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N° 616

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 novembre 2024.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à régulariser les praticiens et pharmaciens à diplôme hors Union européenne,

 

 

 

 

Par M. Damien Maudet,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 432.

 

 


— 1  

SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

I. La dégradation du système de santé rend plus que JAMAIS nécessaire le recours aux Padhue

A. Le système de santé français est mis à l’épreuve par un manque chronique de moyens et une pénurie de soignants

1. La baisse de la densité médicale...

2. ... entraîne une pression renforcée sur le système hospitalier, déjà en proie à un manque de moyens et de personnel

B. Les médecins étrangers ET le système de santé français : depuis 2010, le nombre de médecins ayant obtenu leur diplôme à l’étranger inscrits au tableau du conseil national de l’ordre des médecins a doublé

II. Les Padhue non régularisés exerçant en France sont un véritable soutien de notre hôpital public, nécessitant une amélioration de leurs conditions d’exercice

A. Il est actuellement impossible de quantifier précisément le nombre de Padhue non régularisés exerçant sous divers statuts

B. Alors que de trop nombreux Padhue exercent dans cette zone grise, aux confins de la légalité, il est urgent de proposer des solutions alternatives de régularisation, même temporaires

1. Les témoignages de Padhue révèlent une précarité et une instabilité administrative inadmissible

2. La présente proposition de loi entend apporter deux évolutions à la situation des Padhue, dans l’attente d’une nouvelle régularisation du « stock »

Commentaire des articles

Article 1er Extension et pérennisation du dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire d’exercice actuellement en vigueur dans certains territoires d’outre-mer

Article 2 Création d’épreuves spécifiques de validation des compétences réservées aux Padhue ayant exercé une durée minimale de deux ans en France

Article 3 Gage financier

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1. Réunion du mercredi 20 novembre 2024 à 9 heures 30

2. Réunion du mercredi 20 novembre 2024 à 15 heures

ANNEXE  1 : Liste des personnes entendues par le rapporteur

ANNEXE N °2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 


— 1  

   Avant-propos

Au cœur de la crise du covid‑19, le Président de la République nous a fait une déclaration, presque une promesse : « Ce que révèle cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenus, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables au bon fonctionnement de nos quand le destin frappe. » ([1])

Durant la crise, nous avons applaudi les soignants aux fenêtres, les Français dans leur intégralité ont pris conscience d’à quel point nous avions besoin de préserver notre système de santé – le meilleur du monde dans les années 2000.

Tous, peut-être pas.

Car si les Français l’ont bien compris, il est impossible de croire que ce fut le cas pour le Gouvernement et les majorités ou majorités relatives en place depuis 2020.

● Notre système de santé est dans une crise permanente

Des urgences sont fermées. Les services d’urgences qui restent ouverts sont largement sous tension. À Limoges, un soignant explique « enjamber des patients pour en soigner d’autres ». Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), plus du tiers des hôpitaux ont vu leurs services d’urgences se dégrader. Logiquement, fatalement, les soignants sont épuisés et en sous-effectif. Selon le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), le nombre de postes vacants d’infirmiers entre 2020 et 2022 a été multiplié par huit, en passant à 60 000. Logiquement, fatalement, des patients attendent des heures, des jours sur des brancards. Logiquement, fatalement avec cette politique, des patients meurent sur ces brancards, faute de personnel, faute de prise en charge. Selon Samu – Urgences de France, « la sécurité sanitaire n’est parfois plus assurée, y compris pour l’urgence vitale » ([2]). Ce même syndicat a estimé que 150 décès « inattendus » étaient survenus au cours du seul mois de décembre 2022. Dans son rapport portant sur l’accueil et le traitement des urgences à l'hôpital ([3]), publié le 19 novembre 2024, la Cour des comptes confirme ces données :

« La HAS [Haute Autorité de santé] a recensé les événements indésirables graves associés aux soins déclarés au sein des structures de médecine d’urgences au cours de l’année 2022 et du premier trimestre 2023. Les chiffres fournis sont cohérents avec le recensement effectué par Samu  Urgences de France : 195 événements indésirables graves associés aux soins ont été enregistrés sur cette période ; la déclaration a été déclenchée par le décès d’un patient dans 68 % des cas ; 63 % de ces événements étaient considérés comme évitables par les déclarants et plus de la moitié d’entre eux résultaient directement d’erreurs liées aux soins ou à l’organisation des soins avec, notamment, des défauts de surveillance ou des retards de prise en charge. L’analyse des causes profondes, c’est-à-dire des facteurs multiples ayant conduit à un événement indésirable grave associé aux soins, met en évidence, au-delà du facteur premier de l’état de santé du patient, des facteurs liés à la charge de travail et à la fatigue des professionnels, à des défaillances matérielles ou au manque de lits d’aval. »

