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N° 610

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant au blocage des prix de l’énergie dans l’hexagone et les outre-mer
(n° 419 rect.)

PAR Mme Alma DUFOUR

Députée

——

 

 

 

 

 Voir le numéro : 419 rect.


SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

I. Les consommateurs d’énergie sont fortement exposés aux fluctuations des prix de marché

A. les prix de l’énergie sont trop dépendants des prix de marché

1. La construction des prix de l’énergie repose sur des logiques de marché

2. Les prix de l’énergie ont fortement augmenté depuis la fin de l’année 2021

B. le consommateur est insuffisamment protégé contre les fluctuations des prix de l’énergie

1. Le marché ne permet pas de protéger le consommateur

2. Les outils de régulation français des mécanismes de marché sont défaillants

II. Les mesures conjoncturelles de soutien aux consommateurs, coûteuses et insuffisantes, plaident également en faveur de dispositifs de protection plus ambitieuX passant par une régulation des prix

A. les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie n’ont pas suffisamment protégé le consommateur

1. Rappel des mesures exceptionnelles mises en place depuis la fin de l’année 2021

2. Les mesures de soutien mises en place ne permettent ni de remédier aux dysfonctionnements des dispositifs de régulation des prix, ni d’empêcher des effets d’aubaine pour les producteurs et les fournisseurs

B. face à ces insuffisances et à l’absence d’une réforme ambitieuse de la régulation des prix de l’électricité, la proposition de loi a pour objectif de faire bénéficier les français d’une énergie au meilleur prix

1. La réforme de la régulation du prix de l’électricité nucléaire prévue par l’article 4 du projet de loi de finances pour 2025 n’est pas satisfaisante

2. Face à l’ensemble de ces insuffisances, la proposition de loi présente des mesures visant à protéger efficacement les Français et à rapprocher les prix de l’énergie des coûts associés

COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Article 1er Blocage des prix des produits énergétiques durant un an

Article 1er bis (nouveau) (article L. 224-3 du code de la consommation) Interdiction de proposer des offres dont le prix de l’énergie fournie n’est pas connu au moment où elle est consommée

Article 2 (art. L. 337-6, L. 337-7 et L. 445-1 du code de l’énergie) Révision des modalités d’établissement et extension du champ des bénéficiaires des tarifs réglementés de vente de l’électricité et rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz naturel

Article 3 (art. L. 410-2-1 du code du commerce [nouveau]) Encadrement de la marge liée aux activités de raffinage

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe : évolution des prix du gaz, de l’électricité et des produits pétroliers

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

LISTE DES contributions écrites reçues

 


 

   INTRODUCTION

La forte hausse des prix de l’énergie intervenue depuis la fin de l’année 2021 continue d’être lourde de conséquences pour les ménages et les entreprises. Selon l’Insee, entre 2021 et 2024, les consommateurs professionnels pourraient ainsi connaître une hausse moyenne de 67 % du prix de leur électricité, en tenant compte des aides gouvernementales ([1]). L’envolée des prix de l’énergie joue un rôle important – variant néanmoins en fonction des secteurs – dans le nombre record de faillites que nous constatons, notamment dans l’industrie, comme l’ont confirmé Pact’Alim, le Comité de liaison des entreprises consommatrices d’électricité et de gaz (CLEEE), et la Fédération des industries mécaniques, auditionnés dans le cadre de ce rapport. Plus de 150 000 emplois font l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans l’industrie cette année. La Fabrique de l’industrie alertait en 2023 sur le fait que 110 000 emplois pourraient disparaître dans l’industrie avec l’augmentation du coût de l’énergie ([2]). À titre d’exemple, la direction du groupe Michelin attribue à la hausse structurelle des prix de l’énergie la décision de fermer trois sites en France et de supprimer 2 000 emplois. Après avoir longtemps minimisé le rôle joué par les prix de l’énergie dans les difficultés des entreprises, le Gouvernement français a affirmé récemment devant le Parlement européen que la crise énergétique en était la cause principale ([3]).

Concernant les ménages, le tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVe) a augmenté de 44 % en 3 ans ([4]). 30 % des Français ont souffert du froid dans leur logement durant l’hiver 2023-2024, contre 14 % en 2019-2020, selon le Médiateur national de l’énergie. Le dernier baromètre de la pauvreté et de la précarité publié par l’Ipsos et le Secours populaire indique que 47 % des Français éprouvent des difficultés à payer leurs factures d’énergie, chiffre qui est en hausse de 15 points par rapport à 2019 ([5]). L’énergie devient le premier poste de contraintes pour les ménages, devant l’alimentation. Il y a eu 1 million de procédures de coupure ou de limitation de courant pour impayés, un niveau jamais atteint ([6]). Dans le cadre de cette proposition de loi, nous avons reçu de nombreux témoignages attestant de situations très difficiles pour nos concitoyens.

Avant même la survenance de cette crise, principalement liée à une forte tension internationale sur le gaz provoquée par la reprise économique post-covid dès le printemps 2021, puis par la guerre en Ukraine et ensuite par la moindre disponibilité du parc nucléaire français, la crise des gilets jaunes intervenue fin 2018 était liée à la volonté du Gouvernement de relever le taux de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ce qui aurait conduit à renchérir le prix du carburant. Cet épisode qui marquera durablement l’histoire de la France témoignait déjà de l’absence de prise de conscience des conséquences dévastatrices d’une telle mesure pour les Français les plus modestes, subissant des distances domicile-travail en augmentation, en l’absence de mesures d’accompagnement appropriées.

Face à cette envolée des prix de l’énergie, le Gouvernement a mis en place de nombreux palliatifs, principalement sous la forme de « boucliers tarifaires » adossés aux tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz. Leur coût budgétaire a été conséquent : dans un rapport publié en mars 2024 sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, la Cour des comptes estime le coût brut de l’ensemble des mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie à 72 milliards d’euros (Md€) depuis l’automne 2021 et le besoin de financement net de l’État à 36 Md€ sur les années 2021 à 2024 ([7]). Le bouclier tarifaire a donc été la première dépense exceptionnelle de l’État sur la période. Dans le même temps, la Cour identifie, au titre des années 2022 et 2023, 30 Md€ de marges bénéficiaires nettes répartis entre les acteurs de marchés de gros (producteurs, traders et fournisseurs). La Cour estime que la somme des factures des clients et des dispositifs de soutien publics excède de près de 37 Md€ les coûts de production nationaux, les coûts commerciaux et des coûts des importations nettes. Le secteur dans son ensemble a donc réalisé des marges nettes proches de 100 %.

Ce rapport essentiel nous confirme que ces mesures se sont révélées insuffisantes pour protéger efficacement l’ensemble des consommateurs français, particuliers et entreprises. Leur déploiement s’est largement fondé sur l’intervention d’intermédiaires – les fournisseurs – pour répercuter les baisses de prix, ce qui a conduit à nourrir les effets d’aubaine.

Plus structurellement, les modalités de tarification au détail des prix de l’électricité et du gaz en France ont démontré leur incapacité à protéger efficacement le consommateur final et à refléter les coûts de production dans leurs prix.

Concernant l’électricité, ces prix sont trop dépendants des prix des marchés de gros, eux-mêmes fixés sur les coûts des centrales dites variables – celles qui sont les plus chères et appelées en dernier, et notamment des centrales au gaz dont dépendent encore fortement les pays d’Europe. Les prix sur le marché européen sont très volatils et ne reflètent pas les coûts moyens de production nationaux, qui sont bien plus stables et bas en général, particulièrement en France. La France dispose pourtant d’un parc de production largement décarboné, aux coûts de production compétitifs, qui joue un rôle central dans la sécurité d’approvisionnement des États membres de l’Union européenne. La France est structurellement le premier exportateur net d’électricité dans l’Union européenne. Elle pourrait atteindre un record en 2024, avec 85 térawattheures (TWh) d’électricité exportée  ([8]) , selon RTE et EDF. Nous notons que ce rôle structurel inquiète certains de nos voisins, puisque le ministre de l’économie Allemand, Robert Habeck, a déclaré en octobre 2023 : « Mon problème n’est pas que la France possède des centrales nucléaires ; mon souci est que l’opérateur des centrales nucléaires peut offrir des prix inférieurs à la valeur du marché »  ([9]) . L’Allemagne, craignant pour son industrie, a décidé en 2023 une baisse de taxe pour toutes ses entreprises industrielles. Accepter de payer un prix fixé au niveau européen revient pour la France à prendre en charge sur les prix de l’électricité, payés par les ménages et les entreprises françaises, une partie de la vulnérabilité du système électrique allemand. Le jeu de vase communicant au bénéfice de l’Allemagne s’observe lorsque les interconnexions électriques sont saturées. Le CLEEE explique ainsi qu’au printemps 2024, RTE a dû ralentir les exportations d’électricité vers l’Allemagne en raison de problèmes d’interconnexions. Conséquence directe, les prix du marché spot en France ont baissé, tandis qu’il a augmenté en Allemagne. Encore aujourd’hui, lorsque les interconnexions sont saturées, les prix spot européens peuvent aller du simple pour la France au double pour l’Allemagne. Le 19 novembre 2024, à 9 heures du matin, le prix français était de 112 €/MWh, le prix allemand de 156 €/MWh et le prix en Italie du nord de 160 €/MWh. Le lendemain à la même heure, les interconnexions n’étant pas saturées, le prix européen était aligné autour de 100 €/MWh. Il est donc très important de souligner que les prix de marché ne sont déjà plus au niveau des prix de production français, contrairement à ce que l’on observait aux mois de septembre et d’octobre 2024. Ce mécanisme défavorable pour la France semble s’installer pour cet hiver. Début octobre 2024, les prix du marché spot pour la France étaient régulièrement autour de 70 €/MWh et ils montent aujourd’hui à 100-110 € du mégawattheure ! C’est la résultante directe de l’augmentation significative des prix chez nos voisins allemands, en raison d’une faible disponibilité de leur parc éolien. Le marché spot y a déjà dépassé les 800 euros du MWh le 6 novembre 2024. Ainsi, si la méthode du merit order fait fonctionner tour à tour les centrales les plus efficaces au niveau européen, elle démontre de nombreux écueils dus aux différences substantielles de politiques énergétiques des pays membres de l’Union européenne. Par ailleurs, le prix spot influence le prix à long terme et contribue à l’augmentation structurelle des prix de l’électricité, qui ne s’arrête plus depuis dix ans. Le rapport de RTE sur l’économie du système électrique de juillet 2024 table ainsi sur une forte volatilité des prix de marché européens jusqu’en 2035. Le prix serait déterminé 75 % du temps par le coût de fonctionnement des centrales à gaz, alors même que « la production d'électricité française sera assurée à plus de 95 % par des moyens décarbonés – renouvelables et nucléaire – et caractérisés par de faibles coûts variables », selon RTE.

Les mécanismes de régulation des effets de prix de marché mis en œuvre (tarifs réglementés de vente actuels, régulation du nucléaire), très limités par l’ouverture à la concurrence des marchés de fourniture d’électricité et de gaz imposée par l’Union européenne, s’avèrent aussi largement défaillants. L’émergence forcée par l’Union européenne de fournisseurs alternatifs aux opérateurs historiques n’aura pas été synonyme de bénéfices évidents pour le consommateur final. Elle a plutôt conduit à créer un marché peu lisible et des pratiques commerciales déloyales ainsi que des effets d’aubaines importants de la part des fournisseurs. Lors de l’envolée des prix de l’électricité et du gaz, les fournisseurs n’ont pas appliqué l’encadrement des tarifs par l’État et ont préféré augmenter unilatéralement les factures de leurs clients pour revendre leur position sur les marchés. EDF a ainsi dû accueillir 1 million de clients supplémentaires, qu’il n’avait pas provisionné, au plus fort de la crise ([10]). Aujourd’hui, alors que les prix de marché baissent, les fournisseurs proposent des prix légèrement plus faibles que le TRVe 2024 ou le prix repère du gaz ; pourtant, ils s’approvisionnent à des prix largement inférieurs, réalisant actuellement des marges non négligeables.

Cette situation aura également des conséquences de long terme sur la réussite de la décarbonation de notre économie et de la réindustrialisation, dans la mesure où le caractère imprévisible des prix de l’énergie et leurs niveaux élevés grèvent les capacités d’investissement des entreprises dans des procédés de production plus propres et incitent à délocaliser ou à travailler avec des entreprises dans des pays où l’énergie, parfois subventionnée, est à plus bas coût, comme aux États-Unis (où les prix de l’énergie sont près de deux fois moins chers en 2025, allant d’un ratio de 1 à 4 pour le gaz ([11])) ou en Chine. La décarbonation de notre économie nécessite un transfert important d’usages vers l’électricité. Ainsi, malgré l’objectif de forte diminution globale de la consommation d’énergie, RTE estime la consommation électrique entre 580 et 640 TWh ([12]) à l’horizon 2035. Or les 36 Md€ dépensés dans le bouclier tarifaire, pour un effet limité sur les prix, représentent 8 ans d’investissements publics dans la rénovation des logements ([13]). La décision du Gouvernement de réduire d’1 Md€ les crédits en faveur de la rénovation des logements dans le budget 2025 montre qu’on ne peut plus à la fois investir dans les infrastructures et subventionner lourdement les acteurs des marchés de l’énergie pour pallier leur défaillance.

Enfin, le fonctionnement actuel du marché nous expose aux impacts des graves tensions géopolitiques qui traversent actuellement le monde. Les prix mondiaux du gaz ont été directement et fortement affectés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les menaces d’escalade du conflit vers l’Union européenne proférées par Vladimir Poutine sont à considérer aussi sous ce prisme. La Banque mondiale alertait, dès le mois d’octobre 2023, sur le fait que les prix du gaz et du pétrole pourraient également subir une forte inflation en raison de la généralisation du conflit au Proche-Orient. Les bombardements du territoire libanais et l’annonce du nonrespect par de grandes puissances, comme les États-Unis, du mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale contre le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, pourraient aggraver encore ce risque inflationniste. Enfin, l’élection de Donald Trump à la présidence américaine, alors que les pays européens sont de plus en plus dépendants des importations de gaz naturel liquéfié américain, rend d’autant plus vulnérable une Union européenne dont les prix de l’électricité sont indexés 75 % du temps sur… le gaz.

En conséquence, cette proposition de loi propose plusieurs dispositions pour protéger efficacement les consommateurs d’énergie des hausses de prix, en combinant mesures conjoncturelles de blocage ou d’encadrement de ceux-ci, d’une part, et mesures structurelles de réglementation permettant notamment de refléter les coûts de production de l’électricité française dans les prix aux consommateurs, d’autre part.

I.   Les consommateurs d’énergie sont fortement exposés aux fluctuations des prix de marché

A.   les prix de l’énergie sont trop dépendants des prix de marché

1.   La construction des prix de l’énergie repose sur des logiques de marché

La détermination du prix de vente de l’électricité, du gaz et des produits pétroliers au consommateur final repose encore essentiellement sur les prix déterminés par les marchés de gros associés.

Concernant le gaz, la France importe la quasi-totalité de sa consommation, soit par gazoduc, soit sous forme liquéfiée via des terminaux méthaniers. Les prix sont donc fixés en fonction de l’offre et la demande sur les marchés internationaux. Les prix du gaz naturel liquéfié sont particulièrement sensibles à la demande, un bateau pouvant être dévié en cours de route vers un nouvel acheteur en cas de surenchère sur les prix d’achat.

Ces prix de gros sont répercutés plus ou moins rapidement selon la nature des contrats souscrits, certains contrats proposant même un prix fixe sur plusieurs années. Depuis le 1er juillet 2023, les consommateurs n’ont plus la possibilité de souscrire à une offre au tarif réglementé du gaz.

En électricité, la formation des prix au niveau de l’Union européenne (UE) repose sur le principe de tarification au coût marginal de production, consistant à définir le prix de marché comme le coût variable de la dernière centrale disponible et nécessaire à la satisfaction de la demande d’électricité au niveau européen, pour répondre à une augmentation de la demande. Il s’agit très souvent d’une centrale à gaz, les pays européens étant en moyenne plus dépendants de cette énergie que la France.

En conséquence, les prix de marché de l’électricité demeurent fortement corrélés à ceux du gaz. Dans son analyse de l’économie du système électrique de juillet 2024, RTE rappelle que pour son scénario de référence, la part du prix de l’électricité déterminée par le coût variable des filières thermiques « est évaluée à plus de 75 % du temps à moyen terme, alors même que la production d’électricité française sera assurée à plus de 95 % par des moyens décarbonés – renouvelables et nucléaire – et caractérisés par des faibles coûts variables » ([14]).

Le fonctionnement actuel du marché intérieur européen conduit à une fixation des prix de l’électricité à l’échelle de l’Union européenne. Lorsque les interconnexions ne sont pas saturées, les prix sont identiques de part et d’autre des frontières, puisque l’optimisation du parc de production se fait à l’échelle européenne. Néanmoins, des écarts de prix entre pays peuvent apparaître en cas de saturation des interconnexions (un pays peut alors être conduit à devoir démarrer une centrale plus chère que celles disponibles de l’autre côté de la frontière, pour cause de saturation de l’interconnexion). La réforme européenne du marché de l’électricité adoptée définitivement au printemps 2024, n’a in fine pas remis en cause la dépendance des prix de marché de l’électricité à ceux des coûts des centrales marginales, et donc à ceux du gaz.

Tout comme pour le gaz, les prix de gros de l’électricité sont répercutés différemment dans le prix de détail payé par le consommateur selon le type de contrat : à prix fixe, indexé sur le prix de marché, à tarif réglementé ou indexé sur ces derniers, etc.

Enfin, s’agissant du prix des carburants, ces derniers sont évidemment tributaires des cours du baril déterminés par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Ils incluent également les coûts de raffinage, ceux de transport et de distribution, ainsi que la fiscalité applicable.

En France, certains mécanismes de régulation des prix de détail existent, selon les possibilités offertes par les différentes directives sectorielles européennes. Les marchés de fourniture de l’électricité et du gaz ont été progressivement ouverts à la concurrence depuis la fin des années 1990. Sans rentrer dans le détail du fonctionnement de ces régulations, qui seront évoquées dans les commentaires portant sur les articles de la présente proposition de loi, peuvent être cités :

– pour le gaz, l’existence de tarifs réglementés de vente jusqu’au 1er juillet 2023. La formule du TRVg avait été substantiellement modifiée et reflétait les prix d’approvisionnement sur le marché – lissés sur 3 mois seulement – ainsi que les coûts « hors approvisionnement », tels que les coûts commerciaux, les coûts d’acheminement ou de stockage et la rémunération du fournisseur. Le TRVg a été remplacé, le 30 juin 2023, par un prix repère indicatif, fixé par la CRE. Ce prix repère reste diversement suivi par les fournisseurs et ne constitue en aucun cas une véritable sécurité pour le consommateur final, compte tenu de son caractère indicatif ;

– pour l’électricité, l’existence de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) et de tarifs réglementés de vente. L’ARENH consiste à obliger EDF à céder une partie de sa production d’électricité nucléaire (100 TWh par an maximum) à ses concurrents, à un prix déterminé et largement en-dessous des coûts complets de production (42 €/MWh). La part énergie du TRVe est faite pour que les fournisseurs alternatifs qui ne produisent pas d’électricité puissent s’aligner sur les prix proposés par EDF. En conséquence, elle est calculée sur la part d’ARENH qu’ils perçoivent, ainsi que sur les coûts d’approvisionnement moyens sur le marché européen de l’électricité, lissés sur les deux années précédentes. Le TRVe est révisé 2 fois par an, en février et en août. Ce lissage permet davantage de stabilité, mais fait perdurer les effets de crise. Ainsi, le TRVe 2024 reflète encore en partie les prix à leur niveau de crise. En effet, la part énergie du TRVe 2024 se situe autour de 130 €/MWh, alors que les coûts de production nationaux se situent en réalité autour de 70 à 80 €/MWh (les estimations de la CRE et d’EDF divergent quelque peu). Il faut ensuite y ajouter le coût d’acheminement de l’électricité, le financement du réseau (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, dit TURPE), actuellement à 40 €/MWh, la fiscalité – notamment l’accise sur l’électricité ou ex-TICFE à 21 €/MWh et les coûts de commercialisation, à 10 €/MWh. Le TRVe 2024 est ainsi de 251 € TTC/MWh au 1er novembre 2024 ([15]). La disparition de l’ARENH fin 2025 provoquera un calcul du TRVe intégralement indexé sur les prix du marché européen. En cas de remontée de ces derniers, l’effet sur les ménages pourrait ainsi être dévastateur. L’article 2 de cette proposition de loi, en substituant à la part énergie une part basée sur les coûts de production nationaux ainsi que sur le coût des importations et exportations, à 80 €/MWh, fait ainsi passer le TRVe à 151 €/MWh toutes taxes comprises. Le débat sur la possibilité de baisser l’accise sur l’électricité pour rendre cette énergie encore plus compétitive reste ouvert. Seul EDF a l’obligation légale de proposer le TRVe aux ménages et aux TPE, y compris ceux qui consomment une puissance supérieure à 36 kVA, depuis l’adoption de la loi n° 2024-330 du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement. Les PME, les collectivités et les logements sociaux n’ont plus le droit de bénéficier de ce dispositif : l’article 2 de la proposition de loi y remédie également. Rappelons également qu’aujourd’hui, le TRVe est fixé par la CRE selon la formule décrite précédemment. Le ministre de l’énergie peut légalement le fixer à un niveau inférieur, mais cela entraîne en retour la compensation des fournisseurs : c’est comme cela qu’a fonctionné la composante électricité du « bouclier tarifaire » ;

– en outre-mer, un mécanisme de péréquation des prix de l’électricité et d’encadrement des prix des produits pétroliers, dont les bouteilles de gaz de pétrole liquéfié (GPL).

