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N° 613

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 novembre 2024.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans,

 

 

 

 

Par M. Ugo Bernalicis,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 438.

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. La réforme des retraites de 2023 n’était pas nécessaire, et s’avère aussi économiquement et budgétairement inefficace

A. Présentée comme indispensable, la réforme des retraites de 2023 n’était pourtant ni urgente ni nécessaire

1. Une urgence et une nécessité inexistantes

2. Une réforme aux ambitions démesurées

B. moiNs de deux ans après son adoption par la force, la réforme de 2023 fait d’ores et déjà montre de son incapacité à rééquilibrer le système de retraite

II. la réforme des retraites de 2023 a eu des conséquences sociales délétères, qui rendent d’autant plus nÉcessaires des rÉformes justes

A. Contribuant à la PRÉCARISATION DES CITOYENS, LA RÉFORME DES RETRAITES DE 2023 AUGMENTEra les dÉpenses des AUTRES BRANCHES DE LA SÉCURITE SOCIALE

1. Les femmes et les plus modestes sont particulièrement affectés par la réforme

2. La réforme des retraites de 2023 a des conséquences négatives sur les autres branches de la sécurité sociale

B. Une réforme paramétrique occultant les véritables voies de financement alternatives

1. La hausse progressive des cotisations retraite constitue la meilleure piste de financement du système de retraite

2. La hausse du solde migratoire permettrait de soutenir notre système de retraite

3. La hausse du taux d’emploi et des salaires permettrait, sous réserve d’une amélioration de la qualité de l’emploi, une progression des recettes

Commentaire des articles

Article 1er Abrogation du report de l’âge légal de départ à la retraite, d’autres mesures d’âge ainsi que de l’augmentation de la durée de cotisation

Article 2 Gage financier

Article 3 Création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des sociétés pétrolières et gazières

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Annexe  2 : contributions écrites reçues par le rapporteur

Annexe  3 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 


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   Introduction

La réforme des retraites de 2023 a marqué une rupture dans le paysage démocratique et socio-économique français.

Le mouvement social contre la réforme des retraites de Mme Élisabeth Borne a été d’une ampleur historique. Partout en France et pendant plusieurs mois, à l’appel des huit principaux syndicats de salariés constitués en intersyndicale, plusieurs millions de personnes ont protesté contre le relèvement de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite et à 43 ans de la durée minimale de cotisation.

Jamais une réforme n’avait ainsi autant fait l’unanimité contre elle :

– unité de l’ensemble des partis de gauche, alors réunis au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), jusqu’au groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) contre l’ancienne minorité présidentielle à l’Assemblée nationale ;

– unité de l’ensemble des organisations syndicales ;

– unité du peuple, dans la rue puis dans les urnes les 30 juin et 7 juillet 2024.

Jamais les dispositifs constitutionnels n’auront été autant dévoyés par le gouvernement du Président de la République, M. Emmanuel Macron, pour imposer par la force aux Français une réforme dont l’objectif était de rassurer les marchés financiers, plus précisément les créanciers de la France, ainsi que la Commission européenne. Par l’utilisation répétée des articles 44, alinéa 3, et 49, alinéa 3, le Gouvernement a entaché sur la forme une réforme largement contestable sur le fond, marquant encore un peu plus le caractère autoritaire de la Constitution de la Cinquième République.

Jamais, encore, une réforme des retraites n’aura si mal porté son nom, tant les objectifs poursuivis étaient si peu liés aux retraites et bien davantage à l’équilibre général de l’ensemble des comptes publics. Pourtant, moins de deux ans après son entrée en vigueur, force est de constater que les ambitions qui lui avaient été assignées peinent à être satisfaites à court terme, comme à moyen ou à long terme. Ainsi, illégitime par la procédure employée, la réforme des retraites de 2023 s’avère d’ores et déjà inefficace sur le fond, tout en précarisant les plus fragiles.

La présente proposition de loi a ainsi pour objectif d’une part de réparer une profonde injustice sociale et, d’autre part, de constituer le premier acte de construction d’une réforme ambitieuse des retraites :

– ce que le rapporteur et son groupe parlementaire souhaitent construire à terme est connu : la retraite à 60 ans pour toutes et tous, une réforme réellement juste du marché du travail et un meilleur partage du capital ;

– mais ce que le rapporteur, son groupe parlementaire et l’ensemble du Nouveau Front populaire veulent ici réparer, c’est le fourvoiement démocratique mené contre la volonté des Françaises et des Français et à leur détriment.

En somme, cette proposition de loi constitue l’étape première, mais indispensable pour, à terme, réformer démocratiquement notre système de retraite.


I.   La réforme des retraites de 2023 n’était pas nécessaire, et s’avère aussi économiquement et budgétairement inefficace

A.   Présentée comme indispensable, la réforme des retraites de 2023 n’était pourtant ni urgente ni nécessaire

1.   Une urgence et une nécessité inexistantes

Le 16 mars 2023, en engageant la responsabilité de son Gouvernement devant l’Assemblée nationale, la Première ministre Élisabeth Borne déclarait à la représentation nationale : « On ne peut pas faire de pari sur l’avenir de nos retraites, et cette réforme est nécessaire. »

Aujourd’hui pourtant, le constat est clair : il n’y avait aucun pari sur l’avenir de nos retraites, tant les projections aux horizons 2030 et 2070 étaient établies ; il n’y avait aucune urgence qui aurait justifié une procédure méprisant à ce point le débat public et la démocratie, ou imposé les principales mesures de la réforme, en particulier le relèvement de l’âge d’ouverture des droits de 62 à 64 ans.

dépenses du système de retraite en pourcentage du produit intérieur brut observées et projetées en 2022, avant la réforme des retraites de 2023

Source : Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel, septembre 2022.

Dès 2023, nombreuses furent les voix à s’élever contre cette assertion, en premier lieu celle de l’ancien président du Conseil d’orientation des retraites (COR), M. Pierre-Louis Bras, qui déclarait devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale qu’« il n’y [avait] pas de dérive » et que « les dépenses de retraites ne dérap[aient] pas » ([1]). En effet, sans réforme, le COR prévoyait déjà à l’horizon 2030 une stabilisation voire une diminution du poids des dépenses de retraites dans le produit intérieur brut (PIB) dans la majorité des scénarii exposés ([2]).

En outre, s’agissant du solde du système de retraite, le rapport du COR de 2022 développait parmi différents scenarii, sous deux conventions de présentation, plusieurs hypothèses d’équilibre à moyen terme. Pourtant, comme le soulignait notre collègue Charles de Courson dans son rapport sur la proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite, « l’hypothèse retenue par le Gouvernement est, à un horizon de vingt-cinq ans, la septième hypothèse la plus pessimiste sur huit » ([3]).

2.   Une réforme aux ambitions démesurées

En janvier 2023, la Première ministre Élisabeth Borne déclarait que la réforme des retraites devait « garant[ir] l’équilibre de notre système en 2030 ». Selon elle, « avec un âge légal de départ à la retraite qui atteindra 64 ans en 2030, et 43 années de cotisation, l’objectif sera atteint à cet horizon : notre système par répartition sera alors à l’équilibre » ([4]).

Près d’un an après l’entrée en vigueur de la réforme des retraites, la situation observée à ce jour appelle pourtant deux remarques du rapporteur :

– d’une part, comme s’en étonnait notre collègue Charles de Courson dans son rapport sur la proposition de loi précitée, l’urgence était invoquée pour notre système de retraite quand le déficit de l’État se creusait année après année. Un an après la publication de ce rapport, il faut rappeler la situation délétère des finances publiques, imputable aux précédents gouvernements, avec un déficit évalué en 2024 à 6,1 % du produit intérieur brut ([5]) ;

– d’autre part, les deux principales mesures paramétriques de la réforme, le recul de l’âge de départ à 64 ans et l’allongement de la durée de cotisation à 43 annuités dès 2027, n’ont pas permis de durablement modifier la trajectoire de notre système de retraite. Comme le souligne le COR dans son rapport annuel de 2024, « le système de retraite resterait durablement en besoin de financement quel que soit le scénario ».

En définitive, contrairement à ce que prétendaient le Gouvernement et les députés qui le soutenaient en 2023, il n’y avait aucune urgence et aucune nécessité de court terme à reculer l’âge d’ouverture des droits et à accélérer le calendrier de relèvement de la durée de cotisation à 43 annuités pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

B.   moiNs de deux ans après son adoption par la force, la réforme de 2023 fait d’ores et déjà montre de son incapacité à rééquilibrer le système de retraite

L’objectif poursuivi par le Gouvernement de rééquilibrer les comptes de notre système de retraite par répartition n’a pas été atteint par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. En effet, le solde du système de retraite serait déficitaire dès 2024 à – 0,2 % du PIB, soit un déficit de 6 milliards d’euros ([6]), avant de se dégrader à – 0,4 % du PIB en 2030 et – 0,8 % du PIB en 2070 ([7]).

Solde du système de reTraite observé et projeté
dans le scénario de référence (convention EPR)

Source : COR, rapport annuel 2024, p. 88.

Malgré la réforme des retraites, la dégradation des projections du COR, par rapport à son précédent rapport annuel, s’explique pour plusieurs raisons conjoncturelles :

– la revalorisation de 4,9 % des pensions du régime complémentaire obligatoire Agirc-Arrco en novembre 2024 ;

– la révision des hypothèses macroéconomiques tenant compte notamment des prévisions du programme de stabilité 2024‑2027 ;

– l’exercice de projection effectué en juillet 2024 pour l’ensemble des régimes de retraite.

Ainsi, le recul de l’âge de départ en retraite n’a pas permis, contrairement à ce qui avait été annoncé, d’assurer l’équilibre du système pour plusieurs raisons d’ordre macroéconomique.

En premier lieu, le recul de l’âge d’ouverture des droits entraîne une hausse des dépenses de retraite puisque l’allongement des carrières induit une progression du montant moyen des pensions ([8]). À l’horizon 2070, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) estime que la réforme des retraites de 2023 augmentera les dépenses de retraite de 0,2 point de PIB ([9]).

En deuxième lieu, le volume des dépenses de retraite progresserait sur l’ensemble de la période de projection sous l’effet de l’augmentation du nombre de retraités, en lien avec le vieillissement de la population, et la hausse tendancielle de la pension moyenne, liée à une participation plus élevée des femmes sur le marché du travail et à l’allongement de la durée de carrière ([10]).

En troisième lieu, la baisse du volume des pensions de retraite versées est très limitée dès lors que l’écart entre l’âge moyen conjoncturel de départ et l’âge d’ouverture des droits est faible ([11]). Or, en 2022, cet âge moyen conjoncturel de départ s’élevait en moyenne à 62 ans et 8 mois pour les retraités de droit direct résidant en France, les femmes partant en moyenne à 63 ans contre 62 ans et 4 mois pour les hommes ([12]).

Enfin, l’effet d’un relèvement de l’âge d’ouverture des droits sur le solde du système de retraite est limité par son étalement dans le temps. S’il entraîne, toutes choses égales par ailleurs, une hausse de la population active et donc une progression des recettes de cotisations sociales ([13]), cette augmentation est réduite par l’accroissement des tensions sur le marché du travail et une dégradation du chômage des travailleurs les plus âgés ([14]).

II.   la réforme des retraites de 2023 a eu des conséquences sociales délétères, qui rendent d’autant plus nÉcessaires des rÉformes justes

A.   Contribuant à la PRÉCARISATION DES CITOYENS, LA RÉFORME DES RETRAITES DE 2023 AUGMENTEra les dÉpenses des AUTRES BRANCHES DE LA SÉCURITE SOCIALE

1.   Les femmes et les plus modestes sont particulièrement affectés par la réforme

Selon le COR, la réforme des retraites de 2023 abaissera de 27,2 à 26,8 ans la durée de vie à la retraite pour la génération 2000. L’âge moyen de départ des femmes de la génération 1972 devrait augmenter de 9 mois, contre 5 mois pour les hommes.

La réforme pénalise en particulier :

– les personnes qui avaient atteint la durée d’assurance requise de 62 ans et qui doivent désormais poursuivre leur activité jusqu’à 64 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein ([15]) ;

– les femmes, qui partent en retraite plus tard que les hommes en moyenne, et sur lesquelles l’effet de report du départ en retraite sera plus élevé ([16]) ;

– les jeunes, qui cotisent davantage pour financer les retraites actuelles mais partiront plus tard avec des pensions plus faibles, le montant des pensions étant la seule variable pour obtenir l’équilibre financier à horizon 2070 ;

– les travailleurs les plus modestes, alors que les cadres ont une espérance de vie à 55 ans supérieure de 3,3 années à celle des ouvriers en raison d’une moindre exposition aux risques professionnels ([17]).


Le cas de Christiane

Christiane est née en 1968. Depuis sa naissance, elle vit à Lezennes dans le Nord. Le 28 novembre 2024, elle fêtera ses 56 ans. En 1989, elle a débuté sa carrière dans un Ehpad privé à but non lucratif avant de devenir aide-soignante pour une entreprise d’aide à domicile en 2009.

Avant la réforme, Christiane espérait partir en retraite en 2031 à 62 ans, soit au cours de l’année de ses 63 ans, après un peu plus de 42 années de cotisation. Avec la réforme des retraites de 2023, Christiane sera contrainte de travailler jusqu’à ses 64 ans, soit jusqu’en 2032, alors même qu’elle disposera des 43 annuités imposées après la réforme.

Exerçant un métier pénible, Christiane ne peut pourtant prétendre à aucun dispositif de prise en compte de la pénibilité subie, les manutentions de patients qu’elle effectue au travail n’étant plus reconnues au titre du compte professionnel de prévention (C2P).

2.   La réforme des retraites de 2023 a des conséquences négatives sur les autres branches de la sécurité sociale

Les effets de la réforme des retraites de 2023 doivent être appréciés à l’échelle de l’ensemble des comptes des administrations publiques et non du seul solde du système de retraite. À ce titre, le report de l’âge légal de départ génère des effets d’éviction et des reports de dépenses vers d’autres branches de la sécurité sociale à travers l’augmentation des dépenses d’invalidité, de maladie et de chômage.

Plusieurs études ont montré que le relèvement de l’âge légal de départ en 2010 a provoqué une hausse du nombre de travailleurs âgés ni en emploi ni en retraite (NER) ([18]). Si le relèvement de l’âge de départ a suscité une baisse de 13 points du nombre de personnes âgées de 60 à 64 ans en retraite entre 2014 et 2022, il a également entraîné une hausse de 3,5 points du nombre de celles qui ne sont ni en emploi ni en retraite ([19]). Or, en 2023, seuls 43 % des 55 à 69 ans sont en emploi et 14 % des assurés âgés de 55 à 69 ans ne sont déjà ni en emploi ni en retraite, une situation majoritairement subie faute de réussite dans la recherche d’emploi ou pour des raisons de santé et de handicap ([20]). La réforme de 2023 risque donc d’aggraver la précarité à travers l’augmentation, dans cette catégorie d’âge, de l’inactivité ou du chômage ([21]). Cette situation pourrait particulièrement concerner les ouvriers qui, à l’âge de 61 ans, sont seulement 28 % à occuper un emploi quand 35 % d’entre eux ne sont ni en emploi ni en retraite ([22]).

Le cas d’Ismaël

Ismaël est né en 1968. Depuis ses 17 ans, Ismaël a été ouvrier dans différentes entreprises de sous-traitance automobile dans la Nièvre. Sa carrière a été marquée par différentes périodes d’inactivité subie. En 2021, à la suite de la crise sanitaire, Ismaël a été licencié. Ayant épuisé ses droits à l’allocation de retour à l’emploi, il touche désormais le revenu de solidarité active. À la recherche active d’un emploi, toutes les entreprises rencontrées évoquent son âge et son état de santé qui semblent incompatibles avec le travail dans l’industrie précédemment exercé par Ismäel. Désormais âgé de 56 ans, il craint de ne pas retrouver un emploi avant sa retraite. Non éligible au dispositif de carrière longue du fait de l’insuffisance de trimestres cotisés, Ismaël aurait souhaité partir en retraite au plus vite, dès 62 ans, avec une décote. Avec la réforme des retraites de 2023, il devra attendre ses 64 ans. Durant ces deux années supplémentaires, les allocations qu’il perçoit ne seront certes pas supportées par la branche vieillesse de la sécurité sociale, à l’image de la pension qu’il aurait touchée, mais pèseront bel et bien sur les finances publiques.

Par ailleurs, les précédentes réformes paramétriques du système de retraite ont entraîné une hausse des dépenses sociales car les plus âgés qui ne peuvent poursuivre leur activité, pour des raisons d’inaptitude ou d’usure professionnelle, deviennent prestataires d’allocations sociales. Ainsi, le recul de l’âge de départ à 62 ans en 2010 aurait provoqué, en 2017, une hausse des dépenses sociales de 3 milliards d’euros selon la Cour des comptes ([23]). Ces chiffres coïncident avec ceux de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) qui estimait qu’un report de l’âge d’ouverture des droits de deux ans en 2019 aurait suscité une augmentation de 3,6 milliards d’euros des prestations sociales versées, soit un effet d’éviction de 25 % ([24]). À titre d’exemple, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) estimait, en janvier 2022, que le relèvement de l’âge d’ouverture des droits de 62 à 64 ans causerait 1,3 milliard d’euros de dépenses supplémentaires au titre de l’assurance chômage ([25]). Au total, plusieurs milliards d’euros de dépenses sociales devront donc, à terme, être retranchés des ressources supplémentaires apportées par la réforme.

Le rapporteur souligne toutefois que l’effet d’éviction constaté pour la réforme de 2023 devrait être moindre eu égard aux âges de départ anticipés à 62 ans qui ont été maintenus pour les principaux dispositifs d’inaptitude et d’incapacité.

B.   Une réforme paramétrique occultant les véritables voies de financement alternatives

L’enjeu du financement de notre système de retraite ne repose pas sur un problème de dépenses mais bien sûr un manque de recettes. Il est ainsi plus que jamais nécessaire d’accroître ses ressources pour en équilibrer les comptes.

Le Gouvernement a fait le choix dogmatique de n’agir qu’à travers les leviers de l’âge de départ et de la durée de cotisation, qui constituent les mesures les plus injustes socialement, reposant uniquement sur les actifs cotisants ([26]). Or, la littérature académique identifie, aux côtés des mesures d’âge, deux autres moyens d’assurer l’équilibre financier du système de retraite : on peut agir sur le taux de cotisations et sur le montant moyen des pensions ([27]). À cela s’ajoute le levier démographique, à travers par exemple la hausse du solde migratoire.

1.   La hausse progressive des cotisations retraite constitue la meilleure piste de financement du système de retraite

Le principe de financement de notre système de retraite par des cotisations sociales prélevées sur les salaires des actifs doit être maintenu afin d’assurer le principe de la répartition et d’équité intergénérationnelle.

Exclure toute possibilité de hausse des cotisations retraite, comme l’a fait le Gouvernement en 2023, constitue un non-sens économique et budgétaire alors que le déficit du système de retraite s’explique notamment par le manque de recettes. Alors que les ressources du système de retraite représentent 13,5 % du PIB en 2023, cette part chuterait à 12,4 % du PIB en 2070 en raison notamment de la baisse de la masse salariale des collectivités locales et des hôpitaux publics ([28]).

Pourtant, comme l’a souligné la direction de la sécurité sociale lors des auditions du rapporteur, une augmentation d’un point seulement de cotisations sur l’assiette déplafonnée entraînerait une hausse des recettes de 10 milliards d’euros.

Ainsi, le rapporteur défend l’idée selon laquelle les actifs seraient prêts à cotiser un peu plus pour pouvoir partir plus tôt en retraite. Contrairement à ce qui a pu être défendu par le Gouvernement ([29]), une hausse des cotisations sociales ne pèserait pas sur le pouvoir d’achat dès lors qu’elle serait graduelle et compensée par une hausse des salaires. Par ailleurs, les pays avec des taux de cotisation élevés comme la France tendent à verser des pensions de retraite supérieures à la moyenne de l’OCDE ([30]). Le niveau élevé de cotisations sociales en France constitue donc un compromis en faveur d’un montant moyen des pensions plus élevé.

Selon les économistes Michael Zemmour et Henri Sterdyniak, auditionnés par le rapporteur, une hausse de 0,15 point par an du taux de cotisations retraite sur les salaires pendant sept ans suffirait à résorber le déficit du système de retraite sur le long terme et à financer l’abrogation de la réforme de 2023. Une telle augmentation progressive serait bien plus acceptable et supportable pour les travailleurs que la hausse soudaine et immédiate de 4 points du taux de cotisation au régime de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) annoncée par le Gouvernement en octobre 2024 ([31]). Elle pourrait en outre reposer sur la réduction des exonérations inefficaces de cotisations sociales qui représentent une perte de recettes de 77 milliards d’euros en 2023 ([32]).

