N° 555

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 331),
DE Mme LOUISE MOREL
ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,


invitant le Gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime du démarchage téléphonique au niveau européen,

 

 

PAR Mme Louise MOREL,

Députée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président, MM. Laurent MAZAURY, Thierry SOTHER, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL viceprésidents ; MM. Henri ALFANDARI, Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, Mme Liliana TANGUY secrétaires ; MM.  Gabriel AMARD, David AMIEL, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, M. François-Xavier CECCOLI, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Julien DIVE, Nicolas DRAGON, M. Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, M. Andy KERBRAT, Mme Hélène LAPORTE, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Alexandre LOUBET, Mathieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Mmes Yaël MENACHÉ, Louise MOREL, Danièle OBONO, Anna PIC, M. Pierre PRIBETICH, Mme Isabelle RAUCH, MM. Alexandre SABATOU,  Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLÉPOLIAN, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.

 


SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : l’encadrement législatif du démarchage téléphonique se caractérise par le principe d’opposition et non celui du consentement explicite aux niveaux français et européen

A. le dispositif français a évolué depuis sa création

1. Les prémisses de la régulation

2. Le changement de paradigme : la mise en place d’une liste d’opposition

3. La liste Bloctel : pallier les échecs de Pacitel

B. la législation européenne n’aborde pas spécifiqUEMENT LA QUESTION DU DÉMARCHAGE TÉLÉPHONIQUE MAIS plutôt CELLE DU TRAITEMENT DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL

1. Les premiers textes européens en matière de protection des données personnelles sont mis en place dans les années 1990

2. Les apports du règlement général sur la protection des données (RGPD)

3. L’état des lieux entre États membres concernant l’encadrement du démarchage téléphonique

Deuxième partie : le législateur français a étoffé le dispositif de lutte contre le démarchage intempestif mais devrait changer de paradigme. La législation européenne pourrait venir conforter un dispositif français renouvelé.

A. L’impact durable et nocif du démarchage intempestif A MOTIVÉ une nouvelle action du LÉGISLATEUR AFIN de RÉPONDRE AUX demandes du consommateur

1. L’échec de Bloctel s’inscrit plus largement dans un environnement numérique particulièrement nuisible pour l’attention et le bien-être du consommateur

2. L’initiative parlementaire relance le débat sur une nouvelle législation relative au démarchage téléphonique

a. La proposition de loi de Pierre Cordier et les travaux du Conseil national de la consommation

b. La proposition de loi de Christophe Naegelen et les nouvelles modalités de régulation du démarchage téléphonique

B. L’abandon possible du projet de règlement dit e-privacy rend nécessaire l’utilisation d’un nouveau véhicule juridique À travers la modification de la directive relative À la pRotection des consommateurs

CONCLUSION

EXAMEN EN COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

ANNEXE I :  Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 


   Introduction

Mesdames, Messieurs,

La première préoccupation du législateur est l’écoute du citoyen dont il tire sa légitimité première. Le démarchage téléphonique est un sujet qui ne nécessite pas d’explications techniques tant sa réalité est tangible au quotidien. Le démarchage téléphonique abusif est devenu ce que certains appellent un irritant du quotidien.

Le paradoxe de l’époque est de mettre un exergue un manque de contact entre les individus et les services publics tout en constatant le phénomène du démarchage abusif, parfois illégal, où le citoyen se retrouve importuné par des sollicitations non voulues.

Par démarchage téléphonique, il convient d’entendre une technique de prospection au moyen du téléphone.

La loi objective des situations de fait et c’est fort du constat de l’ampleur des dérives du démarchage téléphonique – les citoyens le soulignent fréquemment – que votre rapporteure a décidé de se saisir du sujet.

La France dispose d’un cadre législatif fixant des règles en la matière de sorte qu’un équilibre subtil soit obtenu entre protection de la vie personnelle et capacité d’entreprendre.

Le cadre normatif français a considérablement évolué en la matière, plus particulièrement depuis les années 2010 et l’accroissement de la numérisation de nos sociétés. Une première initiative avec le principe de liste d’opposition a vu le jour en 2014. D’abord saluée, il a vite été constaté qu’elle ne saurait répondre totalement à la situation. Les dernières législations n’ont pas plus répondu aux attentes.

Fort de ce constat d’échec relatif, et à la lumière des expériences de nos voisins européens, votre rapporteure a souhaité utiliser la voie européenne pour modifier la situation et prendre en compte l’intérêt du citoyen.

La législation européenne en matière de protection de la vie personnelle s’est considérablement étoffée depuis l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données personnelles. Il manque un pan au cadre législatif actuel s’agissant de la protection des consommateurs.

Tout en considérant que la réflexion doit avancer au niveau national, votre rapporteure souhaite, par cette initiative, modifier le régime européen applicable au démarchage téléphonique pour retrouver une cohérence globale et permettre un élargissement de l’action publique à l’échelle continentale.


   PREMIÈRE PARTIE : l’encadrement législatif du démarchage téléphonique se caractérise par le principe d’opposition et non celui du consentement explicite aux niveaux français et européen

A.   le dispositif français a évolué depuis sa création

1.   Les prémisses de la régulation

Le démarchage téléphonique désigne une technique de prospection qui se réalise par téléphone. Le professionnel contacte ainsi des clients potentiels afin de leur soumettre des offres de produits ou de services. Ce type de démarchage se distingue de celui réalisé à domicile qui consiste à prospecter directement le consommateur (article L. 121-21 du code de la consommation).

Si le démarchage est une technique de vente séculaire, la régulation de son activité en France est relativement récente. C’est seulement avec la loi du 22 décembre 1972 qu’une première réglementation vient poser un cadre normatif sur l’activité. Cependant, cette loi vise spécifiquement le démarchage à domicile et ne concerne pas le démarchage téléphonique qui sera envisagé dans la loi du 22 juin 1989 modifiant la loi de 1972. ([1])

Il convient également de noter que la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dite « Loi informatique et libertés » prévoit à son article 38 que « toute personne […] a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur. »

Cette loi fondatrice sera modifiée une première fois avec la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel pour transposer la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Lors de l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD), en 2018, une nouvelle modification interviendra tout en maintenant les grands principes.

Par principe, le démarchage téléphonique est autorisé dès lors qu’il n’est ni illégal, ni abusif. Ce principe général permet ainsi une utilisation large et potentiellement nocive que la loi va venir restreindre de façon graduelle et souple.

2.   Le changement de paradigme : la mise en place d’une liste d’opposition

L’impact du démarchage sur les consommateurs a fini par convaincre des associations représentatives de se mobiliser pour obtenir de l’État une réponse efficace face à un phénomène jugé de plus en plus négativement par la population.

Ainsi, l’Association Française de la Relation Client (AFRC), la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), la Fédération Française des Télécoms, la Fédération de la Vente Directe (FVD) et le Syndicat national de la communication directe (SNCD) se sont associés pour créer la liste Pacitel en 2011.

L’initiative de ces cinq fédérations professionnelles a été soutenue par Frédéric Lefebvre, alors secrétaire d’État au commerce et à la consommation. Annoncée au mois de septembre 2011, le dispositif est entré en vigueur au 1er décembre de la même année.

La liste Pacitel, placée sous le statut d’association dite de loi 1901, a pour objet de gérer une liste de consommateurs souhaitant ne plus être dérangés par téléphone, qu'il s'agisse d'appels sur fixe ou sur mobile. Les entreprises adhérentes s'engagent ainsi à ne plus prospecter auprès des numéros inscrits sur cette « liste rouge », « fondée sur le droit d'opposition classique de la loi de 1978 » pour reprendre les termes de l’association.

Ce dispositif est censé garantir aux abonnés l’impossibilité d’être dérangés par téléphone par des entreprises non dépositaires de leur consentement. D’autre part, les entreprises partenaires de Pacitel s’engagent à suivre un ensemble de recommandations et à respecter une plage horaire spécifique pour prospecter du lundi au samedi.

Il convient toutefois de souligner que seul le démarchage à caractère commercial est ciblé par le dispositif Pacitel, le démarchage à visée politique, caritative ou de sondage étant exclu de la démarche. Le démarchage provenant des sociétés dont le particulier est client ou à qui il a communiqué ses données de son plein gré n'est pas non plus concerné par la liste. Par ailleurs, l'envoi de SMS aux numéros inscrits sur la liste n'est pas prohibé. Enfin, les numéros à usage professionnel ne sont pas visés par le dispositif.

Cette initiative a tout d’abord rencontré un certain succès puisqu’en l’espace de trois semaines un million de consommateurs se sont enrôlés dans le dispositif, signe d’une forte attente de la part des consommateurs.

Dans la mesure où le dispositif Pacitel ne nécessite pas un engagement légal de la part des entreprises, et n’est pas assorti d’une obligation, il a toutefois été peu utilisé entraînant dès lors peu d’effet auprès des consommateurs victimes de démarchage intempestif. Les limites sont donc apparues rapidement.

En parallèle de cette initiative, il est loisible de mentionner que le ministre Frédéric Lefebvre a présenté, en juin 2011, un projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.

Parmi les différentes mesures proposées figurait un renforcement de la protection des données personnelles des cyberacheteurs. Si cette mesure n’entrait pas pleinement dans le domaine du démarchage téléphonique, elle recouvrait néanmoins la prospection commerciale et visait à répondre aux manquements des dispositions encadrant le traitement de données à caractère personnel. Cette disposition faisait donc ainsi écho à celle précédemment citée et contenue dans la loi de 1978 dite « Informatique et libertés ».

3.   La liste Bloctel : pallier les échecs de Pacitel

L’alternance politique intervenue au terme de la séquence électorale de 2012 n’a cependant pas permis de finaliser l’examen du projet de loi.

Néanmoins, la question du traitement des données à caractère personnel en lien avec le démarchage téléphonique a fait de nouveau l’objet d’une mesure législative dans le cadre de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation.

En effet, l’article 9 de la loi de 2014 prévoit la création d’une liste d’opposition au démarchage téléphonique généralisée. Le dispositif a été mis en place le 1er juin 2016 après avoir été créé par ordonnance le 14 mars précédent (articles L. 223-1 et suivants du code de la consommation).

L’article L. 121- 34 du Code de la consommation modifié par la loi dispose que le consommateur qui ne souhaite pas faire l'objet de prospection commerciale par voie téléphonique peut gratuitement s'inscrire sur une liste d'opposition au démarchage téléphonique. Le démarchage téléphonique d’un consommateur inscrit sur cette liste est interdit sauf en cas de relations contractuelles préexistantes.

L’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation transpose en droit français la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur. Elle prévoit également la mise en place du dispositif Bloctel. Désormais, sont réputées agressives au sens de l'article L. 121-6 du Code de la consommation et interdites comme telles les pratiques commerciales qui ont pour objet de se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance.

Près de trois ans après la création de Bloctel, près de 3,7 millions de consommateurs s’y étaient inscrits.


L’inscription au dispositif est gratuite et tout consommateur, en s’inscrivant, peut ainsi obtenir le droit de plus être démarché par un professionnel avec lequel il n’entretient pas de relations contractuelles en cours.

La loi indique qu’il est interdit au professionnel de contacter, de façon directe ou indirecte, le consommateur inscrit sur la liste d’opposition au démarchage. De plus, les opérateurs vendant ou faisant l’acquisition de listes de numéros téléphoniques doivent s’assurer au préalable qu’elles ont été expurgées des numéros inscrits sur la liste Bloctel. Les exceptions à l’interdiction de démarcher des personnes figurant sur la liste sont prévues par la loi, notamment dans le cas où une relation contractuelle est en cours entre le consommateur et le professionnel le démarchant téléphoniquement.

En cas de non-respect de l’interdiction, le consommateur peut remplir un formulaire de réclamation sur le site Bloctel pour permettre aux autorités compétentes d’investiguer.

Bloctel est financé par les entreprises à travers une redevance. À l’heure actuelle, plusieurs milliards de numéros ont ainsi pu être filtrés.

Pour autant, le dispositif a très vite fait l’objet d’une grande insatisfaction. S’il a permis d’éviter un nombre important de sollicitations téléphoniques indésirables, il n’a pas répondu totalement aux attentes qui avaient été placées en lui. Les enquêtes menées par l’UFC-Que choisir, auditionnée par votre rapporteure, font état d’un profond agacement vis-à-vis du démarchage. En octobre 2022, une enquête de l’UFC faisait ressortir un agacement des français vis-à-vis du phénomène à hauteur de 92 % des personnes interrogées.

De nombreux consommateurs inscrits sur Bloctel (200 500 début 2019 ([2])) ont signalé être toujours l’objet d’appels indésirables malgré leur inscription. Après plusieurs années d’entrée en vigueur du dispositif, près de la moitié des personnes inscrites sur Bloctel continuent d’indiquer être victimes de démarchage non voulu.

Par ailleurs, seules 800 entreprises ont eu recours au service Bloctel afin de s’assurer que leurs fichiers ne contenaient pas de numéros inscrits sur Bloctel, trois ans après sa mise en place. Ce chiffre souligne le manque d’effectivité du dispositif puisque le nombre d’entreprises pratiquant le démarchage téléphonique est bien plus élevé. Les contrôles n’étant pas suffisants, par manque d’effectifs auprès de la DGCCRF en charge de ce contrôle, ils ne permettent pas de mettre un coup d’arrêt au phénomène.

En outre, les réclamations ne donnent pas lieu à de nombreuses sanctions en raison des moyens nécessaires à la mise en œuvre effective des sanctions. Ainsi, quelques mois après l’entrée en vigueur du dispositif, le gouvernement indiquait que plusieurs milliers de réclamations avaient été réalisées mais que les contrôles n’atteignaient pas le millier et les injonctions et amendes étaient encore moins importantes.

En outre, le dispositif Bloctel ne règle pas la question des appels incitant frauduleusement à rappeler un numéro surtaxé. D’autres mesures ont été mises en place pour lutter contre ces fraudes, prévues aux articles L. 224-43 à L. 224-56 du code de la consommation : l’annuaire inversé des numéros surtaxés, la plateforme de lutte contre les spams vocaux et l’option de blocage proposée par les opérateurs de téléphonie. En mai 2018, la société Opposetel, en charge de l’application du dispositif Bloctel, estimait ainsi que plus de 43 % des réclamations auprès de Bloctel concernaient des fraudes aux numéros surtaxés.

La loi de 2014 contient des dispositions juridiques renforçant l’arsenal existant en matière de protection des droits des consommateurs. Ainsi le droit de la consommation contient déjà des dispositions encadrant le démarchage téléphonique (droit d’opposition, obligation du démasquage et de l’identification de l’appelant, délais de rétractation).