2.   Les prix de l’énergie ont fortement augmenté depuis la fin de l’année 2021

Les prix de l’énergie ont connu des hausses conséquentes depuis le deuxième semestre 2021. La reprise économique post-covid en Asie, puis l’invasion par la Russie de l’Ukraine ont créé des tensions sur l’approvisionnement en gaz de l’UE, renchérissant le prix de cette énergie. La moindre disponibilité du parc nucléaire français en 2022, liée à des problèmes de corrosion sous contrainte et à des calendriers de maintenance décalés en raison de la crise du covid-19, ainsi qu’une faible production d’électricité d’origine hydraulique due aux sécheresses, ont fait augmenter les prix de l’électricité. Pour la première fois depuis 1998, la France a été importatrice nette d’électricité en 2022, à hauteur de 16,5 TWh ([16]). Cette tendance s’est de nouveau inversée en 2023.

Des graphiques provenant du site internet du ministère chargé de l’énergie, illustrant la hausse de ces prix, sont annexés au présent rapport.

Dans son rapport de 2024 sur les mesures de lutte contre la hausse des prix de l’énergie précité, la Cour des comptes relève qu’« au plus fort de la crise, à l’été 2022, les prix de gros du gaz ont affiché une hausse de plus de 700 % par rapport à janvier 2021, et ceux de l’électricité de plus de 1 000 % » et que les prix de gros du pétrole pour l’approvisionnement français ont augmenté de 100 % au plus fort de la crise. Toujours selon la Cour, en mai 2023, les prix spot de l’électricité continuaient à afficher des niveaux deux fois supérieurs aux prix moyens de la décennie 2010-2020.

S’il est extrêmement difficile de prédire l’évolution future des prix de marché, plusieurs des acteurs auditionnés dans le cadre de la proposition de loi craignent une hausse des prix de l’énergie dans les années à venir. C’est également le cas de RTE concernant les prix du marché européen de l’électricité. Le contexte géopolitique est fortement tendu et incertain. La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, alors que l’Union européenne est en situation de dépendance croissante au GNL américain, est de nature à nourrir de telles craintes. Les menaces d’escalade de la guerre en Ukraine vers l’Union européenne, proférées par Vladimir Poutine, aggravent encore les risques d’inflation énergétique. Enfin, la Banque mondiale alertait le 30 octobre 2023 sur l’éventualité d’une nouvelle crise de l’énergie, encore plus importante que celle qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie, si le conflit israélo-palestinien s’étendait à plusieurs pays
du Proche-Orient. Or, avec des lignes de conflits ouvertes par Israël contre le Liban et l’Iran, ainsi que le refus de certains États, dont les États-Unis de respecter le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre Benyamin Netanyahu, la situation en prend chaque jour davantage le chemin ([17]). Après avoir expérimenté l’une des plus graves crises inflationnistes des cinquante dernières années, il paraît donc d’autant plus déraisonnable de poursuivre le fonctionnement actuel du marché européen de l’électricité, dans lequel les prix sont 75 % du temps indexés sur ceux du gaz.

L’augmentation des prix sur les marchés de gros se répercute fortement sur les prix de détail. Selon le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, en l’absence de bouclier tarifaire, les propositions de tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe) de la CRE auraient conduit à des augmentations du niveau de ces tarifs de 45 % en 2022 par rapport à 2021, puis de 80 % en 2023 par rapport à 2022 ([18]). Pour autant, après application des mesures de protection, la même commission d’enquête relève une hausse du TRVe toutes taxes comprises (TTC) d’environ 45 % en trois ans et de 60 % depuis 2019 (voir graphique ci-dessous), avec un impact très important sur les finances publiques (voir II infra).

Concernant les entreprises, le CLEEE a relevé en audition que le pic de crise des prix de l’énergie a été décalé par rapport aux évolutions de marché : il a été plus fort pendant les années 2023 et 2024 qu’en 2022, les entreprises se fournissant en général sur les marchés à terme. Certaines entreprises ont également été contraintes de renégocier leurs contrats à prix fixe au plus fort de la crise. Relayant des données de l’Insee de la fin du mois de février 2023, la Cour des comptes relève quant à elle que les entreprises « ont été près de 50 % à déclarer avoir augmenté leurs prix de vente en 2022 et plus de 35 % à avoir comprimé leurs marges pour faire face à la hausse des prix de l’énergie ». Si les représentants des entreprises auditionnés indiquent ne pas pouvoir estimer précisément la part de la hausse des prix de l’énergie dans l’accélération des défaillances d’entreprises observées ces dernières années, ils affirment néanmoins qu’il s’agit là d’un facteur déterminant.

En effet, le nombre de défaillances d’entreprises au troisième trimestre de l’année 2024 augmente de 100,37 % par rapport au troisième trimestre de l’année 2021 ([19]). Par ailleurs, l’augmentation des prix de l'électricité a été un facteur important d’inflation, direct et indirect, lié à la répercussion par les entreprises de ces hausses dans leurs prix de vente tout le long de la chaîne de valeur, sans qu’il soit aisé de l’évaluer. La fédération des entreprises de l’emballage estimait ainsi une augmentation de leur prix de 30 % liée à la crise de l’énergie en 2023.

Dans les outre-mer, il n’y a pas d’interconnections physiques avec le marché européen de l’électricité ; par conséquent, la libéralisation du marché n’a pas eu lieu. L’ensemble des DROM-COM bénéficie du tarif réglementé de l’électricité fixé au même niveau que dans l’hexagone. Alors que le coût de production des centrales électriques est significativement plus élevé que celui du système hexagonal, c’est donc une péréquation tarifaire économiquement avantageuse pour les DROM. Néanmoins, le revenu médian étant substantiellement plus faible dans la plupart des territoires d’outre-mer, le TRVe reste trop élevé pour les ménages et les petites entreprises. Néanmoins, la fiscalité sur l’électricité ne suit pas les mêmes règles et elle y est plus légère.

L’administration des prix des produits pétroliers par le préfet permet de disposer de leviers supplémentaires pour protéger les consommateurs. La préfecture de chaque DROM fixe ainsi un prix de l’essence et du gasoil tous les mois. En novembre 2024, à La Réunion, le super sans-plomb est fixé à 1,62 € le litre, et celui du gazole 1,24 € le litre ([20]). Les prix se situent donc à un niveau significativement inférieur à ceux pratiqués dans l’hexagone, contrairement au prix de l’alimentation qui, pour certains produits, peuvent être plus de 100 % plus chers que dans l’hexagone. L’encadrement des prix de l’énergie permet donc manifestement d’éviter l’utilisation de la situation de dépendance géographique de nos DROM‑COM par des entreprises oligopolistiques afin d’augmenter les prix à un niveau insupportable pour nos concitoyens.

Néanmoins, un rapport de l’Inspection générale des finances  ([21]) sur la régulation du prix des carburants et du gaz dans les départements français d’Amérique datant de mai 2022 relève toutefois des prix de carburants, « depuis 2011, supérieurs à ceux de la métropole (+13 centimes d’euros par litre sur le supercarburant et +7 centimes d’euros par litre pour le gazole en moyenne) ou des autres DOM ». En effet, dans ces départements, la raffinerie SARA, qui se situe en Martinique, détient un monopole de fait sur l’importation, le raffinage et le stockage des produits pétroliers. La marge de rentabilité de 9 % négociée entre la préfecture et la SARA semble être trop élevée et ne permet pas de protéger réellement les consommateurs antillais. L’article 3 de la proposition de loi permettra de l’encadrer davantage et de faire baisser les prix dans l’ensemble des DROM-COM.

B.   le consommateur est insuffisamment protégé contre les fluctuations des prix de l’énergie

1.   Le marché ne permet pas de protéger le consommateur

En premier lieu, l’exposition des prix de détail aux fluctuations des marchés de gros est peu protectrice pour le consommateur. Les marchés de l’électricité, du pétrole et du gaz se caractérisent en effet par leur forte volatilité, comme en témoignent les données précédemment mentionnées. Par ailleurs, au-delà de la volatilité, nous assistons à une augmentation structurelle des prix de détail sur l’ensemble des énergies précitées. Les hausses sont répercutées plus vite que les baisses sur les consommateurs. De plus, ces dernières ne sont que partiellement répercutées.

Si notre dépendance aux importations d’énergies fossiles nous impose de subir une partie – une partie seulement – de ces lois de marché, dans le cas de l’électricité, la situation est d’autant plus paradoxale que la France dispose d’un parc de production électrique largement décarboné, aux coûts de production plus abordables que d’autres pays de l’Union européenne et qui produit à l’heure actuelle plus que ce dont nous avons besoin. Auditionnée, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a ainsi confirmé à la rapporteure que la France restera structurellement le premier exportateur net d’électricité européen dans les prochaines années. Le graphique ci-dessous résume le calcul des coûts complets annualisés pour les différents moyens de production en exploitation à l’horizon 2030, établis par RTE dans son rapport Futurs énergétiques 2050.

Source : RTE.

La Cour des comptes relève par ailleurs que les coûts de production nationaux de l’électricité sont « essentiellement des coûts fixes (nucléaire, hydroélectricité, éolien, solaire) non dépendants des combustibles fossiles ». Par ailleurs, l’électricité française est largement produite par EDF (l’électricité produite par EDF représentait 77 % du total de l’électricité produite en France en 2023 ([22])), qui est détenue à 100 % par l’État depuis qu’il a racheté les actions qui avaient été cédées au privé, en 2022 pour 12 Md€. La France est donc en situation de quasi-monopole public au niveau national et de premier exportateur net de façon structurelle au niveau européen. La puissance publique est donc tout à fait en mesure d’arrêter les prix au niveau économiquement, socialement et écologiquement justifié.

Le graphique ci-dessous, issu du rapport précité de la Cour, éclaire également le décrochage entre les coûts de production nationaux et le prix de l’énergie qui aurait été payé par les ménages hors mesures exceptionnelles durant la crise.

En second lieu, les consommateurs ne sont pas demandeurs de cette libéralisation, de ce « choix » des fournisseurs. Ceux-ci restent très attachés aux TRVe et, plus généralement, aux offres de marché proposées par l’opérateur historique, EDF. Dans son observatoire des marchés de détail de l’électricité et du gaz naturel du deuxième trimestre 2024, la CRE souligne que seuls 40 % des sites résidentiels en électricité sont en offre de marché, avec un nombre de sites inférieur au niveau d’avant-crise et une croissance essentiellement portée par les fournisseurs historiques. 60 % des sites sont donc encore fournis au TRVe ([23]).

Le Médiateur national de l’énergie (MNE) a indiqué avoir signalé en 2023 plus de 2 000 cas de non-respect des dispositions du code de la consommation à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Il a pu regretter le manque de moyens suffisants pour pénaliser tous ces comportements frauduleux. Parmi les pratiques problématiques des fournisseurs d’énergie, peuvent notamment être mentionnées :

– des régularisations de facture très élevées, avec une absence de prise en compte par les fournisseurs des hausses de prix de l’énergie sur les mensualités pratiquées et un défaut d’information du consommateur. La sous-estimation des prévisionnels de consommation permet de proposer des mensualités plus attractives, ce qui donne in fine lieu à des rattrapages de factures dépassant régulièrement plusieurs centaines d’euros ;

– des factures et des contrats peu clairs et peu compréhensibles. Certains opérateurs affichent par exemple des offres indexées sur les tarifs réglementés de vente, en proposant un pourcentage de réduction par rapport au niveau de ceux-ci, mais sans préciser ou expliciter la référence des TRVe prise en compte. La rapporteure souscrit par ailleurs à la proposition, formulée par le Médiateur national de l’énergie, d’allonger le délai de prévenance pour la modification des conditions contractuelles de fourniture, actuellement fixé à un mois par l’article L. 224-10 du code de la consommation ;

– des modifications des modalités d’indexation des tarifs en cours de contrat, particulièrement désavantageuses pour les clients concernés ;

– des coupures en cas d’impayés. Cette pratique est traumatisante pour les ménages concernés, alors que d’autres solutions existent : EDF ne pratique plus ces coupures et procède désormais à des réductions de puissance.

S’agissant du gaz naturel, les données du même observatoire font état d’une augmentation du nombre de sites résidentiels approvisionnés par les fournisseurs alternatifs au second trimestre 2024, qui correspond aux effets de la suppression du TRVg. Toutefois, la part de marché des fournisseurs historiques sur ce segment de consommation demeure de 57,8 % en consommation annualisée.

La CRE a récemment mis en place des lignes directrices visant à renforcer la protection des consommateurs d’électricité et de gaz naturel ([24]). Celles-ci visent notamment à encadrer les pratiques commerciales des fournisseurs. La rapporteure salue cette initiative mais en souligne l’absence de portée juridique. Le respect des engagements associés repose sur une déclaration volontaire des fournisseurs auprès de la CRE. Cette dernière opérera cependant des contrôles sur les pratiques des fournisseurs qui se seront engagés à respecter ces lignes directrices.

La CRE et le MNE ont par ailleurs fait état de l’augmentation croissante de leur mission et d’un manque de moyens humains pour les remplir. La CRE a demandé des équivalents temps plein supplémentaires qu’elle n’a pas obtenus. La rapporteure appelle à renforcer les moyens humains et financiers de la CRE et du MNE afin d’assurer un meilleur contrôle des fournisseurs et une meilleure protection des consommateurs.

La CRE relève, tant pour le marché de l’électricité que pour celui du gaz naturel, que la crise de l’énergie a entraîné une diminution du nombre d’offres et de fournisseurs, ce qui démontre que la construction du marché laisse entrer des acteurs qui n’ont pas les moyens de couverture de risques suffisants.

La coexistence même du TRVe, offre administrée proposée par
le fournisseur historique, et de la concurrence des fournisseurs alternatifs conduit à effets d’aubaines pour ces derniers qui sont particulièrement problématiques. Adrien Barral, ancien cadre chez Ohm Énergie, désormais lanceur d’alerte, a eu l’occasion de présenter à la rapporteure le procédé par lequel des fournisseurs alternatifs ont augmenté unilatéralement les factures des ménages pour faire fuir leurs clients et revendre au prix fort leurs positions sur les marchés. Si 3 fournisseurs alternatifs seulement ont fait l’objet d’une enquête de la CRE, ces derniers ne représentent qu’une fraction minime du million de retours clients enregistré par EDF pendant la crise. L’opérateur historique a dû s'approvisionner sur les marchés au plus fort de la crise, perdant dans le processus jusqu’à 2 Md€.

Même en dehors des périodes de crise, le système offre de nouveaux effets d’aubaine aux fournisseurs. Aujourd’hui, ces derniers se positionnent en dessous du TRVe 2024 – beaucoup plus élevé que les prix de marché actuels (75€/MWh pour le CAL 2025 ([25])). Ils proposent en apparence des offres indexées à la baisse au TRVe, mais qui ne le sont pas juridiquement, et peuvent générer des marges confortables en vendant de l’électricité achetée à 75€/MWh à 130€/MWh. Interrogés sur ces pratiques, la seule réponse opposée par la CRE et le Gouvernement lors de leurs auditions est que la mise en concurrence des fournisseurs devrait empêcher ces dérives et que les consommateurs sont libres de quitter leur contrat quand ils le souhaitent. Or l’électricité n’est pas un bien comme les autres. Les factures et rattrapages sont de plus en plus complexes à lire et les consommateurs ne se comportent pas en traders. Bien au contraire, nous observons une complexité et une inertie dans le marché, qui permet ces effets d’aubaine et nuit aux consommateurs.

2.   Les outils de régulation français des mécanismes de marché sont défaillants

Les prix de l’électricité et, avant 2019, ceux du gaz, font l’objet de mesures de régulation (voir supra). Mais de telles mesures sont elles aussi insuffisantes pour protéger le consommateur.

S’agissant du gaz, le mode de construction des anciens tarifs réglementés de vente du gaz naturel (TRVg) ne permettait pas de préserver le consommateur des évolutions des coûts d’approvisionnement (voir le commentaire de l’article 2 de la proposition de loi). Ils avaient toutefois le mérite de constituer une valeur refuge pour le consommateur et de garantir un tarif déterminé et lisible par les pouvoirs publics, avec un encadrement de la marge pratiquée par les opérateurs historiques. D’après les associations de consommateurs et les représentants de TPE et PME auditionnés, le TRVg permettait de protéger ces derniers de certains effets d’aubaine sur la fourniture.

S’agissant de l’électricité, l’indexation du TRVe sur les prix de marché lissé sur deux ans expose les consommateurs aux augmentations de prix sur les marchés. Aujourd’hui, le TRVe 2024 reflète ainsi encore les prix de marché de la crise énergétique. Le mécanisme de l’ARENH, destiné à compenser partiellement ce phénomène en obligeant EDF à fournir 100 TWh d’électricité au coût de production à ses concurrents (en réalité en dessous des coûts de production, car son niveau, 42 €/MWh, passé à 46,50 €/MWh sur la seule année 2022, n’a pas été suffisamment réévalué), s’est révélé largement insatisfaisant à de nombreux égards. L’optionalité et le caractère asymétrique au bénéfice des fournisseurs et au détriment d’EDF ont régulièrement été démontrés.

Plus récemment, l’écrêtement de l’ARENH a largement participé au renchérissement du niveau des TRVe. En effet, les TRVe comportent une part d’approvisionnement à l’ARENH et une autre au prix de marché. Mais lorsque les demandes d’ARENH formulées par les fournisseurs sont supérieures au plafond des 100 TWh, ces demandes sont « écrêtées » lors de la livraison des quantités d’électricité associées. Ces derniers fournisseurs obtiennent donc un volume d’ARENH inférieur à leur demande initiale, ce qui les conduit à s’approvisionner aux conditions de marché sur les quantités effectivement écrêtées. Or ce coût d’approvisionnement complémentaire est répercuté dans le prix des TRVe. La Cour des comptes, dans son rapport précité sur les mesures de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, relève que « du fait de l’ARENH écrêté, les augmentations de prix sur les marchés de gros de l’électricité pèsent sur environ 60 % des volumes de consommation des ménages et sur la moitié de volumes consommés par les entreprises, et sont donc susceptibles d’être répercutés partiellement dans les prix de détail ». La commission d’enquête sénatoriale sur le prix de l’électricité a par ailleurs souligné que, durant la crise, « les prix de marché ont même été jusqu’à représenter près de 90 % de la part approvisionnement des TRVe en 2023, contre 54 % en 2021 ».

En outre, il existe des abus d’ARENH ([26]) de la part de certains fournisseurs. Les droits ARENH étant calculés sur les mois d’avril à octobre, certains fournisseurs peuvent notamment inciter des clients à souscrire des contrats durant cette période, afin de bénéficier de droits ARENH associés, puis de s’en séparer, afin de valoriser les volumes d’ARENH ainsi acquis sur les marchés.

Le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la CRE a sanctionné la société Ohm Énergie pour abus d’ARENH à hauteur de 6 millions d’euros en juillet 2024 ([27]). Des enquêtes concernant deux autres fournisseurs sont encore en cours. Il faut toutefois noter une amélioration pour les contrôles liés aux demandes d’ARENH depuis la publication d’un décret en octobre 2022 ([28]), permettant à la CRE d’effectuer des contrôles a priori sur les demandes formulées par les fournisseurs alternatifs. Ohm Énergie et les deux autres fournisseurs sous enquête ne représentent néanmoins qu’une faible part des retours clients chez EDF lors de la crise, ainsi qu’une faible part des marges colossales du secteur en 2022 et 2023. Il faut dès lors comprendre que ces effets d’aubaine ne concernent pas qu’un ou deux fournisseurs, mais bien l’ensemble du marché.

S’agissant de l’encadrement du prix des produits pétroliers et du gaz en outremer, la rapporteure relève la persistance d’une forte opacité sur le calcul des marges prises en compte pour déterminer le prix mensuel du carburant et de la bouteille de gaz ([29]). Le rapport de l’IGF précité sur l’activité de la SARA aux Antilles relève la que « la faiblesse du suivi et des contrôles de l’administration sur les coûts de la SARA font largement reposer le système sur l’autocontrôle de l’entreprise et ne permettent pas de les interroger en opportunité » ; il fait aussi état d’un taux de rémunération de 9 % depuis 2009, taux qui n’a pas fait l’objet d’investigations par la suite. Le rapport appelle à « faire respecter les obligations de transmission des données financières des grossistes, en particulier la séparation comptable des activités, et renforcer celles pesant sur les détaillants, en refusant toute hausse de marge en l’absence de ces données ». La rapporteure appuie fortement cette recommandation.