Notre hôpital public est à l’agonie. Il est à l’agonie, pourtant il ne semble pas y avoir de réponses structurelles d’ampleur. Au contraire, la Fédération hospitalière de France et les syndicats continuent de dénoncer un budget insuffisant. Et les projections budgétaires ne sont guère plus réjouissantes.

● Un manque criant de médecins

L’une des raisons de cette agonie, c’est la pénurie de médecins. Du fait notamment d’un numérus clausus bien trop serré pour, dans le fond, faire des économies, notre pays manque cruellement de médecins, que ce soit dans les services hospitaliers – notamment dans les services d’urgences – et dans nos villes et campagnes, du quartier de La Bastide à Limoges, jusqu’au village de Domps, les déserts médicaux progressent. Aujourd’hui, six millions de nos concitoyens n’ont simplement pas de médecin traitant, dont 400 000 qui sont en affection longue durée.

Par ailleurs, la proposition de loi que nous portons est une mesure proposée par le groupe de travail transpartisan pour lutte contre les déserts médicaux, dont les travaux sont portés par le député socialiste Guillaume Garot.

● Et de potentiels médecins laissés sur le côté

« Je suis la seule neuro-oncologue du département de l’Aisne, diplômée en 2022 de la Sorbonne Université après deux ans de formation sélective avec un examen écrit, un examen oral et rédaction d’un mémoire. […] Aux EVC, j’ai eu 13,25/20, le jury s’est arrêté à 13,95/20 alors qu’il restait encore treize postes non pourvus en oncologie. Je n’ai pas été retenue. » témoigne une médecin oncologue membre du collectif Padhue.

Alors que notre pays est en large pénurie de professionnels de santé, il ne reconnaît toujours pas correctement, dignement, les praticiens – médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes – et pharmaciens à diplômes hors Union européennes : les « Padhue ».

Ce sont, dans une majorité des cas, des médecins étrangers qui ont obtenu un diplôme en dehors de l’Union européenne et qui veulent venir soigner en France. Les quelques données qui existent font ressortir que ces médecins viennent principalement d’Algérie (36,8 %), de Tunisie (12,4 %) ou de Syrie (9 %) ([4]).

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, nous parlons de 5 000 Padhue mais, selon le Conseil de l’Ordre national des médecins, ils seraient plus nombreux. Toutefois « à ce jour, aucune statistique fiable ne permet d’identifier et de recenser le nombre exact de Padhue exerçant au sein des établissements » ([5]).

Le système de régularisation est extrêmement complexe et il existe plusieurs statuts. Principalement, les praticiens qui arrivent sans avoir obtenu le concours appelé « épreuves de validation des compétences » (EVC) exercent comme faisant fonction d’interne ou comme stagiaire associé. Ceux qui ont eu les EVC sont praticiens associés et doivent valider un parcours de consolidation des compétences d’une durée de deux ans pour ensuite devenir médecin de plein exercice.

Les médecins étrangers, dans leur ensemble, prennent une part de plus en plus importante dans les effectifs soignants. En 2010 ils comptaient pour 7,1 % des médecins en activité, ils représentaient 12,5 % en 2023. Ils sont 19,8 % des médecins spécialistes chirurgicaux en activité et 16,9 % des médecins spécialistes médicaux.

Ce sont des médecins du quotidien. Pour exemple, en 2018, 6 400 Padhue exerçaient avec le plein exercice en France. Il s’agissait là de 740 psychiatres au moment où la psychiatrie traverse également une crise sans précédent, 390 pédiatres alors que des enfants sont envoyés à des centaines de kilomètres pour être soignés de la bronchiolite, 566 gériatres ou encore 152 ophtalmologues.

Ainsi, si le ministre de l’intérieur estime que l’immigration n’est « pas une chance pour la France », nous pouvons aisément lui répondre qu’elle est une chance, mais également une nécessité sanitaire.

