N° 612

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,


visant à intégrer la notion de consentement dans la définition
pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol (n° 360)

PAR Mme Sarah LEGRAIN

Députée

——

 

 

 

 

 

 

 

 


SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION............................................ 5

présentation de la proposition de loi

I. La prise en compte des violences sexuelles par la justice est aujourd’hui insuffisante dans notre pays

A. malgré une hausse de la dénonciation des faits, les poursuites judiciaires demeurent trop peu nombreuses

1. Les délits et crimes à caractère sexuel sont peu portés à la connaissance des forces de sécurité

2. Lorsque les plaintes sont déposées, elles font trop souvent l’objet d’un classement sans suite

B. Si elles n’expliquent pas tout, les insuffisances de la loi pÉnale en matière de violences sexuelles gÉnèrent plusieurs difficultÉs

1. Certains cas de viol ou d’agression sexuelle échappent aujourd’hui à la définition pénale de ces infractions

2. Des divergences d’interprétation des quatre éléments constitutifs des agressions sexuelles rendent inégal le traitement judiciaire

3. L’imbrication des éléments matériels définissant l’infraction ou les circonstances aggravantes semble parfois poser difficulté

II. le contexte international plaide également pour une Évolution de notre droit interne

A. La France doit aujourd’hui se mettre en conformitÉ avec ses propres engagements internationaux

1. Des initiatives se multiplient aussi à l’échelle européenne pour renforcer les législations en matière d’infractions à caractère sexuel

2. Les exigences de la Convention d’Istanbul en matière de définition du viol et des agressions sexuelles impliquent un changement de notre législation

3. Une telle évolution serait également conforme aux recommandations du Comité des Nations unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

B. De nombreux pays ont dÉjà introduit la notion de consentement dans leur loi pÉnale

III. La présente proposition de loi constitue un premier pas pour mettre fin À l’impunitÉ des agresseurs

A. Un texte qui s’inscrit dans la continuitÉ des Évolutions lÉgislatives rÉcentes pour rÉpondre aux aspirations actuelles de la sociÉtÉé

B. un texte qui permet de rÉpondre À plusieurs nÉcessitÉs

1. Mettre en accord la loi avec les pratiques judiciaires en assumant l’absence de consentement comme l’élément constitutif du viol et de l’agression sexuelle

2. Apporter des précisions sur ce qu’est le consentement en l’intégrant de manière cohérente dans le droit actuel

COMMENTAIRE DES ARTICLES DE LA proposition de loi

Article 1er  (art. 222-22 du code pénal) Insertion de la notion de consentement dans la définition pénale de l’agression sexuelle

Article 2 (art. 222-23 du code pénal) Insertion de la notion de consentement dans la définition pénale du viol

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 

 

 


Mesdames, Messieurs,

Malgré les évolutions législatives, malgré la prétendue grande cause du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, malgré le mouvement #Metoo, les victimes de violences sexistes et sexuelles continuent d’être insuffisamment prises en charge par la justice de notre pays.

La levée du huis clos du procès des viols de Mazan, comme dans le procès d’Aix-en-Provence, rendu public par Gisèle Halimi en 1978, jette une lumière crue sur le caractère systémique des violences sexistes et sexuelles et sur ce qu’endurent leurs victimes, parfois jusque dans les tribunaux. Et face à ce procès, l’opinion publique s’interroge sur la pertinence de la procédure judiciaire : le consentement est partout – dans les questions des magistrats et des avocats, dans les paroles des mis en cause – mais il ne figure pas dans la loi.

Dès lors, qui peut se prévaloir du consentement et le définir ? Qui peut le présumer ? Ne serait-ce pas mieux, plus clair et plus sûr de l’inscrire dans la loi ? C’est ici au législateur de prendre ses responsabilités.

Il existe aujourd’hui une réelle aspiration à inscrire la notion de consentement dans le code pénal, même s’il n’existe pas de consensus sur la manière de le faire.

Les trois syndicats de magistrats – l’Union syndicale des magistrats, le syndicat de la magistrature et Unité magistrats – sont tous favorables à une telle évolution. Le Syndicat des avocats de France a lui aussi approuvé, par un vote interne, la perspective d’une telle évolution. L’Association française des magistrats instructeurs considère elle aussi qu’il serait pertinent d’intégrer cette notion dans le code pénal : celle-ci est en effet au cœur du travail des juges d’instruction et la définition actuelle n’en tient pas compte. Une telle omission ne saurait être satisfaisante.

La loi doit être modifiée, pour les victimes, pour les magistrats, pour les avocats, mais également pour la société tout entière. Elle doit permettre de comprendre que le corps est indisponible jusqu’à ce que l’on veuille et donc qu’il faut toujours et systématiquement s’enquérir du consentement de son ou de sa partenaire.

Pour ce faire, la notion de consentement est la plus adaptée. Elle n’est sans doute pas parfaite, mais c’est une notion démocratisée, bien comprise par l’opinion publique et centrale dans la pratique des magistrats et des enquêteurs. Cette notion, bien définie et délimitée, constitue ainsi un outil pour nous permettre de changer de paradigme. Bien sûr, l’introduire dans la loi n’est pas une solution miracle, mais il s’agira d’un point de départ pour procéder à un changement plus large du traitement judiciaire des violences sexistes et sexuelles. La présente proposition de loi s’inscrit en effet dans une perspective plus globale du sujet : nous devons mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires – législatives, budgétaires, éducatives, communicationnelles ou autres – pour passer d’une culture du viol, qui irrigue encore notre société, à une culture du consentement.

La présente proposition de loi vise donc à franchir ce pas en inscrivant la notion de consentement comme élément constitutif des infractions de viol et d’agression sexuelle.

Ce faisant, elle ne procède pas à une révolution juridique ou judiciaire, puisqu’en réalité, la notion de consentement est déjà présente dans le code pénal pour caractériser plusieurs infractions : le fait de pratiquer un essai clinique sans le consentement libre et éclairé de l’intéressé ([1]), l’interruption de grossesse sans le consentement de l’intéressée ([2]), l’atteinte à la vie privée d’autrui en enregistrant, en filmant ou en localisant une personne sans son consentement ([3]), le fait de diffuser un montage à caractère sexuel réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement ([4]), le fait de conserver des données à caractère personnel sans le consentement de l’intéressé ([5]), le fait de prélever un organe sur une personne vivante sans son consentement ([6]) ou encore le fait de recueillir ou de prélever des gamètes sur une personne vivante sans son consentement ([7]).

Finalement, pour de très nombreuses infractions touchant au corps de la personne, notre droit prend déjà en compte l’absence de consentement comme élément constitutif de l’acte réprimé. Pour quelles raisons ne serait-il pas possible de raisonner de même pour un viol ou une agression sexuelle ?

Le présent texte ne procède pas non plus à un bouleversement des procédures judiciaires applicables à ces infractions : il ne crée évidemment aucune présomption de culpabilité et n’opère aucun renversement de la charge de la preuve. Il conserve en outre les critères actuellement constitutifs de ces infractions – la violence, la contrainte, la menace ou la surprise – et les complète pour permettre aux juges de prendre en compte toutes les situations de viol ou d’agression sexuelle. Ces critères sont bien appréhendés par les praticiens et sont précieux puisqu’ils permettent de démontrer, dans de très nombreux cas, comment l’auteur est passé outre le consentement de la victime. Loin de les fragiliser, la présente proposition de loi vise également à sécuriser les évolutions jurisprudentielles qui ont contribué à préciser et à compléter ces quatre critères. C’est pourquoi elle ne se contente pas d’introduire la notion de consentement, mais vise aussi à la définir et à préciser les situations dans lesquelles il ne peut être présumé.

Cette volonté de faire ainsi évoluer la loi pénale en matière d’infractions à caractère sexuel existe en France, mais elle se retrouve en réalité dans la plupart de nos pays voisins, dont la majorité a franchi le cap en faisant évoluer la législation. En février dernier, le chef de l’État et le Gouvernement ont pourtant bloqué la création d’une définition commune du viol à l’échelle de l’Union européenne. Cet événement regrettable a amplifié le débat public sur le sujet et la mobilisation citoyenne en faveur d’une telle évolution. Le législateur ne peut ignorer plus longtemps une telle lame de fond. Outre les enjeux internes, notre pays doit d’ailleurs modifier sa loi pour se mettre ainsi en conformité avec ses ambitions en matière de diplomatie féministe et avec ses propres engagements internationaux, notamment la Convention d’Istanbul.

Il est donc urgent d’agir.

S’il est vrai qu’une mission d’information sur la définition pénale du viol a été lancée en décembre 2023 au sein de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, aucune conclusion n’a encore été publiée et les corapporteures, Mmes Véronique Riotton et Marie‑Charlotte Garin, n’ont encore transmis aucune proposition de texte de loi. Bien sûr la dissolution de l’été 2024 explique en grande partie ce retard, mais les espérances sont grandes et attendre l’année 2025 pour agir n’est pas sans risque : le risque de voir se mettre en place un Gouvernement opposé à cette évolution ; le risque de voir les résistances s’organiser et prendre du poids dans le débat public ; le risque de laisser l’opinion publique se désintéresser de ce sujet, alors qu’il faut profiter des débats actuels pour envoyer à la société un signal clair en faveur du développement d’une culture du consentement.

Nous ne devons nous priver d’aucune occasion pour agir en ce sens et c’est pour cette raison que cette proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée le 28 novembre prochain par le groupe LFI-NFP dans le cadre de sa journée d’initiative parlementaire.

Il s’agit là d’une occasion précieuse pour permettre au Parlement de s’exprimer en faveur de l’introduction de la notion de consentement dans la loi pénale.

*

*     *

 


   présentation de la proposition de loi

I.   La prise en compte des violences sexuelles par la justice est aujourd’hui insuffisante dans notre pays

A.   malgré une hausse de la dénonciation des faits, les poursuites judiciaires demeurent trop peu nombreuses

1.   Les délits et crimes à caractère sexuel sont peu portés à la connaissance des forces de sécurité

● Les violences sexuelles enregistrées par les forces de sécurité ont considérablement augmenté au cours des dernières années, passant de 51 844 en 2016 à plus de 114 135 en 2023.

Selon le ministère de l’Intérieur, les victimes sont principalement des femmes (85 %) ([8]) et plus de la moitié d’entre elles sont mineures (57 %) ([9]). Les mis en cause sont presque exclusivement des hommes (96 %).

Victimes de violences sexuelles enregistrées par la police et la gendarmerie de 2016 à 2023

Source : Service statistique ministériel de la sécurité intérieur, Interstats Info Rapide • N° 32 • février 2024.

Plus de trois-quarts des infractions sexuelles enregistrées sont des violences sexuelles physiques : les victimes ont principalement subi des agressions sexuelles (34 % des victimes majeures et 46 % des victimes mineures) et des viols ou tentatives de viol (43 % pour les victimes majeures et 33 % pour les victimes mineures).

répartition des infractions subies par les victimes de violences sexuelles enregistrées en 2023

Source : Service statistique ministériel de la sécurité intérieur, Interstats Info Rapide • N° 32 • février 2024.

La nature des violences sexuelles subies varie selon le contexte, intrafamilial ou non, dans lequel elles ont été commises. S’agissant des victimes majeures, la part des viols atteint 80 % pour les violences sexuelles perpétrées au sein de la famille contre 32 % en dehors de la famille.

● Ces chiffres ne reflètent pas la réalité des violences commises. En effet, seule une petite minorité des victimes déclare les actes subis auprès de la police ou la gendarmerie. Selon l’enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS) 2023, seules 6 % des personnes de 18 à 74 ans victimes de violences sexuelles physiques, commises hors cadre familial, portent plainte auprès des forces de sécurité.

Trois raisons sont principalement mises en avant pour expliquer cette non-déclaration : l’inutilité de la démarche (23 %), l’atteinte subie n’était pas assez grave pour être signalée (23 %) ou la victime pensait que son témoignage ne serait pas pris au sérieux (15 %) ([10]). Ces réponses illustrent le manque de confiance des victimes envers les forces de sécurité et l’institution judiciaire, traduisant ainsi très concrètement les dysfonctionnements du traitement judiciaire des violences sexuelles dans notre pays.

En extrapolant ces chiffres, on peut donc estimer le nombre de victimes annuelles de violences sexuelles physiques à près de deux millions de personnes. Un chiffre colossal qui doit, toutes et tous, nous alerter sur le caractère massif de ces infractions sexuelles.

2.   Lorsque les plaintes sont déposées, elles font trop souvent l’objet d’un classement sans suite

Selon une note de l’Institut des politiques publiques parue en avril dernier, le taux de classement sans suite des affaires de violences sexuelles s’élèverait à 86 % ([11]).

part des affaires de violences sexuelles
à chaque étape de la procédure pénale

Source : Institut des politiques publiques, Maëlle Stricot, Noptes IPP n° 107, Le traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales en France, avril 2024.

Ce taux n’est en fait pas spécifique aux violences sexuelles, puisque pour les autres atteintes à la personne, le taux d’affaires classées sans suite se situerait autour de 85 %. Toutefois, selon cette note, « les infractions impliquant des personnes physiques sans lien avec les violences faites aux femmes sont principalement classées sans suite pour "défaut d’élucidation" car l’auteur est inconnu, l’auteur d’une infraction n’ayant été identifié que dans 62 % des cas. Les auteurs de violences sexuelles et conjugales sont quant à eux identifiés dans 76 % des cas pour les affaires de violences sexuelles et 95 % des cas pour les violences conjugales ». S’agissant des violences sexuelles, le motif majoritaire des classements sans suite est l’insuffisante caractérisation de l’infraction. Cette décision de classement concernerait ainsi 59 % des affaires de viols et 43 % des agressions sexuelles. « Le manque d’éléments matériels, l’altération de l’état de conscience de la victime ou la question de son consentement sont souvent mentionnés pour justifier ce choix concernant les violences sexuelles » ([12]).

Par ailleurs, l’analyse de l’Institut des politiques publiques met en avant un accroissement tendanciel des classements sans suite des affaires de violences sexuelles : « alors que le taux de classement sans suite a chuté de 76 % en 2016 à 67 % en 2020 pour les violences conjugales, une tendance inverse s’observe pour les violences sexuelles, la part de viols classés passant de 86 % à 94 % ».

Ce problème des classements sans suite trop nombreux a très souvent été porté à l’attention de votre rapporteure au cours de ses auditions.

Selon Me Claude Vincent, avocate, co-présidente de la commission féministe du Syndicat des avocats de France (SAF), ces affaires de violences sexuelles demeurent perçues comme des cas de « parole contre parole », alors même qu’il pourrait tout à fait exister d’autres éléments matériels, mais ceux-ci sont insuffisamment recherchés par la police judiciaire. En matière d’infractions sexuelles, les perquisitions de domicile ou la saisie des « fadettes » ([13]) ne seraient presque jamais requises, alors que de tels actes d’enquête seraient souvent susceptibles d’apporter des éléments probatoires. Plusieurs associations, comme Choisir la cause des femmes ou le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), ont, elles aussi, dénoncé cette insuffisance des actes d’enquête.

Me Romain Boulet, représentant de l’Association des avocats pénalistes (ADAP) souligne que deux évolutions récentes expliquent également ce taux de classement sans suite. D’une part, l’allongement des délais de prescription qui conduit à dénoncer des affaires parfois très anciennes et dans lesquelles les éléments de preuve sont donc plus difficiles à établir. D’autre part, la politique pénale mettant en œuvre la prescription glissante qui consiste à enquêter sur des faits déjà prescrits pour rechercher d’éventuelles autres victimes pour lesquelles les faits seraient plus récents.

Il souligne par ailleurs un manque de formation des enquêteurs sur les actes d’enquête nécessaires dans les affaires de violences sexuelles. Enfin, Mme Maria Corna Bassoli, représentante de l’association Choisir la cause des femmes, a également rappelé que les stéréotypes sexistes influencent aussi l’analyse judiciaire des violences sexuelles et peuvent contribuer eux aussi aux décisions de classements sans suite.

B.   Si elles n’expliquent pas tout, les insuffisances de la loi pÉnale en matière de violences sexuelles gÉnèrent plusieurs difficultÉs

1.   Certains cas de viol ou d’agression sexuelle échappent aujourd’hui à la définition pénale de ces infractions

Si certaines des personnes auditionnées par votre rapporteure considèrent que les quatre critères de violence, contrainte, menace et surprise permettent aujourd’hui de prendre en compte toutes les configurations dans lesquelles sont commises les agressions sexuelles, d’autres affirment que certains des cas ne sont pas couverts par le texte pénal actuel.

Dans certaines situations, l’agression sexuelle existe, mais la violence, contrainte, menace ou surprise ne sont pas démontrables, explique Me Claude Vincent, co-présidente de la commission féministe du Syndicat des avocats de France. Il semble en particulier difficile de prendre en compte les cas où la contrainte se déploie sur le temps long et conduit la victime à céder, ce qui n’a rien d’un consentement libre et éclairé. Tiffany Coisnard de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), donne en exemple une affaire entre un directeur d’école et une enseignante, où la contrainte n’a pas été retenue au motif que le directeur n’aurait pas explicitement fait valoir sa position hiérarchique au moment des faits. Les deux années de harcèlement moral et sexuel et toutes les stratégies de l’agresseur pour commettre ce viol n’auraient pas été investiguées. Le pouvoir de ce directeur sur le contrat de travail de cette enseignante n’aurait même pas été questionné.

La sénatrice Mélanie Vogel, elle-même auteure d’une proposition de loi reconnaissant l’absence de consentement comme élément constitutif de l’agression sexuelle et du viol, explicite quant à elle un exemple très simple : dans certains cas, la victime affirme avoir exprimé un refus et le mis en cause reconnaît qu’elle a en effet dit non, mais n’a pas pris ce refus au sérieux. Les deux, victimes et mis en cause, confirment donc l’expression du non-consentement, mais cela ne suffit pas à prouver qu’il y a eu viol ou agression sexuelle.

Un cas de ce genre est rapporté par l’avocate Anne Bouillon ([14]) : un homme commet des violences conjugales sur sa femme, dont des viols à répétition, que l’agresseur reconnaît par sms : « en ce qui concerne le viol où j’étais sobre et lucide, je n’ai pas d’excuses et je t’ai demandé pardon le lendemain, mais c’était fait ». Le parquet engage des poursuites mais seulement pour les violences et non pour les viols.

Les stéréotypes de genre semblent avoir régulièrement une influence sur la décision de classement sans suite ou de non-lieu, notamment l’idée parfois encore présente de l’ancien « devoir conjugal ». Maria Corna Bassoli, représentante de l’association Choisir la cause des femmes, explique que de nombreux classements sans suite sont prononcés dans les cas de viols conjugaux. à cause des relations sexuelles antérieures. Elle cite un exemple dans lequel un mari commet un viol sur sa femme pendant son sommeil. Le mari a reconnu le viol par message et lors de la confrontation. Mais, parce qu’ils ont déjà précédemment eu des relations sexuelles au réveil ou pendant la nuit, la plainte sera classée sans suite.

Un autre cas interpelle, celui de Clara Achour, à l’origine d’une saisine de la CEDH au sujet du traitement de son affaire. Auditionnée par votre rapporteure avec le collectif « Notre Ohrage », elle explique que de la morphine a été retrouvée dans ses urines, prouvant la soumission chimique et que l’examen gynécologique a apporté des preuves de blessures graves. L’accusé admet ne pas s’être posé la question du consentement de la victime et reconnaît même le premier fait de viol digital, ayant expliqué lors du procès avoir vérifié si elle était réveillée en la pénétrant avec ses doigts. Il sera acquitté : il se serait « trompé de bonne foi ».

Sans se vouloir exhaustifs, ces différents exemples illustrent les cas où la loi actuelle ne permet pas une prise en compte suffisamment fine et précise des situations dans lesquelles sont commis les viols ou agressions.

2.   Des divergences d’interprétation des quatre éléments constitutifs des agressions sexuelles rendent inégal le traitement judiciaire

Bien sûr fondée sur l’individualisation de la peine et la prise en compte des circonstances d’espèce, la décision du juge varie nécessairement selon les cas. Plusieurs personnes auditionnées considèrent toutefois que l’interprétation même de ce que comprend chacun des éléments de violence, contrainte, menace ou surprise varie de manière importante. Les victimes de violences sexuelles ne bénéficieraient donc pas du même traitement selon la juridiction. La contrainte et la surprise semblent être les notions les plus malléables, à l’origine du plus grand nombre de divergences d’interprétation.