II.   Les mesures conjoncturelles de soutien aux consommateurs, coûteuses et insuffisantes, plaident également en faveur de dispositifs de protection plus ambitieuX passant par une régulation des prix

A.   les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie n’ont pas suffisamment protégé le consommateur

1.   Rappel des mesures exceptionnelles mises en place depuis la fin de l’année 2021

La hausse des prix de l’énergie précédemment décrite a conduit le Gouvernement à mettre en place, dans l’urgence, des mesures visant à modérer la hausse des factures d’électricité et de gaz, ainsi que de celles du plein de carburant.

Concernant l’électricité, les principales mesures de soutien ont été les suivantes :

– un « bouclier électricité », contenant la hausse des TRVe à 4 % toutes taxes comprises (TTC). Cette mesure a concerné tous les consommateurs résidentiels, quel que soit le type de contrat souscrit, les fournisseurs étant chargés de répercuter le montant correspondant à la différence entre le TRVe théoriquement applicable et le TRVe bloqué, montant compensé par l’État à la demande du fournisseur. Les très petites entreprises (TPE) éligibles aux TRVe étaient également concernées par la mesure. Le TRVe est progressivement en train de remonter depuis 2023 et ce bouclier tarifaire prendra fin en février 2025 ;

– une baisse de l’accise sur l’électricité ([30]) ;

– en 2022, le relèvement du plafond d’ARENH de 20 TWh supplémentaires (ARENH+) ;

– une aide spécifique pour les contrats d’habitat collectif ;

– un guichet d’aide au paiement des factures pour les entreprises ;

– un « amortisseur électricité » pour les entreprises visant à leur accorder une aide financière pour le paiement de factures liées à des contrats particulièrement peu favorables, complété par la suite d’un dispositif de plafonnement spécifique des prix à 280 euros par MWh hors taxes pour les TPE ;

– une aide spécifique à destination des collectivités territoriales.

Concernant le gaz :

– un « bouclier gaz » a été mis en place, à l’instar du « bouclier électricité ». Il était initialement réservé aux consommateurs disposant d’un contrat aux TRVg, puis a été progressivement étendu à tous les consommateurs résidentiels quel que soit leur type de contrat. De la même manière que pour l’électricité, les fournisseurs sont compensés, à leur demande, par l’État pour la mise en œuvre du bouclier tarifaire ;

– une baisse de l’accise sur le gaz ([31]) ;

– une aide spécifique pour les contrats d’habitat collectif ;

– l’accès au guichet précédemment mentionné pour les entreprises.

Enfin, concernant les carburants, le Gouvernement a procédé en mars 2022 à une revalorisation de 10 % du barème fiscal kilométrique. Entre avril et décembre 2022, une remise sur les prix à la pompe a également été instaurée, fondée cependant sur une simple charte et non sur une obligation juridique pour les distributeurs concernés.

Ces mesures générales de soutien se sont accompagnées de dispositifs plus ciblés, en particulier l’octroi d’un chèque énergie exceptionnel et d’une « indemnité carburant » pour les travailleurs les plus modestes.

En outre-mer, certaines dispositions spécifiques ont été prises : La Réunion a, par exemple, plafonné le prix de la bouteille de gaz.

La multiplicité et la complexité des dispositifs de soutien, bâtis dans l’urgence, ont généré de l’incompréhension chez les différents consommateurs. La Cour des comptes, dans son rapport de 2024 précité, relate ainsi qu’« EDF, sur la base des retours de sa clientèle, estime que les annonces contradictoires ont (…) introduit une confusion durable chez les clients sur les dispositifs dont ils pouvaient bénéficier ».

Ces dispositifs de soutien exceptionnels ont bien permis de protéger les clients finals, selon la Cour : « D’après les travaux récents du Commissariat général au développement durable l’ensemble des mesures exceptionnelles visant à protéger les ménages des hausses des prix de l’énergie a permis en 2022 de limiter pratiquement de moitié l’augmentation de la facture énergétique moyenne et la hausse du taux d’effort énergétique ». La hausse a été contenue par le bouclier, mais les prix ont cependant beaucoup augmenté. Le TRVe a ainsi augmenté de 44 % en trois ans ([32]) et de 60 % depuis 2019. Inutile de préciser que le salaire médian n’a pas connu une telle revalorisation. Une telle augmentation explique que les factures d’énergie sont devenues le principal problème de pouvoir d’achat des Français, d’après le dernier baromètre d’Ipsos et du Secours populaire. Enfin, pour les entreprises qui ont dû signer une offre à prix fixe en pleine crise, cette protection a été très limitée.

2.   Les mesures de soutien mises en place ne permettent ni de remédier aux dysfonctionnements des dispositifs de régulation des prix, ni d’empêcher des effets d’aubaine pour les producteurs et les fournisseurs

Le rapport de la Cour des comptes de mars 2024 sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie pointe plusieurs limites aux dispositifs de soutien mis en place durant la crise des prix de l’énergie.

En premier lieu, les dispositifs exceptionnels mis en place, comme les autres dispositifs de régulation précédemment évoqués, se caractérisent par une dissociation entre niveau des prix et coûts de production. Concernant l’électricité, la Cour relève qu’il s’agit de « mesures qui ne pallient qu’en partie les carences de la régulation ». Pour l’année 2023, elle indique que les prix payés par les clients finals ont été nettement supérieurs aux coûts de production : « près de la moitié du prix payé par les entreprises, et près d’un quart du prix payé par les ménages couvrirait ainsi une rémunération de la production nationale au-delà de ces coûts ». Au total, sur la période 2022-2033, la Cour estime que la somme des factures des clients et des dispositifs de soutien publics sur les prix de détail excède de près de 37 Md€ la somme des coûts de production nationaux, des coûts commerciaux et des importations nettes sur 2022‑2023.

En second lieu, ces dispositifs de soutien ont donc manifestement conduit à des effets d’aubaine. Au total, la Cour identifie, au titre des années 2022 et 2023, 30 Md€ de marges bénéficiaires nettes répartis entre les acteurs de marchés de gros (producteurs, fournisseurs, négociants et intermédiaires de marché).

Les marges réalisées dans le secteur se rapprochent donc de 100 %, ce qui est relativement inédit ([33]). Le mécanisme d’octroi des aides au titre des boucliers tarifaires gaz et électricité, largement intermédié par les fournisseurs d’énergie qui sont chargés de répercuter le soutien budgétaire de l’État – la Cour des comptes parlant même d’une « externalisation » de la mise en œuvre via ces acteurs – y est sans doute pour beaucoup. Pour la Cour, les effets d’aubaine « peuvent se matérialiser dès lors que des soutiens sont accordés au-delà de la seule compensation des hausses de prix effectivement subies ».

Or le contrôle des compensations sollicitées par la CRE n’a qu’imparfaitement tenu compte des coûts d’approvisionnement des fournisseurs.

Concernant le « bouclier électricité », la Cour des comptes relève que pour l’année 2022, aucun contrôle ne permettait d’assurer la répercussion ou l’absence d’effets d’aubaine pour les fournisseurs demandant à bénéficier du bouclier tarifaire, en particulier en l’absence de prise en compte de ses coûts d’approvisionnement. Cela a ouvert la possibilité pour un fournisseur de « recevoir une compensation financière définitive au titre d’une baisse de prix 2022 qu’il n’aurait pas opérée au bénéfice de ses clients ».

Concernant les contrôles liés à l’année 2023, qui sont toujours en cours, la CRE prend cette fois en compte les coûts d’approvisionnement des fournisseurs demandant la compensation. Elle réduit cette dernière lorsque les coûts d’approvisionnement déclarés sont inférieurs à ceux sous-jacents aux tarifs réglementés de vente. Or, selon la Cour, « cette condition peut ne pas suffire pour garantir que le bouclier ne compensera pas un fournisseur au-delà de ses coûts ».

Par ailleurs, la CRE a admis elle-même manquer de moyens humains pour opérer l’ensemble des missions qui lui sont dévolues et n’a pas transmis de détails à la rapporteure sur les preuves effectivement demandées aux fournisseurs quant à leurs coûts d’approvisionnement et sur l’évitement potentiel pour les grands groupes via des filiales de trading, distinctes des filiales de fourniture.

Concernant le gaz, la Cour des comptes identifie un risque de cumul entre le bouclier tarifaire et l’aide à l’habitat collectif et considère que « Rien ne garantit, en l’absence de contrôle, qu’aucun fournisseur n’adresse de demande d’aide à l’habitat collectif pour des clients ayant, par ailleurs, bénéficié du bouclier ». Elle recommande donc de contrôler a posteriori l’absence de cumul entre ces deux aides pour l’année 2023.

En troisième lieu, la contribution sur la rente infra-marginale (CRI) n’a pas eu le rendement escompté et, par conséquent, n’a permis de rapprocher que très marginalement les prix payés par le consommateur des coûts de production nationaux. Elle a également conduit à faire porter le poids financier des mesures de soutien sur l’État, qui l’a lui-même fait porter ultérieurement sur le consommateur, notamment via les hausses successives de TRVe, plutôt que sur les producteurs – qui sont nombreux à avoir enregistré d’excellents résultats financiers durant la crise. La Cour pointe notamment, parmi les explications avancées, que « selon la CRE, la nature déclarative de la CRI donne (…) aux producteurs de moyens thermiques des possibilités d’optimisation relatives à l’évaluation de leurs coûts de combustibles ».

La rapporteure tient à souligner que le principe d’un seuil unitaire et fixe pour taxer la rente de production, même décliné par filières, ne correspond pas à la réalité physique du secteur. Les coûts de production sont très hétérogènes d’une centrale à l’autre. Par exemple, l’éolien en mer de Dunkerque coûte environ trois fois moins cher qu’au large de Saint-Brieuc. Le seuil de taxation de l’électricité d’origine hydraulique apparaît également trop haut : 100 €/MWh, alors que les coûts moyens sont évalués à 50 €/MWh en moyenne, et très hétérogènes (26 €/MWh pour la Compagnie nationale du Rhône en 2021) ([34]). Au-delà de la déclarativité, le façonnement même de la taxe était lacunaire. L’objectif devrait être de limiter la marge des producteurs, donc de prendre en compte les coûts de chaque centrale et de définir un coût de rémunération du capital acceptable (CMPC, c’est‑à‑dire le coût moyen pondéré du capital). Cela impose qu’une structure publique – par exemple la CRE – audite le coût de chacune des centrales.

En conclusion, le système actuel a atteint un niveau de complexité si élevé, notamment dans l’électricité, qu’il rend les contrôles étatiques difficiles et structurellement insuffisants. Si l’on prend en considération que les prix moyens ont augmenté de 44 % pour les ménages et que le « bouclier tarifaire » a représenté des dépenses considérables d’argent public dans une période où la trajectoire de déficit public projetée n’était pas respectée par le Gouvernement, ce « bouclier » a donc constitué un échec en termes de politique publique.

B.   face à ces insuffisances et à l’absence d’une réforme ambitieuse de la régulation des prix de l’électricité, la proposition de loi a pour objectif de faire bénéficier les français d’une énergie au meilleur prix

1.   La réforme de la régulation du prix de l’électricité nucléaire prévue par l’article 4 du projet de loi de finances pour 2025 n’est pas satisfaisante

L’article 4 du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 propose un mécanisme visant à remplacer l’ARENH : en effet, ce mécanisme transitoire s’éteindra au 31 décembre 2025 ([35]). Il prévoit :

– d’une part, un prélèvement sur les revenus d’EDF tirés de son parc de production nucléaire historique (nouvel EPR de Flamanville inclus). Deux seuils de prélèvement sont prévus : un seuil de taxation et un seuil d’écrêtement. La fraction des revenus supérieure au seuil de taxation et inférieure au seuil d’écrêtement sera taxée à hauteur de 50 %. Celle supérieure au seuil d’écrêtement sera taxée à hauteur de 90 %. Les modalités de calcul des seuils sont détaillées, mais aucun seuil n’est mentionné dans la loi ;

– d’autre part, il est institué un versement nucléaire universel au bénéfice des consommateurs finals d’électricité, sous la forme d’une réduction appliquée sur le montant de leur facture. Cette réduction a vocation à être financée par les prélèvements opérés sur les revenus nucléaires historiques d’EDF. Néanmoins, le montant de ce dernier n’est pas indiqué dans la loi. Nous ne savons pas si le consommateur bénéficiera ainsi d’un reversement à 100 % de la part de la rente nucléaire d’EDF taxée par l’État.

Avec la disparition au 1er janvier 2026 de l’ARENH, qui rentrait dans le calcul du TRVe (voir supra), la formule de calcul de ce tarif sera désormais entièrement indexée sur les prix de marché, ce qui expose encore plus brutalement le consommateur aux fluctuations et à l’augmentation éventuelle de ces derniers. Le mécanisme post-ARENH prévu par le Gouvernement n’intervient pas sur le calcul du TRVe, mais comme un mécanisme de redistribution fiscale ex post. Le futur TRVe sera donc intégralement indexé sur les prix de marché lissés sur deux ans et risque de multiplier et d’aggraver les effets d’aubaine. Il est dès lors devenu indispensable de revoir cette formule, tel que proposé dans l’article 2 de la présente proposition de loi.

Le dispositif de taxation et de versement universel prévu par le Gouvernement, outre sa grande complexité, fait reposer la définition d’un nombre important de paramètres sur le pouvoir réglementaire et la CRE – définition des seuils de taxation et d’écrêtement, coûts d’EDF à prendre en compte, etc. De nombreuses inconnues demeurent, en particulier la répartition du produit issu des prélèvements sur EDF entre les différentes catégories de consommateurs.

Le dispositif de taxation ne concerne que l’électricité issue des centrales nucléaires et pas les autres modes de production ni les autres producteurs qu’EDF, ce qui minimise l’impact sur les prix au détail. EDF ne sera pas protégé en cas de plongée des prix de marché sous le coût et se verra obligé de vendre à perte. Des simulations auxquelles nous avons eu accès montrent qu’au-delà de 100 à 120 euros du MWh, ce qui est un scénario classique, les seuils retenus ne permettent pas d’atteindre des factures à 70 €/MWh, comme s’y était engagés le Président Emmanuel Macron, son ministre de l’économie Bruno Le Maire et la ministre de l’énergie, Agnès Pannier-Runacher, en novembre 2023 ([36]).

Ensuite, le dispositif mis en place à l’article 4 du projet de loi de finances pour 2025 prévoit une compensation des fournisseurs pour l’application de ce revenu. Cette compensation est supposée davantage encadrée que les compensations au titre des boucliers tarifaires, car elle sera calculée comme étant le produit des quantités d’électricité fournies aux consommateurs par le tarif de la minoration. La compensation sera versée au fournisseur sur la base d’une déclaration certifiée par son commissaire aux comptes ou son comptable public. En réalité, le mécanisme ne diffère donc pas foncièrement de ce qui a échoué concernant la CRIM et le bouclier tarifaire : un système qui repose sur le bon vouloir des fournisseurs d’un marché éminemment complexe, contrôlé par une entité étatique, la CRE, qui, de son propre aveu, manque de moyens pour réaliser ses missions de contrôles.

Surtout, ce nouveau mécanisme repose encore sur les prix de marché et non pas sur les coûts de production nationaux. Ses effets sont donc très incertains sur le prix payé par le consommateur final, en l’absence de visibilité claire sur le calcul du montant de la minoration et de sa répercussion par les fournisseurs.

Le prix de vente aux consommateurs finaux ne sera pas encadré et le TRVe sera plus volatile et amené à potentiellement augmenter (voir supra). Là encore, aucune des personnes auditionnées n’a pu garantir qu’à terme les prix seraient stabilisés par ce mécanisme et que les fournisseurs n’augmenteraient pas, progressivement, leurs marges à hauteur du versement nucléaire universel. L’exemple de la réduction de la TVA dans la restauration, absorbée par les marges, devrait nous alerter. La restauration est pourtant, sur le papier, un marché hautement concurrentiel. Or, le seul rempart à l’augmentation progressive des marges des fournisseurs réside, pour les acteurs auditionnés, dans le jeu de la concurrence entre les fournisseurs… Pourtant, comme cela a été démontré précédemment, la libre concurrence n’a pas suffi à empêcher les effets d’aubaine massifs et l’augmentation généralisée des prix pendant la crise. Aujourd’hui, les consommateurs préfèrent à l’inverse rester au TRVE d’EDF, plus élevé que certaines offres de marché, car c’est le seul fournisseur qui ne coupe pas en cas d’impayés.

EDF a confirmé lors de son audition qu’en cas de nouvelle crise de l’ampleur de celle que nous avons connue en 2022 et 2023, le mécanisme prévu par le Gouvernement serait incapable de contenir la hausse des prix. Or l’explosion des prix de marché ne peut être un scénario que la puissance publique décide volontairement d’écarter (voir supra). Il convient donc de se doter, dès aujourd’hui, d’un mécanisme qui nous prémunisse des graves conséquences des crises énergétiques, tant sur le pouvoir d’achat, que sur les faillites et les finances publiques.

Pour ces raisons, l’article 4 du projet de loi de finances pour 2025 a été supprimé en commission des finances et en séance publique en première lecture, à l’Assemblée nationale.

2.   Face à l’ensemble de ces insuffisances, la proposition de loi présente des mesures visant à protéger efficacement les Français et à rapprocher les prix de l’énergie des coûts associés

Pour l’électricité, le gaz et les produits pétroliers, les prix de détail sont encore trop exposés à des prix de marché extrêmement volatils.

Plutôt que de bénéficier au consommateur, l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz au niveau européen a amené davantage d’insécurité, avec le développement d’une multitude d’offres alternatives bien moins sécurisantes que les tarifs réglementés de vente. Le groupe parlementaire La France insoumise – Nouveau Front Populaire plaide donc pour une sortie de la concurrence de ce secteur et un retour à un service public de l’énergie.

Le retour à un service public de l’énergie n’entraîne pas la « sortie des marchés », qu’il s’agisse des marchés du gaz et du pétrole, dont nous dépendons structurellement puisque nous importons ces deux sources d’énergie, mais également du marché européen de l’électricité. La proposition de loi vise à encadrer le prix payé par le consommateur français – ménages, entreprises et collectivités –, pas à stopper les échanges avec les pays interconnectés avec la France. La France a besoin d’importer de l’électricité, notamment pour passer les pointes de consommation hivernales – une partie plus importante de son chauffage étant électrique. Surtout, la France étant premier exportateur net (voir supra), si elle n’exportait plus d’électricité à ses voisins, tout le système européen serait profondément déstabilisé. La proposition de loi maintient donc les échanges (les importations sont prises en compte dans la fixation du TRVe). Les échanges préexistaient avant la fixation d’un prix européen. EDF, opérateur public, procédait à des échanges d’électricité de gré à gré avec les opérateurs des pays voisins avant que l’on établisse des prix de marché au niveau européen. Les échanges n’ont d’ailleurs pas significativement augmenté avec la création des prix de marché européens, puisqu’ils dépendent avant tout du développement des interconnexions.

La proposition de loi vise donc à empêcher les effets d’aubaine (voir supra) au niveau de la fourniture d’énergie, et, concernant l’électricité, à ramener le prix payé par les consommateurs français – ménages, collectivités et entreprises – au plus proche des coûts de production. EDF produit 77 % de l’électricité française ([37]) et est détenu aujourd’hui à 100 % par l’État actionnaire. En conséquence, cette proposition relève du bon sens économique. Il est tout à fait possible de revenir à des prix qui, pour les consommateurs français, seraient fondés sur les coûts de production sans remettre en cause l’organisation des échanges avec les États voisins. Faute de meilleur accord avec eux, nous pouvons garder la tarification des imports-exports aux prix de marché européens. La France étant structurellement exportatrice, les risques d’impact négatif majeur sur les factures sont très faibles. Par ailleurs, la crainte de « représailles » de la part des autres États membres est infondée. La France tient une place stratégique et centrale dans le système électrique européen : elle est fortement interconnectée aux autres pays et ses exportations sont nécessaires à l’équilibre du système européen. Par exemple, la péninsule ibérique est uniquement interconnectée aux autres pays via la France. Le réseau électrique est ainsi fait que les États membres ne peuvent pas décider de cesser d’exporter à un État membre identifié. Quand bien même ce serait techniquement possible, la France est trop centrale en termes d’interconnexion pour être contournée. Enfin, concernant les prix, renchérir le prix des exportations vers la France signifierait remettre en cause la fixation du prix au niveau européen. Enfin, si la France faisait de même, les répercussions sur les États voisins seraient bien pires que pour la France. Au-delà du nécessaire rapport de force, à terme, un prix aligné sur les coûts bénéficiera aussi largement à nos États voisins.