En outre, cette hausse de cotisations pourrait solliciter en priorité les actifs aux salaires les plus élevés. En effet, il suffirait de compenser la hausse du taux de cotisation retraite non plafonné par une baisse du taux plafonné afin de faire supporter la charge aux salaires supérieurs au plafond ([33]). Le rapporteur tient à souligner que les exemptions d’assiettes de cotisations sociales coûtent près de 14 milliards d’euros à notre système de protection sociale en 2023 en plus de provoquer des effets de substitution avec les salaires ([34]). Ils concernent notamment :

– les dispositifs de participation financière et d’actionnariat salarié qui ne bénéficient qu’à la moitié des salariés du secteur privé en France et qui sont concentrés sur les plus hauts salaires ([35]) et sur les salariés des grandes entreprises ([36]) ;

– les dispositifs de retraite supplémentaire facultatifs qui bénéficient principalement aux plus aisés ([37]).

Enfin, de nombreuses pistes de financement par le biais de la fiscalité redistributive existent :

– la création d’une taxe sur les « superprofits », prévue par l’article 3 de la présente proposition de loi ;

– l’introduction de « sur-cotisations » sur les hauts salaires, notamment au-delà de deux fois le plafond de la sécurité sociale ;

– une hausse de la fiscalité sur les revenus du capital, la participation, les rachats d’action aujourd’hui largement exonérés de cotisations sociale ([38]) ;

– le rétablissement de l’impôt sur la fortune, supprimé en 2017 ([39]).

2.   La hausse du solde migratoire permettrait de soutenir notre système de retraite

L’augmentation de la population active afin de réduire le ratio de dépendance démographique constitue également une perspective de financement à long terme. À ce titre, l’immigration est positive puisque les travailleurs immigrés sont des actifs cotisants sur lesquels sont prélevés des cotisations sociales qui financent le système de retraite. Un solde migratoire plus élevé permettrait ainsi de plus que compenser la baisse de la fécondité ([40]).

Selon le COR, un solde migratoire de seulement + 120 000 personnes par an, inférieur à la moyenne des années 2018 à 2021 à + 183 000 entrées nettes par an, diminuerait les dépenses de retraites de 0,7 point de PIB sur la période de projection ([41]). Sur le long terme, il résulte des auditions menées par le rapporteur qu’un solde migratoire positif de + 200 000 personnes par an, qui resterait inférieur au solde observé en 2020 à 223 000 entrées nettes, suffirait à assurer l’équilibre à long terme du système de retraite.

3.   La hausse du taux d’emploi et des salaires permettrait, sous réserve d’une amélioration de la qualité de l’emploi, une progression des recettes

La politique suivie par les gouvernements successifs depuis 2017 repose sur l’unique paradigme de l’augmentation du taux d’emploi, sans considération pour la qualité de l’emploi. Si le président du COR, M. Gilbert Cette, a rappelé, au cours des auditions menées par le rapporteur, que le rattrapage par la France du taux d’emploi des Pays‑Bas générerait 140 milliards d’euros supplémentaires de recettes par an pour les finances publiques, cette approche occulte les enjeux de qualité de l’emploi : 42,4 % des travailleurs aux Pays‑Bas sont à temps partiel contre 16,6 % en France en 2023 selon l’Insee.

Le relèvement du taux d’emploi ne peut donc se faire à n’importe quel prix. Plutôt que d’augmenter le taux d’emploi des 60‑64 ans, qui s’élève à 35 % en 2023, il conviendrait d’agir sur le taux d’emploi des deux catégories les plus exclues du marché du travail, à savoir les jeunes de 15‑24 ans pour lesquels il s’établit à 35 % ([42]) ainsi que les moins qualifiés. Or, le taux de chômage des ouvriers non qualifiés est cinq fois supérieur à celui des cadres en 2022 ([43]). La progression du taux d’emploi pourrait aussi passer par une hausse de l’emploi public afin notamment de compenser la réduction de la masse salariale publique constatée ces dernières années au détriment de la qualité des services publics ([44]).

Une augmentation du taux d’emploi des jeunes et des peu qualifiés pourrait être opportunément complétée par :

– la hausse générale des salaires, sous l’effet d’une véritable hausse du salaire minimum à 1 600 euros net par mois, sous réserve d’une réduction voire d’une suppression des exonérations de cotisations sociales ;

– la mise en œuvre effective de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes qui permettrait d’augmenter les recettes de cotisations sociales de l’ordre de 24,43 milliards d’euros ([45]) ;

– la hausse de l’investissement dans le capital humain à travers des services publics de qualité notamment en matière d’éducation, d’enseignement supérieur et de formation professionnelle ([46]) ;

– l’ouverture aux ressortissants des pays n’appartenant pas à l’Union européenne des 5,4 millions d’emplois qui leur sont actuellement fermés, notamment dans la fonction publique et les professions libérales ([47]).

    


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   Commentaire des articles

Article 1er
Abrogation du report de l’âge légal de départ à la retraite, d’autres mesures d’âge ainsi que de l’augmentation de la durée de cotisation

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er de la présente proposition de loi abroge les dispositions portant recul de l’âge légal de départ à la retraite introduites par la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Il modifie en conséquence diverses dispositions adoptées alors pour rétablir l’état du droit antérieur ou proposer des rédactions alternatives.

Par ailleurs, l’article 1er abroge les dispositions portant rehaussement de la durée d’assurance requise pour bénéficier d’un départ à la retraite à taux plein issues de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ainsi que de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite.

  1.   L’âge d’ouverture des droits serait rétabli à 62 ans et divers âges de retraite anticipée seraient adaptés
    1.   L’ÉTAT DU DROIT
      1.   Les âges d’ouverture des droits et de suppression de la décote s’élèvent respectivement à 64 et 67 ans
        1.   L’âge d’ouverture des droits est relevé progressivement à 64 ans

● La loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a reculé l’âge effectif de départ à la retraite dans l’objectif de diminuer les dépenses de pension sous le double effet de la diminution du nombre de personnes retraitées et de la durée passée à la retraite.

L’augmentation de l’âge d’ouverture des droits s’applique au régime général comme au régime agricole ou à celui de la fonction publique. Notamment, par un jeu de renvoi, le recul « de droit commun » de deux ans entraîne une augmentation identique de l’âge d’ouverture des droits anticipée applicable aux catégories active et super-active de la fonction publique.

calendrier du relèvement de l’âge légal de départ à la reTraite

Date de naissance

Âge légal de départ (sauf dispositifs spéciaux)

Avant le 1er septembre 1961

62 ans

Entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961

62 ans et 3 mois

En 1962

62 ans et 6 mois

En 1963

62 ans et 9 mois

En 1964

63 ans

En 1965

63 ans et 3 mois

En 1966

63 ans et 6 mois

En 1967

63 ans et 9 mois

À partir du 1er janvier 1968

64 ans

Source : article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

Les catégories active et super-active dans la fonction publique

Au sein des trois fonctions publiques, deux catégories d’emploi, « présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles », ouvrent le droit à un départ anticipé à la retraite aux termes de l’article L. 24 du code des pensions civils et militaires de retraite :

– la catégorie active : les fonctionnaires totalisant au moins dix années de services en catégorie active bénéficient d’un âge de départ à la retraite progressivement relevé de trois mois par an pour atteindre 59 ans en 2030 à la suite de la réforme de 2023. Les emplois de la catégorie active sont classés par décret ([48]) pour la fonction publique d’État et par arrêté ministériel ([49]) pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Ils comprennent, notamment, les aides-soignants, les sapeurs-pompiers professionnels ou encore les agents de police municipale ;

– la catégorie super-active : dans le respect de la durée de services super-actifs définie pour chaque emploi, cette catégorie d’emploi bénéficie d’un âge minimum de départ à la retraite relevé de trois mois par an pour atteindre 54 ans en 2030 à la suite de la réforme de 2023. Les emplois super-actifs sont plus restreints. Il s’agit des contrôleurs aériens, des identificateurs de l’institut médico-légal de la préfecture de police de Paris, des fonctionnaires des réseaux souterrains des égouts, des personnels de surveillance pénitentiaire et des fonctionnaires des services actifs de la police nationale.

À la suite de la réforme de 2023, la loi du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 a adapté le calendrier d’application du report de l’âge d’ouverture des droits à la retraite à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. En outre, elle a tiré les conséquences rédactionnelles pour l’âge de suppression de la décote à Mayotte et elle y a ouvert le bénéfice du nouvel âge anticipé de retraite pour inaptitude.

  1.   L’âge de la décote a été maintenu à 67 ans

Pour autant, l’âge d’annulation de la décote, auquel le taux plein est accordé à l’assuré quelle que soit la durée de cotisation, a été maintenu à son niveau antérieur par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale de 2023. Cet âge est désormais de trois ans supérieur à l’âge d’ouverture des droits, soit 67 ans en droit commun. Il est de même pour les catégories active et super-active de la fonction publique dont les âges du taux plein sont désormais respectivement de 62 et 57 ans.

  1.   En parallèle du relèvement de l’âge de départ, des dispositifs de retraite anticipée ont été adaptés
    1.   Des dispositifs de retraite anticipés maintenus pour les plus fragiles

Malgré le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale a maintenu ou créé des âges anticipés de départ à taux plein dans différentes situations.

  1.   La retraite pour incapacité permanente

La loi n° 2010‑1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a créé un dispositif de retraite anticipée à taux plein en cas d’incapacité permanente pour des raisons professionnelles pour les salariés du secteur privé. Aux termes de l’article L. 351‑1‑4 du code de la sécurité sociale, il concerne :

– les personnes souffrant d’une incapacité permanente au moins égale à un taux déterminé par décret (supérieur ou égal à 20 %), reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou ayant connu un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle ([50]). Elles peuvent faire valoir leurs droits à 60 ans dans les dispositions modifiées par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale ;

– les personnes souffrant d’une incapacité permanente d’un taux inférieur au précédent (entre 10 et 19 %), reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail. Elles peuvent partir deux ans avant l’âge légal d’ouverture des droits, soit 62 ans, en l’état du droit résultant de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

  1.   La retraite pour inaptitude

● Alors que l’âge légal de départ à la retraite s’établira progressivement à 64 ans en application de la réforme de 2023, un âge anticipé a été créé à l’article L. 351‑1‑5 du code de la sécurité sociale. Il concerne les assurés reconnus inaptes ou ceux justifiant d’une incapacité permanente au moins égale à un taux.

En effet, avant la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, la retraite pour invalidité ou inaptitude concernant les assurés atteints d’une incapacité de travail n’offrait aucune possibilité de départ anticipé mais elle permettait de bénéficier d’une retraite au taux plein dès l’âge légal, quelle que soit la durée de cotisations validée.

Avec un âge anticipé fixé à 62 ans par le pouvoir réglementaire, les personnes éligibles à ce dispositif n’ont pas été concernées par le relèvement de l’âge légal à 64 ans. Ce dispositif s’est appliqué aux assurés du régime général, mais aussi aux non-salariés agricoles, aux ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses, aux professions libérales et aux avocats.

● Par ailleurs, cet âge de départ anticipé sert de référence dans diverses situations dans lesquelles les personnes bénéficiaires d’autres prestations peuvent liquider leurs droits à la retraite. Il s’agit notamment :

– de l’aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine prévue à l’article L. 117‑3 du code de l’action sociale et des familles ;

– du revenu de solidarité active créé à l’article L. 262‑10 du même code ;

– de l’allocation adulte handicapée de l’article L. 351‑7‑1 A du code de la sécurité sociale ;

– du revenu de remplacement régi par l’article L. 5421‑4 du code du travail.

  1.   La retraite anticipée des travailleurs handicapés

Le dispositif de retraite anticipée des travailleurs handicapés (Rath) a été créé par la loi n° 2003‑775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. En application de l’article L. 351‑1‑3 du code de la sécurité sociale, l’âge d’ouverture des droits peut ainsi être abaissé jusqu’à l’âge de 55 ans pour les assurés handicapés.

La loi de financement rectificative de la sécurité sociale a maintenu ces dispositions malgré le relèvement de l’âge de départ à la retraite de droit commun. Initialement applicables aux assurés du régime général et des régimes alignés, elles ont ensuite été étendues aux régimes spéciaux, des professions libérales ainsi que de la fonction publique.

  1.   Le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue a été adapté

Le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue a également été mis en place par loi précitée du 21 août 2003. Le mécanisme initial prévoyait que l’âge légal d’ouverture des droits pouvait être abaissé d’un à quatre ans sous réserve de la satisfaction de conditions de durée totale d’assurance, de durée de cotisations et d’âge de début d’activité.

Préalablement à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue était octroyé à la double condition suivante :

– avoir débuté son activité avant un âge déterminé ;

– avoir cotisé une durée minimale.

La première condition était satisfaite dès lors que l’assuré réunissait au moins cinq trimestres à la fin de l’année civile de :

– son vingtième anniversaire, pour un départ à partir de 60 ans, avec une durée d’assurance requise supérieure de huit trimestres à celle du taux plein ;

– son seizième anniversaire, pour un départ à partir de 58 ans, avec une durée de cotisation requise égale à celle du taux plein.

Prenant en compte le recul de l’âge d’ouverture des droits et l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation imposés en droit commun, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale a acté une plus grande progressivité du dispositif pour carrière longue en prévoyant, notamment à l’article L. 351‑1‑1 du code de la sécurité sociale, un départ en retraite anticipé pour les assurés ayant commencé leur activité à un âge précoce. Aux termes de l’article L. 351‑1‑1 A, l’âge de départ à la retraite est abaissé d’au moins un an pour ces assurés.

Âge d’ouverture des droits selon l’âge de début d’activité

Début d’activité avant l’âge de :

Âge d’ouverture des droits

16 ans

58 ans

18 ans

60 ans

20 ans

62 ans

21 ans

63 ans

Source : article D. 351‑1‑1 du code de la sécurité sociale tel que modifié par le décret du 3 juin 2023.

Par ailleurs, le dispositif de carrière longue s’applique également aux régimes des fonctionnaires, des professions libérales, des avocats et des personnes non salariées des professions agricoles. Ces dernières bénéficient, en outre, d’un abaissement de la durée de cotisation maximale d’assurance, égale à 167 trimestres, pour le dispositif carrière longue.

  1.   La retraite progressive a été élargie

La retraite progressive constitue un dispositif destiné à assurer une bonne transition emploi-retraite. Elle permet de bénéficier par anticipation d’une fraction de la pension, dans le cas où l’assuré est à temps partiel, avant l’âge légal de départ tout en continuant à cotiser dans le but d’en augmenter le montant futur.

Régie par l’article L. 351‑15 du code de la sécurité sociale, la retraite progressive a été réformée par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale qui a notamment généralisé son recours, en particulier à la fonction publique. Aux termes de l’article L. 351‑1‑1 A du même code, l’âge d’ouverture des droits anticipé est abaissé d’au moins un an par rapport à l’âge de droit commun. Cet abaissement est à ce jour de deux ans, soit un âge d’ouverture des droits de 62 ans ([51]).

  1.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ
    1.   L’âge d’ouverture des droits à la retraite serait abaissé, mais celui de suppression de la décote serait maintenu
      1.   L’âge d’ouverture des droits serait rétabli à 62 ans

 Afin de rétablir l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, le 1° du I rétablit les dispositions de l’article L. 161172 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction antérieure à celle résultant de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, de telle sorte que l’âge d’ouverture des droits serait à nouveau fixé à 62 ans.

● Par voie de conséquence, le 1° du VI et le VII rétablissent l’article 5 de la loi n° 87‑563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que les articles 6 et 11‑1 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte relatifs aux conditions d’âge dans leur rédaction antérieure à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

● De même, le VIII rétablit dans sa rédaction antérieure à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale l’article 37 de la loi n° 2010‑751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. L’âge d’ouverture des droits des personnes ayant choisi d’appartenir aux corps et cadres d’emplois d’infirmiers et de personnels paramédicaux de la catégorie A serait ainsi rétabli à 60 ans.

Par le jeu des renvois avec le code des pensions civiles et militaires de retraites, les fonctionnaires relevant des catégories active ou super-active retrouveraient respectivement un âge d’ouverture des droits respectivement fixé à 57 ans et 52 ans.

  1.   L’âge de la décote serait maintenu dans différents cas de figure

● Afin de ne pas abaisser l’âge d’annulation de la décote, le a du 8° du I établit un écart de cinq années entre celui-ci et l’âge d’ouverture des droits. Il demeurerait ainsi fixé à 67 ans.

Le a du 4° du IV procède aux mêmes adaptations, au bénéfice des personnes non salariées des professions agricoles, aux articles L. 732‑25 et L. 781‑33 du code rural et de la pêche maritime.

● De même, le 2° du III assure la coordination nécessaire pour les fonctionnaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite à son article 14 bis :

– l’âge de suppression de la décote serait ainsi maintenu à 67 ans pour les fonctionnaires ;

– l’âge de suppression de la décote pour les fonctionnaires occupant ou ayant occupé un emploi classé en catégorie active serait maintenu à 62 ans ;

– l’âge de suppression de la décote pour les fonctionnaires occupant des emplois dits super-actifs serait maintenu à 57 ans.

● Le b du 8° du I rétablit le quatrième alinéa de l’article L. 351‑8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale. L’âge d’annulation de la décote ou âge du taux plein pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente serait ainsi fixé à l’âge légal d’ouverture des droits.

● De même, le c du 8° du I rétablit le cinquième alinéa du même article L. 351‑8 dans sa rédaction antérieure à la loi de financement rectificative. Bénéficient ainsi du taux plein les assurés reconnus inaptes au travail à l’âge d’ouverture des droits de droit commun.

  1.   Eu égard à l’abaissement de l’âge d’ouverture des droits, les cas d’âge anticipé de départ sont adaptés

La proposition de loi modifie différents dispositifs de départ anticipé afin de rétablir l’âge d’ouverture des droits de droit commun. Par conséquent, l’âge serait maintenu à 62 ans dans différents cas de figure, à l’exception des cas d’incapacité permanente.

  1.   Pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente, l’âge d’ouverture des droits serait maintenu ou abaissé à 60 ans

● Le 6° du I apporte une modification rédactionnelle à l’article L. 351‑1‑4 du code de la sécurité sociale. Prenant acte du rétablissement de l’âge d’ouverture des droits à 62 ans, s’agissant des assurés atteints d’une incapacité permanente supérieure à 20 % reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisés au titre d’une maladie professionnelle, il substitue à l’âge de 60 ans un âge abaissé d’au moins deux ans par rapport à l’âge légal d’ouverture des droits. L’état du droit serait ainsi maintenu.

Le 2° du IV effectue des modifications rédactionnelles similaires au sein du code rural et de la pêche maritime au bénéfice des personnes non-salariées agricoles.

● Sans modifier le troisième alinéa du même article, l’abaissement en droit commun de l’âge d’ouverture des droits de 64 à 62 ans engendrerait, par jeu de renvois, une anticipation à 60 ans de l’ouverture des droits des assurés justifiant d’une incapacité permanente, reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail, entre 10 % et 19 %, identique à celle applicable aux incapacités permanentes supérieures ou égales à 20 %.

  1.   Pour les assurés inaptes, l’âge d’ouverture des droits serait maintenu à 62 ans

● Le 7° du I tire les conséquences du rétablissement de l’âge d’ouverture des droits de 64 à 62 ans en abrogeant l’article L. 351‑1‑5 du code de la sécurité sociale, qui ouvre droit à un âge de départ anticipé aux assurés reconnus inaptes au travail. Ainsi, l’âge d’ouverture de leurs droits serait maintenu à 62 ans.

Par coordination, à l’article L. 351‑1‑1 A du même code, le c du 5° du I supprime la référence à l’article abrogé des cas de figure ouvrant droit à un départ anticipé.

● De même, l’âge de départ anticipé est substitué par l’âge légal de départ à la retraite au sein des articles du code de la sécurité sociale qui faisaient précédemment mention de l’article abrogé :

– à l’article L. 161‑22‑1‑9, dans les cas de retraite progressive pour les assurés bénéficiaires d’une pension d’invalidité (3° du I) ;

– aux articles L. 341‑15 à L. 341‑17, dans les cas de conversion de la pension d’invalidité en pension de vieillesse (4° du I).