Sans eux, un nombre conséquent de services ne tourneraient pas. Par exemple, en audition, une direction d’établissement nous a expliqué que 23 % de l’effectif médical est en Padhue non-inscrits à l’Ordre.

 Deux objectifs simples : déprécariser et soigner

« Il n’est pas légitime de les laisser dans un système d’exploitation organisé par les hôpitaux car ils exercent, ils sont médecins qualifiés, avec une gratification non reconnaissante, insuffisante. Ce sont des confrères, il faut les respecter. » – Audition du Conseil national de l’Ordre des médecins.

« On n’est pas pleinement autorisés à exercer, mais je forme les internes. Normalement c’est au chef de service de le faire, qui 90 % du temps n’est pas là. » – Audition des syndicats.

Le système est complexe. Mais il y a des choses plus simples à comprendre : un nombre conséquent de médecins à diplôme hors Union européenne exercent en France dans la plus grande précarité et le plus grand flou administratif. Certains peuvent se retrouver faisant fonction d’interne ou stagiaire associé sur le papier, mais souvent – comme le font certains internes – tenir un service en entier, le tout pour 1 400, 1 500, 1 600 euros par mois. Le tout avec des statuts très flous et des praticiens qui exercent sous des statuts qui ne correspondent pas à leur situation ou des statuts en extinction et qui ne sont pas recensés.

Les statuts fluctuent et presque tous les auditionnés ont reconnu que les Padhue pouvaient se retrouver à exercer sous des statuts plus ou moins légaux, voire parfois sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) !

Si des récentes lois ont cherché à améliorer cette situation, nous devons aller plus loin. Nous le devons à ces médecins souvent étrangers qui donnent et ont donné pour notre pays, pour notre santé. Rappelons que l’un des premiers décès de médecin du covid‑19 en France était le docteur Jean-Jacques Razafindranazy, décédé le 21 mars 2020. C’était un Padhue reconnu et apprécié par ses collègues qui continuait à travailler après sa retraite récente comme praticien contractuel au centre hospitalier de Compiègne.

Cette proposition de loi est une reconnaissance de la Nation à celles et ceux qui soignent les nôtres, les leurs. Nous devons aussi permettre à celles et ceux qui en ont besoin d’être soignés. Cette proposition de loi permet d’augmenter le nombre de praticiens de plein exercice dans le pays.

Selon la Fédération hospitalière de France, en 2023, environ 7 000 Padhue non-régularisé (FFI ou SA) étaient dans nos établissements de santé. De potentiels futurs médecins. Il s’agit d’un vivier de recrutement : les praticiens associés lauréats des EVC ont vocation à constituer une source de recrutement très importante dans les disciplines en tension, en premier lieu la psychiatrie, la pédiatrie, les urgences et la gériatrie ou encore la gynécologie-obstétrique. L’augmentation constante du nombre de postes ouverts aux EVC en est la preuve : depuis 2018, il a subi une augmentation de plus de 600 %, soit une multiplication par plus de 7,5.

Des besoins de la population sont non couverts et ont vocation à augmenter au regard du vieillissement démographique. En 2040, la population de notre pays comprendra 2,5 millions de personnes de plus de 80 ans, soit une augmentation de 60 % par rapport à aujourd’hui.

Déprécariser, respecter, soigner. Voilà l’objet de cette proposition de loi.


I.   La dégradation du système de santé rend plus que JAMAIS nécessaire le recours aux Padhue

A.   Le système de santé français est mis à l’épreuve par un manque chronique de moyens et une pénurie de soignants

1.   La baisse de la densité médicale...

Le système de santé français traverse une crise profonde, tant dans l’accès que dans la poursuite du parcours de soins. En cause, une politique visant à limiter le nombre de médecins sur le territoire avec la création d’un numerus clausus, ayant pour but de faire des économies sur les dépenses de santé. Ce numerus clausus a provoqué un effondrement de la densité de médecins en activité, particulièrement important pour les médecins généralistes : dans soixante‑dix départements, le nombre de médecins généralistes par habitant diminue depuis 2010, ayant pu baisser jusqu’à 28 % dans certains cas ([6]). Un rapport sénatorial révélait en 2022 qu’un Français sur dix ne disposait pas d’un médecin traitant, dont 700 000 patients en affection longue durée ([7]). En outre, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) précise qu’en 2022, 65 % des médecins ont déclaré refuser de nouveaux patients en tant que médecins traitants ([8]).