Ces notions sont en effet relativement plastiques, comme le montrent les évolutions de l’appréciation de la Cour de cassation et des juges du fond. Cela peut conduire à les élargir, mais également laisser place à des interprétations parfois trop restrictives, estime le Syndicat de la magistrature.

Ces divergences d’interprétation ont de lourdes conséquences puisqu’elles peuvent conduire à ne pas sanctionner un auteur de viol ou d’agression sexuelle. Pour Auriane Dupuy, représentante de la Fédération nationale des CIDFF, ce sont ces interprétations trop restrictives qui ne permettent pas de prendre en compte tous les cas de viol ou d’agression sexuelle.

3.   L’imbrication des éléments matériels définissant l’infraction ou les circonstances aggravantes semble parfois poser difficulté

Au cours des auditions, plusieurs magistrats ont mis en avant les recoupements pouvant exister entre les éléments de caractérisation de l’infraction d’agression sexuelle ou de l’infraction de viol et les différents cas de circonstances aggravantes prévues par le code pénal.

Par exemple, les articles 222-24 et 222-28 prévoient que les peines encourues pour ces infractions sont aggravées lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. Or, ce mode opératoire permet également de caractériser une agression commise avec surprise.

Pour l’Association française des magistrats instructeurs, les ajouts législatifs successifs ont en effet contribué à multiplier les cas à prendre en compte et le partage entre les éléments constitutifs de l’infraction et les circonstances aggravantes peut parfois manquer de clarté.

Selon Valérie Dervieux, du syndicat Unité Magistrats, ces ajouts successifs de circonstances aggravantes se sont faits au détriment d’une réflexion approfondie sur les éléments de définition de l’infraction elle-même. Une clarification de ces éléments pourrait donc être pertinente, peut-être en envisageant de réduire le nombre de circonstances aggravantes. Si ce sujet n’est, à ce stade, pas pris en compte dans la proposition de loi, votre rapporteure estime qu’il pourrait être intéressant de l’envisager par la suite.


II.   le contexte international plaide également pour une Évolution de notre droit interne

L’ajout de la notion de consentement dans la définition pénale du viol permettrait non seulement au droit français de se mettre en conformité avec nos engagements internationaux – en premier lieu, la Convention d’Istanbul – mais également de l’inscrire dans un large mouvement international qui vise à renforcer l’effectivité de la répression des violences faites aux femmes.

A.   La France doit aujourd’hui se mettre en conformitÉ avec ses propres engagements internationaux

1.   Des initiatives se multiplient aussi à l’échelle européenne pour renforcer les législations en matière d’infractions à caractère sexuel

L’initiative du « Pacte Simone Veil » présenté par le groupe de parlementaires européens Renew le 17 janvier 2022 illustre cette préoccupation. Selon ses propres termes, la déclaration « vise à préserver, promouvoir et renforcer les droits de toutes les femmes, à tous les niveaux, européen, national et local, dans tous les domaines, public et privé, pour toutes les générations, dans tous les États membres de l’Union européenne et ce, sous l’égide des institutions européennes ». Cette initiative n’a pour le moment pas été suivie d’une réelle traduction législative. Elle projette toutefois d’« harmoniser par le haut les droits des femmes dans l’Union européenne », notamment en matière de lutte contre les violences sexistes. Elle correspond à une idée longtemps défendue par l’association Choisir la cause des femmes, selon une idée de Gisèle Halimi : la « clause de l’Européenne la plus favorisée ». Cette clause vise, à travers une analyse comparée des droits des femmes en vigueur dans les États membres de l’Union européenne, à harmoniser par le haut les droits des femmes, en privilégiant les lois les plus favorables. Cette clause figure dans de nombreux programmes politiques aux élections européennes et est régulièrement défendue par des partis politiques.

En 2024, l’Union européenne négocie sa première directive relative à la lutte contre les violences faites aux femmes ([15]) avec pour finalité d’harmoniser les législations des États membres pour protéger les femmes victimes de violences et poursuivre leurs auteurs devant la justice. Elle établit notamment des règles minimales pour lutter contre le mariage forcé, les mutilations génitales féminines, le cyberharcèlement sexiste et les violences domestiques.

Si elle pose un certain nombre d’avancées juridiques, la version finale de la directive contraste avec la proposition initialement présentée par la Commission européenne le 8 mars 2022. Celle-ci comportait un article 5 imposant aux États membres d’harmoniser leur définition pénale du viol en incluant la notion de consentement.

La définition du viol proposée initialement par la proposition de directive européenne de 2024

Le premier paragraphe de l’article 5 de la proposition de directive établissait comme infraction pénale « le fait de se livrer avec une femme à tout acte non consenti de pénétration vaginale, anale ou orale à caractère sexuel ».

La notion d’« acte non consenti » était ensuite définie comme un acte accompli « sans que la femme ait donné son consentement volontairement ou dans une situation où la femme n’est pas en mesure de se forger une volonté libre […] et où cette incapacité à se forger une volonté libre est exploitée » (paragraphe 2).

Il était finalement précisé que le consentement était réfragable à tout moment de l’acte sexuel et qu’il ne pouvait être déduit du silence ou d’une absence de résistance de la femme.

Cette définition n’a pas été reprise dans le texte final de la directive 2024/1385, qui mentionne toutefois l’absence de consentement dans les définitions de la « traque furtive en ligne » (article 6) ou du cyberharcèlement (article 7).

En raison notamment des résistances de la France, cette définition n’a malheureusement pas été retenue dans la version finalement adoptée. Votre rapporteure ne peut que regretter de voir que le chef de l’État et le Gouvernement de l’époque ont ainsi bloqué un tel progrès pour toute l’Union européenne, alors que ces évolutions appelaient en réalité à nous montrer exemplaires dans ce domaine. Si, depuis, nos dirigeants semblent avoir fait évoluer leur position sur ce sujet, votre rapporteure ne peut que constater qu’en novembre 2024, aucun projet de loi n’a été publié, ni même évoqué par le Gouvernement.

2.   Les exigences de la Convention d’Istanbul en matière de définition du viol et des agressions sexuelles impliquent un changement de notre législation

La France compte parmi les États parties à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite « Convention d’Istanbul ». Ce traité international signé le 11 mai 2011 a été ratifié par la France le 4 juillet 2014 et est entré en vigueur le 1er août de la même année.

Son article 36 demande aux États parties de prendre les mesures législatives nécessaires pour ériger tout acte sexuel non consenti en infraction pénale. Il exige donc de mentionner explicitement l’absence de consentement dans les éléments constitutifs de l’infraction pénale de viol ([16]). Il est précisé que « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes ».

L’article 36 de la Convention d’Istanbul

Au sein du Chapitre V de la Convention d’Istanbul, relatif aux dispositions de droit matériel civil et pénal, l’article 36 porte sur la « violence sexuelle, y compris le viol » :

1) Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, lorsqu’ils sont commis intentionnellement :

a. la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d’autrui avec toute partie du corps ou avec un objet ;

b. les autres actes à caractère sexuel non consentis sur autrui ;

c. le fait de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers.

2) Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes.

3) Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent également à des actes commis contre les anciens ou actuels conjoints ou partenaires, conformément à leur droit interne. »

La Convention prévoit également un mécanisme de suivi de la mise en œuvre de ses dispositions au sein des États parties : il s’agit du GREVIO ([17]) (groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique), chargé de fournir, en se fondant sur les renseignements transmis par les États, un rapport d’évaluation propre à chaque signataire.

Le premier rapport du GREVIO portant sur la France a été publié le 19 novembre 2019. Il salue l’avancée de la loi du 3 août 2018 ([18]), mais exhorte la France à aligner les définitions des agressions sexuelles et du viol des articles 222‑22 et 222‑23 du code pénal sur l’article 36 de la Convention d’Istanbul ([19]).

Selon le GREVIO, « le libellé retenu par le législateur français met l’accent sur les éléments probatoires permettant de constater l’absence de consentement au détriment de la centralité de l’absence du consentement ». Par ce choix de constater l’absence de consentement à partir des éléments probatoires de l’infraction, le législateur français prend le risque d’« une forte insécurité juridique » liée aux interprétations fluctuantes des éléments constitutifs et ne permet pas de prendre en compte la situation de toutes les victimes non consentantes. Outre ces difficultés judiciaires, l’évolution de la définition des infractions sexuelles emporte une dimension symbolique : elle permettrait d’opérer « le changement de paradigme nécessaire pour reconnaître la centralité qui revient à la volonté de la victime » ([20]).

Dans le dernier rapport étatique transmis par la France au GREVIO, le 30 juin 2024, la possibilité d’une modification législative prochaine est émise. Il est affirmé que « la France reconnaît l’importance de la mention explicite du consentement dans la définition juridique du viol » et que « le Président de la République a affirmé vouloir inscrire cette notion dans le droit français, en modifiant le code pénal » ([21]).

3.   Une telle évolution serait également conforme aux recommandations du Comité des Nations unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

Cette évolution permettrait la France de se conformer également à la recommandation générale n° 35 du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) ([22]), adoptée le 14 juillet 2017 et présentée à l’Assemblée générale des Nations unies. Par cette recommandation, le CEDEF appelle les États parties à « veiller à ce que la définition des crimes de nature sexuelle […] se fonde sur le manque de consentement donné de son plein gré et prenne en compte les circonstances coercitives ».

Les avancées de la jurisprudence internationale

L’ajout de la notion de consentement en matière pénale est en lien avec les avancées de la jurisprudence internationale, au tournant des années 2000, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

Créé dans le cadre des Nations unies, le tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (1993‑2017) a instruit de nombreux procès comportant pour chefs d’accusation des crimes de violence sexuelle. Dans une décision de 2002 (affaire Le Procureur contre Dragoljub Kunarac), la chambre de première instance conclut ainsi, qu’en droit international, une pénétration sexuelle non consentie est constitutive d’un viol (1). Il est précisé que « le consentement doit être donné volontairement et doit résulter de l’exercice du libre arbitre de la victime, évalué au vu des circonstances » et que « l’élément moral [du crime de viol] est constitué par l’intention de procéder à cette pénétration sexuelle, et par le fait de savoir qu’elle se produit sans le consentement de la victime » (paragraphe 460).

Cette définition est reprise par une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) de 2003 (2) qui juge que les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme commandent aux États membres « la criminalisation et la répression effective de tout acte sexuel non consensuel, y compris lorsque la victime n’a pas opposé de résistance physique » (paragraphe 166). Si elle n’invite pas spécifiquement à une mention explicite de l’absence de consentement dans la législation pénale, ces jurisprudences internationales reflètent une « tendance universelle à considérer l’absence de consentement comme l’élément constitutif essentiel du viol et des violences sexuelles » (paragraphe 163).

(1)    Chambre de première instance, Dragoljub Kunarac, décision rendue le 22 février 2001.

(2)    CEDH, affaire M.C. c. Bulgarie, requête 39272/98, arrêt du 4 décembre 2003.

B.   De nombreux pays ont dÉjà introduit la notion de consentement dans leur loi pÉnale

Depuis 2017, de nombreuses modifications sont intervenues dans les législations nationales de pays européens pour faire évoluer la définition des infractions pénales de viol et d’agressions sexuelles en les fondant non plus sur la coercition mais sur le consentement.

L’évolution accélérée des législations européennes
en matière d’infractions à caractère sexuel

Selon une étude récente de l’université suédoise de Göteborg (2024), seuls sept pays disposaient avant 2017 d’une définition du viol basée sur le consentement, mais en 2024 ils étaient vingt et un à être concernés. Ce mouvement d’isomorphisme institutionnel – c’est-à-dire, dans le cas présent, la convergence de législations pénales évoluant dans un environnement juridique et culturel commun en Europe – aurait quatre facteurs explicatifs majeurs :

– la pression internationale, notamment les normes internationales, à l’instar de la Convention d’Istanbul et des avis du groupe d’experts du GREVIO ;

– l’influence de certains pays qui font figure de pionniers en matière de répression des violences faites aux femmes : la Suède en est la meilleure illustration en Europe puisque sa loi de 2018 a ouvertement inspiré des initiatives législatives étrangères, notamment en Espagne en 2022 ;

– l’impact de la société civile : les campagnes d’associations (comme Amnesty International en Europe, ou Fatta ! en Suède), l’expression publique de professionnels de la justice, de l’éducation et de la santé ;

– les affaires de violences sexuelles qui ont eu un large écho médiatique et ont révélé les défaillances de la législation en vigueur : il s’agit par exemple de l’affaire des « attaques de Cologne » durant les célébrations du Nouvel An 2016 en Allemagne ou l’affaire dite de « la Manada » (« la Meute ») en juillet 2016 en Espagne.

Source : Uhnoo, S., Erixon, S. and Moa Bladini (2024). The wave of consent-based rape laws in Europe. International journal of law, crime and justice, 77, pp.100668–100668.

L’intégration de la notion de consentement dans la législation relative aux infractions sexuelles couvre toutefois une grande diversité de réalités juridiques ([23]).

La convergence n’implique pas l’homogénéité des approches. Par exemple, si des pays prennent en compte un crime général d’agression sexuelle défini par l’absence de consentement (Allemagne ou Espagne), qu’il qualifie de viol en présence de circonstances aggravantes, d’autres (Grèce ou Portugal) disposent de deux infractions de viols dans leur droit pénal : l’une commise avec force et l’autre sans (encourant des peines différentes). Le crime de viol, défini comme un acte sexuel non consenti, est passible dans l’Union européenne d’un quantum de peine d’emprisonnement compris entre 6 mois (Slovénie) et la prison à vie (Chypre).

Cette diversité s’étend également de la manière dont le consentement est défini par la loi. Certains voient le consentement, dans un modèle affirmatif (« un oui est un oui »), comme un acte positif, qui doit être exprimé librement par des paroles, des gestes ou toute autre manière explicite, compte tenu du contexte (Espagne ou Malte). Au contraire, en Allemagne, le consentement est appréhendé selon le modèle négatif (« non c’est non »), qui veut que l’absence de consentement résulte d’un acte fait contre la volonté libre de la personne ; autrement dit, qu’un rejet explicite des avances sexuelles suffit à caractériser cette absence de consentement.

L’Angleterre et le pays de Galles, l’Irlande et la Belgique comptent parmi les pays qui ont introduit la mention du consentement le plus tôt dans la définition légale du viol, respectivement en 1976 ([24]), 1981 ([25]) et en 1989 ([26]). Pendant longtemps, toutefois, le consentement n’était que mentionné et non défini, avant des précisions législatives intervenues respectivement en 2003 ([27]), 2017 ([28]) et 2022 ([29]).

L’exemple de la Belgique

L’exemple de Belgique, en particulier, semble pertinent à présenter au regard de la proximité qu’entretiennent les systèmes juridiques français et belge. En vigueur depuis le 1er juin 2022, une réforme du droit pénal relatif aux infractions sexuelles explique les circonstances dans lesquelles le consentement peut ou ne peut pas être donné.

Le nouvel article 417/5 du code pénal belge dispose à son premier paragraphe que « le consentement suppose que celui-ci a été donné librement. Ceci est apprécié au regard des circonstances de l’affaire. Le consentement ne peut pas être déduit de la simple absence de résistance de la victime. Le consentement peut être retiré à tout moment avant ou pendant l’acte à caractère sexuel ». Il est ensuite précisé qu’il n’y a « pas de consentement lorsque l’acte à caractère sexuel a été commis en profitant de la situation de vulnérabilité de la victime », de telles situations sont ensuite expressément citées (état de peur, influence de l’alcool ou de stupéfiants, maladie, état d’inconscience ou de sommeil, etc.).

Cette définition complète l’article 417/11 du code pénal établissant l’infraction de viol comme un acte sexuel commis sur ou avec l’aide d’une personne qui n’y consent pas. Le quantum de la peine encourue est de 10 à 15 ans d’emprisonnement.

Plus récemment, les évolutions législatives votées en Suède et en Espagne ont beaucoup enrichi les débats sur ce sujet et sont source d’inspiration pour nombre des personnes militant pour une évolution de la loi française.

L’exemple de la Suède

Traditionnellement, le code criminel suédois fondait l’infraction de viol sur la présence de force ou de menace ou de certaines circonstances particulières (sommeil, usage de stupéfiants, etc.). La loi adoptée le 23 mai 2018 par le Parlement suédois ouvre la qualification de viol à tout acte sexuel pratiqué sans accord explicite.

Le premier paragraphe, section 1, chapitre 6 « Sur les infractions sexuelles » du code criminel suédois est ainsi rédigé : « Toute personne qui a des rapports sexuels vaginaux, anaux ou oraux, ou tout autre acte sexuel qui, compte tenu de la gravité de l’infraction, est comparable à des rapports sexuels, avec une personne qui n’y participe pas volontairement est coupable de viol et est condamnée à une peine d’emprisonnement d’au moins trois ans et d’au plus six ans ». La « participation volontaire » n’est pas définie exhaustivement, mais il est fait mention de situations (de coercition, vulnérabilité ou dépendance) qui l’excluent par nature.

La particularité de la législation suédoise est d’introduire un nouveau crime de « viol par négligence », passible de quatre ans d’emprisonnement, qui se caractérise par le fait de ne pas s’enquérir du consentement volontaire du partenaire sexuel.

Dans un rapport de 2020, le Comité suédois pour la prévention du crime a conclu à l’efficacité de la loi, qui aurait permis une augmentation du nombre de condamnations pour viols de 75 % entre 2017 et 2019 et un allongement de la peine moyenne prononcée de 25,3 mois à 26,9 mois. Le crime de « viol par négligence » ne fait toutefois l’objet que d’une application très minoritaire, ne concernant que 12 des 400 jugements rendus en matière de viol en 2019.

L’exemple de l’Espagne

La loi du 6 septembre 2022 de garantie intégrale de la liberté sexuelle, dite « ley Solo sì es sì » intervient après la forte médiatisation de l’affaire de « la Manada ». Il s’agit du viol collectif d’une jeune fille de 18 ans par cinq hommes lors des fêtes de San Firmin à Pampelune en 2016. Parce que la jeune fille était dans un état de soumission, et parce qu’il manque les éléments constitutifs de l’infraction (la violence), le tribunal de première instance et la cour d’appel ne retiennent pas la qualification de viol en réunion. Celle-ci est finalement imposée en cassation, par la Cour Suprême espagnole, en juin 2019.

La loi de 2022 réforme le code pénal espagnol en introduisant la notion de consentement explicite dans les relations sexuelles (article 178), quand auparavant la présence de violence ou d’intimidation était nécessaire pour qualifier le viol. Toute atteinte à la « liberté sexuelle d’autrui sans son consentement » est désormais passible d’une peine de prison de 1 an à 4 ans (article 178) en tant qu’agression sexuelle, et de 4 ans à 10 ans s’il s’agit d’un viol – matériellement constitué par la pénétration ou un acte sexuel vaginal, anal ou oral (article 179). L’usage de la force, autrefois élément constitutif du viol, fait désormais figure de circonstance aggravante (art. 178, paragraphe 2).

Ce mouvement n’est pas terminé, puisque d’autres pays viennent de modifier leur législation pour y introduire le consentement (comme la Finlande) ou sont en train de le faire (comme les Pays-Bas). A contrario, d’autres pays membres de l’Union européenne n’ont pas modifié leur législation : l’Estonie, la France, l’Italie, la Roumanie et la Pologne. Votre rapporteure considère que la France n’a que trop tardé sur ce sujet et doit aujourd’hui faire évoluer sa législation. Elle insiste en outre sur la nécessité de ne pas se contenter d’une modification des définitions légales des violences sexuelles, mais d’adopter une démarche globale renforçant tous les champs et moyens de la lutte contre celles-ci. En effet, la loi ne peut tout changer, seule une vision globale et une politique volontariste dotée d’un budget ambitieux pourront faire avancer efficacement les choses.

 

III.   La présente proposition de loi constitue un premier pas pour mettre fin À l’impunitÉ des agresseurs

A.   Un texte qui s’inscrit dans la continuitÉ des Évolutions lÉgislatives rÉcentes pour rÉpondre aux aspirations actuelles de la sociÉtÉé

Depuis une vingtaine d’années, le législateur a apporté plusieurs compléments aux dispositions pénales en matière de violences sexuelles.

En 2006, la loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a intégré en droit la notion de viol conjugal en précisant, à l’article 222-22 du code pénal, que « le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage » ([30]). La loi prévoyait toutefois qu’en ce cas, « la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire » ; cette précision malheureuse a été supprimée en 2010 ([31]). En 2010, le législateur a également précisé la notion de contrainte en insérant dans le code pénal un nouvel article 222-22-1 qui dispose que « la contrainte prévue par le premier alinéa de l’article 222-22 peut être physique ou morale ».

