricole. Ces distorsions ont été dénoncées à l’unisson par l’ensemble des représentants syndicaux auditionnés.

Les Jeunes agriculteurs ont souligné la nécessité de favoriser les échanges pour les denrées qui nous manquent et que nous ne pouvons pas produire, tout en estimant normal que les importations agricoles se soumettent à nos règles : « Lorsqu’on exporte un airbus en Chine on doit bien répondre aux règles de sécurité chinoises : nous nous adaptons aux normes des pays vers lesquels nous exportons ; ça n’est pas néocolonialiste, c’est simplement du bon sens ».

La FNSEA ([6]) plaide également pour une réciprocité des normes dans les échanges commerciaux en déplorant l’absence de transparence des négociations menées par la Commission.

La Confédération paysanne souhaite limiter les échanges commerciaux à ceux correspondant à des besoins non couverts par les agriculteurs européens. Elle a en outre déploré l’absence de transparence de la part de la Commission européenne dans la conduite des négociations.

La Coordination rurale a pointé les impératifs contradictoires entre, d’une part, le fait de vouloir respecter l’accord de Paris issu de la COP 21 et, d’autre part, le souhait de conclure des accords de libre-échange avec pays géographiquement très éloignés. Elle a appelé à la création d’une « exception agriculturelle ».

Enfin, le MODEF a insisté sur les distorsions de concurrence en matière de revenus y compris à l’échelle européenne, à l’origine d’une large part des écarts de prix.

B.   Alors que l’efficacité des mesures miroirs est de mieux en mieux étayée, celles-ci sont encore trop rares et parfois mal appliquÉes

1.   Les études macroéconomiques, encore peu nombreuses sur le sujet, tendent cependant à démontrer l’efficacité des mesures miroirs

Le caractère embryonnaire de la recherche économique sur le sujet des mesures miroirs, aussi bien en ce qui concerne leur analyse ex ante que leur évaluation ex post témoigne de l’angle mort politique dans lequel elles ont été cloisonnées pendant plusieurs décennies.

Thierry Pouch affirme ainsi qu’il existe « peu, voire pas du tout [d’études] à l’échelle nationale. Un tel travail de quantification des retombées macroéconomiques nécessiterait une modélisation économétrique capable d’effectuer de telles mesures. Certains travaux ont été réalisés (Institut Veblen, Institut de l’élevage, Chambres d’agriculture des Pays de la Loire…), mais peu ont été menés sur la base de modèles économétriques. ([7]) »

Parmi le faible nombre de travaux sur l’analyse des mesures miroirs, mentionnons l’étude macroéconomique récente d’Alexandre Gohin et d’Alan Matthews ([8]).

Proposant une approche novatrice d’endogénéisation des types de technologies (avec ou sans pesticide) et des volumes produits, Gohin et Matthews raisonnent à partir d’un cas hypothétique mais nullement improbable : l’interdiction du glyphosate dans l’UE sur les fruits et légumes et la mise en place d’une mesure miroir pour les pays tiers.

Leur analyse permet de conclure qu’une telle mesure miroir améliorerait sensiblement le revenu des agriculteurs européens tout en diminuant légèrement l’empreinte environnementale globale. Par ailleurs, une telle mesure ne serait pas – contrairement à ce que concluaient jusqu’à présent la plupart des analyses standards – négative pour les producteurs des pays tiers. La conséquence pour les consommateurs européens serait en revanche une hausse du prix des fruits et légumes, désormais cultivés sans glyphosate.

L’un des principaux enseignements auxquels parviennent Gohin et Matthews est le risque tant économique qu’écologique que constitue l’instauration d’une mesure miroir isolée, ciblée sur un produit précis (ici, le glyphosate). En effet, une mesure miroir ciblée entraîne des reports d’usage par les producteurs de pays tiers vers d’autres produits phytosanitaires pouvant être eux aussi interdits dans l’UE mais n’entrant pas dans le périmètre de la mesure miroir.

Cela explique que, dans cette analyse, les producteurs de pays tiers puissent être gagnants à l’instauration d’une mesure miroir sur le glyphosate – l’interdiction leur « coûtant moins » qu’aux agriculteurs européens.

Le risque est alors celui du déplacement des distorsions de concurrence sur un autre segment de production, manquant l’objectif de leur suppression pure et simple. Ce risque plaide pour une mise en œuvre cohérente et systématisée de mesures miroirs qui seraient significativement bénéfiques pour l’environnement (neutralisation des effets rebonds) et pour les agriculteurs européens (neutralisation des distorsions de concurrence).


 

Détail de l’article de Gohin et Matthews

 

Gohin et Matthews étudient deux scénarii : le Green deal scenario, où l’usage du glyphosate est banni et où est introduite une taxe sur les autres intrants, ajustée pour respecter la trajectoire du Green Deal (-35 % d’usage de pesticides d’ici 2030) et le Mirror clause scenario, où, en plus de ces deux paramètres (déjà inclus dans les modèles standards) est ajoutée une clause miroir bannissant le glyphosate pour les importations de fruits et légumes.

Le Green deal scenario conduit à une baisse de 35 % de l’usage de pesticides dans l’UE (par construction), mais celle-ci est plus que compensée par la hausse d’utilisation de pesticides aux USA et dans le reste du monde, aboutissant à une hausse globale de l’utilisation de pesticides dans la filière fruits et légumes de +1,4 % (effet rebond) et pour l’agriculture en général (+0,5 %) du fait du report sur d’autres cultures elles aussi consommatrices de pesticides. Sans surprise, l’effet sur les prix est négatif pour les agriculteurs européens (- 47 % de revenus pour la filière) et positif pour les pays tiers (+6,6 % pour les USA et +3,7 % pour le reste du monde).

Le Mirror clause scenario entraîne une réduction à 0 des exportations de fruits et légumes conventionnels (avec glyphosate) vers l’UE. Cela a pour conséquence une hausse du prix des fruits et légumes conventionnels outre-Atlantique (+10,5 %) par effet de substitution partielle de la production de conventionnel vers une production sans glyphosate (réduction de l’offre de fruits et légumes conventionnels, stabilité de la demande).

D’un point de vue environnemental, la mesure miroir sur le glyphosate entraîne une hausse de +24,7 % de l’utilisation des pesticides sur les fruits et légumes par les États‑Unis (effet rebond). La hausse est cependant moindre dans le reste du monde (+1,0 % contre +2,5 % dans le Green deal scenario) ce qui fait qu’à l’échelle du globe, l’utilisation de pesticide n’augmente plus que de 0,9 %. L’introduction de la mesure miroir permet donc une moindre hausse de l’utilisation de pesticides dans la filière fruits et légumes à l’échelle mondiale : de +1,4 % dans le Green deal scenario à +0,9 % dans le Mirror clause scenario.

D’un point de vue économique, les agriculteurs américains sont gagnants dans le Mirror clause scenario : leurs revenus sur les fruits et légumes passent de +2,4 Mds de dollars (Green deal scenario) à +18,6 Mds grâce à la possibilité pour eux d’exporter des fruits et légumes sans glyphosate mais non soumis aux taxes additionnelles sur les autres pesticides (auxquelles sont soumis les agriculteurs européens). Le revenu des agriculteurs européens diminue légèrement moins que dans le Green deal scenario.

Cela permet à Gohin et Matthews de conclure : « l’addition d’une clause miroir au Green deal scenario supporte le revenu des agriculteurs européens sans nuire à celui des autres producteurs extra-européens ».

 

L’effet macroéconomique des mesures miroirs semble donc positif et pourrait l’être davantage si ces mesures s’intégraient dans un « système miroir », c’est-à-dire dans un ensemble cohérent de mesures en matière sociale, sanitaire et environnementale, fondées sur un consensus scientifique, contrôlables et à la hauteur des exigences auxquelles se conforment d’ores et déjà les agriculteurs européens.

Thierry Pouch est également optimiste quant aux effets économiques des mesures miroirs : « en alourdissant le droit d’entrée sur le sol européen de produits en provenance de pays tiers, droit qui se répercuterait sur le prix, mais également sur la disponibilité quantitative (exemple d’un produit refusé à la frontière), l’effet dissuasif sur le consommateur de ces mesures miroirs, occasionnerait un report sur le produit issu de l’UE ou de la France, report in fine bénéfique pour le revenu des agriculteurs (plus de débouchés, de meilleurs prix) ; effet par voie de conséquence bénéfique à l’investissement productif, et à la production agricole. ([9]) »

2.   Les quelques mesures miroirs introduites ces dernières années rencontrent des difficultés de mise en œuvre tenant à la faiblesse des contrôles

L’idée d’une concurrence loyale entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux est ancienne. Elle inspirait ainsi déjà partiellement le concept de « préférence communautaire » développé à partir de la mise en place du tarif extérieur commun en 1968.

Cependant, l’adoption de mesures miroirs dans le secteur agricole est un phénomène récent, à l’application encore très parcellaire. On recense ainsi quelques mesures miroirs, la plupart ayant été adoptées ces dernières années.


 

Mesures miroirs

Justification

Mise en œuvre

Interdiction de l’accès au marché européen de produits animaux traités avec des hormones de croissance

Directive 96/22/CE du 29 avril 1996

Santé des consommateurs

Filière dédiée au marché UE, contrôlée par les autorités sanitaires du pays producteur : contrôle des plans de chaînes de production et accréditation des abattoirs répondant aux normes européennes.

Réalisation d’audits dans les pays producteurs.

Application des règles européennes relatives à l’abattage et aux produits animaux importés

Règlement CE 1099/2009

Bien-être animal

La viande et les autres produits issus d’animaux abattus ne peuvent être importés dans l’UE que s’ils ont été expédiés à partir d’établissements surveillés par un service d’inspection indépendant

Commercialisation de produits importés issus de l’agriculture biologique

Règlement UE 2018/848

Protection de l’environnement, de la biodiversité et du bien-être animal

Obligation de présenter un certificat numérique à l’entrée sur le territoire européen. Cette certification est réalisée par les autorités du pays d’origine

Interdiction de l’accès au marché de l’UE d’animaux et produits animaux traités avec des antibiotiques activateurs de croissance

Règlement UE 2019/6 ([10])

Lutte contre l’antibiorésistance

Les produits doivent provenir d’un pays tiers agréé et accompagnés d’un certificat de conformité.

Interdiction de l’accès au marché UE de produits contenant des résidus de clothianidine et de tiaméthoxame ([11])

Règlement CE 2023/334

Protection de l’environnement et de la biodiversité

Délivrance d’un document sanitaire commun d’entrée pour les marchandises importées.

Contrôle de la limite maximale de résidus aux postes frontières.

Interdiction de l’accès au marché de produits ayant causé de la déforestation ([12])

Règlement UE 2023/1115

Protection de l’environnement et de la biodiversité

Conditions à respecter pour le bois, l’huile de palme, le soja, le café, le cacao, le caoutchouc et le bœuf :

Ne pas avoir été produits sur des terres ayant fait l’objet de déforestation après le 31 décembre 2020

Être couverts par une déclaration de diligence raisonnée

D’après : Les mesures miroirs, un outil essentiel de mise en œuvre du Pacte vert. Premier bilan du mandat européen 2019‑2024 et perspectives, Mathilde Dupré, Stéphanie Kpenou, septembre 2023

S’agissant des mesures d’ores‑et‑déjà en vigueur, la difficulté principale est de s’assurer de leur respect par les pays tiers.

Des lacunes récurrentes dans leur application sont ainsi pointées par la direction générale de la santé (DG SANT֤É) de la Commission européenne, en charge des audits dans les pays tiers pour la vérification du respect de la mesure miroir sur l’interdiction de traitement aux hormones de croissance sur les bovins.

Le rapport d’audit 2019 ([13]) notait ainsi :

« Le système actuel mis en œuvre par les autorités compétentes afin d’évaluer la conformité des établissements produisant des denrées alimentaires avec la législation canadienne et les dispositions supplémentaires de l’UE n’est pas en mesure d’apporter la garantie que seuls les établissements pleinement conformes continuent à figurer sur la liste des établissements autorisés à exporter vers l’UE. Le système ne rend pas dûment compte des conditions réelles de structure et d’hygiène dans les établissements enregistrés au fédéral et figurant sur la liste des établissements autorisés à exporter. Un seul des trois établissements visités par l’équipe d’audit pouvait être considéré comme pleinement conforme, tandis que pour un autre, l’équipe d’audit a demandé des garanties écrites de la suspension de la certification pour l’exportation vers l’UE et du retrait de la liste. Les mesures correctives annoncées et mises en œuvre à la suite de l’audit précédent en 2014, destinées à apporter des garanties concernant le respect continu des exigences pertinentes par les établissements figurant sur la liste de l’UE, se sont révélées inefficaces. »

Trois ans plus tard, pour faire suite au rapport d’audit de 2019 et analyser le degré d’application des recommandations qui avait été formulées, la DG SANTÉ constatait toujours des insuffisances ([14]) :

« Bien que le programme canadien de certification de l’absence de produits stimulant la croissance puisse fournir des garanties que seule la viande obtenue à partir d’animaux non traités avec des produits stimulant la croissance entrerait dans la chaîne d’exportation de l’UE, dans la pratique, les lacunes constatées par l’équipe d’audit dans la mise en œuvre de ce programme ainsi que dans les contrôles officiels auxquels il est soumis et dans la supervision officielle de ces contrôles fragilisent ces garanties. Par conséquent, les mesures prises par l’autorité compétente en réponse aux recommandations pertinentes (c’est-à-dire en ce qui concerne la traçabilité des bovins admissibles dans l’UE, les faibles performances des vétérinaires agréés chargés des contrôles officiels de la production primaire et la supervision de ces vétérinaires agréés) ne peuvent être considérées comme efficaces pour remédier de manière satisfaisante aux lacunes constatées au niveau des exploitations lors de l’audit de 2019. »

Notons que le 16 octobre dernier, la DG SANTÉ a publié un rapport d’audit ([15]) sur une mission qui s’est tenue au Brésil du 27 mai au 14 juin 2024 dans le but d’évaluer les contrôles sur les résidus de substances actives, les pesticides et les contaminants dans les animaux et les produits animaux. Cet audit aboutit également à la conclusion que des déficits de contrôle sont à déplorer dans l’utilisation des hormones de croissance sur les bovins (ici, l’œstradiol).

Le rapport d’audit estime ainsi que « l’autorité compétente [brésilienne] ne peut pas garantir la fiabilité des déclarations sous serment des opérateurs sur la non-utilisation d’œstradiol 17β chez les bovins et [que] le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Approvisionnement n’est pas en mesure d’attester de manière fiable du respect par l’opérateur de la section correspondante du modèle de certificat sanitaire de l’UE pour les exportations de viande bovine vers l’UE », ce qui fait peser un risque sanitaire pour les consommateurs européens qui consommeraient de la viande de bœuf brésilienne.

En tout état de cause, la mise en œuvre des mesures miroirs actuelles est compromise par la difficulté pour l’Union européenne de contrôler elle-même les conditions de production dans les pays tiers. Les trois audits menés par la DG SANTÉ au Canada, depuis 2014, l’audit mené au Brésil cette année, et le non-respect récurrent des recommandations formulées par les équipes d’inspection, témoignent de l’ineffectivité de cette approche.

Ainsi proposons-nous un changement de paradigme : l’inversion de la charge de la preuve. Les conditions de production des produits exportés vers l’Union européenne devront être certifiées par un organisme tiers agréé par celle‑ci.

 

 


   DEUXIÈME PARTIE : la proposition de rÉsolution vise, au nom d’un juste Échange, À imposer aux exportateurs des pays tiers des exigences Équivalentes À celles intÉGRÉes par les producteurs europÉens

  1.   vis-À-vis des pays extra-européens, la proposition de résolution européenne soutient une inversion de la charge de la preuve du respect des principes sanitaires, environnementaux et sociaux dont la portée est universellement admise

1.   Une inversion de la charge de la preuve est possible d’un point de vue juridique

Les mesures miroirs dans leur principe sont compatibles avec le cadre du droit européen ainsi que celui de l’OMC.

S’agissant de l’OMC, les bases juridiques applicables sont l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et des accords spécifiques que sont l’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (accord SPS) et l’accord sur les obstacles techniques au commerce (accord OTC). Ces trois accords sont entrés en vigueur à la suite de l’Uruguay Round, en 1995.

a.   Une inversion de la charge de la preuve est compatible avec le cadre juridique européen

S’agissant du droit européen, la compétence de l’UE pour adopter des actes à effet extraterritorial n’a pas été remise en cause jusqu’à présent ([16]). L’édiction de mesures miroirs n’est pas non plus incompatible avec la libre circulation des marchandises (article 28 du TFUE) qui ne s’applique qu’aux produits originaires des États membres et à ceux qui, originaires de pays tiers, sont en libre circulation dans les États membres.

b.   Le droit de l’OMC autorise des dérogations au libre-échange pour des raisons sanitaires, environnementales ou sociales

Le droit de l’OMC exige des mesures miroirs qu'elles soient souples et proportionnées.

L’importance de cette analyse casuistique nous a été soulignée à l’occasion de plusieurs auditions ([17]) : une systématisation des mesures miroirs n’exonérera pas l’UE d’une potentielle défense de chacune de ces mesures devant l’organe de règlement des différends (ORD) en cas d’opposition d’autres États. Pour chaque mesure, l’UE devra donc démontrer que l’entrave au commerce international est conforme aux dérogations de l’article 20 du GATT car justifiée par un intérêt majeur et mise en œuvre de façon proportionnée.

Dans une vision libérale, les mesures miroirs peuvent constituer des mesures discriminatoires dans les échanges commerciaux, mais elles sont susceptibles de relever des exceptions prévues à l’article 20 du GATT. Les mesures miroirs envisagées pourraient ainsi être assimilées à des discriminations non pas de jure (lorsque la mesure fait expressément une différence entre des produits sur la base de leur origine) mais de facto (lorsque la mesure ne tient apparemment pas compte de l’origine, mais a un effet préjudiciable sur les conditions de concurrence entre des produits identiques originaires de différents membres de l’OMC). Une discrimination de facto peut, par exemple, exister si des produits nationaux sont en mesure de satisfaire plus facilement à une norme ou à une exigence que des produits importés identiques.