Si le Conseil national de l’Ordre des médecins relève, dans l’édition 2024 de l’atlas de la démographie médicale, une augmentation du nombre global de médecins, il souligne la baisse du nombre de praticiens en activité régulière, au profit du développement de l’activité intermittente et d’une augmentation des médecins retraités. Les actifs réguliers comptaient pour 92,8 % des médecins en 2010 ; ils ne sont plus que 83,9 % en 2024. De plus, la population des médecins est vieillissante : 30 % des médecins en activité au 1er janvier 2024 ont plus de 60 ans.

Ce vieillissement est inégalement réparti sur le territoire et touche principalement les départements déjà concernés par une faible densité médicale. Les médecins sont en effet concentrés dans les régions les plus peuplées : 20 % des actifs exercent en Île‑de‑France et 12 % en Auvergne-Rhône-Alpes. La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur détient la plus haute densité de médecins, avec 442,7 médecins pour 100 000 habitants, suivie par l’Île-de-France. Les régions Centre-Val de Loire, Normandie et le département de la Guyane sont les moins bien dotés et rencontrent les densités les plus basses, inférieures à 308 médecins pour 100 000 habitants. Les situations sont similaires concernant les médecins spécialistes et les médecins généralistes.

La situation de l’Île-de-France est toutefois assez particulière : si la densité de la région est haute pour l’ensemble des médecins et pour les spécialistes, elle est très basse s’agissant des médecins généralistes. La région s’inscrit ainsi dans le bas du classement aux côtés de la Normandie, du Centre-Val de Loire et de la Guyane, avec moins de 139,4 généralistes pour 100 000 habitants. De plus, la densité globale de la région masque de fortes disparités entre les départements d’Île‑de‑France, la Seine-et-Marne, l’Essonne, le Val-d’Oise et les Yvelines qui pâtissant d’une plus faible densité médicale que les départements voisins.

Depuis 2010, les départements où les densités médicales de médecins en activité sont les plus faibles subissent les variations négatives de densité les plus importantes, créant de véritables déserts médicaux.

2.   ... entraîne une pression renforcée sur le système hospitalier, déjà en proie à un manque de moyens et de personnel

Le recul de la densité médicale, notamment pour les médecins généralistes, augmente les tensions sur le système hospitalier public. La Cour des comptes, dans un rapport portant sur l’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital ([9]), décrit des services d’urgences saturés en raison du délabrement de la médecine de ville qui pousse les malades à s’adresser aux urgences : entre 2019 et 2024, le nombre d’appels au Samu a augmenté de 26,4 %. Le nombre d’entrées aux urgences croît continûment depuis 1996 (à l’exception de 2020 et 2021, période de crise sanitaire) et plus rapidement que l’augmentation de la population. En 2022, 13,9 millions de personnes, soit 20 % de la population, ont sollicité les urgences. Le recours aux urgences est d’autant plus important parmi les personnes qui n’ont pas de médecin traitant : il est de 23 %, contre 19 % pour celles ayant un médecin traitant. Sans possibilité de consulter un médecin généraliste, les patients se rendent aux urgences pour des cas peu graves, embolisant des services déjà sous tension : selon la Cour, 70 % des passages aux urgences correspondent à des cas peu urgents.

Cela représente un danger pour les patients, alors que la sécurité sanitaire n’est parfois plus assurée selon le syndicat Samu Urgences de France. Les services d’urgences sont submergés, et selon la Haute Autorité de santé, les événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) se multiplient, notamment en raison du retard des prises en charge ([10]). Notre système de santé, autrefois loué pour sa performance, est à la dérive faute de soignants et de lits d’hospitalisation : les patients attendent des dizaines d’heures aux urgences, parfois sans prise en charge et stationnés dans des couloirs. Selon Samu Urgences de France 45 262 patients ont déclaré être restés la nuit sur un brancard entre décembre 2021 et mars 2024. Des événements tragiques sont survenus, et continueront d’arriver si la situation n’évolue pas : le même syndicat a recensé quarante‑trois décès inattendus en décembre 2022 et janvier 2023 dans les structures d’urgences.