S’agissant spécifiquement de l’encadrement du démarchage, le code des postes et des télécommunications dispose à son article R. 10 que : « toute personne [...] peut obtenir gratuitement de l’opérateur auprès duquel elle est abonnée ou du distributeur de ce service [...] que les données à caractère personnel la concernant issues des listes d’abonnés ou d’utilisateurs ne soient pas utilisées dans des opérations de prospection directe [...] ».

Enfin, l’article 223-1 du code de la consommation prévoit que : « le consommateur qui ne souhaite pas faire l’objet de prospection commerciale par voie téléphonique peut gratuitement s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique. Il est interdit à un professionnel, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers agissant pour son compte, de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur cette liste, sauf en cas de relations contractuelles préexistantes. »

Ainsi, l’initiative Bloctel conforte un dispositif légal existant qui repose cependant sur le principe d’opposition et non sur la nécessité du consentement explicite du consommateur. Le consommateur n’a donc que des recours limités en matière d’effectivité de ses droits et de respect de ses données personnelles.

En effet, Bloctel dispose d’une plateforme de signalement des pratiques abusives depuis un formulaire dédié sur la plateforme Bloctel. Néanmoins, le signalement ne garantit pas l’arrêt du démarchage intempestif, ni même la lutte contre les fraudes.

B.   la législation européenne n’aborde pas spécifiqUEMENT LA QUESTION DU DÉMARCHAGE TÉLÉPHONIQUE MAIS plutôt CELLE DU TRAITEMENT DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL

1.   Les premiers textes européens en matière de protection des données personnelles sont mis en place dans les années 1990

L’arrivée des nouvelles technologies de l’information et de la communication a été le moteur pour que l’Union européenne légifère dans le domaine s’agissant des données à caractère personnel des utilisateurs et de la possibilité pour les entreprises de les utiliser.

Ainsi, la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 a constitué le premier texte en matière de protection des données personnelles. Il s’agit du texte de référence en la matière jusqu’en 2018 quand entre en vigueur le règlement général sur la protection des données (RGPD). La directive reprend les grands principes déjà présents en droit français dans le cadre de la loi dite « Informatique et libertés » de 1978 (proportionnalité, transparence et finalité légitime).

Une deuxième directive relative au traitement des données à caractère personnel et à la protection de la vie privée dans le domaine des télécommunications est entrée en vigueur le 15 décembre 1997. Ce texte laisse la possibilité aux États membres d’opter pour l’opt-in ou l’opt-out dans ce domaine.

Opt-in (autorisation préalable) et Opt-out (droit d’opposition)

L’opt-in désigne un dispositif dans lequel le consentement de l’utilisateur est requis.

L’opt-out désigne un dispositif dans lequel le consentement de l’utilisateur est présumé par défaut.

Il s’agit d’un élément essentiel dans la mesure où le législateur européen ne tranche pas entre les deux options et laisse chaque État membre décider quelle option privilégier empêchant de facto toute harmonisation.

La directive relative au traitement des données à caractère personnel du 12 juillet 2002 est venue conforter le cadre législatif européen aux données à caractère personnel des utilisateurs de service de communication électroniques en leur garantissant une égale protection quelles que soient les technologies utilisées.

Le texte prévoit des dispositions dites anti-spamming revêtant un intérêt dans la mesure où elles matérialisent le principe de l’opt-in. Précédemment, dans le cadre des télécommunications, c’est le principe de l’opt-out qui existait.

En effet, le Conseil européen du 12 juillet 2002 a adopté une position commune en faveur de l’opt-in tout en permettant néanmoins une exception dans le cas où les coordonnées électroniques sont obtenues directement.

Cependant, le texte restreint cependant son champ d’application puisqu’il ne concerne que courriels, les minimessages dits SMS et les images envoyées dites MMS. S’agissant des autres communications non sollicitées, l’appréciation est laissée aux États membres qui peuvent opter pour le système d’autorisation préalable ou pour le droit d’opposition.

Dès lors, en matière de démarchage téléphonique il n’y a point d’harmonisation : « Si les données à caractère personnel concernant des abonnés à des services publics de téléphonie vocale fixe ou mobile ont été insérées dans un annuaire public d’abonnés […] les données à caractère personnel des dits abonnés peuvent continuer de figurer dans un annuaire public […] sauf si lesdits abonnés, après avoir été pleinement informés de leurs droits et des fins auxquelles l’annuaire est établi […] s’y opposent. »

2.   Les apports du règlement général sur la protection des données (RGPD)

Le règlement (UE) 2016/679 adopté le 27 avril 2016 vient renouveler profondément le cadre de protection des données personnelles. Il clarifie notamment le consentement de l’utilisateur. Ainsi, l’article 7 du règlement dispose que les utilisateurs doivent expressément donner leur consentement avant d’être contactés. Le texte législatif octroie également la possibilité de retirer son consentement à tout moment.

Ce règlement est entré en vigueur en France le 25 mai 2018. S’il n’apporte pas de changement majeur pour la législation nationale, il renforce tout de même la responsabilité des professionnels en amont des traitements, notamment au stade de la constitution des listes.

 

Les principes de la réglementation relative à la protection des données
à caractère personnel

La réglementation relative à la protection des données à caractère personnel (le RGPD et la loi « informatique et libertés ») n’est pas spécifique au démarchage commercial. Elle pose les grands principes applicables aux traitements des données à caractère personnel quelle que soit leur finalité, y compris la prospection commerciale.

Pour être licite, un traitement de données à caractère personnel devra se fonder sur une des bases légales listées à l’article 6 du RGPD. En principe, les bases légales pouvant être mobilisés pour fonder des opérations de prospection commerciales sont les suivantes :

  •      Le consentement (article 6.1.a du RGPD) qui est notamment applicable pour les opérations de prospection par voie électronique, sauf exceptions (sur ce point, voir la partie « Les textes spécifiques applicables pour le démarchage par voie électronique (y compris la prospection commerciale par automates d'appel). Le recueil du consentement devra être réalisé dans les conditions des articles 4 (11) et 7 du RGPD : pour être valable, il doit être éclairé, libre, spécifique et résulter d’un acte positif clair (par exemple, une case à cocher décochée par défaut) (« opt-in »).
  •      L’intérêt légitime du responsable du traitement (article 6.1.f du RGPD) qui est notamment applicable pour les opérations de prospection par voie téléphonique avec intervention humaine. La personne concernée doit être informée au moment de la collecte de ses coordonnées de l’utilisation à des fins de démarchage téléphonique et être en mesure de s’y opposer à n’importe quel moment, dans les conditions prévues à l’article 21 du RGPD (« opt-out »).

La mise en place du RGPD a néanmoins eu une incidence en matière de plaintes auprès de Bloctel. Ainsi, le nombre de plaintes relatives au démarchage téléphonique reçues sur le fondement du droit à la protection des données personnelles a nettement décru (2015 : 511 plaintes, 2016 : 294, 2017 : 180 et 2018 : 205).

Dès lors, le cadre normatif européen n’apporte pas de modifications majeures susceptibles de modifier le régime juridique applicable en France en matière de démarchage téléphonique.

3.   L’état des lieux entre États membres concernant l’encadrement du démarchage téléphonique

Il convient d’observer l’état des législations de plusieurs États membres en matière de démarchage téléphonique pour considérer les possibilités législatives existantes et les différents modes d’action possibles.

Le travail comparatif, pour complexe qu’il soit étant donné les différences de taille des pays, apporte des éléments de réponse dont le Conseil national de la consommation s’est fait l’écho dans le rapport de 2019 précédemment cité.


Ainsi, le démarchage téléphonique est une pratique commerciale pour les entreprises dont le coût est bien plus avantageux que d’autres modes de prospection. Tout comme en France, les consommateurs s’en agacent beaucoup. Les secteurs de l’énergie et des opérateurs de téléphonie sont particulièrement concernés à l’instar de la France.

Le modèle de l’opt-in a été choisi par des pays comme l’Allemagne, le Danemark et le Portugal. Dans ces pays, les entreprises constituent leur propre fichier de consommateurs consentant au démarchage. Ce consentement doit être non équivoque et explicite. Il est traditionnellement recueilli lors de la souscription d’un contrat.

Selon les pays les modalités de recueil du consentement divergent puisqu’au Portugal, par exemple, l’entreprise doit proposer à l’occasion de chaque appel la possibilité de désinscription. En outre, l’opt-in peut cohabiter avec l’optout comme au Danemark où existe une liste d’opposition dite Robinson à l’image du système français Bloctel.

À contrario, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne utilisent un modèle d’opt-out. Sans démarche active du consommateur, il est présumé consentant au démarchage. Ce type de modèle rend indispensable l’existence d’une structure recueillant les inscriptions à la liste d’opposition et mettant à disposition des entreprises ladite liste.

Le coût de traitement des fichiers diffère selon le pays étudié de même que le nombre de plaintes de consommateurs recensés. Il semble ainsi complexe de réaliser une montée en généralité au regard des différences constatées et notamment des pratiques culturelles considérant différemment le démarchage téléphonique.

Interrogé sur les pratiques des autres États membres, un des acteurs du secteur du démarchage a été critique du fonctionnement du modèle allemand. Il a ainsi souligné que les signalements étaient bien plus importants qu’en France montrant par-là l’inefficacité du système utilisé. Les différences culturelles pourraient en être la cause.

    


   Deuxième partie : le législateur français a étoffé le dispositif de lutte contre le démarchage intempestif mais devrait changer de paradigme. La législation européenne pourrait venir conforter un dispositif français renouvelé.

A.   L’impact durable et nocif du démarchage intempestif A MOTIVÉ une nouvelle action du LÉGISLATEUR AFIN de RÉPONDRE AUX demandes du consommateur

1.   L’échec de Bloctel s’inscrit plus largement dans un environnement numérique particulièrement nuisible pour l’attention et le bien-être du consommateur

L’incapacité de Bloctel à modifier durablement les comportements des démarcheurs a rendu nécessaire une nouvelle action de la part des pouvoirs publics. Les associations de consommateurs à l’instar de l’UFC-Que choisir ont produit des études insistant sur le caractère nocif d’un démarchage pas suffisamment encadré pour empêcher certaines dérives.

Ainsi, une étude de janvier 2017 menée par l’UFC-Que choisir met en avant le fait que 91 % des Français interrogés se disent agacés par le démarchage téléphonique qu’ils jugent insuffisamment régulé. L’étude souligne le caractère intempestif des appels (journée, soir et même week-end). Plusieurs domaines ont été identifiés comme étant privilégiés par les démarcheurs : travaux du domicile, énergies renouvelables ou encore fournisseurs d’énergie.

Malgré 3,5 millions de français inscrits à Bloctel, le dispositif ne semble pas à même d’enrayer le phénomène. Plus de la moitié des personnes inscrites continuent à être sollicitées en dépit de leur inscription à Bloctel. Et le jugement général des français est particulièrement dur à l’encontre de Bloctel puisque l’UFC-Que choisir met en avant un chiffre de 81 % de Français estimant le dispositif « pas efficace ». 75 % jugent d’ailleurs que les appels sont en recrudescence sur les dix dernières années.

Si le nombre d’appels par semaine pour du démarchage s’élève à quatre, il dépasse les 4.4 appels dans le cas où la personne est âgée de plus de soixante-cinq ans. Cette dimension du démarchage est une source d’inquiétude importante dans la mesure où le téléphone fixe est très prisé auprès des seniors et des plus âgés souvent moins bien équipés en téléphonie mobile. Par ailleurs, la capacité de certains démarcheurs à convaincre du bien-fondé de leur entreprise est source de ventes frauduleuses profitant des capacités cognitives parfois altérées du public visé.


Si l’impact du démarchage auprès de publics fragiles est particulièrement inquiétant, il touche plus globalement l’ensemble des français. Les enquêtes de l’UFC-Que choisir ont mis en exergue un état de frustration auprès des personnes victimes d’un démarchage sur lequel elles n’ont aucune prise.

Une étude menée par deux universitaires de Montpellier ([3]) a souligné l’impact particulièrement nocif des sollicitations numériques sur le cerveau. L’étude aborde l’ensemble des « distractions numériques » (écrans, minimessages dits SMS et objets connectés).

Cependant, l’étude souligne qu’un appel téléphonique constitue également une distraction poussant l’individu à interrompre l’exécution d’une tâche en cours. Le temps d’exécution d’une tâche serait ainsi augmenté de 27 % du fait de ces interruptions. De plus, l’interruption d’une activité par un individu le conduit à mettre plus d’une minute pour reprendre la tâche qu’il exécutait.

Ces interruptions répétées augmentent la charge de travail et le niveau de stress générant un sentiment de frustration et même parfois d’épuisement. La sensation de perte de contrôle sur les évènements est également observable.

Une étude de 2015 citée par les deux universitaires souligne que 60 % des individus étaient distraits par les sons émis par les téléphones portables.

De façon plus insidieuse, les interruptions générées par les appels créent ce que l’étude des deux universitaires nomme la fluence du traitement. Cette expression désigne la capacité du cerveau à traiter avec facilité ou difficulté une information. Cette réaction est automatique et quasi instinctive. La facilité perçue d’une tâche (fluence) conduit l’individu à adopter une réaction prévisible.

Les interruptions numériques provoquent une rupture de fluence. En effet, l’individu est amené à modifier son action face à un évènement imprévu que constitue un appel. Ces interruptions perturbent ainsi le système prédictif et déclenche des attitudes d’adaptations de l’individu. Le caractère imprévisible de l’appel ne permet pas à l’individu d’anticiper ou de minimiser le sentiment de surprise et, dès lors, la remobilisation attentionnelle est perturbée.

Cette étude est donc venue confirmer ce que plusieurs enquêtes menées auprès des consommateurs avaient mis en avant :

-          Stress : crainte constante de recevoir un appel indésirable générant un stress journalier ;

-          Sentiment d’intrusion : Les appels apparaissent comme une violation de l’espace privé ;

-          Perte de confiance : La multiplication des appels non sollicités développe chez certaines personnes une méfiance généralisée envers les appels téléphoniques ;

-          Isolement : Dans les cas les plus extrêmes, les personnes ne répondent plus du tout aux appels s’isolant ainsi de leur cercle social.

Tous les individus ne réagissent pas nécessairement de la même façon aux appels des démarcheurs mais les chiffres mis en avant par les associations de consommateurs et les effets psychologiques observés, notamment auprès de publics vulnérables, soulignent l’importance d’une régulation bien plus stricte.