Plusieurs modifications de la loi pénale ont également eu lieu en 2018 ([32]), puis en 2021 ([33]) avec la création d’une infraction autonome de viol sur mineur constituée par tout acte de pénétration sexuelle ou bucco-génital commis par un majeur sur un mineur de quinze ans, lorsque la différence d’âge entre les deux est d’au moins cinq ans. Dans ces cas, le droit pénal entérine ainsi une présomption d’absence de consentement. Comme l’explique l’avant-propos de la rapporteure Alexandra Louis, cette nouvelle infraction vise à réprimer « les actes sexuels commis sur un mineur par un majeur et dispensant les juridictions d’interroger le consentement de la victime, partant du principe qu’un enfant ne saurait valablement le formuler ». Là encore, le consentement est partout au cœur du débat : si dans ces cas de viol sur mineur de quinze ans, le juge se voit dispenser de rechercher si un consentement a été exprimé, c’est bien qu’il est sommé de le faire dans les autres cas.

Visant à permettre une prise en compte plus large des différents cas de violences sexuelles et une meilleure prise en charge des victimes, la présente proposition de loi s’inscrit pleinement dans la continuité de ces évolutions législatives.

Depuis plusieurs mois, de nombreuses voix se font entendre pour intégrer la notion de consentement dans les définitions pénales du viol et de l’agression sexuelle. Les auditions conduites par votre rapporteure ont été le reflet de ces aspirations et, bien que le consensus en la matière n’existe pas encore, nombreux sont les magistrats, avocats, juristes et associations qui appellent de leurs vœux une telle évolution. Ce texte de loi n’est d’ailleurs pas le seul à porter cette ambition : par exemple, la sénatrice Mélanie Vogel, également entendue par votre rapporteure, a elle aussi déposé une proposition de loi en ce sens ([34]).

Les modifications apportées au code pénal par le dispositif proposé par la sénatrice Mélanie Vogel

1° L’article 222-22 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « avec violence, contrainte, menace ou surprise » sont remplacés par les mots : « sur la personne d’autrui sans son consentement libre » ;

b) Le même premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ce consentement peut être retiré à tout moment. Il ne peut pas y avoir de consentement libre lorsque l’atteinte sexuelle est commise avec violence, contrainte, menace, surprise ou en abusant d’un état altérant la capacité de jugement d’autrui. » ;

c) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et indépendamment d’une éventuelle résistance verbale ou physique opposée par la victime » ;

2° L’article 222-22-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est supprimé ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l’article 222-22 peuvent » sont remplacés par les mots : « l’absence du consentement libre mentionné au premier alinéa de l’article 222-22 peut » ;

c) Au dernier alinéa, les mots : « la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées » sont remplacés par les mots : « l’absence de consentement libre est caractérisée » ;

3° Le premier alinéa de l’article 222-23 est ainsi rédigé :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sans le consentement libre d’autrui sur sa personne ou sur la personne de l’auteur est un viol. »

B.   un texte qui permet de rÉpondre À plusieurs nÉcessitÉs

S’inspirant directement des textes internationaux, la présente proposition de loi procède à la modification des articles 222-22 et 222-23 du code pénal en insérant l’absence de consentement comme élément constitutif des infractions de viol et d’agression sexuelle.

1.   Mettre en accord la loi avec les pratiques judiciaires en assumant l’absence de consentement comme l’élément constitutif du viol et de l’agression sexuelle

Si le consentement n’est dans aucune des définitions pénales des violences sexuelles, il est omniprésent dans la jurisprudence, mais aussi au cours des enquêtes où les questions de la police judiciaire tournent déjà autour du consentement – et plus largement des réactions – de la victime. En effet, comme en ont témoigné toutes les associations rencontrées par votre rapporteure, même si la définition des infractions de viol et d’agression est centrée sur le comportement de l’auteur (qui agit avec violence, contrainte, menace ou surprise), c’est bien trop souvent au comportement de la victime que s’intéressent les enquêtes.

Même si le consentement n’est écrit nulle part dans ces articles du code pénal, il est l’ADN du travail de l’enquêteur, du magistrat du siège et du magistrat du parquet, explique M. Eric Tuffery, procureur général près la cour d’appel de Paul et représentant la Conférence nationale des procureurs généraux. Le magistrat Frédéric Macé, président de l’Association française des magistrats instructeurs, explique, lui aussi, que le consentement est au cœur du travail des cabinets d’instruction et que rares sont les ordonnances, qu’elles soient de non-lieu ou de renvoi, qui font l’économie de cette notion.

Pour Audrey Darsonville, les lacunes actuelles de la loi obligent le juge à devoir interpréter largement les dispositions des articles 222-22 et 222-23 du code pénal pour faire face aux réalités des situations de violences sexuelles. Le magistrat François Lavallière partage ce constat : pour lui c’est avant tout au législateur qu’il revient de réécrire les critères de consentement et il estime essentiel d’introduire cette notion dans la loi. Votre rapporteure considère donc que le législateur ne peut fuir plus longtemps ses responsabilités en refusant de préciser la loi pénale.

Pour répondre à ces difficultés, la présente proposition de loi vise à faire de l’absence de consentement l’élément constitutif des infractions de viol et d’agression sexuelle. Comme l’association Choisir la cause des femmes, votre rapporteure fait le constat de l’insuffisance de la loi et souhaite y remédier.

Par cette évolution législative, il s’agit ainsi d’ouvrir les enquêtes à la recherche de nouveaux types d’éléments probatoires, ce qui ne procède en rien d’un renversement de la charge de la preuve. François Lavallière considère lui aussi qu’il n’y a pas d’inversion de la charge de la preuve, ni aucune disparition de la présomption d’innocence. Le procureur aura toujours la charge de démontrer les faits.

Votre rapporteure souligne que l’objectif n’est pas de centrer les investigations sur la manière dont la victime a consenti, mais d’inciter le juge à rechercher comment le mis en cause s’est assuré du consentement de la victime. Comme Magali Lafourcade, elle souhaite même aller plus loin et permettre enfin de changer de paradigme probatoire en assumant que c’est bien auprès du mis en cause que l’enquête doit rechercher des éléments pour vérifier qu’il s’est assuré du consentement de la victime.

2.   Apporter des précisions sur ce qu’est le consentement en l’intégrant de manière cohérente dans le droit actuel

● Cette proposition de loi insère donc la notion de consentement comme élément constitutif du viol. Elle propose également de premiers éléments de définition de cette notion. Comme le souligne Catherine Le Magueresse, la loi ne peut faire l’économie de ces précisions. Elle doit également définir les situations où il peut y avoir consentement mais dans lesquelles une vigilance spécifique est nécessaire (rapports de pouvoir, personnes fragiles, vulnérables, etc.), ainsi que les situations dans lesquelles il n’y a pas de consentement (sommeil, sidération, état alcoolique ou sous l’emprise de stupéfiants, etc.).

Le texte rappelle le caractère libre et éclairé du consentement et précise que celui-ci s’apprécie au regard des circonstances environnantes dans lequel il est exprimé. Cette mention des circonstances environnantes, faisant directement écho à la Convention d’Istanbul ([35]), est pour votre rapporteure un élément crucial puisqu’elle permet de prendre en compte l’ensemble des situations conduisant à forcer, vicier ou encore tromper le consentement. Lorsqu’un consentement semble avoir été exprimé, il revient ainsi au juge de s’interroger sur le contexte de son expression pour déterminer si certains comportements du mis en cause ont pu empêcher qu’il soit pleinement libre et éclairé.

En effet, comme le souligne Tiffany Coisnard de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), en matière d’acte sexuel, l’expression d’un « oui » peut être forcée par une sphère de contrainte. Il existe en effet de nombreuses situations dans lesquelles une victime ne peut pas s’opposer à un acte sexuel en raison d’un environnement coercitif. L’agresseur profite alors de ce cadre coercitif et ce type de comportements peine aujourd’hui à être sanctionné par la justice. Comme l’explique Lola Schulmann, cette mention des circonstances environnantes incite à se focaliser sur l’agresseur, sur son comportement au moment de l’agression, mais également sur ses comportements passés, lors de ses anciennes relations par exemple. Cette analyse doit ainsi permettre de déterminer l’existence éventuelle de rapports de force ou de domination qui auraient été à l’origine d’une coercition exercée sur la victime.

● En sus de la notion de consentement, la présente proposition de loi conserve de manière explicite les quatre critères de violence, contrainte, menace ou surprise. Bien identifiés et développés par la jurisprudence, les supprimer de la loi risquerait en effet de fragiliser la démonstration des faits. La présente proposition de loi entend donc conserver dans sa rédaction une référence directe et complète à ces quatre critères.

En ajoutant la notion de consentement, ce texte porte en réalité l’ambition de compléter ces critères par d’autres éléments permettant de préciser ce qu’est – ou ce que n’est pas – le consentement et de quelle manière celui-ci doit être apprécié. Par ces indications sur la définition du consentement, la loi pourra élargir les possibilités de prouver le non-consentement, en dehors des cas de violence, contrainte, menace ou surprise. Cela constitue un élargissement du champ probatoire, en ajoutant des objets de preuve, mais la recherche de ces preuves sera bien évidemment toujours laissée à la charge du ministère public.

*

*     *

 


COMMENTAIRE DES ARTICLES DE LA proposition de loi

Article 1er
(art. 222-22 du code pénal)
Insertion de la notion de consentement dans la définition pénale de l’agression sexuelle

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ajoute l’absence de consentement à l’acte sexuel parmi les éléments constitutifs de l’infraction d’agression sexuelle définie à l’article 222-22 du code pénal. Il précise que le consentement ne peut pas être déduit de l’absence de résistance de la victime et que son expression volontaire doit être appréciée par le juge dans le contexte des circonstances environnantes.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a modifié le premier alinéa de l’article 222-22 du code pénal pour insérer une référence aux nouveaux cas prévus par la loi sanctionnant une agression sexuelle commise sur un mineur par un majeur sans avoir été imposée par violence, contrainte, menace ou surprise.

       Position de la Commission

La Commission a rejeté cet article.

 

  1.   L’État du droit
    1.   La définition et la répression des agressions sexuelles reposent, en droit pénal français, sur l’existence d’une violence, contrainte, menace ou surprise
      1.   Les régimes répressifs du viol et des autres agressions sexuelles

L’article 222-22 du code pénal dispose que « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

L’emploi de l’un de ces moyens – désignés sous le terme d’adminicules ([36]) – par l’auteur des faits est de nature à caractériser la matérialité de l’infraction. Autrement dit, si un acte sexuel entre deux personnes est normalement licite, l’existence d’un adminicule suffit à le qualifier pénalement d’agression sexuelle.

Le code pénal distingue deux types d’agressions sexuelles qui font l’objet d’un régime répressif différent : le viol et les autres agressions sexuelles.

● Défini à l’article 222-23, le viol est caractérisé, en premier lieu, par l’existence d’une pénétration sexuelle, de quelque nature qu’elle soit, que l’auteur des faits impose à la victime de la commettre ou de la subir.

Constituent donc l’infraction la pénétration d’un sexe masculin dans un vagin, dans un anus ou dans une bouche, ainsi que la pénétration d’un doigt ou de tout autre élément dans un vagin ou un anus ([37]). Jusqu’en 2018, seules les pénétrations commises sur la personne de la victime étaient prises en compte dans cette définition. Le législateur a élargi la définition du viol pour y inclure les pénétrations imposées à la victime par et sur l’auteur ([38]).

Par ailleurs, depuis 2021, la qualification de viol s’applique également à « tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur », que cet acte implique ou non une pénétration. Cette évolution législative a été décidée en réaction à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui avait écarté la qualification de viol sur mineur au profit de celle d’agression sexuelle dans une affaire d’inceste au cours de laquelle l’auteur avait, de force, pratiqué un cunnilingus sur la victime ([39]). Procédant à une interprétation stricte de la loi pénale, la Cour avait écarté la qualification de viol car cet acte n’avait pas impliqué la commission à dessein d’une pénétration. Selon la jurisprudence, la fellation constituait en effet un viol, tandis qu’un cunnilingus ou un anulingus ne l’était pas. Considérant cette distinction choquante et inappropriée à la qualification des faits, le législateur a donc choisi de compléter la définition pénale du viol pour sanctionner l’ensemble des actes bucco-génitaux.

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle, voire de vingt ans en présence de certaines circonstances aggravantes précisées à l’article 222-24.

Les circonstances aggravantes du viol

En application de l’article 222-24 du code pénal, la peine encourue pour le crime de viol est aggravée dans certaines circonstances.

Plusieurs d’entre elles ont trait aux caractéristiques de la victime ou aux conséquences de l’acte sur celle-ci. La peine encourue est ainsi aggravée lorsque le viol a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (1°) ou lorsqu’il est commis sur :

– un mineur de quinze ans (2°) ;

– une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur (3°) ;

– une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l’auteur (3° bis) ;

– dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle (13°).

 

D’autres circonstances sont définies par les caractéristiques de l’auteur. La peine est ainsi aggravée lorsque le viol est commis par :

– un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait (4°) ;

– une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions (5°) ;

– plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice (6°) ;

– le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (11°);

– une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants (12°).

 

Enfin, les dernières circonstances sont déterminées par les conditions de commission de l’infraction ou par le mode opératoire utilisé par l’auteur. La peine est aggravée lorsque :

– le viol est commis avec usage ou menace d’une arme (7°) ;

– la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique (8°) ;

– le viol est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes (10°) ;

– un mineur était présent au moment des faits et y a assisté (14°) ;

– une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes (15°).

Les articles 222-25 et 222-26 prévoient deux autres niveaux d’aggravation de la peine de viol :

– le viol est puni de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’il a entraîné la mort de la victime ;

– le viol est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie.

● Les agressions sexuelles autres que le viol sont caractérisées par l’absence d’une pénétration sexuelle. Elles sont punies par l’article 222-27 de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Ces peines sont portées à sept ans et 100 000 euros en présence de certaines circonstances aggravantes précisées à l’article 222-28.

Les circonstances aggravantes des autres agressions sexuelles

Comme pour le viol, l’article 222-28 prévoit que l’agression sexuelle voit sa peine aggravée dans certaines circonstances ayant trait aux caractéristiques de la victime ou aux conséquences de l’acte sur celle-ci :

– lorsqu’elle a entraîné une blessure, une lésion ou une incapacité totale de travail supérieure à huit jours (1°) ;

– lorsqu’elle est commise, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle (9°) ;

La peine encourue est également aggravée lorsque l’aggression sexuelle est commise par :

– un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait (2°) ;

– une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions (3°) ;

– plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice (4°) ;

– le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (7°) ;

– une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants (8°).

Sont également concernées les conditions de commission de l’infraction suivantes :

– lorsqu’elle est commise avec usage ou menace d’une arme (5°) ;

– lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique (6°) ;

– lorsqu’un mineur était présent au moment des faits et y a assisté (10°) ;

– lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes (11°).

Par ailleurs, l’article 222-29 punit de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende les agressions sexuelles commises sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ou résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur. En application de l’article 222-30, ces peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende dans sept circonstances aggravantes ([40]).

Enfin, en application de l’article 222-29-1, elles sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises sur un mineur de quinze ans.

  1.   Le cas des agressions sexuelles commises sur un mineur par un majeur sans violence, contrainte, menace ou surprise

Depuis 2021, l’article 222-22 du code pénal dispose que constitue également une agression sexuelle une atteinte sexuelle commise sur un mineur par un majeur, dans les cas prévus par la loi. Les infractions sont alors qualifiées sans que les actes n’aient été imposés par violence, contrainte, menace ou surprise :

– l’article 222231 du même code qualifie ainsi de viol tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans. L’élément moral de l’infraction résulte alors uniquement de la volonté de commettre une pénétration sexuelle et de la connaissance de l’âge inférieur à quinze ans de la victime ;

– l’article 222-23-2 qualifie de viol incestueux tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur, lorsque l’auteur des faits est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ([41]) ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait ;

– l’article 222292 qualifie d’agression sexuelle toute atteinte sexuelle autre qu’un viol commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans ;

– l’article 222-29-3 qualifie d’agression sexuelle incestueuse toute atteinte sexuelle autre qu’un viol commise par un majeur sur un mineur, lorsque le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait.

  1.   L’interprétation des notions de violence, contrainte, menace ou surprise, éléments constitutifs de la qualification pénale des agressions sexuelles et du viol
    1.   Précisions d’origine législative

La caractérisation pénale du viol et des autres agressions sexuelles est déduite du comportement de l’auteur, à travers la présence de violence, contrainte, menace ou surprise.

Le code pénal ne définit pas en soi ces quatre adminicules. Ces notions se recoupent parfois : par exemple, la contrainte peut être physique et se rapprocher des violences, la menace est quant à elle une forme de contrainte. Leur compréhension est néanmoins aidée par d’autres infractions pénales et par certaines précisions apportées, au fil du temps, par le législateur.

● La violence se comprend à la lumière des infractions de violences qui font partie des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne. Depuis 2010, l’article 222-14-3 précise que ces violences sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ([42]).

● En 2010, le législateur a également précisé la notion de contrainte en insérant dans le code pénal un nouvel article 222-22-1 qui dispose que « la contrainte prévue par le premier alinéa de l’article 222-22 peut être physique ou morale ». Selon le législateur, cette précision était nécessaire car « des quatre éléments permettant de caractériser l’absence de consentement qu’impliquent l’agression sexuelle et le viol, seule la contrainte peut s’exercer sans manifestation extérieure » ([43]).

Cette évolution visait notamment à prendre en compte les écarts d’âge et ce même article ajoutait d’ailleurs que la contrainte morale résulte, en particulier, de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits ainsi que de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime.

En 2018, la loi dite « loi Schiappa » a en outre précisé que cette autorité de fait peut être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur ([44]). Elle a également inséré une nouvelle disposition selon laquelle, lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes.

● Si le code pénal ne donne pas de définition de la menace, il en prévoit par contre la sanction. L’article 222-17 punit de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable lorsqu’elle est soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet. La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace de mort.

L’article 222-18 incrimine en outre la menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre un crime ou un délit contre les personnes lorsqu’elle est faite avec l’ordre de remplir une condition. L’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Ces peines sont portées à cinq ans et 75 000 euros s’il s’agit d’une menace de mort.

● La surprise a fait l’objet, en 2018, des mêmes précisions interprétatives que la notion de contrainte s’agissant des agressions commises sur des mineurs. On relèvera que ce terme de surprise n’est utilisé pour aucune autre infraction pénale.

  1.   Précisions d’origine jurisprudentielle

Chacun de ces adminicules a fait l’objet de décisions jurisprudentielles venues progressivement préciser son contenu. Ces notions, parfois assez proches, ont, en effet, été interprétées in concreto par le juge.

● La violence physique peut consister en des coups sur la victime ([45]), le fait de la ligoter ([46]), de la bâillonner ([47]), ou de la brutaliser ([48]). Elle peut également résulter de la disproportion des forces en présence ([49]) et de la supériorité physique de l’agresseur ([50]). La violence psychologique semble quant à elle avoir davantage été approfondie par la notion de contrainte ou de menace.

● La contrainte physique se rapproche quant à elle de la notion de violence physique. Elle peut toutefois être appréhendée avec une intensité moindre : la Cour de cassation a par exemple retenu que la contrainte doit s’apprécier de manière concrète en fonction de la capacité de résistance de la victime ([51]). La contrainte morale peut par exemple découler de la crainte inspirée par un supérieur hiérarchique ([52]) ou encore d’un lien de subordination ([53]).

● La menace peut résulter d’intimidations verbales, comme les menaces de mort ([54]), le chantage à la dénonciation ([55]) ou affectif ([56]), ou encore prendre la forme de la menace par une arme ([57]).

● La surprise a été abondamment précisée par la jurisprudence. Correspondant, non pas à une émotion de la victime, mais plutôt un comportement de l’auteur, ce terme désigne les stratagèmes ou supercheries destinés à surprendre le consentement de la victime ([58]) ou à l’empêcher de le délivrer de manière lucide. Cela peut consister en un abus de sa faiblesse physique liée à l’ivresse ([59]) ou à un état d’hypnose ([60]), en un abus d’une erreur d’identification de la personne réalisant les actes sexuels ([61]), ou encore en une administration à la victime d’une substance médicamenteuse ([62]). Plus récemment, la Cour de cassation a jugé que « l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise » ([63]).