Les prix du gaz et de l’électricité représentent déjà le principal problème de pouvoir d’achat des Français dans l’hexagone. Ils jouent un rôle non négligeable dans les faillites d’entreprises en cours. Ils ont entraîné des dépenses publiques colossales et partiellement inefficaces. Ils obèrent la capacité d’investir dans la transition écologique. Ils sont volatils et dépendants d’énergies fossiles dont les cours mondiaux peuvent repartir à la hausse avec l’aggravation des tensions géopolitiques mondiales. Aucun acteur auditionné n’a été en mesure de garantir l’évolution des prix de marché ni même que nous n’allons pas replonger dans une crise majeure tant la situation géopolitique est tendue. En conséquence, la rapporteure ne voit pas d’autre option crédible que le retour au TRVe et au TRVg tel que proposé dans l’article 2.

Afin de répondre à l’ensemble de ces enjeux, la présente proposition de loi propose donc :

– en son article premier, de bloquer les prix de l’énergie pour une durée de douze mois à compter de la promulgation de la loi, en tenant compte de la spécificité des collectivités ultramarines dans la fixation des prix pratiqués. L’amendement ([38]) déposé par la rapporteure en commission à cet article inscrit le principe que le Gouvernement propose des prix différenciés pour les DROM-COM, inférieurs à ceux fixés pour l’Hexagone, en raison des forts écarts de revenus médians ;

– en son article 2, d’étendre le bénéfice des TRVe à tous les consommateurs, d’une part, et de rétablir les TRVg au bénéfice de tous les consommateurs, d’autre part. Cet article modifie également les modalités de calcul des TRVe, afin qu’ils reflètent les coûts de production du système électrique français. Le calcul prend également en compte le coût des importations nécessaires et ne met pas fin aux échanges d’électricité avec nos voisins, qui continueront de se faire au prix de marché européen, tant que les États membres ne se seront pas mis d’accord pour une nouvelle formule de fixation du prix. EDF continuera donc à générer des marges confortables sur la partie export de son activité. Le nouveau mode de calcul proposé permet de ramener le TRVe de 251 à 151 €/MWh, toutes taxes comprises ;

– en son article 3, d’encadrer la marge brute de raffinage des produits pétroliers.

 


   COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Rejeté par la commission

 

L’article 1er prévoit le blocage des prix des produits énergétiques pendant un an à compter de la promulgation de la loi, en France hexagonale et dans les outre-mer, selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État. Un niveau de blocage spécifique est prévu pour les outre-mer.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT
    1.   LA liberté de fixation des prix des biens et services connaît des aménagements

L’article L. 410-2 du code de commerce pose le principe général d’une liberté de fixation du prix des biens produits et services par le jeu de la concurrence. Plusieurs exceptions sont néanmoins prévues à ce principe par ce même article L. 410-2.

En premier lieu, un décret en Conseil d’État peut réglementer les prix dans des secteurs ou des zones où la concurrence par les prix est limitée. Cette limitation peut être due :

– soit à des situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement ;

– soit à des dispositions législatives ou réglementaires. Ce fondement permet notamment d’établir un certain nombre de réglementations sectorielles (voir, infra, le cas des prix de l’énergie).

L’Autorité de la concurrence doit être consultée sur ce décret.

En second lieu, le Gouvernement peut également prendre, par décret en Conseil d’État, des mesures temporaires sur la réglementation des prix, pour en prévenir des variations excessives, à la hausse comme à la baisse. Ces mesures doivent être motivées « par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé ». Le Conseil national de la consommation doit être consulté. Le décret ne peut excéder une durée de validité de 6 mois.

Il s’agit donc, dans cette seconde situation, de permettre à l’État d’intervenir de manière temporaire sur le marché, afin de répondre à des situations exceptionnelles.

Par ailleurs, les articles L. 410-3 à L. 410-6 du code de commerce prévoient des dispositions spécifiques applicables aux outre-mer pour encadrer la fixation des prix. Ainsi, pour les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ([39]) ainsi que pour Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, l’État peut :

– arrêter les mesures nécessaires « pour remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros des biens et services » dans les secteurs pour lesquels les conditions d’approvisionnement ou les structures de marché limitent le libre jeu de la concurrence ;

– réglementer le prix de vente de produits de première nécessité.

L’article L. 410-5 du code de commerce prévoit également, pour ces mêmes collectivités, un accord de modération du prix global de certains produits de consommation courante. Cet accord est conclu à l’issue d’une négociation annuelle entre le préfet et les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, ainsi qu’avec les entreprises de fret maritime.

  1.   La réglementation sectorielle des prix de l’énergie

Les réglementations générales des prix qui viennent d’être évoquées se déclinent, dans la pratique, par des mesures sectorielles d’encadrement des prix dans le secteur de l’énergie.

Concernant l’électricité, l’article L. 337-1 du code de commerce prévoit la possibilité pour l’État de réglementer les prix dans le cadre des dispositifs de l’ARENH, des TRVe et des tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution (ELD).

Concernant le gaz, la suppression progressive des tarifs réglementés du gaz naturel a conduit à supprimer toute disposition générale relative à l’application d’une réglementation des prix de cette énergie.

De même, concernant les carburants, il n’existe pas de réglementation sectorielle générale encadrant le niveau des prix.

Des dispositions spécifiques sont cependant prévues pour les outremer :

– premièrement, dans les zones non interconnectées (ZNI), les TRVe bénéficient, à leur demande, à l’ensemble des consommateurs, domestiques et professionnels ([40]) ;

– deuxièmement, les articles R. 671-1 à R. 671-31 du code de l’énergie prévoient des dispositions particulières pour la fixation des prix des produits pétroliers en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte. Dans ces collectivités, le préfet fixe notamment les prix maximaux des produits pétroliers et du gaz de pétrole liquéfié en fonction « des coûts supportés par les entreprises et de la rémunération des capitaux ou, le cas échéant, de leur marge commerciale » ([41]). En particulier, s’agissant du calcul de la marge de distribution pour les produits pétroliers autres que le gaz de pétrole liquéfié, un arrêté ministériel précise la méthode de fixation des marges maximales de gros et de détail. Un certain nombre de documents justifiant de la réalité des coûts des grossistes doivent être transmis au préfet afin qu’il puisse établir le niveau de marge de gros.

Enfin, l’Observatoire des prix, des marges et des revenus des collectivités concernées doit mettre à disposition du public, une fois par an, les résultats globaux des entreprises du secteur qui sont concernées par ces encadrements de prix, selon des modalités définies par arrêté. La commission spécialisée en matière de carburant et de gaz, au sein de ces observatoires, doit également être informée des projets de modifications de prix prévus au titre de ces encadrements de prix.

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article premier propose un blocage des prix des produits énergétiques pendant 12 mois à compter de la promulgation de la loi, dans l’hexagone et les outre-mer. Face aux difficultés que traversent encore nos concitoyens pour payer leurs factures d’électricité et de gaz et faire le plein d’essence, il importe de prendre des mesures conjoncturelles visant à les protéger efficacement contre les prix élevés, afin qu’ils puissent regagner du pouvoir d’achat. L’inefficacité du libre jeu de la concurrence, tout comme des dispositifs de régulation existants, ont été largement développés en première partie du présent rapport.

Le caractère provisoire du blocage des prix permet de garantir sa conformité aux dispositions de l’article L. 410-2 du code de commerce.

Plusieurs précisions devront être apportées par décret :

– d’une part, le détail des produits énergétiques concernés. La rapporteure souhaite que l’électricité, le gaz et les produits pétroliers, utilisés tant pour le chauffage que pour le carburant, soient concernés ;

– d’autre part, le niveau auquel ce prix serait bloqué. Celui-ci pourrait être fixé par référence aux prix moyens pratiqués avant la crise du covid-19 et celle de la hausse des prix de l’énergie pour le gaz et les carburants. Concernant le carburant, cela représente des prix, en hexagone de 1,49 euro le litre pour le SP95, et 1,44 euro le litre pour le diesel ([42]). Concernant l’électricité, la méthode retenue serait celle définie à l’article 2 de la proposition de loi pour le calcul des TRVe.

Il est prévu qu’un niveau de prix spécifique soit défini pour les différentes collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution, ainsi qu’à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de tenir compte des spécificités de celles-ci, notamment du pouvoir d’achat des ménages et des contraintes pesant sur les approvisionnements en énergie.

Ce blocage des prix ne donnera pas lieu à une compensation financière des opérateurs (fournisseurs et distributeurs, notamment) chargés de l’appliquer.

  1.   les modifications apportées par la commission

La commission des affaires économiques a rejeté l’article premier.

La rapporteure déposera un amendement pour le réintroduire en séance publique, qui incluera la précision rédactionnelle demandant au Gouvernement de fixer un prix plus faible pour les différents DROM-COM.

 

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Introduit par la commission

 

L’article 1er bis a pour objectif de renforcer la protection du consommateur en interdisant aux fournisseurs d’électricité et de gaz naturel de proposer aux clients des offres de fourniture pour lesquelles le prix de l’énergie n’est pas connu au moment où celle-ci est consommée.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT

Les articles L. 224-1 à L. 224-16 du code de la consommation prévoient des dispositions spécifiques concernant les contrats de fourniture d’électricité ou de gaz naturel. Elles s’appliquent aux consommateurs particuliers mais également, pour certaines d’entre elles, aux consommateurs finaux non domestiques ([43]).

L’article L. 224-3 du code de la consommation recense les informations qui doivent être fournies dans des termes clairs et compréhensibles au consommateur final dans l’offre de fourniture d’électricité ou de gaz naturel. En particulier, le 4° de cet article dispose que doivent être précisés les prix des produits et services proposés à la date de l’offre ainsi que les conditions d’évolution de ces prix. Pour les offres dont le prix est indexé sur les marchés ou les offres à tarification dynamique ([44]), « les opportunités, les coûts et les risques liés à ces types d’offres sont précisés dans des termes clairs et compréhensibles, notamment au regard de leur exposition à la volatilité des prix ». Un arrêté doit préciser les modalités d’application de ces dispositions concernant ces offres très dépendantes des prix de marché.

Le 4° de l’article L. 224-3 du code de la consommation s’applique :

– aux consommateurs particuliers d’électricité et de gaz naturel ;

– aux consommateurs non domestiques d’électricité souscrivant une puissance électrique inférieure ou égale à 36 kVA ;

–  aux consommateurs non domestiques de gaz naturel consommant moins de 30 000 kilowattheures par an.

Le Médiateur national de l’énergie (MNE) a pu constater que certaines offres proposées sur son comparateur d’offres en ligne ne permettaient pas au client de savoir quel est le prix de l’énergie qui lui sera facturé, au moment où il consomme cette énergie. Le Médiateur relève en particulier que « certaines offres sont (…) indexées sur un prix de marché qui n’est connu qu’a posteriori, car l’indice retenu pour la facturation est celui du mois au cours duquel la consommation a lieu » ([45]).

Le Médiateur national de l’énergie a proposé de rappeler, « au besoin par la loi », d’interdire les offres pour lesquelles le prix de l’énergie consommée n’est connu qu’après la consommation de celle-ci.

  1.   Le dispositif proposé

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE4 de Mme Stella Dupont, avec avis favorable de la rapporteure.

Cet amendement s’inspire de la proposition du MNE. Il précise, au 4° de l’article L. 224-3 du code de la consommation, que les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel ne peuvent pas proposer aux clients des offres pour lesquelles le prix de l’énergie n’est pas connu au moment de sa consommation.

Dans sa contribution écrite à la rapporteure, le MNE précise que ce type d’offre pourrait être proposé uniquement si le prix applicable avant la période de consommation est rappelé sur l’espace client, afin d’éclairer au maximum le consommateur. Il propose également un mécanisme de notification ou d’alerte permettant de sensibiliser le client sur la disponibilité de ces informations, afin qu’il aille régulièrement consulter son espace client pour s’informer des données de prix disponibles.

 

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Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 2 comporte plusieurs dispositions relatives aux tarifs de vente au détail de l’électricité et du gaz :

– concernant l’électricité, il est prévu, d’une part, de modifier la formule de calcul des tarifs réglementés de vente de l’électricité afin que ceux-ci reflètent les coûts de production du système électrique français – importations incluses – et encadre les marges de fourniture ; et, d’autre part, de permettre à l’ensemble des consommateurs finaux de bénéficier de ces tarifs ;

– concernant le gaz, il est proposé de rétablir les tarifs réglementés de vente du gaz au bénéfice de tous les consommateurs finaux.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT
    1.   Les tarifs réglementés de vente de l’électricité
      1.   Bénéficiaires de ces tarifs

L’ouverture progressive du marché de la fourniture d’électricité à la concurrence a conduit à restreindre progressivement le champ des consommateurs éligibles aux TRVe. En effet, les dispositions du paragraphe 6 de l’article 5 de la directive 2019/944 du 5 juin 2019 ([46]) autorisent, uniquement à titre transitoire pour permettre l’atteinte d’une concurrence effective entre les fournisseurs, des interventions d’un État membre sur les prix de détail de l’électricité. Une telle possibilité est ouverte uniquement pour les clients résidentiels et les microentreprises. La même directive définit les microentreprises comme une entreprise qui emploie moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 2 millions d’euros.

Le Conseil d’État a par ailleurs rappelé, dans une décision de 2018, que plusieurs arguments justifiaient une entrave au développement de la concurrence sur le marché de détail de l’électricité : le fait que l’électricité soit un produit de première nécessité, son caractère non substituable et enfin l’objectif de stabilité des prix ([47]).

Les bénéficiaires des TRVe ont donc été progressivement restreints :

– la loi NOME ([48]) de 2010 prévoit l’extinction progressive de ces tarifs pour les clients professionnels disposant d’une puissance souscrite supérieure à 36 kVA ;

– la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, dite « loi énergie-climat », réserve le bénéfice des TRVe aux seuls sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kVA. Ce bénéfice est ouvert aux consommateurs domestiques, d’une part, et aux consommateurs non domestiques employant moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n’excèdent pas 2 millions d’euros (M€), d’autre part.

Toutefois, l’adoption récente de la loi n° 2024-330 du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement a permis de rouvrir le bénéfice des TRVe à l’ensemble de ces deux catégories de bénéficiaires, quel que soit le niveau de puissance souscrit, à compter du 1er février 2025. La restriction à une puissance souscrite de 36 kVA n’était, du reste, pas imposée par le droit de l’Union européenne. Votre rapporteure souligne que cette victoire a été acquise de haute lutte grâce à une proposition de loi issue des rangs du Nouveau Front Populaire, malgré l’opposition initiale du Gouvernement et à l’issue de trois lectures du texte dans chaque chambre.

Enfin, comme cela a été rappelé dans le commentaire de l’article premier, l’ensemble des consommateurs des ZNI, particuliers comme professionnels, sont éligibles aux TRVe.

Le droit de l’UE impose cependant une évaluation régulière de l’opportunité de maintenir ces tarifs. Ainsi, l’article 5 de la directive 2019/944 (UE) précitée prévoit que les États membres présentent, au plus tard le 1er janvier 2022 puis le 1er janvier 2025, des rapports à la Commission européenne sur l’évolution de l’ouverture à la concurrence de leurs marchés ainsi que sur la nécessité et la proportionnalité des interventions publiques mises en œuvre ([49]). Puis c’est la Commission européenne qui doit élaborer un rapport, au plus tard le 31 décembre 2025, sur de telles dispositions. Ce rapport peut être assorti ou suivi, s’il y a lieu, d’une proposition législative, qui « peut comprendre une date de fin pour les prix réglementés ».

Aucun des acteurs auditionnés n’est aujourd’hui en mesure d’informer le Parlement du contenu du rapport en cours de rédaction par le Gouvernement français, ni de la décision ultérieure de la Commission européenne. L’article L. 337‑9 du code de l’énergie prévoit que l’évaluation du dispositif des TRVe par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie est effectuée sur la base de rapports de la CRE et de l’Autorité de la concurrence. Ces dernières ont toutes deux communiqué sur leurs rapports respectifs le 20 novembre 2024, avec des conclusions opposées :

–  la CRE a conclu que les TRVe sont « compatibles avec le bon fonctionnement du marché et le développement de la concurrence au bénéfice des consommateurs » et recommande que ces tarifs, tels qu’ils existent actuellement, soient maintenus pour les cinq prochaines années ;

– l’Autorité de la concurrence recommande au Gouvernement « de revoir en profondeur l’organisation des marchés de l’électricité en France et de préparer la suppression des TRV ».

Ces conclusions opposées sont inquiétantes, car elles révèlent des prises de positions et des analyses contradictoires, au plus haut sommet de l’État, dans la suite des déclarations gouvernementales qui ne sont pas suivies d’effets au sujet de l’accord entre l’État et EDF. En tout état de cause, elles rappellent que le maintien des TRVe n’est absolument pas un acquis. Si les TRVe venaient à disparaître aux côtés de l’ARENH, les consommateurs français seraient donc intégralement exposés au prix de marché. En cas de nouvelle crise, les effets seraient dévastateurs. Nous rappelons que même sans crise, le prix du marché spot pour la France a augmenté de 30 €/MWh entre octobre et fin novembre 2024.

  1.   Modalités de calcul de ces tarifs

Le paragraphe 7 de l’article 5 de la directive (UE) 2019/944 précitée impose le principe de contestabilité des tarifs réglementés, en précisant que les interventions publiques sur les marchés de l’électricité « sont établies à un prix supérieur aux coûts, à un niveau permettant une concurrence tarifaire effective ». Les TRVe sont donc construits de manière à pouvoir être répliqués par les fournisseurs alternatifs, ce qui explique qu’ils soient indexés sur les prix de marché, lissés sur deux ans, car c’est la durée moyenne des contrats d’approvisionnement conclus par les fournisseurs.

En droit français, les modalités d’établissement des TRVe sont décrites à l’article L. 337-6 du code de l’énergie. Ces tarifs procèdent d’un empilement de plusieurs coûts :

– le prix de l’ARENH ;

– le coût du complément d’approvisionnement, en énergie et en capacité. Le coût d’approvisionnement en énergie est calculé sur 24 mois, ce qui permet de lisser les évolutions des prix de marché ;

– les coûts d’acheminement de l’électricité (TURPE) ;

– les coûts de commercialisation, qui sont fixés en référence à ceux d’EDF pour son activité de fourniture aux TRVe ([50]) ;

– une rémunération normale de l’activité de fourniture, qui tient compte, le cas échéant, de l’atteinte du plafond d’ARENH et de l’écrêtement associé. La CRE a eu l’occasion de définir précisément, dans une délibération de 2023, la méthodologie de détermination de cette rémunération comme « 2 % du tarif hors taxes et hors rattrapages », en rappelant que « la rémunération normale a vocation à rémunérer l’activité de fourniture d’électricité et à couvrir le coût des risques relatifs à cette activité » ([51]).

S’ajoute ensuite la part fiscale, en particulier l’accise sur l’électricité. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les taxes ne représentent pas la majorité du tarif. La part des taxes dans le TRVe représentaient, au 30 juin 2024, 24 % de la facture, contre 54 % pour la part liée à la fourniture d’électricité et 22 % pour la part liée aux coûts réseau (TURPE) ([52]) . Cependant, ces taxes représentent généralement plus de 30 % du montant de la facture. La question du maintien d’un tel niveau pour un bien de première nécessité, décarboné, reste donc entière. Cette proposition de loi ne vise pas à trancher ce débat, mais rappelle que l’on ne peut réduire les taxes si l’on n’encadre pas les prix, au risque d’aggraver encore les effets d’aubaine.

Les TRVe sont fixés deux fois par an, en février et en août.

  1.   Les tarifs réglementés de vente du gaz naturel
    1.   Les anciens bénéficiaires de ce tarif

De la même manière que pour l’électricité, l’objectif d’ouverture à la concurrence de la fourniture d’énergie au sein de l’Union européenne a également conduit à la restriction progressive des tarifs réglementés de vente du gaz. Par contre, contrairement à l’électricité, ces tarifs ont aujourd’hui totalement disparu, les directives sectorielles sur le gaz ([53]) ne prévoyant pas de possibilité de réglementation transitoire des prix. Le Conseil d’État a confirmé l’exigence de supprimer ces tarifs réglementés dans un arrêt du 19 juillet 2017 ([54]), en soulignant notamment qu’à la différence de l’électricité, le gaz est une source d’énergie substituable.

La loi Hamon de 2014 ([55]) a donc supprimé, dans un premier temps, les TRVg pour les clients disposant d’une consommation supérieure à 30 000 kWh par an. La loi « énergie-climat » de 2019 a ensuite imposé la suppression progressive des tarifs pour l’ensemble des consommateurs. Les consommateurs finaux domestiques ont pu en bénéficier jusqu’au 30 juin 2023.

Si les TRVg ont donc bien disparu depuis cette date, la CRE publie cependant tous les mois, à titre indicatif, un prix repère de vente de gaz naturel à destination des clients résidentiels, comportant un prix d’abonnement et un prix du kilowattheure ([56]). Elle publie également une référence des coûts d’approvisionnement du gaz.