Les rédactions des articles susmentionnés antérieures à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale sont ainsi rétablies.

● Les 9° et 10° du I procèdent aux coordinations nécessaires aux articles L. 382‑24 et L. 382‑27 pour les ministres des cultes et les membres des congrégations et collectivités religieuses titulaires d’une pensions d’invalidité.

De même, le b du 11° du I abroge le IV des articles L. 643‑3 et L. 653‑2 relatifs à l’abaissement de l’âge d’ouverture des droits dans des cas similaires pour les professions libérales et les avocats. En conséquence, le 12° du I rétablit à leur intention l’âge légal d’ouverture des droits, soit 62 ans.

Enfin, il en va de même pour les personnes non salariées des professions agricoles : les a et c du  du IV procède à l’article L. 732‑17‑1 du code rural et de la pêche maritime aux mêmes modifications. À l’image de l’abrogation de l’article L. 351‑1‑5 du code de la sécurité sociale (7° du I), le 3° du IV abroge l’article L. 732‑18‑4 du code rural et de la pêche maritime qui prévoyait le même dispositif. Le b du 4° du IV tire les conséquences de cette abrogation en retirant sa mention des articles L. 732‑25 et L. 781‑33 du même code.

  1.   Pour les assurés bénéficiaires de certaines prestations sociales, l’âge d’ouverture des droits serait maintenu à 62 ans

● Au sein du code de l’action sociale et des familles, l’âge de départ anticipé prévu à l’article L. 351‑1‑5 du code de la sécurité sociale, abrogé, est remplacé par l’âge d’ouverture des droits de droit commun. Cela concerne au sein dudit code :

– à l’article L. 117‑3, en cas d’inaptitude au travail, les étrangers en situation régulière vivant seuls qui peuvent bénéficier d’une aide à la vie familiale et sociale à compter de cet âge (1° du II) ;

– à l’article L. 262‑10, en cas d’inaptitude au travail, la pension de vieillesse prise en compte pour l’accès au droit au revenu de solidarité active si la personne a atteint ledit âge (2° du II).

● À l’article L. 5421‑4 du code du travail, en coordination là encore avec l’abrogation des articles L. 351‑1‑5 du code de la sécurité sociale et L. 732‑18‑4 du rural et de la pêche maritime, le V procède aux modifications rédactionnelles nécessaires s’agissant des conditions dans lesquelles le revenu de remplacement cesse d’être versé aux allocataires bénéficiaires d’une retraite.

  1.   Certains âges anticipés sont adaptés
    1.   Pour la retraite progressive, l’âge d’ouverture des droits serait d’au moins 60 ans

● À l’article L. 351‑1‑1 A du code de la sécurité sociale, le a du 5° du I modifie la durée de l’abaissement minimum de l’âge d’ouverture des droits dans les cas de retraite progressive. Cette durée s’établirait alors à au moins deux ans. Il en va de même pour les professions libérales et les avocats (i du a du 11° du I), les fonctionnaires (2° du III) et les personnes non salariées des professions agricoles (a et c du 1° du IV).

Sous le double effet de cet abaissement à au moins deux ans et du rétablissement de l’âge de départ à la retraite à 62 ans, la loi fixerait désormais un âge d’ouverture des droits d’au plus 60 ans pour la retraite progressive.

  1.   Pour les carrières longues, l’âge d’ouverture des droits serait maintenu

● Par coordination, le b du 5° du I opère une précision rédactionnelle pour maintenir l’abaissement de l’âge d’ouverture des droits pour les assurés bénéficiaires d’un départ pour carrière longue à au moins un an.

Par coordination, le b du 1° du IV apporte la même précision dans la rédaction au bénéfice des personnes non-salariées agricoles à l’article L. 732‑17‑1 du code rural et de la pêche maritime.

  1.   L’âge d’ouverture des droits à la retraite anticipée pour les travailleurs handicapés serait maintenu à 55 ans

● Eu égard à l’abaissement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite de droit commun, le d du 5° du I adapte l’abaissement maximal de cet âge pour les bénéficiaires de la retraite anticipée des travailleurs handicapés (Rath). Il s’établirait désormais à sept ans, soit un âge d’ouverture des droits pouvant aller jusqu’à 55 ans. L’état du droit resterait ainsi inchangé.

● En coordination, le ii du a du 11° du I modifie les articles L. 643‑3 et L. 653‑2 du code de la sécurité sociale pour les assurés handicapés relevant d’une profession libérale et de la profession d’avocat. Le d du 1° du IV apporte à l’article L. 732‑17‑1 du code rural et de la pêche maritime la même modification pour les personnes non salariées des professions agricoles.

● Par ailleurs, l’article L. 351‑7‑1 A du code de la sécurité sociale est modifié au 4° du I pour que les assurés bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) puissent liquider leur retraite à l’âge d’ouverture des droits de droit commun et non plus à un âge abaissé. De manière similaire, le 13° du I modifie l’article L. 821‑1 du même code, de telle sorte que les bénéficiaires de l’AAH soient réputés inaptes à ce même âge et non plus à un âge abaissé. Cette même substitution d’un âge de départ anticipé par l’âge d’ouverture des droits de droit commun est opérée au 5° du IV modifiant l’article L. 732‑30 du code rural et de la pêche maritime. En définitive, dans l’ensemble de ces situations, l’âge de 62 ans est maintenu.

  1.   DISPOSITIONS TRANSITOIRES

● Le IX supprime des dispositions transitoires introduites par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale et devenues sans objet. Il s’agit notamment de :

– l’évolution de la durée de services et de bonifications qui devait être validée par les fonctionnaires pour la génération née entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1964, qu’ils occupent des emplois de catégorie sédentaire, active ou super-active ainsi que pour les militaires ;

 la possibilité, pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1961, de bénéficier du remboursement des versements effectués au cours de leur activité pour « acheter » des trimestres supplémentaires. Cette possibilité est ouverte dans la mesure où ces rachats peuvent se révéler inutiles, compte tenu du recul de l’âge d’ouverture des droits ;

 la possibilité pour les personnes ayant demandé de liquider leur pension après le 31 août 2023 dans des conditions qui ne leur sont plus accessibles au regard de la réforme d’annuler leur demande.

 Le X prévoit deux dispositifs de sauvegarde visant à ce que chaque assuré puisse bénéficier de conditions de départ en retraite plus favorables qu’en l’état du droit.

D’une part, les assurés ayant demandé la liquidation de leur pension avant l’entrée en vigueur de la présente loi ou entrant en jouissance de leur pension après le 31 août 2025 pourront bénéficier d’un âge d’ouverture abaissé, après demande d’annulation de leur pension ou de leur demande de pension.

D’autre part, les assurés ayant liquidé leur pension entre le 1er septembre 2023 et le 31 août 2025 et dont les conditions d’âge et de durée de cotisations sont moins favorables que celles introduites par la présente loi pourront bénéficier, sur demande, d’un réexamen du calcul de leur pension. Concrètement :

 si le calcul selon les nouvelles règles est plus favorable à l’assuré, le montant de sa pension de retraite est revalorisé pour l’avenir ;

 si le calcul est moins favorable, le montant de la pension initiale est maintenu.

  1.   la durée d’assurance requise pour bénéficier d’un départ à la retraite à taux plein serait abrogée
    1.   Le droit existant
      1.   La loi « Touraine » a augmenté la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein

L’article L. 161‑17‑3 du code de la sécurité sociale a été introduit par la loi  201440 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite. Il fixe à 172 trimestres, soit 43 annuités, la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973, pour l’ensemble des fonctionnaires et des salariés du secteur privé.

Cette loi prévoit la mise en œuvre progressive de ses dispositions à raison d’un trimestre supplémentaire toutes les trois cohortes pour atteindre 172 trimestres à partir de la cohorte née en 1973 dès 2035.

Bornes d’âge fixÉes par la loi « touraine »

Génération concernée

Durée d’assurance requise

(en trimestres)

1er janvier 1958 – 31 décembre 1960

167

1er janvier 1961 – 31 décembre 1963

168

1er janvier 1964 – 31 décembre 1966

169

1er janvier 1967 – 31 décembre 1969

170

1er janvier 1970 – 31 décembre 1972

171

Nés à partir du 1er janvier 1973

172

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

En outre, la loi « Touraine » étend l’allongement de la durée de cotisation aux fonctionnaires à travers l’insertion à l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires d’un renvoi à l’article L. 161‑17‑3 du code de la sécurité sociale.

  1.   La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a accéléré le calendrier de la loi « Touraine »

L’article 10 de la loi n° 2023270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale a accéléré le calendrier de majoration de la durée d’assurance requise issu de la loi « Touraine » en portant à 43 annuités la durée requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein dès 2027, soit pour la génération née en 1965, contre 2035 et à partir de la génération née en 1973 comme initialement prévu. Le relèvement s’effectue à partir du 1er septembre 2023 au rythme d’un trimestre par an, et non plus d’un trimestre tous les trois ans. L’âge d’annulation de la décote à 67 ans a été maintenu.

Ce relèvement est applicable aux fonctionnaires dans les conditions du régime général ([52]).

Évolution de la durée de cotisations requise pour bénéficier
d’une retraite à taux plein en application de l’article 10
de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale

Génération concernée

Durée d’assurance requise avant la LFRSS 2023

(en trimestres)

Durée d’assurance requise après la LFRSS 2023

(en trimestres)

Hausse de la durée d’assurance requise en application de la LFRSS 2023

(en trimestres)

1er janvier – 31 août 1961

168

168

0

1er septembre – 31 décembre 1961

168

169

1

1962

168

169

1

1963

168

170

2

1964

169

171

2

1965

169

172

3

1966

169

172

3

1967

170

172

2

1968

170

172

2

1969

170

172

2

1970

171

172

1

1971

171

172

1

1972

171

172

1

1973

172

172

0

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

  1.   Le dispositif proposÉ : abroger les dispositions paramÉtriques de la rÉforme de 2023 et de la loi « touraine » pour les salariÉs du secteur privÉ et les fonctionnaires

● Le 2° du I modifie l’article L. 161‑17‑3 du code de la sécurité sociale afin de revenir sur le calendrier de la réforme « Touraine » accéléré par la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale. Il requiert de tous les assurés, nés à partir du 1er janvier 1961, 168 trimestres d’assurance pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Évolution de la durée de cotisations requise pour bénéficier
d’une retraite à taux plein en application du dispositif proposé

Génération concernée

Durée d’assurance requise

(en trimestres)

1er janvier 1958 – 31 décembre 1960

167

À partir du 1er janvier 1961

168

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

● Le III rétablit l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale. Ainsi, le dispositif proposé :

– supprime le renvoi à l’article L. 161‑17‑3 du code de la sécurité sociale, qui fixe la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein, pour rétablir la rédaction antérieure au 1er septembre 2023 permettant aux fonctionnaires et aux militaires de partir en retraite à taux plein sous réserve d’une durée d’assurance ramenée à 160 trimestres ;

 rétablit le II, abrogé par loi de financement rectificative de la sécurité sociale, prévoyant que le nombre de trimestres requis au premier alinéa de l’article L. 13 évolue dans les conditions définies à l’article 5 de la loi n° 2003775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Ce dernier établit notamment une majoration progressive de la durée d’assurance alignée sur le régime général ainsi qu’un principe de garantie générationnelle selon lequel tout assuré atteignant l’âge de 60 ans est certain que la durée d’assurance qui lui est applicable restera stable ;

 rétablit le III, abrogé par loi de financement rectificative de la sécurité sociale, précisant, pour les générations nées à partir de 1958, que l’évolution de la durée d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein s’effectue dans les conditions fixées par l’article L. 161173 du code de la sécurité sociale. Concernant les assurés des catégories actives de la fonction publique susceptibles de partir en retraite avant l’âge de 60 ans, une dérogation au principe de garantie générationnelle est prévue ([53]). La durée d’assurance exigée est en effet fixée selon l’année d’ouverture des droits dans la fonction publique, non en fonction de l’année de naissance ([54]).

● Le VI modifie l’article 5 de la loi n° 87‑563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein y est différente de celle de droit commun afin de tenir compte des spécificités de l’archipel. Le dispositif proposé aligne ces dispositifs à 168 trimestres pour les assurés nés à partir de 1965 puisque la durée requise pour les générations précédentes est d’ores et déjà inférieure à 168 trimestres.

évolution proposée de la Durée d’assurance requise pour bénéficier
d’un départ en retraite à taux plein à saint-pierre-et-miquelon

Génération

Durée d’assurance requise

(en trimestres)

1961

162

1962

164

1963

166

1964

167

À partir de 1965

168

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

  1.   les modifications apportées par la commission

À l’initiative de Mme Prsica Thevenot et des membres du groupe Ensemble pour la République, la commission a adopté un amendement prévoyant la communication par la Caisse nationale d’assurance vieillesse d’informations sur le cumul emploi-retraite aux assurés atteignant l’âge légal d’ouverture des droits (c du 1° du I).

En outre, la commission a adopté un amendement de coordination ( bis) et trois amendements rédactionnels (X) présentés par le rapporteur.

*

*     *


Adopté par la commission sans modification

L’article 2 de la présente proposition de loi gage la charge et la perte de recettes résultant des dispositions précédentes pour les organismes de sécurité sociale sur l’accise sur les tabacs.

Le présent article correspond à l’usage du « gage » de la charge que représente la proposition de loi sur la taxe assise sur le tabac prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

En effet, la mise en place d’un âge d’ouverture des droits à 62 ans représente pour les organismes de sécurité sociale :

– une charge puisque l’abaissement de l’âge d’ouverture des droits constitue une extension des droits des assurés entraînant une hausse du montant total et de la durée des pensions versées ;

– une perte de recettes à raison de la baisse de cotisations sociales résultant de la réduction de la durée d’activité.

La pratique du « gage de charge » s’appuie sur de nombreux précédents confirmés par les rapports d’information successifs des présidents de la commission des finances de l’Assemblée nationale :

– le rapport d’Éric Woerth de 2022, selon lequel « conformément à une tradition établie et favorable à l’initiative parlementaire, la délégation du Bureau tolère l’inscription à l’ordre du jour de propositions de loi dont l’adoption aurait pour conséquence une violation des dispositions de l’article 40 de la Constitution en aggravant une charge publique. Pour cela, il suffit que la proposition de loi considérée comporte un gage de charge, manifestant que le fait que la charge qu’elle comporte a été repérée, mais tolérée » ([55]) ;

– le rapport de Gilles Carrez de 2017, aux termes duquel « la délégation du Bureau chargée de l’examen de la recevabilité financière admet la recevabilité d’une proposition de loi qui crée ou qui aggrave une charge publique, si celle-ci est assortie d’un gage de compensation » ([56]) ;

– le rapport de Jérôme Cahuzac de 2012, pour lequel « la délégation du Bureau admet traditionnellement la recevabilité d’une proposition de loi qui crée ou aggrave une charge publique si celle-ci comporte un gage de compensation » ([57]).

La conséquence financière de l’allongement de la durée d’assurance requise par la réforme « Touraine » de 2014 a été évaluée, dans l’étude d’impact annexée à la loi précitée du 20 janvier 2014, à 5,4 milliards d’euros en 2030 et 10,4 milliards d’euros en 2040 ([58]).

L’effet du recul de deux ans de l’âge d’ouverture des droits à la suite de la loi du 14 avril 2023 a été évalué, pour l’ensemble des régimes de retraites, dans le tableau ci-après.

Rendement estimé à la suite de la loi du 14 avril 2023 (en milliards euros)

Année

0,27

2023

3,3

2024

5,3

2025

7,5

2026

8,2

2027

14,1

2030

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale à partir du rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites de janvier 2023.

Les recettes supplémentaires liées à la réforme des retraites 2023 ont été estimées à :

– 1 milliard d’euros en 2025, 2 milliards d’euros en 2026 et 7 milliards d’euros à l’horizon 2030 par la Cour des comptes ([59]) ;

– 3,4 milliards d’euros en 2025, 6,6 milliards d’euros en 2026 et 12,6 milliards d’euros en 2030 par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ([60]).

Effet de relèvement des mesures d’âge sur les masses de prestations de droit direct (hors aspa), de cotisations sociales (hors cotisation équilibre employeur) et sur le solde financier en milliards d’euros courants

Md€ courants

2025

2026

2027

2028

2029

2030

2031

2032

2035

2040

Prestations

- 2,6

- 4,7

- 6,2

- 7,5

- 8,4

- 9,1

- 10,2

- 11,2

- 10,3

- 7,0

Cotisations

0,9

1,8

2,4

2,9

3,3

3,5

4,0

4,5

4,5

4,0

Solde

3,4

6,6

8,6

10,4

11,7

12,6

14,2

15,7

14,8

11,1

Source : réponse de la Cnav au questionnaire du rapporteur.

L’impact financier de l’abrogation de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a également fait l’objet de plusieurs estimations. L’Institut Montaigne a évalué son coût à 0,3 point de PIB, soit 9 milliards d’euros en 2024 et 8,2 milliards d’euros à horizon 2027 ([61]). L’économiste Michael Zemmour a estimé, quant à lui, l’impact d’une abrogation de la réforme des retraites de 2023 entre 20 et 22 milliards d’euros en 2030 ([62]).

Le rendement actuel des accises sur le tabac est estimé à 14,2 milliards d’euros en 2023 par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ([63]). Par conséquent, le gage compense le montant de la charge et la perte de recettes de manière crédible.

*

*     *

Adopté par la commission sans modification

L’article 3 de la présente proposition de loi crée une contribution additionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières.

Afin d’assurer le financement de l’abrogation de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2023, le présent article crée, au sein d’un nouvel article 224 du code général des impôts, une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des sociétés pétrolières et gazières, couramment appelée « taxe sur les superprofits ».

● Le I dispose que cette contribution serait uniquement due par les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros et dont le résultat imposable au titre de l’impôt sur les sociétés est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019. Ainsi, elle ne concernerait au plus que 294 grandes entreprises en France sur les 4,5 millions d’entreprises existantes ([64]) ;

 

 

Le taux d’imposition est progressif afin de ne taxer que les bénéfices exceptionnels à travers des seuils élevés :

– 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019 ;

– 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019 ;

– 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019.

● Le II détaille les modalités de calcul, de paiement et de recouvrement de la contribution :

– le A précise que le chiffre d’affaires s’entend comme celui réalisé par l’entreprise redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition ramené à 12 mois le cas échéant ;

– le B dispose que la contribution est due par la société-mère, pour les sociétés régies par les articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, afin de limiter les tentatives de contournement par filialisation ([65]) ;

– le C ajoute que les réductions et crédits d’impôts de toute nature ne sont pas imputables à la contribution ;

– le D exonère les profits résultant d’opérations d’acquisition ou de cession d’actifs, pour la fraction imposable correspondante. Par exemple, une société qui en absorberait une autre pourrait voir son bénéfice augmenter sans lien avec les bénéfices exceptionnels ou « superprofits » qui constituent l’objet du présent article ;

– le E aligne les modalités de contrôle et de recouvrement de la contribution sur celles de l’impôt sur les sociétés.

● Le III rend l’ensemble des dispositions de cet article applicables, à compter de la publication de la loi, jusqu’au 31 décembre 2026 afin de consacrer le caractère temporaire de cette contribution exceptionnelle.

● Le IV formule une demande de rapport d’évaluation provisoire au Gouvernement avant le 31 décembre 2025 et d’un rapport d’évaluation définitif avant le 31 juillet 2027 afin de renforcer l’information du Parlement et de permettre le réajustement de la contribution.

 

● Le rendement d’une telle contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des sociétés pétrolières et gazières a été évalué entre 7,1 milliards et 41 milliards d’euros par l’institut des politiques publiques en 2022 ([66]). Par conséquent, la création d’une telle contribution permettrait de financer durablement les effets de l’abrogation de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2023.

*

*     *

 


–– 1 ––

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa première réunion du mercredi 20 novembre2024, la commission examine la proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans (n° 438) (M. Ugo Bernalicis, rapporteur) ([67]).

M. le président Frédéric Valletoux. Nous examinons aujourd’hui quatre propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de la journée réservée du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, le jeudi 28 novembre.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur. Je vous propose de revenir sur la réforme de 2023, que le Parlement et le pays tout entier ont vécue comme une injustice.