Enfin, il y a deux mois, la Cour a précisé deux cas où la surprise doit également être retenue : lorsque la victime est endormie et lorsque la victime se trouve en état de sidération ([64]). Dorénavant, l’absence de réaction de la victime face à l’agression imposée ne permet plus d’écarter la qualification d’agression sexuelle. Au contraire, cette absence de réaction, lorsqu’elle est due à l’état de sidération de la victime, est susceptible de démontrer que le consentement de celle-ci a été surpris et, ainsi, de qualifier l’agression sexuelle.

Votre rapporteure salue bien sûr cette dernière décision qui clarifie la prise en compte de la sidération. S’il est évident que la jurisprudence évolue dans le bon sens en interprétant de façon plus large les quatre adminicules, ces décisions successives démontrent aussi les insuffisances de la définition légale des agressions sexuelles. Selon Audrey Darsonville, professeure de droit pénal, « l’idée, en droit pénal, est d’éviter l’arbitraire du juge et les inégalités d’application sur le territoire ». Bien sûr, la loi doit rester générale et il revient au juge de l’apprécier in concreto ; toutefois, la loi pénale étant d’interprétation stricte, le législateur doit être vigilant à garantir que les définitions soient suffisamment larges et précises pour englober tous les cas pouvant advenir sans laisser aucune place au doute.

  1.   Derrière ces quatre notions, se retrouve en creux celle du non‑consentement de la personne victime

Pour qualifier le viol ou les autres agressions sexuelles, le droit pénal français cherche à déterminer les conditions dans lesquelles la victime a été forcée à l’acte sexuel, par le recours à la violence, l’usage d’une contrainte ou l’emploi de menaces, ou bien les conditions dans lesquelles son consentement a été surpris, faute d’avoir permis à la victime de donner un accord libre et éclairé.

À travers cette caractérisation de la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, le juge apprécie les circonstances du défaut de consentement de la victime.

Cette approche juridique est ancienne, puisque dès 1857, la Cour de cassation définit le viol comme « le fait d’abuser une personne contre sa volonté, soit que le défaut de consentement résulte de la violence physique ou morale exercée à son égard, soit qu’il résulte de tout autre moyen de contrainte ou de surprise pour atteindre, en dehors de la volonté de la victime, le but que se propose l’auteur de l’action » ([65]).

C’est ensuite la loi du 23 décembre 1980 ([66]) qui reconnaît le crime de viol et le définit, à l’article 332 de l’ancien code pénal, comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise ». Entré en vigueur en 1994, le nouveau code pénal ajoutera la menace à ces adminicules.

Comme le précise clairement l’arrêt Dubas, derrière ces notions, se retrouve en creux celle du non-consentement de la personne victime.

D’ailleurs, le magistrat Frédéric Macé, président de l’Association française des magistrats instructeurs, a expliqué à votre rapporteure que la notion de consentement est aujourd’hui admise et pratiquée au quotidien dans les cabinets d’instruction. Le juge d’instruction s’intéresse bien évidemment à la démonstration des éléments de violence, contrainte, menace ou surprise, tout en ayant à l’esprit que ces éléments servent finalement à démontrer que l’acte sexuel était non consenti.

 

  1.   Le dispositif proposé

Sans que le consentement ne soit mentionné dans le code pénal s’agissant des infractions d’agressions sexuelles, il semble au cœur des enquêtes et des décisions de justice en la matière. Pour répondre à ce paradoxe, et en tirer toutes les conséquences dans le droit positif, le présent article procède à une quadruple modification de l’article 222-22 du code pénal.

 Premièrement, il introduit la notion de consentement dans la définition des agressions sexuelles.

Pour ce faire, le deuxième alinéa définit l’agression sexuelle comme « toute atteinte sexuelle commise sans consentement donné volontairement ».

Votre rapporteure tient à préciser que cette notion de consentement n’a pas vocation à être appliquée aux atteintes sexuelles sur mineurs de quinze ans. Considérant que le législateur avait déjà apporté de nombreuses évolutions et garanties aux dispositions concernant les agressions sexuelles commises sur un mineur de quinze ou dans un cadre incestueux, votre rapporteure a en effet choisi de ne pas proposer de modification dans ce domaine et de se concentrer sur la définition des agressions sexuelles commises avec violence, menace, contrainte ou surprise ([67]). La suppression des termes « ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur » par le texte initial de la proposition de loi relève d’une erreur rédactionnelle ; ceux-ci ont vocation à être rétablis.

● Deuxièmement, afin de ne pas procéder à un bouleversement du régime probatoire des agressions sexuelles, la première phrase du troisième alinéa conserve les quatre adminicules (violence, contrainte, menace ou surprise). Ainsi, une agression sexuelle peut toujours être définie comme une atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.

Votre rapporteure souligne que l’emploi du verbe « pouvoir » a vocation à rattacher ces adminicules à l’alinéa précédent et non pas à signifier, a contrario, qu’une atteinte sexuelle commise dans une de ces circonstances pourrait ne pas être une agression sexuelle. Pour éviter tout défaut d’interprétation, elle entend apporter, là aussi, une correction.

L’objectif poursuivi par ces deux premières modifications est double :

– d’une part, inclure l’absence de consentement dans la définition pénale du viol et des autres agressions sexuelles ;

– d’autre part, permettre à l’absence de consentement de suffire à la qualification pénale d’un viol ou d’une agression sexuelle. Il ne s’agit pas, en effet, d’ajouter cet élément aux quatre adminicules déjà existants, mais bien d’élargir la définition du viol en clarifiant qu’un acte sexuel commis sur une personne sans son consentement, même si cet acte est réalisé sans violence, contrainte, menace ou surprise, est bel et bien une agression sexuelle. Ces éléments constitutifs n’ont donc pas à se cumuler, mais chacun pourra permettra de retenir cette qualification.

La qualification pénale d’une agression sexuelle ou d’un viol en raison du non-consentement de la victime est aujourd’hui une évidence, pour les magistrats comme pour la société civile. C’est également une nécessité pour s’assurer de manière certaine que toute relation non consentie tombe sous le coup de la loi, sans laisser uniquement à la jurisprudence le soin de prendre en compte toutes les situations.

Cela ne procède en rien d’une inversion de la charge de la preuve, mais complète les éléments servant à caractériser l’infraction. Ce ne sera bien évidemment pas au mis en cause de démontrer que la victime était consentante. Il reviendra toujours au ministère public d’apporter les éléments de preuve que le non-consentement de la victime était caractérisé et ne pouvait être ignoré du mis en cause. Il ne s’agira pas non plus de focaliser davantage l’investigation sur le comportement de la victime, mais bien de rechercher, dans celui du mis en cause, la façon dont il est passé outre ce non-consentement.

La démonstration du non-consentement fait, en réalité, déjà partie des pratiques des magistrats, comme cela a été confirmé par l’ensemble des syndicats rencontrés par votre rapporteure. Le président de l’Association française des magistrats instructeurs était lui aussi catégorique sur ce point : la notion de consentement figure dans tous les interrogatoires des juges d’instruction et aucune ordonnance de non-lieu ou de renvoi ne se passe de cette notion. L’objectif est d’inscrire cette logique dans la loi pour garantir que le droit correspond à la pratique de s’enquérir des moyens déployés par le mis en cause pour s’assurer du consentement de la victime. La loi intégrera ainsi la jurisprudence puisque la Cour de cassation elle-même précise dans l’arrêt précité du 11 septembre 2024 que les juges s’étonnent que le mis en cause « ne se soit pas assuré du consentement de sa nièce, surtout en constatant qu’elle ne prononçait pas un mot » ([68]).

● Troisièmement, il intègre des précisions pour définir, en partie, la notion de consentement.

D’une part, la dernière phrase du troisième alinéa apporte une précision sur ce que n’est pas le consentement : celui-ci ne peut pas être déduit de la simple absence de résistance de la victime. Cette disposition permet d’intégrer dans la loi la récente évolution jurisprudentielle qui a, enfin, pris clairement en compte la situation de sidération ([69]). Votre rapporteure considère, en outre, fondamental de rappeler que le consentement n’est pas une démarche passive ; il s’agit d’un acte positif par lequel une personne participe à un acte sexuel et ne le subit pas.

D’autre part, la deuxième phrase du troisième alinéa précise qu’il s’agit du « résultat de la volonté libre de la personne ». Cette définition s’inspire directement de la Convention d’Istanbul ([70]), ratifiée par la France, dont l’article 36 stipule que « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes ». En effet, comme l’a expliqué Lola Schulmann, chargée de plaidoyer chez Amnesty International, le consentement se définit avant tout par le contexte de son expression et de son recueil : il doit être libre, éclairé, spécifique et réversible ([71]).

● Quatrièmement, cet article de la proposition de loi entend apporter des précisions sur les investigations devant être menées pour des faits d’agression sexuelle en explicitant que le juge doit rechercher l’expression de ce consentement en fonction du « contexte des circonstances environnantes ». L’objectif est ici de mieux prendre en compte l’ensemble des éléments susceptibles de vicier le consentement, notamment les différents rapports de pouvoir ou de domination.

Lors des auditions, l’attention de votre rapporteure a été attirée sur le caractère ambigu de la deuxième phrase du troisième alinéa qui pourrait aussi être interprétée comme l’écriture en droit pénal de la nécessité de rechercher le consentement du partenaire lors d’un acte sexuel. Bien évidemment, le consentement doit toujours être recherché pour tout acte sexuel ; cette logique se trouve d’ailleurs au cœur de la réflexion qui sous-tend cette proposition de loi. Pour autant, ce n’est pas le sens de cette précision d’ordre juridique et il conviendra donc de clarifier cet élément.

 

  1.   la position de la commission

Après avoir adopté trois amendements de correction (CL14, CL15 et CL16) de votre rapporteure, la commission a rejeté cet article.

*

* *


Article 2
(art. 222-23 du code pénal)
Insertion de la notion de consentement dans la définition pénale du viol

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ajoute l’absence de consentement parmi les éléments constitutifs du crime de viol défini à l’article 222-23 du code pénal. Il précise que le consentement ne se déduit pas de l’absence de résistance de la victime et que son expression volontaire doit être appréciée par le juge dans le contexte des circonstances environnantes.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a complété la définition pénale du viol pour couvrir également les pénétrations sexuelles sur la personne de l’auteur. La loi n° 2021‑478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a, en outre, intégré dans cette définition tout acte buccogénital, que celui-ci implique ou non une pénétration.

  1.   L’État du droit

Voir supra.

  1.   Le dispositif proposÉ

Le présent article procède, à l’article 222-23, aux mêmes modifications que celles réalisées à l’article 222-22 par l’article premier de la présente proposition de loi.

  1.   la position de la commission

Après avoir adopté deux amendements de correction (CL17 et CL11) de votre rapporteure, la commission a rejeté cet article.

*

* *


   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 20 novembre 2024, la Commission examine la proposition de loi visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol (n° 360) (Mme Sarah Legrain, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/ayM0OS

Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente. Nous examinons la proposition de loi visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol, inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée le 28 novembre prochain par le groupe LFI-NFP dans le cadre de sa journée d’initiative parlementaire. Cette proposition de loi a été déposée le 15 octobre 2024 par Mme Legrain, notre rapporteure, et plusieurs de ses collègues.

Mme Sarah Legrain, rapporteure. Merci de m’accueillir au sein de votre commission pour discuter de ce texte qui vise à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale des agressions sexuelles et du viol.

La notion de consentement se retrouve fréquemment à la une des journaux. Elle est au cœur des débats qui animent notre société depuis la vague MeToo qui, depuis déjà sept ans, n’en finit pas de déferler. La levée du huis clos du procès des viols de Mazan, comme dans le procès d’Aix-en-Provence, rendu public par Gisèle Halimi en 1978, jette une lumière crue sur le caractère systémique des violences sexistes et sexuelles et sur ce qu’endurent leurs victimes, parfois jusque dans les tribunaux.

Sans préjuger des conclusions de la justice, sans m’attarder sur l’accumulation inédite d’éléments matériels dans cette affaire, je relève un étonnement de l’opinion publique, mise face à la procédure judiciaire. Le consentement est partout – dans les questions des magistrats et des avocats, dans les paroles des mis en cause – mais il ne figure pas dans la loi. Le défaut de consentement ne suffit pas à caractériser le viol. Dès lors, qui peut se prévaloir du consentement et le définir ? Qui peut le présumer ? Ne serait-ce pas mieux, plus clair, plus sûr, de l’inscrire et de le définir ? Dans un récent sondage, 81 % des Français et Françaises tranchent la question, en se disant favorables à l’inscription de cette notion dans la loi.

Ma proposition de loi a été déposée bien avant ce procès puisqu’elle date du mois de février dernier, au moment où l’Union européenne renonçait à fixer une définition commune du viol dans la directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. L’objectif était d’harmoniser le droit sur ce sujet dans les vingt-sept États membres.

Si l’Europe a renoncé à cette définition, c’est parce que la France, main dans la main avec la Hongrie, a fait blocage sur la notion de consentement. Malgré les nombreuses voix qui se sont fait entendre pour avancer sur ce sujet, malgré la position commune d’un grand nombre d’ONG européennes et d’associations françaises, malgré les tribunes des députés européens membres de la majorité présidentielle et des députées européennes rapporteures de la directive, rien n’y a fait : les négociations ont été bloquées sur ce point, alors même que la France a ratifié la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dans laquelle figure la notion de consentement.

L’ancien garde des sceaux ayant expliqué que le problème venait de notre propre définition législative de ce crime, il m’a semblé fondamental que le législateur se saisisse de ce sujet. Si nous disposions déjà, au Sénat, d’une proposition de loi de la sénatrice Mélanie Vogel, aucun texte n’existait à l’Assemblée nationale : j’ai donc déposé le mien. Depuis, il y a eu une dissolution et un changement de gouvernement et le nouveau garde des sceaux, Didier Migaud, s’est, lui, prononcé en faveur de l’inscription du consentement dans la définition pénale du viol.

Depuis le début de l’année, le débat n’a fait qu’enfler. Le groupe La France insoumise a donc choisi de l’inscrire dans sa niche parlementaire. Je précise que ma démarche n’a pas vocation à effacer les travaux transpartisans menés par Véronique Riotton et Marie‑Charlotte Garin, depuis décembre 2023, au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes – dont je suis vice-présidente. Ce texte sera au contraire l’occasion d’entamer la discussion parlementaire sur ce sujet, de poser pour la première fois la question à l’Assemblée nationale.

Après presque un an de travaux transpartisans, il n’y a toujours pas de texte. Il est légitime de chercher la meilleure écriture possible et je ne mets aucunement en doute la volonté de mes collègues d’aboutir à la rédaction d’une proposition de loi, mais je m’interroge sur la capacité du gouvernement à durer suffisamment longtemps pour en voir le dépôt. Qui sera le garde des sceaux en 2025 ? Quelle garantie avons-nous sur la mise à l’ordre du jour de ce sujet et sur le contenu exact du texte proposé ? Face à ces incertitudes, il est de la responsabilité du Parlement de se saisir de l’occasion donnée par le ministre pour ouvrir le débat sur le sujet.

Je précise d’ailleurs qu’il ne s’agit que d’une première proposition de rédaction, qui n’a pas la prétention d’être parfaite. Grâce aux dix-huit auditions que j’ai menées – avec quarante-neuf personnes entendues en un peu moins de dix jours – je suis aujourd’hui en mesure de vous proposer une meilleure formulation et je reste ouverte à toute proposition d’amélioration, notamment de la part de Véronique Riotton et de Marie-Charlotte Garin, dont l’expertise sera précieuse. La navette parlementaire est un long chemin et le texte peut évoluer, mais ne nous privons pas d’une occasion d’envoyer un message clair à la société.

Quelques précisions donc sur cette rédaction.

J’avais conçu ce texte en reprenant les termes utilisés en droit international, notamment par la convention d’Istanbul. Plusieurs juristes et magistrats auditionnés ont toutefois attiré mon attention sur le fait que certains de ces termes n’étaient pas classiquement employés en droit pénal français et pourraient prêter à confusion. Trois points en particulier me semblent devoir être corrigés ; ils feront l’objet de deux amendements de rédaction globale.

Premièrement, l’organisation des deux articles me semble pouvoir gagner en clarté et en précision. J’ai donc réorganisé les éléments en trois alinéas. Le premier définit la qualification pénale du viol ou de l’agression sexuelle en lien avec la notion de consentement. Le deuxième précise les principales caractéristiques du consentement. Le troisième exclut les cas où il ne peut y avoir de consentement en reprenant clairement les quatre éléments de la définition actuelle – violence, contrainte, menace, surprise. Cela permet de sécuriser ces quatre éléments, que d’aucuns trouvaient fragilisés par la rédaction initiale.

Deuxièmement, ma rédaction écrasait le renvoi aux dispositions spécifiques aux mineurs, ce qui n’était pas mon intention et doit, bien évidemment, être rectifié.

Troisièmement, je proposerai une clarification de la phrase portant sur l’expression du consentement et les circonstances environnantes. Cette phrase reprenait directement les termes de la convention d’Istanbul, mais comporte des ambigüités. Elle doit donc être reformulée, en conservant toutefois la précision selon laquelle l’appréciation du consentement doit toujours se faire au regard des circonstances environnantes.

J’espère que ces précisions rédactionnelles vous rassureront quant aux éventuels écueils de ma proposition initiale. J’en viens aux intentions qui la guident.

Le premier objectif est bien sûr de clarifier la définition pénale des agressions sexuelles et du viol en sortant le consentement de l’implicite. Puisqu’il est omniprésent sans être inscrit dans la loi, nous devons l’expliciter en le définissant. Cela n’aurait rien d’une révolution : la notion de consentement existe déjà dans le code pénal, ce qui rassurera peut‑être certains d’entre vous. Plusieurs infractions sont déjà caractérisées par l’absence de consentement, comme les atteintes à la vie privée. Dès lors, il n’y a pas de raison de renoncer à le faire pour les infractions d’agression sexuelle et de viol.

Inscrire la notion de consentement dans la loi n’aurait, par ailleurs, rien de surprenant : elle est omniprésente en pratique, dans le traitement des affaires de violences sexistes et sexuelles et dans la jurisprudence. Sans vouloir citer toutes nos auditions, je prendrai deux exemples. Ainsi, M. Frédéric Macé, président de l’Association française des magistrats instructeurs, a été catégorique : on trouve le consentement dans tous les interrogatoires menés par les juges d’instruction, et aucune ordonnance de non-lieu ou de renvoi ne se passe de cette notion. M. Éric Tuffery, procureur général près la cour d’appel de Pau et représentant de la Conférence nationale des procureurs généraux, nous a dit aussi que même si le consentement n’était inscrit nulle part dans le code pénal, il était au cœur du travail de l’enquêteur, du magistrat du siège et du magistrat du parquet. Tous les magistrats auditionnés trouvent une certaine logique à l’inscription du consentement dans le code pénal.

Bien des juristes, magistrats, avocats ou membres d’associations féministes que j’ai auditionnés estiment, en revanche, qu’inscrire la notion de consentement sans la définir serait inefficace et potentiellement dangereux. Notre objectif doit être de mieux protéger, de garantir un traitement plus stable, plus homogène et plus sécurisant et de couvrir tous les cas possibles de viol et d’agression sexuelle.

Le deuxième objectif donc, qui n’est pas des moindres, est d’améliorer le traitement judiciaire des violences sexuelles. Il faut que l’inscription du consentement dans la loi pallie les insuffisances et les imprécisions des quatre critères actuellement retenus. Cela permettra également de s’attaquer aux biais sexistes qui peuvent perdurer.

Il faut achever d’envoyer aux oubliettes le vieux stéréotype selon lequel le violeur est un inconnu dans une rue sombre, parfois armé, qui doit faire usage de la violence physique pour parvenir à violer. Ce stéréotype s’accompagne d’un autre, celui de la bonne victime – celle qui a pu dire non, résister, se débattre et au sujet de laquelle l’auteur des faits ne peut pas pointer un comportement, sur le moment ou antérieurement, dont on pourrait induire un quelconque consentement.

Il faut prendre acte de l’évolution des connaissances en matière de violences sexuelles. Ces dernières provoquent des effets tels que la sidération, la dissociation et l’amnésie traumatique. Elles sont commises par des proches. Sur les 217 000 femmes victimes de viol, tentative de viol ou agression par an, 50 % – voire neuf victimes sur dix dans certaines études –connaissaient leur agresseur – très souvent le conjoint ou l’ex-conjoint. Il est difficile de disposer de chiffres précis et vérifiés, mais toutes les personnes auditionnées s’accordent sur le caractère massif de ce contentieux et des classements sans suite, en général au motif que l’infraction est insuffisamment caractérisée. Des juristes, avocats, magistrats et membres d’associations telle que Choisir la cause des femmes, fondée par Gisèle Halimi, ou l’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail) mettent en avant des cas dans lesquels l’arrêt des investigations semble lié à l’impossibilité de prouver qu’un des quatre critères est en jeu, alors que l’absence de consentement et la conscience de celle-ci chez l’auteur des faits auraient pu faire l’objet d’investigations, voire être démontrées.