Le manque de médecins, causé par un numerus clausus – abandonné en 2019 – mal calibré par rapport aux besoins de la population, a provoqué une dégradation des conditions de travail des praticiens, conjuguée à une sous‑dotation chronique de la branche maladie. Le nombre de médecins formés par an en 2019 (9 314) est presque le même qu’en 1972 (8 588) alors que la population a augmenté de près de 15 millions de personnes et que la proportion de la population ayant plus de 80 ans va augmenter de plus de 60 % d’ici 2040.

La Cour des comptes ([11]) souligne une baisse continue du nombre de lits de 23 % depuis 2000 pour l’ensemble des hôpitaux publics et privés. Cette réduction du nombre de lits est imputable, pour la dernière décennie, a une politique d’incitation au développement de l’hospitalisation en ambulatoire en raison d’un contexte financier contraint. Depuis la crise sanitaire, la contraction des capacités d’accueil est la cause du manque de personnels soignants. En 2023, l’équivalent de 7 % des capacités d’hospitalisation en médecine, chirurgie, obstétrique étaient fermées, dans la grande majorité des cas en raison de tensions sur les effectifs ([12]). Seuls 22 % des établissements interrogés par la Fédération hospitalière de France (FHF) n’ont fermé aucun lit pendant cette année. La fédération révèle ainsi que 98 % des établissements de santé interrogés indiquent éprouver des difficultés à recruter des personnels de santé médicaux. Ces difficultés de recrutement génèrent, dans trois établissements sur quatre, une augmentation du volume de temps de travail additionnel et une augmentation du recours aux Padhue ou à l’intérim.

Cette situation est aggravée par le manque de moyens de l’hôpital public. En 2022, le déficit des hôpitaux publics s’élevait à 1,3 milliard d’euros ; la FHF estime qu’il atteindra 1,9 milliard en 2023 et dépassera les 2 milliards en 2024. Dans un communiqué publié en septembre, la fédération met en cause la sous-évaluation de l’impact de l’inflation sur les charges de fonctionnement des structures de santé, estimée à 1,3 milliard pour l’hôpital public et à 1,8 milliard pour l’ensemble des établissements publics et privés. Toujours selon l’organisation, une réévaluation de 3,9 milliards d’euros du sous-objectif « Établissements de santé » de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est nécessaire pour 2025.

B.   Les médecins étrangers ET le système de santé français : depuis 2010, le nombre de médecins ayant obtenu leur diplôme à l’étranger inscrits au tableau du conseil national de l’ordre des médecins a doublé

Le 16 janvier 2024, à l’occasion d’une conférence de presse, le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé la nécessité « de régulariser nombre de médecins étrangers qui tiennent parfois à bout de bras nos services de soins et que nous laissons dans une précarité administrative qui est complètement inefficace ». Cette promesse est aujourd’hui lettre morte, et de nombreux médecins ayant obtenu leur diplôme en dehors de l’Union européenne continuent d’exercer dans des conditions précaires, sans reconnaissance, mettant parfois en péril leur maintien sur le territoire. Il est extrêmement compliqué d’estimer le nombre de Padhue non régularisés exerçant en France sous divers statuts.

Ces praticiens sont pourtant une chance, voire une nécessité pour notre hôpital face au constat de désertification et de perte de densité médicale. Aujourd’hui le nombre de médecins étrangers (dont les médecins diplômés en Union européenne) disposant du plein exercice en activité et inscrits au tableau du Conseil national de l’Ordre des médecins est de 30 961, un doublement par rapport à 2010. Ils représentent désormais 13,1 % des médecins en activité, contre 7,1 % en 2010 ([13]). Ces médecins sont inégalement répartis sur le territoire et sont majoritairement présents dans les départements d’Île-de-France, qui comptabilisent près de 30 % des médecins diplômés à l’étranger. Entre 2010 et 2024, l’ensemble des départements a connu une augmentation du nombre de médecins à diplôme étranger ; ces variations de l’effectif sont particulièrement importantes dans les régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et dans les territoires d’outremer. Le conseil remarque également que les médecins étrangers sont davantage présents en proportion dans les départements où la densité médicale est faible.