  1.   Les anciennes modalités de calcul de ces tarifs

La Cour des comptes, dans son rapport de 2024 précité sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, rappelait que les TRVg n’avaient pas pour objet de « limiter ni même de lisser la répercussion des évolutions mensuelles des prix de gros sur les prix de détail ».

En effet, l’article L. 445-3 du code de l’énergie, dans la version en vigueur avant le 1er juillet 2023, prévoyait une fixation des TRVg « en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures ». Les coûts ainsi pris en compte étaient définis par voie réglementaire ([57]) et comportaient les coûts d’approvisionnement et les coûts hors approvisionnement. Ces coûts hors approvisionnement comprenaient notamment, outre les coûts d’utilisation des réseaux et de stockage, les coûts de commercialisation, ces derniers incluant une marge commerciale raisonnable.

Les tarifs réglementés de vente du gaz naturel étaient fixés mensuellement. Ils étaient donc davantage exposés aux variations des prix de marché que le TRVe, lissé sur 2 ans. C’est un argument parfois évoqué pour ne pas revenir au TRVg. Néanmoins, la CGT énergie a fait part à la rapporteure d’importants effets d’aubaine dans le trading, ainsi que dans le transport de gaz, avec des reversements de dividendes de 50 % du résultat net par certaines entreprises. Ces effets d’aubaine plaident pour un encadrement de la tarification de la fourniture et du transport et un meilleur contrôle des coûts d’approvisionnement. Par ailleurs, le renforcement des obligations de stockage permettrait d’agir à la baisse sur les prix.

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   de nouvelles modalités de calcul des trve, fondées sur les coûts de production de l’électricité franÇaise

Les trois premiers alinéas de l’article 2 de la proposition de loi remplacent les modalités actuelles de calcul du TRVe par de nouvelles dispositions, afin que ces tarifs reflètent les coûts de production de l’électricité française.

Comme cela a été évoqué en première partie du présent rapport, le mode de construction actuel des TRVe ne permet pas de refléter ces coûts de production nationaux. Leur calcul vise à garantir leur contestabilité par les fournisseurs alternatifs afin de renforcer la concurrence sur le marché de la fourniture de détail. En raison de l’écrêtement de l’ARENH, la part des TRVe exposée aux coûts d’approvisionnement a augmenté. Les nouvelles modalités de construction de ces tarifs prévues à l’article 4 du projet de loi de finances pour 2025 exposeront d’autant plus le consommateur final à ces prix de marché, puisqu’elles se contentent de supprimer la composante ARENH des TRVe à compter du 1er janvier 2026.

Afin de faire bénéficier le consommateur final de tarifs véritablement protecteurs, l’article 2 de la proposition de loi prévoit donc que le calcul des TRVe reflète les coûts du système électrique français, qui incluront :

– les coûts de production du parc ;

– les coûts d’import net de l’électricité le cas échéant, car aujourd’hui nous sommes structurellement exportateurs nets ;

– les coûts d’acheminement ;

– les coûts de commercialisation, en intégrant une rémunération normale de l’activité de fourniture.

Le coût de production de l’électricité en France se situant entre 70 et 80€/MWh en fonction des estimations, et les besoins d’importation étant plus faibles que chez nos voisins et largement contrebalancés par les exportations très importantes d’électricité par la France, notre proposition permettrait d’achever un TRVe de 141 à 151 €/MWh, contre 251 €/MWh aujourd’hui, ceci toutes taxes comprises et indépendamment des choix relatifs à une baisse de la fiscalité pesant sur l’électricité.

  1.   L’extension des trve au bénéfice de l’ensemble des consommateurs

Les alinéas 4 à 9 de l’article 2 étendent le bénéfice des TRVe à l’ensemble des consommateurs, résidentiels comme professionnels.

L’adoption de la loi du 11 avril 2024 précitée, qui a supprimé le plafond de 36 kVA, a constitué une première étape importante mais insuffisante pour garantir la protection de l’ensemble des consommateurs professionnels. Seules les TPE sont aujourd’hui bénéficiaires de ce TRVe.

L’alinéa 10 de l’article 2 prévoit que cette extension des TRVe à l’ensemble des consommateurs n’entraîne pas une compensation des opérateurs pour la répercussion du bouclier tarifaire à leurs clients, jusqu’à sa disparition. Une telle disposition est nécessaire pour garantir la recevabilité financière de la proposition de loi, mais votre rapporteure la soutient également sur le fond : les lourdes problématiques inhérentes au mécanisme de compensation ont été largement démontrées en première partie du présent rapport.

La rapporteure estime que la France doit entrer dans une négociation avec la Commission européenne sur la modification du calcul des TRVe, afin de le fonder sur les coûts de production, et sur leur extension à tous les consommateurs. La France doit dénoncer le système actuel, en soulignant à quel point il est contraire à son intérêt, mais également montrer qu’il n’apporte pas de gain direct à nos voisins – hormis celui de niveler les prix à la hausse dans l’ensemble de l’Union européenne, ce qui n’est souhaitable pour personne dans un cadre de concurrence mondialisée avec les États‑Unis et la Chine.

  1.   Le rÉtablissement des trvg au bénéfice de l’ensemble des consommateurs

Les alinéas 13 à 22 de l’article 2 rétablissent les tarifs réglementés de vente du gaz au bénéfice des consommateurs finaux.

Si votre rapporteure a bien conscience que la formule de calcul des TRVg reflète les coûts d’approvisionnement des opérateurs, il n’en demeure pas moins que les rétablir présente un intérêt certain pour les consommateurs. En effet :

– ce tarif sera réglementé par la puissance publique, ce qui implique un contrôle des coûts associés et limite considérablement les pratiques abusives de la part des fournisseurs qui distribuent ce tarif ;

– les tarifs réglementés d’électricité comme de gaz sont une valeur refuge pour le consommateur, particulièrement en temps de crise.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE13 de la rapporteure, qui précise que la version de l’article L. 337-7 du code de l’énergie ici modifiée est celle résultant de l’article 2 de la loi n° 2024-330 du 11 avril 2024 précitée. La suppression du plafond de 36 kilovoltampères (kVA) applicable aux consommateurs particuliers et aux très petites entreprises (TPE) pour pouvoir bénéficier des TRVe est donc bien prise en compte.

Elle a également adopté l’amendement rédactionnel CE14 de la rapporteure.

La rapporteure souligne que cet article 2 a reçu le soutien des associations de consommateurs (UFC Que Choisir et CLCV) et de plusieurs représentants des consommateurs professionnels qu’elle a pu auditionner (Pact'Alim, le CLEEE).

 

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Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 3 prévoit un encadrement de la marge liée aux activités de raffinage des produits pétroliers, selon deux mécanismes :

– un mécanisme pérenne, qui prévoit que lorsque la marge brute augmente davantage que le cours du pétrole Brent, l’encadrement se fait selon un coefficient multiplicateur maximum entre le prix d’achat du pétrole brut et le prix de vente au distributeur ;

– un mécanisme provisoire pour l’année 2025, prévoyant un encadrement de cette marge sans considération de son évolution par rapport au cours du pétrole Brent.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT

Il n’existe pas, aujourd’hui, de dispositions législatives encadrant les marges de raffinage des produits pétroliers. Comme cela a été rappelé dans le commentaire de l’article premier, l’article L. 410-2 du code de commerce ouvre cependant la possibilité d’encadrer les prix, à certaines conditions.

Plutôt que sur l’état du droit, le présent développement portera donc plutôt sur les modalités de construction des prix du carburant à la pompe.

  1.   Les composantes du prix du carburant à la pompe

Selon le rapport de 2024 précité de la Cour des comptes sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, le prix du carburant à la pompe TTC se compose environ :

– pour moitié de taxes ;

– pour moitié d’un prix composé du coût d’achat de la matière première par les stations-service, des coûts de distribution et de la marge des distributeurs.

Elle fait observer qu’« en moyenne, une variation du coût de la matière première, à la hausse comme à la baisse, est répercutée à 50 % dans les prix des carburants en une semaine et à 100 % en 20 jours ouvrés ».

Le graphique ci-dessous présente la décomposition du prix des carburants au début du mois de novembre 2024.

https://www.energiesetmobilites.fr/images/made/Décomposition-des_prix_des_carburants_08.11.2024_550_418_70.png

Source : UFIP Énergies et mobilités.

  1.   La construction de la marge de raffinage sur le pétrole Brent

Le prix de vente de la matière première aux distributeurs par les raffineurs inclut une marge de raffinage.

On rappellera en préambule que la France compte aujourd’hui 7 raffineries sur son sol, dont une en Martinique.

La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) calcule, à titre indicatif, une marge brute de raffinage sur le pétrole Brent, en précisant bien que « cette marge « théorique » est un indicateur illustrant en tendance l’environnement économique du raffinage et diffère de la marge réelle de chaque raffinerie française » ([58]).

Cette marge se calcule en soustrayant aux recettes liées à la vente des produits raffinés trois types de coûts :

– les coûts d’achat du pétrole Brent ;

– le coût du fret pétrolier ;

– les coûts d’assurance et les pertes, dont il est précisé qu’ils sont évalués forfaitairement à 0,3 % du cours du pétrole Brent daté et du coût du fret.

Source : ministère de l’écologie.

Le graphique ci-dessus montre que la marge théorique brute de raffinage sur Brent s’établit à 31 euros par tonne (€/t) en octobre 2024, ce qui est comparable aux niveaux de marge observés en 2019, avant la crise du covid-19. Cette marge a cependant atteint 101 €/t en 2022 et 71 €/t en 2023. Pour disposer ensuite de la marge nette de raffinage, il convient de soustraire les différents coûts de l’opérateur, fixes comme variables (salaires, frais de maintenance, approvisionnement en énergie, etc.), l’amortissement des investissements et la fiscalité.

Selon le syndicat UFIP Énergies et Mobilités, ces hausses de marge s’expliquent notamment par les hausses des coûts des prix de l’énergie et des quotas d’émission de CO2, ou encore la hausse des cours du Brent sur la même période ([59]). Cependant, la hausse des prix du pétrole brut ne justifie pas une marge qui augmente proportionnellement dans le raffinage. Il s’agit tout simplement d’un comportement spéculatif, comme cela a également été constaté pour l’amont de la chaîne.

  1.   Le dispositif proposÉ

Cet article reprend le dispositif de l’article 3 de la proposition de loi du député Manuel Bompard, examinée lors de la précédente journée réservée au groupe La France insoumise à l’automne 2023 ([60]). Le lecteur pourra donc utilement se référer au rapport sur cette proposition de loi ; il revient notamment sur les atermoiements puis le recul du Gouvernement s’agissant de l’encadrement des marges de raffinage, à un moment où celles-ci étaient pourtant particulièrement élevées.

La rédaction de l’article 3 de la présente proposition de loi tient compte de l’amendement de réécriture qui avait alors été proposé par M. Bompard en commission des affaires économiques pour améliorer la rédaction de l’article, mais qui avait rejeté ([61])

Cet article permet d’encadrer la marge brute de raffinage – et non de bloquer ou de supprimer celle-ci. Deux mécanismes sont prévus, l’un pérenne et l’autre temporaire. Tous deux reposent sur le même principe : instaurer un coefficient multiplicateur entre le cours du Brent et le prix de vente du pétrole raffiné. Ce coefficient multiplicateur serait fixé par décret. Il ne pourrait être supérieur à la moyenne des taux de marge brute des dix dernières années. À titre d’illustration, sur la période 2015-2023, cette moyenne est de 39,80 euros par tonne, en se fondant sur les calculs indicatifs de cette marge par la DGEC.

Le mécanisme pérenne d’encadrement (alinéa 2) se déclencherait lorsque le montant de la marge brute de raffinage augmente davantage que le cours du baril, sur une période de 4 mois consécutifs.

Un mécanisme temporaire d’encadrement (alinéa 3) est également prévu pour la seule année 2025. Il n’est pas conditionné à une évolution de la marge brute de raffinage plus importante que le cours du Brent.

Enfin, l’alinéa 3 de l’article vise à renforcer l’information du consommateur sur le prix du carburant à la pompe. Le ministère chargé de l’environnement serait ainsi tenu de publier mensuellement la décomposition du prix du litre de carburant à la pompe, ce qui inclut notamment le montant des marges brutes de raffinage et la marge brute moyenne des distributeurs.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE15 de la rapporteure. Outre des modifications d’ordre rédactionnel, il garantit que le coefficient multiplicateur fixé pour les outre-mer sera inférieur à celui de la France hexagonale, afin de garantir une protection supplémentaire à ces collectivités.

 

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 20 novembre 2024, la commission des affaires économiques a examiné, sur le rapport de Mme Alma Dufour, la proposition de loi visant au blocage des prix de l’énergie dans l’hexagone et les outre-mer (n° 419 rect.).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous examinons ce matin la proposition de loi visant au blocage des prix de l’énergie dans l’Hexagone et les outre-mer, pour laquelle Mme Alma Dufour a été désignée rapporteure. Je rappelle que ce texte est inscrit en troisième position à l’ordre du jour de la séance publique le jeudi 28 novembre, dans le cadre de la journée réservée au groupe LFI-NFP.

Lors de l’audition, hier, de la ministre Agnès Pannier-Runacher, notre commission a déjà évoqué la question essentielle de l’accès à l’énergie et de la précarité énergétique, qui concerne 12 millions de nos concitoyens. Cette proposition de loi vise à apporter sans plus attendre des garanties concrètes quant au niveau des prix de l’énergie, alors que nombre de nos concitoyens peinent à payer leurs factures pour se chauffer.

Le présent texte fait l’objet de neuf amendements, seuls ceux ayant un lien avec l’objet de ses trois articles ayant été déclarés recevables au titre de l’article 45 de la Constitution.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Cette proposition de loi ne vise ni à sortir du marché européen de l’électricité, ni à arrêter les échanges d’électricité avec les pays voisins, ni à déterminer notre mix énergétique en 2030 ou 2050, ni à ruiner EDF, ni à provoquer le départ de TotalEnergies avec ses pompes à essence sous le bras.

Ces inquiétudes levées, j’espère que nous pourrons débattre en profondeur d’un sujet technique mais crucial pour le pouvoir d’achat des Français, la survie des entreprises et la transition écologique.

L’article 1er du texte vise à bloquer temporairement – pendant douze mois – les prix de l’électricité, du gaz, et du pétrole à leurs niveaux de référence d’avant la crise du covid. Quant aux outre-mer, ils bénéficient déjà d’un encadrement des prix. Toutefois, puisque le revenu médian y est fortement inférieur à celui de l’Hexagone, le texte précise que les prix de l’énergie y seront bloqués à un niveau inférieur à celui de l’Hexagone.

L’article 2, de nature plus structurelle, vise à régler le problème des prix de l’énergie sur le plus long terme. Nous proposons de rétablir le tarif réglementé de vente de gaz (TRVg), que nous n’aurions jamais dû abandonner, afin de mieux encadrer le prix final payé par le consommateur et les marges parfois abusives que réalisent les fournisseurs, qui pèsent sur les ménages et les petites entreprises.

Comme la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et contrairement à l’Autorité de la concurrence, dont nous n’avons pas compris la position – peut-être ne la comprend-elle pas elle-même –, nous demandons par ailleurs le maintien du tarif réglementé de l’électricité (TRVe). Nous demandons aussi son extension à tous les consommateurs, comme auparavant.

Puisque la France est le premier exportateur net d’électricité d’Europe, que 80 % de cette électricité est produite par EDF et qu’EDF est détenue à 100 % par l’État, il n’y a aucune raison que la puissance publique ne décide pas elle-même des prix payés par les consommateurs français. Nous proposons donc de fixer le TRVe au plus proche des coûts de production nationaux, sans compensation des fournisseurs alternatifs, et de maintenir les échanges d’électricité avec nos voisins au prix de marché européen. Les échanges d’électricité entre les États membres préexistaient à la création du prix de marché européen.

Rappelons que lorsque les interconnexions physiques sont saturées, les prix de marché diffèrent selon les États membres. C’était le cas hier, à neuf heures. Sur le marché spot, le mégawattheure coûtait ainsi 112 euros en France, 157 euros en Allemagne et 160 euros en Italie. Ce matin, alors que les limites de l’interconnexion ne sont pas atteintes, le prix de marché européen s’aligne dans ces trois pays, autour de 100 euros le mégawattheure.

Notre proposition permettrait de diviser par deux la facture d’électricité des Français, des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) et des collectivités locales.

L’article 3 vise à encadrer les marges des raffineurs de carburant, alors que nos concitoyens souffrent de la moindre variation des prix à la pompe.

Pourquoi cette proposition de loi, puisque les prix de marché du gaz et de l’électricité ont diminué ? Parce que les Français n’en ont pas bénéficié. Un Français sur deux peine à régler ses factures d’énergies. C’est devenu le principal problème de pouvoir d’achat. Près d’un million de procédures pour impayés d’énergie ont été lancées en 2023, soit une hausse de 49 % par rapport à l’avant-covid. Selon le Médiateur national de l’énergie, 30 % des Français auront froid cet hiver.

Écoutez ce témoignage : « L’hiver dernier, la température dans notre domicile était de 10 degrés, car nous n’avions pas les moyens de nous chauffer. Cet hiver, ce sera la même chose. Nous avons anticipé et isolé les fenêtres avec du papier journal et des cartons. » Celui-ci : « J’habite dans le Limousin. Malgré un pull et un sac de couchage, je dors mal car j’ai froid. Je ne peux pas payer l’électricité. L’année dernière, parce que j’ai utilisé les plaques de cuisson et que j’ai chauffé ma chambre à 15 degrés, EDF m’a adressé une facture de régularisation de 700 euros. J’ai dû demander de l’argent à ma famille. » Ou encore celui-ci : « Nous avons reçu une facture de régularisation de 1 900 euros pour sept personnes. C’est l’équivalent d’un salaire ; nous avons dû souscrire à un crédit à la consommation pour la régler. » Et celui-là : « En 2023, EDF m’a réclamé 700 euros pour ma consommation pourtant économe de 2022. Depuis, c’est simple, je ne me chauffe plus. » Le montant des factures d’électricité des Français a augmenté de 45 % en trois ans ; de 60 % depuis 2019. Le Gouvernement veut rembourser le coût du bouclier tarifaire en augmentant la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). C’est un abus de faiblesse.

Pourquoi cette proposition de loi ? Parce que les faillites d’entreprises ont atteint un niveau sans précédent depuis douze ans. Quand nous avons alerté sur les conséquences de la crise de l’énergie pour les boulangeries, les PME industrielles et les 110 000 emplois menacés à court terme dans l’industrie, le Gouvernement nous a accusé d’exagérer. Ses membres affirment désormais, la mine grave, que les faillites sont dues au prix de l’énergie. Nous devons réagir rapidement.

Rien ne garantit que les prix de l’énergie ne remonteront pas en flèche dans les prochains mois. Aucun des acteurs auditionnés, de la CRE à EDF, n’est capable de donner le prix de marché de l’électricité dans un an. L’élection de Trump ne présage rien de bon, au vu de notre dépendance accrue au gaz naturel liquéfié américain. La Banque mondiale alerte depuis un an sur le risque de survenue d’une crise énergétique sans précédent si la déstabilisation du Proche-Orient se poursuit.

Sans même attendre ces bouleversements géopolitiques, le prix de l’électricité en Allemagne dévisse déjà : un pic de 800 euros le mégawattheure a été atteint le 16 novembre. Le marché européen est ainsi fait que les consommateurs français paient en partie les prix hauts en Allemagne. Lorsque nous avons commencé la rédaction de cette proposition de loi, au début du mois d’octobre, les prix sur le marché spot s’établissaient régulièrement autour de 50 euros pour la France. Ils ont doublé depuis.

Les prix de l’énergie sont au cœur d’une compétition industrielle féroce avec les États-Unis, la Chine mais aussi nos voisins allemands. Lorsque les interconnexions sont saturées, les prix allemands peuvent atteindre le double des nôtres. L’intérêt de l’Allemagne est donc de niveler les prix au niveau européen. Les propos du ministre de l’économie allemand Robert Habeck sont limpides : pour lui, le problème n’est pas que la production d’EDF s’appuie sur le nucléaire, mais que ce groupe propose des prix inférieurs à ceux du marché européen.

L’Allemagne, après avoir envisagé de subventionner l’électricité, a finalement réduit les taxes. Or ce n’est pas envisageable en France, car notre pays est soumis à une procédure de déficit excessif.

En outre, le système actuel prive la France de son seul avantage compétitif au niveau européen. Nous ne proposons pas d’arrêter les exportations d’électricité à nos voisins, mais que les entreprises et ménages français paient l’électricité à son coût de production en France.

Pourquoi cette proposition de loi ? Parce que les mécanismes instaurés jusqu’à présent ont été des échecs, particulièrement le bouclier tarifaire – un échec retentissant. Selon la Cour des comptes, en 2022 et 2023, son impact sur le budget de l’État s’est élevé à 36 milliards d’euros et la facture pour les clients finals et les contribuables a excédé de 37 milliards la somme des coûts de production nationaux et des importations nettes. Durant ces deux années, les acteurs du marché de gros ont empoché 30 milliards de marges bénéficiaires nettes, ce qui représente un taux de marge de 100 %.