Pour autant, les règles de l'OMC préservent le droit de chaque pays de réglementer conformément à ses préférences sociétales. Ainsi, l'article 20 du GATT prévoit des exceptions. Une mesure, même discriminatoire, peut être admise si (1) elle poursuit véritablement un ou plusieurs des objectifs stratégiques énumérés à l’article 20 (protection de la moralité publique, protection de la vie ou de la santé humaine, animale ou végétale, protection des ressources naturelles épuisables (vivantes ou non) et (2) elle satisfait au « critère de nécessité ».

Les mesures miroir envisagées, par définition, remplissent la première condition tenant à leur finalité véritable. S’agissant du critère de nécessité, les mesures miroirs doivent être, au cas par cas, souples ([18]) et proportionnées. À cet égard, la charge et les coûts imposés aux parties concernées, y compris aux partenaires internationaux, aux administrations publiques, aux importateurs, aux exportateurs et aux utilisateurs, doivent être pris en considération.

Par ailleurs, outre le GATT, la compatibilité des mesures miroirs pourrait être jugée à l’aune d’autres bases juridiques : l’accord SPS et l’accord OTC. Le premier a pour champ d’application les réglementations concernant la santé humaine, animale et végétale. Le second encadre les prescriptions techniques sur les produits, de telle sorte qu’elles se limitent au strict nécessaire et portent sur les résultats à obtenir plutôt que sur la conception du produit et soient ainsi traitées sur un pied d’égalité pour les produits locaux et importés.

 

c.   Des mesures miroirs soigneusement calibrées et justifiées pourraient donc être mises en œuvre par l’UE en compatibilité avec les règles de l’OMC

Un calibrage précis, fondé sur des études scientifiques reconnues par la communauté internationale et documentant leur portée universelle, donnerait des chances raisonnables de voir ces mesures miroirs acceptées par l’OMC.

Dans l’hypothèse probable d’un contentieux sériel devant l’organe de règlement des différends de l’OMC, l’Union européenne pourrait faire état de sa bonne foi et défendre la ligne selon laquelle ces mesures ne sont pas protectionnistes mais prises dans l’intérêt général sur les bases du consensus scientifique en matière sociale, sanitaire et environnementale.

Le critère de moralité publique pourrait par exemple être invoqué en matière de bien-être animal en vertu de l’article 20 du GATT et l’interdiction de certains pesticides pourrait être présentée non pas comme une mesure liée aux conditions de production mais comme une mesure strictement nécessaire pour parvenir au résultat escompté (à savoir l’exportation d’un produit ne portant pas atteinte à la santé humaine, animale ou végétale). Pour chaque mesure, il faudrait que l’UE justifie que l’interdiction envisagée est le moyen entravant le moins le commerce international pour atteindre les objectifs dérogatoires de l’article 20 du GATT.

Il est à noter que l’intention du législateur européen serait regardée avec une particulière attention par le groupe spécial chargé de rapporter l’affaire devant l’organe de règlement des différends de l’OMC. Ainsi, la manière dont sont présentées les mesures miroirs dans le débat public a son importance et suppose un travail de pédagogie visant à démontrer le caractère juste, bien-fondé et non arbitraire de ces mesures.

Outre l’intention du législateur, la preuve de la bonne foi de l’UE pourrait aussi être facilitée par un partenariat financier ([19]) avec les pays tiers pour que le coût de la mise à niveau de leurs modes de production demeure soutenable (exigence de l’accord OTC) et ne leur ferme pas définitivement la possibilité d’échanges commerciaux avec l’Union.

En tout état de cause, la charge de la preuve du manque de proportionnalité d'une mesure miroir reposerait sur l'État plaignant. Ainsi, lors de sa réunion du 26 avril 2024, l'ORD a adopté le rapport du Groupe spécial concluant en faveur de l’Union européenne dans le conflit commercial l'opposant à la Malaisie au sujet des restrictions européennes sur l'utilisation de biocarburants à base d'huile de palme. Il a retenu que « La Malaisie n'a pas réussi à établir" que certaines mesures prises dans le cadre de la directive "Red II" étaient "incompatibles avec l'obligation (...) de veiller à ce que les réglementations techniques ne soient pas plus restrictives pour le commerce qu'il n'est nécessaire afin d'atteindre un objectif légitime ».

Enfin, soulignons que l’organe de règlement des différends n’est pas stricto sensu une juridiction. La professeure de droit Ninon Forster estime ainsi que malgré « la juridictionnalisation incontestable du mécanisme de règlement des différends, opérée lors de l’adoption des accords OMC, le mécanisme laisse une large place à la prise en compte d’intérêts et d’avantages non juridiques et donne la possibilité aux parties, à plusieurs moments de la procédure, de trouver une solution négociée pour mettre fin au différend. La solution mutuellement acceptable est préférée à une intervention de l’organe de jugement » ([20]).

Si l’UE prenait des mesures jugées incompatibles avec les règles de l’OMC, elle s’exposerait surtout à devoir offrir une compensation avec l’accord de l’État plaignant ou bien à subir des contre-mesures de rétorsion ([21]). La systématisation des mesures miroirs pourrait donc être, in fine, une question moins juridique que politique. Elle reposerait alors sur un rapport de force et sur la capacité de l’Union européenne – en tant que puissance normative ([22]) – à imposer des règles justes et motivées par le consensus scientifique.

Dans un rapport de 2022 ([23]), la Commission estime ainsi que « si la mise en conformité avec les standards européens dans le secteur agroalimentaire peut présenter des difficultés pour certains opérateurs des pays tiers, cela leur donne accès à un marché de plus de 400 millions de consommateurs, à un cadre commercial simplifié et à des prix de vente en moyenne supérieurs à ceux pratiqués sur les autres marchés dans d’autres régions du monde ». Ce même rapport adopte une position favorable à l’extension des mesures miroirs concluant qu’il y a « une marge de manœuvre politique pour approfondir l’application de règles sanitaires et environnementales sur les méthodes de production des produits importés, dans le respect des règles de l’OMC ». De fait, la principale limite identifiée est avant tout opérationnelle et concerne la faisabilité technique des mécanismes de contrôle.

2.   La mise en œuvre opérationnelle d’une certification systématique dans les pays tiers constitue un changement paradigme à la fois ambitieux et réaliste

L’inversion de la charge de la preuve part d’un constat simple : celui de la difficulté, pour l’UE, à contrôler les modes de production mis en œuvre dans des pays tiers. Si les mesures miroirs étaient généralisées, cette difficulté deviendrait, à n’en pas douter, insurmontable.

En lieu et place, la proposition de résolution envisage un système novateur inspiré du modèle éprouvé de certification pour la filière biologique ([24]) et se développant en matière de commerce équitable (cf. encadrés ci-dessous)

Concrètement, l’organisation des contrôles serait laissée à des organismes chargés de certifier la conformité des productions des agriculteurs des pays tiers au regard d’un cahier des charges précis reprenant un ensemble d’exigences sociales, sanitaires et environnementales qui s’appliquent aux agriculteurs européens, qui sont objectivables et mesurables et qui reposent sur un consensus scientifique international.

Les « tiers certificateurs » chargés de mettre en œuvre ce cahier des charges seraient eux-mêmes reconnus par l’UE, s’assurant de leur intégrité et de la rigueur de leurs contrôles. Notons que ce système d’agrément est vertueux : pour le conserver, les organismes certificateurs ont intérêt à réaliser leurs missions avec la rigueur requise.

Lors de la table ronde réunissant les syndicats ([25]), a été souligné le risque que ces mesures miroirs excluent de facto les petits producteurs des pays tiers pour qui le coût de la certification serait prohibitif. Dans les faits les petits producteurs ne sont que très rarement directement exportateurs. L’exemple du commerce équitable démontre la possibilité de mutualiser le coût de la certification au sein d’associations ou de coopératives. En tout état de cause, le caractère non discriminatoire de cette exigence pour les petits producteurs pourrait être un des objectifs du financement tripartite UE/pays tiers/opérateur économique.

Dans cette dynamique, les organisations de solidarité internationale européennes à l’instar de l’Agence Française de Développement pourraient inscrire dans leurs programmes opérationnels, l’évolution des standards de production pour l’agriculture paysanne dans les pays tiers.


 

La certification bio : une méthode éprouvée assurant des standards
de production de haut niveau

 

L’agriculture biologique est un mode de production qui allie les pratiques environnementales optimales, le respect de la biodiversité, la préservation des ressources naturelles et l’assurance d’un niveau élevé de bien-être animal.

 

  • Un cadre juridique harmonisé au niveau européen.

La certification nationale AB (et son équivalent européen, Eurofeuille) repose sur un cahier des charges rigoureux, harmonisé au niveau européen. Cette certification garantit le respect du cahier des charges bio comprenant plusieurs obligations précises. Elle équivaut à une obligation de moyens (pas d’utilisation de pesticides) mais pas de résultat (il peut y avoir des traces de résidus pour des raisons indépendantes au mode de production de l’agriculteur).

 

  • Des contrôles en amont et en aval.

En amont, l’Institut national des appellations, de l’origine et de la qualité (INAO) est en charge de la certification et délègue ces contrôles à des organismes certificateurs (au nombre de 10) qu’elle a préalablement agréés. Ces organismes certificateurs font a minima un contrôle sur place par an, vérifiant le système de production, les cahiers de culture, la liste des fournisseurs et pouvant faire des prélèvements.

En aval, la DGCCRF s’assure que, dès lors qu’un produit porte une mention bio, il est conforme à la réglementation.

Les contrôles en aval peuvent également concerner des produits issus de l’agriculture biologique qui sont importés dans l’UE. Les produits bios doivent, lors de leur dédouanement, être présentés avec un certificat électronique émis par l’autorité ou l’organisme de contrôle compétent dans le pays tiers. Ce certificat doit être validé par la DGCCRF pour les produits d’origine végétale et par le ministère de l’agriculture (DGAL) pour les productions animales.

 

Par ailleurs, le modèle économique du commerce équitable illustre le fait qu’un système de certification peut être déployé à grande échelle sans pour autant exclure les petits producteurs.


 

Le commerce équitable : une certification accessible aux petits producteurs
ayant connu un développement important.

 

  • Initialement centré autour des producteurs des pays du Sud, le commerce équitable s’est ouvert aux producteurs français et a été encadré par les pouvoirs publics.

Alors que le commerce équitable ne concernait initialement que les filières d'importation de produits venant des pays émergents, la labellisation s'applique désormais à de nombreuses productions françaises, elles aussi sont concernées par les enjeux liés à la rémunération des producteurs et au respect de l'environnement.

L’article 94 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire donne une définition du commerce équitable disposant notamment que « le commerce équitable a pour objet d’assurer le progrès économique et social des travailleurs en situation de désavantage économique du fait de leur précarité, de leur rémunération et de leur qualification, organisés au sein de structures à la gouvernance démocratique, au moyen de relations commerciales avec un acheteur (…) »

Depuis la loi dite « climat et résilience » du 22 août 2021, les labels « commerce équitable » font l’objet d’un contrôle par la plateforme RSE (au sein de France Stratégie). Cette mesure est entrée en vigueur le 1er janvier 2023.

 

  • Le modèle économique du commerce équitable n’empêche pas l’accès des petits producteurs à la certification.

Un producteur souhaitant obtenir une certification « commerce équitable » doit se tourner vers l’un des labels existants. Les coûts d’une certification sont alors de deux ordres : il y a d’une part les droits de licence payés pour l’utilisation du label (Fairtrade-Max Havelaar, par exemple) et d’autre part les coûts des audits (souvent délégués par le label à un prestataire extérieur comme l’entreprise Flocert, organisme d’audit certifiant les producteurs du label Fairtrade-Max Havelaar)

Le coût de ces certifications peut être conséquent pour de petits producteurs, mais Tristan Lecomte, fondateur de l’entreprise d’importation et de distribution de produits issus du commerce équitable Alter éco, affirmait, dans un débat organisé sur le commerce équitable ([26]) : « Pour ceux qui ne peuvent pas s’offrir la certification Max Havelaar, qui coûte 2 000 euros, il existe un fonds d’aide à la certification. Pour la mise en place des projets, les groupements bénéficient en général de divers appuis, qu’ils viennent du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), de l’ONUDI (Organisation des Nations unies pour le développement industriel), ou encore de financements apportés par des ONG comme le CIDR (Centre international de développement et de recherche) ou le CICDA (Centre international de coopération pour le développement agricole). »

Les aides à la certification d’une part, et la possibilité pour les petits producteurs de se regrouper en coopérative, d’autre part, font que le coût du label est rarement un obstacle et est plus que compensé par les prix minimums garantis, en moyenne 50 à 75 % supérieurs aux cours du marché. En 2023, Fairtrade-Max Havelaar regroupait ainsi plus de deux millions de producteurs répartis dans plus de 100 pays et 1 900 organisations de producteurs ([27]).

Si l’inversion de la charge de la preuve est le seul système réaliste permettant une généralisation des mesures miroirs, il n’en faudrait pas moins augmenter substantiellement les fonds alloués à la chaîne du contrôle des importations : de l’EFSA aux services douaniers ([28]).

Ces moyens devront être orientés à deux fins particulières.

D’une part, développer des contrôles fiables et rapides sur l’ensemble des substances actives interdites dans l’UE et élaborer un guide des protocoles de contrôle à destination des certificateurs pour s’assurer de l’uniformité de leurs certifications.

D’autre part, s’assurer de l’intégrité des tiers certificateurs par un double niveau de contrôle : sur les tiers certificateurs eux-mêmes (via des audits organisés par les services de la Commission) et sur les marchandises certifiées (avec, en cas de non-respect du cahier des charges, détermination de la responsabilité incombant soit au producteur soit au certificateur).

3.   Deux scenarii sont envisageables : emballement des rétorsions commerciales ou généralisation des pratiques vertueuses. Il appartient à la puissance publique de faire advenir le plus positif

a.   Le premier scenario est celui d’un emballement des rétorsions commerciales

Comme le développe Thierry Pouch : « Il est admis que, dans les relations commerciales internationales, toute mesure adoptée à l’encontre d’un produit importé, conditionne l’adoption d’une contre-mesure à l’endroit d’un produit exporté. Le cas des mesures miroirs est considéré par des pays comme le Brésil ou les États-Unis, mais cela peut être le cas de pays agricoles africains (producteurs de café, de cacao), comme une forme déguisée de protectionnisme. (…) L’évaluation des risques passe alors par la probabilité d’alourdissement des droits de douane ou par l’instauration d’un embargo sur des produits européens. ([29]) »

Ces risques ont été pointés à l’occasion de plusieurs auditions, aussi bien par la direction générale du Trésor que par les directions générales du commerce et de l’agriculture de la Commission.

b.   Le second scenario est celui d’une généralisation vertueuse des mesures miroirs sur la base de pratiques respectueuses de la santé, du droit des travailleurs et des limites planétaires

Lors de l’audition du ministère de l’agriculture, le directeur général de la performance des entreprises (DGPE) a souligné que les pays du Sud pourraient imiter l’Europe en mettant en place leurs propres mesures miroirs. A par exemple été évoqué le cas hypothétique où le Brésil – important producteur de bioéthanol – imposerait une mesure miroir visant à interdire l’importation de produits agricoles ayant été produits par des machines agricoles fonctionnant avec des carburants fossiles.

De bonne ou de mauvaise foi, les pays tiers pourraient ainsi vouloir « réagir » aux mesures miroirs européennes en imposant les leurs sur nos exportations. Ces risques de « rétorsions miroirs » ne sont pas à sous-estimer et conduiraient à une utilisation du consensus scientifique à des fins de riposte commerciale. L’effet pour l’environnement n’en serait-il pas pour autant bénéfique ?

Réfléchir à une agriculture européenne plus respectueuse de l’environnement oblige à décentrer le regard en ne voyant plus les mesures miroirs comme des instruments européens imposés unilatéralement à des pays tiers aux standards par principe inférieurs. Au contraire, elles pourraient être mises en œuvre par les pays tiers sur les exportations européennes au nom de considérations sociales, sanitaires et environnementales.

Le rapport de force serait la plupart du temps à l’avantage des agriculteurs européens dont les pratiques sont, à l’échelle du globe, respectueuses des standards les plus élevés. Mais n’est pas exclue l’obligation pour eux de devoir s’adapter sur certains aspects à des pratiques de pays tiers qui seraient plus vertueuses.

La ligne rouge du caractère vertueux de ces « rétorsions miroirs » est alors celle de leur fondement scientifique et de leur proportionnalité. Pour reprendre l’hypothèse d’une mesure miroir brésilienne sur les émissions CO2 de l’agriculture européenne, celle-ci, pour être validée devant l’OMC, devrait remplir les mêmes exigences que toute mesure miroir : être proportionnée et justifiée par un consensus scientifique. Il appartiendrait alors à l’Union européenne, de démontrer leur mauvaise foi et leur caractère disproportionné.

B.   vis-À-vis des pays européens, cette proposition entend harmoniser les exigences applicables aux produits agricoles et élargir le dispositif des indications d’origine

1.   Cesser les exportations de produits phytopharmaceutiques interdits dans l’UE

L’interdiction d’exportation hors UE de produits phytopharmaceutiques interdits dans l’UE est un enjeu de cohérence et une condition sine qua none à la mise en œuvre de mesures miroirs systématiques. Comment demander à des pays tiers de ne plus recourir à certaines substances actives contenues dans certains pesticides en continuant, dans le même temps, de les exporter ?

Si elle perdurait, cette dissonance risquerait d’être soulevée par les États tiers devant l’organe de règlement des différends de l’OMC et saperait l’édifice juridique que cette proposition de résolution se propose de bâtir.

Comme le souligne la Fondation pour la Nature et l’Homme ([30]), « la possibilité pour les entreprises européennes de produire et d’exporter des pesticides interdits sur son territoire est injustifiable sur le plan éthique. Elle renforce en outre la probabilité d’importer - par effet boomerang - des produits contenant ces mêmes pesticides sur le marché européen ».