Les médecins ayant obtenu leur diplôme hors Union européenne représentent, en 2024, 7,5 % des médecins en activité, soit une augmentation de 3,5 points par rapport à 2010. Leur augmentation est particulièrement visible dans les spécialités chirurgicales et médicales (10,6 % des médecins en activité). Au 1er janvier 2024, 17 619 Padhue exerçaient en France, dont 3 430 médecins généraux, 1 528 psychiatres et 1 413 anesthésistes-réanimateurs. Après cinq ans d’exercice, 50 % des Padhue exercent toujours en milieu hospitalier et 17,6 % des Padhue exercent en libéral. Les médecins diplômés à l’étranger en activité en France sont des médecins du quotidien, tant au sein d’établissements de santé public et de cabinets libéraux que de structures privées.

L’Ordre des médecins relève que l’Algérie, la Tunisie et la Syrie sont aujourd’hui les trois principaux pays d’obtention du diplôme : 36,8 % des Padhue inscrits à l’Ordre ont obtenu leur diplôme en Algérie, 12,4 % en Tunisie et 9 % en Syrie.

L’augmentation du nombre de médecins Padhue régularisés depuis 2010 marque le besoin de recrutement des établissements de santé, notamment dans les zones où la densité médicale est faible. De plus, chaque année, le nombre de postes ouverts aux épreuves de validation des compétences – parcours de droit commun pour obtenir une autorisation d’exercice (cf. ci-après) – est en augmentation. Il s’agit d’une immigration désormais vitale pour le système de santé français et l’une des solutions à la désertification médicale et aux difficultés de recrutement constatées aujourd’hui.

II.   Les Padhue non régularisés exerçant en France sont un véritable soutien de notre hôpital public, nécessitant une amélioration de leurs conditions d’exercice

A.   Il est actuellement impossible de quantifier précisément le nombre de Padhue non régularisés exerçant sous divers statuts

Aux médecins ayant obtenu leur diplôme à l’étranger et disposant du plein exercice s’ajoutent un grand nombre de praticiens travaillant sous divers statuts et non inscrits au tableau du conseil national des Ordres. Pourtant essentiels dans les services, ces praticiens sont mal répertoriés, souffrent d’un manque de reconnaissance et de conditions de travail très précaires. Les réalités d’exercice diffèrent drastiquement de ce que les statuts autorisent en théorie : bon nombre de médecins rencontrés par le rapporteur ont témoigné exercer sous des statuts précaires de médecins en formation, alors qu’ils avaient des responsabilités correspondant à des praticiens seniors (formation d’internes, gardes sans supervision, etc.). Il est aujourd’hui très difficile d’estimer le nombre de Padhue non régularisés exerçant sous les différents statuts existants, pourtant reconnus comme répondant « à un besoin important en ressources humaines des établissements de santé » ([14]). Il existe donc une zone grise constituée de praticiens sous statut provisoire, exerçant à la frontière de la légalité avec des statuts reconduits au‑delà des limites légales ou encore des situations de stagiaires associés fictives.

Les Padhue non régularisés font partie d’un grand ensemble constitué de plusieurs statuts. Ces statuts ont été réformés par la loi « OTSS » du 24 juillet 2019 et la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite « Valletoux ».

● Les stagiaires associés (SA) peuvent exercer en France dans le cadre d’une convention de coopération mentionnée à l’article L. 6134-1 du code de la santé publique, dont le but est de poursuivre une formation dans un établissement étranger. Les contrats de stagiaires sont de six mois, renouvelables pour une durée totale ne pouvant excéder deux ans ([15]). Les stagiaires associés sont recrutés de gré à gré par les établissements, ce qui rend le suivi peu aisé. Selon la statistique annuelle des établissements de santé (SAE) établie par la Drees, 3 328 stagiaires associés complétaient les équipes dans les établissements publics de santé en 2023.

● Les praticiens faisant fonction d’interne (FFI) sont recrutés par la voie du diplôme de formation médicale spécialisée (DFMS) et du diplôme de formation médicale spécialisée approfondie (DFMSA) permettant aux étudiants étrangers de réaliser une formation complémentaire en France. Le salaire brut des FFI est de 1 480 euros par mois ([16]). Selon la SAE établie en 2023, 7 114 FFI exercent en France (au sein desquels sont compris les stagiaires associés).