Cette réforme a passé l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. Elle était injuste dans la forme, ayant fait l’objet d’un passage en force assumé, grâce au recours combiné à un nombre incroyable d’articles de la Constitution : l’article 47-1 pour contraindre les délais, en passant par un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) ; l’article 44, alinéas 2 et 3 ; le fameux article 40 ; pour finir, l’article 49, alinéa 3, évidemment. C’est une injustice démocratique majeure : l’Assemblée nationale n’a jamais adopté la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, ce qui la rend illégitime.

Elle est d’autant plus illégitime que le pays l’a largement rejetée, comme le montrent les sondages : plus de 70 % des Français, et 93 % des actifs, sont contre la retraite à 64 ans. Partout, les mobilisations ont été historiques, réunissant plus de 3,5 millions de manifestants – un record. Enfin, le Nouveau Front populaire, qui avait inscrit dans son programme l’abrogation de la réforme, est arrivé en tête le 7 juillet.

Sur le fond, il s’agit d’une injustice sociale. On a volé deux ans de vie aux gens ; on leur a volé deux ans de choix. En effet, le rehaussement de l’âge légal de la retraite est au cœur de la réforme. Les femmes en sont les principales victimes, alors qu’elles partaient déjà plus tard que les hommes et que leurs carrières sont dites hachées. Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), la réforme retardera de neuf mois le départ des femmes nées en 1972, contre cinq mois seulement pour les hommes. Ainsi, elles participent davantage à l’effort. En sont également victimes ceux qui exercent les métiers les plus pénibles – à 55 ans, l’espérance de vie des ouvriers est trois ans inférieure à celle des cadres –, et ceux qui sont éloignés de l’emploi – pour eux, ce seront deux ans de plus passés aux minima sociaux. On connaît l’effet d’éviction, que l’ex-majorité relative macroniste n’avait pas anticipé : la mesure viendra grever d’autres dépenses sociales. Les jeunes, enfin, en souffriront : ils cotiseront davantage mais percevront sans doute des pensions inférieures à celles actuellement versées. Car l’abaissement des pensions sera votre seul levier pour équilibrer le système dans le temps.

En plus d’être injuste, cette réforme est économiquement inefficace. C’était pourtant l’objectif affiché : selon Emmanuel Macron et ses amis, le rehaussement de l’âge de départ était la martingale à même d’équilibrer le système de retraite ad vitam aeternam, en le finançant à hauteur de 13 % du PIB. C’est encore raté, et l’échec n’est pas pour dans dix ou vingt ans : dès 2024, vous réussissez la prouesse d’augmenter le déficit du régime de 0,2 point de PIB, selon le COR. Pire, ce dernier estime qu’il s’aggravera encore, de 0,4 % supplémentaire en 2030 et de 0,8 % en 2070.

Certaines mauvaises langues diraient que l’objectif était non d’équilibrer le financement, mais de faire travailler plus de gens plus longtemps, pour équilibrer les finances publiques, en augmentant les rentrées fiscales. M. Le Maire était encore ministre ; peut-être saviez-vous déjà que les comptes de l’État allaient droit dans le mur à cause du déficit abyssal que vous avez laissé – 60 milliards d’euros manquants dans les caisses, ça pousse à faire trimer les autres davantage ! De surcroît, il s’avère que vos projections économiques étaient mauvaises. Tout cela mis bout à bout, 3 milliards d’euros manquent.

Pour réparer ces injustices, quoi de mieux que l’abrogation ? Elle ramènerait l’âge légal de départ à 62 ans et le nombre d’années de cotisation à quarante-deux, afin que l’âge de départ effectif soit le plus proche possible de 62 ans. Finalement, c’est redonner le choix, à partir de 62 ans, de continuer ou de partir – il faut pouvoir choisir.

Par ailleurs, le texte tend à conserver les aspects positifs de la réforme de 2023 : les dispositifs relatifs aux carrières longues, qui seront quelque peu élargis, et le minimum contributif. Il s’agit de l’arnaque qui consistait à mettre en avant une pension minimum de 1 200 euros pour une carrière complète, alors que, selon les caisses, seules 10 000 à 20 000 personnes seront concernées. D’autres ont touché entre 1 et 80 euros de minimum contributif, en fonction de leur situation. Nous le maintenons, parce que c’est un peu mieux que si c’était pire, comme j’aime à le dire.

Vous arguerez que l’abrogation entraînera le système dans le mur, mais votre réforme l’y conduit déjà. Il faudra résoudre le problème économique. Comme pour le projet de loi de finances (PLF), c’est une affaire non pas de dépenses, mais de recettes. Or vous ne voulez pas entendre parler de la hausse des cotisations. Vous les avez pourtant augmentées pour 2024, sans l’assumer politiquement ni en débattre, pour éviter que la faille de votre propre réforme ne descende aux abysses.

La réforme que nous défendons coûtera 4 à 5 milliards d’euros en 2025 ; ce coût augmentera ensuite progressivement, pour atteindre 10 à 15 milliards en 2030 – on a le temps de voir venir. On l’avait d’ailleurs déjà, selon l’ancien président du COR. Le Fonds de réserve pour les retraites laisse un délai pour trouver des financements supplémentaires. Les membres de notre groupe ont défendu un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, tendant à instaurer une surcotisation sur les salaires supérieurs à deux plafonds annuels de la sécurité sociale (Pass), et une sur-surcotisation sur ceux supérieurs à quatre Pass. Ce dispositif aurait financé l’abrogation de la réforme des retraites dès la première année. Nous ne pouvons proposer de mesures de cette nature pour augmenter les recettes dans le cadre d’une proposition de loi, qui ne peut amender le PLFSS – je le regrette. On se rappellera qui a voté pour cet amendement lors de l’examen en séance, et qui a voté contre, c’est-à-dire qui est capable de financer ses réformes et qui ne l’est pas.

Si vous voulez d’autres sources de financement, nous avons l’embarras du choix. On peut évidemment augmenter les cotisations : 1 point de plus rapporterait 10 milliards d’euros, et le problème serait directement réglé. Mais je vous connais, dès qu’on augmente les recettes, vous hurlez qu’on ponctionne l’argent des gens, même si on le leur rend puisqu’il s’agit d’une caisse – c’est le propre du merveilleux système par répartition. Je peux donc également vous proposer d’augmenter les cotisations de 0,15 point par an, ce qui est très raisonnable. Selon l’économiste Michaël Zemmour, cela financerait le système sur le long terme, au-delà de l’abrogation. Une autre solution consisterait à accueillir dignement les personnes exilées : cela en ferait de nouveaux cotisants qui participent à la solidarité. Le COR a établi des projections en fonction d’hypothèses de solde migratoire compris entre 183 000 et 120 000 entrées. En restant à 183 000 entrées, on assurerait un solde migratoire positif et le problème du financement de l’abrogation de la retraite à 64 ans ne se poserait plus. L’humanité et la solidarité peuvent concourir à équilibrer le financement du système de retraite. Enfin, le texte prévoit de taxer les superprofits des sociétés pétrolières et gazières, ce qui rapporterait entre 7 et 40 milliards d’euros par an. Le problème n’est pas de financer le système mais de décider où on prend l’argent et à quel niveau.

L’abrogation est nécessaire pour des raisons démocratiques, sociales et économiques. J’ajoute que je ne suis pas favorable à une retraite à 62 ans avec quarante-deux années de cotisations. Comme les autres membres de mon groupe, je défends une retraite à 60 ans et quarante annuités. Pour plus d’explications, je vous renvoie à notre site internet où l’on peut lire la contre-proposition de 2023, toujours d’actualité. Toutefois, nous estimons qu’il est indispensable, dans un premier temps, d’abroger la réforme d’Emmanuel Macron, pour remettre les compteurs à zéro et ouvrir, avec les organisations syndicales, une discussion loyale et sincère, afin de pouvoir à terme financer une retraite à 60 ans et quarante annuités.

Je vous invite donc à voter ce texte.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Thomas Ménagé (RN). Voici venue l’heure de vérité sur l’abrogation de la réforme des retraites. Il est désormais largement admis que cette réforme était mauvaise. Premièrement, elle ne s’attaquait pas aux vraies causes du déficit de notre système : la situation globale des finances publiques ; le taux d’emploi des jeunes, des seniors et des moins qualifiés ; la natalité en berne ; la dégringolade de la productivité. C’est l’ensemble de ces éléments que les membres du groupe Rassemblement National ont mis en avant lorsque, les premiers, nous avons proposé d’abroger la réforme des retraites, à l’occasion de la niche de notre groupe. Or c’est vous, collègues de gauche, qui avez honteusement vidé notre texte de sa substance ; vous qui avez voté contre l’abrogation, simplement parce qu’elle venait du RN. Vous vous êtes opposés à ce texte pour des motifs hypocrites et politiciens, préférant votre petit intérêt à celui des Français qui travaillent et qui savent désormais, dans leur grande majorité, que seul le RN les défend.

Cependant, la réalité vous rattrape : ce matin, sans les députés du groupe Rassemblement National, rien ne sera possible, non plus que jeudi prochain, dans l’hémicycle. Sans eux, vous ne pourrez jamais abroger la réforme des retraites ; sans eux, votre proposition de loi serait à son tour vidée de sa substance. C’est donc seulement grâce au groupe Rassemblement National, le premier de cette assemblée, qui a recueilli 11 millions de voix aux élections législatives, que vous pourrez mettre fin à l’injustice de la réforme Borne.

Votre texte est le même que le nôtre. Mais nous, nous ne sommes pas sectaires. Nous n’avons qu’une seule boussole : l’intérêt général. Nous n’avons qu’une seule mission : défendre nos compatriotes. N’ayant, par conséquent, aucune raison de nous opposer à l’abrogation des pires dispositions de la réforme des retraites, nous voterons pour cette proposition de loi, avant de mettre en œuvre, en 2027, le projet de justice sociale que défendent Marine Le Pen et Jordan Bardella.

Mme Prisca Thevenot (EPR). Mesdames, messieurs de LFI, vous aimez à raison nous parler à l’Assemblée nationale des femmes et des hommes que vous rencontrez dans vos circonscriptions. À mon tour, je vous parlerai de Françoise, Gilles, Ahmed et Nadia, des prénoms qui racontent des vies et des avancées concrètes dont ils ont bénéficié grâce à la réforme des retraites. Françoise, 63 ans, mère de quatre enfants, verra ses congés parentaux valorisés. Gilles, ouvrier, a travaillé toute sa vie pour un Smic ; sa pension sera rehaussée. Ahmed, 56 ans, aidant auprès de son père handicapé, bénéficiera de nouveaux droits ; pour la première fois, son engagement sera reconnu et pris en compte. Quant à Nadia, jeune médecin libérale à Mayotte, ses prestations complémentaires vieillesse seront renforcées. Cette mesure constitue un progrès pour les professionnels de santé des territoires ultramarins, trop souvent oubliés.

Ces avancées, concrètes, améliorent la vie de tous les Français – des travailleurs, des maires, des aidants, des jeunes, de nos aînés. Pourtant, ces prénoms ne signifient rien pour vous. Un seul prénom occupe vos pensées en permanence, celui de Jean-Luc. Jean-Luc se revendique de gauche mais son groupe politique à l’Assemblée en est réduit à copier les propositions de loi du RN – vous allez finir par donner raison à celles et ceux qui vous disent plus dangereux que ce dernier. Vos méthodes ne produisent peut-être pas le même fracas que les extrêmes du passé, mais elles provoquent les mêmes dégâts : des reculs sociaux, un pays fracturé, des millions de Français sacrifiés pour satisfaire vos ambitions politiques personnelles.

Faisons le choix de défendre François, Gilles, Ahmed, Nadia, et pas Jean‑Luc, dont le populisme rejoint aujourd’hui officiellement celui de Marine !

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Il est temps de raviver le souvenir d’une république sociale. Pour ceux que le travail use, il est temps de reprendre le chemin du progrès, et d’abroger cette réforme des retraites. En défendant cette proposition de loi, nous nous faisons les héritiers d’une histoire commune, les représentants d’une France qui protège ses travailleurs et écoute son peuple.

Une réforme des retraites, c’est un choix de société. Celle de 2023 a été défendue avec des arguments fallacieux, notamment en prétendant qu’on peut travailler plus longtemps, parce qu’on vit plus longtemps, alors que c’est parce qu’on travaille moins longtemps qu’on vit plus longtemps. Il est temps de rendre aux Français les deux années de vie que vous leur avez volées. Repousser l’âge du départ à la retraite, c’est porter atteinte au droit au repos et au temps libéré. Un quart des Français les plus pauvres sont morts à 62 ans. On passe sa vie au travail en exerçant les métiers les plus pénibles et on ne profitera jamais de sa retraite. En faisant adopter cette réforme impopulaire par la violence, avec un 49.3 dont tout le pays se souvient, la Macronie assume d’être à l’origine de maladies professionnelles, d’épuisement, de souffrances, d’usure et de mort au travail.

Cette réforme va aussi à l’encontre de l’intérêt des femmes, qui travailleront sept mois de plus que les hommes, car la Macronie refuse de s’attaquer aux inégalités structurelles du marché du travail. On leur a majoritairement imposé des carrières incomplètes ; elles seront les premières soulagées de cette abrogation. Ce que vous organisez, c’est un chômage de masse. Vous voulez faire travailler plus longtemps nos aînés alors que 5 millions de personnes sont inscrites à France Travail. Au cours du XXe siècle, le temps de travail a été divisé par deux, mais la productivité a été multipliée par quarante. Vous allez contre le sens de l’histoire, qui tend à redistribuer le travail, car c’est ce qui permet à toutes et à tous de mener une vie digne. Abrogeons cette réforme, il est temps !

M. Arthur Delaporte (SOC). « Dès demain, [...] tous les vieux relèveront le front, et tous les jeunes [...] se diront du moins que la fin de la vie ne sera pas pour eux le fossé où se couche la bête aux abois... » Ces mots que Jaurès prononça en 1910 résonnent encore aujourd’hui, tant l’enjeu de notre vote est symbolique. Nous avons l’occasion de réparer une double injustice et d’apporter une réponse à Angelica, aide à domicile, à Jean, enseignant, à Luc, manutentionnaire, à Laetitia, agricultrice. Deux minutes ne suffiront évidemment pas pour évoquer ces femmes et ces hommes à qui votre loi a volé les deux meilleures années de leur vie, comme ils nous le disaient. Les femmes surtout sont concernées : cette majorité paie le plus fort prix de cette réforme cynique en raison de leurs carrières courtes et hachées ; non seulement elles sont moins payées que les hommes, mais elles devront partir encore plus tard qu’eux.

Nous avons l’occasion d’abroger votre réforme pour défendre un système plus juste. Nous avons aussi l’occasion de revenir sur la brutalisation du Parlement, bâillonné par tous les instruments à votre disposition, et de reparlementariser la vie démocratique – nous en avons besoin. Nous pouvons surtout répondre à une attente forte des Françaises et des Français, qui manifestaient si massivement dans les rues il y a un an seulement, aux côtés des syndicats unis. Nous avons enfin la possibilité d’approuver une mesure de justice sociale défendue par la gauche, qui sera demain soutenue au Sénat.

En 2010, lors de l’examen de la réforme Woerth qui revenait sur les droits conquis par la gauche, en 1981 notamment, Pierre Mauroy rappelait comment les ouvriers allaient voir leurs élus pour dire : « Je ne peux plus avancer. » Saisissons l’occasion d’avancer, pour préserver ces corps et ces vies, et leur offrir un avenir plus serein.

M. Thibault Bazin (DR). Votre proposition de loi vise à abroger la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, ainsi que celle de François Hollande. Dans notre situation, c’est irresponsable. Votre irresponsabilité budgétaire est la même que celle du RN ; vous niez les réalités démographiques et économiques – ce n’est pas sérieux.

Vous voulez abaisser l’âge légal de départ à la retraite tout en réduisant la durée de cotisation. Il y aurait donc moins de cotisants mais beaucoup plus de bénéficiaires, alors que le vieillissement de la population entraîne déjà une augmentation relative du nombre de retraités par rapport au nombre d’actifs. À moyen terme, la situation risque de s’aggraver encore, la fécondité ayant chuté à 1,68 enfant par femme. En aggravant le déséquilibre démographique, vous aggraveriez le déséquilibre financier. Le déficit ne fera donc que se creuser, pour s’établir à 14 milliards d’euros en 2030 et à 21 milliards en 2035. En 1970, on comptait 3 cotisants pour un retraité, 2 en 2000, 1,7 seulement aujourd’hui. Et vous voulez encore engendrer du déficit !

Beaucoup de nos concitoyens savent que vos propositions sont déraisonnables, qu’un tel déséquilibre leur porterait préjudice. Vos mesures instaureraient un système structurellement sous-financé, mettant en péril la retraite par répartition. Le niveau des pensions serait menacé d’une baisse durable, tandis que les cotisations des actifs pourraient augmenter, grevant d’autant leur pouvoir d’achat, sans leur assurer que leur pension future serait à la hauteur de leurs espérances. Ceux qui travaillent comme ceux qui ont travaillé perdraient donc du pouvoir d’achat : c’est inacceptable.

Bien conscients de l’équation, les Français attendent plus de justice sociale et une amélioration du système de retraite. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a indiqué que certaines faiblesses pouvaient être corrigées, concernant notamment les retraites progressives, l’usure professionnelle et l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous devons engager un dialogue avec les partenaires sociaux pour réfléchir à des aménagements raisonnables et justes de la loi.

M. Alexis Corbière (EcoS). Les membres du groupe Écologiste et Social voteront pour ce texte. Nous ouvrons sans doute le débat le plus important de la législature, au carrefour entre la question sociale et la question démocratique, les deux grands sujets qui déchirent la société.

La contre-réforme des retraites de 2023 est injuste socialement. Actuellement, 40 % des travailleurs ne restent pas en emploi jusqu’à 62 ans ; avec son application, 110 000 personnes supplémentaires basculeront dans les minima sociaux et, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, on comptera 280 000 nouveaux demandeurs d’emploi.

Le problème est aussi démocratique. Collègues macronistes, si vous vous demandez pourquoi vous avez subi une défaite aux dernières élections, sachez que l’explication réside dans l’adoption de cette réforme. On ne peut impunément recourir au 49.3 pour imposer à un peuple une mesure dont il ne veut pas. C’est le théorème de Macron : toute force politique non majoritaire plongée dans l’action illégitime pour infliger au monde du travail des reculs sociaux sera rudement battue. Il s’agit maintenant de respecter les électeurs. Deux tiers des citoyens qui sont allés voter aux dernières législatives ont choisi des forces politiques qui défendaient l’abrogation de la réforme. Même si vous soutenez cette dernière, respectez leur demande.

Le 8 juin 2023, les forces de la NUPES ont prêté serment d’abroger la réforme des retraites. Respectons le programme du Nouveau Front populaire, au fondement de notre mandat : la suppression de la réforme figure en tête des propositions, il est temps de l’appliquer. Ne vous obstinez pas à défendre un texte dépourvu de toute légitimité, injuste socialement. C’est le président Macron qui a voulu la dissolution ; respectez le vote. Le message est clair : abrogation de la réforme des retraites.

M. Nicolas Turquois (Dem). Dans la série Annulation de la réforme des retraites, nous allons découvrir l’épisode 18. Privilège du député que je suis, j’ai eu un accès exclusif au script ; il ressemble furieusement à celui de l’épisode 17, lui-même jumeau du 15 et du 16. Certes, le réalisateur a changé, mais les acteurs sont les mêmes. La blonde Chimène à droite et l’invisible Rodrigue à gauche vont-ils, cette fois, unir leurs forces ? Dans le précédent épisode, spin-off du RN, Rodrigue a éconduit Chimène. Cette fois, pris de remords, il va essayer de la séduire. Y arrivera-t-il ? Le groupe politique du bloc central conserve le rôle d’affreux méchant, avide de chair humaine et d’argent.

Pourtant, dans l’épisode initial, compte tenu du rapport toujours plus défavorable entre le nombre d’actifs et le nombre de retraités, les membres de ce groupe avaient défendu des mesures à même de protéger le système par répartition, en demandant des efforts certes importants, mais équilibrés. Ils avaient aussi voulu corriger des injustices, notamment en revalorisant des petites pensions, en permettant des départs anticipés pour les carrières longues, en favorisant les retraites progressives, en instaurant une assurance vieillesse pour les aidants, en renforçant le compte professionnel de prévention. Mais considérant que tout cela n’est que balivernes, Rodrigue va sortir le grand jeu : les taxes, exorbitantes, sur le tabac, qui transféreront massivement la consommation sur des cigarettes d’importation, et l’imposition des superdividendes qui, par nature, ne sont pas pérennes. Quoi de mieux ?