Cette proposition de loi améliorera le traitement des violences en définissant clairement le consentement et en précisant que le caractère libre et éclairé de celui-ci s’apprécie au regard des circonstances, c’est-à-dire de tout ce qui peut entraver le consentement ou son expression. Ce texte permettra de s’assurer qu’aucun cas dans lequel une personne n’est pas consentante ne peut échapper à la justice. En l’état du droit, en effet, si l’absence de consentement est prouvée mais que la violence, la contrainte, la menace ou la surprise ne l’est pas, on ne peut pas condamner une personne pour agression ou pour viol.

La proposition de loi clarifiera aussi le fait que les investigations doivent conduire à interroger le mis en cause sur ce qu’il a fait pour s’assurer du consentement de la victime. Au lieu de demander à celle-ci ce qu’elle a fait pour que l’auteur croie qu’elle était consentante, interrogeons-le sur ce qu’il a fait, lui, pour s’assurer qu’elle l’était.

Cela m’amène au troisième objectif, d’ordre plus symbolique. Sortir de l’implicite, c’est aussi en finir avec une sorte de présomption de consentement. Le moment est venu d’envoyer un signal clair à la société pour dire que le cœur de la notion d’agression sexuelle et de viol est le consentement. La loi doit permettre de comprendre que nos corps, singulièrement nos corps de femmes, ne sont pas à la libre disposition d’autrui et qu’il faut s’enquérir du consentement de son ou de sa partenaire. Il est temps de ne plus présumer le consentement en l’absence des quatre critères actuels, de ne plus invoquer des zones grises – le couple, les soirées alcoolisées, les expériences de jeunesse – dans des cas où, en réalité, il s’agit précisément de non-consentement et donc d’agression sexuelle ou de viol.

Nous honorerons ainsi nos engagements internationaux, notamment la convention d’Istanbul. Le rapport du Grevio (Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) a pointé le fait que la France n’avait pas jugé bon de changer la définition inscrite dans sa législation. Par ailleurs, notre pays pourrait être prochainement condamné par la Cour européenne des droits de l’homme à la suite de huit requêtes de victimes qui considèrent que le droit international n’a pas été respecté au cours des procédures judiciaires les concernant. Quand on se targue de faire de la diplomatie féministe, on devrait se montrer exemplaire !

S’agissant des violences sexuelles, la France paraît encore à la traîne. Prendre en compte le consentement est une façon d’envoyer un signal positif. À quelques jours du 25 novembre, journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes, affirmons que la France doit passer de la culture du viol à celle du consentement. Cela impliquera beaucoup d’autres choses, car le débat de ce matin ne doit pas occulter les autres mesures nécessaires pour réduire les agressions sexuelles et mieux les prendre en charge : renforcer les moyens donnés à la police judiciaire et à la justice pour les investigations, les formations et la prise en charge des victimes, et, du côté de la prévention, assurer l’éducation à la sexualité, en respectant la loi du 4 juillet 2001.

Défendre ce texte ne revient pas à occulter tous ces combats – vous savez que j’y participe – ni à prétendre que tout sera différent du jour au lendemain. Cette proposition de loi n’est pas une baguette magique, mais elle peut servir d’étincelle qui éclaire le chemin vers un changement de société auquel nous devons aspirer.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Sophie Blanc (RN). La proposition de loi de La France insoumise visant à intégrer la notion de consentement dans la définition légale du viol soulève des questions fondamentales sur la manière dont notre société entend lutter contre les violences sexuelles. Cependant, loin de constituer un progrès, elle risque d’être contre-productive, voire d’introduire des dérives dangereuses dans notre droit pénal.

En centrant la définition du viol sur la notion de consentement, la proposition de loi modifie radicalement la focale de l’enquête judiciaire. Pouvoir qualifier un acte d’agression sexuelle ou de viol même en l’absence de violence, de menace, de contrainte ou de surprise signifie que l’absence d’une adhésion pleine et antérieure à l’acte sexuel suffirait à établir l’infraction. En pratique, cela ferait de tout partenaire un potentiel délinquant sexuel exposé à de lourdes peines.

Une telle redéfinition, loin de simplifier les procédures judiciaires, poserait des problèmes de preuve quasi insolubles. Faudrait-il systématiquement documenter le consentement par des preuves explicites – notes audio ou vidéo, déclaration écrite préalable ? Même ainsi, l’accusé pourrait toujours être sommé de démontrer que le consentement était maintenu tout au long de l’acte, ce qui ouvrirait la voie à une insécurité juridique sans précédent. La réforme proposée déplace dangereusement l’attention du comportement criminel de l’agresseur vers la victime. Chaque geste, mot ou silence de sa part serait analysé pour déterminer si elle a réellement consenti, ce qui instaurerait un climat de suspicion. Porter plainte ouvrirait ainsi un parcours d’obstacles psychologiques et juridiques insurmontable.

La France dispose déjà d’un cadre législatif qui fait partie des plus sévères en Europe pour les violences sexuelles. Les crimes de viol sont punis de quinze ans de réclusion criminelle, peine susceptible d’être alourdie jusqu’à la perpétuité par le jeu de nombreuses circonstances aggravantes. Ce cadre est centré sur les actes de l’agresseur et non sur ceux de la victime. La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé récemment que le consentement ne pouvait être déduit d’un état de sidération ou d’une incapacité à réagir.

L’expérience des pays ayant introduit la notion de consentement explicite dans leur législation est édifiante. En Espagne, la loi Sólo sí es sí, supposée renforcer la lutte contre les violences sexuelles, a permis à des condamnés de voir leur peine réduite ou annulée en raison de lacunes juridiques. En Suède, l’augmentation des condamnations pour viol s’explique surtout par une extension de la définition légale des agressions et non par l’intégration de la notion de consentement. Le viol est un acte de prédation, pas un malentendu. La justice pénale doit rester centrée sur la responsabilité de l’agresseur.

La proposition de loi de La France insoumise paraît davantage relever de l’idéologie, comme les auditions l’ont confirmé, que de la recherche de solutions efficaces pour protéger les victimes. Le Rassemblement national, qui vise ce dernier objectif, propose de réécrire le texte. Nos deux amendements visent ainsi à clarifier la définition de l’agression sexuelle et du viol en intégrant la jurisprudence, qui admet que ces infractions sont constituées lorsque l’acte sexuel est commis sur une personne hors d’état de donner son consentement. Cette précision est essentielle pour couvrir les situations dans lesquelles la victime se trouve inconsciente, sous l’effet de l’alcool, de la drogue ou de médicaments, ou encore en état de sidération.

Nous devons rester fermes sur un principe fondamental : le seul responsable du viol, c’est le violeur. Rejetons cette proposition de loi, en l’état juridiquement et opérationnellement bancale, qui engorgerait à coup sûr les tribunaux sans assurer une meilleure protection des personnes victimes d’agression sexuelle ou de viol.

Mme Véronique Riotton (EPR). La délégation aux droits des femmes travaille depuis le mois de décembre 2023 sur la définition pénale du viol, dans le cadre d’une mission d’information que je conduis avec Marie-Charlotte Garin. Nous avons œuvré avec beaucoup d’humilité sur ce sujet délicat. J’ai en revanche relevé, madame la rapporteure, une profusion de « je » dans votre présentation et un ton totalement dépourvu d’humilité.

Nous nous sommes demandé au départ s’il fallait ou non intégrer la notion de consentement dans la définition pénale, mais sans nous arrêter à cette seule notion : notre mission d’information porte sur l’ensemble des éléments constituant la définition pénale du viol. Les statistiques sont éloquentes. Sur la période 2011-2018, selon le ministère de l’intérieur, le nombre moyen de victimes de violences sexuelles parmi les 18-75 ans est de 230 000 par an. Dans trois cas sur quatre, elles ne portent pas plainte dans un commissariat et près de 70 % des plaintes déposées font l’objet d’un classement sans suite. Pour le dire simplement, la justice ne s’occupe aujourd’hui que du sommet de l’iceberg. De plus, les cas de vulnérabilité, d’emprise et de sidération sont mal pris en compte – je ne développerai pas – et ne permettent pas d’engager des poursuites. Cette situation nourrit un sentiment d’impunité, et les victimes se sentent légitimement abandonnées.

Deuxième constat, le droit actuel échoue à assurer ses trois fonctions, répressive, protectrice et expressive, tandis que nous devons nous mettre en conformité avec nos engagements internationaux, notamment la convention d’Istanbul. Tout cela nous amène à penser que nous devons effectivement modifier le droit pénal. La rédaction à retenir fait néanmoins débat et nous nous attachons à écouter les besoins de chacun, magistrats, avocats ou associations de victimes. Il faut éviter de remettre en cause les quatre éléments retenus actuellement, d’inverser la charge de la preuve ou de fragiliser les victimes, tout en veillant à respecter la présomption d’innocence.

Des collectifs d’experts et des associations féministes travaillent sur le sujet : les consultations ne sont pas terminées. Cette proposition de loi est donc perçue par l’ensemble des acteurs comme témoignant d’un mépris pour leur travail collectif, qu’elle met en péril pour des fins individuelles et de communication. Tous ces « je » que nous avons tous entendus dans votre propos liminaire sont contraires au travail transpartisan que nous menons avec responsabilité et rigueur, comme l’impose une telle question. Le groupe EPR ne pourra pas voter ce texte en l’état.

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Consentement et non-consentement ont toujours été au cœur du débat public, politique et juridique, concernant les violences sexuelles. Lors des débats parlementaires qui ont conduit à la loi du 23 décembre 1980, la députée Florence d’Harcourt, qui avait elle-même déposé une proposition de loi en la matière, estimait que « l’essentiel dans le crime de viol réside moins dans la réalité de l’acte sexuel que dans le viol du consentement de la victime ».

En février 2020, l’association NousToutes a mené auprès de 100 000 personnes, dont 96 600 femmes, une enquête sur le consentement dans les rapports sexuels : neuf femmes sur dix ont déclaré avoir fait l’expérience d’une pression en vue d’un rapport sexuel ; pour une femme sur six, l’entrée dans la sexualité s’est faite par un rapport non consenti ni désiré ; 64 % ont déjà demandé à arrêter un rapport sexuel en cours et pour 38 % d’entre elles le rapport s’est néanmoins poursuivi ; deux femmes sur trois ont déclaré avoir fait l’expérience d’actes sexuels non consentis, avec ou sans pénétration. Les réponses ont également montré que les femmes qui commencent leur vie sexuelle par un rapport non désiré ni consenti sont bien plus souvent confrontées à des violences sexuelles par la suite.

Récurrente dans le débat public, la question du consentement est également centrale en matière juridique. L’incrimination de viol fait du défaut de consentement le pivot de l’infraction. Cette problématique est omniprésente tout au long de la procédure, de l’enquête au procès en passant par l’instruction. Pourtant la notion est elle-même absente de la définition pénale. L’article 222-23 du code pénal dispose ainsi que « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Faute de rapporter la preuve de la violence, contrainte, menace ou surprise, le viol n’est donc pas constitué. Or, comme le montrent les avis de classement sans suite et la jurisprudence de la Cour de cassation, ces quatre éléments ne couvrent pas toute la palette du non-consentement sexuel. En l’absence de définition légale, la Cour s’interdit d’harmoniser la jurisprudence des différentes juridictions, d’où une disparité dans la justice rendue, ce qui est incompatible avec nos principes républicains.

Il y a environ 80 000 crimes et délits à caractère sexuel, commis hors du cadre familial, enregistrés par an en France. Mais seule une victime sur douze porte plainte, les deux tiers des plaintes sont classés sans suite et l’on dénombre autour de 1 500 condamnations. Pour nombre d’associations et de professionnels du droit, l’impact de la définition du viol sur le traitement judiciaire n’est pas étranger à ce hiatus. Pour que le consentement devienne la norme, il faut que son absence soit consacrée comme un élément constitutif des infractions sexuelles.

Cela ne conduira à aucun renversement de la charge de la preuve : il appartiendra toujours à l’instruction et à l’accusation de présenter les charges qui font que selon elles la personne mise en cause ne s’est pas assurée du consentement, l’a obtenu dans un contexte où il ne peut être tenu pour valable ou a fait usage de violence, menace, contrainte ou surprise. On assistera, en revanche, à un déplacement du centre de gravité de l’enquête, qui s’intéressera primordialement à la personne mise en cause pour déterminer si, et comment, elle s’est assurée du consentement. Nous mettrons aussi la France en conformité avec ses engagements internationaux, notamment ceux de la convention d’Istanbul, et avec les recommandations du comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

Enfin, cette proposition de loi s’inscrit, selon nous, dans un ensemble de mesures nécessaires pour apporter une réponse globale et cohérente aux violences sexuelles. Des associations et des organisations syndicales de juristes et de défenseurs des droits humains ont élaboré plus de 130 propositions. Je n’en citerai que deux : un investissement annuel de 2,6 milliards d’euros contre ces violences et une action renforcée en matière d’éducation et de prévention, notamment pour rendre effectives les trois séances d’éducation à la vie affective et sexuelle prévues à l’école.

« Le combat des femmes, disait Gisèle Halimi, c’est changer la société, changer la mentalité, changer les rapports. » Cette proposition de loi aspire modestement à y contribuer. C’est pour cette raison que nous l’avons inscrite dans notre niche parlementaire et que nous vous appelons à la voter avec nous.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). C’est un sujet important que nous examinons ce matin. Voilà plusieurs mois qu’un débat anime notre société, et les citoyens et les proches qui nous exhortent à engager une modification de la loi ne manquent pas. Invoquer le fait qu’on n’a pas consenti, pour que soit reconnu le viol qu’on a subi, tombe sous le coup du bon sens. C’est simple et évident, au moins en apparence. Mais même si la tentation est grande de transformer en loi pénale un débat de société, les principes de notre droit, les conséquences ou au contraire l’absence de conséquences d’une telle modification doivent nous conduire à nous interroger.

S’agissant de la méthode, le choix a été fait d’inscrire ce texte dans une niche à un instant particulier du travail parlementaire. Le débat sur le consentement n’est pas nouveau dans cette assemblée : avant la dissolution, la délégation aux droits des femmes, dont je salue la présidente Mme Riotton, avait lancé une mission d’information qui a conduit de nombreuses auditions mais n’a pu finaliser ses travaux. La délégation, reconstituée il y a peu et dont je suis membre, a choisi de relancer sa mission d’information afin de proposer une analyse objective et détachée du débat public. L’accélération du calendrier qu’a déclenchée cette proposition de loi met à mal la démarche de la délégation aux droits des femmes, qui est l’espace légitime pour la préparation d’un texte d’une telle portée.

Sur le fond, malgré le calendrier imposé dans le cadre de votre niche, vous êtes parvenue à conduire de nombreuses auditions. Qu’elles soient favorables ou non à l’introduction de la notion de consentement dans la loi, les personnes entendues ont toutes relevé la complexité de la chose. Elles ont souligné la nécessité de prendre le temps de soupeser chaque mot, tant les conséquences pour les victimes et les auteurs des faits pourraient être sérieuses.

Chers collègues, soyons bien conscients qu’il ne s’agit de rien moins que de l’écriture de la loi pénale. L’affaire n’est pas mince. Bien que le droit civil donne une définition du consentement, son insertion dans notre droit pénal apparaît plus complexe : elle ne pourrait se résumer à une simple transposition.

Madame la rapporteure, vous avez déposé hier deux amendements qui proposent une nouvelle rédaction des articles 222-22 et 222-23 du code pénal. Qu’en pensent les experts, magistrats, avocats et procureurs ? Quel sera leur impact ? D’autant que nous avons quelques interrogations sur la justesse de vos formulations. Des effets de bord qui n’ont pas pu être estimés précisément ont été évoqués lors des auditions, mais le plus flou est probablement l’effet concret qu’aurait une nouvelle rédaction pour les victimes. Je rappelle que seulement 1 % des plaintes pour agression sexuelle ou viol aboutissent à la condamnation de l’auteur des faits : si une réforme du code pénal devait avoir lieu, il nous semble que son principal objectif devrait être une meilleure reconnaissance des victimes – et que sinon, cette évolution n’aurait pas de sens.

Le procès des viols de Mazan a remis au cœur du débat public la notion de consentement et il nous appartient d’apporter une réponse politique à cette question. Ce serait une erreur de considérer que la seule introduction de la notion de consentement dans la loi pénale permettrait de régler l’ensemble des problèmes qui se posent. Seule une loi-cadre ambitieuse, assortie de moyens financiers et humains, serait à même d’atteindre l’objectif qui nous rassemble toutes et tous aujourd’hui, à savoir l’amélioration de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles à l’encontre des femmes.

Le groupe Socialistes et apparentés appelle donc à la prudence. Parce qu’il nous paraît plus pertinent de nous appuyer sur des travaux de fond tels que ceux engagés par la délégation aux droits des femmes, nous nous abstiendrons sur ce texte qui en l’état ne nous semble faire l’objet d’un consensus ni au sein des organisations féministes, ni au sein des professionnels de la justice.

Mme Émilie Bonnivard (DR). En matière d’agressions sexuelles ou de viols, l’enquête porte jusqu’à présent sur l’auteur de l’infraction : c’est bien son comportement à lui qui sera jugé. Par ailleurs, la jurisprudence a précisé et très fortement élargi les éléments caractérisant l’agression. La surprise, par exemple, peut être l’effet de traitements médicamenteux, d’un endormissement ou d’une ivresse. La menace, par ailleurs, n’est pas forcément physique : il peut s’agir d’une menace morale d’un supérieur hiérarchique ou d’un chantage affectif.

Votre texte produirait un basculement qui nous inquiète : désormais, l’enquête porterait d’une certaine manière sur la victime et son non-consentement. Vous avez répondu à cela dans votre propos liminaire, mais pas dans le texte. C’est l’auteur des faits qui devrait démontrer qu’il s’est assuré du consentement et nous passerions donc à une présomption de non-consentement. Cela nous ferait entrer dans un champ d’incertitude. Il faudrait que le consentement soit exprimé explicitement, préalablement et autrement que de manière orale – ce qui ouvre la question des modalités de son expression. Votre texte nous paraît donc très risqué, plus que la jurisprudence actuelle.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Partout dans notre pays, peu importe l’âge, le lieu ou la classe sociale, les femmes sont violées. Partout dans notre pays, l’impunité et la culture du viol dominent. Mais, depuis MeToo, quelque chose a changé : la force des voix rassemblées qui ont hurlé « moi aussi » – moi aussi j’ai été harcelée, moi aussi j’ai été agressée, moi aussi j’ai été violée – a bouleversé notre société. Et pourtant rien n’a changé, ou si peu, dans notre droit.

Alors que nous enseignons à la génération qui vient que céder n’est pas consentir, que le corps des femmes leur appartient, qu’elles peuvent dire non, qu’elles ne doivent pas subir, réaffirmer dans la loi que la frontière entre le viol et un acte sexuel est le consentement bouleversera le patriarcat et reprendra l’arme dans la main des agresseurs qui, dans tous les tribunaux de notre pays, ont détourné la notion de consentement. Il est dès lors nécessaire de le définir clairement, en reprenant le meilleur de la jurisprudence pour couvrir les cas qui échappent à la définition actuelle.

Néanmoins, nous le disons avec humilité, introduire dans la définition pénale du viol la notion de consentement n’est qu’une pierre retirée du mur de l’impunité dans notre société. Il faudra, bien entendu, mener une réforme d’ampleur. Nous attendons toujours une réelle mise en œuvre de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles : les beaux discours sur la grande cause du quinquennat ne peuvent nous faire oublier l’absence de moyens dédiés à la question de la protection des femmes dans notre pays.

Il reste dans cette assemblée, et c’est heureux, une dernière citadelle du travail transpartisan : la délégation aux droits des femmes. Nous y avons lancé fin 2023, avec la présidente Véronique Riotton, une mission d’information sur la notion de consentement et la définition du viol dans le code pénal. Le travail de plusieurs mois que nous avons mené, et la centaine de personnes que nous avons auditionnées – magistrats, avocats, membres des forces de l’ordre et d’associations, victimes – nous ont convaincues de la nécessité de changer la loi, toutefois avec prudence.