Dans ce domaine, la France a été précurseur avec la loi Egalim ([31]). Son article 83 prévoit l’ajout d’une interdiction relative à la production, au stockage et à la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement.

Concrètement, cette disposition interdit la production, la circulation et l’exportation depuis le territoire national de produits phytopharmaceutiques contenant des substances interdites dans l’Union européenne compte tenu de leur dangerosité pour la santé et l’environnement.

Par ailleurs, les produits qui contiennent des substances ayant fait l’objet d’une approbation à l’échelle européenne qui est arrivée à expiration et dont la demande de renouvellement d’approbation n’a pas été soumise aux autorités européennes pour des raisons relatives à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement entrent également dans le champ de l’interdiction de l’article 83 de la loi Egalim.

L’article 83 est finalement entré en vigueur le 1er janvier 2022, mais sa rédaction comporte des failles qui ont été soulignées par les organisations de défense de l’environnement.

En premier lieu, l’interdiction de l’exportation de produits phytosanitaires contenant des substances interdites ne s’applique ainsi pas aux substances actives elles-mêmes, ce qui permet aux industriels de continuer à produire ces substances et de les commercialiser à l’étranger dans leur forme pure.

En outre, le décret d’application de cet article a ajourné l’interdiction d’export des produits qui contiennent des substances ayant fait l’objet d’une approbation à l’échelle européenne arrivée à échéance et dont la demande de renouvellement d’approbation n’a pas été soumise aux autorités européennes, pourtant clairement mentionnée à l’article 83.

L’entrée en vigueur de la loi, au 1er janvier 2022, n’a donc pas mis fin aux exportations. Selon l’ONG Public eye ([32]), au cours des neuf premiers mois de l’année, « les autorités françaises ont approuvé 155 demandes d’exportation pour des pesticides interdits en France et dans toute l’Union européenne ». Ces exportations représentent 7 475 tonnes de substances et produits phytosanitaires interdits, le Brésil étant la première destination. La picoxystrobine, interdite en 2017, représenterait près de 40 % de ce volume.

En outre, même si les exportations de substances interdites depuis la France ont globalement diminué avec l’entrée en vigueur de la loi Egalim ([33]), cette baisse dissimulerait en réalité une relocalisation de la production sur le territoire d’autres pays européens. D’après Public Eye, le Suisse Syngenta, qui n’avait exporté que 4,6 tonnes de produits depuis la France sur les neuf premiers mois de 2022, contre 1 941 tonnes en 2021, aurait ainsi transféré ces exportations à partir de ses unités de production en Allemagne. Ce fait souligne la nécessité absolue d’une interdiction qui soit généralisée à l’échelle européenne, interdiction qui était d’ailleurs prévue dans le projet de règlement SUR (sustainable use of pesticide regulation) qui n’a malheureusement pas prospéré ([34]).

2.   Harmoniser les normes phytosanitaires applicables entre États membres

Une révision de l’article 53 du règlement 1107/2009 apparaît nécessaire. Cet article a créé les conditions d’une véritable « course aux dérogations ». Certains États membres, ne souhaitant pas pénaliser leurs agriculteurs, recourent à des dérogations systématiquement reconduites sans qu’elles ne remplissent forcément le critère de l’urgence.

Comme l’a souligné l’EFSA ([35]), les demandes de dérogation ne font pas l’objet d’une évaluation objective quant à leur justification, du fait d’absence de méthodologie. Tout au plus, l’EFSA a-t-elle pu mettre en œuvre des comparaisons de régions limitrophes de part et d’autre d’une frontière, avec des conditions pédoclimatiques et des productions similaires, en constatant des différentiels d’application de l’article 53 (autorisation d’une dérogation d’un côté de la frontière, interdiction de l’autre).

Assimilable à un dilemme du prisonnier, cette situation a conduit à une fragmentation réglementaire entre États membres et, in fine, à une moindre protection de l’environnement. Cette fuite en avant dérogatoire a été analysée par Catherine Laroche-Dupraz et Carole Ropars-Collet dans leur article Distorsion de concurrence sur le marché européen : un frein à la sortie des pesticides en Europe ? Le cas des néonicotinoïdes ([36]).

 

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Source : article de Catherine Laroche-Dupraz et Carole Ropars-Collet

 

L’arrêt de la CJUE Pesticide action network c/ Belgique du 19 janvier 2023 devrait mettre un premier coup d’arrêt à l’utilisation extensive de l’article 53 du règlement 1107/2009, mais cela suppose son interprétation uniforme par les institutions européennes d’une part, et les autorités nationales, d’autre part.

Comme l’a noté la DG AGRI ([37]), l’autorisation des substances actives et les contrôles douaniers font l’objet d’un haut niveau d’harmonisation au niveau européen. Mais c’est dans le cadre des autorisations nationales de mise sur le marché et des demandes de dérogation que des écarts apparaissent.

Le premier facteur à prendre en compte est celui du différentiel de rigueur et de compétences au sein des différentes agences sanitaires des États membres, qui peut aboutir à des évaluations plus strictes, plus exhaustives, plus réactives dans certains pays, et donc, à des interdictions plus précoces de produits, lorsqu’un risque pour la santé ou pour l’environnement se fait jour. De ce point de vue, force est de constater que l’Anses a, à plusieurs reprises, été en avance de phase sur l’Europe pour interdire certains produits, ce qui a pu induire des distorsions pour les producteurs français.

La responsabilité des agences dans ces divergences entre États peut aussi découler des délais observés pour conduire les évaluations. Les articles 30 et 81 du règlement 1107/2009 permettent ainsi aux États membres d’octroyer une autorisation provisoire de cinq ans maximum dans le cas où la procédure d’autorisation prendrait plus de temps que prévu.

Elle peut enfin résulter d’une faible mise en œuvre, par l’agence sanitaire, de la procédure de reconnaissance mutuelle des autorisations au sein des zones. Au lieu de simplement retranscrire l’autorisation accordée par un autre État membre, l’agence referait tout ou partie du travail d’évaluation, ce qui induirait à la fois des délais et des disparités.

Pour ces trois raisons, notre proposition de résolution européenne recommande une harmonisation complète des procédures d’autorisation de mise sur le marché (AMM) conduites au sein des États membres à l’échelle de l’UE.

Une telle harmonisation ne signifie pas que les AMM données seraient uniformes sur tout le territoire européen, elles préciseraient exactement les usages et les conditions pédoclimatiques justifiant le recours à un produit. Mais le processus de décision serait transparent et unifié à l’échelle de l’Union européenne, dans le cadre du réseau que constitue l’EFSA avec les agences sanitaires nationales.

3.   Étendre le recours aux indications d’origine

Un moyen complémentaire pour protéger les productions françaises et européennes, face aux productions de pays tiers qui ne répondraient pas aux mêmes exigences sanitaires et environnementales, consiste à miser sur l’étiquetage des produits et le développement de nouveaux segments de marché, comme cela a pu être fait avec les filières bio et commerce équitable.

Il s’avère en effet que les consommateurs sont assez sensibles à l’indication de l’origine géographique, privilégiant le « made in France ». Cependant, cette indication de l’origine n’est, à l’heure actuelle, obligatoire que pour un nombre restreint de produits, en particulier les fruits et légumes frais, le miel, la viande, le poisson, les œufs, l’huile d’olive et les vins et spiritueux.

Au niveau européen, le règlement 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (dit « règlement INCO »), adopté le 25 octobre 2011, vise à garantir aux consommateurs le droit d’être informé correctement par l’étiquetage des produits alimentaires qu’ils consomment.

Ce règlement, résultat de la fusion de la directive 2000/13/CE relative à l’étiquetage des denrées alimentaires et de la directive 90/496/CEE relative à l’étiquetage nutritionnel, s’applique depuis le 13 décembre 2014, à l’exception de l’introduction d’une déclaration nutritionnelle (depuis le 13 décembre 2016), des exigences spécifiques concernant la désignation de la « viande hachée » (1er janvier 2014), et de l’indication de l’ingrédient primaire (1er avril 2020).

S’agissant de l’indication de l’origine de l’ingrédient primaire, la Commission a adopté le règlement d’exécution 2018/775, en vigueur depuis le 1er avril 2020, qui exige que le pays d’origine ou le lieu de provenance de l’ingrédient primaire soit indiqué sur l’étiquette s’il diffère du pays d’origine ou du lieu de provenance du produit final.

En particulier, l’article 2 du règlement 2018/775, appliquant l’article 26 du règlement INCO, prévoit que le pays d'origine ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire qui n'est pas le même que le pays d'origine ou le lieu de provenance indiqué pour le produit final peut être indiqué par une mention « UE » ou « non-UE ».

L’intention était louable, mais l’information fournie au consommateur demeure trop imprécise. Il convient donc d’aller plus loin en modifiant le règlement INCO pour renforcer et préciser ces exigences en matière d’indication de l’origine.

Une telle révision du règlement INCO devrait faire en sorte que le pays soit précisément mentionné, à la place des indications « UE » ou « non UE ». En outre, l’indication devrait être étendue à de nouvelles catégories de produits ou d’ingrédients comme le lait, y compris utilisé comme ingrédient dans les produits transformés, la viande utilisée dans les produits transformés, la viande de lapin et de gibier, le riz, le blé destiné à la fabrication de pâtes alimentaires, les pommes de terre et la tomate utilisée dans certains produits transformés.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

La Commission s’est réunie le 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

M. Dominique Potier, rapporteur. La proposition que nous examinons aujourd’hui émane du groupe socialiste, mais je voudrais en rappeler les origines. Il s'agit d'une initiative que j’avais portée suite à la commission d’enquête sur les pesticides, dont nous avons rendu les conclusions il y a près d’un an. Tout au long de nos travaux, nous avons été confrontés à la contradiction exprimée par les producteurs français, pris entre les exigences du Green Deal, d’une part, qui leur impose des contraintes environnementales croissantes, et la concurrence déloyale internationale, d’autre part, qui les expose à des produits venant de pays ne respectant pas les mêmes exigences. N’étant pas protectionnistes mais partisans d’une souveraineté solidaire et ouverte au monde, nous avons cherché des alternatives au libre-échange, afin de favoriser un échange plus juste. Dans ce cadre, nous avons formulé les cinq propositions suivantes.

La première proposition porte sur la question des mesures miroirs. Celles-ci sont invoquées par un arc politique très large comme une solution magique pour réguler les échanges commerciaux au-delà même des accords avec certains pays ou régions, comme c’est le cas dans le cadre du Mercosur. Or, ces mesures miroirs sont, dans les faits, rares et mal appliquées. Nous proposons donc d’expérimenter une inversion de la charge de la preuve, en invitant le Parlement européen et la Commission européenne à étudier la faisabilité d’un tel mécanisme. Nous savons que les contrôles dans les ports et les aéroports sont lacunaires et que la parole des exportateurs ne peut suffire à garantir la qualité des produits arrivant sur le sol européen. Il s’agirait de faire produire une certification par un organisme agréé par l'Union européenne qui garantisse que les conditions de production sur le plan social et écologique dans les pays tiers respectent les standards européens. Ces standards s’appuieraient sur des données scientifiques et sur des bases reconnues de façon universelle et multilatérale. Cette inversion de la charge de la preuve a démontré son efficacité s’agissant du commerce équitable et des certifications bio. Elle nous semble donc être la seule voie crédible pour garantir un commerce loyal et un juste échange.

La deuxième proposition vise à mettre fin aux limites de tolérance en matière de pesticides pour les produits importés. Une liste de produits est interdite dans l'Union, tandis que d'autres n'ont pas été autorisés ou arrivent en fin d'autorisation. Il existe des tolérances à l'importation qui permettent d’autoriser une certaine quantité de pesticides dans les produits. Nous proposons de mettre fin à cet aménagement, qui semble tout à fait contraire aux règles de réciprocité en matière environnementale et sanitaire. Par ailleurs, cette proposition faisait partie des recommandations d’Élisabeth Borne dans le cadre du nouveau plan Ecophyto. Il s’agit ainsi de mettre fin à ces limites résiduelles pour aller jusqu'à la limite de quantification scientifiquement mesurée, et donc de ne plus tolérer, sur les produits importés, la présence de pesticides interdits dans l'Union européenne.

En réciprocité, il nous semble utile de cesser l'exportation non seulement de produits, ce qui est déjà fait, mais également des substances interdites dans l'Union européenne que nous continuons à produire et à exporter ailleurs dans le monde. Ils sont mauvais pour nos eaux, notre sol et pour nos concitoyens. Ils sont forcément mauvais pour les mêmes raisons dans les pays tiers.

Une autre proposition concerne la mise en place d’un processus d’harmonisation continu à l'échelle de l'Union européenne, afin de limiter les distorsions dues notamment aux dérogations utilisées par les États membres en matière d'usage des pesticides. Cela pénalise parfois nos producteurs dans certains segments de marché particulièrement sensibles. D'un pays à un autre, les règles ne sont pas uniformes parce que les agences sanitaires sont nationales. Ces dérogations reproduites dans la durée, créent de véritables distorsions de concurrence. Il s'agit non pas d'en finir, mais de les réduire considérablement par le processus évoqué. L’horizon à terme serait une autorisation non seulement des substances, mais des produits, organisée, à l'échelle européenne avec le concours des agences nationales comme l’Anses en France.

Enfin, la dernière proposition consiste en l'extension des capacités à étiqueter du « Fabriqué en France » pour un certain nombre de produits. Des progrès avaient été faits sous la dernière législature. Il faut qu’un plus grand nombre de produits soient tracés. Cela suppose une réforme du règlement INCO au niveau européen.

Ces propositions anciennes sont issues d'un rapport de la commission d'enquête visant à garantir les conditions d'une transition agro-écologique sans concurrence déloyale. Nous les redéposons aujourd’hui, à l’initiative du groupe socialiste, bien que la première version ait été signée par 70 députés de 7 groupes différents, couvrant un large spectre politique. Nous les redéposons en urgence car il se murmure qu'un accord sur le Mercosur pourrait être conclu lors du G20 de la mi-novembre, à tout le moins de manière tacite, sinon formelle, dans les déclarations de l'Union européenne. Ainsi, nous avons non seulement redéposé cette proposition de résolution pour affirmer la nécessité de réguler le commerce international, mais aussi pour réitérer notre opposition totale à la séparation de l’accord d’association qui permettrait à la Commission européenne d’imposer l’adoption de l’accord commercial par une majorité qualifiée. Rappelons qu’historiquement, le Mercosur a été engagé sur la base d’un accord mixte, comportant à la fois des dimensions politique et commerciale. Cette séparation, telle qu’envisagée aujourd’hui, est une manœuvre biaisée de la Commission que nous devons fermement condamner. Nous appelons le gouvernement français à peser de tout son poids pour éviter un tel accord qui est non seulement contraire à la trajectoire climatique européenne, mais aussi aux intérêts de nos agriculteurs et à notre souveraineté alimentaire. Il provoque en effet la déforestation en Amazonie et menace la permanence de nos prairies qui sont des atouts majeurs pour la biodiversité.

Nous devons cesser le mouvement de décapitalisation de l'élevage français parce qu'il est contraire à la polyculture et donc à une trajectoire agro-écologique qui est l’assurance-vie de notre souveraineté alimentaire.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Les règles européennes actuelles ne garantissent pas le respect des exigences sanitaires et environnementales imposées aux producteurs européens. Quant aux clauses miroirs, elles ne sont que des beaux mots. Il est bien illusoire de penser que l'on peut vérifier dans chaque champ de chaque pays qu'il n'y a pas de produit phytosanitaire utilisé pour les productions agricoles à destination de l'Europe. Cela crée une véritable distorsion de concurrence pour les producteurs, notamment français, qui se retrouvent en compétition avec des produits importés, néfastes pour l'environnement et la santé, mais qui restent moins chers pour les consommateurs dont le pouvoir d'achat n'a cessé de baisser. Cette résolution vise donc à ce que la France milite au niveau de la Commission européenne pour mettre en place des contrôles plus efficaces sur ces importations.

Permettez-moi cependant d'émettre des doutes quant à la volonté politique de la Commission européenne de cesser l'importation de produits qui ne correspondent pas aux normes environnementales européennes. Au Canada, six hormones destinées à accélérer la croissance des bovins sont autorisées. Cela n'a pas empêché la Commission européenne d'élaborer un traité de libre-échange avec le Canada, le fameux CETA. L'usage d'hormones de croissance est pourtant interdit par l'Union européenne depuis 1988. Et que dire de l'accord UE-Mercosur qui aura les mêmes conséquences néfastes ? Nous n'aurons pas l'occasion d'en débattre puisque la présidente de l'Assemblée nationale a décidé que notre proposition de résolution était irrecevable, sans aucune justification.

C'est pourquoi nous demandons un moratoire sur les accords de libre-échange. Cela ne veut pas dire que nous nions l'intérêt des échanges internationaux. Le commerce international se déroulait bien avant les accords de libre-échange, preuve qu'ils ne sont pas indispensables. Ce que nous remettons en question, c'est le fait d'échanger des produits de consommation avec des produits alimentaires alors que l'alimentation correspond à un bien qui ne peut répondre à une logique de marché. En attendant, nous soutiendrons bien évidemment toute proposition qui permettra de protéger la population d’importations néfastes pour la santé ou pour l'environnement.

M. Dominique Potier, rapporteur. Je partage votre indignation concernant le refus d'inscription d’un débat sur ces questions lors de la niche parlementaire du groupe LFI‑NFP. Je suis profondément choqué non seulement parce que je partage votre point de vue sur l’accord avec le Mercosur, mais surtout dans une perspective démocratique : je ne comprends pas comment le gouvernement peut bloquer l’examen d’une proposition de résolution sur un sujet aussi important.

Vous devriez donc vous réjouir, chère collègue, d’avoir l’occasion de voter contre l’accord avec le Mercosur à travers les amendements apportés à cette PPRE. Cela sera, malheureusement, notre seule occasion de récuser - unanimement je l’espère - cet accord.