Du reste, Rodrigue doit avoir des problèmes de mémoire. En contradiction avec le texte qu’il déclamait il y a encore quelques mois, il ne défend plus l’objectif commun du droit à la retraite à 60 ans, ni la prise en compte du revenu de solidarité active pour valider des trimestres, ni l’indexation du montant des retraites sur les salaires.

C’est un vrai soap opera ! L’épisode aurait été bien plus captivant si la proposition avait été de confirmer le recul de l’âge de départ et de travailler davantage sur des sujets tels que la retraite des femmes et la pénibilité. Mais cela nécessitait d’améliorer sérieusement le scénario. Notre groupe remettra donc la palme citron à ce triste feuilleton.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La journée réservée a été créée pour renforcer les pouvoirs du Parlement et valoriser l’initiative parlementaire. Il est difficile d’affirmer que l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour valorise le travail de cette assemblée.

Après avoir, discrètement, lié vos voix aux nôtres le 31 octobre pour rejeter la même proposition défendue par les membres du groupe Rassemblement National, dans l’unique but de réclamer pour vous seuls ce simulacre de victoire politique ; après avoir associé vos voix aux leurs le 4 novembre pour adopter une pseudo-abrogation de la réforme des retraites dans l’annexe du PLFSS, vous défendez un copié-collé de la proposition de loi du RN. Votre rapport n’est qu’une vague reformulation de celui, déjà lacunaire, de M. Ménagé, avec encore moins de propositions de financement.

Le système par répartition a été instauré, en 1946, sur la base de 4 actifs pour 1 retraité ; elle est aujourd’hui de 1,7 actif pour 1 retraité – ce n’est plus tenable. Pour le sauver, nous avons trois possibilités : diminuer le montant des pensions, augmenter les cotisations, travailler collectivement plus longtemps. En refusant ce choix, vous voulez faire croire aux Français que nous pouvons travailler toujours moins et recevoir toujours plus, sans affecter la dette, l’économie, le pouvoir d’achat, les taux d’intérêt, le système social tout entier. Cette vision est attrayante mais délétère. Les membres du groupe Horizons & Indépendants diront toujours la vérité aux Français sur la réalité budgétaire. Nous voterons donc contre cette proposition de loi, populiste et irresponsable.

M. Laurent Panifous (LIOT). Ce texte a le mérite de remettre sur la table un problème qui est loin d’être soldé : l’injustice, sur le fond et sur la forme, de la réforme de 2023.

Avec plusieurs députés de mon groupe, nous avions défendu, parmi d’autres idées, celle d’élargir la base de financement aux revenus du capital. La réalité budgétaire et démographique rend difficilement soutenable un financement limité aux seuls revenus du travail. Nous avons aussi insisté sur l’importance de la pénibilité, dont certains des critères introduits au fil des réformes successives ont été anormalement supprimés ces dernières années – j’espère que nous serons capables d’intégrer dans une inévitable prochaine réforme des critères objectifs. Nous soutenons également l’incitation à travailler plus longtemps pour ceux qui le souhaitent – augmenter le bonus de 5 % qui s’applique actuellement par année supplémentaire serait bénéfique pour le financement du système –, mais aussi la retraite progressive et le cumul emploi-retraite. Globalement, il faudrait réunir une conférence de financement pour étudier toutes les pistes possibles.

Ce texte tend à supprimer les deux réformes Touraine et Macron. La première était difficile mais elle était juste, car tout le monde devait cotiser un peu plus. Je défendrai un amendement en vue de la maintenir ; s’il est adopté, je soutiendrai cette proposition de loi.

M. Yannick Monnet (GDR). Nous aurions pu saisir l’occasion de l’examen de ce texte pour avoir un vrai débat de fond sur le sujet des retraites. Je suis toujours surpris du mépris que nous manifeste le bloc central : ici, ceux qui gèrent depuis sept ans le pays, dont on voit dans quel état il est, nous donnent des leçons de gestion ; là, M. Le Maire, autrefois membre du parti Les Républicains nous explique qu’on dit la vérité aux Français. Il me semble que le débat mérite notre humilité. Nous n’avons pas les mêmes projets de société, et c’est tant mieux, mais il est gênant que certains essaient d’avoir raison tout seuls – plus de 70 % des gens opposés à une réforme devraient être un indicateur.

S’agissant des leçons de gestion, l’augmentation des salaires est une proposition de financement. Cela permettrait d’augmenter les cotisations tout en réglant le problème du pouvoir d’achat. Et puisque nous pensons que la retraite doit être intégralement financée par les cotisations, l’article 3 du texte n’est pas satisfaisant à nos yeux. Mais on fait avec les outils législatifs dont on dispose : une proposition de loi doit être gagée.

J’entends dire qu’il faut sauver le régime par répartition. Par principe, il ne peut se trouver en faillite, puisque la caisse est toujours alimentée. Ce n’est pas le cas de la retraite par capitalisation, que la droite défend.

On nous oppose que notre pays est celui qui prélève le plus. Mais il faut tout comparer ! Nous avons la sécurité sociale mais nous sommes aussi le seul pays européen à disposer de la force de dissuasion nucléaire, qui coûte 20 millions d’euros par jour : nous avons aussi plus de dépenses que les autres.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Sylvie Bonnet (DR). La réforme Macron est profondément injuste ; il faut la corriger, et le Premier ministre Michel Barnier s’y est engagé. Il faut mieux prendre en compte la pénibilité, les responsabilités assumées et la situation des femmes. Corentin Le Fur et moi avons déposé une proposition de loi visant à prendre réellement en compte les trimestres acquis au titre de la maternité, afin que les femmes perçoivent une retraite décente.

Il faut être honnête avec les Français : la situation des finances publiques ne permet pas de ramener la durée de cotisation à quarante-deux annuités.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je reconnais à la gauche une certaine constance : elle suit la même voie depuis 1981 et l’adoption de la retraite à 60 ans. Mais depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Souvenons-nous de Michel Rocard annonçant que le sujet des retraites ferait tomber des gouvernements : nous y sommes !

Il est confortable d’être dans l’opposition, de critiquer et de faire des propositions démagogiques – revenir à un départ à 62 ans et pourquoi pas à 60 ! –, mais force est de constater que lorsque la gauche est au pouvoir, elle ne revient jamais sur les mesures prises.

Collègues de gauche et du RN, amusez-vous tant que vous êtes dans l’opposition, mais je vous mets au défi de présenter à nouveau ce texte d’abrogation si vous deviez un jour arriver au pouvoir ! Lorsque l’on est aux manettes, on comprend très bien qu’il n’est pas finançable.

M. Philippe Vigier (Dem). L’alliance d’un jour entre le NFP et le RN ne trompe personne. Il est tellement facile d’expliquer qu’on peut percevoir une bonne pension en travaillant moins, en mettant les déficits sous le tapis ! Pour financer le système de retraite, monsieur le rapporteur, ce ne sont pas 5 milliards d’euros qui manquent, mais 40 milliards d’euros – je vous renvoie au rapport du haut-commissariat au plan.

La réforme de 2023 était indispensable, en raison de la démographie. Contrairement à ce qu’a dit M. Monnet, si le système de retraite par répartition est à l’équilibre avec quatre actifs pour un retraité, ce n’est plus vrai avec un actif et demi pour un retraité. On le voit douloureusement dans la fonction publique, c’est ce qui rend l’équation insupportable pour les collectivités territoriales dans le projet de budget. Efforçons-nous de dire les choses honnêtement et d’améliorer les imperfections restantes.

Par ailleurs, je rappelle que la prise en considération des trimestres de grossesse résulte de l’adoption d’amendements du groupe Les Démocrates. Ces avancées sont cependant insuffisantes et nous devons aller plus loin, notamment pour les travailleurs âgés et pour les femmes. Nous serons au rendez-vous de la justice sociale et notamment de la défense des petites retraites ; systématiquement oubliées, elles sont notre cheval de bataille.

M. Hendrik Davi (EcoS). Faut-il revenir sur la réforme des retraites de 2023 ? Oui, parce qu’elle est injuste socialement : les travailleurs les plus âgés se retrouvent au chômage ou en arrêt de travail et ne peuvent partir à la retraite. Oui, parce qu’elle est injuste démocratiquement : le peuple français n’en voulait pas.

La présente proposition de loi est-elle finançable ? Oui, comme le prévoyaient les différents amendements au PLFSS que nous avons déposés : l’un d’entre eux avait notamment pour but de revoir les exonérations de cotisations sociales pour dégager 13 milliards d’euros ; un autre visait à obtenir 5 milliards en augmentant de 9,2 % à 12 % le taux de la contribution sociale généralisée sur les revenus du capital. Ces 18 milliards dépassent largement le montant nécessaire au financement du texte.

J’invite les collègues qui ont soulevé le problème, réel, du ratio entre le nombre d’actifs et le nombre de retraités, à transposer leur raisonnement au domaine de l’agriculture. En 1850, près de 52 % des Français étaient paysans et ils ne nourrissaient pas la France dans son ensemble ; ils sont désormais trop peu nombreux, mais y parviennent néanmoins, notamment grâce à l’augmentation de la productivité. Pourquoi ne comprenez-vous pas que la même évolution a concerné la population active ?

L’enjeu de l’abrogation de la réforme des retraites est celui de la répartition des richesses : les exonérations de cotisations sociales s’élèvent à près de 80 milliards d’euros alors que 70 milliards de dividendes sont versés aux actionnaires. C’est très simple !

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’air sera plus léger quand nous aurons voté l’abrogation de la retraite à 64 ans, imposée en recourant au 49.3 et toujours rejetée par 71 % des Français, dont plus de 90 % d’actifs. Vous avez arraché deux années de vie à des millions de travailleuses et travailleurs sans aucune honte, avec des mensonges sur les pensions de 1 200 euros, des violences policières et des gardes à vue arbitraires.

Qui sont, comme d’habitude avec vous, les premières victimes ? Les femmes et les hommes qui exercent les métiers les plus pénibles, que personne dans cette salle n’a exercé. Personne ici ne sait ce que c’est que d’avoir le dos cassé pour 1 000 euros mensuels, tout en étant forcé de travailler jusqu’à 64 ans, à part peut-être ma collègue Mathilde Hignet, qui était ouvrière agricole !

Le prix de vos cadeaux aux plus riches, vous le faites payer aux femmes qui traînent toute leur vie des petits salaires, des temps partiels subis, des carrières morcelées, des corps usés par des emplois pénibles au service du plus grand nombre. Avant même la réforme de 2023, 40 % des femmes partaient à la retraite après une carrière incomplète et 19 % d’entre elles attendaient d’avoir 67 ans pour éviter la décote. Déjà, elles partaient à la retraite en moyenne six mois après les hommes, au terme d’une vie professionnelle pendant laquelle elles avaient gagné 15 % de moins, à temps de travail égal.

Dès le début de l’année 2023, votre propre étude d’impact annonçait que la retraite à 64 ans allait infliger deux années complètes de décalage à une femme sur quatre ; que deux tiers des personnes qui devraient partir plus tard seraient des femmes ; que leur âge de départ augmenterait deux fois plus que celui des hommes. Votre réforme diminue aussi le niveau des pensions des femmes. Franck Riester avait vendu la mèche, vous saviez que les femmes allaient être « pénalisées par le report de l’âge légal ». Vous vous êtes pourtant dit que c’était une bonne idée ! De qui vous moquez-vous ?

Nous avons toujours été opposés à la retraite à 64 ans, aux quarante-trois annuités et au gel des pensions que vous prévoyez, parce que nous nous tenons aux côtés des trois quarts des Français opposés à cette réforme. Rendez-vous en séance publique le 28 novembre !

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). On entend beaucoup dire, notamment dans les rangs des partisans de la retraite à 64, 65 ou 66 ans – bientôt 85 ans ! –, que les chiffres sont révélateurs. Mais en langage des chiffres comme en langage des fleurs on peut dire n’importe quoi, a fortiori après avoir licencié le président du COR dont l’analyse déplaît !

De façon intéressante, notre collègue Bazin a convoqué le ratio entre cotisants et retraités, qui est le nœud de la discussion. En l’an 2000, il y avait 2 cotisants pour 1 retraité, contre 1,7 actuellement ; le ratio a reculé de 15 %. De mon côté, j’ai examiné l’évolution de la productivité du travail depuis l’an 2000 : elle a augmenté de 16 %, soit davantage que la dégradation du ratio. Cela signifie que 1,7 cotisant aujourd’hui produit plus que 2 cotisants en l’an 2000. Non seulement la dégradation du ratio n’est pas problématique, mais la situation est même meilleure qu’en l’an 2000 ! Si l’on distribuait les richesses de la même manière qu’il y a vingt-cinq ans, il n’y aurait aucun problème. Merci beaucoup, monsieur Bazin, pour votre plaidoyer visant à reprendre au capital ce qu’il a ponctionné pendant cette période pour le remettre dans les caisses de retraite.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Mme Cathala a parfaitement raison, la réforme d’Emmanuel Macron a surtout pénalisé les femmes, comme le reconnaissait en 2023 l’étude d’impact du Gouvernement expliquant que les femmes, parce qu’elles connaissent des carrières hachées et subissent davantage le temps partiel, seraient pénalisées deux fois plus que les hommes. Dès lors, il est intéressant d’entendre ses promoteurs nous expliquer qu’il s’agit d’une réforme de justice sociale !

Le problème du financement du système de retraite tient à la politique économique menée par Emmanuel Macron et ses prédécesseurs. On peut financer ce système si l’on est capable de mener une politique économique créant de la richesse et des emplois, et favorisant la productivité et la réindustrialisation. Essayez de redresser les résultats piteux des gouvernements depuis sept ans plutôt que de faire payer aux Français le prix de votre incompétence !

Enfin, vous utilisez l’appui du groupe RN à cette abrogation pour stigmatiser ceux qui la soutiendraient, alors qu’elle est souhaitée par plus de 70 % des Français ! S’adjoindre les voix du RN, ce n’est pas pactiser avec le diable puisqu’elles sont indispensables à l’adoption du texte. En tout état de cause, nous serons particulièrement fiers de contribuer à revenir sur cette réforme profondément injuste, imposée à coups de 49.3 contre la volonté populaire.

M. Laurent Baumel (SOC). Chers collègues macronistes et de la Droite Républicaine, vous avez le droit d’avoir un tropisme idéologique. Dans vos milieux politiques et économiques, la réforme des retraites représente depuis plusieurs décennies une sorte de totem, qui vous conférerait une forme de responsabilité par rapport aux finances du pays. Vous vous sentez obligés de mener cette réforme, quels que soient les arguments, objectifs ou non, relatifs à sa nécessité, poursuivant ainsi votre idée fixe. Or le peuple l’a massivement rejetée et elle n’a pu être adoptée que grâce au recours au 49.3.

Certes, cette assemblée est dépourvue de majorité absolue et la gauche ne dispose que d’une majorité relative – un peu plus solide que la vôtre –, mais regardez ce qui s’est passé dans le pays ! Vous devriez en tenir compte, si vous avez un peu de conscience démocratique, et entendre la nécessité de revenir sur cette tâche du second quinquennat Macron.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le peuple sera toujours majoritairement opposé à cette réforme, pour une raison simple : repousser l’âge de départ à la retraite est injuste, a fortiori si vous supprimez les critères de pénibilité. Il est incroyable que vous ne l’entendiez pas ! Posez-vous la question : à quoi sert la démocratie ? Quel est le rôle d’un représentant du peuple ?

Madame Thevenot, vous avez évoqué Françoise, qui est venue vous dire à quel point elle était contente de sa situation, mais elle n’a sans doute pas fait le siège de votre permanence pour réclamer deux ans supplémentaires de travail. Et quand bien même voudrait-elle travailler plus longtemps, elle n’a pas besoin de cette réforme pour le faire.

Pour mener à bien cette réforme, vous avez choisi de ne pas toucher aux cotisations sur les hauts salaires, ce qui la rend particulièrement injuste et en fait un impôt sur le corps des plus précaires, au bénéfice des détenteurs des emplois les moins pénibles et les mieux payés.

La question n’est pas tant l’âge de départ que le taux d’emploi des plus de 55 ans. Il aurait suffi d’une politique volontariste de remise à l’emploi de ces derniers pour résoudre le problème du financement des retraites. Cet aspect a été passé sous silence, au profit d’une réforme autoritaire qui s’impose à tous. Bien au-delà de votre camp, qui a fondu lors des dernières élections, ce que vous faites abîme la démocratie tout entière.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Je ne peux m’empêcher de penser au film Un jour sans fin, tant nous réitérons nos discussions sur la réforme des retraites. En tant que rapporteure du PLFRSS, que j’ai défendu avec conviction, je me souviens bien du débat initial qui a duré plusieurs semaines.

Notre désaccord porte sur un principe fondamental. En raison de l’évolution démographique, les actifs, sur lesquels repose le financement du système de retraite par répartition, sont de moins en moins nombreux. Pour protéger ce système, comme nous le souhaitons tous, trois solutions s’offrent à nous : augmenter les cotisations, diminuer les pensions ou repousser l’âge de départ à la retraite. Nous avons choisi cette dernière solution pour préserver le pouvoir d’achat des actifs et des retraités. Vous ne partagez pas notre vision et vous n’approuvez pas ce choix, mais soyons honnêtes : si la réforme de 2023 est abrogée, les salariés pourront certes partir à la retraite à 60 ans, mais avec une pension plus faible – si elle est encore versée – et un pouvoir d’achat diminué.

Mme Béatrice Bellay (SOC). À l’heure où plusieurs territoires, dont la Martinique, sont en proie aux révoltes, certains ne veulent manifestement pas comprendre qu’une partie de la population vit, malgré son travail, dans la plus grande des misères et refuse d’être privée de deux années de vie exemptes de travaux parfois pénibles, après des carrières hachées et mal payées.

Ce ne sont pas tant vos choix idéologiques qui nous surprennent, que votre mépris pour la démocratie et pour les Français, qui vous ont dit non. Vous persistez, inlassablement, dans votre refus de les entendre, avec des 49.3 à répétition et aujourd’hui, alors que l’on vous donne l’occasion de changer d’avis, vous signez !

Ces dernières années, vous nous avez donné des leçons sur bien des sujets, notamment votre capacité à gérer la France en bon père de famille, ou plutôt en banquier. Nous avons surtout remarqué que vous êtes les pires élèves qu’on ait jamais vus en la matière : le congrès de l’Association des maires de France se tient juste après la proposition la plus infâme concernant les dotations aux collectivités territoriales. De grâce, ne nous donnez pas de leçons ! Certes, nos avis divergent, mais c’est celui des Français auquel vous devez vous conformer.

Mme Océane Godard (SOC). Je ne reviens pas sur l’adoption brutale de cette réforme des retraites, en 2023, qui a scellé un véritable divorce entre le peuple et le pouvoir, entérinant la détérioration profonde de l’esprit de la démocratie. Elle a rompu la confiance et a remis en question la légitimité du pouvoir alors en place, dont l’autorité naturelle a été abîmée. C’est cela dont nous avons conscience et que nous exprimons aujourd’hui.

À aucun moment celles et ceux qui défendent cette réforme ne parlent de la réalité du marché du travail ni ne prennent en considération le souhait des Français d’une meilleure conciliation de leur vie personnelle et de leur vie professionnelle. La place du travail a évolué, les Français ne sont plus prêts à sacrifier leur vie pour la gagner ! Vous ne tenez pas davantage compte des mutations économiques qui transforment les métiers, octroyant une place beaucoup plus importante à la formation et aux compétences. Les vies sont plus longues – tant mieux –, mais se déroulent en séquences plus courtes. Nous regrettons que vous soyez dans le déni de ces réalités.

M. Didier Le Gac (EPR). Je peux entendre que LFI et le RN s’opposent, pour des raisons différentes, à cette réforme prévoyant l’allongement de la durée du travail et s’accordent sur ce texte, mais j’ai du mal à entendre les deux dernières oratrices, du Parti socialiste, nous expliquer que les carrières hachées pénalisent les travailleurs, alors que la réforme Touraine prévoyait quarante-trois ans de cotisations ! Cela signifie que quelqu’un qui a commencé à travailler à 23 ans et dont la carrière est hachée ne peut pas partir à la retraite avant 64 ou 65 ans. Vous parlez de la confiance du peuple, mais commencez par lui dire la vérité ! Vous avez beau jeu de critiquer cette réforme, mais soyez cohérents avec les mesures prises par votre parti !

Mme Karine Lebon (GDR). J’ai failli bondir quand Mme Thevenot a parlé d’un médecin libéral de Mayotte, parce que les outre-mer ont été particulièrement touchés par votre réforme.