Bien qu’il ait le mérite d’ouvrir un débat fondamental, le texte qui nous est présenté n’est pas suffisamment abouti pour que nous puissions l’adopter. Nous sommes persuadés qu’une telle réforme ne pourra marquer durablement notre droit que si elle se fait dans un esprit transpartisan. L’adoption prématurée d’un texte, sans dialogue préalable, risquerait d’affaiblir notre projet et de nous priver d’une avancée juridique et sociétale majeure. Le groupe Écologiste salue l’intention qui a inspiré la proposition de loi, mais ne peut la soutenir en l’état. Nous appelons à poursuivre le travail engagé par la délégation aux droits des femmes et à mener une réforme ambitieuse et concertée, qui tienne compte des réalités vécues par les victimes tout en respectant nos principes fondamentaux.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Alors que le procès de Mazan se poursuit, nous partageons tous le constat à l’origine de cette proposition de loi : alors que moins de 1 % des plaintes pour violences sexuelles aboutissent à une condamnation, il est impératif de repenser notre approche. Les chiffres sont là et malgré une augmentation du nombre de plaintes, le taux de condamnation reste désespérément bas.

Avant toute éventuelle modification des dispositions du code pénal, la première des réponses à apporter est la sensibilisation, qui constitue un levier d’action important dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, grande cause du premier quinquennat. De nombreux plans d’action ont été mis en œuvre, à l’image du plan national de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur et la recherche.

L’augmentation des crédits du ministère de la justice concourt aussi à l’amélioration de la réponse pénale apportée aux victimes. La hausse a été de 48 % depuis 2017 et cette trajectoire budgétaire devrait a priori se poursuivre jusqu’en 2027.

La généralisation des cours criminelles départementales permet également depuis 2023, même si certains parmi nous ne l’ont pas soutenue, d’améliorer le traitement des crimes les plus graves. Face à l’engorgement des cours d’assises, le recours à la pratique de la correctionnalisation a augmenté – on requalifie un crime en délit pour accélérer le jugement, devant un tribunal correctionnel. Les affaires de viol sont ainsi régulièrement requalifiées en agressions sexuelles. L’objectif de la création des cours criminelles départementales est précisément d’éviter la correctionnalisation, qui minimise la gravité du viol, en permettant de juger ce crime devant les juridictions adéquates, c’est-à-dire criminelles.

Par ailleurs, une modification aussi importante que l’ajout du consentement dans la définition pénale devrait être effectuée avec prudence, en raison du principe d’interprétation stricte de la loi pénale. En vertu de l’article 111-4 du code pénal, le juge ne peut ni modifier le sens d’une disposition ni en étendre le domaine d’application ; il doit en respecter le sens exact. Toute modification doit donc être soupesée avec sagesse. Puisqu’il n’y a pas de décrets d’application, la loi pénale doit être suffisamment précise pour éviter d’éventuels effets contre‑productifs, voire néfastes. Le cas de l’Espagne en est une parfaite illustration : la loi qui a placé la notion de consentement explicite au cœur de la définition des délits sexuels a eu des effets pervers, parmi lesquels l’abaissement des peines pour certains condamnés et la libération de plusieurs autres.

Si le groupe Les Démocrates partage le constat donc – la nécessité de revoir le cadre pénal pour améliorer la définition des agressions sexuelles –, il considère que la méthode proposée n’est pas adaptée. Dans l’intérêt de toutes les victimes, femmes ou hommes, la réforme doit s’inscrire dans une démarche réfléchie, concertée, partagée, à l’instar du travail transpartisan mené au sein de la délégation aux droits des femmes.

En outre, compte tenu des enjeux juridiques, l’avis du Conseil d’État semble plus que nécessaire. Le choix d’une proposition de loi n’est à cet égard pas satisfaisant. Un projet de loi serait un véhicule législatif plus adapté.

Le groupe Les Démocrates appelle donc à un travail approfondi, rigoureux et transpartisan sur ce sujet crucial, doublé d’une meilleure écriture législative. Il ne votera donc pas la proposition de loi en l’état.

Mme Martine Froger (LIOT). Je salue votre démarche, madame la rapporteure, ainsi que le travail mené par la délégation aux droits des femmes.

Il est grand temps que notre assemblée se saisisse de la définition pénale du viol. On peut considérer qu’une niche n’est pas le lieu idoine mais depuis son opposition à la directive européenne sur les violences faites aux femmes qui devait consacrer la notion de consentement, le gouvernement n’a fait aucune proposition.

Pourtant, qui peut croire ici que notre système pénal défend efficacement les femmes victimes d’agressions sexuelles ? Combien de temps faudra-t-il, combien de victimes laissées de côté, avant que notre parlement ne se décide à légiférer ?

Inévitablement, votre texte suscite des débats. Certains vont jusqu’à alerter contre le piège du consentement. Mais notre droit est pavé de consentements ! Celui-ci est requis constamment : pour contracter, pour utiliser nos données personnelles, pour diffuser notre image. Bref, le consentement est partout, sauf dans la définition des agressions sexuelles. C’est tout de même choquant.

Si notre droit protégeait efficacement les victimes, je n’y trouverais rien à redire, mais ce n’est pas le cas. Le constat est clair : la définition pénale du viol n’est pas favorable aux victimes, comme en témoigne le taux de 94 % de classements sans suite. Certains magistrats évoquent même une présomption de consentement tacite. Certes, cette présomption peut être renversée mais il incombe alors à la victime de prouver l’existence de l’un des quatre éléments constitutifs – violence, contrainte, menace ou surprise. Ce chemin probatoire est long, difficile et injuste.

Votre texte propose d’introduire la notion de consentement volontaire. Si cette nouvelle définition va indéniablement dans le bon sens, elle reste largement perfectible – c’était tout l’objet de vos auditions. Le travail sera long. Il a fallu des années à certains États comme le Canada et la Belgique pour essayer de trouver une définition équilibrée. À mon sens, il faut parler de consentement libre et éclairé pour ôter tout doute.

L’adoption d’une loi-cadre transpartisane permettrait à notre droit d’être vecteur de justice pour les femmes. Bien entendu, ce ne serait qu’un premier pas puisqu’il ne suffira pas à lui seul à aider les femmes à parler, à éviter les classements sans suite et à obtenir une condamnation ferme. Cette première étape doit s’accompagner d’un changement profond des pratiques pour que l’ensemble du système judiciaire soit enfin du côté des victimes.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Madame la rapporteure, je partage votre constat et vos intentions. En revanche, je suis en désaccord sur le chemin.

Aux professionnels du « backlash » et aux réactionnaires, à ceux qui théorisent l’inégalité naturelle entre les hommes et les femmes, je tiens néanmoins à dire que ce désaccord ne nous détournera pas de notre combat commun pour mettre fin aux violences envers les femmes. Il est une illustration du débat qui agite les féministes et qui est loin d’être achevé.

Le viol est la manifestation la plus crue de la domination. Il est une violence, parfois même une torture, une violation du droit à l’intégrité physique et du droit à la dignité. Sa pénalisation, qui est un combat féministe de longue date, porté par des militantes infatigables et déterminées, a constitué une avancée majeure.

Mais tous les chiffres montrent que les condamnations pour viol demeurent rares et que le taux de classement sans suite est très élevé – 94 % selon une étude de l’Institut des politiques publiques. La faible pénalisation du viol en France est une réalité. Nous partageons donc le constat que le traitement judiciaire des violences sexuelles en France est désastreux.

Nous sommes néanmoins plus réservés sur la proposition d’intégrer la notion de consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles. D’abord, le consentement est une notion floue juridiquement – elle l’est d’ailleurs également dans la bataille d’idées : pour ma part, je préfère, à l’image de Geneviève Fraisse, parler d’accord ou d’envie plutôt que de consentement.

L’inscription du consentement dans notre droit peut présenter un danger pour les droits des victimes. Dans la proposition de loi, le terme n’est jamais défini et les adjectifs qui le qualifient s’avèrent insuffisants. Le consentement est avant tout une notion de droit civil qui suppose une relation d’égalité entre les particuliers. Or, le viol est une violence fondée sur une relation de domination.

Par ailleurs, dans le code pénal, la définition des infractions est fondée sur le comportement de l’auteur et non pas sur celui de la victime. Le terme de consentement fait de la notion d’accord, de volonté de la victime un élément central de ce qui est alors défini comme un rapport sexuel non consenti et non comme une violence. Dans la caractérisation actuelle, la menace, la surprise, la violence et la contrainte sont des termes qui renvoient à l’idée de viol et de domination ; ce n’est pas le cas du consentement.

Le risque est donc grand de voir l’enquête et la procédure judiciaire se concentrer sur les comportements de la victime. C’est déjà bien trop souvent le cas, ce qui plaide d’ailleurs pour une loi-cadre visant à lutter plus efficacement contre la culture du viol plutôt que pour une modification du texte qui caractérise le viol.

Il y a également un risque de renforcer la stratégie des agresseurs qui prétendent qu’ils se sont assurés d’un consentement. Ils se sont déjà presque approprié le terme ! Pour la philosophe Manon Garcia, « si l’on définit légalement le viol par le non-consentement, on considère que c’est le comportement de la victime qui fait le viol, et non celui du violeur ».

Second argument pour justifier nos réserves, il existe une riche jurisprudence sur le sujet, mais qui doit encore pouvoir évoluer pour être plus efficace contre la culture du viol. Or ce n’est pas en la circonscrivant que l’on permettra aux juges de l’améliorer.

Nous voterons contre ce texte en l’état.

Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). L’exposé des motifs de cette proposition de loi, écrit en langage inclusif, est particulièrement désagréable à lire. Outre cette déconstruction de notre langue, la France insoumise propose une déconstruction de notre droit à la faveur d’une approche caricaturale visant à modifier les équilibres fondamentaux de notre système juridique.

L’introduction de la notion de consentement donné volontairement aura pour effet de renverser la charge de la preuve, le présumé innocent ayant alors la responsabilité de prouver l’absence de viol ou d’agression sexuelle. Cette disposition instaure une présomption de culpabilité contraire à nos principes fondamentaux, au premier rang desquels la présomption d’innocence. Par ailleurs, le concept même de consentement donné volontairement manque de précision juridique. Faudra-t-il le formaliser, et dans quelles conditions ?

L’effet risque d’être l’inverse de ce qui est recherché : la défense attaquera systématiquement le comportement de la victime, chaque geste ou parole devenant sujet à interprétation. Plutôt que de les protéger, elle pourrait fragiliser celles et ceux que nous voulons défendre.

En outre, le texte fait l’impasse sur les vraies problématiques : un peu moins de 1 % des plaintes aboutissent à une condamnation pénale et les peines prononcées sont en moyenne d’un peu moins de trente mois d’emprisonnement, pour un crime passible de quinze ans de réclusion. Ces chiffres illustrent le laxisme judiciaire que vous refusez d’affronter.

Le groupe UDR votera contre la proposition de loi. Nous soutiendrons toutefois les amendements constructifs du Rassemblement national visant à reprendre les évolutions jurisprudentielles en matière de viol et d’agression sexuelle. Nous devons renforcer notre système sans pour autant sacrifier nos principes ni nos valeurs.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente. Je prends la parole pour exprimer la position du groupe Horizons et apparentés.

Le traitement judiciaire des affaires de viol et des autres agressions sexuelles est un sujet éminemment difficile et pourtant majeur pour la société. En France, le nombre de victimes de viols ou tentatives de viol en 2023 est estimé autour de 230 000. Le nombre de victimes déclarées aux services de sécurité est bien inférieur. Le nombre de déclarations augmente toutefois chaque année de manière significative, de 13 % par an en moyenne entre 2016 et 2021. Tant la libération de la parole que la mobilisation accrue des pouvoirs publics encouragent les victimes, qui se sentent davantage soutenues par la société dans son ensemble, à s’exprimer.

Des lois structurantes ont aussi amélioré le traitement judiciaire des viols et autres agressions sexuelles, à l’instar de la loi du 3 août 2018 qui a inclus dans la définition du viol l’acte de pénétration sexuelle imposé à la victime par et sur l’auteur.

Le chemin qui reste à faire est néanmoins très long. Les associations, les magistrats, les avocats et le législateur doivent se concerter pour poursuivre le débat engagé autour d’un sujet resté trop longtemps dans l’ombre. Ce débat, dont la société dans son ensemble devra être partie prenante, portera sur les moyens de renforcer la sensibilisation à la notion de consentement et de continuer à accompagner les victimes pour que leur parole soit davantage entendue. Il abordera également le cadre juridique dans lequel la justice doit traiter des violations ultimes de l’intimité des victimes.

Dans ce contexte, il est sain que naisse un débat juridique autour de la définition pénale du viol et des autres agressions sexuelles, que le législateur des années 1990 a orientée autour d’éléments matériels. Les négociations européennes sur la directive sur les violences et le procès de Mazan ont ouvert une fenêtre d’opportunité pour cela. Mais chaque mot à inscrire dans notre code pénal doit être pesé. Les conséquences de toute modification sont majeures, qu’il s’agisse de la sécurité juridique pour les personnes mises en cause et les victimes ou d’un éventuel renversement de la charge de la preuve.

Notre groupe examinera avec attention les conclusions de la mission d’information relative à la définition pénale du viol menée par Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, qui devraient être rendues d’ici à la fin de l’année. L’éventuelle inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi annexée au rapport nous octroiera un temps approprié pour débattre de ces sujets sensibles et complexes.

Le groupe Horizons et indépendants ne votera pas la présente proposition de loi, en raison du manque de temps imparti dans le cadre d’une journée d’initiative parlementaire ainsi que de la rédaction elle-même, dont les auditions ont démontré le manque de précision et la caractère dangereux tant pour la personne mise en cause que pour la victime. Sur un sujet aussi difficile, il me semble nécessaire, et les prises de parole ce matin l’ont montré, de prendre du temps et de privilégier une démarche transpartisane. C’est le meilleur moyen d’avancer – ce que tout le monde souhaite.

Les orateurs des groupes s’étant exprimés, nous en venons aux questions des autres députés.

M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). Je partage le constat, et les objectifs : renforcer la définition du viol par l’introduction de la notion de consentement tout en conservant les quatre critères coercitifs et en respectant les grands principes de droit.

Les différentes interventions ont montré une certaine tension, compréhensible dès lors que vos travaux, madame la rapporteure, viennent percuter la démarche transpartisane de la délégation aux droits des femmes. Je formule le vœu que tous nos travaux, qui nous occuperont un certain temps, contribuent à renforcer la protection des victimes – nous le leur devons – et à construire une société davantage égalitaire – dans laquelle les comportements des hommes évoluent, dans laquelle on fait attention à l’envie et à l’absence d’envie de son partenaire, quelle que soit la nature de la relation.

Je regrette que vous n’ayez pas expliqué la position de la France sur la directive européenne, position de principe selon laquelle l’Union européenne n’a pas à s’occuper de la matière pénale.

Second regret, vous n’avez pas retracé les évolutions de l’exécutif. Au lendemain de la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le président de la République a souhaité que la notion de consentement soit introduite dans la définition du viol. Le Premier ministre d’alors, Gabriel Attal, s’y est engagé de même que son successeur, Michel Barnier et les gardes des sceaux. Le travail transpartisan de Véronique Riotton et Marie‑Charlotte Garin n’est sans doute pas étranger à ces inflexions de l’exécutif.

Mme Sarah Legrain, rapporteure. Les interventions ont d’abord montré que le constat et les objectifs sont largement partagés. On ne peut pas se satisfaire du traitement des violences sexuelles en France.

Vous avez aussi été nombreux à souligner qu’il y a bien d’autres combats à mener pour sortir de la culture du viol, notamment en matière d’éducation à la sexualité, de prévention, d’accompagnement des victimes. La délégation aux droits des femmes est un espace précieux pour cela. J’en suis vice-présidente, je participe à ses travaux, j’y ai proposé des textes à vocation transpartisane. Je le répète, il ne s’agit pas de percuter ses réflexions mais de profiter de l’occasion d’une journée de niche pour faire avancer le travail alors qu’un texte commence à se faire attendre.

Je ne conteste pas la nécessité de prendre le temps et de parfaire le travail déjà mené, mais le processus législatif nous en donne l’occasion. Il y a quelque chose d’utopique à attendre un texte totalement consensuel pour l’inscrire à l’ordre du jour puisque ce sont aussi les débats parlementaires, en plus des auditions, qui permettent de l’enrichir et de parvenir à un consensus. L’inscription dans la Constitution de la liberté à recourir à l’IVG, qui fait le bonheur de nombreux groupes, a ainsi nécessité plusieurs textes et plusieurs versions.

Nous avons aujourd’hui l’occasion d’adopter le principe selon lequel l’introduction de la notion de consentement doit s’accompagner d’une définition qui en garantisse la sécurité juridique. Le processus parlementaire a toute sa place en l’espèce et il serait dommage qu’un projet de loi y mette fin, d’autant que d’après les échos que j’en ai, le projet de la Chancellerie pourrait ne pas donner satisfaction : le consentement pourrait être inscrit dans le code pénal sans être défini et en altérant les quatre critères actuels.

Madame Blanc, je suis surprise car votre intervention me semble contradictoire avec l’amendement que vous avez déposé. Celui-ci introduit aussi la notion de consentement dans la définition pénale du viol, même si la manière est différente, alors que vous avez dit que cela constituerait un renversement total du droit. Par ailleurs, et c’est un point de désaccord majeur entre nous, vous semblez vous satisfaire du traitement actuel. Vous affirmez que le viol est sévèrement puni. Or, si la sévérité des peines n’appelle pas de commentaire, le nombre de classements sans suite et de condamnations pose en revanche problème – vous êtes la seule à ne pas l’avoir relevé. Le chiffre de 1 % de viols condamnés, que nombre d’entre vous ont cité avec moins de précaution que moi, est édifiant.

Vous mettez en avant le danger pour la victime de voir son consentement scruté. Mais actuellement, l’absence de définition du consentement mais aussi de directives pour que soient examinées en premier lieu les stratégies de l’agresseur plutôt que le comportement de la victime sont des obstacles au dépôt de plainte et plus généralement au traitement des dossiers.

Vous avez mentionné les exemples espagnols et suédois. Je pourrais évoquer ceux de la Belgique et du Canada. Il faut se méfier des comparaisons. En Espagne, les conséquences malheureuses que vous êtes nombreux à avoir évoquées ne sont pas liées au consentement mais aux peines. En Suède, la création d’une autre infraction faisant intervenir le caractère involontaire est à l’origine des difficultés rencontrées. Il me semble en tout cas insultant à l’égard des très nombreux pays ayant choisi d’inscrire le consentement dans leur droit de penser qu’ils font fi de la présomption d’innocence.

Je regrette que vous n’ayez pas assisté aux auditions. Vous auriez pu entendre certains magistrats dire que le texte correspondait à leur pratique et apportait une clarification bienvenue.

Madame Riotton, l’emploi du « je » peut marquer un manque d’humilité mais c’est également le cas du « nous » parfois. Il ne me semblerait pas correct de prétendre parler au nom de toutes les personnes que j’ai auditionnées. Puisque j’ai voulu que les auditions soient ouvertes à la délégation aux droits des femmes, vous avez pu constater que les retours des magistrats et des juristes étaient tantôt positifs et tantôt négatifs, ce qui m’a conduite d’ailleurs à modifier la rédaction. Je n’utilise pas le « nous » car je ne souhaite pas parler à la place des uns et des autres, mais je redis qu’il n’y a pas de contradiction entre cette proposition de loi et le travail transpartisan de la délégation. La volonté est d’avancer pour acter le principe du consentement. L’esprit transpartisan ne peut pas être réservé aux groupes de travail, il s’exprime aussi dans le travail législatif. Je note que nous nous rejoignons sur les difficultés auxquelles nous sommes confrontées.

Madame Thiébault-Martinez, vous avez mis en garde contre le risque de transposer un débat de société en droit pénal. Or, en matière de violences faites aux femmes, c’est bien la société et le mouvement féministe, parfois avec de grands procès publics, qui ont été les catalyseurs des évolutions législatives.

Il ne s’agit pas de légiférer dans l’urgence. D’ailleurs, tout le monde a reconnu que le consentement fait l’objet d’une réflexion de longue date au sein de l’Assemblée. J’ai recueilli les avis de juristes favorables ou non à l’inscription du consentement, et j’ai tenu compte de leurs remarques.

Nous partageons l’objectif d’une meilleure reconnaissance des victimes – et je réponds là à Mme Faucillon également : le fait d’introduire le consentement, quelles que soient les réserves que le mot peut inspirer, est aussi une manière de remettre la victime au centre de la procédure. Denis Salas estime qu’au-delà de la place limitée que leur accorde le droit pénal, les victimes demandent à être considérées et à être reconnues comme sujets, dans la logique de l’émancipation féministe.