En outre, toute démarche législative doit tenir compte de la situation des travailleurs exerçant leur activité dans ces centres d’appel. Il s’agit de souligner que le mal-être ressenti par les consommateurs est également perceptible chez les démarcheurs. La loi n’entend pas oublier le sort de ceux qui exercent leur activité de façon respectueuse et le législateur est là pour agir à l’encontre des violations de la loi. Ce point mérite d’être rappelé et votre rapporteure souhaite que ce sujet ne soit pas oublié.

2.   L’initiative parlementaire relance le débat sur une nouvelle législation relative au démarchage téléphonique

a.   La proposition de loi de Pierre Cordier et les travaux du Conseil national de la consommation

C’est dans ce contexte qu’une proposition de loi (PPL) du député Pierre Cordier a été déposée le 13 juin 2018. Cette proposition législative vise à passer du système d’opt-out à un système d’opt-in. Le député revendique clairement le « renversement de paradigme » face à l’échec de Bloctel. La PPL propose de mettre en place un indicatif unique pour les entreprises de plus de cinquante salariés et pratiquant le démarchage téléphonique. Enfin, elle prévoit également de durcir considérablement les sanctions financières.

La démarche du député, très soutenue par les associations de consommateurs, a cependant été freinée lors des débats parlementaires en commission. La PPL adoptée en commission est en deçà du niveau d’exigence réclamé par les consommateurs. En effet, la disposition la plus conséquente, celle de l’opt-in, a été retirée du texte. Le texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, son auteur s’abstenant, n’a jamais été examiné par le Sénat. Le gouvernement s’est engagé lors du débat parlementaire à mettre sur pied un groupe de travail sur le sujet.

Ce groupe de travail a été institué au sein du Conseil national de la consommation. Créé en 1983, cet organe paritaire consultatif est placé auprès du ministre de la consommation. Il est notamment consulté à l’occasion de débats entre organisations et plus spécifiquement saisi sur de projets de loi ou de règlements ayant une incidence sur la consommation.

En juillet 2018, le groupe de travail est mis en place. Il compte deux collèges, l’un représentant les associations de défense des consommateurs (représentées notamment par l’UFC-Que Choisir) et l’autre, représentant les organisations professionnelles et les entreprises assurant des missions de service public concernées par la problématique du démarchage téléphonique.

Les travaux du groupe de travail ont permis de dégager une définition du démarchage téléphonique distinguant appels entrants et appels sortants. Les modalités du démarchage (mode d’obtention des numéros) ont été explicitées et ont permis de distinguer la pratique de l’usurpation de numéros, c’est-à-dire les cas où les numéros attribués ne l’ont pas été par un opérateur. Il s’agit d’un phénomène dénommé « spoofing. »

Les travaux ont permis de produire des données relatives à l’activité des centres d’appels. Cet élément présente un intérêt tout particulier dans la mesure où il est un des arguments très souvent objectés par les organisations professionnelles, et souvent repris par les pouvoirs publics, pour justifier de ne pas passer à l’opt-in.

Le rapport final du groupe de travail, adopté en février 2019, mentionne ainsi qu’il existe 3500 centres d’appels situés en France représentant 280 000 ETP (équivalent temps plein : soit 35 heures d’activité par semaine ou bien deux temps partiels de 17.5 heures).

Les centres d’appels gèrent l’ensemble de la relation client c’est-à-dire autant les appels entrants que les appels sortants. L’activité liée aux appels sortants, parmi lesquels figure la prospection commerciale, représente donc entre 55 000 et 56 000 emplois temps plein en 2019. 60 % des centres d’appels travaillant pour le marché français sont localisés sur le territoire français.

Le syndicat des professionnels des centres de contact (SP2C) et DMA – Alliance digitale – organisme représentant des entreprises du secteur du télémarketing - ont évalué, quant à eux, à 290.000 emplois dans les centres d’appels dont 50.000 seraient des emplois directement liés à l’activité de démarchage téléphonique. Les chiffres n’ont ainsi pas considérablement évalué entre les données contenues dans le rapport du CNC en 2019 et les chiffres actuels.

L’activité de ces centres d’appels a fortement cru depuis les années 2000 et de nombreuses régions ont accueilli ce type d’activité. Il convient de mentionner que des régions désindustrialisées et en situation de crise économique ont pu y trouver un vivier d’emplois nouveaux à même de favoriser une activité en berne.

Le nombre de clients sur le marché français n’a cessé de croitre (presque 10 % seulement entre les années 2016 et 2017). Le chiffre d’affaires de cette activité a été estimé à 2,1 milliards d’euros pour l’année 2016.

Par ailleurs, 80 % du chiffres d’affaires est concentré dans cinq secteurs : banque/assurances, communications électroniques, distribution, énergie et services.

Le débat au sein du groupe de travail entre organisations représentant les professionnelles et organisations représentant les consommateurs a été particulièrement vif sur les enjeux économiques du secteur. Dans la mesure où le motif a longtemps été objecté aux législateurs sans être documenté, les chiffres mis en avant par les organismes auditionnés par le CNC ont permis de donner une réalité concrète au débat.

Pour les professionnels, la prospection a permis d’intégrer des régions françaises en difficulté et certains publics fortement touchés par le chômage (jeunes, séniors et personnes en situation de handicap). Selon les instances professionnelles, une législation plus drastique freinerait le développement des entreprises et empêcherait le développement de celles existantes cherchant par ce biais à développer leur registre clients. Plus encore, cela favoriserait le commerce en ligne aux dépens de leur activité.

Le SP2C a souligné que les emplois créés, contrairement à certaines idées véhiculées, sont pérennes mentionnant 80 à 95 % de contrat à durée indéterminée.

Une autre dimension de l’activité du démarchage a également fait l’objet de débat, l’encadrement de la prospection commerciale automatisée.  En effet, les professionnels recourent à des systèmes de numérotation automatisée. Un logiciel compose les numéros de téléphones contenus dans une base de données et un algorithme détecte, lors du décroché, si l’interlocuteur est une personne physique ou un répondeur. Si une personne physique est identifiée, l’appel est transféré à un téléconseiller. Ces appels sont dits « hybrides ». Il a ainsi été évalué qu’un tiers des appels effectués dans le cadre de démarchage téléphonique est généré par un système automatique.

Le recours aux appels hybrides n’est pas anodin puisque l’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) indique qu’est « interdite la prospection directe au moyen d’un automate d’appels, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen. »

Étant donné l’intervention humaine après composition du numéro, il a été objecté par la société Manifone auditionnée à ce sujet par le groupe de travail, que les dispositions de l’article L. 34-5 ne sauraient être applicables. Appliquer l’article L. 34-5 à ces appels hybrides risquerait de compromettre considérablement la rentabilité des activités de démarchage électronique.

La Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), également auditionnée par le CNC, a confirmé cette lecture. La CNIL distingue en effet deux modalités de démarchage téléphonique qui influent sur le régime juridique applicable : procédé automatisé type SMS avec consentement préalable nécessaire et prospection commerciale avec intervention humaine ne nécessitant l’opposition du consommateur à la collecte de ses données qu’au moment de celle‑ci.

Les innovations numériques telles que l’Intelligence artificielle (IA) en plein développement risquent de faire resurgir ce débat et des questionnements juridiques. La question du régime juridique applicable pourrait donc à nouveau se poser et nécessiterait une analyse de la part de la CNIL. Les États-Unis ont adopté une approche drastique vis-à-vis du démarchage téléphonique utilisant l’IA.

C’est au niveau de l’Union européenne que doit être posée la question du cadre souhaité (interdiction, transparence de l’utilisation). Dès lors que l’Union a entrepris de légiférer sur le sujet, c’est à cette échelle qu’il convient de poursuivre la démarche législative. La France ne peut traiter individuellement cette question face aux géants du numérique.

Par ailleurs, l’harmonisation au niveau européen doit permettre d’anticiper les innovations numériques. Celles-ci sont nécessairement plus rapides que l’action du législateur et c’est pourquoi le règlement sur l’IA adopté cette année contient d’ailleurs des dispositions appelant à des révisions régulières pour tenir compte d’un effet d’obsolescence législative face à ces innovations technologiques.

b.   La proposition de loi de Christophe Naegelen et les nouvelles modalités de régulation du démarchage téléphonique

Le député Christophe Naegelen a présenté une proposition de loi, déposée le 3 octobre 2018. Les travaux du groupe de travail lancé par le gouvernement n’avaient pas encore abouti.

Le député fait le constat qu’en matière de démarchage, il existe deux problèmes principaux : le démarchage abusif et les appels frauduleux aux numéros surtaxés. Considérant que Bloctel n’est pas en mesure de répondre à ces deux fléaux, le député souhaite que l’appelant démarchant se présente auprès du consommateur tout en indiquant les possibilités ouvertes par Bloctel.

L’abonnement de Bloctel étant considéré comme prohibitif, le texte propose la réalisation d’un audit. Les sanctions financières sont renforcées en cas de manquements aux dispositions de la loi en matière de démarchage. La nature contractuelle préexistante permettant de solliciter le consommateur n’est autorisé que jusqu’à six mois après la fin de la relation. Enfin, pour lutter contre le phénomène des numéros frauduleux, et notamment le ping call ([4]), les opérateurs telecoms sont sollicités pour couper les lignes et indemniser les clients lésés.

À l’issue d’une procédure législative de près de deux ans, la PPL du député Naegelen a été adoptée définitivement et promulguée le 24 juillet 2020.

La loi prévoit ainsi l’interdiction de tout démarchage dans le secteur de la rénovation énergétique à l’exception des sollicitations intervenant dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours (article L. 223-1 alinéa 3).

Les sanctions ont été considérablement renforcées avec des amendes pouvant atteindre les 75.000 euros pour les personnes physiques (3.000 euros précédemment) et 375.000 euros pour les personnes morales (15.000 euros précédemment).

Avant même que la loi portée par le député Naegelen n’entre en vigueur, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) a pris une mesure technique qui a eu un retentissement inattendu sur le démarchage téléphonique. Le plan de numérotation ([5]) est ainsi venu encadrer l’identifiant de l’appelant.

À compter du 1er aout 2019, lorsque l’identifiant de l’appelant est un numéro géographique (01-05) ou non géographique (09), les appels et messages SMS/MMS ne peuvent être émis par des utilisateurs finaux localisés en dehors du territoire français. Dans le cas contraire, l’ARCEP recommande aux opérateurs d’interrompre immédiatement l’acheminement des appels. L’activité de centres d’appels hors de France visant le marché français est donc clairement concerné.

En outre, les appels et messages émis par des systèmes automatisés ne pourront être acheminés via des numéros géographiques (01-05), (mobiles (06-07) ou non géographiques (09). L’interdiction prend en compte les systèmes pour lesquels le nombre de messages/appels émis est supérieur au nombre de messages/appels reçus : ce cas de figure est autorisé.

Un tel système a des incidences directes sur les acteurs du démarchage les obligeant à prendre en compte l’arithmétique de leurs appels lors des campagnes effectuées, au risque de voir l’ARCEP interrompre les appels concernés.

Postérieurement à la loi de 2020 est venue s’ajouter une interdiction de démarchage sectorielle s’agissant du compte personnel de formation. Cette interdiction a vu le jour via une autre initiative parlementaire portée par le député Bruno Fuchs. Les amendes pour violation de la loi sont en cohérence avec celles prévues dans la loi adoptée en 2020.

Un décret, prévu par la loi et entré en vigueur en mars 2023, a fixé les plages horaires et la fréquence (4 appels sur une période de trente jours calendaires) à laquelle les professionnels du démarchage peuvent appeler les particuliers à leur domicile (démarchage autorisé du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures, et interdit le samedi, le dimanche et les jours fériés).

Une autre interdiction spécifique, cette fois-ci décidée par l’ARCEP est entrée en vigueur au 1er janvier 2023. Il est ainsi interdit pour des plateformes utilisant des systèmes automatisés d’appel d’appeler ou d’adresser des SMS aux particuliers en utilisant des numéros commençant par 06 ou 07.

Enfin le démarchage en assurance a fait lui aussi  l’objet d’un  encadrement plus restrictif avec l’ajout d’un article ([6]) au sein du code des assurances dans le cadre de la loi du 8 avril 2021, du décret du 17 janvier 2022 ([7]) relatif au démarchage téléphonique en assurance.

S’agissant de Bloctel, le décret du 26 novembre 2021 permet aux particuliers de bénéficier depuis le 1er janvier 2022 de la reconduction tacite, par période trois ans, de leur inscription à la liste Bloctel (Articles L. 223-1 et suivants du code de la consommation).

Un nouveau dispositif dit 33700 permet quant à lui de lutter contre les SMS indésirables et fonctionne selon des modalités de signalement similaires à Bloctel.

Si ces avancées législatives sont venues poser de nouveaux freins aux dérives du démarchage intempestif, force est de constater que leurs effets concrets tardent encore à se faire ressentir.

Ainsi, au vu de la facilité avec laquelle les données des personnes concernées peuvent être collectées à grande échelle par un très grand nombre d'acteurs, cela nécessite un effort conséquent et continu de vigilance des personnes pour se protéger contre de telles pratiques, parfois vainement, engendrant un risque qu’elles se lassent et ne manifestent plus leur opposition, ou désertent les services qui leur apportent une vraie valeur ajoutée par crainte de voir leurs données aspirées. Par ailleurs, dans de nombreux cas, il reste compliqué de manifester ce droit d’opposition :

 

Sur ce dernier point, les services de la CNIL – interrogés par votre rapporteure - y sont eux-mêmes parfois confrontés lors d’investigations sur des plaintes relatives au démarchage. Il arrive en effet trop fréquemment que l’appelant/l’expéditeur et la source des données ne soient pas identifiables. Les services de la CNIL utilisent, lorsqu’ils disposent du numéro de téléphone à l’origine des appels non désirés, l’annuaire inversé de l’ARCEP pour rechercher l’opérateur téléphonique qui a permis de passer les appels en cause. Si cette recherche est concluante, une instruction est initiée auprès de ce dernier afin de lui demander de transmettre les coordonnées de la société titulaire de la ligne. Or, les services de la CNIL rencontrent à ce stade une double difficulté :

S’agissant des recours dont disposent les consommateurs, il en existe actuellement plusieurs :

La CNIL et la DGCCRF collaborent dans le cadre de leur protocole de coopération. En 2023, la CNIL a ainsi transmis des signalements relatifs à de possibles pratiques commerciales trompeuses constatées lors de ses missions de contrôle et, de son côté, la DGCCRF a également tenu la CNIL informée de potentiels manquements au RGPD (transmission de données sans base légale à des partenaires commerciaux et prospection commerciale non sollicitée). Une mission de vérification a été conduite par la CNIL sur la base de l’un des signalements transmis. En 2024, les deux autorités ont prévu d’enrichir leur protocole de coopération dans le cadre de leurs nouvelles missions respectives à la suite de l’entrée en application du règlement sur les services numériques (DSA).