Tout comme vous, je suis dubitatif sur les moyens de contrôle effectifs des États membres, des États tiers et de la Commission européenne sur les conditions de production à l’étranger. D’ailleurs, les rapports de la DG Santé révèlent des résultats dévastateurs tant au Canada concernant l’usage d’hormones de croissance qu’au Brésil avec l’utilisation d’antibiotiques. Le rapport Ambec, commandé par M. Édouard Philippe, est en ce sens sans ambiguïté sur les impacts écologiques et sanitaires de certaines productions alimentaires étrangères. Toutefois, nous sommes aujourd’hui dans l’incapacité, au-delà même de tout nouvel accord commercial, de contrôler la nature de ces échanges.

C’est pour cette raison que nous proposons une nouvelle voie à travers cette résolution européenne. Celle-ci consiste à changer la charge de la preuve. Elle n’est peut-être pas parfaite mais elle mérite d'être étudiée : les pays exportateurs devraient apporter la preuve que leurs conditions de production respectent les standards européens.

Ces standards européens ne sont pas protectionnistes : ils prennent appui sur la science pour juger de la toxicité d’un produit pour la santé et pour l'environnement. Il ne s’agit pas d’une voie protectionniste mais d’une solution universaliste. L’inversion de la charge de la preuve est une des conditions pour établir une concurrence loyale et ce processus a déjà fait ses preuves dans l’agriculture biologique. Nous proposons de l’étendre à l’échelle du monde en l’intégrant aux accords commerciaux de l’Union européenne.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous connaissons l’engagement de Dominique Potier au sein de l’Assemblée nationale depuis très longtemps sur ces questions. Cette PPRE détient un double mérite : elle traite une question de fond et elle s’inscrit dans l’actualité. Elle pose la question de l’équilibre des relations commerciales dans la filière agricole. Cette proposition de résolution demande que l’exportation de la production d’acteurs économiques tiers à l’Union européenne soit soumise à une certification par un organisme qualifié quant à la conformité aux règles, notamment phytosanitaires, applicables au sein de l'Union. Cette proposition souhaite également protéger les États membres, leurs producteurs et leurs exploitants agricoles des effets d’une concurrence déloyale. Ces mesures auraient également des effets positifs sur les consommateurs européens et l’environnement en réduisant les effets d’un recours déraisonné à des produits alimentaires étrangers, qui, subrepticement, s'imposent sur le marché européen.

Je souhaiterais rappeler la position constante des députés socialistes et apparentés : nous insistons depuis 2018 sur quatre dimensions essentielles. En premier lieu, certains États en voie de développement contestent la manière dont sont fixés les prix des matières premières et l’existence d’une différence importante entre le prix d'achat et de revente en Europe qui génère d’immenses bénéfices pour quelques firmes. En deuxième lieu, la mise en place d’un traitement spécial et différencié pour la commercialisation de certains produits est nécessaire. En troisième lieu, l’avis des parlements nationaux concernant la procédure de ratification des accords mixtes et de nouvelle génération doit être systématiquement requis. En quatrième lieu, il est nécessaire de convoquer des avis indépendants et experts concernant l'impact de ces traités commerciaux en matières environnementale, sociale et sanitaire.

Rappelons-nous de la commission d’évaluation de l’impact du CETA dont le rapport présenté en 2017 par la présidente Mme Katheline Schubert avait suggéré plusieurs pistes d’amélioration, qui n’ont malheureusement pas donné de suites. Dans le cadre de cette PPRE, il existe un enjeu essentiel, celui de créer un mécanisme permanent et systématique qui permettra l’application de ces clauses miroir.

Je rappelle que l’Agence européenne des produits chimiques a annoncé avoir détecté des traces de substances chimiques dangereuses dans des produits cosmétiques vendus en Europe. À cet égard, il me semble exister des pistes concrètes pour élargir à d’autres secteurs les propositions de Dominique Potier.

M. Dominique Potier, rapporteur. Merci pour vos propos et vos encouragements. Bien que nous soyons porteurs de cette PPRE au sein du même groupe, je tiens à rappeler que ces mêmes dispositions avaient déjà été soutenues par 70 députés issus de 7 groupes. J’espère que ces forces politiques seront au rendez-vous aujourd’hui.

Concernant les conditions commerciales, que vous avez évoquées, il ne s’agit pas uniquement de s'intéresser aux clauses environnementales et sanitaires voire sociales, il faut également se préoccuper des conditions économiques. Or, il est évident que nous ne pouvons pas exiger de nos partenaires des conditions de production exigeantes et standardisées sur les normes européennes sans contrepartie économique.

L’existence d’un commerce équitable doit nécessairement se fonder sur des éléments comme le partage de la valeur, la juste rémunération des travailleurs ou encore le respect de conditions sociales et environnementales. Il n’y a pas de normativité environnementale ou sociale qui ne s’appuie en premier lieu sur une justice économique.

Lors des auditions effectuées, le syndicat Via Campesina, l’équivalent européen de la Confédération Paysanne, a émis une réserve concernant la discrimination que subiraient les petits producteurs face à l’exigence de cette certification. Nous avons enquêté sur cette question et les filières de l'agriculture biologique et du commerce équitable nous ont démontré que cet obstacle pourrait être dépassé par l'instauration de formes coopératives et mutualisées. La majorité des petits producteurs exportent leurs produits via des intermédiaires associatifs ou coopératifs qui mutualisent le coût de certification afin que celui-ci n’obère pas leurs performances économiques. Cette réserve peut donc être levée, mais elle ne dispensera de travaux postérieurs pour s’assurer de l’inclusion des petits producteurs dans le dispositif.

M. Benoît Biteau (EcoS). Lorsqu’il est question des réglementations concernant les pesticides, on évoque très souvent en parallèle les enjeux liés à la santé et la nécessité d’instaurer des clauses miroirs. L’instauration de clauses miroirs est le minimum que l’on puisse attendre de nos partenaires commerciaux : les exigences auxquelles nous soumettons nos agriculteurs doivent être imposées, avec la même rigueur, aux produits extérieurs commercialisés en Europe. Il s’agit d’un principe évident : si un produit, tel qu’un pesticide, est scientifiquement considéré comme dangereux dans l’Union européenne et qu’il est utilisé à l’étranger pour des productions qui seront par la suite importées en Europe, alors la toxicité des produits que nous consommons est réelle.

J’attire également votre attention sur l'hypocrisie de certaines firmes européennes qui continuent à produire des pesticides dont l’usage est interdit en Europe mais qui détiennent des autorisations leur permettant de les exporter. Ces pesticides exportés vers des pays tiers seront utilisés pour la production de produits alimentaires qui seront en partie réimportés sur le marché de l’Union et consommés par les citoyens européens. Il est nécessaire d’interdire la production de ces pesticides, même voués à l’exportation, au sein de l’Union pour enrayer cette hypocrisie commerciale et sanitaire.

Finalement, lorsqu’il s’agit d’économie agricole, il est nécessaire de dépasser le sujet de la santé et de convoquer les trois dimensions du développement durable : sociale, écologique et économique. Il existe de réelles problématiques sociales dans notre manière de commercer à l’international comme le démontre l’alerte de la Via Campesina ; il n’y a qu’à voir les répercussions de produits issus de l’agriculture européenne que nous exportons ou le phénomène de dumping auquel participent les politiques publiques européennes dans ces pays-là.

Cette dimension sociale doit être intégrée aux mesures miroir pour éviter que nos importations de produits outre-Atlantique, soumis à des exigences moindres et objets d’une agriculture industrielle, ne mettent en difficulté nos producteurs et agriculteurs locaux.

M. Dominique Potier, rapporteur. J’admets que la question sociale a trop peu été abordée au sein de notre rapport. La liquidation d’une partie de notre élevage aura des impacts écologiques, notamment par le retournement des prairies, mais elle aura également un impact social. Les filières de l’élevage sont celles dont la valeur ajoutée économique et sociale est la plus importante. À l’inverse, la filière de la céréalisation crée moins d'emplois et de valeur ajoutée.

À travers la défense de l’élevage, c’est tout le modèle social d’une agriculture à taille humaine qu’il s’agit de soutenir. Il existe également une dimension sociale importante en lien avec le respect du droit des travailleurs : certains travaillent sans réelle rémunération, exposés aux pesticides ou encore dans des conditions qui augmentent le risque d’accident.

Je souhaiterais également répondre à une question, qui, bien qu’elle n’ait pas été posée, me semble importante : cette proposition est-elle juridiquement réalisable ? Les auditions de différentes directions générales de la Commission européenne et des ministères de l’agriculture et de l’économie nous ont permis de vérifier la faisabilité juridique d’une telle proposition. L’article 20 de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) protège les accords commerciaux mixtes et permet de déroger au principe de libre-échange dès lors que des enjeux moraux, sociaux ou écologiques majeurs entrent en jeu.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne s’oppose donc pas par principe à ces mesures miroirs, pourvu qu’elles soient proportionnées, non discriminantes et fondées sur des principes universels et scientifiques.

Il ne s’agit dès lors ni d’une proposition néocolonialiste, qui imposerait des normes européennes à des pays tiers, ni d'une proposition protectionniste : cette résolution européenne propose une solution universelle qui estime que si les exigences européennes sont bénéfiques, elles peuvent l'être pour des pays tiers qui souhaitent commercer avec l’Union européenne et inversement.

Cette proposition est juridiquement fondée. Il ne reste qu’à l’Union de s’emparer de ce projet et de le mettre en œuvre.

M. Pascal Lecamp (Dem). Cette résolution s’inscrit dans la continuité de la position française vis-à-vis de la Commission européenne concernant les accords de libre-échange. Ce texte dessine une vision juste du commerce extérieur, notamment dans le contexte des négociations de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Sur ce sujet, nous venons de présenter à la presse une tribune transpartisane autour du Président Chassaigne. Vous le savez, Les Démocrates sont des fervents européens et des fervents défenseurs du commerce international. Pour autant, la mondialisation nous écrase, la concurrence déloyale et le dumping nous tirent vers le bas. Tout cela n’a que trop duré. La grande majorité des jeunes générations s’érigent contre le libre-échange dont elles ont trop observé les dégâts. Le temps de la réforme est venu. Nous accueillons donc, avec une grande bienveillance, la proposition de résolution que vous portez. Le juste échange doit permettre aux standards de production sanitaires, environnementaux et sociaux de nos partenaires de s'élever concrètement pour pouvoir bénéficier d’une suppression ou d’une réduction des droits de douane. À ce titre, la question de la charge de la preuve est essentielle. Aussi, la question des contrôles aux frontières et la coopération avec les services vétérinaires locaux, ne doit pas être oubliée. Nous devons mieux travailler en amont, avec nos partenaires et créer un environnement dans lequel les contournements seront identifiés et sanctionnés plus systématiquement. Le Président Macron a porté ce sujet lors de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 mais sous la menace d'un accord imminent entre l’Union Européenne et le Mercosur, nous devons nous interroger : comment convaincre nos partenaires européens ? En effet, ils n’ont pas l’air aujourd’hui de partager notre vision d’un ultralibéralisme qui tuerait le libéralisme. Ainsi, nous devons continuer à travailler au niveau national avec la société civile, et cette proposition de résolution y contribue parfaitement. Nous devons également porter cette voix à l’OMC, à la Commission ainsi qu'au Parlement européen.

M. Dominique Potier, rapporteur. Sur ce sujet, nous partageons le même combat. Vous êtes à l’initiative d’une autre tribune et d’un texte, que nous avons porté de manière transpartisane, sur le Mercosur et les traités de libre-échange.

Vous avez insisté, à juste titre, sur l’inversion de la charge de la preuve qui constitue la vraie faiblesse des mesures miroirs actuellement mises en œuvre. En effet, sans une inversion de la charge de la preuve, ces mesures ne peuvent pas fonctionner. Pour preuve, je citerai le rapport d’audit de la direction de la santé européenne sur la mission qui s’est tenue au Brésil du 27 mai au 14 juin afin d'évaluer les contrôles sur les résidus de substances actives, de pesticides et de contaminants dans les produits animaux. Cet audit aboutit à la conclusion que ces déficits de contrôle sont à déplorer dans l'utilisation des hormones de croissance sur les bovins. Ainsi, sur aucun des chapitres des mesures miroirs, les attendus ne sont respectés et nous observons la même chose au Canada concernant les hormones de croissance. Les mesures miroirs sont trop peu nombreuses et ne sont pas respectées quand elles existent. Nous sommes dans une forme d’illusion et d’hypocrisie, qui est de nature à désespérer le peuple paysan, ce qui n’est positif pour personne. Encore une fois, notre proposition consiste à prendre pour modèle les certifications ex ante des produits bio ou du commerce équitable et de vérifier les productions avec un contrôle ex post via l’organisme de certification agréé par l’Union et des contrôles de la Commission. Nous proposerons d’ailleurs, dans les amendements, le renforcement des contrôles aux frontières mais ce n’est pas la seule méthode. Peut-être que la méthode n’est pas bonne mais ce que soutient cette résolution, c’est l’impossibilité d’un statu quo parce qu’il est hypocrite, vous avez vous-même utilisé le mot. Nous avons un devoir de vérité envers nos producteurs et nos frères paysans de l’autre côté de l'Atlantique. Si nous faisons du commerce, il doit être équitable, loyal, fondé sur une expertise scientifique et des contrôles indépendants.

M. Pascal Lecamp (Dem). Ma question était : comment convaincre nos partenaires européens ?

M. Dominique Potier, rapporteur. Je n’ai que dix secondes pour répondre, je le ferai peut-être à travers une autre question. On nous a posé la même question à propos du devoir de vigilance et sur d’autres initiatives françaises, aujourd'hui elles font le tour du monde. Il faut y croire, il faut se battre et essayer de convaincre car cet objectif mérite d’être atteint.

Mme Isabelle Rauch (HOR). Avec le groupe Horizons et Indépendants, nous partageons le diagnostic de cette proposition de résolution européenne, et beaucoup d’entre nous se positionnent contre l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Il nous semble aujourd’hui nécessaire que l’Union fasse respecter au maximum des mesures miroirs pour protéger notre secteur agroalimentaire des pratiques anticoncurrentielles peu respectueuses de l'environnement et des enjeux de santé publique.

L’Union européenne et la France sont fières de disposer de normes exigeantes sur les produits alimentaires qui nous permettent de protéger le climat et la santé des consommateurs. Peu de pays et d’espaces économiques à travers le monde peuvent se vanter d’avoir des standards aussi vertueux. Pourtant, nos agriculteurs et nos éleveurs font face à une concurrence croissante, au sein de l’Union européenne et au-delà. Nous sommes d'accord que l’Union gagnerait à s’assurer de conditions de concurrence équitables, impliquant des normes de production similaires dans les pays qui exportent vers l’Union européenne. Or, l’Union ne peut pas contrôler les méthodes de production dans le pays d’origine. Elle peut néanmoins les influencer, comme cela avait été fait avec le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui permet de promouvoir des processus de production plus propres. Nous pouvons aussi citer, comme vous l’avez fait, le règlement européen visant à lutter contre la déforestation. L’Union européenne peut également contrôler les limites maximales de résidus de produits issus de pesticides interdits sur les produits qui sont échangés sur le marché européen mais il faut, sur ce sujet, une plus grande fermeté sur les limites résiduelles. Nous gagnerions à harmoniser, entre pays européens, nos normes environnementales pour éviter toute concurrence déloyale.

Toutefois, nous devons garder à l’esprit qu’une partie importante de la richesse de notre agriculture provient de sa capacité à exporter et à rester compétitive. Une part importante de cette compétitivité est garantie par la politique agricole commune. Le secteur agroalimentaire de l'Union européenne est ainsi largement excédentaire sur les marchés mondiaux et nous pensons que l'inversion de la charge de la preuve, telle que proposée ici, risque de provoquer une aversion au commerce avec l’Union européenne de la part de nos partenaires. Nous ne partageons pas malheureusement votre optimisme sur la généralisation des pratiques vertueuses. Le risque est plus grand que nos partenaires commerciaux imposent, en retour, des embargos sur les produits européens. Cela anéantirait la capacité de nos agriculteurs à exporter et c'est pourquoi, notre groupe s'abstiendra sur cette proposition de résolution.

M. Dominique Potier, rapporteur. Je ne désespère pas de vous faire changer d'avis et je pourrais m'appuyer pour cela sur le rapport Ambec, commandé par Édouard Philippe. Ce rapport est sans ambiguïté : l’impact économique, écologique et sanitaire de l’accord avec le Mercosur serait désastreux pour nos productions. Nous sacrifions l'agriculture française. C’est le cas pour les vins et spiritueux, qui sont l’un des seuls domaines qui pourraient gagner quelques parts de marché au Brésil, en Uruguay et ailleurs en Amérique latine et qui ne seront pas soumis aux mêmes règles en matière de règlement des conflits. Notre accord ne tient pas, même dans les secteurs où nous sommes naturellement exportateurs et où nous pourrions gagner des parts de marchés. Globalement, nous perdons sur les secteurs fondamentaux que sont les pâturages et le labourage. C'est très clairement notre polyculture élevage, notre capacité à produire de la nourriture de façon souveraine et qualitative qui est impactée. Alors il faut faire un choix, on ne peut pas être exportateurs libéraux dans un cas et protecteurs dans l'autre. La proposition n’est ni protectionniste, ni ultralibérale, elle est fondée simplement sur le principe de réciprocité qui conserve à la fois nos intérêts locaux, en les conjuguant à des intérêts universels. C'est pour cela que nous en sommes fiers : notre proposition doit provoquer un cercle vertueux. Il y a un risque de rétorsion commerciale ponctuel que nous ne pouvons pas nier mais le rapport Ambec, commandé par Édouard Philippe, indique que nous perdons globalement. Sommes-nous prêts à accepter de telles pertes ?

De plus, sur le plan sanitaire, écologique et climatique, ce sont des millions de tonnes de CO2 qui seront émises, en plus d’une déforestation et d’une perte des prairies. Sur le plan économique, ça n’est pas non plus tenable. Une autre hypothèse est que nous enclenchons un cercle vertueux et que même nos partenaires commerciaux nous rappellent à nos obligations en matière de transition écologique et nous aident à protéger le Green Deal, qui est fortement menacé par certaines forces conservatrices et libérales en Europe.