Madame Bonnivard, vous me faites dire des choses que je ne dis pas : à aucun moment, il n’est écrit qu’il appartient à l’auteur de démontrer qu’il s’est assuré du consentement ; il n’y a pas d’inversion de la charge de la preuve, il appartient toujours au ministère public de l’apporter et d’enquêter sur les comportements et l’intentionnalité. Votre inquiétude n’est pas justifiée. Dans les autres cas où le consentement est requis, par exemple en matière d’atteinte à la vie privée, l’auteur n’a pas à apporter de preuve.

Vous relayez des arguments qui ont été largement battus en brèche s’agissant du contrat. Si le consentement peut être retiré à tout moment, c’est bien que tout contrat en amont n’aurait aucune valeur. Le sujet, c’est celui de la communication entre les partenaires. On ne peut pas déduire le consentement de l’absence de résistance ou de l’inertie d’un partenaire. Cela me semble plus intuitif, plus facile à comprendre que l’idée d’un contrat.

Pour répondre à Marie-Charlotte Garin, avec qui je partage nombre de combats, je reprends à mon compte l’image de la citadelle que représente la délégation aux droits des femmes. On sait que les combats féministes se gagnent aussi par la mobilisation de la société, laquelle peut exprimer un sentiment d’urgence à l’égard d’un sujet. Il y a urgence à y répondre, sans pour autant se priver du temps nécessaire pour traiter ledit sujet.

Mesdames les rapporteures de la mission d’information, je vous ai auditionnées et je vous ai soumis mes amendements pour recueillir votre avis. Je conçois que vous vouliez travailler dans un autre cadre, mais vous ne pouvez pas me reprocher une rédaction non aboutie sans m’avoir fait part de vos remarques sur celle qui est proposée.

Madame Lingemann, vous parlez de respecter le travail parlementaire et vous avez raison. Étant un groupe d’opposition, nous n’avons pas des milliers de possibilités pour faire inscrire un texte à l’ordre du jour – nous sommes tous au fait des âpres négociations en cours pour obtenir une fenêtre pendant l’une des fameuses semaines transpartisanes de l’Assemblée : il n’est pas si simple d’y faire inscrire un texte. Parfois, il faut qu’un sujet soit amené par le Parlement. Le ministre nous ouvre la voie en se déclarant favorable, mais il n’y a aucun projet de loi sur la table : il faut donc avancer.

Quant à l’absence d’avis du Conseil d’État, à ce compte, aucun groupe d’opposition ne pourrait jamais faire quelque proposition que ce soit, puisque nous n’avons pas la possibilité de le saisir. D’ailleurs, la discussion à venir sur la proposition de loi de Gabriel Attal remettant en cause l’excuse de minorité – ce qui est tout de même un bouleversement de la justice pénale des mineurs –  n’a pas fait l’objet d’un tel avis. L’argument ne serait-il pas à géométrie variable ? Naturellement, l’avis du Conseil d’État sur un texte ultérieur pourrait être utile, mais il ne saurait être obligatoire.

Madame Froger, nous avons bien des vues en commun. J’ai aimé votre formule selon laquelle notre droit est pavé de consentements. On nous dit beaucoup que le fait que le consentement soit partout sans être défini peut être dangereux. Vous avez déposé un sous‑amendement qui va dans le sens de la loi belge en précisant tous les cas dans lesquels le consentement ne peut être présumé. C’est très intéressant, même s’il faut trouver des formulations globales pour couvrir un maximum de cas sans tomber dans une énumération exhaustive. Je me réjouis en tout cas de ce premier élément transpartisan dans le cadre de notre niche.

Madame Faucillon, je vous ai déjà en partie répondu. La notion de consentement est floue socialement, mais elle l’est moins juridiquement. La question de l’envie, du désir, est fondamentale dans les débats féministes actuels mais il serait très dangereux de vouloir mettre le désir dans le code pénal – personne, je crois, ne le souhaite.

Ce dont nous avons besoin – et c’est une revendication de notre camp, notamment du Collectif féministe contre le viol, dont vous vous inspirez –, c’est une ligne de démarcation claire : la violence et la sexualité, ce n’est pas la même chose. Le viol n’est pas le sexe. C’est la distinction que nous devons enseigner à notre jeunesse : quand il n’y a pas consentement, on est dans la violence, la domination, la prise de possession d’autrui, l’entrave à sa liberté ; on n’est plus dans la sexualité.

Nous l’avons vu lors des auditions, le contentieux devient massif dans le cadre marital – où le consentement était autrefois présumé du fait du contrat de mariage – et dans celui des relations entre jeunes. J’essaie d’éviter de citer des cas, car je sais que c’est douloureux à entendre, mais il arrive que des jeunes gens disent qu’ils ont voulu s’assurer du consentement par une pénétration digitale ! Il est donc nécessaire de dire qu’il faut s’assurer du consentement avant tout acte sexuel. Il s’agit en fait de tracer la limite en matière pénale : là, il s’agit de liberté sexuelle ; là, de crime.

Cela va aussi dans le sens de l’émancipation. Je rappelle qu’au tout début, le viol était une atteinte à l’honneur de celui qui possède la femme : son mari, son père. Au tout début, ce crime était considéré comme une façon de s’en prendre aux hommes par l’intermédiaire des femmes, qui sont leurs objets. Inscrire positivement et nettement le consentement dans la loi, c’est considérer la femme comme sujet, et comme sujet de la volonté.

J’en viens aux stratégies de l’agresseur, et j’espère être claire. L’une d’entre elles consiste en effet à obtenir – à arracher – le consentement de la victime, d’où l’importance de dire qu’il n’y a pas consentement quand il y a eu violence, contrainte, menace, surprise ou tout autre acte qui contrevient au consentement. Une autre stratégie consiste à ne pas s’assurer du consentement, à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’espace pour celui-ci. Il faut se réapproprier cette notion ; la loi ne doit pas laisser les agresseurs définir le consentement – « elle n’a pas résisté, donc elle était consentante ». Mais n’oublions pas que, dans certains cas, le fait d’y aller sans demander est aussi une stratégie. Et, dans ces situations, il ne faut pas que l’on puisse opposer à la victime tout ce qu’elle a fait qui a pu laisser croire qu’elle était consentante. J’ai un certain nombre d’exemples de jugements selon lesquels madame n’était peut-être pas consentante, mais monsieur n’a pas pu le savoir parce qu’il a interprété des signes. Il faut donc que monsieur soit tenu de s’assurer du consentement, de se donner les moyens de savoir. C’est ce que fait le droit canadien en parlant de « prendre des mesures raisonnables » pour le vérifier. C’est dans cette perspective que je me situe.

L’oratrice du groupe UDR a parlé de déconstruction de la langue et du droit. Il se trouve que je connais bien l’écriture inclusive : sachez que Racine employait une langue inclusive et qu’il y a eu un mouvement, à l’ère classique, pour masculiniser la langue. De même qu’il y a toujours eu une place pour le féminin dans la langue, de même le consentement est déjà là, partout, et il s’agit de le clarifier : je ne déconstruis pas plus le droit que la langue.

Madame la présidente, je crois avoir répondu à l’essentiel des propos que vous avez tenus au nom du groupe Horizons. En ce qui concerne le fait de prendre le temps, je répète que la navette parlementaire le permettra. Quant à l’idée que la rédaction du texte serait imprécise et dangereuse, je propose par voie d’amendement une reformulation issue des alertes que l’on m’a adressées et que j’ai soumise à la direction des affaires criminelles et des grâces, laquelle m’a dit qu’elle n’y voyait pas d’inconvénient ni de risque d’insécurité quant aux quatre critères actuels du viol.

Monsieur Gouffier Valente, je suis d’accord avec l’idée que nous allons dans le sens de l’histoire. Vous avez évoqué les évolutions de l’exécutif, mais, encore une fois, combien de temps le gouvernement va-t-il durer, et pour combien de temps encore sommes-nous sous l’actuelle présidence ? Il faut avancer maintenant.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente. Dans l’examen des articles, je vous informe que des demandes de vote par scrutin ont été déposées pour l’amendement CL12, l’article 1er et l’ensemble de la proposition de loi.

Article 1er (art. 222-22 du code pénal) : Insertion de la notion de consentement dans la définition pénale de l’agression sexuelle

Amendement CL12 de Mme Sarah Legrain et sous-amendement CL19 de Mme Martine Froger ; amendement CL3 de Mme Sophie Blanc (discussion commune)

Mme Sarah Legrain, rapporteure. Il s’agit de ma fameuse proposition de rédaction globale. Elle résulte des nombreuses auditions que j’ai menées, qui m’ont permis d’identifier plusieurs problèmes de rédaction. Vous le voyez, j’ai joué la carte de l’honnêteté et de l’humilité : ma réflexion évolue et je vous soumets ma proposition de modification.

Aux termes de cet amendement, l’article 1er procéderait selon trois alinéas pour modifier l’article 222-22 du code pénal, car c’est la façon la plus claire de faire selon beaucoup de magistrats et de juristes.

Le premier alinéa ressemble beaucoup à la rédaction actuelle. Il définit l’agression sexuelle et le viol en fonction du défaut de consentement de la personne victime. J’ai choisi de modifier la formule « sans consentement donné volontairement » car ce dernier terme, issu de la convention d’Istanbul, risquait dans notre droit de laisser penser qu’il existerait des consentements involontaires, ce qui aurait eu des implications que je veux éviter. Je propose donc « sans le consentement de la victime ».

Le deuxième alinéa apporte des éléments de précision sur ce qu’est et ce que n’est pas le consentement.

Il doit être libre, ce qui veut dire qu’il est donné sans contrainte, violence, menace ou tout autre moyen de forcer quelqu’un à accepter quelque chose. Au fond, c’est une explicitation du principe auquel se réfèrent les quatre critères actuels.

Il doit être éclairé, c’est-à-dire donné en toute connaissance de cause, sans dissimulation – ce qui peut renvoyer au critère de surprise. D’autres droits mentionnent la ruse – c’est le cas du droit belge – ou le stratagème.

Il est spécifique. Cette expression est peut-être moins connue. Elle signifie que donner son accord à un acte sexuel un jour ne vaut pas pour tous les autres actes, tous les autres jours, et que le consentement doit être présent tout au long de l’acte sexuel. C’est le contraire du contrat. S’il n’y a plus consentement, il faut s’arrêter.

Pour apprécier si le consentement est bien libre, éclairé et spécifique, le juge doit évaluer dans quelles circonstances il a été donné. Beaucoup de personnes auditionnées m’ont dit que c’était ce qui est fait lors des enquêtes. Les circonstances environnantes sont mises en avant par les associations et par la convention d’Istanbul. Le travail du juge permet ainsi de montrer, le cas échéant, qu’il y a eu une exploitation de relations inégalitaires ou de rapports de domination. Il est important de le vérifier et de sécuriser cette démarche en l’explicitant dans la loi.

Le deuxième alinéa comporte enfin deux précisions tout aussi essentielles : le consentement peut être retiré à tout moment – ce qui va avec sa spécificité – et ne peut être déduit de l’absence de résistance de la victime – ce qui permet d’inclure dans le texte l’idée que céder n’est pas consentir, et de sanctuariser la jurisprudence.

À propos du rôle de la jurisprudence, il est plus sécurisant de faire « monter » cette dernière dans le code. Ainsi, on ne sait pas encore si l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 septembre dernier, souvent mentionné à propos de l’état de sidération, sera un arrêt d’espèce ou de principe. Il s’agissait d’un oncle qui avait réveillé sa nièce par des attouchements et des actes sexuels ; la victime était donc d’abord endormie, puis en état de sidération. L’oncle l’a décrite dans des messages comme une « poupée de chiffon ». L’arrêt concernant ce cas précis pourrait donc ne pas couvrir tous les cas de sidération, d’où l’importance d’y veiller dans la loi.

Le troisième alinéa reprend les éléments actuels de la caractérisation matérielle du viol et de l’agression sexuelle : violence, contrainte, menace ou surprise. Précieux pour démontrer le non-consentement, ils sont connus et utilisés par les juges et devaient absolument être mieux sécurisés dans le texte.

Mme Martine Froger (LIOT). Mon sous-amendement complète cette réécriture. Il intègre des précisions sur les cas dans lesquels il ne peut y avoir de consentement en raison de l’abus par l’auteur de certains facteurs de vulnérabilité de la victime. Ces précisions inscrivent clairement dans notre droit pénal les évolutions jurisprudentielles, dont la plus récente, celle du 11 septembre dernier, marque la reconnaissance par la Cour de cassation de l’état de sidération.

Mme Sophie Blanc (RN). Notre amendement de réécriture de l’article repose sur trois principes fondamentaux : la clarté, la justice et la responsabilité.

Notre droit pénal est robuste, mais il doit évoluer pour mieux protéger les victimes. Il s’agit surtout de consacrer une solution déjà admise par la jurisprudence. Nous proposons d’inscrire clairement dans le code pénal que tout acte sexuel commis sur une personne incapable de donner son consentement constitue un viol ou une agression sexuelle.

La réécriture proposée par le groupe LFI ne modifie en rien le fond de la proposition de loi, qui reste centrée sur une incrimination fondée sur la notion de consentement. Bien qu’un peu moins confuse que la version initiale, elle continue ainsi de fragiliser la position des victimes.

Il n’y a aucune contradiction de ma part, madame la rapporteure. L’enquête doit rester centrée sur le comportement de l’agresseur, contrairement à ce que vous proposez. Votre approche introduit un déséquilibre juridique qui pourrait affaiblir la protection des victimes. Notre amendement, lui, est clair, précis et véritablement protecteur. Il clarifie le droit existant en y intégrant des éléments reconnus par la jurisprudence. Il offre une réponse cohérente et adaptée sans compromettre les fondements de notre droit.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Madame la rapporteure, la Présidente Yaël Braun-Pivet est favorable à la possibilité de saisir le Conseil d’État d’une proposition de loi transpartisane issue de la délégation aux droits des femmes.

Vous affirmez vouloir sanctuariser la jurisprudence dans le droit, mais encore faut‑il que cette jurisprudence soit constante. Or, les circonstances de l’agression peuvent varier.

En ce qui concerne votre amendement, je m’interroge sur le terme « spécifique ». Le droit de la santé ne mentionne pas le caractère spécifique du consentement, qui doit seulement être libre et éclairé – on l’a vu à propos du texte sur la fin de vie. Il n’y a qu’en droit de la protection des données que la notion de consentement spécifique existe. Elle désigne alors le consentement à un certain traitement des données : c’est très particulier. L’ajout de cette notion soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Selon vous, quelles seraient les implications d’une telle définition pour les magistrats et les enquêteurs ?

Mme Colette Capdevielle (SOC). Si nous sommes tous d’accord avec vous, madame la rapporteure, en ce qui concerne l’absolue nécessité de protéger les victimes d’infractions sexuelles et de leur rendre justice, la rédaction de l’amendement confirme le côté bancal de la proposition de loi. On ne bricole jamais le code pénal ; il ne faut y toucher que d’une main tremblante, selon la formule reprise par bien des auteurs.

La rédaction de l’amendement pose encore plus de difficultés que le texte initial. Je vous assure que les textes actuels couvrent la sidération, la dissociation, la contrainte implicite, les rapports de pouvoir ou la dépendance économique. Hier, en Dordogne, un sexologue a été condamné pour viol par surprise à douze ans de réclusion criminelle, après une première condamnation par contumace à six ans ; les patientes étaient endormies par hypnose et le consentement était au cœur des débats. Les auteurs invoquent toujours l’absence de contrainte, mais là, la cour d’assises a bien condamné.

Vous pourrez réécrire le texte tant que vous voudrez, mais plus vous ajouterez de termes, plus vous créerez des difficultés et de la jurisprudence.

Les vrais problèmes sont le délai entre la date des faits et celle de la dénonciation et de la plainte, le manque de formation professionnelle de celles et ceux qui reçoivent les plaintes, et la conduite des enquêtes – dans ce domaine, elles sont toujours bon marché, sans recueil de téléphonie ni examens médicaux d’expertise, avec peu de témoins entendus.

Cela a été dit, il y a beaucoup à faire. On parle plus de Gisèle Pelicot que des accusés. La solution n’est pas de changer le code pénal, mais de lutter contre la culture du viol. Cela nécessitera un vrai travail transpartisan.

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). La réécriture proposée est le produit des auditions, mais aussi de l’ensemble des travaux menés sur le sujet, y compris à l’étranger, de la Suède à l’Espagne en passant par la Belgique, dont le droit présente des similitudes avec le nôtre et est précurseur en la matière. On nous reproche de la précipitation, mais nous nous appuyons sur des années de travaux.

Notre démarche n’est pas non plus inédite dans notre propre histoire pénale s’agissant de ces questions. Ainsi, la loi de 1980 n’a pas été adoptée du jour au lendemain : il y avait eu, en 1978 et 1979, plusieurs propositions de loi sur le sujet que les rapporteurs du texte de 1980 ont intégrées à leurs travaux, comme le montre le dossier législatif de la loi sur le site du Sénat. Ce sont différentes initiatives parlementaires qui ont permis d’aboutir.

Enfin, la navette parlementaire sera l’occasion d’affiner le texte et de le rendre encore plus transpartisan.

L’amendement permet de répondre à presque toutes les critiques ou inquiétudes qui se sont exprimées pendant le débat.

Mme Caroline Yadan (EPR). Nous voulons tous que les victimes de viol soient reconnues dans leur statut de victimes. Mais nous faisons du droit, et l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Si nous sommes plusieurs à le dire, c’est peut-être que c’est vrai : la rédaction qui nous est ici proposée pose difficulté, surtout le terme « spécifique ». Pour l’avocate que je suis, ce mot laisse entendre que la licéité d’un acte reposerait uniquement sur un consentement réitéré de la personne visée, ce qui constitue en soi une innovation dans notre droit pénal.

Outre le risque de contractualisation des rapports sexuels, cette rédaction risque de faire peser sur la victime la charge de la preuve du consentement : à elle de prouver que son consentement a été spécifique et qu’il l’a été de manière réitérée.

En outre, le texte ainsi rédigé reviendrait à abolir la présomption d’innocence, l’un des principes fondamentaux sur lesquels repose l’État de droit. En effet, par définition, toute relation sexuelle serait présumée être un viol, sauf preuve de consentement.

Je ne doute pas de votre volonté de bien faire mais, pour ces raisons, je m’interroge vraiment sur cette rédaction.

M. Stéphane Mazars (EPR). Bien évidemment, je partage moi aussi l’objectif visé et j’attends avec beaucoup d’impatience la fin des très sérieux travaux de la délégation aux droits des femmes.

Dans votre définition, madame la rapporteure, je ne vois que des sujets potentiels de discussion et de contestation. Comment gérez-vous la rétractation et le débat à son propos ? À quel moment peut-elle intervenir – pendant, après, quelques jours après – et sous quelle forme ? Et le repentir vis-à-vis de la rétractation ? Qu’en est-il de la capacité à agir ? La personne avait-elle vraiment la capacité de donner son consentement ? Comment celui-ci a-t-il été recueilli ? Et les vices du consentement, qui ouvrent un champ jurisprudentiel riche en difficultés ?

Ensuite, cette rédaction nous ferait basculer vers une contractualisation des rapports sexuels et vers un système accusatoire et non plus inquisitoire : ce ne sera pas au ministère public – plutôt qu’à la victime, comme on l’a entendu – d’apporter la preuve que le viol a été commis, mais ce sera à celui qui est pointé du doigt de démontrer qu’il n’a pas commis de viol, parce qu’il sera en mesure de prouver que le consentement a bien été recueilli. Et là, on basculera d’une justice de genre, qui n’est sûrement pas satisfaisante, à une justice de classe, car il sera particulièrement difficile à des gens démunis de prouver, contre le ministère public, que, bien qu’on les pointe du doigt, cela ne s’est pas passé comme ça.

Faute de visibilité quant aux conséquences que pourrait avoir votre proposition, restons prudents et attendons, je le répète, la conclusion des travaux de la délégation.

Mme Sarah Legrain, rapporteure. Puisque le mot « spécifique », que l’on trouve beaucoup dans les textes internationaux, est sujet à débat, je n’ai pas objection à ce que vous sous-amendiez mon amendement pour l’en supprimer si vous le souhaitez.

En ce qui concerne la rétractation, on pourrait aussi préciser par sous-amendement que le consentement peut être retiré à tout moment au cours de l’acte. La rétractation n’est jamais a posteriori ; il n’y en a aucun exemple dans le droit.