Ces recours présentent un intérêt mais ils sont fastidieux, complexes et peu connus du grand public. Au regard de l’effort à réaliser, de la connaissance légale nécessaire, il apparait certain que le découragement gagne les consommateurs.

Par ailleurs, une enquête menée par la DGCCRF et dont les résultats ont été rendus publics en décembre 2022 indiquait ainsi que sur 800 entreprises contrôlées, 51 % étaient en violation des règles de démarchage téléphonique. Certaines des dispositions violées relevaient de la loi dite Consommation de 2014, d’autres concernaient la loi Naegelen et l’interdiction du démarchage sur la rénovation énergétique. L’enquête a mis à jour certains stratagèmes de démarcheurs pour contourner la loi et poursuivre leurs activités illégales.

L’enquête est certes antérieure aux nouvelles dispositions législatives et réglementaires prises depuis 2020 mais les résultats soulèvent des interrogations sur la capacité du secteur du démarchage à se conformer à la loi alors mêmes que des dispositions législatives vieilles de six ans n’étaient toujours pas respectées.

D’ailleurs, les résultats d’une enquête de l’UFC-Que choisir rendu publics en octobre 2023 indiquent que 72 % des Français sont démarchés au moins une fois par semaine sur leur téléphone portable. 38 % déclarent même être démarchés quotidiennement. Si le démarchage sur téléphone fixe semble être en recul, il demeure persistant (58 % des français indiquant être dérangés chaque semaine et 41 % chaque jour).

Certaines affaires publicisées ont bien abouti à la condamnation des contrevenants à des amendes conséquentes. Néanmoins, les moyens pour effectuer les contrôles paraissent trop insuffisants pour permettre d’enrayer de manière conséquente et durable le phénomène du démarchage intempestif. Les professionnels du secteur du démarchage le soulignent eux-mêmes à l’instar de DMA – Alliance digitale, organisme représentatif de plusieurs sociétés de télémarketing, auditionné par votre rapporteure.

D’ailleurs, seuls 60 % des décrets d’application de la loi Naegelen ont été adoptés et le code de bonnes pratiques déterminant les règles déontologiques applicables au démarchage téléphonique n’a pas vu le jour. Un code de bonne conduite mis à dispositions par le Syndicat professionnel des centres de contact (SP2C) auprès de ses adhérents avait été présenté dans le cadre du groupe de travail sur le démarchage téléphonique.

DMA – Alliance digitale a également élaboré un label dont la finalité rejoint celle du code de bonnes pratiques. Pour autant, ces initiatives n’ont pas permis d’enrayer le phénomène d’abus, alors même que le principe de code bonnes pratiques a été repris dans la loi Naegelen.

Faute de pouvoir compter sur l’effectivité de toutes les dispositions législatives, des campagnes menées par des organisations représentatives des consommateurs ont permis quelques avancées. 

L’UFC-Que choisir a ainsi lancé une campagne intitulée « Je ne suis pas une data » consistant pour les utilisateurs à vérifier grâce à un outil en ligne les données collectées par les plateformes. Cette initiative n’est certes pas spécifiquement liée au démarchage téléphonique mais elle en révèle une des facettes : les données personnelles.

Poursuivant sur le succès généré par sa première campagne, l’UFC a à nouveau utilisé la réglementation applicable en matière de protection des données personnelles (RGPD) pour permettre aux utilisateurs d’exiger de leur opérateur de téléphonie qu’il supprime le transfert de leurs coordonnées téléphoniques à l’annuaire public et à leurs partenaires.

En effet, lorsque des données personnelles sont traitées à des fins de prospection, notamment par voie téléphonique, la personne concernée a le droit de s’opposer à tout moment à l’utilisation de ses données pour cet objectif (article 21.2 du RGPD). Le responsable de traitement a qui est adressé une demande d’exercice du droit d’opposition doit, dans les meilleurs délais (et au maximum dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande), informer la personne concernée des mesures prises à la suite de cette demande.

Enfin, une nouvelle mesure entrant en vigueur le 1er octobre 2024 est susceptible d’apporter un changement dans la lutte contre le démarchage abusif et les arnaques téléphoniques.

Le mécanisme d’Authentification des Numéros (MAN), fruit d’une collaboration entre les pouvoirs publics et les opérateurs de téléphonie français, devrait permettre aux opérateurs d’authentifier l’origine des appels et rendre presqu’impossible la falsification des numéros. Basé sur les protocoles dits stir/shaken et de standards internationaux de sécurité, le mécanisme devrait permettre de signer numériquement chaque appel permettant ainsi d’en vérifier l’origine et de bloquer les appels douteux.

L’Association des plateformes de normalisations des flux inter-opérateurs (APNF) générera la base des certificats opérateurs et une base des signalements MAN permettant ainsi de centraliser les informations sur les appels suspects.

Néanmoins, le dispositif MAN ne régule pas le démarchage mais seulement l’usurpation de numéros. De plus, le mécanisme ne fonctionnera que pour les appels utilisant internet (Voice over IP ou VoIP) plutôt que les réseaux téléphoniques. L’usurpation reste donc possible sur les lignes mobiles et les lignes cuivre ce qui réduit drastiquement l’efficacité du dispositif.


Ainsi, malgré les campagnes des organisations de consommateurs ou les innovations techniques, le fléau du démarchage intempestif ne semble pas être en mesure d’être véritablement jugulé en demeurant dans le cadre actuel d’optout.

C’est le sens de la question écrite envoyée au ministre de l’économie par votre rapporteure en mai 2023. La question écrite alertait ainsi sur l’inefficacité de Bloctel après sept ans d’existence, notamment du fait de « dérogations bien trop extensives et de sanctions insuffisamment dissuasives. » Le constat reste malheureusement d’actualité. L’opt-in, utilisée par plusieurs pays européens, a fait ses preuves. Au demeurant, c’est la règle applicable s’agissant des SMS et des courriels. Dès lors pourquoi maintenir un double régime juridique alors que l’un des deux a clairement démontré son efficacité ?

La réponse du gouvernement témoigne de son engagement en la matière, et votre rapporteure en est d’autant plus consciente qu’elle a appuyé les modifications législatives depuis 2022 en la matière. Force est portant de constater la nécessité de franchir un nouveau pallier et de basculer du système d’opt-out à un système d’opt-in. C’est le sens de la démarche portée à travers cette proposition de résolution européenne (PPRE).

Cette démarche transpartisane illustre le large consensus politique existant sur cette question. Les dernières initiatives parlementaires en la matière (PPL portée par Delphine Batho en 2021, question écrite de Pierre Cordier en 2022) confortent votre rapporteure dans la nécessité de changer le régime juridique applicable au démarchage téléphonique en France.

La démarche portée par votre rapporteure a d’ailleurs reçu un accueil favorable de certains professionnels du secteur, à l’instar du SP2C. L’option de l’opt-in soutenue par votre rapporteure n’empêche pas la prospection commerciale mais souhaite y intégrer l’existence d’un lien de relation commerciale préexistante. Les modalités de consentement doivent également être clairement déterminées pour permettre un équilibre et une sécurité juridique.

En outre, votre rapporteure a tiré le constat que nombre des évolutions législatives intervenues ces dernières années, pour majeures qu’elles soient, ont tendance à reporter la charge de l’action contre le démarchage abusif sur le consommateur. Il est attendu de lui qu’il signale les appels illégaux et frauduleux, qu’il entame éventuellement des démarches juridiques et ceci constitue une lourde charge. La loi doit venir soulager cela pour qu’au préjudice du démarchage abusif ne vienne pas s’ajouter la charge de devoir régler par lui-même le litige subi.


Opt-in centralisé et opt-in décentralisé

L’opt-in centralisé désigne un système dans lequel il existe une liste d’opposition unique à partir de laquelle les démarcheurs peuvent opérer afin de réaliser leurs activités sans enfreindre la volonté des consommateurs.

L’opt-in décentralisé ne requière, quant à lui, pas l’existence d’une liste d’opposition unique puisque les professionnels du démarchage téléphonique peuvent obtenir le consentement par plusieurs voies. Cependant, afin de traiter les données obtenues auprès du consommateur, le recueil du consentement devra être formalisé dans un processus standardisé permettant de vérifier le respect des obligations légales.

La distinction entre les deux systèmes d’opt-in, développée lors d’une audition avec la DGCCRF, présente l’avantage de moduler les dispositions en tenant compte de l’activité des démarcheurs d’une part, du consentement au démarchage par les consommateurs d’autre part. Il s’agit donc d’un point à trancher dans le cadre d’un futur texte législatif.

Il importe de mentionner l’initiative de Pierre Cordier qui a déposé une proposition de loi le 15 octobre 2024 sur la question du démarchage qui reprend l’économie de sa proposition de loi de 2018.

Tenant compte des évolutions législatives intervenues depuis 2018, le député propose de faire face à l’inefficacité de Bloctel en optant pour un consentement explicite du consommateur réalisé lors de la conclusion d’un contrat avec un opérateur de téléphonie ou bien lors de la conclusion d’un contrat avec une entreprise. Il s’agit ainsi de privilégier l’option de l’opt-in décentralisé.

Il propose, par ailleurs, à nouveau un indicatif unique dont disposerait les entreprises de tailles intermédiaire pour réaliser le démarchage et n’être pas pénalisées par l’image du démarchage abusif. Enfin, M. Cordier appelle à renforcer les moyens de la DGCCRF et l’ARCEP afin de donner à leurs contrôles une force de frappe et d’efficacité suffisamment importante pour changer les pratiques.

Par ailleurs, une proposition législative déposée au Sénat par Pierre-Jean Verzelen propose l’interdiction du démarchage par défaut et la nécessité pour les consommateurs de s’inscrire sur une liste de consentement au démarchage téléphonique. Il s’agit donc ici de l’option d’un opt-in centralisé quoi est privilégiée.

Cette proposition permet de rouvrir le débat au Sénat et fait écho à la démarche entreprise par votre rapporteure. Néanmoins, elle pose la question de la visibilité de la liste d’opposition (Bloctel souffre d’un manque criant de publicité auprès des français) tout en créant certaines réticences marquées chez les professionnels du secteur qui y voit un coup potentiellement porté à leur écosystème.


Votre rapporteure est consciente de l’empilement législatif des derniers années – et que regrettent les professionnels du secteur du démarchage, le SP2C l’a souligné – et vise à instaurer un cadre de travail précis pour créer des relations commerciales claires et sereines. Le constat actuel est que le cadre législatif entourant le démarchage ne l’est pas.

Un autre élément à intégrer à l’initiative promue par votre rapporteure est l’implication d’acteurs permettant la coopération. Le Conseil national de la consommation n’a pas agi depuis son analyse de 2019 sur la question du démarchage téléphonique. Il serait pertinent qu’il puisse se réunir chaque année pour évaluer la situation dans le domaine et faire des préconisations sur la base des retours d’expériences provenant à la fois des professionnels et des consommateurs. Le paritarisme de l’organisme en fait un relais efficace de l’action publique.

D’ailleurs, la coopération évoquée mérite d’être également recherchée dans les relations entre certains acteurs publics, notamment entre l’ARCEP et la DGCCRF. Le sujet avait été évoqué dans le cadre de travaux du groupe de travail du CNC. C’est un élément qui doit être ajouté à toute démarche législative pour éviter un fonctionnement en silos qui nuit à la cohérence globale.

La mise en place d’un seul et même régime juridique pour tous les types de prospections commerciales non sollicitées, fondé sur le recueil du consentement des personnes à être démarchées, pourrait permettre de renforcer la protection de leurs données à caractère personnel, sous réserve de mettre en place un dispositif effectif.

Pour autant, l’atteinte de l’objectif poursuivi dépendra des modalités concrètes de mise en œuvre d’une potentielle évolution du cadre juridique applicable et notamment de la capacité pour les autorités compétentes – dont la CNIL – de contrôler et sanctionner de manière effective les acteurs ne respectant pas cette réglementation.

De même, lorsque les services de la CNIL ont connaissance d’enquêtes / de contrôles menés par d’autres administrations auprès d’organismes, les services invoquent les dispositions de l’article 19 de la loi « informatique et libertés » pour obtenir communication des éléments alors que beaucoup d’administrations disposent d’un pouvoir propre. À cet égard, une modification de la loi pourrait utilement lever toute ambigüité en précisant que la CNIL, lorsqu’elle a connaissance d’éléments utiles ou de contrôles menés par d’autres autorités ou organismes pouvant intéresser l’une de ses procédures, puisse solliciter la communication de documents.

Cette utile collaboration entre administrations a également été évoquée lors de l’audition de la DGCCRF par votre rapporteure. Les personnes auditionnées ont souligné que la coopération avec l’ARCEP permettrait d’agir plus efficacement contre le démarchage abusif et les appels frauduleux.

Enfin, dans le cadre l’évolution du cadre juridique applicable, un bilan des dispositifs pratiques existant pourrait être mené. Ce bilan aurait vocation à identifier ce qui peut être amélioré, les raisons pour lesquelles les consommateurs n’utilisent que peu les dispositifs en vigueur et surtout, pourquoi les professionnels ne les respectent pas suffisamment.

B.   L’abandon possible du projet de règlement dit e-privacy rend nécessaire l’utilisation d’un nouveau véhicule juridique À travers la modification de la directive relative À la pRotection des consommateurs

Le législateur européen a laissé chaque État membre libre d’opter pour le régime juridique qui lui semblait le plus approprié en matière de démarchage téléphonique et de protection des données à caractère personnelle.

Cependant, l’évolution des technologies au cours des vingt dernières années a justifié de modifier la directive de 2002 dite ePrivacy. Force est de constater que les services utilisés à des fins de communication et les moyens techniques de leur fourniture ont considérablement évolué depuis la directive ePrivacy.

Les législateurs européens ont considéré que le démarchage téléphonique « semi-automatisé » permet aujourd’hui de cibler un plus grand nombre de personnes pour des couts moins élevés et justifie l’application d’un régime de consentement (« opt-in ») sur le même régime que la prospection commerciale par voie électronique incluant le démarchage par automate d’appel.