M. André Chassaigne (GDR). Je souscris évidemment aux propositions présentées dans cette proposition de résolution. J'insisterais d'abord sur un point qui me paraît absolument déterminant, c’est celui des moyens et du système de contrôle et de sanction européen. Dans le rapport de la mission parlementaire sur la sécurité alimentaire européenne que j’avais conduit pour cette Commission en 2020 avec ma collègue Catherine Osson, une de nos propositions portait sur la création d'une police sanitaire européenne avec des compétences en matière de répression des fraudes alimentaires. Nous avions souligné à l'époque l'insuffisance des moyens de l'Office alimentaire et vétérinaire de la Commission européenne et le besoin de renforcer largement ses moyens et ses prérogatives. Vous soulignez d’ailleurs les grandes différences qui existent entre Européens concernant les agences sanitaires et de contrôle. Cette proposition n'était pas nouvelle puisqu'elle s'appuyait sur un engagement du Président de la République qui, dans son discours de la Sorbonne de septembre 2017, demandait la création d'une force européenne d'enquête de contrôle pour lutter contre les fraudes, garantir la sécurité alimentaire, et assurer le respect des standards de qualité partout en Europe. Monsieur Potier, vous marchez sur les pas de Jupiter.

Sur l'enjeu de la réglementation des échanges internationaux, je voudrais faire deux remarques. La première concerne les réglementations européennes. Honoré de Balzac disait : « les lois, c'est comme les toiles d'araignées, ça retient les petites mouches, mais ça laisse passer les grosses ». C'est un peu cela la réglementation européenne.

Ma seconde remarque porte sur le fait que nous savons que le meilleur des produits agricoles importés est celui que l'on n’importe pas et que l'on produit dans notre pays. Dans ces échanges, les racines du problème sont éminemment idéologiques. C'est le fruit pourri du mythe néolibéral, celui d'un capitalisme mondialisé, d'une société tout marché, porté par des économistes comme David Ricardo au début du XIXe siècle. Le temps des avantages comparatifs est terminé. Ainsi, sortons des traités de libre-échange, allons vers des coopérations parce qu'il est nécessaire de coopérer et produisons le plus localement possible !

M. Dominique Potier, rapporteur. Un rapport de 2019 réalisé au Canada par la direction de la santé, vient confirmer vos dires sur l'incapacité à réaliser des contrôles dans les ports, les aéroports ou encore sur place. Je salue votre idée de mettre en place une police sanitaire internationale, mais il y a un problème d'extraterritorialité et un problème de moyens financiers pour mettre en place une telle armée de fonctionnaires européens capables de se déployer dans le monde. Je pense que notre proposition est bien plus agile et plus performante. Ce ne seraient pas les fonctionnaires européens ni les fonctionnaires français qui se rendraient dans les fermes biologiques pour vérifier, ce serait des organismes privés et certifiés par l'Union chargés de contrôler le système. Ce contrôle être réalisé d’entreprise à entreprise, sous le regard de l'État, qui doit lui-même être intransigeant quant à la probité des organismes de contrôle. Je pense que le président de la République pourrait être sensible à notre proposition car elle est plus économe des moyens publics et s’appuie sur un contrôle privé certifié en dernier ressort par la puissance publique.

Concernant le désastre constaté au Brésil, sur les questions des pesticides et des antibiotiques, il faut regarder le système canadien mis en œuvre par les autorités compétentes afin d'évaluer la conformité des établissements produisant des denrées alimentaires avec la législation canadienne. Je vous cite un extrait du rapport d’audit réalisé sur place au Canada : « Le système actuel n’est pas en mesure d'apporter la garantie que seuls les établissements pleinement conformes continuent à figurer sur la liste des établissements autorisés à exporter vers l'Union européenne. Le système ne rend pas dûment compte des conditions réelles de structure et d'hygiène dans les établissements enregistrés. Ainsi, un seul des trois établissements visités par l'équipe d'audit pouvait être considéré comme pleinement conforme. »

Nous traitons d’une mesure miroir et d’un accord qui est déjà en œuvre sans être tout à fait ratifié, le CETA, et qui ne fonctionne pas. Ce constat est dressé par la direction de la santé de la Commission, qui n’est pas un groupe politique ou une ONG mais qui pointe l’inefficacité d’un système qu’il est urgent de remplacer par une inversion de la charge de la preuve.

M. Patrice Martin (RN). Les négociations commerciales entre l’Union et le Mercosur arrivent à un tournant stratégique : la Commission européenne affiche sa confiance dans la conclusion imminente de l’accord, qui pourrait intervenir avant la fin de l’année. La France conditionne cependant son approbation à l’intégration de clauses miroirs, qui garantiraient que les normes imposées aux producteurs européens s’appliquent également aux producteurs sud-américains. Nous ne pouvons en effet pas exiger le meilleur de nos agriculteurs tout en tolérant que leurs concurrents directs soient soumis qu’à des standards inférieurs.

La Commission envisage de scinder l’accord entre le volet politique, d’une part, et le volet purement commercial, d’autre part. Ce dernier pourrait ainsi être adopté à la majorité qualifiée des États membres, avec l’approbation du Parlement européen, sans passer par les Parlements nationaux. Une telle restriction du débat démocratique suscite de vives interrogations. Les conséquences de la dissolution se font toujours sentir et la France ne semble plus disposer du poids politique nécessaire à la constitution d’une minorité de blocage alors que l’Allemagne et l’Espagne soutiennent avec fermeté la signature de l’accord. Par ailleurs, la Commission européenne a proposé de repousser l’entrée en vigueur du règlement européen anti-déforestation, qui interdit la commercialisation, au sein de l’Union, de produits issus de terres déboisées.

Pourquoi accélérer la conclusion de cet accord, qui fait peser des incertitudes sur l’agriculture française ? Ses promoteurs avancent qu’il permettrait à l’Union européenne de diversifier ses partenaires commerciaux, de réduire ses dépendances et de freiner l’influence de la Chine en Amérique latine. Pour répondre aux préoccupations légitimes de la filière agricole, la Commission européenne envisage la création d’un fonds d’accompagnement doté de 1 Md€. Le dispositif ne suffit cependant pas à rassurer car il ne pourra être activé qu’en cas de distorsion de concurrence avérée, ne prenant pas en compte l’ensemble des difficultés auxquelles nos agriculteurs se trouveraient exposés. Nous pouvons donc nous demander si cet accord répond réellement aux attentes de l’Europe.

J’insiste enfin sur la nécessité que l’Union soit vigilante et stricte en matière de contrôle des importations.

M. Dominique Potier, rapporteur. Vous semblez partager mon diagnostic, mais je n’ai pas compris si vous soutiendrez la proposition de résolution ou si vous aviez des réserves.

M. Patrice Martin (RN). Nous avons des réserves sur le contrôle des importations aux frontières. Nous serons intransigeants sur le sujet.

M. Dominique Potier, rapporteur. Ce sujet a été largement documenté par la commission d'enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires : nous avions auditionné la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), la direction générale de l’alimentation (DGAL), etc. Nous y avons été poussés par le député du Rassemblement national Grégoire de Fournas, qui répétait que nous ne pouvions pas mettre en œuvre le Pacte vert européen et la transition agro-écologique sans exposer nos agriculteurs à des concurrences déloyales. Mais plutôt que le retour au protectionnisme qu’il préconisait, nous avons recherché les moyens de rétablir une concurrence loyale.

Nos dispositifs de contrôle aux frontières demeurent insuffisants, quoique déjà importants : nous contrôlons un produit sur mille environ, et 10 % d’entre eux présentent des non-conformités. Mais nous ne pouvons parvenir à tout contrôler, cela nécessiterait des armées entières de douaniers. C’est pourquoi notre proposition de résolution européenne invite à agir en amont, en privilégiant la certification des conditions de production des biens importés.

Il est néanmoins nécessaire de renforcer nos systèmes de douanes et de protection de la concurrence, notamment en termes de coordination. Je salue les progrès réalisés en la matière ces dernières années : alors que le contrôle des produits alimentaires a longtemps été éclaté entre la DGAL et la DGCCRF, entravant la réponse publique en cas d’alerte sanitaire, des solutions innovantes ont été mises en place pour renforcer les coopérations sur toute la chaîne de distribution des aliments. Nous appelons à poursuivre les efforts en ce sens, en y consacrant les moyens financiers nécessaires.

Mme Constance Le Grip (EPR). Nous vous rejoignons sur la nécessité de mieux réguler le commerce international. Mon groupe refuse l’accord avec le Mercosur en l’état, et nous continuerons à nous opposer à sa conclusion comme l’ont affirmé le Président de la République, le Premier ministre, la ministre de l’agriculture et la ministre déléguée chargée du commerce extérieur. Nous nous sommes d’ailleurs associés à une tribune transpartisane, signée par plus de deux cents députés, pour redire notre opposition à cet accord d’association – j’emploie cette dénomination à dessein car c’est l’un des nœuds du problème – qui ne respecte pas l’accord de Paris, risque d’accroître la déforestation de l’Amazonie, et est très insuffisant en ce qui concerne les clauses miroirs.

Nous saluons l’esprit de votre proposition de résolution et la démarche qui vise à mettre en évidence les distorsions de concurrence dont pâtissent les agriculteurs européens, notamment français. Nous partageons certaines des mesures que vous avancez, même si leur mise en œuvre nous semble parfois complexe, voire irréaliste. L’application effective de la mesure miroir sur l’interdiction de l’administration d’antibiotiques comme activateurs de croissance serait une avancée significative pour la sécurité alimentaire. L’extension de l’indication d’origine des produits représenterait également un progrès notable en matière de transparence pour les consommateurs.

D’autres de vos propositions suscitent en revanche des réserves. Si les mesures miroirs sont très protectrices, elles sont également très difficiles à mettre en œuvre. Contrairement aux clauses miroirs, elles ne sont pas attachées à un accord commercial donné, mais s’appliquent à l’ensemble des produits importés dans l’Union européenne, et exigent donc l’accord de l’ensemble des États membres. Nous sommes assez réservés sur la faisabilité d’une telle mesure.

Même si nous en saluons l’esprit, nous ne pouvons souscrire à la rédaction de cette proposition de résolution. Nous nous abstiendrons donc.

M. Dominique Potier, rapporteur. La lettre reflète parfois l’esprit ! Le président de la République est allé plus loin que moi en proposant de créer une police sanitaire européenne. Nous partageons bien la même indignation : il est insupportable d’imposer à nos agriculteurs des normes de production respectueuses pour la planète et notre santé tout en important des produits qui ne se conforment pas à ces règles. Est-il pour autant réaliste que des vétérinaires européens sillonnent le monde ? Je ne le pense pas.

En revanche, des organismes privés qui travaillent sous contrat avec la puissance publique pourraient tout à fait se charger de tels contrôles. Nos agriculteurs connaissent bien ces procédures de certification – Benoît Biteau et Mathilde Hignet en ont l’expérience comme moi. La survie de notre entreprise dépend du respect de ces normes. Les contrôles sont impromptus et prennent parfois la forme d’une enquête de police : étude des pièces comptables, analyse des sols, prélèvements de produits, etc. Ce n’est pas un simple audit, une opération de communication, de blanchiment environnemental ou social, mais un véritable contrôle qui repose sur des moyens sérieux. Je reconnais que ce dispositif est exigeant, mais s’il est appliqué dans la filière biologique, dans le commerce équitable, pourquoi ne pourrait-il pas être étendu ?

Par ailleurs, si des États tiers, engagés et non corrompus, disposent d’une inspection du travail et d’un équivalent des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) à même de garantir les conditions de production sur leur territoire, le contrôle par les organismes privés pourrait être allégé. Cette proposition de résolution ne vise pas à imposer des mesures de rétorsion, mais à garantir que le commerce s’opère sur des bases saines.

Avez-vous également des réserves quant à l’interdiction d’exporter des pesticides interdits au sein de l’Union ?

Mme Constance Le Grip (EPR).  Oui, notamment !

M. Dominique Potier, rapporteur. Il s’agit pourtant là d’une question morale, profondément ancrée dans notre civilisation : nous ne pouvons pas exporter des produits que nous avons interdits chez nous.

M. Matthieu Marchio (RN). Votre proposition de résolution européenne met en lumière l’enjeu fondamental qu’est la protection de notre agriculture face à une concurrence déloyale liée à l’importation de produits agricoles traités avec des produits phytopharmaceutiques interdits au sein de l’Union européenne. Il est inacceptable que des denrées produites dans des conditions que l’Union juge dangereuses pour la santé publique et l’environnement se retrouvent sur notre marché. Ces pratiques mettent en péril les efforts de nos agriculteurs, qui respectent des normes très strictes, au détriment de leur compétitivité.

En invitant à mettre en œuvre des mesures miroirs pour que les produits importés respectent des standards équivalents à ceux de l’Union, cette proposition de résolution appelle à une éthique de réciprocité. Dès lors, comment s’assurer que cette exigence soit fermement défendue au niveau européen, afin que les importations ne mettent plus en danger la sécurité alimentaire de nos concitoyens ?

M. Dominique Potier, rapporteur. Je profite que vous évoquiez la sécurité alimentaire pour souligner le scandale que constituent les tolérances à l’importation sur les limites maximales de résidus pour toutes les substances interdites dans l’Union. Comme l’ont établi les auditions des directions générales de la santé, du commerce et de l’agriculture de la Commission européenne, et des services équivalents au niveau français, certains fabricants de pesticides choisissent de ne pas demander le renouvellement de leur homologation afin d’éviter que leurs substances soient interdites, en sachant qu’ils pourront bénéficier de tolérances à l’importation pour les produits non référencés. De telles hypocrisies ne sont pas acceptables. Elles sont scandaleuses non seulement à l’égard des producteurs et des consommateurs européens, mais aussi des travailleurs de la terre latino-américains et de leur population qui consomme les mêmes produits. Encore une fois, notre démarche est universaliste, pas protectionniste.

Mme Sabine Thillaye (Dem). Notre groupe soutient votre proposition, mais permettez-moi de me faire l’avocat du diable. Alors que le contexte géopolitique a profondément changé, l’Union européenne a besoin d’appuis. Nous devons notamment renforcer nos relations avec les régions du monde susceptibles de partager nos valeurs, en développant les coopérations économiques et politiques. J’ai moi-même signé la tribune qui s’oppose à la signature de l’accord avec le Mercosur, mais je m’interroge : comment faire pour maintenir des relations commerciales avantageuses pour tous ?

M. Dominique Potier, rapporteur. Pour avoir eu l’occasion de travailler avec vous sur de belles initiatives lors de la dernière législature, je ne doute pas de vos convictions. Vous n’êtes pas une ultralibérale qui ne pense qu’au gain à court terme, mais vous vous inquiétez de l’isolement potentiel de la France sur ces sujets. En tant que socialiste, je ne suis pas indifférent non plus à la compétitivité de la France et à sa place dans le monde.

Il est vrai que nous perdons des parts de marché face à l’Asie et aux Amériques. Devons-nous pour autant nous résoudre à régresser en matière sociale et environnementale ? Je ne le pense pas. Il nous faut, au contraire, intégrer les principes de justice et de transition écologique, car nous ne gagnerons jamais la compétition mondiale avec une autre arme qu’une économie fondée un ethos européen. Dans ce moment de bascule, nous devons rester fidèles à nos convictions : les limites planétaires et la dignité humaine nous imposent de conserver le cap.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je partage ce qu’a dit notre collègue du Modem mais je me pose beaucoup de questions. L’objectif est louable et je l’approuve d’un point de vue intellectuel. Néanmoins, vous avez dit que nous perdons en compétitivité dans le secteur industriel. Il y a toutefois un secteur dans lequel nous nous améliorons : l’agroalimentaire, qui enregistre en 2023 un surplus de soixante-dix milliards d’euros, là où les États-Unis et la Chine sont maintenant importateurs. Il faut donc être prudent, et ma question est la suivante : comment évaluer les impacts sur l’industrie agroalimentaire des mesures que vous préconisez ?

M. Dominique Potier, rapporteur. Le secteur agroalimentaire français est en effet passé de la deuxième à la sixième place dans le jeu de l’import-export. La France a régressé et le rapport Ambec fait à la demande d’Édouard Philippe, est sans appel : nous allons encore régresser, mis à part quelques segments comme les vins et spiritueux. Le mouvement est systémique, notamment en raison des effets de la décapitalisation de l’élevage. La France et l’Europe s’interrogent sur le bilan en 2030 de la production et de la consommation de lait, et la situation est dramatique. Fragiliser des segments de souveraineté alimentaire aussi essentiels que la viande et le bœuf, dont nous importons déjà 30 % de la consommation est une pente dangereuse que le Mercosur ne ferait qu’accentuer. C’est ce que nous disons dans cette PPRE.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le rapport invite à ne pas considérer les productions agricoles comme des variables d’ajustement des échanges à l’échelle planétaire. Or, nous avons spécialisé les zones de la planète en différentes productions, et nous devons éviter que ces zones de spécialisation ne nous rendent toujours plus vulnérables aux accidents géopolitiques ou climatiques, ce qui est malheureusement le cas.

Il faut donc organiser les échanges de façon à réduire cette vulnérabilité, ce qui doit nous amener à questionner le multilatéralisme : si nous avons des accords bilatéraux entre deux zones, c’est parce que le multilatéralisme n’existe plus. Il n’est pas question de remettre en cause les échanges planétaires, mais simplement de faire en sorte que le multilatéralisme fonctionne.

M. Dominique Potier, rapporteur. Les études scientifiques internationales, notamment l’étude « Agrimonde-Terra » réalisée conjointement par l'INRAE et le Cirad, sont claires : nous avons besoin de toutes les terres arables et de tous les paysans du monde. Il ne faut pas gaspiller, il faut des échanges équitables, des infrastructures de transport et un commerce juste. C’est de cette façon que nous pourrons nourrir dix milliards d’habitants : à l’aide d’outils qui sont la régulation et la coopération, plutôt qu’une compétition perdue d’avance pour l’Europe en raison des pratiques de nos compétiteurs.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Le mécanisme que vous proposez ajoute un chaînon qui manquait encore entre la définition des normes à respecter et le contrôle qui reste limité à l’arrivée des marchandises.