Alors que le Gouvernement organise des coupes budgétaires, réduit les aides à la rénovation des logements et à l’achat de voitures électriques, il est impensable de recommencer les mêmes erreurs. Or, rien n’est prévu concernant le gaz et le pétrole. Enfin, avec la fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), le TRVe sera intégralement indexé sur les prix de marché.

Le Gouvernement prévoit certes de taxer la rente nucléaire d’EDF, afin de financer un versement nucléaire universel, mais le seuil de taxation retenu, de 90 % du revenu à partir d’un prix de marché de 110 euros le mégawattheure, est trop haut au vu des coûts de production français. En outre, la taxe ne concernerait que le nucléaire historique d’EDF.

Enfin, le Gouvernement n’a rien prévu pour éviter que les fournisseurs n’augmentent leurs marges à la faveur de l’instauration du versement nucléaire universel. Quand nous avons souligné ce risque, les acteurs auditionnés nous ont simplement objecté qu’il fallait laisser jouer la libre concurrence. Or, celle-ci n’existe pas sur le marché de l’électricité. Elle n’a pas empêché les fournisseurs alternatifs de faire exploser le montant des factures pendant la crise, au point que 1 million de clients sont retournés chez EDF. Nos concitoyens ont été traumatisés ; ils préfèrent le TRVe actuel par crainte des coupures d’électricité, alors qu’il est plus élevé que le prix de marché.

Même si notre assemblée a largement rejeté la hausse de la TICFE prévue dans le projet de loi de finances (PLF), celle-ci pourrait être rétablie dans la version du PLF que le Gouvernement fera adopter par 49.3. Elle ne suffirait pas face à l’ampleur du problème. Le présent texte permettra en revanche de faire face à l’urgence.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alexandre Loubet (RN). Le montant des factures d’électricité a crû de 44 % en deux ans et de plus de 137 % depuis 2017. Cette explosion des prix de l’énergie, qui pénalise les ménages, les entreprises et les collectivités, n’est pas une fatalité mais résulte de mauvais choix politiques. Alors que le coût de production de l’électricité en France est parmi les plus bas d’Europe, nous avons choisi d’indexer son prix sur le prix européen du gaz. Pour réduire le montant des factures d’électricité, nous devons donc abandonner les règles absurdes de fixation des prix en vigueur sur le marché européen de l’énergie – mais non quitter ce marché lui-même.

Malheureusement, plutôt que de remettre en cause ses dogmes européistes, la Macronie a préféré dilapider plus de 70 milliards d’euros en quatre ans, à travers des chèques financés par le contribuable.

En octobre 2023, le Rassemblement national a proposé le rétablissement d’un prix français de l’électricité afin d’aider nos compatriotes et de réindustrialiser le pays, mais, au Nouveau Front populaire, vous avez voté contre parce que vous avez préféré vos intérêts partisans à ceux des Français, par sectarisme.

Vous tentez de vous racheter avec cette proposition de loi. Au nom de l’intérêt général, le Rassemblement national la soutiendra, à l’exception de l’article 1er. En effet, le blocage des prix de l’énergie que vous prévoyez serait arbitraire et déconnecté. Il vaudrait mieux rétablir des prix français de l’électricité et du gaz. Ils seraient fondés sur les coûts de production et d’approvisionnement à l’échelle nationale, plutôt que sur les règles absurdes du marché européen de l’énergie.

Nous soutiendrons l’article 2, qui prévoit la généralisation des tarifs réglementés de vente de l’électricité et le rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz. Je note qu’il reprend quasiment mot pour mot certaines phrases de la proposition de loi que j’ai défendue en octobre. Nous proposerons toutefois quelques modifications, car nous sommes réservés vis-à-vis de votre projet de plafonner arbitrairement les marges bénéficiaires nettes dans le secteur de l’électricité à 10 %.

Nous soutiendrons l’article 3, qui vise à réduire le prix des carburants en encadrant les marges brutes de raffinage. Nous aurions préféré appliquer aux carburants un taux réduit de TVA, de 5,5 % ; malheureusement, la Constitution interdit ce type d’initiatives aux parlementaires. Je me réjouis que pour une fois, la gauche se soucie des automobilistes – d’habitude, elle est la première pour les contraindre au nom de l’écologie punitive.

Le Rassemblement national adoptera donc une attitude constructive. J’invite les autres groupes à soutenir le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises sans sectarisme.

Mme Alma Dufour, rapporteure. À l’article 1er, nous n’avons d’autre choix que de confier la fixation des prix au Gouvernement, puisque c’est une disposition d’ordre réglementaire, qui doit passer par décret.

Nous recommanderions au Gouvernement de bloquer les prix de l’électricité et du gaz au niveau du TRVg et du TRVe, tels que l’article 2 prévoit de les calculer – c’est-à-dire 141 euros le mégawattheure pour l’électricité. En ce qui concerne le pétrole, puisque le blocage est temporaire, il ne devrait pas provoquer de pénurie. Nous pouvons viser un retour au prix d’avant-covid de 1,49 euro le litre d’essence sans plomb.

Quant à l’article 3, je le répète, il faut encadrer les marges des raffineurs.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Votre proposition de loi prévoit de bloquer temporairement les prix de l’énergie. Nous sommes contre, car nous croyons dans l’économie de marché ; vous y êtes favorables parce que vous prônez une économie administrée.

Dans l’exposé des motifs, vous prétendez que les tarifs réglementés reflètent les prix du marché, alors que cela n’a jamais été le cas. Vous proposez, à l’article 2, d’indexer les tarifs réglementés de l’électricité sur les coûts de production. Mais je ne vois pas ce que cela changera pour les Français, puisque le niveau actuel des tarifs réglementés est déjà équivalent à ces coûts.

Vous proposez également de rétablir les tarifs réglementés du gaz. Or, en 2018, le Conseil d’État a annulé des décrets concernant de tels tarifs, au motif qu’ils étaient contraires au droit européen. Comment comptez-vous donc faire appliquer cette mesure ?

Vous prévoyez de financer ces mesures par une contribution sur les marges des énergéticiens. Mais comment EDF et ses concurrents pourront-ils investir dans de nouvelles installations et dans l’énergie renouvelable s’ils ne dégagent plus de marges suffisantes ?

Je note une nouvelle fois l’inconséquence du Rassemblement national sur la question énergétique. Monsieur Loubet, vous refusez le blocage des prix prévu à l’article 1er, au motif qu’il serait « arbitraire », mais vous proposez d’en instaurer un autre, à l’article 2. Le blocage des prix lepéniste n’est pas moins arbitraire que le mélenchoniste ! Et comment comptez-vous protéger le secret des affaires d’EDF, crucial pour permettre à ce groupe de faire face à la concurrence, si vous publiez le détail de ses coûts de production au Journal officiel ?

Les articles de cette proposition de loi sont soit démagogiques, soit inopérants. Ils affecteraient lourdement les acteurs économiques et les producteurs d’électricité. Nous voterons contre.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Vous pourrez vérifier auprès de la CRE, la part énergie des TRVe est bien calculée à partir du prix de marché de l’électricité, lissé sur deux ans. C’est d’ailleurs ce qui explique que la part énergie du TRVe en vigueur s’élève à plus de 130 euros le mégawattheure, alors que le mégawattheure coûte actuellement autour de 75 euros dans des contrats CAL (Calendar) 2025.

Il est vrai que la part énergie des TRVe est également définie pour partie par les tarifs de l’Arenh, d’un niveau très bas, voire trop bas par rapport aux coûts de production. Mais l’Arenh sera supprimée dès l’an prochain et le TRVe reflétera alors pleinement les prix du marché, lissés sur deux ans.

Pour notre part, nous proposons de calculer le TRVe à partir des coûts nationaux moyens de production de l’électricité – qu’elle soit issue de centrales nucléaires, hydroélectriques ou à gaz – lissés sur un an, qui s’établissent à 70 euros le mégawattheure.

Quant aux coûts futurs de l’électricité, nous laisserons la main au Parlement pour investir et recapitaliser EDF.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Monsieur Vojetta, vous n’avez pas eu un mot sur l’explosion des factures d’énergie ces dernières années, alors qu’elle entraîne les ménages dans la précarité énergétique, oblige les collectivités à fermer des services publics, fragilise les entreprises et explique la multiplication des faillites.

Des mesures structurelles et d’urgence sont nécessaires. Les réponses des différents gouvernements Macron ont été notoirement insuffisantes. Le bouclier tarifaire a conduit à l’enrichissement des énergéticiens par les contribuables et sert à justifier les coupes budgétaires actuelles.

L’Arenh devant prendre fin en décembre 2025, le PLF pour 2025 prévoyait un mécanisme pour lui succéder mais, comme je l’ai montré dans mon rapport pour avis, celui-ci ne réglera aucun problème, ne permettant ni des prix raisonnables, ni des prix prévisibles.

Le Gouvernement prévoit qu’EDF vendrait toute sa production sur le marché européen de l’électricité. Or, RTE (Réseau de transport d’électricité) indique que 75 % du temps, les tarifs de ce marché seront fixés à partir de ceux du gaz, particulièrement volatils.

L’État taxerait également les surprofits d’EDF sur l’énergie d’origine nucléaire pour réduire la facture payée par les consommateurs, mais nous ne savons pas pour quels montants, car, outre que le produit de la taxe dépendra du marché, sa base est incertaine. En effet, les surprofits seront calculés en déduisant à la fois les coûts de la production, du remboursement de la dette de l’opérateur historique, de 55 milliards d’euros, et de l’investissement dans les nouvelles installations nucléaires. Ceux-ci pourraient s’élever à 70 milliards, mais nous ne savons rien du coût des chantiers et des frais financiers. RTE nous indique qu’ils pourraient multiplier par deux ou trois le prix final de l’électricité.

Ainsi, le dispositif prévu par l’État conduirait nécessairement à une hausse du montant des factures. Selon les économistes, elle pourrait être de 10 % pour les ménages et de 40 % pour les entreprises. Le cabinet ministériel a refusé de nous donner des simulations, notamment pour les industries énergo-intensives. J’espère que le dispositif, que nous avons rejeté, ne reviendra pas par la fenêtre.

Il n’est pas tolérable que 30 % des Français souffrent du froid cet hiver. Il faut bloquer les prix de l’énergie pour douze mois et encadrer les marges des raffineurs. Ces mesures sont plébiscitées par 85 % des Français et dans tous les électorats. Évidemment, ce texte est perfectible. J’invite les groupes qui hésitent à le voter à travailler avec nous sur des amendements pour la séance.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Je vous remercie d’avoir rappelé le contexte. La technicité des questions ne doit pas nous faire oublier que tous les voyants sont au rouge, tant au plan social, qu’économique et géopolitique.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Depuis trois ans, les groupes parlementaires de gauche et écologistes soulignent l’urgence de maîtriser les prix de l’énergie, afin de protéger les particuliers, les entreprises et les collectivités de la forte inflation induite par la relance des économies après la crise du covid et la guerre en Ukraine. Nous divergeons toutefois sur les modalités pour y parvenir.

Notre groupe avait notamment obtenu dans la loi de finances rectificative pour 2022 la création d’un chèque énergie bois. Dans le cadre de la proposition de loi visant à nationaliser EDF, nous avons également permis d’étendre les tarifs réglementés de vente de l’électricité à l’ensemble des TPE, alors que celles de l’artisanat et de l’agriculture en étaient jusqu’à présent exclues. Cette extension est proportionnée, soutenable financièrement et conforme à la réglementation européenne.

Votre article 1er prévoit la fixation par décret d’un prix plafond. Pour notre part, dans le cadre de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgences pour le pouvoir d’achat, nous avions proposé l’instauration d’une TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) flottante. Elle aurait le même impact pour le consommateur final qu’un blocage des prix, mais son mécanisme, très différent, permettrait de prendre en compte la nécessité de la transition écologique et de la prévisibilité des recettes fiscales. C’est d’autant plus important que celles-ci servent pour partie à financer la péréquation tarifaire et le soutien aux zones non interconnectées (ZNI), notamment dans les outre-mer.

De même, l’article 2, qui prévoit une refonte des TRVe et le rétablissement des TRVg, aurait pour effet mécanique, à terme, la disparition des fournisseurs alternatifs, alors que ceux‑ci jouent un rôle majeur dans le développement des énergies renouvelables, aux côtés d’EDF. Je pense par exemple au parc éolien en mer exploité par l’entreprise espagnole Iberdrola.

Vous ne prévoyez pas de compenser les pertes de recettes liées à ces mesures pour EDF, au risque de fragiliser l’opérateur national, alors qu’il doit faire face à un mur d’investissements. Souvenons-nous que le relèvement du plafond de l’Arenh lui a déjà coûté 8 milliards d’euros.

Quant aux tarifs du gaz, pour accélérer la sortie des énergies fossiles, il faut conserver un signal-prix, tout en accompagnant évidemment les ménages les plus précaires. Nous regrettons d’ailleurs que ce texte ne prévoie pas de mesure spécifique de soutien aux ménages modestes, alors qu’un blocage général des prix profite d’abord aux plus gros consommateurs, les ménages les plus aisés. Même si nous partageons votre objectif, nous ne pouvons adhérer aux solutions que vous proposez. Nous ne voterons pas ce texte.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Nous avons soutenu la proposition de loi visant à nationaliser EDF. Toutefois, elle ne résout pas le problème des TRVe. Quand l’Arenh disparaîtra, ils atteindront des niveaux trop élevés, car ils seront intégralement indexés sur les prix du marché.

Par ailleurs, nous ne prévoyons pas de remettre en cause les contrats sur la différence (CFD), qui permettent aux producteurs d’énergies renouvelables de bénéficier d’une prime et de prix planchers et plafonds.

Le blocage des prix proposé permettrait à EDF de bénéficier d’une rémunération normale pour la production d’électricité et d’une marge d’investissement. Quant au financement du grand carénage et des nouveaux réacteurs de type EPR, nous préférons qu’il reste à la main du Parlement, à travers des crédits supplémentaires – le groupe Droite républicaine a d’ailleurs défendu la même position lors du PLF.

Enfin, puisque EDF est désormais intégralement détenue par l’État, elle ne doit plus se comporter de manière opaque. Il ne saurait être question de secret des affaires alors que cette entreprise a été rachetée pour 12 milliards d’euros il y a deux ans.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). La précarité énergétique est une réalité alarmante pour nos concitoyens. En 2023, 12 millions de Français en étaient victimes ; la situation est critique en outre-mer.

Or, la présente proposition de loi apporte des solutions inadaptées et souvent inapplicables au problème. Le prix de l’énergie s’explique avant tout par les taxes, qui pèsent lourdement sur les ménages depuis 2012, et par l’absence de souveraineté énergétique.

Un blocage artificiel des prix de l’énergie serait coûteux, juridiquement fragile et risquerait de créer des pénuries. La proposition d’étendre les tarifs réglementés à tous les consommateurs est irréaliste. Elle nuirait à la compétitivité des fournisseurs français, alors que la France est redevenue en 2024 le premier exportateur d’électricité en Europe.

Par ailleurs, nous ne croyons pas à l’économie administrée, où la loi fixe la marge des entreprises. En encadrant la marge d’une entreprise telle qu’EDF, nous empêcherions les 25 milliards d’euros d’investissements annuels nécessaires, notamment pour l’électricité d’origine nucléaire. Enfin, l’encadrement des marges des raffineurs risquerait d’augmenter les coûts et de perturber l’économie.

Notre groupe a toujours défendu des solutions pragmatiques pour nos concitoyens et notre souveraineté énergétique : réduire les taxes sur l’énergie en modulant la fiscalité en fonction des prix de marché ; renforcer notre souveraineté énergétique en consolidant le nucléaire et garantir la stabilité des prix sur le nouveau marché européen.

Nous avons obtenu du Premier ministre une « clause de rendez-vous » en début d’année prochaine, pour paramétrer l’évolution de la taxe sur l’électricité en fonction du marché de l’énergie, afin de garantir à nos concitoyens une baisse des prix de l’énergie dès l’an prochain. C’est une approche réaliste, qui protège les consommateurs, sans déstabiliser le secteur énergétique. Nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Les taxes ne représentent que 30 % du coût de l’électricité pour le consommateur final. Il est faux de prétendre que ce sont elles qui posent problème, alors que ce sont les prix de marché de l’énergie qui expliquent l’essentiel de ce coût – le TRVe en vigueur s’élève ainsi à 140 euros le mégawattheure.

En outre, nous n’avons aucune garantie que les prix de marché n’augmenteront pas. Il est facile de constater la volatilité de ceux du marché spot. Depuis un mois, ils ont doublé, le mégawattheure passant de 50 ou 70 euros, selon les heures, à 100 euros.

Votre proposition conduirait simplement à affaiblir les finances publiques, alors que je vous sais très attaché à la maîtrise des comptes.

M. Benoît Biteau (EcoS). J’associe à mon intervention Julie Laernoes, qui a travaillé avec la rapporteure sur ce fléau majeur qu’est la précarité énergétique. L’hiver dernier, 79 % des Français ont limité leur chauffage pour éviter des factures trop élevées. Le coût de l’énergie place également 15 millions de Français en situation de précarité pour la mobilité.

Cette situation indigne est négligée par les pouvoirs publics, alors qu’elle a des conséquences sur la santé. Même si les prix de l’énergie restent élevés et risquent d’augmenter encore, le Gouvernement se désengage totalement. Il remet en cause l’automaticité du chèque énergie, ce qui conduira à l’explosion du non-recours et donc de la précarité énergétique, et prévoit en outre un coup de rabot de 2,5 milliards d’euros en un an sur les aides à la rénovation.

A fortiori, alors que de nombreux Français ont des difficultés d’accès à l’énergie, la consommation globale – notamment d’énergies fossiles – est encore trop élevée en raison de l’absence de politiques structurantes en faveur de l’efficacité énergétique, mais aussi d’une consommation disproportionnée chez les plus aisés. Cette situation est à la fois un symptôme des inégalités sociales et l’une des causes du réchauffement climatique, ce qui fait de la lutte contre la précarité énergétique un sujet sociétal et environnemental à part entière. Si nous partageons l’objectif de permettre à tous un accès à l’énergie de base, nous considérons que la proposition de loi omet l’enjeu de la justice sociale et climatique en protégeant de la même manière ceux qui ont les moyens de consommer de manière disproportionnée de l’énergie fossile et ceux qui n’ont pas de quoi de se chauffer ou se déplacer. Nous craignons qu’une telle mesure s’apparente au bouclier tarifaire indifférencié que le Gouvernement a adopté dans l’urgence en 2022 et que nous dénoncions déjà à l’époque.

Parallèlement à l’augmentation des aides ciblées, nous plaidons pour une tarification progressive de l’énergie : un tarif abordable pour les premières unités de consommation répondant aux besoins essentiels et des prix progressifs pour les unités suivantes, afin de désinciter les usages superflus qui sont souvent l’apanage des plus riches et d’inciter à des comportements plus sobres.

C’est pourquoi nous nous abstiendrons. Nous proposons de travailler ensemble, avant la séance publique, pour trouver le moyen d’instaurer un blocage des prix progressif sur les premières unités de consommation, qui nous semble plus juste et plus durable.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Je comprends mal le choix de l’abstention à ce stade. Nous avions donné notre accord au principe de la tarification progressive et nous avons proposé à Mme Laernoes de rédiger nous-mêmes des amendements à examiner en commission. La difficulté est la suivante : jusqu’à quel point peut-on raisonner en termes de quantité dès lors qu’il faudrait pouvoir déterminer si les gros rouleurs sont des ménages modestes ou contraints par le trajet domicile-travail ? C’est une question sérieuse sur laquelle nous devons nous pencher avec sérieux, mais nous n’avons pas eu le temps de réaliser ce travail.

Nous avions proposé d’augmenter progressivement le tarif de l’accise sur le gaz ; elle est actuellement inférieure à celle sur l’électricité, ce qui est un non-sens écologique et budgétaire. Cela enverrait un signal-prix soutenable pour les ménages.

Mme Louise Morel (Dem). Pour lutter contre la précarité énergétique, vous proposez deux solutions : bloquer les prix de l’énergie et encadrer les marges des énergéticiens. L’intention est louable, mais nous nous interrogeons sur les conséquences économiques, l’applicabilité pratique et les implications juridiques de la proposition de loi dans sa rédaction actuelle. Le groupe Démocrate s’opposera à son adoption.

Le blocage des prix des produits énergétiques pour douze mois exigerait de l’État une compensation des surcoûts de production, notamment en période de forte consommation comme les pics hivernaux. Or, l’État, c’est nous tous ; vous proposez finalement – comme de coutume – une hausse considérable de la dépense publique qui restreindra les capacités d’investissement des énergéticiens et compromettra la modernisation du parc de production et l’intégration de solutions renouvelables. Quelles mesures envisagez-vous pour éviter que cette intervention ne se traduise par un désinvestissement dans la production d’énergie décarbonée ?