À l’exception de Mayotte – un colloque entier ne suffirait pas à épuiser les sujets relatifs aux inégalités dont elle souffre –, c’est à La Réunion que l’on touche les pensions les plus faibles ; 37 % de la population y vit sous le seuil de pauvreté, contre 13 % dans l’Hexagone. Les retraités réunionnais touchent en moyenne 1 160 euros bruts par mois, soit 28 % de moins que ceux de l’Hexagone, ce qui les place sous le seuil de pauvreté ; la moitié d’en eux perçoivent un montant brut inférieur à 850 euros par mois – soit 43 % de moins. Qu’est-ce qu’on peut faire avec cette somme ? Les Réunionnais sont particulièrement nombreux à dépendre du minimum vieillesse : 17 %, contre 4 % dans l’Hexagone. Les seniors réunionnais sont trois à quatre fois plus nombreux à être pauvres.

Quand on est réunionnais, on ne peut pas cautionner votre réforme, rejetée par 70 % de la population française. Les macronistes de mon territoire n’ont d’ailleurs pas fait ce choix : le président du département, qui soutenait Emmanuel Macron, a demandé au gouvernement précédent de revenir dessus, et à tout le moins de ne pas l’appliquer outre-mer. Mais comme toujours, vous avez fait kom zoreil cochon dans marmite pois – la sourde oreille.

M. le rapporteur. Vos nombreuses interventions confirment l’importance de ce texte. Avant tout, je voudrais clarifier certains points, évoqués notamment par les députés du groupe EPR. Vous faites valoir les avancées de la réforme de 2023 concernant les plus petites pensions, notamment le minimum contributif ; soyez rassurés, cette proposition de loi d’abrogation n’a pas pour but d’y toucher, pas plus qu’aux autres avancées.

En revanche, ce que vous ne dites pas, c’est que votre réforme ne permet pas d’atteindre l’équilibre financier, et ce, dès 2024. J’ai moi-même eu du mal à le croire, mais elle est ratée dès le départ ! C’était pourtant ce qu’on nous avait vendu : « vous trimerez plus, mais le système des retraites sera mieux financé ». Ce n’est pas le cas, parce que les paramètres que vous avez mis en avant – la durée des cotisations et la démographie – ne sont pas les seuls à entrer en ligne de compte. Vous avez habilement évacué la question des recettes et délaissé celle de la productivité. Je m’attendais à des interventions mettant en avant le taux d’emploi, en particulier celui des seniors, sujet défendu par l’ancienne majorité relative. On comprend que vous n’en ayez pas parlé, puisque vous n’avez atteint aucun des objectifs annoncés initialement.

Votre politique économique passée, tout comme celle qui s’annonce pour 2025, reposant sur la réduction des dépenses publiques, va nous conduire à une récession qui ne va améliorer ni les comptes de la sécurité sociale ni la situation des retraites. Les projections du COR en tiennent d’ailleurs compte. Vous avez finalement renoncé à améliorer la productivité, parce qu’elle dépend en particulier de la qualité de vie au travail tout au long de la carrière. Or celle-ci se dégrade, en raison des différentes réformes du marché du travail que vous avez menées, prévoyant notamment la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Pour être en bonne santé en fin de carrière, encore faut-il avoir été en bonne santé tout au long de sa carrière.

J’entends vos arguments en faveur de la prise en considération de la pénibilité. Cela tombe très bien, car ma collègue Gabrielle Cathala défendra tout à l’heure une proposition de loi visant à reconnaître la pénibilité des métiers « féminisés », qui exaucera vos vœux. Je ne doute donc pas de votre soutien, à moins que vous ne fassiez preuve de la même hypocrisie que lors de vos interventions matinales.

La gauche, avec constance, maintient son objectif de diminuer le temps de travail, par jour, par semaine, par année et tout au long de la vie, afin de dégager du temps choisi, pour soi ou pour la collectivité. Nous avons vu à quel point les retraités ne sont pas inactifs ; à leur manière, ils participent à la cohésion sociale et à la solidarité.

J’entends les arguments, de la droite en particulier, concernant le financement. Comme l’ont expliqué plusieurs collègues, trois solutions permettent de l’assurer : diminuer les pensions, augmenter la durée du travail ou augmenter les cotisations. Cette dernière est la solution politique que nous avons choisie ! À défaut d’augmenter les cotisations, on peut imaginer ne pas les diminuer autant que la réforme le prévoit. Les exonérations de cotisations représentant 77 milliards chaque année, on pourrait les réduire pour atteindre l’équilibre. Les sources de financement que nous proposons sont multiples, viables et chiffrées, ce qui constitue une différence notable avec le texte examiné le mois dernier. Nous ne proposons pas de jouer notre va-tout sur une hypothétique relance de la natalité, qui serait pour le moins incertaine.

Tous les ingrédients sont donc réunis pour que nous ayons un débat éclairé, serein et loyal, et que des choix politiques soient opérés. J’ai énuméré les financements supplémentaires : nous ne proposons pas de raser gratis ! M. Vigier s’inquiétait du déficit à venir en cas d’adoption de notre texte d’abrogation ; il peut déjà s’inquiéter du déficit provoqué par la réforme elle-même ! D’ici à 2070, 30 milliards d’euros manqueront, toutes choses étant presque égales par ailleurs, les projections du COR variant en fonction de différents paramètres. Notre proposition de loi tend à ajouter 20 milliards, mais nous proposons différents financements pour régler le problème de financement, comme l’augmentation des cotisations de 0,15 point pendant sept ans ou la relance de la productivité par l’amélioration de la qualité de vie au travail tout au long de la vie.

L’indexation des pensions de retraite sur les salaires figure toujours dans nos propositions, mais le présent texte vise seulement à abroger la réforme de 2023 et non à créer un système de retraite idéal. Toutefois, si vous souhaitez mettre à l’ordre du jour l’élaboration d’un tel système, il vous suffit de censurer le gouvernement Barnier et d’expliquer au président Macron qu’il doit nommer un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire, tout en vous engageant à ne pas censurer ce futur gouvernement pour qu’il puisse convoquer une conférence de financement permettant de conduire une réforme juste démocratiquement, socialement et économiquement. Joignez l’acte à la parole et laissez-nous faire !

Avec le présent texte, nous disposons de tous les ingrédients nécessaires à l’abrogation de la réforme de 2023, sans que cela empêche ceux qui souhaitent travailler jusqu’à 64 ans de le faire, avec une surcote. Avec votre réforme en revanche, un travailleur partant à 64 ans ne bénéficie plus de la surcote de 10 % qui existait précédemment ; s’il perçoit une petite pension, celle-ci n’excédera pas 30 à 40 euros bruts grâce au minimum contributif supplémentaire. Ne dites pas qu’il s’agit d’une avancée ! Quand le montant de la pension diminue pour la même durée de cotisation, c’est un recul.

Vous pouvez donc voter tranquillement pour ce texte visant à abroger la réforme de 2023. Nous nous reverrons pour débattre de son financement concret lors de l’examen du PLFSS à son retour du Sénat, ou sous le prochain gouvernement issu du Nouveau Front populaire.

 

Article 1er : Abrogation du report de l’âge légal de départ à la retraite, d’autres mesures d’âge ainsi que de l’augmentation de la durée de cotisation

Amendement de suppression AS1 de Mme Prisca Thevenot

M. le président Frédéric Valletoux. Sur cet amendement, je suis saisi par plusieurs commissaires des groupes Rassemblement National et La France insoumise - Nouveau Front Populaire d’une demande de scrutin.

Mme Prisca Thevenot (EPR). Pour toutes les raisons évoquées dans les propos liminaires et les prises de parole des députés du socle commun, nous souhaitons supprimer cet article et travailler sur les sujets de fond.

Le rapporteur l’a lui-même rappelé, l’abrogation de la réforme des retraites de 2023 vise un seul objectif : faire de la politique, non pas pour les Français, mais uniquement pour les membres de cette commission ; faire preuve de démagogie et polémiquer sans rien proposer.

Vous dites vouloir améliorer différents points de la réforme de 2023, comme la situation outre-mer – au sujet de laquelle vous avez expliqué être opposés à la revalorisation des petites pensions permise par la réforme –, la retraite des femmes, les droits parentaux et la pénibilité : faisons-le ! Cet outil législatif ne le permet pas et il est faux de faire croire le contraire.

M. le rapporteur. J’ai cru un instant me trouver dans le métavers : lorsque vous évoquiez la démagogie et la polémique, je pensais que vous parliez de vous-même. Depuis ce matin, votre seule intervention a porté sur des cas particuliers de personnes ayant touché le minimum contributif, que cette proposition de loi ne vise pas à supprimer ! Vous n’avez donc pas épuisé les arguments de fond – encore un effort !

Pour la beauté du débat, je veux bien faire semblant de vous croire, mais vous pouvez tout à fait voter ce texte si vous souhaitez maintenir le minimum contributif. Les retraités qui perçoivent les plus petites pensions seront d’ailleurs les premiers gagnants de la modification de la borne d’âge.

Je ne comprends donc pas vos arguments en faveur de la suppression de cet article. Des députés d’autres groupes ont argumenté au sujet des méthodes de financement, de la productivité ou de la démographie, mais de la part des membres du groupe EPR, je n’ai entendu que des propos dilatoires, démagogiques et polémiques, comme vous dites.

M. Thibault Bazin (DR). Monsieur le rapporteur, monsieur Clouet, vous avez raison d’évoquer la productivité : si sa croissance est au rendez-vous, l’équilibre budgétaire du système de retraite sera amélioré. Or les projections du COR varient en fonction des hypothèses de gains de productivité : au-dessus de 1,5 % de croissance par an, le système sera excédentaire, en dessous de 1,3 %, il sera déficitaire. Mais vous ne pouvez nous assurer qu’elle sera supérieure à 1,3 % par an au cours des prochaines années !

Durant la décennie qui a précédé la crise sanitaire, alors que la gauche était au pouvoir une grande partie du temps, les gains de productivité apparents du travail en emploi par tête se sont établis à 0,5 % ou 0,6 % par an. En outre, la plupart des pays avancés connaissent un ralentissement des gains de productivité. La croissance de la productivité pourra bénéficier aux salariés, mais pas aux retraités puisque les pensions n’évoluent pas en fonction des gains de productivité courante.

Monsieur le rapporteur, nous avons un désaccord profond : vous voulez augmenter les cotisations des actifs, c’est-à-dire diminuer le pouvoir d’achat des travailleurs, alors que nous voulons tout l’inverse ! C’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement de suppression.

M. Alexis Corbière (EcoS). Mme Thevenot a utilisé le mot « démagogie » : ce serait donc flatter les gens que de vouloir respecter leur souhait ?

En République, le peuple est souverain. Dès lors qu’il est très majoritairement favorable à l’abrogation de cette réforme, qu’il l’exprime par des manifestations et des mobilisations sociales, mais aussi dans les urnes, vous ne pouvez considérer que ce qu’il souhaite est démagogique ! Dire cela traduit une forme d’arrogance de votre part et une pensée profondément antidémocratique.

Vous êtes tellement persuadés d’avoir raison qu’il vous semble légitime qu’une minorité impose ses choix au plus grand nombre. Votre système intellectuel est celui de l’aristocratie, d’une petite minorité de sachants ; il est profondément antirépublicain. C’est la raison pour laquelle vous avez perdu les dernières élections, sans être capables d’en tirer aucune conclusion ! À force de réfléchir comme vous le faites, vous fabriquez une pensée autoritaire. Fort heureusement, vous êtes battus à chaque élection, mais de grâce, cessez d’utiliser ce vocabulaire hautain qui reflète votre mépris de classe ! Cessez de croire, à chaque prise de parole, que vous êtes intellectuellement supérieurs au peuple, parce que vous ne l’êtes pas !

Mme Karine Lebon (GDR). Comment ce qu’il convient d’appeler le bloc central peut-il continuer à déverser les mêmes éléments de langage alors qu’il a réussi l’exploit de mobiliser la quasi-totalité des Français contre sa réforme des retraites ? Ce n’est pas en répétant inlassablement qu’il est nécessaire et utile de faire travailler nos concitoyens deux ans de plus que vous ferez de cette affirmation une vérité. Vous prétendez défendre les plus précaires, mais vous les appauvrissez. Vous prétendez prendre en compte les métiers difficiles, mais vous ne faites qu’accentuer le problème de la pénibilité. La réforme de 2023 ne correspond en rien à l’intérêt général ; au contraire, elle se soumet aux directives des marchés financiers.

Dans l’exposé sommaire de son amendement, Mme Thevenot ose même affirmer que laisser partir les gens à la retraite à 62 ans compromettrait la stabilité financière de la sécu. Quel étrange argument pour qui n’a cessé de défendre le déploiement et le renforcement du service national universel ! Pourquoi ne pas supprimer ce dispositif inutile et très coûteux ? Voilà une idée d’économie que vous pourriez souffler au Gouvernement, au lieu de vous attaquer brutalement aux travailleurs.

Comme nous l’avions promis lors des élections législatives, nous saisissons l’occasion qui nous est offerte de revenir sur la réforme des retraites. C’est pourquoi je vous invite à rejeter l’amendement de suppression.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je ne voterai pas pour cet amendement, qui balayerait à la fois l’abrogation de la mesure d’âge prise en 2023 et celle de l’allongement de la durée de cotisation instaurée par la loi Touraine de 2014. Si la mesure d’âge est injuste et mérite d’être remise en cause, tel n’est pas le cas de la réforme Touraine qui, bien qu’impopulaire, n’en est pas moins juste.

M. Thomas Ménagé (RN). Bien entendu, nous voterons contre cet amendement de suppression. Pour s’opposer à cette proposition de loi, Mme Thevenot utilise, dans l’exposé sommaire de son amendement, les mêmes arguments que ceux qu’elle a employés il y a quelques semaines contre notre texte. Or, ni dans cette proposition de loi ni dans celle du RN, il n’est question de revenir sur la revalorisation de la retraite minimale, les départs anticipés, l’ouverture de nouveaux droits familiaux et sociaux incluant la création de pensions pour enfants orphelins jusqu’à 21 ans, le renforcement des droits des aidants familiaux ou la suppression des régimes spéciaux.

Il faut dire qu’après s’être permis, dans une diatribe digne de Mme Rousseau, experte en la matière, d’insulter Laure Lavalette, qui avait soulevé la question de la natalité lors de l’examen de la réforme des retraites en séance publique, Mme Thevenot vient de diffuser une vidéo dans laquelle elle souligne précisément la nécessité de mener une politique nataliste en vue d’un réarmement démographique...

Les arguments d’EPR, populistes et démagogiques, sont toujours à côté de la plaque quand il ne s’agit pas de fake news et de mensonges. Ainsi, Mme Rist affirme qu’il faut rejeter cette proposition de loi pour maintenir le niveau des retraites, retraites que le gouvernement Barnier est justement sur le point de désindexer.

M. Michel Lauzzana (EPR). Si nous avons réformé les retraites, c’est pour protéger notre modèle social et éviter qu’il ne s’effondre sous le poids des déficits. Au reste, ce diagnostic était partagé par la gauche de gouvernement – la vraie, pas celle qui est à la solde de LFI –, puisque, avec la loi Touraine, ils ont prolongé la durée de cotisation et ont même augmenté ces cotisations. De fait, nos déficits sont importants : aux 16 milliards d’euros que vous avez mentionnés, monsieur le rapporteur, il faut ajouter les 35 milliards de la fonction publique, soit un déficit total du régime des retraites d’environ 50 milliards. Il ne faut pas mentir aux Français. Je voterai pour l’amendement de suppression.

M. Fabien Di Filippo (DR). Je ne ferai pas le procès à M. Bernalicis de masquer ses intentions concernant le financement d’une réforme du système de retraite, comme j’avais pu le faire aux auteurs du texte du RN. Les intentions de l’extrême gauche sont claires, au contraire, et ceux qui soutiennent ce texte devront assumer leurs responsabilités devant les travailleurs, car les financements nécessaires – 3,5 milliards d’euros dès cette année, 16 milliards l’an prochain et jusqu’à 30 milliards dans les années qui viennent – seront assurés par une hausse des cotisations, c’est-à-dire par une diminution du salaire des travailleurs et une augmentation des charges des entreprises. C’est un suicide économique !

Je ne suis cependant pas de ceux qui pensent que la réforme de 2023 règle tous les problèmes, car la tendance démographique actuelle condamne le système par répartition. Or votre déni de la problématique démographique est inquiétant. Dès lors que le ratio ne sera même plus de 1,5 actif pour un retraité, imaginez le niveau que devront atteindre les cotisations pour soutenir le système : les charges des entreprises vont devenir insupportables ! Encore une fois, il est suicidaire d’approuver un tel texte.

M. Arthur Delaporte (SOC). La démagogie – puisqu’il en a été beaucoup question – me semble très bien illustrée par l’exposé sommaire de l’amendement : il y est question de tout sauf du texte. On y détaille les éléments positifs de la loi de 2023, et il y en a, comme l’article 11, relatif aux travaux d’utilité collective, qui reprenait une proposition d’une mission « flash » dont j’avais été le rapporteur. Or là n’est pas la question : ce ne sont pas ces mesures que la proposition de loi tend à supprimer, c’est la plus grande des injustices.

On continue, en outre, d’y relayer les mensonges de la propagande gouvernementale, que nous avons pourtant démontés pièce par pièce l’an dernier. Mme Thevenot affirme ainsi que la revalorisation de la retraite minimale sera « portée à 1 200 euros brut par mois, soit 85 % du Smic net » et qu’en bénéficieront chaque année « 180 000 à 200 000 personnes » alors que cette mesure – l’argument phare de la réforme ! – ne concernera, dans le meilleur des cas, que 10 000 à 20 000 personnes.

La démagogie est le fait, non pas de la gauche, mais de ceux qui s’arc-boutent sur une loi passée grâce au 49.3, contre la volonté des Français !

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il est savoureux d’entendre nos collègues du bloc central paniquer au point de relayer des fake news : on se croirait sur un plateau de CNews ! Je me dois donc d’apporter quelques rectifications.

Premièrement, la proposition de loi ne fera pas baisser les pensions.

Deuxièmement, notre texte n’est pas identique à celui du RN, qui ne comportait aucune proposition de financement. Le RN veut abroger la réforme des retraites tout en s’opposant à toute augmentation des cotisations, de sorte qu’il en est réduit à compter sur la hausse du nombre des bébés...

On nous dit que l’augmentation des cotisations pèsera sur la France qui se lève tôt pour aller travailler. Attendez, ce n’est pas cette France-là qui se gave des exonérations de cotisations sociales sur les hauts revenus ou des cadeaux que vous faites aux entreprises sans que cela ait d’effets sur l’emploi ! Le montant de ces exonérations est compris entre 80 et 100 milliards d’euros : on a de la marge pour trouver des financements alternatifs. Il s’agit donc, là encore, d’un mensonge.

Par ailleurs, notre proposition de loi n’est pas, contrairement à ce que vous prétendez, un coup de communication politique, et ce pour une raison très simple : nous sommes majoritaires ! Nous ferons donc passer le texte à l’Assemblée nationale, puis la navette se poursuivra.

Enfin, vous dénoncez un vote commun avec le RN. Mais le pays tout entier veut abroger votre réforme des retraites ! D’ailleurs, il est plus honteux de voter avec le RN sur la loi immigration que de revenir sur une réforme injuste, rejetée par la majorité du peuple français, qui sourit de votre arrogance et de votre panique face à la démocratie qui vient abroger votre réforme.

M. Philippe Vigier (Dem). S’agissant des retraites, que voient les Français ? Tout d’abord, le problème démographique, qui est évident : le nombre des cotisants n’augmente pas, et le rapporteur le sait parfaitement. Il nous dit que la réforme de 2023 n’a pas tout réglé, et c’est vrai. Mais le financement qu’il propose se traduira par des salaires moindres si l’on augmente les cotisations salariales et par un coût du travail plus élevé, donc par la destruction d’emplois, si l’on rehausse les cotisations patronales. Il est vrai que la productivité a augmenté en France, mais nous ne sommes pas isolés du reste du monde : elle a également augmenté dans les pays voisins !

Si l’on commence à travailler à 23 ans et que l’on doit cotiser pendant quarante ans, on ne pourra partir à la retraite avec un taux plein qu’à 63 ans. Il faut dire aux Français que, dans cette hypothèse, ils ne pourront partir à 60 ans qu’avec une décote. Or, ce qui leur importe, c’est le montant qu’ils percevront. Il faut leur dire la vérité !