J’ai écouté avec beaucoup d’attention les interventions des collègues sur ce sujet. On sent parfois une certaine réserve et une tendance à repousser les choses à plus tard. N’oublions pas qu’il s’agit d’une proposition de résolution européenne, donc d’une expression de la volonté parlementaire. Il faut rester humble et modeste : la situation ne sera pas transformée du jour au lendemain ; mais il est possible d’adresser un signal en portant ces questions au sein de notre commission et du parlement pour que d’autres, au niveau européen et au niveau des gouvernements, puissent s’en saisir et aller plus loin. N’arrêtons pas le processus ici.

M. Dominique Potier, rapporteur. Merci de rappeler qu’il s’agit là d’interpeller les autorités européennes – le Parlement, le Conseil et la Commission – pour leur dire qu’il existe des voies aujourd’hui inexplorées pour rendre plus loyaux les échanges, au-delà même du Mercosur. Nous avons ajouté, dans cette nouvelle version de la PPRE, une disposition à propos du Mercosur et nous la précisons pour que la France évite le découplage entre l’accord politique et l’accord commercial, mais ce n’est qu’une résolution européenne qui invite à conduire une étude d’impact et à ce que nos collègues européens se saisissent de ce dossier.

Nous n’écrivons pas l’histoire immédiate, nous posons des jalons pour un commerce plus loyal, plus équitable et plus protecteur de nos biens communs écologiques.

Amendement n° 1 du rapporteur

M. Dominique Potier, rapporteur. Il s’agit avec cet amendement de préciser le cœur de notre proposition.

L’amendement n° 1 est adopté.

Amendement n° 11 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement vise à souligner l’importance des solutions déjà existantes pour réduire l’usage des pesticides dans l’agriculture. Il s’agit d’accompagner l’agronomie, science qui permet de nous éloigner des pesticides et de mettre en œuvre les politiques publiques qui favorisent cette bifurcation.

M. Dominique Potier, rapporteur. Avis favorable.

L’amendement n° 11 est adopté.

Amendement n° 2 du rapporteur

M. Dominique Potier, rapporteur. Il s’agit d’une précision sémantique importante : les mesures-miroirs que nous proposons reposent sur des considérations liées à l’environnement, la santé et la biodiversité et ne s’inscrivent aucunement dans une logique protectionniste mais dans des principes scientifiquement fondés et universellement reconnus.

L’amendement n° 2 est adopté.

L’amendement n° 3 rédactionnel du rapporteur est adopté.

Amendement n° 4 du rapporteur

M. Dominique Potier, rapporteur. Cet amendement évoque la mise en œuvre du règlement sur la déforestation importée et l’élargissement progressif de son champ d’application à tous les produits et à toutes les zones forestières à risque en évaluant dès à présent l’impact pour les petits producteurs et les mesures d’accompagnement nécessaires.

L’amendement n° 4 est adopté.

Amendement n° 5 du rapporteur

M. Dominique Potier, rapporteur. Encore une fois, l’inversion de la charge de la preuve n’empêche pas de renforcer les moyens aux frontières qui sont modernisés et qui suscitent des coopérations plus importantes entre l’Europe et les pays tiers, mais également au sein des pays membres à travers des coopérations entre ministères tels que ceux de l’agriculture et du commerce. On parle donc de renforcer les capacités douanières, vétérinaires et phytosanitaires afin de leur permettre d’exercer un contrôle efficace des nouvelles exigences sanitaires, environnementales et sociales imposées aux opérateurs économiques des pays tiers sur la base du consensus scientifique.

M. Patrice Martin (RN). J’émets des réserves à la suite de notre précédente discussion. Vous avez dit qu’il fallait aller chercher la sécurité alimentaire à la source. Je veux être prudent sur ce sujet.

M. Dominique Potier, rapporteur. C’est une mesure complémentaire. Nous ne voulions pas que l’inversion de la charge de la preuve conduise à ce que l’on nous dise qu’on peut maintenant ouvrir les frontières puisque les conditions de production ont été contrôlées en amont au Brésil, en Uruguay ou au Chili. Nous voulons les deux formes de contrôle : en amont, avec l’inversion de la charge de la preuve et la certification, mais également en aval avec les moyens douaniers, auxquels nous ne consacrons pas suffisamment d’énergie et de moyens. Nous proposons donc parallèlement de les renforcer.

M. Patrice Martin (RN). Je ne suis toujours pas convaincu.

L’amendement n° 5 est adopté.

L’amendement n° 6 du rapporteur et l’amendement n° 10 de M. Benoît Biteau font l’objet d’une discussion commune.

M. Dominique Potier, rapporteur. Mon amendement vise à simplifier une rédaction qui n’était pas heureuse.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le mien vise à intégrer la notion d’horticulture. L’actualité récente a montré les difficultés de la filière horticole, les fleurs coupées venant pour 85 % de pays étrangers comme le Kenya ou la Colombie, où sont utilisés des pesticides interdits dont le contrôle est peu encadré car il ne s’agit pas de productions alimentaires. Or, les fleuristes qui manipulent les tiges de ces plantes peuvent être exposés aux produits utilisés. L’insertion du mot : « horticole » vise donc à préserver les acteurs de la commercialisation des produits de cette filière.

M. Dominique Potier, rapporteur. Le parti socialiste a porté la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires. Agnès Buzyn a tenu parole et l’a intégré il y a quelques années au PLFSS. C’est ce fonds qui a permis la prise en charge, la détection et la documentation du drame que vous avez évoqué. Il est important de nommer les responsabilités pour pouvoir engager des mesures de prévention. Le sujet de l’horticulture est devant nous. Je ne sais pas quel collègue de quel parti va s’en saisir, mais c’est un très beau sujet. Il faut organiser la transition de ces productions qui aujourd’hui défient l’entendement en matière d’exposition aux maladies. Ces fleurs qui font le tour de la planète sont un non-sens. La transition doit tenir compte des conditions socio-économiques, mais on ne peut pas rester dans le statu quo. Merci d’avoir proposé cette solution. Elle tombe mal car nous venons de supprimer l’article concerné, mais je propose de la reprendre dans un nouvel amendement en insérant dans l’alinéa précédent le mot : « horticole ». Votre amendement serait ainsi satisfait.

L’amendement n° 10 est retiré.

L’amendement n° 6 du rapporteur est adopté.

L’amendement n° 12 nouveau du rapporteur est adopté.

L’amendement n° 7 rédactionnel du rapporteur est adopté.

Amendement n °8 du rapporteur

M. Dominique Potier, rapporteur. Cet amendement vise s’opposer à toute scission de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur qui passerait outre la règle de l’unanimité au Conseil et s’affranchirait du vote des Parlements nationaux des États membres. C’est le sens de la tribune qu’a défendue André Chassaigne qui a été très largement soutenue parmi les différents groupes politiques. Je voudrais évoquer une autre initiative, au Sénat, portée par Yannick Jadot qui rassemble sur un arc très large des députés et des sénateurs et devrait atteindre des records de signature. Elle vise également cet aspect de la scission. C’est le cœur de notre disposition. Nous avions une disposition universelle sur le commerce loyal. Nous y ajoutons celle-ci sur la défiance vis-à-vis de l’accord avec les pays du Mercosur. Je tiens, par ailleurs, à redire ici combien je considère que l’empêchement par le gouvernement de l’examen de la proposition de résolution du groupe LFI-NFP est une anomalie démocratique que je condamne très fortement. Quoi que nous pensions de cet accord, il est absolument choquant qu’il soit impossible d’en débattre. Vous avez aujourd’hui l’opportunité de vous opposer à cet accord, au moins symboliquement, dans cette commission et je suis heureux de vous offrir cette opportunité.

M. Mathieu Marchio (RN). Nous avions nous aussi, au Rassemblement national, inscrit à l’ordre du jour ce débat sur l’accord avec les pays du Mercosur. Il est absolument « délirant » que la représentation nationale ne puisse pas aborder ce sujet alors que nous savons que le libre-échangisme a déjà détruit notre industrie dans le Nord-Pas de Calais, au sein du bassin minier. Aborder ce sujet, étant donné les risques pour les agriculteurs français, nous paraît bien entendu indispensable.

L’amendement n 8 est adopté.

L’amendement n° 9 rédactionnel n° 9 du rapporteur est adopté.

L’article unique de la proposition de loi, ainsi modifié, est adopté sans opposition.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est par conséquent adoptée.

M. Dominique Potier, rapporteur. Je remercie mes collègues pour cette confiance prudente : en disant cela, je fais allusion aux votes d’abstention et plus enthousiastes des autres de mes collègues. Nous ne cesserons d’alerter le Parlement européen et la Commission pour faire prospérer cette initiative. Il serait heureux que la France inspire, à nouveau, les voies d’un commerce plus équitable à l’échelle mondiale.

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Cette résolution devrait être renvoyée devant la commission des affaires économiques, en espérant qu’elle pourra s’en saisir.

 

 

 

 


   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le pacte vert de l’Union européenne (COM (2019) 640 final) et la stratégie de la ferme à la table (COM (2020) 381 final),

Vu le rapport publié par la Commission européenne le 3 juin 2022 sur l’application des standards européens environnementaux et de santé aux produits agricoles et alimentaires importés (COM (2022) 226 final),

Vu l’accord d’association conclu entre l’Union européenne et le Mercosur le 28 juin 2019,

Vu l’accord de libre‑échange conclu entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande et ratifié par le Parlement européen le 22 novembre 2023,

Vu l’accord‑cadre avancé Union européenne‑Chili pour lequel la conclusion des négociations a été annoncée le 9 décembre 2022 et qui vise à moderniser un accord d’association conclu en 2002,

Vu l’accord de principe conclu entre l’Union européenne et le Mexique en 2018 pour la modernisation de l’accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération en vigueur depuis 2000,

Vu le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts,

Vu le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil au sujet de l’application de l’interdiction d’utilisation de certains médicaments antimicrobiens chez les animaux ou les produits d’origine animale importés depuis les pays tiers,

Vu le règlement (UE) 2023/334 du 2 février 2023 modifiant les annexes II et V du règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de clothianidine et de thiaméthoxame présents dans ou sur certains produits,

Vu le règlement (CE) 396/2005 concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale,

Vu le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires,

Vu le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires,

Vu l’article 44 de la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous,

Vu l’arrêté du 16 mars 2023 portant suspension d’introduction, d’importation et de mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux en France de cerises fraîches destinées à l’alimentation produites dans un pays autorisant le traitement des cerisiers avec des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active phosmet,

Vu l’arrêté du 21 février 2022 interdisait l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de viandes et de produits à base de viande issus d’animaux provenant de pays tiers à l’Union européenne ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement, à partir du 22 avril 2022 et pour une durée d’un an et l’arrêté du 27 février 2023 publié au Journal officiel du 2 mars 2023 renouvelant l’interdiction,

Considérant qu’il est interdit dans l’Union européenne de traiter les cultures avec des substances non approuvées par la réglementation européenne ;

Considérant que, les limites maximales de résidus ne sont pas systématiquement abaissées au seuil de détection sur toutes les substances interdites dans l’Union européenne et qu’il existait début 2023, pour soixante‑quatre substances actives interdites ou non approuvées, des limites de résidus supérieures au seuil de détection pour certains groupes de produits alimentaires ;

Considérant que les cultures produites en dehors de l’Union européenne peuvent avoir été traitées avec ces substances, à condition que les produits importés respectent les limites maximales de résidus établies par la réglementation en la matière ;

Considérant que les États membres, les pays tiers et les fabricants peuvent faire des demandes de tolérances à l’importation pouvant conduire la Commission européenne à relever les limites maximales de résidus des substances actives, même lorsque lesdites substances sont interdites dans l’Union européenne ;

Considérant que le règlement (UE)2023/334 du 2 février 2023 abaisse les limites maximales de résidus au seuil de détection pour le clothianidine et le thiaméthoxame et interdit l’importation de denrées contenant des traces de ces substances ;

Considérant que l’abaissement automatique des limites maximales de résidus devrait être étendu à l’ensemble des productions agricoles – en particulier aux cultures destinées exclusivement à l’alimentation animale, aux usages énergétiques ou ornementaux – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et que l’objet du règlement 396/2005 devrait être élargi en vue de protéger l’environnement ;

Considérant que l’abaissement des limites maximales de résidus n’est pas adapté dès lors que l’objectif recherché est la protection de l’environnement, puisque l’absence de trace dans le produit fini ne garantit pas l’absence d’utilisation de la substance durant le processus de production ;

Considérant que les limites maximales de résidus devraient faire l’objet de contrôle pour l’ensemble des produits concernés, notamment ceux destinés à l’alimentation animale où elles ne sont aujourd’hui que peu contrôlées ;

Considérant qu’il conviendrait – sur le moyen terme – d’adopter une approche d’interdiction totale d’importation des produits traités avec les substances les plus dangereuses ;

Considérant que l’utilisation d’antibiotiques comme promoteurs de croissance est interdite dans l’Union européenne depuis le 1er janvier 2006 ;

Considérant que le règlement sur les médicaments vétérinaires de 2018 interdit aux opérateurs de pays tiers souhaitant exporter des animaux ou des produits d’origine animal dans l’Union européenne l’utilisation préventive d’antibiotiques chez les animaux, pour compenser de mauvaises conditions d’hygiène, des conditions d’élevage inappropriées ou un manque de soins, mais que cette mesure n’est pas appliquée en l’absence de l’ensemble des actes d’exécution, alors qu’elle aurait dû entrer en vigueur avant la fin janvier 2022 ;

Considérant que la réciprocité des normes de production est une condition nécessaire à la transition des systèmes de production alimentaires vers plus de durabilité et permettrait de remédier à la concurrence subie par les agriculteurs européens vis‑à‑vis d’autres pays ayant des normes de production moins strictes ;

Considérant que l’exigence de respect de certaines règles essentielles pour l’accès au marché européen participe à l’atténuation des impacts sanitaires, environnementaux et sociétaux de la consommation européenne dans les pays tiers ;

Invite le Gouvernement :

1° À demander à la Commission européenne de légiférer sans attendre pour :

– supprimer sans délais les tolérances à l’importation sur les limites maximales de résidus pour toutes les substances interdites dans l’Union européenne et abaisser les limites maximales de résidus au seuil de détection, tout en accentuant les efforts de recherche pour faire tendre la limite de quantification de ces substances vers zéro ;

– inverser la charge de la preuve pour le contrôle du respect de ces mesures miroirs à l’entrée des produits sur le territoire de l’Union européenne en s’inspirant de l’obligation de diligence raisonnée s’appliquant aux metteurs en marché dans le règlement sur la déforestation importée ;

– engager un processus visant à l’interdiction de l’exportation vers les pays tiers de substances interdites au sein de l’Union européenne ;

2° À défendre auprès de la Commission européenne la mise en œuvre effective et le contrôle de l’application des mesures miroirs existantes avec :

– l’interdiction d’importation de viandes issues d’animaux traités avec des antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance qui enregistre un retard de plus de deux ans déjà ;

– le suivi de la mise en œuvre effective des recommandations des audits menés par la direction générale de la santé dans les pays tiers ;

– la mise en œuvre efficace du règlement sur la déforestation importée notamment en ce qui concerne le processus d’évaluation du niveau de risque pour chaque pays, le renforcement du texte – en l’élargissant à tous les produits et les zones forestières à risque – et la réalisation dès à présent de l’évaluation des impacts potentiels pour les petits producteurs sans attendre 2028 pour déployer des mesures d’accompagnement financier et technique à hauteur des besoins ;

– le renforcement des moyens et des capacités des autorités douanières, vétérinaires et phytosanitaires sur toutes ces nouvelles exigences à l’importation ;

3° À défendre auprès de la Commission européenne l’adoption d’un règlement sur l’atténuation des impacts environnementaux et sanitaires importés de notre alimentation contenant des dispositions pour :

– inscrire dans le droit européen des mesures miroirs imposant le respect des règles européennes en matière d’usage des produits phytopharmaceutiques, pour l’ensemble des produits importés ;

– inscrire de façon effective dans le droit européen des mesures miroirs sur l’utilisation de médicaments vétérinaires et de certains aliments pour animaux comme les protéines animales transformées pour les ruminants interdits d’utilisation dans l’Union européenne, ainsi que sur les exigences en termes de bien‑être animal, conditions d’élevage, transport, et de traçabilité longitudinale des animaux d’élevage permettant de garantir des contrôles en cas de problème sanitaire ;

4° À demander à la Commission européenne de :

– dresser un état des lieux des divergences réglementaires existantes en matière de méthodes de production, comportant une évaluation de l’impact des normes de production appliquées aux produits importés sur la santé des producteurs, la santé et les préférences collectives des consommateurs européens, l’environnement et sur la biodiversité notamment ;

– présenter, sur la base de cette évaluation, un programme de travail précis avec un calendrier de mise en œuvre et une ou plusieurs propositions législatives permettant de garantir que les produits agricoles et agroalimentaires importés dans l’Union européenne sont produits conformément à des normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien‑être animal applicables dans l’Union européenne ;

– engager une réflexion systématique sur la pertinence et l’utilité d’une section dédiée au traitement des biens et services importés pour chaque grand texte européen de mise en œuvre du Pacte vert, dans les études d’impacts, les consultations et l’élaboration des propositions législatives. Cette réflexion devrait également être étendue aux exportations, afin d’interdire l’exportation de produits dont l’utilisation est interdite dans le marché européen en raison de leur dangerosité ou de leur impact sur l’environnement et la biodiversité ;

– s’opposer, en conséquence, à l’adoption de l’accord entre l’Union Européenne et le Mercosur en l’absence d’un accès au marché européen conditionné à la mise en œuvre effective et au contrôle de l’application des mesures miroirs existantes tels que précisés au 3° de la présente proposition de résolution et en l’absence de clause suspensive relative au respect par les États de leurs engagements au titre de l’Accord de Paris ;

5° À demander à la Commission européenne d’encourager un processus d’harmonisation dans la mise en œuvre des normes environnementales entre les pays membres de l’Union européenne en dressant un panorama global des procédures d’autorisation conduites au sein des États membres, des exigences supplémentaires éventuellement appliquées, des différences de délais, des dérogations et autorisations temporaires adoptées, avec les conséquences que cela induit pour documenter et réduire les écarts entre les réglementations adoptées dans les différents États membres, afin de chercher à les réduire ;

6° À demander à la Commission européenne de :

– présenter au plus vite sa proposition de révision du règlement INCO (1169/2011) sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires qui devait étendre les dispositions concernant l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance à de nouvelles catégories de produits et d’ingrédient. Cette liste inclut le lait, y compris utilisé comme ingrédient dans les produits transformées, la viande utilisée comme ingrédient dans les produits transformés, la viande de lapin et de gibier, le riz, le blé destiné à la fabrication de pâtes alimentaires, les pommes de terre et la tomate utilisée dans certains produits transformés ;

– étudier une extension plus large de l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance, couvrant notamment des produits tels que les fruits et légumes utilisés dans des produits transformés, le sucre ou encore le blé utilisé pour la fabrication de farine.