La réintroduction des tarifs réglementés de vente du gaz contreviendrait aux directives européennes et aux décisions du Conseil d’État et l’élargissement des tarifs réglementés de vente d’électricité à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur nature, alourdirait considérablement la charge supportée par EDF. Au-delà des déclarations d’intention et de la communication que vous faites autour de ce texte, quelles solutions concrètes proposez-vous pour harmoniser ces ambitions avec le cadre réglementaire national et européen, tout en préservant la stabilité financière d’EDF ? Par ailleurs, si nous partageons la volonté de rapprocher les tarifs de vente d’électricité aux entreprises des coûts de production, il est difficilement concevable qu’un prix défini deux fois par an par une autorité administrative soit le meilleur moyen d’y parvenir. À cette heure, les contrats de marché sont plus attractifs que les tarifs réglementés de vente.

L’intention de protéger les plus vulnérables des variations des prix de l’énergie est louable. Cependant, en proposant une solution dont les effets de bord ne sont pas suffisamment évalués, la proposition manque de nuance dans le traitement d’un problème infiniment complexe. Nous nous y opposerons, mais nous sommes ouverts à vos réflexions.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Je le répète, le blocage des prix au niveau des coûts de production inclurait une marge raisonnable au sens défini par la CRE, ce qui signifie qu’il n’y aura pas de perte pour EDF. Pour les autres producteurs, notamment les producteurs d’énergies renouvelables, nous ne touchons pas au mécanisme du CFD. La proposition de loi ne présente aucun danger pour la production d’électricité. Nous ne faisons qu’encadrer les marges excessives réalisées dans la production, la fourniture et le trading d’énergie par les acteurs du marché de gros – car 100 % de marge nette en 2023, c’est un miracle économique ! Ces chiffres sont tirés d’un tableau de la Cour des comptes, pas de La France insoumise.

M. Henri Alfandari (HOR). Le groupe Horizons ne soutiendra pas la proposition de loi. Je m’étonne que le travail effectué sous la dernière législature n’ait été repris ni dans le projet de loi de finances, ni dans aucun autre texte, alors que nous avions souligné la nécessité de rehausser le plafond de consommation ouvrant droit au tarif réglementé afin de protéger le plus grand nombre de nos concitoyens et les petites entreprises, et celle d’encadrer dans la loi le prix post-Arenh – indépendamment du cadre de la négociation. De manière générale, si nous voulons protéger nos concitoyens des aléas du marché, le mieux est de produire de l’énergie en abondance – ce qui ne veut pas dire qu’il faut la gaspiller à la consommation. Il faut supprimer de notre mix énergétique les deux tiers d’énergies fossiles importées. Plus on se prémunira contre les importations, plus on garantira le prix demandé à nos concitoyens.

Ces questions sont absentes du texte. Je partage le souhait de trouver un prix plus proche des coûts de production dans le contexte d’une compétition internationale exacerbée des tarifs de l’énergie, mais je ne crois pas que la proposition de loi y réponde.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Faire payer l’électricité au coût de production était une promesse du président de la République ; l’une des nombreuses qu’il ne tiendra pas. Je suis entièrement d’accord pour dire qu’il faut réduire la consommation. Si nous nous sommes battus pour le rétablissement des crédits d’aide à la rénovation énergétique et à l’électrification des véhicules dans le budget de l’État, c’est bien parce que nous avons l’ambition de limiter notre dépendance aux énergies fossiles ; c’est le gouvernement actuel qui a décidé de baisser ces crédits de manière substantielle et nous oppose l’austérité budgétaire.

Le rapport de la Cour des comptes est sans appel : le système mis en place n’a pas fonctionné et a coûté excessivement cher. J’entends beaucoup de critiques, mais peu de propositions pour un nouveau système. Nous proposons d’arrêter de jeter de l’argent par des fenêtres mal isolées. De l’aveu même des consommateurs d’énergie industriels, l’article 4 du projet de loi de finances est insuffisant : nous avons auditionné le Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité sur le marché libre de l’électricité (Cleee) et des fédérations de PME industrielles, qui sont tous d’accord pour revenir à un TRVe plus proche du coût de production, avec une marge d’investissement normale pour EDF.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Le blocage des prix de l’énergie figurait au programme commun du Nouveau Front populaire. Ce texte a le mérite de démontrer, sinon la faisabilité de ce programme, du moins qu’il existe des solutions réelles à l’envolée des prix de l’énergie, pour peu qu’il existe une volonté politique. Je salue la démarche des auteurs de la proposition de loi, qui ont intégré les spécificités des outre-mer dès la conception du texte. Cela mérite d’être souligné : si l’on a beaucoup parlé du réflexe outre-mer sous l’ancienne législature, nous en avons très rarement vu la démonstration.

Face au caractère volatil et fluctuant du marché de l’énergie, l’État a mis en place, à partir de l’automne 2021, une série de dispositifs de soutien aux acteurs du marché de l’énergie qui ont coûté 85 milliards d’euros aux Français, dont 30 milliards directement perçus par les acteurs du marché sous la forme de marges bénéficiaires nettes. Pourtant, au 1er février 2024, le coût de l’électricité a augmenté de 8,6 %. Force est de constater que les mesures adoptées par les gouvernements successifs n’ont pas permis de protéger les Français de l’envolée des prix de l’énergie. Il faut trouver d’autres solutions. Le groupe GDR est globalement favorable aux mesures proposées, bien qu’elles soient perfectibles, qu’il s’agisse du blocage des prix, des tarifs réglementés d’électricité ou du mécanisme d’encadrement des marges brutes de raffinage.

J’ajoute que les outre-mer connaissent déjà le blocage des prix et l’encadrement des marges. À La Réunion, le prix des carburants est fixé par arrêté préfectoral et le prix de la bouteille de gaz est encadré par la région. Ces mesures ont porté leurs fruits en situation de crise, comme c’est le cas actuellement ; toutefois, elles ne sauraient constituer une solution pérenne. La preuve en est que, chez nous, les prix continuent de s’envoler. Il faut trouver d’autres mesures pour encadrer le marché, en finir avec les monopoles et, s’agissant de l’électricité, revenir à un marché unique et réglementé.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Nous avons conduit de nombreuses auditions avec les observatoires des marges des territoires d’outre-mer. Elles nous ont confortés dans l’idée que le blocage des prix était une mesure utile, mais largement perfectible – je pense aux marges un peu trop généreuses de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara). Nous appelons le Gouvernement à revoir ces marges, comme le recommande le rapport de l’Inspection générale des finances. Les prix dans l’Hexagone sont parfois plus bas que dans les outre-mer ; nous ne nous satisfaisons pas de cette situation.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Nous partageons l’objectif de fournir aux Français une électricité à bas coût et d’assurer notre indépendance énergétique. Cependant, la fixation d’un prix en fonction de son évolution passée ignore l’évolution actuelle et future du coût. Par ailleurs, les mécanismes d’administration des prix ont montré leur déconnexion avec la réalité et présentent un risque d’effet de bord. La piste d’une TICFE flottante, évoquée par d’autres collègues, nous semble intéressante, bien que cette taxe ne forme pas l’essentiel du prix.

Il nous semble que ce n’est pas à la loi de fixer les marges, mais plutôt au marché. Cela nécessite de travailler à la fois sur les capacités de production et sur la modalité de fixation des prix, lesquels doivent refléter la rencontre réelle entre l’offre et la demande. Le problème tient au fait que les prix sont actuellement fixés par rapport au marché européen ; il tient surtout à la multiplication d’intermédiaires artificiels qui, comme le disent certains experts, sont des « producteurs de factures » et concentrent l’essentiel des augmentations de marges sur le marché de l’électricité. Ces intermédiaires ont été imposés sur un marché de nature largement monopolistique par la doctrine bruxelloise de la concurrence.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Je confirme vos propos sur les fournisseurs alternatifs, tout en précisant que les marges ont surtout été réalisées dans la production en 2023 : EDF s’est rattrapée d’une année 2022 catastrophique, ce que l’on peut comprendre, mais Total et Engie ont réalisé des marges énormes.

La proposition de loi a été travaillée avec un lanceur d’alerte qui travaillait chez un fournisseur alternatif épinglé par la Commission de régulation de l’énergie. J’aurais aimé qu’il soit auditionné par l’ensemble de notre commission, car ce qu’il a raconté dépasse l’imagination en termes de flouage du marché et d’effet d’aubaine permanent. C’est à vous passer le goût de laisser ce marché exister.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je rappelle à ceux de nos collègues qui parlent sans cesse de souveraineté énergétique que nous l’avons eue sous le général de Gaulle, qui avait créé un pôle public de l’énergie.

L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) prévoit 150 000 pertes d’emploi dues aux TPE qui souffrent et aux ménages qui ne consomment plus. Si l’on ne fait rien, la France court le risque d’une récession. La proposition de loi, même perfectible, est là pour desserrer l’étau. Abandonnez les postures, ressaisissez-vous, réfléchissez à ce que vous dites et soyez cohérents !

 

 

Article 1er : Blocage des prix des produits énergétiques durant un an

 

Amendements de suppression CE1 de M. Alexandre Allegret-Pilot et CE9 de M. Alexandre Loubet

M. Alexandre Loubet (RN). Le blocage des prix déterminé par le Conseil d’État n’est pas viable : ce serait une décision arbitraire, non pérenne et déconnectée des réalités, qui impliquerait une compensation par l’État de la différence entre le prix de marché et le tarif imposé. Cela coûterait très cher au contribuable. Pour faire baisser les factures d’électricité, nous proposons de restaurer les tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz à l’article 2 en revoyant leurs modalités de calcul afin qu’ils soient fixés par le Gouvernement. D’ailleurs, l’article 1er n’aura aucun sens si l’article 2 est adopté.

Pour répondre aux attaques de M. Vojetta, que je n’ai sincèrement pas comprises, je précise que les Français de l’étranger qu’il représente en Espagne et au Portugal ont bénéficié de dérogations aux règles du marché européen de l’énergie grâce auxquelles les factures d’électricité ont baissé de 10 à 20 %. Ses électeurs apprécieront de le voir défendre un prix décorrélé des coûts de production qui rend l’électricité beaucoup plus chère.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Avis défavorable. Le blocage des prix sera temporaire, comme outre-mer où ce mécanisme a démontré son efficacité. L’inflation alimentaire dépassait 100 %, voire 200 % sur certains produits par le jeu des oligopoles et le caractère captif du marché ; grâce au blocage des prix, elle a été contenue à un niveau bien inférieur. En outre, qu’il s’agisse du TRVg, du TRVe ou du prix du carburant à environ 1,50 euro le litre, nous recommandons un niveau soutenable pour les filières. C’est un effort limité dans le temps et largement réalisable, qui pénalisera moins les finances publiques qu’une TICFE flottante – laquelle obligerait l’État à compenser la colossale hausse des marges dans le secteur de l’énergie. Je rappelle que TotalEnergies était le numéro deux du CAC40 en 2022 et que l’entreprise augmente ses bénéfices de façon exponentielle année après année.

La question d’un retour de la crise de l’énergie se pose. Personne n’est en mesure de dire comment le prix du carburant évoluera dans les prochains mois : le contexte géopolitique est explosif et le prix du pétrole brut pourrait connaître une hausse importante. Si nous proposons un blocage des prix, c’est pour ne pas revivre ce qui s’est produit en 2022.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Tout n’était pas parfait dans le système espagnol de sortie temporaire du marché européen. Je vis dans ma circonscription et j’y paie mes factures d’électricité : je confirme à M. Loubet que les tarifs ont baissé de quelques dizaines de points de pourcentage quand le système a été mis en place, mais c’était après avoir laissé les tarifs exploser de plus de 100 %. Pendant ce temps, en France, nous avons protégé les consommateurs. Nous leur avons évité le monde que fantasment, avec leur misérabilisme habituel, nos collègues de la France insoumise.

M. Alexandre Loubet (RN). Comment pouvez-vous parler de misérabilisme quand plus de la moitié des Français ont déjà renoncé à se chauffer ? Depuis 2017, c’est-à-dire depuis que le président de la République que vous soutenez est au pouvoir, le prix de l’électricité a explosé de 137 %. L’Espagne et le Portugal ont bénéficié de dérogations aux règles du marché européen de l’énergie. Au nom de quoi la France, qui produit une électricité parmi les moins chères d’Europe, n’en bénéficierait-elle pas ? En réalité, votre gouvernement a négocié des dérogations qui ne profitent qu’aux groupes électro-intensifs et aux énergéticiens. Les Français ont investi par le passé pour développer un parc nucléaire et hydraulique ; ils sont en droit de bénéficier d’un prix compétitif.

La position du Rassemblement national est qu’il faut sortir des règles de fixation du prix de l’électricité au niveau européen, afin que le prix corresponde au coût de production.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Monsieur Vojetta, quand on est à 10 euros près le quinze du mois, ce n’est ni du misérabilisme, ni du Zola. Vous n’avez qu’à faire du porte à porte dans les quartiers populaires de votre circonscription ! J’étais hier avec des citoyens de la mienne : une personne seule dont le chauffage central est pris en charge par son bailleur HLM payait 120 euros pour trois ampoules LED, un téléviseur et un frigo. Avant-hier, une autre personne m’expliquait qu’on lui demandait 400 euros de régulrisation de facture pour un salaire de 1 500 euros. Vous avez un vrai problème de déconnexion avec la réalité que vivent les Françaises et les Français !

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE11 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Il vise à s’assurer que le Gouvernement fixe les prix bloqués à un niveau inférieur en outre-mer afin de prendre en compte la différence de revenu médian par rapport à l’Hexagone.

La commission adopte l’amendement.

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. J’ai reçu de la part de huit députés du groupe LFI-NFP une demande de scrutin sur l’article 1er au titre de l’article 44 du règlement.

Votent pour :

M. Laurent Alexandre, Mme Ségolène Amiot, Mme Delphine Batho, M. Benoît Biteau, Mme Alma Dufour, M. Charles Fournier, Mme Zahia Hamdane, Mme Émeline K/Bidi, M. Maxime Laisney, Mme Manon Meunier, Mme Sandrine Nosbé, M. René Pilato, M. Boris Tavernier, Mme Aurélie Trouvé

Votent contre :

M. Xavier Albertini, M. Henri Alfandari, M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Charles Alloncle, M. Maxime Amblard, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Françoise Buffet, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, M. Harold Huwart, Mme Laure Lavalette, Mme Annaïg Le Meur, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Hervé de Lépinau, M. Alexandre Loubet, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, M. Jérôme Nury, M. Richard Ramos, M. Joseph Rivière, M. Vincent Rolland, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 44

Nombre de suffrages exprimés : 44

Majorité absolue : 23

Pour l’adoption : 14

Contre l’adoption : 30

 

La commission rejette l’article 1er, mis aux voix par scrutin.

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE4 de Mme Stella Dupont

Mme Stella Dupont (NI). Je déplore l’assimilation de la majorité des amendements que j’ai déposés à des cavaliers législatifs : ils ont, à ce titre, été déclarés irrecevables, alors que leur lien avec le champ de la proposition de loi me semblait pourtant bien établi. J’ai entendu qu’une note avait été rédigée, mais je n’en ai pas été destinataire. Je vous remercierais, madame la présidente, de me la transmettre.

Dans ces amendements, je proposais différentes mesures comme l’instauration d’un droit effectif à une alimentation minimale en électricité, proposition dont l’esprit est proche de celui du tarif progressif de l’énergie que défendent certains collègues écologistes et qui est le fruit d’un travail conduit sous la précédente législature, notamment par notre ancienne collègue de la Drôme Mireille Clapot, avec le Médiateur national de l’énergie. Un autre amendement visait à mieux encadrer la modification en cours de contrat des offres de fourniture d’électricité ou de gaz naturel et un dernier avait pour objet de mieux protéger les entreprises exposées à des frais de résiliation anticipée.

Le seul amendement jugé recevable, le CE4, prévoit d’interdire les offres de fourniture d’électricité et de gaz naturel qui ne permettent pas au consommateur d’en connaître le prix au moment où il consomme. Certaines offres sont en effet indexées sur un prix de marché qui n’est connu qu’a posteriori, car l’indice retenu pour la facturation est celui du mois au cours duquel la consommation a lieu.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. J’ai adressé la note à tous les membres de la commission : elle précisait l’objet de la proposition de loi, lequel est circonscrit aux prix de l’énergie. Au titre de l’article 45 de la Constitution, nous n’avons donc pu retenir que l’amendement CE4 parmi l’ensemble des amendements que vous aviez déposés.

Mme Alma Dufour, rapporteure. J’aurais fait montre de davantage de souplesse, madame Dupont. J’étais favorable aux propositions contenues dans vos amendements, donc je voterai en faveur de celui-ci, qui pointe une pratique particulièrement dangereuse pour les ménages, à savoir leur démarchage par des fournisseurs qui leur proposent des mensualités et non un prix du kilowattheure. Les mensualités sont artificiellement baissées par une sous-estimation de la consommation et les ménages se retrouvent ensuite face à des rattrapages réels, sérieux et récurrents de plusieurs centaines d’euros. Cet amendement va dans le bon sens.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Je partage l’objectif de l’amendement, mais sa rédaction me pose problème, car il me semble techniquement impossible d’être informé du prix à l’instant t. Il faudrait sans doute modifier sa rédaction pour prévoir des modalités d’information plus strictes.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 2 (art. L. 337-6, L. 337-7 et L. 445-1 du code de l’énergie) : Révision des modalités d’établissement et extension du champ des bénéficiaires des tarifs réglementés de vente de l’électricité et rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz naturel

 

Amendement CE10 de M. Alexandre Loubet

M. Alexandre Loubet (RN). Nous voulons baisser les factures énergétiques des Français parce que leur montant est totalement décorrélé du coût de production et d’approvisionnement d’électricité et de gaz. L’amendement vise à corriger certains éléments de la proposition de loi et à mettre fin à l’Arenh, qui bloque les prix de l’énergie, monsieur Vojetta. La Macronie a maintenu cette disposition depuis plusieurs années, alors qu’elle la dénonçait. Ce blocage des prix a fortement affaibli le groupe EDF, car il lui a imposé des prix de l’électricité d’origine nucléaire bien plus faibles que leur coût de production. Nous proposons de rétablir un prix français de l’électricité, déterminé par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie. Nous appuyons votre volonté de restaurer les tarifs réglementés de vente de gaz.

Mme Alma Dufour, rapporteure. L’avis est défavorable, même si nous semblons converger sur le principe d’encadrer et de modérer les prix de l’énergie. La rédaction de l’article est plus précise que celle de votre amendement, car elle élabore une nouvelle formule du calcul du TRVe, fondée sur les coûts de production et une rémunération normale d’EDF excluant toute perte. Votre amendement laisse au Gouvernement ou à la CRE la responsabilité de fixer le TRVe et la liberté d’en déterminer le mode de calcul. On pourrait considérer que l’État fixe déjà le TRVe, la CRE utilisant une équation qui ne nous convient pas car elle est indexée sur les prix de marché ; le Gouvernement peut bloquer le TRVe à un niveau inférieur et déclencher le bouclier tarifaire qui compense les fournisseurs pour l’écart entre le niveau théorique fixé par la CRE et celui décidé par le Gouvernement. Cette situation s’est produite en 2022 et en 2023.

La proposition de loi vise à inscrire dans la loi une formule de calcul du TRVe. L’article 2 pourrait ramener le prix à 141 euros le mégawattheure sans toucher à la fiscalité, sur laquelle le débat est ouvert – je soutiens d’ailleurs la diminution progressive de la TICFE.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Madame Dufour, on vous imagine devant Bloomberg à regarder les prix du marché spot de l’électricité avant de redevenir la mère Teresa de la précarité énergétique. Le misérabilisme consiste à « insister sur les aspects les plus misérables de la vie sociale, de manière complaisante et répétitive. » Entendre dans la bouche de certains que la moitié de la population française ne peut pas se chauffer correctement est un mensonge misérabiliste. Nous sommes tous élus par des Français dont certains éprouvent des difficultés et souffrent de précarité énergétique ; en revanche, on ne peut pas dire que cette précarité touche une part disproportionnée de la population. Ne niez pas que nous sommes nous aussi des représentants légitimes des Français. Luttons contre la précarité, mais ne disons pas que tout le monde en souffre.

M. Alexandre Loubet (RN). Monsieur Vojetta, un sondage d’Odoxa montre que trois Français sur quatre baissent leur chauffage pour limiter le montant de leur facture et que la moitié de nos concitoyens peinent à payer leur facture d’électricité. Oui, il y a de la misère dans le pays : acceptez le fait que tous les Français n’ont pas le même niveau de vie que nous, qui sommes députés.