Les législateurs européens ont justifié la différence de régime applicable à la prospection par voie électronique (« opt-in ») et à la prospection par les autres moyens de prospection (« opt-out ») par le niveau de nuisance des moyens utilisées pour prospecter :

Cette situation est d’autant plus regrettable qu’elle favorise d’une part, une fragmentation du marché intérieur qui s’inscrit en contradiction avec le chemin parcouru depuis les années 1990 et, d’autre part, elle est insuffisamment protectrice des données personnelles alors même que l’Union européenne s’est affirmée comme championne en la matière sur la scène mondiale avec le RGPD.

La Commission européenne a proposé en 2017 un nouveau projet de règlement sur la vie privée et les communications électroniques. Cette initiative législative fait suite à un bilan de l’application de la directive de 2002 dite « vie privée et communications électroniques ».

Si ses principes et son champ d’application restent pleinement pertinents, l’évolution technologique intervenue depuis rend nécessaire l’adaptation de ce texte aux nouvelles réalités constatées. Le projet de règlement présenté par la Commission avait pour objectif de remplacer la directive de 2002.

Malheureusement, les négociations au niveau des institutions européennes n’ont pas permis de faire émerger un consensus à même de réunir le nombre de voix nécessaires pour voter la proposition de texte modifiée et permettre son entrée en vigueur.

Présenté en parallèle du RGPD, qui a lui achevé son parcours législatif, le projet de règlement constitue une lex specialis vis-à-vis de ce dernier.

En modernisant le cadre de protection des données, en tenant compte de l’élargissant des acteurs et en garantissant une meilleure protection des données, ce texte constituait un véhicule juridique appropriée pour traiter de la question de l’optin.

D’ailleurs, le paragraphe 4 de l’article 16 du projet de règlement comporte des dispositions relatives au démarchage téléphonique : « Sans préjudice du paragraphe 1, les États membres peuvent prévoir, par des mesures législatives, que les appels vocaux de prospection directe adressés à des utilisateurs finaux qui sont des personnes physiques ne sont autorisés que si ces derniers n’ont pas exprimé d’objection à recevoir ces communications. »

Cette formulation impose ainsi un système d’opt-in dans le cadre des communications électroniques tout en laissant la possibilité aux États d’appliquer le régime souhaité lorsqu’il s’agit du démarchage téléphonique. Votre rapporteure a vu dans cette proposition de règlement une occasion de renouveler le débat et de pousser les autorités françaises à changer de paradigme.


 

La proposition de règlement ePrivacy :des négociations bloquées au niveau européen

La proposition de règlement « ePrivacy », proposée par la Commission européenne (CE) en 2017, visait à remplacer la directive afin notamment d’établir des règles harmonisées au sein de l’Union européenne. Malheureusement, les négociations au niveau européen n’ont pas abouti compte tenu, notamment, de la priorité donnée au paquet numérique sur ces dernières années (DMA, DSA, DGA, etc.). 

La proposition de règlement « ePrivacy » (article 16) – tant le texte de la proposition de la CE en 2017 que le mandat de négociation du Conseil en 2021 – proposait de :

  • Maintenir le principe du consentement (« opt-in ») pour le démarchage par voie électronique, sauf exceptions ;
  • Étendre ce principe au démarchage téléphonique « semi-automatisé » (système avec une composition automatisée qui relie la personne appelée à une personne physique).

La proposition de règlement laissait toutefois, aux Etats-membres, la possibilité de créer et/ou de maintenir un système d’« opt-out » pour le démarchage téléphonique non automatisé compte tenu du fait qu’ils sont plus onéreux pour l'émetteur et n'imposent pas de charge financière à l'utilisateur final.

Dès lors que les négociations ne progressent pas et que la dernière version du texte maintient une position non-interventionniste, votre rapporteure ne peut que constater que le texte n’est pas à même de changer la donne.

La Commission européenne a publié ([8]) le 3 octobre 2024 les conclusions de son bilan de qualité sur l’équité numérique qui évalue si la législation européenne actuelle en matière de protection des consommateurs est adaptée à sa finalité consistant à garantir un niveau élevé de protection dans l’environnement numérique.

Le bilan de qualité porte sur les cinq critères d'évaluation clés précisés dans les lignes directrices pour une meilleure réglementation, à savoir :

Le bilan de qualité a concerné trois directives : la directive sur les pratiques commerciales déloyales, la directive sur les droits des consommateurs et la directive sur les clauses abusives dans les contrats. Le bilan souligne que les règles sont pertinentes et nécessaires pour garantir la protection adaptée aux consommateurs et un fonctionnement efficace du marché unique numérique.

Parmi les conclusions du bilan de qualité est mis en avant la fragmentation des législations nationales. L’application insuffisante, l’insécurité juridique, le risque croissant de fragmentation réglementaire entre les approches nationales des États membres et le manque d’incitations pour les entreprises à viser le niveau de protection le plus élevé sont mis en exergue par le bilan.

Pourtant, malgré ces différents éléments qui correspondent à la situation des deux régimes juridiques en matière de démarchage téléphonique au niveau européen, cette question ne figure pas à l’ordre du jour.

C’est pour cette raison que votre rapporteure souligne la nécessité de modifier la directive relative aux droits des consommateurs. Ce texte contient plusieurs dispositions relatives aux contrats et aux modalités de remboursement et de rétractation. Il prévoit également une disposition spécifique s’agissant du démarchage téléphonique relatif à la validité d’un contrat proposé mais dont seule la signature effective peut engager le consommateur.

Dès lors que le démarchage téléphonique est précisément traité par le texte, votre rapporteure considère qu’il est particulièrement opportun d’y insérer un régime juridique unique favorable aux consommateurs en faisant de l’opt-in la règle de droit commun en matière de démarchage téléphonique. Il en va d’une part de la cohérence, puisque SMS et courriels sont déjà sous l’empire de ce régime, et d’autre part de la protection la plus élevé pour le consommateur qui doit être la finalité.

La révision de cette directive avait été envisagée à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne pendant le premier semestre 2022. La Commission l’envisage depuis plusieurs années et la présidence française a été l’occasion de présenter un projet révisant deux directives dont celle de 2011. Une lecture de l’intégralité de la proposition législative a eu lieu en groupe de travail mais depuis les travaux n’ont pas avancé

Votre rapporteure souhaite que cette initiative particulièrement opportune soit encouragée par les pouvoirs publics, et singulièrement les autorités françaises, afin de faire advenir le régime unique en matière de démarchage téléphonique. Ce sera un progrès pour les consommateurs et aussi une sécurité juridique pleine et entière pour les entreprises soumises à des règles simples et claires.

Une telle harmonisation serait en outre la garantie de l’inexistence de distorsions de concurrence actuellement existantes en raison des différents régimes juridiques existants entre les États membres s’agissant du démarchage téléphonique. Le marché unique est un grand acquis qu’il convient de sauvegarder et d’améliorer.

Enfin, la directive relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises présente elle aussi un intérêt puisqu’elle contient d’ores et déjà une mention relative aux sollicitations répétées et non désirées par moyen de communication à distance à des fins commerciales.

Focus :
la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises

La directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur prévoit – dans son Annexe 1 – une liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances.

Cette liste unique s'applique dans tous les états membres et ne peut être modifiée qu'au travers d'une révision de la présente directive. Parmi ces pratiques figure au 26) le fait de se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance, sauf si et dans la mesure où la législation nationale l'autorise pour assurer l'exécution d'une obligation contractuelle.


   CONCLUSION

Le démarchage téléphonique est une activité dont la plus-value est certaine et documentée pour les entreprises la pratiquant. Elle est source d’emplois et permet aux entreprises de faire grandir leurs activités.

Cependant, la dimension abusive, parfois illégale, d’une part conséquente de cette activité nécessite une action de la part du législateur qui est garant des droits des citoyens, en l’espèce des droits des consommateurs.

Les évolutions législatives intervenues ces dernières années ne permettent d’assurer le niveau de protection indispensable rendant par-là nécessaire la mise en place d’un système d’opt-in dont il a été démontré avec le RGPD qu’il pouvait tout à fait fonctionner sans nuire à l’écosystème entrepreneurial.

L’échelon européen est le plus pertinent s’agissant du marché unique et des risques de fragmentations que font peser des législations nationales non harmonisées. Il convient de faire advenir une modification législative pour enfin disposer d’une doctrine d’intervention unique et protectrice de chacun.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 13 novembre 2024, sous la présidence de M. président Pieyre-Alexandre Anglade, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Mes chers collègues, je propose que nous commencions notre réunion avec - comme premier point de l’ordre du jour- l’examen d’une proposition de résolution européenne invitant le gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime de démarchage téléphonique au niveau européen.

Cette proposition nous est présentée par notre collègue Louise Morel que je remercie pour ce travail et suis très heureux de retrouver à nouveau dans notre commission dont elle était un membre actif dans la précédente législature.

Mme Louise Morel, rapporteure. À mon tour, je souhaite exprimer tout le plaisir qui est le mien de revenir dans cette commission dans laquelle j’ai eu plaisir à siéger lors de la dernière mandature et au sein de laquelle je suis ravie de présenter cette proposition de résolution européenne.  

Je voudrais commencer par souligner un paradoxe sur le thème du démarchage téléphonique. D’un côté, ce sont les mots d’agacement, d’irritation, de frustration — les adjectifs ne manquent pas — dans la bouche de nos concitoyens lorsque nous les interrogeons sur le démarchage téléphonique. De l’autre, de la part des acteurs du démarchage eux-mêmes, nous entendons : « Nous en avons assez que cette image nous soit systématiquement renvoyée. » C’est ce qu’une des personnes auditionnées nous a déclaré à l’occasion des auditions. 

Ce sont deux perceptions qui, a priori, semblent opposées mais qui sont en réalité deux faces d’un même problème : celui d’une activité légale qui produit de l’emploi, de l’insertion, mais dont, malheureusement, certaines dérives répétées ont fini par entacher la réputation. 

Concernant la genèse de ce projet j’ai été interpellée dans ma circonscription, comme nombre d’entre vous certainement, sur les effets nocifs du démarchage téléphonique lors des élections législatives de 2022 et de 2024. Une habitante de la circonscription m’a ainsi raconté que sa mère, croyant répondre à un appel d’un de ces petits-enfants, s’est précipitée pour prendre le téléphone a chuté. Bien entendu, il s’agissait une nouvelle fois de démarchage intempestif. Cette chute a entraîné une invalidité qui l’a depuis empêché de remarcher normalement.  Cette situation n’est bien entendu pas admissible, et les citoyens attendent de nous, les législateurs, que nous agissions concrètement contre ce fléau. Lors de la 16e législature, j’avais déjà entamé quelques travaux sur le sujet, et c’est donc assez logiquement que je les reprends aujourd’hui.

À présent, je voudrais évoquer quelques initiatives du législateur qui ont eu lieu ces dernières années. Elles ont été nombreuses, et vous les avez peut-être étudiées dans le rapport qui vous a été transmis. 

En premier lieu, la prospection commerciale par téléphone a considérablement évolué depuis ses débuts. C’est au cours des « Trente Glorieuses » que s’est déployé le téléphone fixe dans de nombreux foyers. Le régime juridique français est paradoxalement resté relativement inchangé. Il repose toujours sur le consentement par principe, qui est désigné par l’appellation d « optout ». Cela signifie que le consommateur peut être démarché dès lors que le professionnel respecte la législation en vigueur. 

À partir des années 90, et face à la multiplication de certaines dérives, le législateur a décidé d’agir. Ainsi, la multiplication des appels — trois, quatre fois par jour — pour des ventes de panneaux solaires, de forfaits téléphoniques, etc., a atteint une telle frénésie qu’il n’était plus possible de laisser ce sujet de côté. Les associations de consommateurs nous ont beaucoup interpellés à ce sujet. Les enquêtes menées ont fait état d’un sentiment de profonde irritation.

Je voudrais mentionner trois initiatives qui ont permis de faire évoluer le cadre juridique du démarchage. Tout d’abord est mis en place le système dit Bloctel en 2014. Cette liste d’opposition téléphonique a constitué en son temps une avancée majeure. En l’espace de quelques mois, plusieurs millions de citoyens se sont inscrits sur cette plateforme, qui relève du ministère de l’Économie, dans l’espoir que les appels incessants seraient enfin modérés. Aujourd’hui, cinq millions de nos concitoyens y sont abonnés, et chaque mois, près d’un milliard de numéros frauduleux ou relevant du démarchage illégal sont retirés.

C’est beaucoup, mais ce n’est pas suffisant au regard des remarques que nous recevons encore de nos concitoyens. La difficulté du dispositif Bloctel à être efficient se trouve, notamment, dans l’insuffisante utilisation du système par les entreprises, ainsi que dans le cout de traitement des listes de numéro sur la liste rouge. Plus encore, le développement de pratiques frauduleuses et l’usurpation de numéros, pour lesquelles Bloctel à l’origine n’a pas été conçu, a créé une immense déception. Les appels perturbent le travail. Certains publics sont particulièrement vulnérables face au phénomène. Cela rendait nécessaire une nouvelle action publique. 

La deuxième initiative que je souhaite évoquer est celle de notre collègue Pierre Cordier, que je salue. En 2018, un texte a été étudié à l’Assemblée nationale. Mais à l’époque il y avait beaucoup d’inquiétude de la part du secteur du démarchage sur sa pérennité et la mise en danger de plusieurs dizaines de milliers d’emplois qui n’ont pas permis à la réflexion d’arriver à maturité. Il n’a donc ainsi pas été possible de mettre en place un système de non-consentement par défaut dit « opt-in ». 

Ce système, critiqué par certains professionnels en France, est pourtant déjà utilisé par plusieurs de nos voisins et au niveau européen, c’est celui qui prévaut aujourd’hui pour plusieurs catégories de données personnelles, comme les SMS ou les courriels, notamment depuis la mise en place du règlement général sur la protection des données personnel. Il convient de souligner que la législation européenne a suivi un mouvement que la France avait elle-même initié à travers la loi de 1978, dite loi Informatique et libertés. 

Enfin, la troisième initiative que je souhaite relever est la proposition de loi portée par notre collègue Christophe Naegelen en 2020. Ce texte a considérablement encadré les démarches commerciales dans plusieurs domaines : l’assurance, la téléphonie par la suite, la rénovation énergétique ou encore les pratiques frauduleuses relatives au compte personnel de formation. Cette loi a renforcé les sanctions financières et a contribué à sensibiliser le secteur du démarchage sur l’ampleur de ce phénomène.