 

 


   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

5 NOVEMBRE 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

  1. Insérer avant l’alinéa 34 un alinéa ainsi rédigé :

« Adopter un principe général d’inversion de la charge de la preuve pour le respect des mesures miroirs, obligeant les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne à faire certifier les conditions de production et de transformation par un organisme tiers lui-même agréé par l’Union européenne ; »

  1. Supprimer l’alinéa 35.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement inverse l’ordre de présentation des alinéas 34 et 35 tout en clarifiant la mesure phare de cette proposition de résolution : l’inversion de la charge de la preuve.

La mise en œuvre des mesures miroirs actuelles est compromise par la difficulté pour l’Union européenne de contrôler elle-même les conditions de production dans les pays tiers. Les trois audits menés par la DG SANTE de la Commission au Canada, depuis 2014, et le non-respect des recommandations formulées s’agissant de l’utilisation d’hormones de croissance sur les productions bovines, témoignent de l’ineffectivité de cette approche.

Grâce à une inversion de la charge de la preuve, l’organisation des audits et des contrôles serait laissée à des organismes indépendants chargés de certifier la conformité des productions des agriculteurs des pays tiers au regard d’un cahier des charges précis reprenant un ensemble d’exigences sociales, sanitaires et environnementales qui s’appliquent d’ores et déjà aux agriculteurs européens, qui sont objectivables et mesurables et qui reposent sur un consensus scientifique international.

Les « tiers certificateurs » chargés de mettre en œuvre ce cahier des charges seraient eux-mêmes reconnus par l’UE, assurant ainsi leur intégrité et la rigueur de leurs contrôles.

Une approche analogue a déjà cours s’agissant des labellisations « agriculture biologique » et « commerce équitable » : établissement d’un cahier des charges précis et contrôle par des organismes indépendants reconnus par les pouvoirs publics. Ces deux modèles ont permis le développement rapide et constant des volumes de produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable, tout en associant largement les producteurs sans que le coût de la certification ne soit un obstacle.

L’inversion de la charge de la preuve est donc non seulement possible techniquement, mais aussi et surtout souhaitable politiquement. Il s’agit du seul principe qui permettrait une généralisation des mesures miroirs protégeant nos agriculteurs et rétablissant une juste concurrence internationale. Cette généralisation a d’ailleurs été encouragée par le Premier ministre lui-même dans sa conférence de presse du 1er février 2024 où il a appelé à créer « des mesures miroir partout ».

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

5 NOVEMBRE 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

À l’alinéa 36, après les mots « au sein de l’Union européenne », insérer les mots : « en raison de leur impact sur la santé, l’environnement ou la biodiversité »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à préciser les raisons pouvant conduire à une interdiction d’exportation d’une substance active par un opérateur économique situé dans l’Union européenne. Ces raisons peuvent tenir à leur nocivité pour la santé, l’environnement ou la biodiversité.

L’interdiction d’exportation hors-UE de produits phytopharmaceutiques interdits dans l’UE est un enjeu de cohérence et une condition sine qua none à la mise en œuvre de mesures miroirs systématiques.

Outre l’aspect éthique, cette interdiction a aussi une visée sanitaire. En effet, l’exportation de substances interdites dans l’UE renforce la probabilité d’importer sur le marché européen - par effet boomerang - des produits de pays tiers contenant ces mêmes pesticides.

Cet amendement est adopté.


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5 NOVEMBRE 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

À l’alinéa 37, supprimer les mots : « la mise en œuvre effective et le contrôle de l’application des mesures miroirs existantes avec »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à simplifier la rédaction du 2° de l’article unique de la proposition de résolution.

Cet amendement est adopté.

 

 


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5 NOVEMBRE 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

À l’alinéa 37, supprimer les mots : « la mise en œuvre effective et le contrôle de l’application des mesures miroirs existantes avec »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à simplifier la rédaction du 2° de l’article unique de la proposition de résolution.

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

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Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 4

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

L’alinéa 40 est ainsi rédigé :

« La mise en œuvre du règlement sur la déforestation importée et l’élargissement progressif de son champ d’application à tous les produits et à toutes les zones forestières à risque, en évaluant dès à présent l’impact pour les petits producteurs et les mesures d’accompagnement nécessaires ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à simplifier la rédaction de l’alinéa 40.

Le report de douze mois de l’application du règlement sur la déforestation importée, décidée par le Conseil le mois dernier et votée par le Parlement européen est regrettable. Nous estimons que l’inspiration ayant conduit à l’adoption de ce règlement est la bonne et nécessite d’être étendue, à moyen terme, à tous les produits et à toutes les zones forestières. Nous appelons la Commission européenne à mener dès maintenant une étude sur l’impact d’une telle extension, en particulier pour les petits producteurs des pays exportateurs vers l’UE.

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

5 NOVEMBRE 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

L’alinéa 41 est ainsi rédigé :

« Le renforcement des moyens et des capacités des autorités douanières, vétérinaires et phytosanitaires pour leur permettre d’assurer un contrôle efficace des nouvelles exigences sanitaires, environnementales et sociales imposées aux opérateurs économiques des pays tiers sur la base du consensus scientifique. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à préciser les nouvelles exigences à l’importation qui devraient peser sur les producteurs exportant vers l’Union européenne.

Si l’inversion de la charge de la preuve est le seul système réaliste permettant une généralisation des mesures miroirs, il faudra tout de même augmenter substantiellement les fonds alloués à la chaine du contrôle des importations : de l’EFSA aux services douaniers.

Ces moyens devront être orientés à deux fins particulières.

D’une part, développer des contrôles fiables et rapides sur l’ensemble des méthodes de production et des substances actives interdites dans l’UE et élaborer un guide des protocoles de contrôle à destination des certificateurs pour s’assurer de l’uniformité de leurs certifications.

D’autre part, s’assurer de l’intégrité des tiers certificateurs par un double niveau de contrôle : sur les tiers certificateurs eux-mêmes (via des audits organisés par les services de la Commission) et sur les marchandises certifiées (avec, en cas de non-respect du cahier des charges, détermination de la responsabilité incombant soit au producteur soit au certificateur).

Cet amendement est adopté.

 


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Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 6

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

Supprimer les alinéas 46 et 47

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à clarifier l’ensemble de la proposition de résolution.

L’alinéa 46 prévoyait de « dresser un état des lieux des divergences réglementaires existantes en matière de méthodes de production (…) ». Cet état des lieux n’apparait pas nécessaire à partir du moment où la charge de la preuve est inversée (alinéa 34) et où les contrôles sanitaires et douaniers sont renforcés (alinéa 41).

L’alinéa 47 proposait la présentation d’un programme de travail « avec un calendrier de mise en œuvre et une ou plusieurs propositions législatives permettant de garantir que les produits agricoles et agroalimentaires importés dans l’Union européenne sont produits conformément à des normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne ». Cette idée est déjà couverte par le 3° de la proposition de résolution.

Cet amendement est adopté.


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Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 7

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

À l’alinéa 48, après les mots « mise en œuvre du Pacte vert », supprimer la fin de cet alinéa.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement rédactionnel vise à clarifier l’alinéa 48.

Cet amendement est adopté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

5 NOVEMBRE 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 8

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 49, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« S’opposer à toute scission de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, qui passerait outre la règle de l’unanimité au Conseil de l’Union européenne et s’affranchirait du vote des Parlements nationaux des États membres. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à réaffirmer notre opposition ferme à tout contournement, par la Commission européenne, du processus de ratification de l’accord UE-Mercosur par les Parlements nationaux.

Dans sa décision du 22 mai 2018, le Conseil de l’Union européenne rappelait qu’il est de son ressort de déterminer, au cas par cas, si un accord commercial peut être scindé par la Commission (pratique du « splitting » consistant à séparer les mesures de politique commerciale – compétence exclusive de l’UE en vertu de l’article 3 du TFUE – des autres dispositions relevant d’une compétence partagée avec les Etats membres). Le Conseil déclarait également : « en raison de leur contenu, les accords d’association doivent être mixte. Ceux actuellement négociés avec le Mexique, le Mercosur et le Chili resteront des accords mixtes ».

Dans le cas de l’accord avec le Mercosur, une telle pratique conduirait à l’adoption du volet commercial proposé par la Commission sans consultation des Parlements nationaux. Cela serait contraire au mandat de négociation donné par le Conseil, qui est clair sur le fait que l’accord UE-Mercosur a été conçu comme un accord mixte, sous la forme d’un accord d’association.

Cet amendement est adopté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

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Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 9

 

présenté par

M. Dominique POTIER

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ARTICLE UNIQUE

L’alinéa 50 est ainsi rédigé :

« A demander à la Commission européenne d’encourager un processus d’harmonisation dans la mise en œuvre des normes environnementales et sanitaires entre les États membres, en documentant les écarts dans l’application des procédures nationales d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques afin de chercher à les réduire. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement reformule l’alinéa 50 et précise que l’harmonisation entre les États membres doit avoir lieu en matière environnementale mais aussi sanitaire.

L’autorisation des substances actives et les contrôles douaniers font l’objet d’un haut niveau d’harmonisation au niveau européen. Mais c’est dans le cadre des autorisations nationales de mise sur le marché et des demandes de dérogation que des écarts apparaissent. 

Le premier facteur à prendre en compte est celui du différentiel de rigueur et de compétences au sein des différentes agences sanitaires des États membres, qui peut aboutir à des évaluations plus strictes, plus exhaustives, plus réactives dans certains pays, et donc, à des interdictions plus précoces de produits, lorsqu’un risque pour la santé ou pour l’environnement se fait jour. De ce point de vue, force est de constater que l’Anses a, à plusieurs reprises, été en avance de phase sur l’Europe pour interdire certains produits, ce qui a pu induire des distorsions pour les producteurs français.

La responsabilité des agences dans ces divergences entre États peut aussi découler des délais observés pour conduire les évaluations. Les articles 30 et 81 du règlement 1107/2009 permettent ainsi aux États membres d’octroyer une autorisation provisoire de cinq ans maximum dans le cas où la procédure d’autorisation prendrait plus de temps que prévu.

Elle peut enfin résulter d’une faible mise en œuvre, par l’agence sanitaire, de la procédure de reconnaissance mutuelle des autorisations au sein des zones. Au lieu de simplement retranscrire l’autorisation accordée par un autre État membre, l’agence referait en tout ou partie le travail d’évaluation, ce qui induirait à la fois des délais et des disparités.

Pour ces trois raisons, il convient d’aller vers une harmonisation complète des procédures nationales d’autorisation de mise sur le marché (AMM) à l’échelle de l’UE. Une telle harmonisation ne signifie pas que les AMM données seraient uniformes sur tout le territoire européen, elles préciseraient exactement les usages et les conditions pédoclimatiques justifiant le recours à un produit. Mais le processus de décision serait transparent et unifié à l’échelle de l’Union européenne, dans le cadre du réseau que constitue l’EFSA avec les agences sanitaires nationales.

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

5 NOVEMBRE 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 10

 

présenté par

M. Benoît BITEAU

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ARTICLE UNIQUE

À l’alinéa 47, après le mot « agricoles » insérer le mot « horticoles, ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement propose d’étendre le champ de la proposition de résolution pour inclure les produits horticoles, aux côtés des produits agricoles et agroalimentaires. Les fleurs coupées, représentant aujourd’hui environ 85 % des importations européennes en provenance de l’étranger, notamment du Kenya ou de la Colombie. Ceux-ci échappent aux contrôles stricts appliqués aux produits destinés à la consommation humaine en raison de leur non-consommabilité. Cela les rend particulièrement vulnérables à l’utilisation de pesticides interdits dans l’Union européenne et autorisés au-delà.

En Belgique, une étude menée en 2019 par la doctorante Khaoula Toumi à l’Université de Liège a révélé que les fleuristes sont fortement exposés aux résidus de pesticides présents sur les fleurs. La chercheuse y a analysé des échantillons de roses, gerberas et chrysanthèmes et observé l’exposition de fleuristes volontaires pendant les périodes de pic d’activité (Saint-Valentin, Fête des mères, Toussaint). Celle-ci y a démontré que plus d’une centaine de résidus de pesticides avaient été trouvés sur les fleurs et sur les mains des fleuristes, tandis que soixante-dix résidus étaient présents dans leurs urines.

 

Ces risques sont encore accrus pour les femmes enceintes, comme l’a illustré le cas de de la fleuriste Laure Marivain, dont la fille Emmy est décédée des suites d’un cancer reconnu par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides. Celle-ci a été dans le cadre de son activité professionnelle exposée sans protection aux pesticides contenus dans les fleurs provenant de l’étranger, ce qui a par la suite entrainé la maladie de sa fille.

L’extension de cette proposition de résolution aux produits horticoles est donc essentielle pour garantir une transparence et une sécurité accrues, à la fois pour les consommateurs et pour les professionnels du secteur. Cet amendement vise ainsi à uniformiser les normes d’importation et de sécurité, en appliquant aux produits horticoles les mêmes exigences que celles des produits agricoles et agroalimentaires, conformément aux normes sanitaires et environnementales de l’Union européenne.

Cet amendement est retiré.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

5 NOVEMBRE 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne

adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 11

 

présenté par

M. Benoît BITEAU

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ARTICLE UNIQUE

À l’alinéa 34, après le mot « accentuant » insérer les mots : « les mesures de soutien à la transition agro-écologique et ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à souligner l’importance des solutions déjà existantes pour réduire l’usage des pesticides dans l’agriculture et favoriser une transition vers des pratiques durables et respectueuses de l’environnement. La bifurcation vers des pratiques plus durables de la santé et de la biodiversité repose sur une science à part entière, l’agroécologie, qui propose des méthodes et des approches concrètes pour cultiver en harmonie avec les écosystèmes naturels.

L’agroécologie met en avant des pratiques comme la diversification des cultures, l’utilisation de couverts végétaux, la rotation des cultures, et l’intégration d’espèces auxiliaires pour limiter naturellement la pression des ravageurs. Ces techniques ont démontré leur efficacité dans de nombreuses fermes à travers l’Europe et ailleurs, prouvant qu’il est possible de produire de manière rentable sans dépendre des pesticides.

Pour rendre cette bifurcation possible, il est essentiel de fournir un accompagnement renforcé sur le plan technique et financier aux fermes, notamment celles qui dépendent encore des produits phytosanitaires pour maintenir leurs rendements.

Cet amendement est adopté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

5 NOVEMBRE 2024


adoption et mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287),

 

AMENDEMENT

No 12

 

présenté par

M. Dominique POTIER et M. Benoît BITEAU

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ARTICLE UNIQUE

À l’alinéa 43, après la deuxième occurrence du mot « produits », insérer les mots : « agricoles, horticoles et agroalimentaires ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement reprend l’amendement n°10 de M. Biteau proposant d’étendre le champ de la résolution pour inclure les produits horticoles, aux côtés des produits agricoles et agroalimentaires. Il tire la conséquence de la suppression de l’alinéa 47 proposée par M. Potier, sur lequel portait l’amendement de M. Biteau.

Cet amendement est adopté.