J’entends deux objections contradictoires, et parfois de la part des mêmes personnes : ma proposition serait extrêmement dangereuse parce que ce serait à la victime d’apporter la preuve de son non consentement, et parce que ce serait à la personne mise en cause d’apporter la preuve du consentement de la victime ! En réalité, comme pour tout notre droit, il faut se situer au bon endroit : c’est au ministère public d’apporter la preuve, et l’instruction devra se tourner vers les actes de la personne mise en cause, comme c’est déjà prévu dans le code pénal.

Sur le sous-amendement, il me semblait que la formulation « circonstances environnantes » était assez large, mais la proposition de Mme Froger va dans le bon sens en intégrant au texte des éléments qui relèvent de la jurisprudence de la Cour de cassation. Même constante, celle-ci, je le répète, demeure moins sécurisante que le code – notamment dans les cas de sidération, différents du cas d’une personne endormie, pour lequel le viol par surprise peut être retenu. Avis favorable.

Quant à l’amendement CL3, j’y suis défavorable. Votre rédaction est très restrictive. Il me semblait pourtant qu’un consensus se dégageait pour introduire la notion de consentement dans la loi.

La commission rejette le sous-amendement CL19.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. J’ai reçu une demande de scrutin de députés représentant au moins 10 % de la commission sur l’amendement CL12 en application de l’article 44, alinéa 2 du Règlement. Je constate que les députés demandeurs sont effectivement présents, je vais donc procéder à l’appel nominal des membres de la commission pour recueillir votre vote.

Votent pour :

M. Manuel Bompard, M. Jean-François Coulomme, M. Sébastien Delogu, M. Emmanuel Fernandes, Mme Martine Froger, M. Antoine Léaument, Mme Sarah Legrain, Mme Danièle Obono, M. François Piquemal et M. Thomas Portes.

Votent contre :

Mme Brigitte Barèges, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, M. Paul Christophle, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Monique Griseti, M. David Guerin, Mme Delphine Lingemann, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Stéphane Mazars, Mme Laure Miller, M. Jean Moulliere, M. Julien Rancoule, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Béatrice Roullaud, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Antoine Villedieu et Mme Caroline Yadan.

S’abstiennent :

Mme Danielle Brulebois, M. Vincent Caure, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Guillaume Gouffier Valente et Mme Sandra Regol.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 38

Nombre de suffrages exprimés : 31

Majorité absolue : 16

Pour l’adoption de l’amendement : 10

Contre l’adoption de l’amendement : 21

Abstention : 7

La commission rejette donc l’amendement.

Elle rejette l’amendement CL3.

La commission adopte successivement l’amendement CL14 tendant à corriger une erreur matérielle et les amendements rédactionnels CL15 et CL16 de Mme Sarah Legrain, rapporteure.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. J’ai également reçu une demande de scrutin sur l’article 1er en application de l’article 44, alinéa 2 du Règlement. Je vais donc procéder à l’appel nominal des membres de la commission pour recueillir votre vote.

Votent pour :

M. Manuel Bompard, M. Jean-François Coulomme, M. Sébastien Delogu, M. Emmanuel Fernandes, Mme Martine Froger, M. Antoine Léaument, Mme Sarah Legrain, Mme Danièle Obono, M. François Piquemal et M. Thomas Portes.

Votent contre :

Mme Brigitte Barèges, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, M. Paul Christophle, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Monique Griseti, M. David Guerin, Mme Delphine Lingemann, M. Olivier Marleix, Mme Laure Miller, M. Julien Rancoule, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Béatrice Roullaud, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Antoine Villedieu et Mme Caroline Yadan.

S’abstiennent :

Mme Danielle Brulebois, M. Vincent Caure, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Guillaume Gouffier Valente et Mme Sandra Regol.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 35

Nombre de suffrages exprimés : 28

Majorité absolue : 15

Pour l’adoption : 10

Contre l’adoption : 18

Abstention : 7

La commission rejette donc l’article 1er.

Article 2 (art. 222-23 du code pénal) : Insertion de la notion de consentement dans la définition pénale du viol

Amendement CL13 de Mme Sarah Legrain et sous-amendement CL18 de Mme Martine Froger ; amendement CL4 de Mme Sophie Blanc (discussion commune)

Mme Sarah Legrain, rapporteure. La philosophie est la même que pour l’article 1er.

Mme Sophie Blanc (RN). Cet article illustre un acharnement purement idéologique. La rédaction du groupe LFI-NFP est si confuse qu’elle en devient incompréhensible. Le droit ne peut pas se permettre une telle approximation.

Mme Sarah Legrain, rapporteure. Avis favorable au sous-amendement, défavorable à l’amendement de Mme Blanc.

Mme Caroline Yadan (EPR). L’amendement de la rapporteure ne fait que reprendre les vices du consentement déjà clairement prévus dans le droit.

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Le débat parlementaire est lancé ; si nous voulons qu’il avance, ne nous encombrons pas de mauvais arguments. Il n’est pas vrai que le droit actuel couvre toutes les situations, la Cour de cassation le montre bien en cassant certaines décisions – quand on arrive jusqu’à elle, ce qui n’est pas facile. L’existence même d’une vaste jurisprudence montre que la définition légale ne répond pas à toutes les questions. Quand des dossiers sont classés sans suite parce que des faits ne sont pas suffisamment caractérisés, c’est bien la définition de l’infraction qui pose problème. C’est quelque chose que pointent des magistrats, des juristes, des professeurs de droit, des associations de victimes – par exemple l’AVFT.

Bien sûr, ce n’est qu’un élément d’un ensemble plus vaste, et c’est pourquoi nous sommes favorables à une loi globale. Mais cette dimension du consentement doit évoluer, et j’espère que nous empruntons aujourd’hui un chemin en ce sens.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Je soutiens l’amendement CL4, qui, en citant « l’incapacité de donner son consentement », couvre des situations qui ne le sont pas aujourd’hui, comme précisément les états de sidération.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). La rédaction proposée par la rapporteure, surtout modifiée par le sous-amendement, est au contraire bien plus large que celle de cet amendement CL4. Elle permet de couvrir tous les aspects de la question centrale de cette proposition de loi, à savoir celle des situations où l’on est incapable de donner son consentement.

M. Paul Christophle (SOC). Vous nous mettez vraiment dans une situation embêtante, madame la rapporteure. Vous avez déposé des amendements à votre propre texte hier soir, en reconnaissant vous-même qu’ils proposent des modifications substantielles. Ce matin, vous vous dites prête à supprimer l’adjectif « spécifique » qui figure dans cette nouvelle rédaction, si nous pensons que c’est mieux. Je ne suis ni magistrat, ni avocat, et je suis très mal à l’aise à l’idée de modifier un texte aussi important dans une telle situation d’incertitude. Je voudrais vous entendre affirmer que vous savez ce que vous faites !

Mme Sarah Legrain, rapporteure. Les amendements ont été formellement déposés hier soir mais je les ai transmis plus tôt aux rapporteures de la mission transpartisane afin de recueillir leur avis. Les groupes n’ont donc pas été pris par surprise.

Ce que vous décrivez, c’est le processus parlementaire : en cours de route, on vérifie les points d’accord, de désaccord, ou de doute ! Il me semble indispensable d’inscrire la notion de consentement dans la caractérisation pénale du viol et de la définir. En revanche, plusieurs intervenants ont douté de l’intérêt de l’adjectif « spécifique ». Faut-il alors le conserver ? Nous n’en sommes qu’au stade de la commission ; nous avons encore le temps de débattre et de nous convaincre les uns les autres, ne serait-ce que d’ici au passage en séance publique, la semaine prochaine. Je suis tout à fait ouverte à la discussion. Ne faisons pas semblant de croire qu’un texte adopté à l’Assemblée nationale s’applique immédiatement, en oubliant la navette parlementaire. Certes, un texte transpartisan est en préparation, et il sera peut-être meilleur que le mien : je le soutiendrai alors sans hésiter. Mais en attendant, nous pouvons acter des points d’accord. Si j’accepte de retirer « spécifique », même si je pense qu’il se justifie ici, ce n’est pas par légèreté mais parce que je comprends que ce terme n’est pas assez clair pour certains et que je préfère chercher le consensus. J’essaye d’être constructive : vous ne pouvez pas me reprocher à la fois de ne pas participer à un travail transpartisan et d’accepter des remarques qui me sont faites.

La commission rejette successivement le sous-amendement et les amendements.

Amendement CL17 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Tous les termes peuvent être sujets à discussion : « libre », « éclairé », « spécifique »…

La jurisprudence donne des éléments d’appréciation. L’intégration dans le code pénal de notions déjà utilisées par les enquêteurs et les magistrats va dans le bon sens.

La loi belge, par exemple, dresse une liste de caractéristiques, plus longue que la nôtre, et intègre par exemple la notion de consentement parmi les éléments qui servent à caractériser un viol. L’évaluation de la loi semble montrer que c’est plutôt positif.

J’entends que certains s’opposent à l’introduction dans le code pénal de la notion de consentement. Ayons sur ce point un débat de fond, juridique et philosophique, mais évitons les arguties.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Comparaison n’est pas raison, notamment entre des droits inquisitoires et accusatoires, par exemple.

Dans la plupart des pays qui ont introduit la notion de consentement, le nombre de plaintes qui entraînent des condamnations n’a pas augmenté ; la parole des victimes n’a finalement pas été mieux prise en compte. Inversement, la plupart des affaires qui arrivent aux assises donnent lieu à une condamnation.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’exemple de la Suède peut donner l’illusion que l’inscription dans la loi de la nécessité du consentement pourrait tout changer. Mais lorsque ce pays a introduit cette notion, il a aussi élargi les cas qui permettent la reconnaissance du crime de viol. Si vous comparez ce qui se passait avant et après la loi, vous comparez des choux et des carottes : on ne peut pas dire, en l’occurrence, que l’introduction du consentement dans la loi ait permis une meilleure reconnaissance du crime de viol.

Mme Sarah Legrain, rapporteure. Je rappelle qu’il s’agit ici d’un amendement rédactionnel… Mais je suis ravie que le débat ait lieu.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL11 de Mme Sarah Legrain, rapporteure.

Elle rejette l’article 2.

Après l’article 2

Les amendements CL6 de M. Vincent Caure, CL8 de Mme Laure Miller et CL10 de M. Guillaume Gouffier Valente sont retirés.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

 


   Personnes entendues

   Mme Véronique Riotton, députée, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et co‑rapporteure de la mission d’information relative à la définition pénale du viol

   Mme Marie-Charlotte Garin, députée, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et co-rapporteure de la mission d’information relative à la définition pénale du viol

   M. Julien Morino-Ros, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales

   Mme Naïma Mohraz, rédactrice au bureau de la législation pénale générale

   M. Philippe Chadrys, directeur national adjoint

   Mme Séraphia Scherrer, sous-directrice adjointe de la stratégie et du pilotage territorial

   M. le Général de division Dominique Lambert, sous-directeur de la police judiciaire)

   M. le Lieutenant-colonel Serge Procedes, chef du bureau délinquance générale de la sous-direction de la police judiciaire

   Mme Fabienne Averty, secrétaire nationale

   M. Aurélien Martini, secrétaire général adjoint

   Mme Nelly Bertrand, secrétaire générale

   Mme Valérie Dervieux, déléguée régionale

   Mme Delphine Blot, déléguée régionale

   M. Frédéric Macé, président

   M. Richard Foltzer, secrétaire général

   Mme Sarah Peillon, secrétaire générale adjointe

   M. Eric Tuffery procureur général près la cour d’appel de Pau

   M. Etienne Thieffry, procureur près le tribunal judiciaire de Béthune

   Mme Florence Bouvier, secrétaire générale de la CNPTJ et présidente du tribunal judiciaire de Bayonne

   Me Romain Boulet, avocat

   Me Claude Vincent, avocate, co-présidente de la commission féministe du SAF et en charge du groupe de travail sur la définition pénale du viol

Choisir la cause des femmes

   Mme Maria Cornaz Bassoli

Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT)

   Mme Tiffany Coisnard

Collectif national pour les droits des femmes (CNDF)

   Mme Suzy Rojtman, porte-parole

   Mme Isabelle Thieuleux, avocate

Fondation des femmes

   Mme Anne-Cécile Mailfert, présidente

   Mme Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques

Collectif féministe contre le viol (CFCV)

   Mme Emmanuelle Piet, présidente

   Mme Alexandra Martel, co-coordinatrice

Osez le féminisme ! (OLF)

   Mme Elsa Labouret, porte-parole

   Mme Céline Piques, membre

Fédération nationale des CIDFF

   Mme Auriane Dupuy, chargée du plaidoyer et des relations presse

Stop VOG France

   Mme Sonia Bisch, fondatrice et porte-parole

   Me My-Kim Yang-Paya, avocate, représentante de la force juridique

Sexe et consentement

   Mme Marine Delphine Gianfermi, coordinatrice

   Mme Sara Agnès Macha Durand, chargée des relations publiques

Nous toutes

   Mme Emmanuelle Handschuh, membre de la coordination nationale

   Mme Estelle Blond, militante

   Mme Catherine Le Magueresse, juriste

   M. François Lavallière, magistrat et maître de conférences en droit pénal

   Mme Magali Lafourcade, docteure en droit

   Mme Audrey Darsonville, professeure de droit pénal

   M. Denis Salas, ancien magistrat et essayiste français

   Mme Rachel Dano, réalisatrice et co-fondatrice de la campagne « Notre Ohrage »

   Mme Hélène Martinelli, artiste et co-fondatrice de cette campagne

   Mme Violaine De Filippis Abate, avocate et consultante pour cette campagne

   Mme Alice Oriol, avocate et consultante pour cette campagne

   Mme Clara Achour, violoncelliste et plaignante à la CEDH

   Mme Louise Dubray, psychologue

   Mme Lola Schulmann, chargée de plaidoyer

   Mme Lena Collette, coordinatrice du plaidoyer

 


([1]) Article 223-8.

([2]) Article 223-10.

([3]) Article 226-1.

([4]) Article 226-8-1.

([5]) Article 226-19.

([6]) Article 511-3.

([7]) Article 511-6.

([8]) Les femmes de 15 à 19 ans sont les plus touchées par les violences sexuelles commises en dehors du cadre familial, avec un taux de 91 victimes pour 10 000 habitantes, trois fois supérieur au taux de victime pour l’ensemble des femmes.

([9]) Concernant les violences sexuelles commises au sein de la famille, les enfants de 5 à 9 ans affichent la part la plus élevée de victimes enregistrées (18 victimes pour 10 000 habitants), avec un taux de victimes bien plus élevé parmi les filles que parmi les garçons (28 victimes pour 10 000 habitantes contre 8 victimes pour 10 000 habitants).

([10]) Ministère de l’Intérieur, Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, Vécu et ressenti en matière de sécurité, victimation, délinquance et sentiment d’insécurité, édition 2023.

([11]) Institut des politiques publiques, Maëlle Stricot, Noptes IPP n° 107, Le traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales en France, avril 2024.

([12]) Ibid.

([13]) Factures téléphoniques détaillées.

([14]) A. Bouillon, Affaires de femmes : une vie à plaider pour elles. Iconoclaste, octobre 2024.

([15]) Directive (UE) 2024/1385 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

([16]) Le rapport explicatif de la Convention précise bien que « « les Parties à la convention sont tenues d’adopter une législation pénale intégrant la notion d’absence de libre consentement aux différents actes sexuels répertoriés » (paragraphe 193).

([17]) Prévu par les articles 66 et suivants de la Convention d’Istanbul.

([18]) Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([19]) GREVIO, rapport d’évaluation de référence relatif à la France, 19 novembre 2019, paragraphe 191.

([20]) Ibid, paragraphe 192.

([21]) Rapport soumis par la France donnant effet aux dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique conformément à l’article 68, paragraphe 1 (Premier cycle d’évaluation thématique), réceptionné par le GREVIO le 30 juin 2024, page 6.

([22]) Le CEDEF a été créé en 1981 par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination envers les femmes.

([23]) Parlement européen, rapport « Definitions of rape in the legislations of the member states », janvier 2024.

([24]) Sexual Offences (Amendment) Act 1976.

([25]) Criminal law (Rape) Act 1981, Section 2.

([26]) Loi du 4 juillet 1989.

([27]) Sexual Offences Act 2003.

([28]) Criminal Law (Sexual Offences) Act 2017.

([29]) Loi du 21 mars 2022.

([30]) Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

([31]) Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

([32]) Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([33]) loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

([34]) Proposition de loi n° 124 reconnaissant l’absence de consentement comme élément constitutif de l’agression sexuelle et du viol, déposée le 16 novembre 2023.

([35]) Article 36 de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du Conseil de l’Europe.

([36]) L’adminicule se définit comme un « élément (on dit aussi commencement) de preuve qui, rendant vraisemblable le fait à prouver sans en constituer une preuve parfaite, est parfois exigé par la loi, à titre préalable, pour rendre admissibles d’autres modes de preuve imparfaits » (Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Presses universitaires de France (PUF), 15e édition).

([37]) En ce qui concerne l’introduction forcée d’un objet ou d’un organe non sexuel dans la bouche de la victime, la chambre criminelle de la Cour de cassation écarte la qualification de viol (21 février 2007, n° 06-89.543).

([38]) Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([39]) Cass. crim., 14 octobre 2020, n° 20-83.273.

([40]) Lorsque l’agression a entraîné une blessure ou lésion ; lorsqu’elle est commise par un ascendant, une personne abusant de l’autorité qui lui confère ses fonctions, une personne en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants, ou encore par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. La peine est aussi aggravée lorsque l’infraction est commise avec usage ou menace d’une arme ou lorsqu'une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d'altérer son discernement ou le contrôle de ses actes.

  1.     Frère, sœur, oncle, tante, grand‑oncle, grand-tante, neveu, nièce ; le conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité d’une de ces personnes ou d’un ascendant.

([42]) Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

([43]) Assemblée nationale, rapport n° 1601 de Mme Marie-Louise Fort sur la proposition de loi visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l’inceste sur les mineurs et à améliorer l’accompagnement médical et social des victimes, 8 avril 2009.

([44]) Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([45]) Cass. crim., 22 juillet 2009, n° 09-82.966.

([46]) Cass. crim., 17 octobre 1978, n° 77‑93.172.

([47]) Cass. crim., 14 septembre 2005, n° 04-87.601.

([48]) Cass. crim., 5 juin 2007, n° 07-81.837.

([49]) Cass. crim., 29 mai 2002, n° 02-82.125.

([50]) Cass. crim., 24 septembre 1998, n° 98-83.624.

([51]) Cass. crim., 8 juin 1994,n°  94-81.376.

([52]) Cass. crim., 8 février 1995, 94-85.202.

([53]) Cass. crim., 8 décembre 2021, n° 21-81.311.

([54]) Cass. crim., 23 octobre 2002, n° 02-85.715.

([55]) Cass. crim., 23 janvier 2001, n° 00‑87.327.

([56]) Cass. crim., 19 septembre 2001, n° 01-84.557.

([57]) Cass. crim., 5 février 1991, n° 90-86.709.

([58]) Cass. crim., 22 janvier 1997, 96-80.353.

([59]) Cass. crim., 18 octobre 2006, n° 06-85.924.

([60]) Cass. crim., 4 avril 2007, n° 07-80.253.

([61]) Cass. crim., 11 janvier 2017, n° 15-86.680.

([62]) Cass. crim., 10 décembre 2008, n° 08-86.558.

([63]) Cass. crim., 23 janvier 2019, 18-82.833.

([64]) Cass. crim., 11 septembre 2024, 23-86.657 : « Le consentement de la victime ne peut être déduit de la sidération causée par une atteinte sexuelle commise par violence, contrainte, menace ou surprise. Justifie sa décision la cour d'appel qui déclare le prévenu coupable d'agression sexuelle en retenant qu'il a procédé à des attouchements alors que la victime était endormie, puis a poursuivi ses agissements tandis que cette dernière se trouvait dans un état de prostration, ce qui établit qu'il a agi en connaissance d'un défaut de consentement ».

([65]) Cass. Crim. 25 juin 1857, connu sous le nom de « l’affaire Dubas ».

([66]) Loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs.

([67]) Celles-ci peuvent néanmoins concerner des personnes mineures de plus de quinze ans.

([68]) Cass. crim., 11 septembre 2024, 23-86.657.

([69]) Cass. crim., 11 septembre 2024, 23-86.657.

([70]) Conseil de l’Europe, Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

([71]) Pour souligner le caractère positif du consentement, Amnesty International ajoute également l’adjectif « enthousiaste ».