Néanmoins, en dépit de toutes ces initiatives, nous constatons, après plusieurs années de mise en place du dispositif, qu’il reste en deçà des attentes et des souhaits des consommateurs. La parlementaire que je suis peux en témoigner : je reçois chaque semaine plusieurs appels de démarcheurs et encore quelques minutes avant d’entrer dans cette commission. Il n’est pas difficile de ressentir de l’agacement face à ces intrusions répétées. 92 % des consommateurs sont profondément irrités par le démarchage abusif comme le rappelle l’étude de l’UFC‑Que Choisir. C’est au moins quatre appels par semaine qui sont à dénombrer et, pour les publics vulnérables - notamment les personnes plus âgés - ce chiffre et encore plus important. Chacun d’entre nous est conscient que toutes ces interruptions, notifications, appels sont devenus une plaie qui perturbe et nuit à notre santé. Et comme si le téléphone fixe ne suffisait pas, nous constatons un démarchage illégal grandissant par le biais du téléphone mobile.

Face à cette situation, il est évident que les moyens actuels de contrôle et de sanction ne parviennent pas à enrayer le phénomène. Il est temps, je crois, de franchir une nouvelle étape et de basculer vers un système « d’opt-in ». C’est ce que je souhaite défendre aujourd’hui. 

Tout d’abord, je voudrais ajuster ma proposition initiale. Originellement, je souhaitais rattacher ces travaux à la directive sur la vie privée et les communication personnelle de 2002, c’est-à-dire la directive dite « ePrivacy ». En effet, la Commission européenne envisageait une révision de ce texte pour l’adapter aux nouvelles innovations technologiques. Une proposition législative, sous la forme d’un règlement, avait ainsi été présentée en 2017. Mais sept ans après le début de ces travaux, nous ne pouvons que constater l’enlisement des négociations. Il est d’ailleurs fort probable que la proposition soit finalement retirée en raison des blocages. C’est la raison pour laquelle j’ai préféré rattacher la proposition de résolution européenne à la directive relative à la protection des consommateurs de 2011. Je voudrais aussi souligner que je suis consciente que l’écosystème entrepreneurial du démarchage a permis la création par la France dans ce domaine de « champions » au niveau mondial. Pourtant, nous ne pouvons plus ignorer ses abus, et plus encore aujourd’hui face au développement de systèmes technologiques de plus en plus redoutables, notamment avec l’arrivée de l’intelligence artificielle. Cela été souligné par plusieurs acteurs. Il y aura également un amendement sur ce point.

Enfin je voudrais vous faire part de ma conviction. Nous devons agir au niveau européen sur ce sujet sans pour autant délaisser la question au niveau français. 92 % des Français sont favorables à des évolutions en la matière et au sein de notre Assemblée il y a un consensus en faveur d’une évolution en ce sens. À nouveau, je vais mentionner mon collègue Pierre Cordier qui a déposé une proposition de loi en la matière le mois dernier C’est également le cas du sénateur Verzelen. Je souhaite engager une réflexion au niveau de la commission des affaires européennes et, après avoir auditionné un certain nombre d’acteurs sur ce sujet - consommateurs, professionnels, administration publique - je me sens vraiment confortée dans cette nécessité de basculer vers un système d’ « opt-in ». C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité déposer cette proposition de résolution européenne que, je l’espère, vous soutiendrez.

 

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

 

M. Pierre Cordier (DR). Madame la rapporteure les mots que vous avez employés sont exactement ceux que j’ai utilisés en 2018, lorsque j’ai eu l’honneur de défendre, au nom du groupe les Républicains, une proposition de loi concernant le démarchage téléphonique. Cette proposition visait précisément à instaurer ce que vous venez d’évoquer, à savoir le système de « l’opt-in ». 

Je dois souligner la déception qui avait été la mienne puisque la majorité d’alors avait été difficile à convaincre en dépit du fait qu’il s’agit d’un sujet transpartisan. Ce que vous entendez aujourd’hui dans votre circonscription correspond à ce que nos collègues et moi-même entendions déjà en 2018.

Madame la rapporteure, je me réjouis que les choses évoluent et qu’il est possible d’avoir maintenant une approche sur le sujet qui ne soit ni manichéenne, ni binaire. Cela va dans le bon sens, celui de l’amélioration du quotidien de nos concitoyens. Car, ce démarchage téléphonique empoisonne véritablement leur vie.  

Naturellement, je soutiendrai cette démarche. Vous avez rappelé qu’avec mon collègue Di Filippo, nous avions déposé une proposition de loi pour pouvoir évoluer le cadre légal français sur le démarchage téléphonique.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je peux d’autant plus analyser les travaux qui ont été réalisés à l’époque que je n’étais pas encore élue en 2018. Étant députée alsacienne, j’observe ce qui se fait en Allemagne où le système est celui de « l’opt-in ». A partir du moment où j’ai été élue, j’ai souhaité engager des travaux de manière transpartisane et avec une vision particulièrement européenne. Je ne peux pas revenir sur les débats d’alors, qui plus est à une époque où je n’étais pas membre de cette assemblée. Mais pour prolonger le débat, je veux indiquer pourquoi j’ai engagé ces travaux au sein de la commission des affaires européennes. Même si je salue les initiatives nationales, je pense qu’à terme, nous aurions intérêt à obtenir une harmonisation à l’échelle européenne. Si l’Europe promouvait l’optin

Mme Manon Bouquin (RN). Le démarchage téléphonique s’apparente de plus en plus à un harcèlement caractérisé et nos concitoyens en sont exaspérés. Les premières victimes sont les individus vulnérables, à savoir les personnes âgées ou isolées. Le mécanisme Bloctel ne suffit pas à enrayer ce démarchage non-souhaité: près de la moitié des inscrits continuent de recevoir des appels indésirables. Bloctel n’a pas été doté de moyens suffisants pour être pleinement efficace en particulier pour repérer et sanctionner les contrevenants. 

Les consommateurs continuent d'être victimes d’une sollicitation continue. Comme le souligne un rapport du 22 février 2019 du Conseil national de la consommation, près de 40 % des démarchages téléphoniques proviennent de centres localisés hors du territoire national. Attendre une énième décision de l’Union européenne pour protéger nos concitoyens contre la sur-sollicitation et la fraude ne suffit pas. C’est le sens de l’amendement que nous avons déposé: nous souhaitons agir tout de suite à l’échelle française et interdire le démarchage depuis des centres d’appel à l’étranger. 

Les administrations nationales comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), l’Autorité de Régulation de communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) ou la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne coordonnent pas assez leur travail pour détecter et sanctionner les fraudeurs: la moitié des entreprises qui réalisent du démarchage téléphonique enfreignent les règles. De son côté, le consommateur ignore souvent comment signaler des pratiques abusives. Il faut simplifier ces procédures de signalements et renforcer les contrôles à l’égard des entreprises.

À l’heure où la sollicitation numérique explose et où l’intelligence artificielle complexifie les arnaques, nous ne pouvons plus laisser les Français les plus vulnérables être la proie de démarcheurs insistants et parfois malveillants. 

Mme Louise Morel, rapporteure. Je suis d’accord avec vous concernant le harcèlement caractérisé que vous évoquez. Concernant le mécanisme Bloctel, il est vrai qu’il connaît des failles mais le législateur a essayé de faire au mieux avec les moyens dont il disposait. Toutefois, le système de l’opt-out fait reposer toutes les démarches sur le consommateur : c’est à lui de s’inscrire sur Bloctel, c’est à lui d'alerter la DGCCRF etc. 

Ce que nous souhaitons, c’est inverser cette tendance et favoriser l’opt-in en considérant que le consommateur refuse, par principe, le démarchage téléphonique.

Concernant les centres d’appel hors du territoire national, je propose que nous en discutions, le temps venu, lors de l’examen des amendements.

Mme Liliana Tanguy (EPR). La proposition de résolution européenne vise à lutter contre le démarchage téléphonique. Elle a pour but d’inciter l’Union européenne à instaurer des règles harmonisées concernant l’opt-in, mécanisme qui met à l’honneur la notion de consentement. L’article 16 de la proposition de règlement du 10 janvier 2017 concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques et abrogeant la directive 2002/58/CE (ePrivacy), prévoit que, par défaut, la prospection directe par voie téléphonique est uniquement autorisée auprès de ceux y ayant consenti. Néanmoins, cet article laisse la possibilité aux États de choisir le modèle de l’opt-out et de permettre le démarchage téléphonique à tous ceux qui n’ont pas exprimé d’objection à ces appels.

Le groupe Ensemble pour la République soutient une harmonisation maximale des législations des États membres en matière de démarchage téléphonique. Nous rappelons qu’en pratique, le système de l’opt-in est confronté aux mêmes difficultés que l’opt-out: les professionnels qui contactent une personne inscrite sur une liste d'opposition au démarchage risquent de ne pas respecter davantage une interdiction généralisée de cette pratique. 

C’est pourquoi nous défendons la possibilité pour les États membres d’interdire le démarchage téléphonique dans des secteurs d'activité tels que la rénovation énergétique ou l’adaptation des logements pour les personnes handicapées et les personnes âgées. Il y a trois semaines, le tribunal de Rennes a déclaré contraire au droit de l’Union la disposition nationale interdisant le démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique. À notre sens, ce jugement rend urgente la nécessité de sécuriser juridiquement la possibilité pour un État d’interdire le démarchage dans des secteurs fréquemment liés à des pratiques abusives. 

Mme Louise Morel, rapporteure. Je partage votre volonté de créer des règles harmonisées au niveau européen. Concernant la réglementation ePrivacy à laquelle vous faites référence, j’ai indiqué dans mon propos liminaire qu’il semble difficile de rattacher cette proposition de résolution à cette réglementation au regard de l'opposition de la nouvelle Commission européenne à réviser la directive 2002/58/CE et à adopter la proposition de règlement à laquelle vous faites référence. Nous souhaitons dès lors rattacher cette proposition de résolution européenne aux réglementations concernant la protection des consommateurs pour rendre les bases de cette proposition plus robustes.

Au sujet de l’opt-in et de l’interdiction du démarchage dans certains secteurs d'activités que vous mentionnez, il semble important de mentionner que la loi Naegelen du 24 juillet 2020 le prévoit déjà. Pour compléter vos propos, je souhaite citer le jugement récent rendu par le tribunal de Rennes qui dispose que “la législation traite le démarchage téléphonique comme une pratique commerciale devant être réputée déloyale en toute circonstance et que cette pratique n’étant pas interdite comme telle à l'annexe de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, l’État français n'a pas le droit de l'interdire”. Ce jugement très récent est en cours d’analyse par la DGCCRF et illustre bien l’utilité du renforcement du cadre européen que nous portons à travers cette proposition de résolution européenne. 

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Le démarchage téléphonique est un fléau dans notre pays. L’observatoire de la consommation d’UFC-Que Choisir note qu’en 2023, les ¾ des Français sont victimes chaque semaine de démarchage sur leur portable: 38 % le sont tous les jours et 49 % reçoivent un SMS de démarchage par semaine. En réalité, 97 % de nos concitoyens se disent très agacés par ces appels intempestifs. Les effets néfastes de ce démarchage sont nombreux et des études montrent qu’il provoque du stress, viole la vie privée, conduit à une perte de confiance dans les outils numériques et pousse à l’isolement. C’est notamment observable chez les personnes âgées qui refusent désormais de répondre au téléphone et sont la première cible de ce secteur. Compte tenu de ces effets, il serait utile d’aller encore plus loin dans notre démarche en tant que législateur.

Plusieurs lois ont été adoptées depuis 1989 dans ce domaine et l’apparition de Bloctel en 2010 n’a malheureusement pas permis d’apporter de meilleures solutions à cette problématique: la moitié des personnes inscrites reconnaissent qu’il ne fonctionne pas et 81 % de nos concitoyens considèrent le dispositif comme inefficace. 

Le groupe LFI propose de tirer les conséquences de ces échecs en interdisant de manière pure et simple le démarchage téléphonique pour instaurer un droit à la tranquillité, comme mentionné dans un des amendements que nous avons déposés. Les secteurs essentiellement concernés par le démarchage téléphonique sont ceux qui peuvent s’en passer: à titre d’exemple, la rénovation thermique et le compte personnel de formation sont interdits de pratiquer du démarchage téléphonique. 

Nous reconnaissons toutefois que votre proposition d’opt-in constitue un premier pas vers le consentement, qui est essentiel dans ce domaine. Pour mieux détecter la fraude, j’ai déposé un amendement visant à augmenter les moyens financiers de l’ARCEP afin de lui permettre de réaliser plus de contrôles.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je vous remercie d’avoir rappelé tous ces chiffres qui illustrent l’agacement de nos concitoyens. Vous avez rappelé, à juste titre, que le démarchage ne s’effectue plus uniquement sur les téléphones fixes mais aussi sur les portables, ce qui montre l’évolution de cette pratique. Le cadre européen tel qu’il existait à l’origine de cette réglementation était différent selon les États membres: certains avaient un système d’opt-out et d’autres d’opt-in. À cette époque, le démarchage par voie téléphonique coûtait cher et il n’avait pas été anticipé qu’il puisse se démocratiser et se développer massivement. C’est pour cela que nous n’avions pas défini de règles strictes concernant le démarchage. Anticiper les évolutions technologiques est essentiel, c’est la raison pour laquelle je propose un amendement sur l’intelligence artificielle, sujet en constante évolution. 

Toutefois, je ne suis pas favorable à l’interdiction globale que vous proposez. Premièrement, je ne suis pas contre la relation clientèle par téléphone dès lors qu’elle est consentie: cette PPRE est articulée autour de la notion de consentement. Deuxièmement, cela reviendrait à censurer beaucoup d'acteurs du démarchage téléphonique qui exercent leur travail dans le cadre légal. Ils ne devraient pas être pénalisés au même titre et au nom de ceux qui ne respectent pas les lois. Il me semble important de rappeler que 18 % de nos concitoyens sont en situation d'illectronisme. Pour ces derniers, l’appel téléphonique peut être essentiel, notamment dans des territoires isolés.

M. Pascal Lecamp (Dem). La question du démarchage téléphonique est plus complexe qu’elle n’en a l’air. Le groupe Démocrates est convaincu que le choix fait par la rapporteure de défendre le système de l’opt-in est le plus judicieux. Il permet de protéger nos concitoyens contre des nombreux appels intrusifs et anxiogènes, tout en laissant la possibilité aux entreprises d’aller de manière vertueuse vers le citoyen qui le souhaite. Notre collègue fait aussi le choix de porter ce thème à l'échelle européenne, ce qui semble particulièrement adapté. Cette proposition, si elle était adoptée, marquerait une amélioration notable pour tous les consommateurs européens ainsi que pour les opérateurs téléphoniques et centres d’appels qui sont souvent confrontés à des réponses impolies, parfois insultantes, de la part de consommateurs excédés. Elle permettrait aussi de mettre en œuvre un système de contrôle et de sanction européens plus efficace en intégrant mieux le rôle de la DGCCRF et de ses équivalents. 