 

 

 


   ANNEXE I :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

 

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le pacte vert de l’Union européenne (COM (2019) 640 final) et la stratégie de la ferme à la table (COM (2020) 381 final),

Vu le rapport publié par la Commission européenne le 3 juin 2022 sur l’application des standards européens environnementaux et de santé aux produits agricoles et alimentaires importés (COM (2022) 226 final),

Vu l’accord d’association conclu entre l’Union européenne et le Mercosur le 28 juin 2019,

Vu l’accord de libre‑échange conclu entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande et ratifié par le Parlement européen le 22 novembre 2023,

Vu l’accord‑cadre avancé Union européenne‑Chili pour lequel la conclusion des négociations a été annoncée le 9 décembre 2022 et qui vise à moderniser un accord d’association conclu en 2002,

Vu l’accord de principe conclu entre l’Union européenne et le Mexique en 2018 pour la modernisation de l’accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération en vigueur depuis 2000,

Vu le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts,

Vu le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil au sujet de l’application de l’interdiction d’utilisation de certains médicaments antimicrobiens chez les animaux ou les produits d’origine animale importés depuis les pays tiers,

Vu le règlement (UE) 2023/334 du 2 février 2023 modifiant les annexes II et V du règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de clothianidine et de thiaméthoxame présents dans ou sur certains produits,

Vu le règlement (CE) 396/2005 concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale,

Vu le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires,

Vu le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires,

Vu l’article 44 de la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous,

Vu l’arrêté du 16 mars 2023 portant suspension d’introduction, d’importation et de mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux en France de cerises fraîches destinées à l’alimentation produites dans un pays autorisant le traitement des cerisiers avec des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active phosmet,

Vu l’arrêté du 21 février 2022 interdisait l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de viandes et de produits à base de viande issus d’animaux provenant de pays tiers à l’Union européenne ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement, à partir du 22 avril 2022 et pour une durée d’un an et l’arrêté du 27 février 2023 publié au Journal officiel du 2 mars 2023 renouvelant l’interdiction,

Considérant qu’il est interdit dans l’Union européenne de traiter les cultures avec des substances non approuvées par la réglementation européenne ;

Considérant que, les limites maximales de résidus ne sont pas systématiquement abaissées au seuil de détection sur toutes les substances interdites dans l’Union européenne et qu’il existait début 2023, pour soixante‑quatre substances actives interdites ou non approuvées, des limites de résidus supérieures au seuil de détection pour certains groupes de produits alimentaires ;

Considérant que les cultures produites en dehors de l’Union européenne peuvent avoir été traitées avec ces substances, à condition que les produits importés respectent les limites maximales de résidus établies par la réglementation en la matière ;

Considérant que les États membres, les pays tiers et les fabricants peuvent faire des demandes de tolérances à l’importation pouvant conduire la Commission européenne à relever les limites maximales de résidus des substances actives, même lorsque lesdites substances sont interdites dans l’Union européenne ;

Considérant que le règlement (UE)2023/334 du 2 février 2023 abaisse les limites maximales de résidus au seuil de détection pour le clothianidine et le thiaméthoxame et interdit l’importation de denrées contenant des traces de ces substances ;

Considérant que l’abaissement automatique des limites maximales de résidus devrait être étendu à l’ensemble des productions agricoles – en particulier aux cultures destinées exclusivement à l’alimentation animale, aux usages énergétiques ou ornementaux – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et que l’objet du règlement 396/2005 devrait être élargi en vue de protéger l’environnement ;

Considérant que l’abaissement des limites maximales de résidus n’est pas adapté dès lors que l’objectif recherché est la protection de l’environnement, puisque l’absence de trace dans le produit fini ne garantit pas l’absence d’utilisation de la substance durant le processus de production ;

Considérant que les limites maximales de résidus devraient faire l’objet de contrôle pour l’ensemble des produits concernés, notamment ceux destinés à l’alimentation animale où elles ne sont aujourd’hui que peu contrôlées ;

Considérant qu’il conviendrait – sur le moyen terme – d’adopter une approche d’interdiction totale d’importation des produits traités avec les substances les plus dangereuses ;

Considérant que l’utilisation d’antibiotiques comme promoteurs de croissance est interdite dans l’Union européenne depuis le 1er janvier 2006 ;

Considérant que le règlement sur les médicaments vétérinaires de 2018 interdit aux opérateurs de pays tiers souhaitant exporter des animaux ou des produits d’origine animal dans l’Union européenne l’utilisation préventive d’antibiotiques chez les animaux, pour compenser de mauvaises conditions d’hygiène, des conditions d’élevage inappropriées ou un manque de soins, mais que cette mesure n’est pas appliquée en l’absence de l’ensemble des actes d’exécution, alors qu’elle aurait dû entrer en vigueur avant la fin janvier 2022 ;

Considérant que la réciprocité des normes de production est une condition nécessaire à la transition des systèmes de production alimentaires vers plus de durabilité et permettrait de remédier à la concurrence subie par les agriculteurs européens vis‑à‑vis d’autres pays ayant des normes de production moins strictes ;

Considérant que l’exigence de respect de certaines règles essentielles pour l’accès au marché européen participe à l’atténuation des impacts sanitaires, environnementaux et sociétaux de la consommation européenne dans les pays tiers ;

Invite le Gouvernement :

1° À demander à la Commission européenne de légiférer sans attendre pour :

– adopter un principe général d’inversion de la charge de la preuve pour le respect des mesures miroirs, obligeant les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne à faire certifier les conditions de production et de transformation par un organisme tiers lui-même agréé par l’Union européenne ; 

– supprimer sans délais les tolérances à l’importation sur les limites maximales de résidus pour toutes les substances interdites dans l’Union européenne et abaisser les limites maximales de résidus au seuil de détection, tout en accentuant les mesures de soutien à la transition agro-écologique et les efforts de recherche pour faire tendre la limite de quantification de ces substances vers zéro ;

– engager un processus visant à l’interdiction de l’exportation vers les pays tiers de substances interdites au sein de l’Union européenne en raison de leur impact sur la santé, l’environnement ou la biodiversité.

2° À défendre auprès de la Commission européenne :

– l’interdiction d’importation de viandes issues d’animaux traités avec des antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance qui enregistre un retard de plus de deux ans déjà ;

– le suivi de la mise en œuvre effective des recommandations des audits menés par la direction générale de la santé dans les pays tiers ;

– la mise en œuvre du règlement sur la déforestation importée et l’élargissement progressif de son champ d’application à tous les produits et à toutes les zones forestières à risque, en évaluant dès à présent l’impact pour les petits producteurs et les mesures d’accompagnement nécessaires ;

– le renforcement des moyens et des capacités des autorités douanières, vétérinaires et phytosanitaires pour leur permettre d’assurer un contrôle efficace des nouvelles exigences sanitaires, environnementales et sociales imposées aux opérateurs économiques des pays tiers sur la base du consensus scientifique. 

3° À défendre auprès de la Commission européenne l’adoption d’un règlement sur l’atténuation des impacts environnementaux et sanitaires importés de notre alimentation contenant des dispositions pour :

– inscrire dans le droit européen des mesures miroirs imposant le respect des règles européennes en matière d’usage des produits phytopharmaceutiques, pour l’ensemble des produits agricoles, horticoles et agroalimentaires importés ;

– inscrire de façon effective dans le droit européen des mesures miroirs sur l’utilisation de médicaments vétérinaires et de certains aliments pour animaux comme les protéines animales transformées pour les ruminants interdits d’utilisation dans l’Union européenne, ainsi que sur les exigences en termes de bien‑être animal, conditions d’élevage, transport, et de traçabilité longitudinale des animaux d’élevage permettant de garantir des contrôles en cas de problème sanitaire ;

4° À demander à la Commission européenne de :

– engager une réflexion systématique sur la pertinence et l’utilité d’une section dédiée au traitement des biens et services importés pour chaque grand texte européen de mise en œuvre du Pacte vert ;

– s’opposer, en conséquence, à l’adoption de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur en l’absence d’un accès au marché européen conditionné à la mise en œuvre effective et au contrôle de l’application des mesures miroirs existantes tels que précisés au 3° de la présente proposition de résolution et en l’absence de clause suspensive relative au respect par les États de leurs engagements au titre de l’accord de Paris ;

– s’opposer à toute scission de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, qui passerait outre la règle de l’unanimité au Conseil de l’Union européenne et s’affranchirait du vote des Parlements nationaux des États membres.

5° À demander à la Commission européenne d’encourager un processus d’harmonisation dans la mise en œuvre des normes environnementales et sanitaires entre les États membres, en documentant les écarts dans l’application des procédures nationales d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques afin de chercher à les réduire. 

6° À demander à la Commission européenne de :

– présenter au plus vite sa proposition de révision du règlement INCO (1169/2011) sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires qui devait étendre les dispositions concernant l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance à de nouvelles catégories de produits et d’ingrédient. Cette liste inclut le lait, y compris utilisé comme ingrédient dans les produits transformées, la viande utilisée comme ingrédient dans les produits transformés, la viande de lapin et de gibier, le riz, le blé destiné à la fabrication de pâtes alimentaires, les pommes de terre et la tomate utilisée dans certains produits transformés ;

– étudier une extension plus large de l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance, couvrant notamment des produits tels que les fruits et légumes utilisés dans des produits transformés, le sucre ou encore le blé utilisé pour la fabrication de farine.

 

 

 

 

 


   ANNEXE II :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

 

Unité Affaires Globales et Organisation mondiale du commerce :

-          Mme Agata GALIŃSKA

-          M. Klaus BLANK

-          Mme Élodie CLERC

-          Mme Charlotte SODE

 

Unité Durabilité sociale :

-          M. Jean FERRIÈRE

-          Mme Sandra SANMARTIN

 

 

-          M. Flavio COTURNI, chef d’unité, Agriculture, Alimentation, Questions sanitaires et Phytosanitaires

-          Mme Iciar CHAVARRI-URETA, chef d’unité adjointe, Agriculture, Alimentation, Questions sanitaires et Phytosanitaires

-          Mme Esther NIETO HERNANDEZ, chef d’unité ajointe, Amérique Latine

 

 

 

 

1) Service des affaires multilatérales et du développement :

-                     Mme Sabine LEMOYNE DE FORGES, sous-directrice en charge des questions de politique commerciale et d’investissement

-                     M. Timothée HURÉ, chef du bureau Règles internationales du commerce et de l’investissement (MULTICOM 2)

-                     Mme Corettie MEDJO BYABOT

-                     M. Paul BABIN

-                     Mme Claire BONSIGNORI

-                     M. Guillaume LORRE

 

2) Service des politiques macroéconomiques et des affaires européennes :

-                     Mme Ihssane SLIMANI-HOUTI, sous-directrice des politiques macroéconomiques

-                     Mme Mounira NAKAA : cheffe du bureau Échanges extérieurs et risque-pays (MACRO 3)

-                     M. Guillaume CLAVERES : chef du bureau Économie internationale (MACRO 2)

 

 

-          M. Guilhem DE SEZE : chef du département Production des évaluations du risque 

-          M. Lucien FERRERA : spécialiste des résidus dans l’unité pesticide

 

 

-          M. Guillaume DE LA TAILLE, directeur des affaires juridiques

-          M. Philippe DUCLAUD : directeur général de la performance des entreprises (DGPE)

-          Mme Marie-Christine LE GAL, directrice générale adjointe de l’alimentation (DGAL)

-          Mme Aurélie DARPEIX, cheffe du service pêche et aquaculture

 

 

-          M. Julien HARDELIN, chef du bureau biodiversité

-          M. Carl-Michel REICHEL, bureau biodiversité

-          Mme Marine FAVRE, bureau biodiversité

-          Mme Véronique MENEZ, conseillère biodiversité

-          Mme Anne-Emmanuelle BARRAULT, direction générale de la prévention des risques (pôle pesticide)

-          M. Olivier GRAS : direction générale de la prévention des risques, chef du bureau Produit chimiques

 

 

-          M. Enzo ARMAROLI responsable agriculture à la Fondation pour la Nature et l’Homme) : commerce international (export ban, mesures miroirs)

-          M. Daniel Pérez VEGA : chargé de programme commerce et bien-être animal chez Eurogroup for animals

-          Mme Stéphanie KPENOU : chargée de plaidoyer sur la politique commerciale, Institut Veblen pour les réformes économiques

 

 

-          Mme Laurence MARANDOLA (porte-parole de la confédération paysanne)

-          M. Jean THEVENOT membre de la Confédération paysanne and représentant de European Coordination Via Campesina

-          Mme Sophie LENAERTS : vice-présidente de la coordination rurale

-          M. Guénaël POULMARC’H : membre du Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF)

-          M. Maxime BUIZARD BLONDEAU : membre des Jeunes agriculteurs


Contributions écrites :

 

-          Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

-          M. Thierry POUCH, économiste en chef de Chambres d’Agriculture France

-          Mme Catherine LAROCHE-DUPRAZ enseignante-chercheuse en politiques agricoles à l’Institut Agro Rennes-Angers

-          M. Guillaume DE LA TAILLE, directeur des affaires juridiques du ministère de l’agriculture


([1])  Cf. la sous-partie B de la cinquième partie.

([2])  Règlement (CE) n° 396/2005.

([3])  Rapport de FranceAgriMer du 24 juin 2021, Compétitivité des filières agroalimentaires françaises – caractériser et comprendre la dégradation du solde commercial et l’érosion de la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises ces dix dernières années.

([4])  Contribution écrite.

([5])  Rapport Quinet, la valeur de l’action pour le climat – une valeur tutélaire du carbone pour évaluer les investissements et les politiques publiques, février 2019.

([6])  Contribution écrite.

([7])  Contribution écrite, ibid.

([8])  Alexandre Gohin, Alan Matthews. Adding mirror clauses within the European Green Deal : Hype or hope? Applied Economic Perspectives and Policy, 2024.

([9])  Contribution écrite.

([10]) Publication en février 2024 de l'acte d'exécution sur les certificats sanitaires, lançant le délai qui devrait permettre l’application effective de la mesure miroir à partir de septembre 2026. En attendant, comme l’affirmait le ministère de l’agriculture en réponse à une question écrite adressée par le sénateur M. Guislain Cambier, le 14 mars 2024 : « le Gouvernement a prolongé le 26 juin 2023 l'arrêté interministériel portant suspension d'introduction, d'importation et de mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viande issus d'animaux provenant de pays tiers à l'UE et ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement, et ce jusqu'à la mise en œuvre effective de l'article 118 du règlement (UE) n° 2019/6 ».

([11])  Cette mesure doit entrer en vigueur en mars 2026. Elle constitue une avancée significative par la prise en compte du risque écotoxicologique dans la mise en œuvre de mesures miroirs.

([12])  L’application de ce règlement, qui était prévue pour le 30 décembre 2024, a été reportée de douze mois par la Commission, report ayant été validé par le Conseil, le 16 octobre dernier.

([13])  Rapport d’un audit effectué par la DG SANTÉ au Canada du 9 au 20 septembre 2019 afin d’évaluer les systèmes de contrôle en place régissant la production de viandes bovine et porcine destinées à l’exportation vers l’Union européenne.

([14])  Rapport d’un audit effectué par la DG SANTÉ au Canada du 7 au 27 septembre 2022 afin d’assurer le suivi de la mise en œuvre des mesures prises par les autorités canadiennes en réponse aux recommandations formulées dans le rapport d’audit DG(SANTÉ)/2019-6681 portant sur les viandes bovine et porcine destinées à l’exportation vers l’Union européenne.

([15])  Rapport d’un audit effectué par la DG SANTÉ au Brésil du 27 mai au 14 juin 2024 pour évaluer les contrôles sur les résidus de substances actives, de pesticides et de contaminants dans les produits d’origine animale.

([16])  Deux sociétés étrangères ont saisi le Tribunal de l'Union européenne le 10 mai 2023 (aff. T-247/23) contre le règlement (UE) 2023/334 par lequel la Commission a modifié l’annexe du règlement de base n° 396/2005 relatif aux limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d'origine végétale et animale. Leurs principaux moyens sont précisément tirés de la compétence de la Commission, et plus largement, des institutions de l'Union, pour adopter des réglementations extraterritoriales.

Le ministère chargé de l'agriculture a obtenu dans cette instance la formulation d'une demande d'intervention de la France au soutien de la Commission, qui a été transmise au Tribunal le 4 octobre 2023. La Commission ayant de son côté opposé une exception d'irrecevabilité, l'admission de cette intervention n'a pas encore été décidée, non plus, à plus forte raison, que l'affaire au fond.

([17])  Auditions de la Direction générale du Trésor et des services du ministère de la transition écologique.

([18])  À titre d’exemple, l’Organe d’appel de l'OMC a considéré que l’application pratique d’une directive américaine contraignant les autres États à adopter « essentiellement la même » règlementation que celle applicable aux crevettiers américains au lieu d’en adopter une « comparable », menant ainsi les administrateurs à appliquer un embargo économique sans tenir compte des autres politiques et mesures spécifiques que les pays exportateurs ont pu adopter pour assurer la protection et la conservation des tortues marines et sans tenir compte des conditions différentes qui peuvent exister sur ces territoires, n’était pas « acceptable » dans le cadre des relations commerciales internationales (Rapport de l’Organe d’appel, 12 octobre 1998, WT/DS58/AB/R, États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, points 163 et 164).

([19])  Audition de M. Braoudakis, avocat du cabinet Baldon, spécialiste des questions de droit commercial : l’assistance financière et technique aux États exportateurs est un moyen de prouver la bonne foi du pays et de montrer l’absence de caractère protectionniste.

([20])  « Les usages des décisions de l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce par la Cour de justice de l’Union européenne », Geneva Jean Monnet Working Papers, 19/2016, pp. 1 à 40.

([21])  Contribution écrite de la direction des affaires juridiques du ministère de l’agriculture.

([22])  Zaki Laïdi, La norme sans la force : l’énigme de la puissance européenne, Presses de Sciences Po, 2005.

([23])  Report from the Commission to the European Parliament and the Council – Application of EU health and environmental standards to imported agricultural and agri-food products, 2022.

([24])  Comme cela a été souligné par M. Philippe Duclaud, directeur général de la performance des entreprises du ministère de l’agriculture, lors de l’audition des services du ministère, la certification en agriculture biologique et la mise en œuvre à venir du règlement contre la déforestation importée reposent déjà sur une inversion de la charge de la preuve et sur une diligence raisonnée des producteurs.

([25])  Enjeu pointé par M. Jean Thévenot, représentant de la confédération paysanne.

([26])  Débat organisé par l’association Les amis de l’Ecole de Paris, le 24 mai 2007.

([27])  Rapport annuel 2023 de Fairtrade International, publié le 19 juin 2024.

([28])  Audition de la DGDDI.

([29])  Contribution écrite, op.cit.

([30])  « Pesticides néonicotinoïdes : comment donner de l’ambition aux mesures miroirs européennes ? », juin 2023, FNH.

([31])  Loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([32])  « La France continue d’exporter des pesticides interdits », Public Eye, 30 novembre 2022.

([33]) D’après les données susmentionnées de Public Eye, sur les neuf premiers mois de 2022, 7 475 tonnes de substances interdites ont été approuvées pour l’exportation, bien moins que les 28 479 tonnes exportées pour la totalité de l’année 2021.

([34]) La proposition de règlement SUR a été rejetée par le Parlement européen le 22 novembre 2023.

([35])  Audition de l’EFSA.

([36])  Catherine Laroche-Dupraz, Carole Ropars-Collet. Distorsion de concurrence sur le marché européen : un frein à la sortie des pesticides en Europe ? le cas des néonicotinoïdes. 16. Journées de Recherche en Sciences Sociales (JRSS), Société française d’économie rurale (SFER); INRAe; CIRAD, décembre 2022.

([37])  Audition de la DG AGRI du vendredi 25 octobre 2024.