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Puisque j’entends encore parler de charges à propos des cotisations, je rappelle que celles-ci consistent à socialiser la richesse créée, donc une partie du revenu, en faveur de la solidarité. Lorsqu’on les augmente, on diminue, non pas les salaires, mais la part du bénéfice qui va au capital. Ce faisant, on rééquilibre le partage entre le capital et le travail, et c’est d’autant plus indispensable que le montant des dividendes bat des records chaque année.

Par ailleurs, puisqu’on m’a interpellée à ce sujet, je précise que je ne suis pas experte ès natalité, mais je défends le droit des femmes à disposer de leur corps. À tous les obsédés de la natalité, je rappelle qu’il est possible d’augmenter simplement et rapidement le nombre des cotisants : il suffit d’ouvrir un peu les frontières. Parce que vous ne voulez pas de salariés étrangers en France, vous êtes prêts à assigner les femmes à la maternité !

M. le rapporteur. Il est certain, et cela n’a rien de démagogique, qu’en abrogeant la mesure d’âge prise en 2023, on offre à nouveau aux gens le choix de partir à 62 ans. C’est de ce choix que vous les avez privés, monsieur Vigier. Si nous fixons l’âge de départ à 60 ans et le nombre d’années de cotisations à quarante, celui qui a commencé à travailler à 23 ans, pour reprendre votre exemple, pourra partir à 60 ans – certes, en se voyant appliquer une décote, mais il aura le choix. À l’heure actuelle, il n’en a pas d’autre, s’il veut percevoir une retraite à taux plein, que de bosser jusqu’à 66 ans. Reconnaissez donc que le système que nous proposons est, en tout état de cause, plus avantageux et offre davantage de choix.

La réforme de 2023, dites-vous, visait à sauver notre modèle. Or le régime est déficitaire dès cette année, et il le restera sur le long terme, pour des raisons liées notamment à la productivité, laquelle dépend de la politique économique. Voilà une manifestation supplémentaire de la faillite de sept ans de macronisme !

Vous semblez vous inquiéter d’une baisse des salaires nets en cas d’augmentation des cotisations. Tel ne serait pas le cas si l’on choisissait de rehausser plutôt les cotisations patronales, mais admettons que vous disiez vrai. Soutenez alors la nomination d’un gouvernement du Nouveau Front populaire, et vous verrez : le Smic passera à 1 600 euros net et les caisses seront remplies grâce à des cotisations supplémentaires, à l’augmentation des salaires nets et à la relance de l’activité économique !

Quant à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, si elle est en difficulté, c’est parce que les collectivités, soumises à une politique austéritaire, ont cessé de recruter, si bien que leur pyramide des âges a vieilli. Quand vous créez de l’emploi public local, vous renforcez le service public, vous améliorez la vie des gens et la situation des caisses de retraite.

Enfin, il n’y a pas de dette cachée : la retraite des fonctionnaires de l’État correspond, dans le budget, y compris ceux que vous avez fait passer par 49.3, à une ligne bien visible, que vous avez adoptée. Encore heureux, du reste, car, si vous ne voulez pas de cette dette prétendument cachée, que voulez-vous ? L’emploi à vie des fonctionnaires ?

Il est inutile d’utiliser des arguments fallacieux pour rejeter l’abrogation de la mesure d’âge de 2023. Vous pouvez à présent faire un véritable choix politique, car vous savez que l’on peut financer cette mesure et, plus largement, la retraite à taux plein à 60 ans.

Il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, sur l’amendement.

Votent pour :

M. Thibault Bazin, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, Mme Sophie Delorme Duret, M. Fabien Di Filippo, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Brigitte Liso, M. Pierre Marle, Mme Joséphine Missoffe, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux et M. Philippe Vigier.

 

Votent contre :

M. Joël Aviragnet, Mme Anchya Bamana, M. Laurent Baumel, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Karim Ben Cheikh, M. Christophe Bentz, M. Ugo Bernalicis, M. Théo Bernhardt, M. Louis Boyard, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Elie Califer, Mme Gabrielle Cathala, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, M. Alexis Corbière, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Arthur Delaporte, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Gaëtan Dussausaye, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Océane Godard, Mme Céline Hervieu, Mme Mathilde Hignet, Mme Karine Lebon, M. René Lioret, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, Mme Sandrine Rousseau, M. Fabrice Roussel, M. Emmanuel Taché de la Pagerie et M. Matthias Tavel.

S’abstiennent :

M. Olivier Fayssat et Mme Hanane Mansouri

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 59

Pour : 15

Contre : 42

Abstentions : 2

En conséquence, la commission rejette l’amendement.

La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt-cinq.

Amendement AS4 de Mme Prisca Thevenot

Mme Brigitte Liso (EPR). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait. Il n’y a pas lieu d’obliger les caisses d’assurance vieillesse à informer les assurés des possibilités d’accès au cumul emploi‑retraite : elles n’en sont pas empêchées et, pour une bonne part d’entre elles, communiquent déjà cette information. Au demeurant, s’il fallait en faire une obligation, elle aurait davantage sa place dans la convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et les caisses.

Par ailleurs, ne croyez pas que le cumul emploi-retraite soit l’autre martingale qui permettrait aux retraités de percevoir un revenu satisfaisant. En tout cas, mieux vaut ne pas être licencié lorsqu’on est dans cette situation, car on ne touche pas d’indemnités chômage, de sorte qu’on retombe immédiatement dans la pauvreté. Je préfère donc que le niveau des pensions soit bon et que les minima sociaux, dont le minimum vieillesse, soient au moins égaux au seuil de pauvreté. D’autant qu’il n’est pas facile de trouver un emploi lorsqu’on est âgé, comme vous le savez vous-mêmes puisque vous déplorez le faible taux d’emploi des seniors.

M. Thibault Bazin (DR). Je suis favorable à l’amendement. Tout n’est pas blanc ou noir. Parmi les personnes qui cumulent emploi et retraite, certaines reprennent un travail parce que leur situation économique ou familiale les amène à faire ce choix. Le problème, c’est que de nombreuses femmes notamment ont des carrières incomplètes – c’est le cas de 75 % des mères – et n’ont donc pas le droit de cumuler emploi et retraite. Ainsi, on empêche de travailler ceux qui en auraient le plus besoin. C’est profondément injuste, et cet enjeu devrait nous rassembler.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS12 de M. Laurent Panifous

M. le président Frédéric Valletoux. Sur cet amendement, je suis d’une demande de scrutin public par plusieurs commissaires du groupe La France insoumise - Nouveau Front populaire.

M. Laurent Panifous (LIOT). Pour réformer le régime actuel des retraites, on dispose de trois leviers : la durée de cotisation, le montant des cotisations et l’âge légal de départ à la retraite.

Ces dernières années, la loi Touraine a modifié le premier paramètre, en portant de quarante-deux ans à quarante-trois ans la durée de cotisation. Cette réforme fut difficile – il n’est jamais facile de réformer les retraites –, mais elle touchait l’ensemble des assurés de manière équitable et égale. Puis, en 2023, la réforme Macron a repoussé l’âge légal. Cette réforme-là est apparue à beaucoup de députés de mon groupe comme injuste, dans la mesure où elle ne concernait qu’une partie des Français : celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt et dont le travail est parmi les plus pénibles.

C’est pourquoi je souscris à la proposition de revenir sur le report de l’âge légal. En revanche, je suis opposé à l’abrogation de la loi Touraine, qui s’inscrivait dans une démarche responsable : elle avait pour objet de trouver une solution au problème démographique, c’est‑à‑dire à l’évolution défavorable du rapport entre actifs et inactifs. Peut-être faudra-t-il d’ailleurs trouver une autre solution concernant le financement de notre régime de retraite, solution qui pourrait consister à étendre l’assiette de son financement aux revenus du capital. Nous avons également évoqué la question de la pénibilité.

Par cet amendement, nous proposons donc d’exclure de la proposition de loi l’abrogation de la réforme Touraine, certes dure mais juste. En tout état de cause, je ne pourrais pas soutenir un texte qui reviendrait sur les deux réformes.

M. le rapporteur. Nous ne voulons pas abaisser l’âge de la retraite à 62 ans pour faire de ce nombre un emblème. Notre objectif est que le plus grand nombre possible de personnes puisse partir à 62 ans sans subir une décote trop importante ou sans décote du tout. La durée de cotisation est donc un enjeu – vous le savez, du reste, puisqu’avant même la réforme d’Emmanuel Macron, elle conduisait les gens à partir à la retraite à un peu moins de 64 ans. C’est pourquoi nous proposons également de l’abaisser de quarante-trois à quarante‑deux annuités.

On peut discuter de la question du financement ; c’est le cœur de l’affaire. L’augmentation des cotisations que j’ai évoquée permettrait, selon le COR, de financer l’intégralité de la mesure proposée. Je me suis interrogé, car je me souviens que nous avons nous-mêmes utilisé l’argument selon lequel le report de l’âge légal avait pour conséquence de fragiliser la confiance dans le système de retraite, les gens ne le croyant plus capable de leur assurer une pension d’un niveau suffisant pour pouvoir vivre dignement, au point de se tourner vers les produits d’épargne par capitalisation. De fait, depuis 2019 et l’annonce par Emmanuel Macron de sa première tentative de réforme, beaucoup de plans d’épargne retraite ont été créés. La ressource existe donc, puisque les gens sont prêts à mettre de l’argent de côté pour leur retraite. Nous proposons simplement qu’ils le fassent au profit du système par répartition.

Ainsi, nous avons tous les ingrédients pour revenir à quarante-deux annuités. Ensuite, nous pourrons ouvrir une conférence de financement et discuter avec les organisations syndicales. On doit cette mesure de justice aux gens. À quoi bon, en effet, abaisser l’âge légal à 62 ans si une minorité seulement des gens peuvent partir à cet âge-là avec un taux plein ?

M. Yannick Monnet (GDR). Nous sommes, bien entendu, contre cet amendement puisque nous nous sommes battus contre la loi Touraine. Je rappelle à nos collègues du bloc central que, lors de la réforme de M. Macron, le COR estimait que le système de retraite n’était pas en faillite mais qu’il lui fallait simplement de nouvelles recettes. Or la réforme Touraine traduit précisément le renoncement à conquérir de nouvelles recettes pour améliorer le système de retraite. Ce faisant, elle illustre cette période politique, un quinquennat du renoncement, qui fut d’ailleurs bien utile au bloc central par la suite.

M. Thomas Ménagé (RN). Cet amendement et, surtout, la demande d’un scrutin par le groupe LFI témoignent de l’immixtion de la guerre entre LFI et le PS au sein de notre commission et de l’incohérence du NFP – feue la NUPES –, que n’a cessé de dénoncer le RN. Comment, en effet, peut-on courir les plateaux télé pour défendre un âge de départ à 60 ans lorsqu’on a fait voter, avec M. Hollande, une durée de cotisation de quarante-trois annuités ? Les Français pensent que vous défendez les travailleurs, mais vous œuvrez, par-derrière, avec les socialistes, pour que cette mesure soit illusoire. C’est un mensonge, une preuve supplémentaire de votre tartufferie.

Nous voterons contre cet amendement, mais il faudra que le NFP se demande si M. Hollande, M. Faure, Mme Pires Beaune et M. Guedj, qui ne se sont pas opposés à la réforme Touraine, ont encore leur place en son sein. L’heure de vérité a sonné, pour les socialistes : le scrutin public permettra à nos concitoyens de savoir qui fait preuve de cohérence dans sa défense des travailleurs. Nous souhaitons, quant à nous, que les Français puissent partir réellement à la retraite à 62 ans, ce qui suppose que la durée de cotisation soit de quarante-deux annuités.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je ne répondrai pas aux provocations du RN, qui défendait il y a deux ans la retraite à 67 ans.

Nous soutiendrons l’amendement de Laurent Panifous parce que nous estimons nécessaire de choisir nos combats pour répondre à l’attente sociale majeure et au consensus intersyndical qui s’expriment en faveur de l’abrogation de la réforme Borne. En l’occurrence, cet amendement, en retirant du texte le retour sur l’allongement de la durée de cotisation prévue par la réforme Touraine, nous permettrait de soutenir ce message unanime et de ne pas fracturer le front social.

Nous avons souligné, dès notre intervention liminaire, la nécessité d’ouvrir une conférence sociale sur le financement et l’équilibre du régime, ainsi que sur les ajustements à apporter pour lutter contre les injustices qui persistent et que vous avez renforcées avec votre réforme, que nous nous apprêtons, je l’espère, à abroger.

L’objectif est de lancer un processus. C’est pourquoi nous préférerons adopter le texte le plus consensuel possible, pour qu’il puisse non seulement être adopté à l’Assemblée nationale, mais aussi engager un grand mouvement qui permettra d’aboutir à une réforme plus juste.

Il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, sur l’amendement.

Votent pour :

M. Joël Aviragnet, M. Laurent Baumel, Mme Béatrice Bellay, M. Elie Califer, M. Paul-André Colombani, M. Arthur Delaporte, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Océane Godard, Mme Céline Hervieu, M. Laurent Panifous et M. Fabrice Roussel.

Votent contre :

M. Thibault Bazin, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Karim Ben Cheikh, M. Christophe Bentz, M. Ugo Bernalicis, M. Théo Bernhardt, M. Louis Boyard, M. PierreYves Cadalen, Mme Gabrielle Cathala, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Alexis Corbière, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, M. Gaëtan Dussausaye, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Mathilde Hignet, Mme Karine Lebon, M. René Lioret, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, Mme Sandrine Rousseau, M. Emmanuel Taché de la Pagerie et M. Matthias Tavel.

S’abstiennent : Mme Sophie Delorme Duret, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Fayssat, Mme Brigitte Liso, M. Pierre Marle, Mme Joséphine Missoffe, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier et M. Stéphane Vojetta.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 59

Pour : 11

Contre : 33

Abstentions : 13

En conséquence, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS15, AS16, AS18 et AS17 de M. Ugo Bernalicis

M. le rapporteur. Je remarque avec gourmandise que la rigueur budgétaire chère à la majorité s’est effondrée en l’espace d’un vote – peut-être estime-elle finalement préférable de ramener la durée de cotisation à quarante-deux années –, et même que certains de nos collègues de DR souhaitent être réélus après la prochaine dissolution, puisqu’ils semblent soudain se soucier de l’avis des habitants de leur circonscription.

Mes quatre amendements sont rédactionnels ou de coordination.

M. Fabien Di Filippo (DR). Si tout l’argument des auteurs de cette proposition de loi consiste à dire que le peuple y est favorable parce qu’il préférerait partir en retraite à 62, voire à 60 ans, peut-être le rapporteur devrait-il tenir compte de certains autres de ses desiderata. Le peuple souhaite moins d’immigration et de personnes vivant dans la clandestinité en France, par exemple ; certains sondages montrent même qu’une majorité de nos concitoyens seraient favorables au rétablissement de la peine de mort.

Cessons donc avec les arguments populistes selon lesquels tout ce que le peuple veut devrait être voté, en faisant fi de toute cohérence politique. Nous représentons avant tout l’intérêt général qui, en l’occurrence, nous impose de préserver l’avenir du pays.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). La France insoumise présente un magnifique copié‑collé de notre proposition de loi, mais la copie n’est pas parfaite. Nous n’avions pas eu besoin, pour notre part, de déposer des amendements rédactionnels, peut-être parce que nous avions un peu mieux travaillé notre texte en amont.

En tout état de cause, ces amendements et cet article, dont des millions de Français attendent l’adoption, ne pourront être adoptés que grâce aux voix du RN, ce dont je me félicite.

La commission adopte successivement les amendements.

À la demande de plusieurs commissaires des groupes Rassemblement National et La France insoumise - Nouveau Front Populaire, il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, de l’article 1er.

Votent pour :

M. Joël Aviragnet, M. Laurent Baumel, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Karim Ben Cheikh, M. Christophe Bentz, M. Ugo Bernalicis, M. Théo Bernhardt, M. Louis Boyard, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Elie Califer, Mme Gabrielle Cathala, M. Hadrien Clouet, M. Alexis Corbière, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Arthur Delaporte, M. Gaëtan Dussausaye, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Océane Godard, Mme Céline Hervieu, Mme Mathilde Hignet, Mme Karine Lebon, M. René Lioret, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, Mme Sandrine Rousseau, M. Fabrice Roussel, M. Emmanuel Taché de la Pagerie et M. Matthias Tavel.

Votent contre :

M. Thibault Bazin, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, Mme Sophie Delorme Duret, M. Fabien Di Filippo, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Brigitte Liso, M. Pierre Marle, Mme Joséphine Missoffe, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier et M. Stéphane Vojetta.

S’abstiennent :

M. Paul-André Colombani, M. Yannick Favennec-Bécot et M. Laurent Panifous.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 57

Pour : 38

Contre : 16

Abstentions : 3

En conséquence, la commission adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement AS2 de Mme Prisca Thevenot

Mme Prisca Thevenot (EPR). La réforme votée en 2023 permet de garantir le financement de notre système reposant sur la solidarité intergénérationnelle, absolument nécessaire à celles et ceux qui travaillent dur mais ne perçoivent pas des revenus suffisants pour souscrire à des dispositifs de capitalisation afin de s’assurer de toucher une pension à la fin de leur carrière. Nous souhaitons l’améliorer en nous appuyant sur les derniers échanges entre le Gouvernement et les organisations syndicales quant à l’emploi des seniors. Nous proposons ainsi de créer un indicateur pour mieux évaluer, appréhender et accompagner ce dernier.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Les indicateurs ou index sont de fausses bonnes idées. D’abord, l’exemple de l’index de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes montre qu’ils ne portent pas souvent leurs fruits.

Ensuite, plusieurs économistes et sociologues que j’ai auditionnés ont indiqué que le fait de se concentrer sur l’emploi des seniors en tant que tel est une erreur. Pour que l’état de santé des salariés ne les contraigne pas à partir en retraite ou à être placés en invalidité avant l’âge de départ, il faut s’attacher à améliorer la qualité du travail dès l’entrée en fonction puis tout au long de la carrière, et pas seulement à partir de 55 ans. Ce sont bien les risques professionnels auxquels les travailleurs sont exposés quand ils sont jeunes qui ont les plus fortes conséquences sur leur fin de carrière. Les publics les plus jeunes et les plus âgés sont d’ailleurs les plus exposés aux accidents du travail. L’enjeu est donc bien d’améliorer la qualité de vie au travail pendant toute la carrière, et non de se concentrer sur les seuls seniors.

Un indicateur ne résoudrait rien et pourrait même permettre à des entreprises de se faire passer pour vertueuses en la matière, sans pour autant avoir d’impact réel.

M. Thibault Bazin (DR). Il ne faut pas compliquer la vie des entreprises, qui ont, au contraire, besoin de simplification. Imposer un nouvel index poserait problème, d’autant que vous allez encore plus loin que le dispositif proposé dans le cadre de la réforme de 2023 et qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel : alors qu’il devait concerner les entreprises de plus de 1 000 salariés avant d’être progressivement étendu, vous entendez l’appliquer directement à toutes les entreprises employant plus de 300 personnes.

La publication d’un index ne fera qu’alourdir la charge administrative des entreprises, sans résoudre le problème de l’emploi des seniors. Pour améliorer la situation, il faut s’en donner les moyens. Un contrat à durée indéterminée de fin de carrière ou des mesures d’accompagnement dans l’emploi, par exemple, seraient bien plus adaptés.

M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens l’amendement de notre collègue Thevenot. Vous n’avez pas le monopole de la bienveillance, monsieur le rapporteur : nous nous inquiétons de l’état de santé des seniors. Un indicateur nous permettrait de disposer d’éléments objectifs en la matière et de les suivre dans la durée.

M. Bazin, qui est élu dans un département frontalier, sait pertinemment que le taux d’emploi des seniors est bien plus faible en France que chez nos partenaires européens. La loi de 2023 prévoyait des bilans de santé réguliers. L’index permettrait à la fois de préserver la santé des seniors et de connaître les raisons pour lesquelles ils ne sont plus employables ou employés : il constituerait un élément d’appréciation supplémentaire pour comprendre finement la structuration du marché du travail.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je reconnais aux macronistes une certaine constance dans leur volonté d’imposer des mesures dont personne ne veut. Ici, il s’agit de réintroduire l’article 2 de la réforme de 2023 instaurant un index senior qui a été rejeté en première lecture par l’Assemblée nationale, imposé par le biais de l’article 49, alinéa 3, et censuré par le Conseil constitutionnel. Nous ne voulons pas de cet index qui, n’étant assorti ni d’obligations de performance ni de sanctions réellement dissuasives et ne s’appuyant sur aucun indicateur détaillé, serait inefficace.