Néanmoins, comme le note la rapporteure, il restera des opérateurs peu scrupuleux qui continueront à appeler nos concitoyens sans leur consentement. En Allemagne, le système de l’opt-in a permis une augmentation et une systématisation des recours portés devant l'autorité de protection des consommateurs. Le groupe Démocrates estime que ce projet permettra de faire cesser cette pratique et, en tout cas, de diminuer notablement un problème qui est quotidien pour chacun d’entre nous. 

Mme Louise Morel, rapporteure. Je vous remercie d’avoir souligné le caractère européen de cette proposition et d’avoir rappelé que les premières victimes sont les démarcheurs qui respectent les règles. Notre rôle de législateur est également de protéger ceux qui travaillent dans des centres d’appel, qui sont majoritairement des femmes et des publics vulnérables. J’ai auditionné une dame dont c’était le métier et qui m’a confié ce message : “cela me fatigue l’image que cela renvoie de ma profession”. Je crois que c’est cela que nous devons garder en tête: pousser pour adopter un cadre harmonisé de l’opt-in à l’échelle européenne, condamner fermement celles et ceux qui ne respectent pas le cadre légal et protéger celles et ceux qui font correctement leur travail. 

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous en passons à l’examen des amendements.

Amendement n° 7 de Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Une nouvelle réglementation de l’ARCEP est entrée en vigueur le 1er août 2019 permettant de lutter plus efficacement contre les appels et les messages non sollicités. Cette réglementation a permis d’interdire l’utilisation d’un numéro français pour les appels provenant de l’international et de trier beaucoup plus facilement les appels non désirés, bien que cela ne soit pas suffisant, comme peuvent le constater la majorité des Français. Je propose donc de faire mention de l’ARCEP dans ce texte puisque, comme le mentionne votre rapport, la coordination entre les différentes administrations doit être améliorée. L’ARCEP est partie prenante dans la lutte contre les démarchages téléphoniques et est en lien avec les régulateurs des autres États membres à travers l’ORECE, l’organe des régulateurs européens des communications électroniques.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je comprends votre idée consistant à rappeler la nécessité d’une meilleure communication entre les acteurs. Ce qui nous a été recommandé est notamment une meilleure coordination entre l’ARCEP et la CNIL, puisque dès que l’on est dans une logique de sanctions, il faut lever un certain nombre de freins, ce qui fera peut-être l’objet d’un débat national.

Pour autant, s’agissant de l’amendement, la numérotation mise en place par l’ARCEP vise à lutter contre les numéros frauduleux mais ne concerne pas l’origine géographique de l’appel, élément qu’aucun acteur n’a souligné. Parmi les acteurs se trouvant sur le territoire national, certains font bien leur travail et d’autres ne respectent pas les règles. Ce sont eux qu’il faut sanctionner, indépendamment d’une logique géographique et sans jeter l’opprobre sur les acteurs étrangers, notamment parce que nous réfléchissons ici à l’échelle européenne. L’avis est donc défavorable car je ne souhaite pas que soit faite cette distinction d’après la nationalité.

L’amendement n° 7 est rejeté.

Amendement n° 4 de Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement vise à prendre acte de l’échec des régulations successives mises en place au niveau national. Nous proposons donc tout simplement l’ajout d’un considérant.

Mme Louise Morel, rapporteure. L’avis sera défavorable car je crois excessif le constat dressé par cet amendement qui laisse penser qu’aucune législation n’est à même de réguler le démarchage intempestif et que la seule voie envisageable serait l’interdiction absolue. Comme je l’ai déjà dit, je crois que le système de l’opt-in serait déjà une très belle avancée. Je vous suggère de retirer cet amendement.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Vous faites dire à mon amendement ce qu’il ne dit pas. Le considérant ne fait que prendre acte de l’inefficacité des démarches précédentes.

L’amendement n° 4 est rejeté.

Amendement n° 5 de Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement vise – pour de bon cette fois-ci – à interdire le démarchage téléphonique. Nous fabriquons une législation à tiroirs et à étages, de sorte que les acteurs économiques s’engouffrent dans toutes les failles que nous leur laissons. Nous pouvons bien sûr continuer à limiter la pratique du démarchage téléphonique en raison de son origine géographique ou en lui imposant une fréquence maximale pour chaque commanditaire. Nous pouvons tout imaginer, mais nous savons qu’ils inventeront des moyens de persister.

Or, quand 97 % des personnes interrogées disent être agacées ou fatiguées par cette pratique, il reste 3 % de ces personnes qui ne le sont pas et qui s’inscriront sur la liste d’opt-in. Mais je peux vous garantir que si l’on refait ce sondage un an plus tard, elles diront qu’elles n’en peuvent plus. Je propose donc d’arrêter d’accumuler les législations en permettant au secteur de les contourner et de prendre la seule mesure permettant réellement de protéger nos concitoyens.

Mme Louise Morel, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat. Si nous adoptions votre proposition, cela contredirait les objectifs de cette proposition de résolution européenne pour laquelle un certain nombre d’acteurs ont été consultés. Vous proposez de pénaliser tout un secteur en raison de la dérive de certains de ses membres qui sont certes agaçants, mais nous entrons là dans une logique entièrement punitive alors que certains acteurs respectent les règles. L’interdiction absolue nuit par ailleurs à la sécurité juridique car elle peut être considérée comme une entrave à l’activité des entreprises. Comme nous avons eu l’occasion de le mentionner avec Mme Tanguy, je me réfère à la décision récente du tribunal administratif de Rennes qui a déclaré contraire au droit européen la disposition nationale interdisant le démarchage téléphonique. Nous pourrons certainement revenir sur ce sujet à propos d’une proposition de loi, mais au niveau européen, cela créerait trop de fragilités. L’avis est défavorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). C’est un amendement d’appel. Je comprends les enjeux et l’influence que peut avoir le secteur, par exemple le syndicat professionnel des centres de contact, mais ils sont parfaitement capables d’imaginer d’autres formes de publicité et de démarchage que celle qui s’appuie sur le téléphone et qui est plus que problématique aujourd’hui. S’agissant de la décision du tribunal de Rennes, mon groupe est partisan de désobéir au droit européen quand il n’est pas dans l’intérêt de nos concitoyens. Je n’ai aucune crainte à ce sujet. Il faut tout de même que le secteur sache que nous pouvons aller vers l’interdiction s’il n’est pas capable de s’autolimiter dans ses pratiques. En tant que représentants de la nation et du peuple français, nous sommes très agacés car ils ne font pas les efforts nécessaires. Au contraire, ils utilisent les appels automatiques et l’intelligence artificielle pour aggraver la situation. Soit ils se ressaisissent, soit cela se terminera par une interdiction dans ce pays.

M. Pierre Cordier (DR). S’agissant de cet amendement et au regard des travaux que j’ai mené entre fin 2017 et début 2018 sur la question du démarchage, je me souviens que ces enquêtes d’opinions montraient qu’il y avait aussi des gens favorables au démarchage téléphonique. Cela peut sembler étrange, mais il y a des gens qui apprécient d’être sollicités dans le cadre de démarchages commerciaux. Cela m’avait étonné à l’époque mais cela existe, un peu comme avec le « stop pub » des boîtes aux lettres : certaines personnes souhaitent recevoir des prospectus publicitaires. Je pense donc qu’il faut conserver cette liberté et respecter la volonté de ceux qui souhaitent être démarchés.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je partage ce qui vient d’être dit par Pierre Cordier. Vous dites, Mme Chikirou, que le groupe La France insoumise est partisan de désobéir au droit de l’Union. Je trouve regrettable et dommageable d’entendre cela. Je souhaite rappeler que le droit européen nous protège et que dans le domaine dont nous discutons en ce moment, s’agissant des e-mails, nous sommes dans un système d’opt-in. Il y a bien sûr des abus mais nous sommes néanmoins mieux protégés puisque quand nous allons dans une boutique, il nous est demandé si nous acceptons de recevoir telle proposition ou lettre d’information. Or, c’est justement le droit européen qui nous protège dans ce domaine. L’idée qui guide la présente proposition de résolution est de faire la même chose s’agissant du démarchage téléphonique.

L’amendement n° 5 est rejeté.

Amendement n° 2 de la rapporteure

Mme Louise Morel, rapporteure. Cet amendement intègre un alinéa explicitant l’apport de la législation européenne en matière de protection des consommateurs. Il précise également son lien avec la régulation du démarchage téléphonique, ne la rattachant plus à la directive e-Privacy mais à la directive relative aux droits des consommateurs.

L’amendement n° 2 est adopté.

Amendement n° 6 de Manon Bouquin.

Mme Manon Bouquin (RN). Les centres d’appels localisés au-delà des frontières françaises comptant pour 40 % de la prospection commerciale téléphonique sur le marché. Il est donc nécessaire de protéger efficacement la population française de la sur-sollicitation téléphonique. Or, un démarchage plus local facilitera l’identification et la sanction des pratiques abusives. Complémentaire à la décision de l’ARCEP, cet amendement permet d’encadrer les pratiques dépassant le cadre règlementaire. Malgré le manque de moyens, les entreprises frauduleuses – majoritaires selon la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF)– seront plus facilement repérées.

La protection des citoyens doit être assurée grâce à des décisions immédiates, restreignant la possibilité de fraude émanant de centres d’appel étrangers.

Mme Louise Morel, rapporteure. Avis défavorable. En laissant penser que le démarchage serait uniquement le fruit de centres d’appel délocalisés, votre amendement ne présente aucune garantie de réussite dans la lutte contre le démarchage téléphonique intempestif. Si 40% des centres d’appel destinés au public français sont hors de France, alors 60% sont situés sur le territoire national. Les enquêtes menées par les organismes auditionnés, représentatifs des consommateurs, n’ont mis en exergue aucune différence de pratiques en fonction de la situation géographique des centres d’appel.

M. Pierre Cordier (DR). Pour des questions relatives au coût de la main d’œuvre, la plupart du démarchage téléphonique se fait depuis l’étranger. Étant moi-même visé par ces appels, je peine parfois à comprendre mon interlocuteur. Bien qu’une mauvaise maitrise de la langue ne soit pas inconciliable avec le fait d’habiter en France, de nombreux centres d’appel s’implantent dans des pays avec un droit du travail plus souple. Alors qu’ils embauchent des employés rémunérés au nombre d’appels effectués au cours d’une journée de quinze heures, se pose la question de la vigilance vis-à-vis de ces centres d’appel et du traitement de leurs salariés.

Mme Louise Morel, rapporteure. La rédaction de l’amendement pose également une difficulté sur le plan légistique, puisque le cadre d’une PPRE ne peut pas « demander » au gouvernement de la République française d’interdire. Mon avis demeure défavorable.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Interdire les appels provenant de l’étranger exclut de fait les appels venant d’autres pays européens, ce qui est surprenant dans le cadre d’une PPRE.

Mme Manon Bouquin (RN). Le verbe « demande » pourrait être remplacé par « invite », et l’amendement ne concerner que les pays « en dehors de l’Union européenne ».

Mme Louise Morel, rapporteure. Ayant été membre de cette commission lors de la précédente mandature, je regrette que les PPRE soient cantonnées à la commission des affaires européennes. Si elle venait à être adoptée, un débat dans l’hémicycle autour de ma proposition constituerait une excellente opportunité de rediscuter de cet amendement.

L’amendement n°6 est rejeté.

Amendement n° 3 de Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). De la nécessité de renforcer les contrôles, découle la nécessité de renforcer les moyens. Votre rapport expose clairement l’insuffisance des moyens, liée au manque d’effectifs au sein de la DGCCRF : malgré les dizaines de milliers de signalements annuels sur Bloctel, le nombre de contrôles n’atteint pas le millier. Les moyens financiers et humains doivent donc être renforcés au bénéfice d’autorités régulatrices comme la DGCCRF ou l’ARCEP. Comme c’est le cas pour le financement du système Bloctel, le paiement d’une redevance par les grandes entreprises constituerait un vecteur efficace.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je comprends parfaitement le fonds de votre amendement. L’attribution de moyens financiers supplémentaires pour lutter contre le démarchage téléphonique intempestif est nécessaire. Cependant, seul le cadre d’un débat budgétaire permet de provisionner des fonds à destination d’un ministère, ayant moi-même cosigné plusieurs amendements en ce sens. Je ne souscris pas non plus à la logique selon laquelle l’intégralité des entreprises serait responsable du comportement délictueux de certaines et devrait en financer les contrôles. Mon avis est donc défavorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Au contraire, les entreprises commanditaires des appels téléphoniques sont toutes responsables de la situation, bien que celles qui transgressent la loi doivent être repérées et lourdement sanctionnées. Si, comme vous l’affirmez, les entreprises sont victimes des pratiques frauduleuses de certaines de leurs consœurs, elles auraient même intérêt à participer au financement du contrôle à travers la redevance.

De plus, les entreprises sont les seules à bénéficier, in fine, du démarchage téléphonique qui leur permet d’augmenter leur chiffre d’affaires. De la même manière que mes impôts financent le contrôle des infractions routières bien que je n’en commette pas, les entreprises doivent participer au contrôle du démarchage téléphonique, même si elles opèrent légalement.

Votre argument n’est pas valable. Davantage de moyens doivent être alloués au contrôle du démarchage téléphonique, mon amendement ne faisant qu’orienter son financement vers la redevance, déjà en place pour Bloctel.

L’amendement n° 3 est rejeté.

Amendement n° 1 de la rapporteure

Mme Louise Morel, rapporteure. Cet amendement souligne l’impact de l’intelligence artificielle dans la prospection téléphonique. Il rappelle que la proposition ne vise pas le démarchage téléphonique en tant qu’activité commerciale, mais les conséquences de son usage abusif en matière de protection des consommateurs. Enfin, il insiste sur la nécessité de créer des voies de recours simples et intelligibles, à disposition du consommateur en cas de manquement à la loi.

L’amendement n° 1 est adopté.

L’article unique de la proposition de résolution européenne, ainsi modifié, est adopté.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est par conséquent adoptée.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je vous remercie pour votre vote, j’espère qu’il constituera un signal clair pour le système du démarchage téléphonique : leurs abus sont considérés comme intolérables par la commission des affaires européennes. Le Sénat examinera demain le même sujet.