Le sujet est très important, car il concerne le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises. Malgré l’autosatisfaction indécente du Gouvernement sur le bilan pourtant catastrophique de l’action économique de Bruno Le Maire, notamment dans le domaine industriel, vous ne pouvez que constater la cascade d’annonces de plans sociaux, principalement dus à la lourdeur des factures énergétiques.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Monsieur Vojetta, vous essayez de détourner l’attention en lisant le dictionnaire pour éviter du parler du fond : de nombreux Français ont froid l’hiver et trop chaud l’été. Vous appartenez au socle commun, qui n’est pas un socle et qui n’a rien de commun mais qui soutient un projet de loi de finances dans lequel est prévue la baisse des crédits de MaPrimeRénov’, du fonds Vert, du fonds Chaleur, etc. J’aimerais vous entendre sur l’article 4 du PLF qui a trait au dispositif devant succéder à l’Arenh : êtes-vous du côté du ministre de l’économie, Antoine Armand, qui veut renégocier l’accord entre l’État et EDF, ou soutenez-vous la position d’Olga Givernet, qui ne souhaite rien y changer et ne pense qu’à déployer le nouveau mécanisme ? Allez-vous soutenir le Gouvernement qui va tordre le bras de l’Assemblée nationale, laquelle a largement rejeté l’article 4 ? Parlez-nous du fond.

Mme Alma Dufour, rapporteure. On peut suivre les sites de Bloomberg et de RTE et avoir un cœur. Nous travaillons avec un lanceur d’alerte très pointu, dont la morale lui a fait considérer qu’il avait participé à une entreprise indécente.

La Cour des comptes pointe votre échec, le rapport de RTE indique que les prix de l’électricité européens vont rester indexés sur celui du gaz les trois quarts du temps d’ici à 2035, alors que la France ne consomme que 5 % de gaz. Tous les rapports concordent pour dire que vous avez fait n’importe quoi. Deux autorités administratives, l’Autorité de la concurrence et la CRE, tiennent un discours différent : l’une affirme qu’il faut maintenir le TRVe, quand l’autre dit le contraire tout en souhaitant conserver les avantages et préserver la concurrence : on n’y comprend plus rien ! Cette cacophonie se retrouve au Gouvernement, puisque des ministres affichent des positions opposées. Le sérieux se trouve davantage du côté de la représentation nationale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE12 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Certains ayant critiqué le texte pour avoir fixé une marge arbitraire de 10 % sur l’activité de fourniture dans le calcul du TRVe, nous avons simplifié le dispositif et avons repris la marge de 2 % arrêtée par la CRE, qui calculera le tarif réglementé de vente en prenant en compte l’empilement des facteurs que nous faisons entrer en jeu.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE13 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Nous prenons bien en compte les évolutions législatives, contrairement à ce que disait M. Alfandari : l’amendement, de nature rédactionnelle, vise à préciser l’article L. 337-6 du code de l’énergie pour tenir compte de la suppression du plafond de 36 kilovoltampères applicable aux particuliers et aux TPE pour avoir accès au TRVe.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE14 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, dont l’objet est d’éviter d’écraser la rédaction actuelle de l’article L. 445-1 du code de l’énergie, laquelle définit ce que sont les gaz renouvelables.

La commission adopte l’amendement.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. J’ai reçu de la part de huit députés du groupe LFI-NFP une demande de scrutin sur l’article 2 au titre de l’article 44 du règlement.

Votent pour :

M. Laurent Alexandre, M. Alexandre Allegret-Pilot, Mme Ségolène Amiot, M. Christophe Barthès, Mme Delphine Batho, M. Benoît Biteau, Mme Alma Dufour, M. Julien Gabarron, Mme Géraldine Grangier, Mme Zahia Hamdane, Mme Émeline K/Bidi, M. Maxime Laisney, M. Robert Le Bourgeois, M. Hervé de Lépinau, M. Alexandre Loubet, Mme Manon Meunier, Mme Sandrine Nosbé, M. René Pilato, M. Joseph Rivière, M. Boris Tavernier, M. Lionel Tivoli, Mme Aurélie Trouvé, M. Frédéric Weber

Votent contre :

M. Xavier Albertini, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, Mme Olivia Grégoire, Mme Annaïg Le Meur, Mme Marie Lebec, Mme Sandra Marsaud, M. Paul Midy, Mme Louise Morel

S’abstiennent :

M. Charles Fournier, M. Jérôme Nury, M. Jean-Pierre Vigier

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 37

Nombre de suffrages exprimés : 34

Majorité absolue : 18

Pour l’adoption : 23

Contre l’adoption : 11

Abstention : 3

 

Elle adopte l’article 2 modifié, mis aux voix par scrutin.

 

Article 3 (art. L. 410-2-1 du code du commerce [nouveau]) : Encadrement de la marge liée aux activités de raffinage

 

Amendement CE15 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Cet amendement rédactionnel vise à supprimer la codification de l’article 3, dont le dispositif est temporaire. En outre, il précise que le coefficient multiplicateur fixé pour les territoires ultramarins sera inférieur à celui de l’Hexagone.

M. Alexandre Loubet (RN). Pour baisser la facture de carburant, qui pèse sur le budget quotidien des Français, le groupe Rassemblement national aurait préféré une baisse du taux de TVA de 20 % à 5,5 %, car ce produit est, à nos yeux, de première nécessité. Malgré l’absence d’une telle mesure, nous soutiendrons l’adoption de l’article 3, qui vise à encadrer les marges brutes de raffinage pour modérer les prix du carburant : cette disposition assurera un contrôle des surprofits des sociétés de raffinage et diminuera les factures.

M. Éric Bothorel (EPR). Madame la rapporteure, vous avez affirmé tout à l’heure que tout le monde, y compris la Cour des comptes, s’accordait à dire que la précédente majorité avait fait « n’importe quoi ». Or, dans un rapport de la Cour sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, on peut lire ceci : « Les mesures de réduction des hausses de prix de l’électricité, comme du gaz et des carburants, ont atténué de façon significative la répercussion des augmentations des prix de gros sur les factures des clients finals. Les ménages français ont ainsi continué à bénéficier de prix de l’électricité en moyenne plus bas que ceux supportés par leurs voisins européens. » Plus loin, la Cour note que d’un point de vue macroéconomique, les boucliers tarifaires, dont le coût brut atteindrait près de 72 milliards d’euros, ont eu un impact positif sur les prix et les PIB.

La réalité est un peu plus complexe que le misérabilisme peint par certains. Notre collègue Vojetta s’est d’ailleurs appuyé sur un journal ultralibéral, L’Humanité, lequel met en avant les chiffres de l’Insee indiquant qu’environ 11 % des foyers renonçaient à se chauffer : c’est toujours 11 % de trop, mais on est loin de 50 %, et ce n’est pas un sondage d’Odoxa qui remettra ce fait en cause.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je salue l’article 3, qui dispose que le coefficient multiplicateur sera plus faible dans les territoires ultramarins : cette mesure est d’autant plus nécessaire que la vie est particulièrement chère chez nous. Le coefficient multiplicateur sécurise la chaîne de valeur, en optimisant les prix au bénéfice du producteur et du consommateur. La baisse de la TVA n’est pas une bonne solution : sans régulation des marges, la diminution de la fiscalité est absorbée par les distributeurs ou les différents intermédiaires qui ne font qu’augmenter leurs marges. Un mécanisme de blocage des prix ou de contrôle des marges et des bénéfices doit accompagner la réduction de la fiscalité ; l’un ne va pas sans l’autre.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Depuis 2021, l’État a pris en charge 37 % des factures d’électricité à travers différents boucliers tarifaires, ce qui représente un niveau d’aide inédit. La protection des Français contre la vraie précarité énergétique était bien au cœur des préoccupations du Gouvernement.

Dans le sondage d’Odoxa auquel M. Loubet a fait allusion, on lit que 62 % des Français ont limité leur consommation d’énergie. Dans cette population, il y a, si l’on suit les statistiques de l’Insee, des ménages qui gagnent plus de 30 000 euros par an. Certains d’entre eux ont décidé de ne pas chauffer correctement leur logement pour de bonnes raisons : peut-être que pour vous, il faut que la température de toutes les pièces atteigne en permanence 23 degrés, mais d’autres se montrent plus raisonnables. Il n’y a pas à le déplorer.

M. Hervé de Lépinau (RN). L’État a peut-être déployé une mesure de soutien au pouvoir d’achat, mais rappelons que l’État, c’est nous. Les contribuables paieront la note de votre bouclier tarifaire. Il ne s’agit en fait que d’impôts différés.

Quel mépris de considérer que les Français cherchent à se promener en slip dans leur appartement chauffé à 23 degrés dans toutes les pièces ! Vous avez une vision idyllique du confort dans lequel vivent nos compatriotes : un sondage dans les territoires ultramarins montrerait peut-être que chauffer l’hiver n’est pas nécessaire, mais il faut être sérieux lorsque l’on traite cette question.

M. Joseph Rivière (RN). Les prix des abonnements à La Réunion sont progressifs : ils augmentent en même temps que les revenus et la consommation des ménages. Serait-il possible d’harmoniser ces prix ? Ceux du gazole et de l’essence sont réglementés par la préfecture, mais ils fluctuent tous les mois : pourrait-on légiférer afin que les variations soient trimestrielles ou semestrielles, et non plus mensuelles ?

Mme Alma Dufour, rapporteure. Mme K/Bidi a raison : sans encadrement des marges, il est inutile d’agir sur le niveau de la taxation. Encore une fois, nous n’avons pas d’opposition de principe à la modulation des taxes en fonction du type d’énergie pour atteindre un prix cible, mais il faut d’abord régler le problème du marché pour ne pas appauvrir inutilement l’État.

Les prix sont en effet inférieurs à ceux de nos voisins européens : encore heureux qu’il en soit ainsi, puisque les coûts de production français sont parmi les plus bas d’Europe. Regardez le marché spot quand les interconnexions sont saturées : la situation est limpide, il n’est pas nécessaire d’avoir fait maths spé pour comprendre que le coût de production français est structurellement l’un des plus faibles d’Europe. Il a fallu dépenser 36 milliards pour que les Français bénéficient de factures un peu inférieures à celles de leurs voisins européens. Elles ont néanmoins augmenté de 45 % en trois ans : ce n’est pas ce que j’appelle une protection et les Français sont de mon avis.

Quant au misérabilisme, le Médiateur national de l’énergie a dressé un constat alarmant, selon lequel 30 % des Français ont froid chez eux. En outre, 1 million de procédures pour factures impayées ont été lancées en France, soit 2 % de plus qu’en 2022 et 49 % de plus qu’en 2019 : voilà du concret ! Votre perception est décalée par rapport à la réalité.

Stéphane Séjourné, nouveau commissaire européen, a expliqué que l’avalanche de faillites d’entreprises et de plans sociaux en France était due aux prix de l’énergie : mettez-vous d’accord entre vous ! En ce qui me concerne, je le prends au mot : nous vous proposons justement d’aligner le TRVe sur le coût de production, comme le souhaitent le Cleee, les fédérations de PME industrielles et tous les acteurs qui n’en peuvent plus de prix s’élevant à 200 euros le mégawattheure pendant que certaines multinationales demandent un prix de 20 euros le mégawattheure à EDF. Le monde que vous nous proposez est peuplé de multinationales bénéficiant de prix inférieurs au coût de production et de PME pâtissant de prix trois fois supérieurs à ce coût : c’est inacceptable pour la compétitivité de nos petites entreprises.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 

 


   Annexe :
évolution des prix du gaz, de l’électricité et des produits pétroliers

L’ensemble des graphiques présentés ci-après proviennent des données publiées sur le site du ministère chargé de l’énergie : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/prix-de-lenergie-0?rubrique. L

 

 

 

 

 

 

 


   LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

(par ordre chronologique)

 

 

Observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion

M. Bertrand Huby, président

Mme Anne Debrégeas, ingénieure-économiste sur le fonctionnement du système électrique

Commission de régulation de l'énergie (CRE)

Mme Emmanuelle Wargon, présidente

M. Rachid Bouabane-Schmitt, secrétaire général

Mme Lydie Cieutat, directrice de la communication et des relations institutionnelles

M. Michel Strek, chef de département amont-aval électricité, direction des marchés de détail

Mme Gwenaëlle Pot, chargée de mission relations institutionnelles

Audition commune :

CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) *

M. François Carlier, délégué général

UFC-Que Choisir *

M. Antoine Autier, responsable du service Études et lobby

Observatoire des prix, des marges et des revenus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de SaintBarthélemy

M. Patrick Plantard, président de section, président des observatoires

 

 

 

 

 

Audition commune :

Cabinet de la ministre déléguée chargée de l’énergie :

Mme Louise Auriol, directrice de cabinet adjointe de la ministre déléguée

M. Pierrre-Elie Belouard, conseiller décarbonation des énergies fossiles et prix des énergies de la ministre déléguée

M. Thibault Manneville, conseiller nucléaire, hydroélectricité et marchés de l’électricité de la ministre déléguée

Mme Nathalie Picot, conseillère parlementaire de la ministre déléguée

Cabinet du ministre chargé des outre-mer :

Mme Rachel Chane-See-Chu conseillère logement, énergie, transports et recherche du ministre

Mme Chloé Jambon, conseillère affaires institutionnelles et juridiques, et parlementaire par intérim du ministre

Engie *

M. Benjamin Haas, directeur de la régulation

Mme Océane Peylachon, chargée des relations parlementaires

Audition commune :

M. Phuc Vinh Nguyen, chercheur sur les politiques française et européenne de l’énergie à l’Institut Jacques Delors

M. Andreas Rüdinger, coordinateur transition énergétique à l’IDDRI

Table ronde :

Comité de liaison des entreprises consommatrices d’électricité et de gaz (CLEEE) *

M. Franck Roubanovitch, président

Pact’Alim *

Mme Karima Kaci, directrice générale

M. Glenn Beugnot, directeur des affaires publiques

Médiateur national de l’énergie

M. Olivier Challan-Belval, médiateur

Mme Frédérique Feriaud, directrice générale des services

M. Rémi Bernard, chargé des affaires publiques et des relations institutionnelles

 

EDF *

M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

M. Florent Jourde, directeur adjoint des affaires publiques

Fédération des industries mécaniques (Mecallians) *

M. Benjamin Frugier, directeur général

Mme Caroline Demoyer, responsable des affaires publiques

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 

 


   LISTE DES contributions écrites reçues

(par ordre alphabétique)

 

Association française indépendante de l’électricité et du gaz (AFIEG) *

Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) *

France Gaz *

Union française de l’électricité (UFE) *

UFIP Énergies et mobilités *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Insee focus n° 326, 2 mai 2024. Les données utilisées sont provisoires pour 2023 et prévisionnelles pour 2024.

([2]) L’Humanité, 300 000 postes menacés en France : alerte rouge sur le front de l’emploi, 14 novembre 2024; La fabrique de l’industrie, Emplois industriels menacés par la crise énergétique, le MACF et l’IRA : une estimation, avril 2023

([3]) Commission européenne, Confirmation hearing of Stéphane SÉJOURNÉ, Executive Vice-President-designate of the European Commission for Prosperity and Industrial Strategy opening statement, 12 novembre 2024.

([4]) Hausse successive de 4 % en février 2022, 15 % en février 2023, 10 % en août 2023 et 9,5 % en février 2024.

([5]) Baromètre de la pauvreté et de la précarité (Ipsos / Secours populaire), édition 2024, publié le 29 octobre 2024.

([6]) https://www.energie-mediateur.fr/1-million-dinterventions-pour-impayes-de-factures-denergie-en-2023/

([7]) Cour des comptes, Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, mars 2024.

([8]) RTE, Perspectives pour le système électrique pour l’hiver 2024-2025, RTE, novembre 2024.

([9])  Bloomberg, France and Germany Clash in Feud over Europe industrial crown, 18/09/2023.

([10]) Le Figaro, Le grand retour des clients chez EDF, poussés par la hausse des prix de l’électricité, 31 janvier 2023.

([11]) Les Echos - Prix de l’énergie : le retour de Trump risque d’aggraver l’écart entre l’Europe et les États-Unis - 13/11/2024

([12]) RTE, Comprendre et piloter l’électrification d’ici 2035.

([13]) Après des années de sous-investissement, le Gouvernement prévoyait 4,5 Md€ en faveur de la rénovation des logements dans le budget 2024, se rapprochant du chiffrage de 6 Md€ annuels pour tenir les objectifs de la PPE. Néanmoins les crédits baissent d’1 Md€ pour 2025.

([14]) RTE, Bilan électrique 2023.

([15]) https://particulier.edf.fr/content/dam/2-Actifs/Documents/Offres/Grille_prix_Tarif_Bleu.pdf

([16]) https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilans-electriques-nationaux-et-regionaux#Lebilanelectrique2023

([17]) https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2023/10/26/commodity-markets-outlook-october-2023-press-release 

([18]) Rapport n° 714, enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juillet 2024.

([19]) Altares, Étude de défaillances  et sauvegardes des entreprises  en France au 3e trimestre 2024.

([20]) https://www.reunion.gouv.fr/Actualites/Communique-de-presse/Prix-des-carburants-une-legere-hausse-en-novembre-2024  

([21]) IGF, Régulation du prix des carburants et du gaz dans les Départements Français d’Amérique, mai 2022.

([22]) Comparaison entre le bilan électrique RTE de 2023 : la production totale en France a été de 494,7 TWh et les Facts and Figures de EDF 2023 (slide 32) : EDF a produit en France 381,7 TWh, soit 77 % (incluant les Join Venture).

([23]) Observatoire des marchés de détail de l’électricité et du gaz naturel, 2e trimestre 2024.

([24]) Communiqué de presse de la CRE en date du 11 juillet 2024.

([25]) Il s’agit du prix pour l’énergie qui sera livrée pour l’année 2025.

([26]) L’abus d’ARENH est défini à l’article L. 134-26 du code de l’énergie.

([27]) Communiqué de presse de la CRE en date du 15 juillet 2024.

([28]) Décret n° 2022-1380 du 29 octobre 2022 modifiant les modalités d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique.

([29]) https://freedom.fr/15-e-la-bonbonne-de-gaz-a-la-reunion-contre-345-e-a-maurice-laurent-virapoulle-interpelle-melchior-et-bello/

([30]) Cette baisse est incluse dans la construction du « bouclier tarifaire » électricité.

([31]) Cette baisse est incluse dans la construction du « bouclier tarifaire » gaz.

([32])  Hausse successive de 4 % en février 2022, 15 % en février 2023, 10 % en août 2023 et 9,5 % en février 2024.

([33]) Graphique n° 20 – Rapport de la Cour des comptes sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, mars 2024.

([34]) Cour des Comptes, La Compagnie nationale du Rhône, productrice d’électricité, exercices 2021 à 2020, février 2022.

([35]) Article L. 336-8 du code de l’énergie.

([36]) https://www.energymagazinedz.com/2023/10/05/ce-que-macron-veut-dire-lorsquil-affirme-vouloir-reprendre-le-controle-des-prix-de-lelectricite-en-france/

([37]) Comparaison entre le bilan électrique RTE de 2023 : la production totale en France a été de 494,7 TWh et les Facts and Figures de EDF 2023 (slide 32) : EDF a produit en France 381,7 TWh, soit 77 % (incluant les Join Venture).

([38]) Amendement CE11.

([39]) Il s’agit de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte.

([40]) Article L. 337-8 du code de l’énergie.

([41]) Voir, par exemple, l’arrêté n° 1976 du 27 septembre 2024 réglementant les prix des produits pétroliers et du gaz de pétrole liquéfié dans le département de La Réunion pour le mois d’octobre 2024.

([42]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/000442588 et https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596132

([43]) Il existe un mécanisme de renvois assez complexe entre code de la consommation et code de l’énergie pour déterminer quelles dispositions sont applicables aux consommateurs non domestiques (voir art. L. 224-1 du code de la consommation et art. L. 332-2 et L. 442-2 du code de l’énergie).

([44]) Définie à l’article L. 332-7 du code de l’énergie, les offres à tarification dynamique sont des offres qui évoluent de manière importante en fonction des prix de marché (y compris au sein d’une même journée, voire toutes les heures).

([45]) https://www.energie-mediateur.fr/mettre-en-place-un-encadrement-plus-strict-des-evolutions-de-prix/  

([46]) Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.

([47]) Conseil d’État, Assemblée, 18 mai 2018, n° 413688.

([48]) Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME ».

([49]) Voir aussi l’article L. 337-9 du code de l’énergie.

([50]) Article R. 337-18 du code de l’énergie.

([51]) Délibération n° 2023-03.

([52]) Données issues de l’observatoire des marchés de la CRE du 2e trimestre 2024. Données pour un client résidentiel au TRVe au 30 juin 2024.

([53]) Voir notamment la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE.

([54]) Conseil d’État, Assemblée, 19/07/2017, n° 370321.

([55]) Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

([56]) https://www.cre.fr/consommateurs/prix-reperes-et-references/prix-repere-de-vente-de-gaz-naturel-a-destination-des-clients-residentiels.html

([57]) Article R. 445-3 du code de l’énergie.

([58]) https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/prix-produits-petroliers

([59]) https://www.energiesetmobilites.fr/presse/informations/comprendre-le-cout-du-raffinage  

([60]) Proposition de loi visant à lutter contre l’inflation par l’encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution et établissant un prix d’achat plancher des matières premières agricoles, n° 1776, déposée le mardi 17 octobre 2023.

([61]) Amendement CE30.