J’invite ceux des intervenants qui ont estimé que nos débats étaient redondants à prendre leur mal en patience : une fois la navette parlementaire de ce texte accomplie, la réforme injuste adoptée avec l’article 49, alinéa 3, sera abrogée grâce au Nouveau Front populaire.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Je m’étonne d’entendre le rapporteur expliquer que la présence des seniors dans l’entreprise n’est pas un enjeu. La question de la qualité de vie au travail est certes importante, et il faut évidemment se soucier d’adapter les postes de travail tout au long de la carrière, mais il n’empêche que la France affiche un taux d’emploi des seniors inférieur à la moyenne de l’Union européenne. Elle se classe même seizième sur vingt-sept.

Loin d’être inutile, un index permettrait de disposer de données documentées, donc de susciter l’action : avant de déployer une stratégie d’entreprise pour accroître le travail des seniors, encore faut-il disposer d’éléments précis.

Enfin, plusieurs directives européennes entrent en vigueur ces mois-ci, notamment celle relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, la directive CSRD, qui inclut des éléments relatifs au climat social, donc au traitement des seniors dans l’entreprise. De nombreuses entreprises se penchent sur cette question et plusieurs chercheurs y voient un indicateur de performance économique.

Cet amendement me semble frappé au coin du bon sens. En économie, ce qui ne se mesure pas n’existe pas. En l’occurrence, mesurer me semblerait assez utile.

M. le rapporteur. Vous avez fait adopter une réforme des retraites au doigt mouillé, sans recueillir de données ni établir d’indicateurs, et ce n’est que maintenant que vous vous souciez de l’emploi des seniors. Une si belle argumentation contre votre propre réforme est donc savoureuse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS11 de Mme Prisca Thevenot

Mme Prisca Thevenot (EPR). Il s’agit ici de mesurer l’impact des différentes réformes des retraites appliquées ces dernières années.

La proposition de loi défendue par La France insoumise, comme celle présentée précédemment par le RN – ce sont d’ailleurs les mêmes – relève principalement d’une volonté populiste d’être dans l’immobilisme. Vous reconnaissez pourtant vous-mêmes que nous devons assurer le financement de notre système de retraite si nous voulons conserver un système reposant sur la solidarité intergénérationnelle. Le rapport que je demande nous permettrait de disposer d’indicateurs précis en la matière.

M. le rapporteur. Votre demande est satisfaite, puisque telle est précisément la mission du COR. Il me semble d’ailleurs que vous avez œuvré à la nomination de son nouveau président.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements AS9 et AS10 de Mme Prisca Thevenot.

Amendements AS6, AS5, AS7 et AS8 de Mme Prisca Thevenot

Mme Prisca Thevenot (EPR). L’examen de la proposition de loi du RN avait été l’occasion d’un travail parlementaire très riche. M. Viry, notamment, avait déposé des amendements que nous n’avions alors pas pu étudier. Je souhaite les remettre à l’ordre du jour de notre commission, le présent texte étant identique à celui qui avait été rejeté.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à chacun de ces amendements, car nous disposons déjà de nombreuses données sur les questions évoquées. Si vous cherchez réellement « des sources différentes et novatrices du financement du système de retraite », je vous renvoie d’ailleurs à mon rapport.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Il y a une différence entre avoir une idée nouvelle et, en l’absence de toute idée neuve, plaider pour l’innovation. Dans cet écart se niche le cœur de la rhétorique macroniste et naissent les termes les plus fumeux pour qualifier les idées les plus bancales. Aujourd’hui, nous abrogeons la réforme injuste et violente que vous avez imposée au pays, nous nous faisons l’écho des millions de manifestants qui ont lutté pied à pied, nous faisons respecter la volonté populaire.

Vous demandez « un rapport détaillé étudiant des sources différentes et novatrices de financement du système de retraite ». Encore une merveille ! Une solution différente et novatrice pour vous serait de reconnaître vos erreurs et d’accepter l’abrogation de la réforme des retraites.

Au lieu de cela, vous persistez avec une certaine indécence. En repoussant l’âge de la retraite, vous dites faire un choix difficile, courageux. Quelle difficulté que de faire travailler d’autres davantage ! Quel courage que de priver définitivement de leurs droits à la retraite des dizaines de milliers de personnes qui mourront avant de l’avoir prise ! L’espérance de vie à 35 ans des ouvriers est inférieure de cinq ans à celle des cadres : les faire travailler deux ans de plus n’est pas courageux, c’est violent. Lorsque vous reculez l’âge de départ à la retraite, vous mettez également en difficulté tout le secteur associatif.

Nous défendons de merveilleuses inventions : le système par répartition, qui organise une solidarité concrète et continue entre les retraités et les actifs, et la cotisation interprofessionnelle unique placée sous contrôle direct des représentants des travailleurs. Nous les protégerons de vos assauts répétés. Ne cherchez pas, vous n’aurez pas de meilleures idées.

Les amis de M. Ciotti, alliés au RN, n’hésitent pas à sauter de joie en évoquant la capitalisation, qui leur permettra de livrer les pensions de retraite au secteur privé et à la spéculation. Les macronistes, quant à eux, préfèrent parler de « sources différentes et novatrices de financement » : ils ont le goût de la subtilité dans l’exercice de la violence sociale. Une élection a eu lieu. Les Français ne partagent ni le vide de votre rhétorique de l’innovation ni le contenu très banal de vos politiques de dégradation des droits. Nous exprimons leur volonté : votre inique réforme des retraites sera abrogée.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je trouve un peu culotté de la part de Mme Thevenot de déposer des amendements afin de défendre le paritarisme que son camp a mis à mal depuis sept ans. Qui a cassé le paritarisme en matière d’assurance chômage et est resté sourd à la parole des syndicats pendant l’examen de la réforme des retraites ? Ce sont les gouvernements macronistes successifs. Il aurait mieux valu faire votre mea culpa, plutôt que de présenter des amendements qu’on pourrait qualifier de démagogiques. L’amendement AS8, relatif à la politique de natalité, me semble en outre problématique.

Mme Annie Vidal (EPR). Nous assumons d’être opposés à l’abrogation de la réforme des retraites adoptée en 2023. Abroger cette réforme, ce serait revenir sur la revalorisation de la retraite minimale, sur la prise en compte des congés maternité et sur les progrès réalisés en matière de pénibilité. Ce serait aussi exposer les générations futures, qui ne bénéficieront plus de notre système de retraite si nous échouons à le protéger. Je note d’ailleurs sans surprise l’âgisme du rapporteur, pour qui l’index seniors ne présente pas grand intérêt.

M. le rapporteur. La proposition de loi ne prévoit pas l’abrogation du minimum contributif.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Si, puisque vous en abrogez les financements !

La commission rejette successivement les amendements.

Article 2 : Gage financier

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Article 3 : Création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des sociétés pétrolières et gazières

La commission adopte l’article 3 non modifié.

À la demande de plusieurs commissaires des groupes Rassemblement National et La France insoumise - Nouveau Front Populaire, il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, sur l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Votent pour :

M. Joël Aviragnet, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Karim Ben Cheikh, M. Christophe Bentz, M. Ugo Bernalicis, M. Théo Bernhardt, M. Louis Boyard, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Elie Califer, Mme Gabrielle Cathala, M. Hadrien Clouet, M. Alexis Corbière, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Arthur Delaporte, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Gaëtan Dussausaye, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Mathilde Hignet, Mme Karine Lebon, M. René Lioret, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, Mme Sandrine Rousseau, M. Fabrice Roussel, M. Emmanuel Taché de la Pagerie et M. Matthias Tavel.

Votent contre :

M. Thibault Bazin, Mme Josiane Corneloup, Mme Sophie Delorme Duret, M. Fabien Di Filippo, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Brigitte Liso, M. Pierre Marle, Mme Joséphine Missoffe, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier et M. Stéphane Vojetta.

S’abstiennent :

M. Yannick Favennec-Bécot, M. Olivier Fayssat et M. Laurent Panifous.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 54

Pour : 35

Contre : 16

Abstentions : 3

En conséquence, la commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

 

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/Iqh5PZ

–Texte comparatif : https://assnat.fr/yVrDtC

 

 

 

 

 


–– 1 ––

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

 

       Table ronde « La retraite dans la fonction publique » :

– Service des retraites de l’État – M. Guillaume Talon, chef de service, et M. Arthur Cazaubiel, chef de bureau financier et des statistiques

 Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec)  M. Ronan Mahieu, directeur des études et des statistiques à la direction des politiques sociales de la Caisse des dépôts, Mme Aurélie Piteau, responsable des études Angers-Paris, et Mme Ségolène de Bailliencourt, responsable des études Bordeaux

       Conseil d’orientation des retraites  M. Gilbert Cette, président, et M. Emmanuel Bretin, secrétaire général

       Table ronde « La retraite dans le secteur privé » :

– Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav)  M. Renaud Villard, directeur général, et Mme Valérie Albouy, directrice Statistiques, prospective et recherche

– Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)* –Mme Magali Rascle, directrice déléguée à la protection sociale, Mme Christine Dechesne-Ceard, directrice de la réglementation, et M. Christophe Simony, chargé des relations parlementaires

– Association générale des institutions de retraite des cadres - Association des régimes de retraite complémentaire (AgircArrco) –M. François-Xavier Selleret, directeur général, et M. Julien Pouget, directeur technique

       Table ronde « Les organisations syndicales et patronales » :

 Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint, et M. Thibaut Sellier, secrétaire confédéral

 Confédération générale du travail (CGT)  M. Denis Gravouil, secrétaire confédéral, et M. Alexis Jeamet, conseiller

– Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – M. Dominique Corona, secrétaire général adjoint, et M. Camille Pattey, chargé de mission

 Force Ouvrière (FO)  M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et des retraites

– Fédération syndicale unitaire (FSU) – M. Benoît Teste, secrétaire général, et M. Erick Staëlen, représentant au COR

 Solidaires  M. Élie Lambert, secrétaire national, et Mme Évelyne Ngo, commission Protection sociale

       Table ronde « Le financement de l’abrogation de la réforme des retraites » :

– M. Michaël Zemmour, enseignant-chercheur à l’Université Lumière Lyon 2

– M. Gilles Raveaud, maître de conférences à l’Institut d’études européennes (Paris 8 – Saint-Denis)

– M. Henri Sterdyniak, directeur de recherche à l’Observatoire français des conjoncture économiques (OFCE)

       Table ronde « Les conséquences sociales de l’abrogation de la réforme des retraites » :

– Mme Anne-Marie Guillemard, professeur émérite et chercheur au Centre d’étude des mouvements sociaux (CEMS) UMR n° 8044

– M. Patrick Aubert, expert senior à l’Institut des politiques publiques (IPP), chef du projet « revenus et incapacités »

       Audition conjointe :

 Direction de la sécurité sociale (DSS)  Mme Delphine Chaumel, sous–directrice des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire, et M. Antoine Imberti, adjoint au sous-directeur des études et des prévisions financières

– Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)  M. Fabrice Lenglart, directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, et M. Anthony Marino, chef du bureau Retraites à la sous-direction de l’observation de la solidarité

       Mme Annie Jolivet, chercheuse au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET–Cnam)

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


–– 1 ––

   Annexe N° 2 :
contributions écrites reçues par le rapporteur

  Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

  Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

  Mouvement des entreprises de France (Medef)

 


–– 1 ––

Annexe N° 3 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de la sécurité sociale

L. 161‑17‑2, L. 161‑17‑3, L. 161‑22‑1‑9, L. 341‑15, L. 341‑16, L. 341‑17, L. 351‑7‑1 A, L. 351‑1‑1 A, L. 351‑1‑4, L. 351‑1‑5 [abrogé], L. 351‑8, L. 382‑24, L. 382‑27, L. 643‑3 ; L. 653‑2, L. 643‑4, L. 653‑4 et L. 821‑1

1er

Code de l’action sociale et des familles

L. 117‑3 et L. 262‑10

1er

Code des pensions civiles et militaires de retraite

L. 13 et L. 14 bis

1er

Code rural et de la pêche maritime

L. 732‑17‑1, L. 732‑18‑3, L. 732‑18‑4 [abrogé], L. 732‑25, L. 781‑33 et L. 732‑30

1er

Code du travail

L. 5421‑4

1er

Loi n° 87‑563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

5

1er

Ordonnance n° 2002‑411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte

6, 10 et 11‑1

1er

Loi n° 2010‑751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique

37

1er

Loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

10

3

Code général des impôts

224 [nouveau]

 

 


([1]) Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, compte rendu de réunion n° 40, 19 janvier 2023.

([2]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel, septembre 2022, p. 8.

([3]) Rapport n° 1299 de M. Charles de Courson sur la proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite, 31 mai 2023.

([4]) Conférence de presse de la Première ministre Élisabeth Borne sur les principales mesures de la réforme des retraites, le 10 janvier 2023 à Paris.

([5]) Conseil des ministres du 6 novembre 2024, projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.

([6]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel, juin 2024, p. 85.

([7]) Contrairement aux années précédentes, le COR retient à compter de cette année un unique scénario. Dans son rapport annuel 2023, le COR développait pourtant quatre scénarii : trois d’entre eux étaient déficitaires sur l’ensemble de la période et le dernier était excédentaire à compter de 2045. L’unique scénario retenu en 2024 semble correspondre au deuxième scénario le plus pessimiste présenté en 2023.

([8]) Comité de suivi des retraites, onzième avis, juillet 2014, p. 18.

([9]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel, juin 2024, p. 66.

([10]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel, juin 2024, p. 64.

([11]) Défini par l’Insee comme « l’âge moyen de départ à la retraite une année donnée, en neutralisant les différences de taille de génération ».

([12]) Drees, « Les retraités et les retraites », 2024, p. 138‑144.

([13]) Gannon, Frédéric ; Legros, Florence et Touzé, Vincent, « Vers un nouveau recul de l’âge de la retraite, la réforme Borne 2023 », Revue de l’OFCE, 184, 2024/1, pp. 18‑53.

([14]) Langot, François, « Choix de départ en retraite et emploi des séniors en France », Revue de l’OFCE, 184, 2024/1, pp. 1‑55.

([15]) Guillemard, Anne-Marie, « Apories d’une réforme de la retraite reposant sur l’unique paramètre de l’âge pour prolonger la vie active », Revue de l’OFCE, n° 184, pp. 1‑24.

([16]) Aubert, Patrick et Bozio, Antoine, « L’âge de départ à la retraite en perspective historique : un retour sur 50 ans de réformes », Blog IPP, 11 février 2023.

([17]) Drees, « Espérance de vie, durée passée à la retraite », n° 40, juin 2013, p. 8.

([18]) Voir notamment Dubois, Yves et Koubi, Malik, « Taux d’emploi des séniors : le cas de la réforme des retraites de 2010 », Insee Analyses, n° 30, 2017, pp. 1‑4.

([19]) Dares, « Les séniors sur le marché du travail en 2022 », septembre 2023, n° 47, pp. 1‑4.

([20]) Insee, « La situation des seniors sur le marché du travail en 2023 », juillet 2024, pp. 28‑29.

([21]) Zemmour, Michaël, « Les effets du report de l’âge minimal de la retraite à 62 ans : une approche par catégories socio-professionnelles », LIEPP, 2024, pp. 1‑30.

([22]) Insee, « En 2021, une personne de 55 à 69 ans sur six ni en emploi ni à la retraite, une situation le plus souvent subie », mai 2023, pp. 1‑4.

([23]) Cour des comptes, « Continuer à adapter le système de retraite pour résorber les déficits et renforcer l’équité », Les enjeux structurels pour la France, octobre 2021, p. 14.

([24]) Drees, « Évaluation de l’augmentation des dépenses de certaines prestations sociales induite par un relèvement de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite », n° 21‑43, janvier 2022, pp. 1‑19.

([25]) Dares, « Estimation des dépenses d’ARE/AREF supplémentaires suite à un relèvement de l’âge d’ouverture des droits (AOD) », janvier 2022, pp. 1‑10.

([26]) Guillemard, Anne-Marie, « Apories d’une réforme de la retraite reposant sur l’unique paramètre de l’âge pour prolonger la vie active », Revue de l’OFCE, n° 184, pp. 1‑24.

([27]) Comité de suivi des retraites, onzième avis, juillet 2024.

([28]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel, juin 2024.

([29]) Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023, p. 27.

([30]) Organisation de coopération et de développement économiques, Panorama des pensions 2023, p. 209.

([31]) Association des maires de France, « CNRACL : Augmentation du taux de cotisation employeurs, une nouvelle attaque frontale contre les collectivités », 11 octobre 2024.

([32]) Bozio, Antoine et Wasmer, Etienne, « Les politiques d’exonération de cotisations sociales : une inflexion nécessaire », rapport final, octobre 2024, p. 66.

([33]) Gannon, Frédéric, Legros, Florence et Touzé, Vincent, op. cit., p. 46.

([34]) Commission des comptes de la sécurité sociale, octobre 2024, pp. 134‑139.

([35]) Amar, Élise et Pauron, Aline, « Participation, intéressement et plans d’épargne salariale : quelles différences d’accès et de répartition entre les salariés ? », Insee, 2013.

([36]) Batut, Cyprien et Rachiq, Chakir, « Les dispositifs de partage de la valeur en France et en Europe », Trésor‑Éco n° 286, juin 2021.

([37]) Rapport d’information n° 288 de Mme Félicie Gérard et M. Charles de Courson au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation, 25 septembre 2024.

([38]) Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 2024, pp. 153‑187.

([39]) Article 31 de la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([40]) Solaz, Anne ; Toulemon, Laurent et Pison, Gilles, « La France, toujours une exception démographique en Europe ? », Population et Sociétés, n° 620, 2024.

([41]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel, juin 2024, p. 21.

([42]) Dares, Emploi, chômage, revenus du travail, 2023.

([43]) Insee, Emploi, chômage, revenus du travail, juin 2023.

([44]) Collectif nos services publics, rapport sur l’état des services publics, 2024.

([45]) Fondation Concorde, « Résorber les inégalités salariales entre femmes et hommes pour renforcer notre économie », octobre 2017, p. 5.

([46]) Gannon, Frédéric, Legros, Florence et Touzé, Vincent, op. cit., p. 32.

([47]) Observatoire des inégalités, « Cinq millions d’emplois fermés aux étrangers non européens », mars 2024.

([48]) Décret n° 54‑832 du 13 août 1954 portant règlement d’administration publique pour la codification de ‎lois et de règlements d’administration publique relatifs aux pensions civiles et militaires de retraite.

([49]) Arrêté du 12 novembre 1969 relatif au classement des emplois des agents des collectivités locales en catégories A et B.

([50]) Une liste des maladies professionnelles éligibles à ce dispositif est fixée par arrêté.

([51]) Article D. 161‑2‑24 du code de la sécurité sociale.

([52]) Article L. 24 du code des pensions civiles et militaires.

([53]) La durée d’assurance applicable à la génération des fonctionnaires des catégories actives peut ne pas encore être fixée au moment où ils liquident leur retraite.

([54]) Plus précisément, la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein est fixée en fonction de la durée d’assurance requise pour les fonctionnaires des catégories sédentaires atteignant ce même âge l’année où la liquidation de la pension devient possible.

([55]) Rapport d’information n° 5107 sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, 23 février 2022, p. 29.

([56]) Rapport d’information n° 4546 sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires, 22 février 2017, p. 22.

([57]) Rapport d’information n° 4392 sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires, 21 février 2012, p. 21.

([58]) Étude d’impact annexée au projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraite, 17 septembre 2013, p. 26.

([59]) Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale 2023, p. 52, et rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale 2024, p. 54.

([60]) Réponse au questionnaire du rapporteur.

([61]) Institut Montaigne, « Abroger la réforme des retraites », Législatives 2024. Cette estimation repose sur les prévisions annexées à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2023.

([62]) Alternatives économiques, « A-t-on les moyens financiers d’abroger la réforme des retraites ? », le 27 juin 2024.

([63]) DGDDI, Bilan annuel de la douane 2023, p. 60.

([64]) Insee, Les entreprises en France, édition 2023.

([65]) La filialisation consiste à scinder une même entité en plusieurs filiales afin de rester sous le seuil d’assujettissement à un impôt.

([66]) Bach, Laurent et al., « Exposition à la crise énergétique et taxation des profits exceptionnels des entreprises », Institut des politiques publiques, 6 décembre 2022.

([67])  https://assnat.fr/dzhomp