 

 

 


– 1 –

   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment ses articles 16 et 114,

Considérant l’article 16 de la Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive « vie privée et communications électroniques ») qui interdit toute sollicitation des consommateurs s’ils s’y sont préalablement opposés (système dit de l’opt‑out) ;

Considérant les articles 6 et 7 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données qui ouvrent la possibilité pour le consommateur de retirer son consentement à tout moment,

Considérant les discussions en cours sur la proposition de Règlement concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques, dit « ePrivacy », dont le paragraphe 1 de l’article 16 prévoit que les personnes physiques ayant donné leur consentement peuvent être seules contactées par voie électronique à des fins de prospection (système dit de l’opt‑in),

Considérant la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques ;

Considérant la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personne ;

Considérant la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation et instituant le système de blocage de numéros téléphoniques dit Bloctel ;

Considérant la loi de 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux ;

Invite le Gouvernement à œuvrer à l’aboutissement des négociations en cours relatives à la proposition de Règlement dit ePrivacy, et à la nécessaire articulation entre cette proposition de règlement et le Règlement général sur la protection des données ;

Souhaite que cette négociation soit l’occasion de mettre en place un système d’opt‑in généralisé pour les communications commerciales non sollicitées ;

Demande au Gouvernement de soutenir une harmonisation des régulations au sein de l’Union européenne, afin que toutes les entreprises opérant sur le territoire européen soient soumises à des règles communes strictes concernant le démarchage téléphonique, renforçant ainsi la protection des consommateurs et des données personnelles ;

Recommande la mise en place de sanctions dissuasives à l’encontre des entreprises ne respectant pas ces obligations ainsi que le renforcement des outils de contrôle pour garantir leur application effective ;

Souligne l’importance de sensibiliser les consommateurs européens à leurs droits en matière de démarchage téléphonique et de promouvoir des mécanismes de recours simples et accessibles pour faire valoir ces droits.

 

 

 


– 1 –

   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

13 NOVEMBRE 2024


Inviter le Gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime du démarchage téléphonique au niveau européen (n° 331),

 

AMENDEMENT

No 7

 

présenté par

Manon BOUQUIN

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ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 9 :

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Considérant la décision n°2019-0954 de l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques, des Postes et de la distribution de la Presse modifiant le plan de numérotation »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La décision n°2019-0954 de l’ARCEP permet la mise en place d’un mécanisme d’authentification pour protéger les utilisateurs contre les usurpations de numéro de téléphone. Grâce à cette décision, l’utilisation de numéro d’un numéro français ne peut plus être utilisé pour des appels émanant de l’international.

 

 

Cet amendement est rejeté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

13 NOVEMBRE 2024


Inviter le Gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime du démarchage téléphonique au niveau européen (n° 331),

 

AMENDEMENT

No 4

 

présenté par

Sophia CHIKIROU

----------

ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 10 :

Insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« Considérant l’inefficacité des dispositions législatives précédentes pour réduire la nuisance engendrée par le démarchage téléphonique pour nos concitoyens »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet entendement vise à prendre acte de l’échec des régulations successives mises en place au niveau national.

En effet, la législation nationale tente depuis au moins 10 ans de juguler le fléau du démarchage téléphonique via l’instauration de Bloctel. Le démarchage téléphonique est encadré par la loi depuis 1989. Une loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux a été adoptée en 2020.

Pourtant, jamais le mécontentement de nos concitoyens face à cette pratique n’a été aussi fort. Sur les 3,5 millions de français inscrits à Bloctel, plus de la moitié déclare être toujours sollicitée, et 81 % de Français estimant le dispositif « pas efficace ». 75 % d’entre eux jugent même que les appels sont en recrudescence sur les dix dernières années.

Il convient donc d’en tirer les conséquences pour s’orienter vers une interdiction de cette pratique qui nuit au bien-être de nos concitoyens et va à l’encontre de l’objectif de s’orienter vers une plus grande sobriété dans nos modes de consommation, rendue impérative par l’urgence écologique.

Cet amendement est rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

13 NOVEMBRE 2024


Inviter le Gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime du démarchage téléphonique au niveau européen (n° 331),

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

Sophia CHIKIROU

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 12 :

Remplacer les mots « un système d’opt-in généralisé pour les » par les mots « une interdiction généralisée des »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à interdire la pratique du démarchage téléphonique.

En effet, malgré l’évolution progressive de la législation nationale en la matière, les Français sont toujours très nombreux à subir le démarchage téléphonique. En 2023, d'après un sondage de l’Observatoire de la consommation de l’UFC-Que Choisir, près de 75% des Français sont victimes de démarchage sur leur mobile chaque semaine, 38% le sont tous les jours, et près de la moitié d’entre eux disent recevoir un SMS de démarchage par semaine, tous ces chiffres étant en augmentation.

97% des Français jugent ainsi ces démarchages “intempestifs” et très “agaçants”.

La législation nationale va dans le sens d’un encadrement sans cesse plus important de cette pratique, avec déjà plusieurs interdictions sectorielles, comme pour la rénovation thermique ou le compte personnel de formation.

Il convient de prendre acte de l’échec des mesures de régulation qui se succèdent depuis 30 ans et du mécontentement qui en découle, en interdisant cette pratique qui nuit particulièrement à l’attention et au bien-être chez nos concitoyens et ne sert rien d’autre que le consumérisme.

 

Cet amendement est rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

13 novembre 2024


invitant le gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime de démarchage téléphonique au niveau europeen (n° 331)

 

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Louise MOREL

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 12 est ajouté l’alinéa suivant :

« Indique la nécessité d’intégrer le système d’opt-in à la législation de protection des consommateurs européennes, et notamment la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Ce nouvel alinéa permet d’expliciter l’apport de la législation européenne en matière de protection des consommateurs et son lien avec la régulation de l’activité de démarchage téléphonique.

 

 

 

Cet amendement est adopté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

13 NOVEMBRE 2024


Inviter le Gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime du démarchage téléphonique au niveau européen (n° 331),

 

AMENDEMENT

No 6

 

présenté par

Manon BOUQUIN

----------

ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 13 :

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Invite le Gouvernement à interdire les communications commerciales non sollicitées émanant de centres d’appels localisés hors du territoire français. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Par cet amendement, nous souhaitons aller plus loin que la proposition actuelle en interdisant tout démarchage téléphonique non sollicité émanant d’un autre pays que la France.

Cet amendement vise donc à appeler le gouvernement à restreindre encore davantage les possibilités d’être démarché de manière inopinée et donc d’être victime d’une arnaque.

Avec cette mesure, et la décision n°2019-0954 de l’ARCEP, nous pouvons nous assurer que tous les appels commerciaux non sollicités proviennent de démarcheurs français, depuis le sol français. Cela permettra de mieux encadrer la pratique.

 

 

Cet amendement est rejeté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

13 NOVEMBRE 2024


Inviter le Gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime du démarchage téléphonique au niveau européen (n° 331),

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

Sophia CHIKIROU

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 14 :

Remplacer les mots « des outils de contrôle » par les mots « des outils et moyens de contrôle financé par une redevance due par les grandes entreprises »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement entend préciser que le nécessaire renforcement des contrôles doit s’accompagner d’une augmentation des moyens qui leur sont dédiés.

L’inefficacité de la législation française en matière de régulation du démarchage téléphonique n’est plus à démontrer. 97% des Français trouvent ces pratiques « agaçantes » et « intempestives ». Ils sont toujours plus nombreux à être sollicités : 72% sont victimes de démarchage sur leur mobile chaque semaine, 38% le sont quotidiennement et 49% d’entre eux disent aussi recevoir au moins un SMS de démarchage par semaine.

Pour faire appliquer la législation en vigueur et juguler ce fléau, les contrôles doivent être nécessairement renforcés. Le présent rapport adossé à la proposition de résolution examinée indique lui-même que « les contrôles ne sont pas suffisants, par manque d’effectifs auprès de la DGCCRF en charge de ce contrôle ». Ainsi, malgré des dizaines de milliers de signalements faits sur Bloctel chaque année, le nombre de contrôles n’atteint pas le millier.

Trop souvent, les objectifs annoncés par le Parlement ou le Gouvernement ne sont pas suivis de moyens concrets. Afin que le renforcement des contrôles ne reste pas un vœu pieux, il convient donc de renforcer les moyens financiers et humains des autorités régulatrices telles que la DGCCRF ou l’ARCEP, si besoin au moyen d’une redevance payée par les grandes entreprises, comme c’est le cas pour le financement du système Bloctel.

 

Cet amendement est rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

13 novembre 2024


invitant le gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime de démarchage téléphonique au niveau europeen (n° 331)

 

 

AMENDEMENT

No 1

présenté par

Louise MOREL

----------

ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 10 est ajouté l’alinéa suivant :

« Considérant le règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle ;

Reconnait l’importance de la prospection commerciale dans le développement de l’activité des entreprises et sa contribution à la création d’emplois ;

S’inquiète des effets du démarchage abusif, notamment dans la captation des données personnelles des consommateurs sans leur consentement ;

Marque son inquiétude devant les effets psychologiques engendrés par le démarchage abusif ;

Souligne l’impact de l’intelligence artificielle dans le développement de la prospection commerciale et plus particulièrement dans la collecte de données personnelles des consommateurs (lead generation) ;

Reconnait la difficulté pour les consommateurs confrontés à du démarchage abusif à signaler les manquements à la loi et à disposer de voies de recours simples et clairs. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Ce nouvel alinéa permet de souligner l’impact de l’intelligence artificielle dans le secteur de la prospection téléphonique. Il rappelle également que la démarche de la proposition de résolution européenne n’est pas dirigée contre l’activité commerciale dont l’apport est reconnu. Il met en exergue les risques causés par le démarchage abusif en matière de protection des consommateurs. Enfin, il insiste sur le besoin pour les consommateurs de disposer de voies de recours simples et intelligibles pour pouvoir agir en cas de manquements à la loi.

Cet amendement est adopté.


– 1 –

   PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

 

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment ses articles 16 et 114,

Considérant l’article 16 de la Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive « vie privée et communications électroniques ») qui interdit toute sollicitation des consommateurs s’ils s’y sont préalablement opposés (système dit de l’optout) ;

Considérant les articles 6 et 7 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données qui ouvrent la possibilité pour le consommateur de retirer son consentement à tout moment,

Considérant les discussions en cours sur la proposition de Règlement concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques, dit « ePrivacy », dont le paragraphe 1 de l’article 16 prévoit que les personnes physiques ayant donné leur consentement peuvent être seules contactées par voie électronique à des fins de prospection (système dit de l’optin),

Considérant la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques ;

Considérant la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personne ;

Considérant la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation et instituant le système de blocage de numéros téléphoniques dit Bloctel ;

Considérant la loi de 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux ;

Considérant le règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle ;

Reconnait l’importance de la prospection commerciale dans le développement de l’activité des entreprises et sa contribution à la création d’emplois ;

S’inquiète des effets du démarchage abusif, notamment dans la captation des données personnelles des consommateurs sans leur consentement ;

Marque son inquiétude devant les effets psychologiques engendrés par le démarchage abusif ;

Souligne l’impact de l’intelligence artificielle dans le développement de la prospection commerciale et plus particulièrement dans la collecte de données personnelles des consommateurs (lead generation) ;

Reconnait la difficulté pour les consommateurs confrontés à du démarchage abusif à signaler les manquements à la loi et à disposer de voies de recours simples et clairs.

Invite le Gouvernement à œuvrer à l’aboutissement des négociations en cours relatives à la proposition de Règlement dit ePrivacy, et à la nécessaire articulation entre cette proposition de règlement et le Règlement général sur la protection des données ;

Souhaite que cette négociation soit l’occasion de mettre en place un système d’opt‑in généralisé pour les communications commerciales non sollicitées ;

Indique la nécessité d’intégrer le système d’opt-in à la législation de protection des consommateurs européennes, et notamment la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs ; 

Demande au Gouvernement de soutenir une harmonisation des régulations au sein de l’Union européenne, afin que toutes les entreprises opérant sur le territoire européen soient soumises à des règles communes strictes concernant le démarchage téléphonique, renforçant ainsi la protection des consommateurs et des données personnelles ;

Recommande la mise en place de sanctions dissuasives à l’encontre des entreprises ne respectant pas ces obligations ainsi que le renforcement des outils de contrôle pour garantir leur application effective ;

Souligne l’importance de sensibiliser les consommateurs européens à leurs droits en matière de démarchage téléphonique et de promouvoir des mécanismes de recours simples et accessibles pour faire valoir ces droits.

   ANNEXE I :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 

-         Mme Marie-Amandine Stévenin, présidente ;

-         M. Benjamin Recher, chargé des relations institutionnelles.

-         Mme Caroline Adam, secrétaire générale.

-         Mme Nathalie Phan Place, secrétaire générale ;

-         M. Artus de Saint Seine, directeur général adjoint chargé des activités data chez Isoskele.

-         M. Rémi Stéfanini, délégué à la transition du numérique

-         M. Philippe Guillermin, chef du bureau de la consommation (3A).

-         M. John-David Nahon, directeur des relations institutionnelles et du développement des partenariats de sécurité ;

-         M. Joffrey Sigrist, directeur juridique.

 


   ANNEXE Ii :
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
 

 

 

 


([1]) «Par téléphone ou par tout moyen  technique assimilable »

([2]) Rapport du Conseil national de la consommation, 22 février 2019.

([3]) « Téléphone, mail, notifications… : comment le cerveau réagit-il aux distractions numériques ? », Sibylle Turo – Anne-Sophie Cases, The Conversation, 21 avril 2024

 

([4]) Technique frauduleuse dans laquelle un numéro de téléphone est appelé en ne le laissant sonner qu’une fois dans le but que le destinataire rappelle le numéro - n’ayant pu prendre l’appel – et se voit surfacturer ce rappel

([5]) Décision de l’ARCEP du 24 juillet 2018 établissant le plan national de numérotation et ses règles de gestion

([6]) Article L. 112-2 -2 : fixation de plusieurs obligations aux assureurs contactant un consommateur en vue de souscrire un contrat (demande d’accord pour poursuivre l’échange, arrêt de l’échange à la demande du consommateur et délai de 24h entre un accord téléphonique et la signature d’un contrat)

([7]) Interdiction des ventes réalisés lors d’un premier appel téléphonique, encadrement des appels non sollicités à visée commerciale et fixation des modalités de recueil du consentement des consommateurs et de la conservation des données relatives aux appels

([8]) « Une évaluation de la Commission montre les avantages et les limites de la législation en matière de protection des consommateurs en ligne », Communiqué de presse de la Commission européenne, 3 octobre 2024