● La loi dite « OTSS » a instauré un nouveau statut de praticien associé (PA) ([17]).Ce statut concerne les praticiens lauréats des épreuves de validation des compétences (EVC) à compter de la session 2023 en cours de réalisation de leur parcours de consolidation de compétences, les praticiens ayant été régularisés au titre de la procédure dite « du stock » inscrite aux IV et V de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, les praticiens relevant des procédures Dreesen ([18]) et Hocsman ([19]), les praticiens ayant obtenu leur diplôme dans un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, les praticiens ayant obtenu leur diplôme dans la province du Québec et les praticiens réfugiés et apatrides. Les praticiens associés exercent leurs fonctions sous la responsabilité d’un praticien senior ; ils participent au service de garde et d’astreinte des internes. Au 31 décembre 2023, 2 600 PA étaient recensés, auxquels s’ajoutent les 2 700 lauréats des EVC 2023. Ces plus de 5 000 praticiens représentent 5,3 % des effectifs des praticiens en établissement public. 4 000 PA supplémentaires sont attendus à la suite des EVC 2024. La rémunération mensuelle brute des PA est de 3 052 euros au 1er échelon et 3 448 euros 2e échelon ([20]).

● Les praticiens relevant du dispositif dérogatoire en vigueur jusqu’au 31 décembre 2030                             dans certains départements d’outre-mer, au titre des articles L. 4131-5 et L. 4221-14-3 du code de la santé publique, disposent d’une autorisation temporaire d’exercice et d’une inscription temporaire au tableau du conseil départemental de l’Ordre. Ils bénéficient du plein exercice uniquement dans le département et dans la structure où ils sont affectés pour la seule durée de leur contrat.

● La loi Valletoux a introduit un nouveau statut de praticien attaché contractuel temporaire (Pact), dont peuvent bénéficier les praticiens disposant d’une expérience préalable, pour une durée de deux fois treize mois et sous réserve d’un engagement à passer les épreuves de validation des compétences. Les décrets d’application n’étant pas encore parus, ce statut n’est à ce jour pas opérationnel.

 

● Les statuts de praticien attaché associé (PAA) et assistant attaché (AA), sont en extinction depuis le 1er janvier 2023 à la suite de la création du nouveau statut de praticien associé ([21]). Les praticiens possédant ce statut et lauréats des EVC organisées avant 2022 ont pu le conserver jusqu’à la délivrance de leur autorisation d’exercice. Depuis le 1er janvier 2023, aucun recrutement ou aucun contrat n’est désormais possible sur les statuts de praticien attaché associé et d’assistant associé. Les établissements de santé auraient dû mettre fin aux fonctions des praticiens dès lors qu’ils ne sont pas entrés dans un dispositif d’autorisation d’exercice : en pratique, il n’est pas certain que tous les contrats soient arrivés à échéance.

De plus, les syndicats de médecins ont indiqué au rapporteur que l’extinction de ces statuts sans réel statut de remplacement – le statut de PA étant conditionné à la réussite des EVC – et l’absence de publication des décrets d’application de la loi Valletoux mettant en place le statut de Pact ont conduit à la rétrogradation de plusieurs PAA et AA sur des statuts de stagiaires associés, engendrant une grande instabilité financière et               administrative.

Ce sont ainsi plus de 10 000 Padhue qui soignent nos concitoyens, qui permettent à l’hôpital de fonctionner et aux services d’accueillir les malades. Par exemple, au centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne, 23 % de l’effectif médical est composé de Padhue non-inscrits à l’Ordre. La Fédération hospitalière de France souligne que les spécialités ayant le plus recours aux Padhue sont celles pour lesquelles les difficultés de recrutement sont les plus marquées, telles que la psychiatrie, la médecine d’urgence, la pédiatrie, la médecine générale et la gériatrie ou encore la gynécologie-obstétrique.

En raison de la précarité de ces statuts et du caractère temporaire des contrats, les praticiens étrangers rencontrent de grandes difficultés pour accéder et renouveler leurs titres de séjour. Une praticienne oncologue témoigne ainsi : « En conséquence, vu que l’ARS ne délivre plus d’autorisation temporaire d’exercice, la préfecture n’a pas renouvelé mon titre de séjour en septembre en disant que j’ai épuisé mes deux ans de stagiaire associée. ». La FHF constate que les pratiques entre les préfectures sont hétérogènes et peuvent mettre en péril le maintien sur le territoire de certains praticiens lauréats des EVC et en cours de régularisation. Plusieurs médecins ont par ailleurs été destinataires d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français en 2024.

B.   Alors que de trop nombreux Padhue exercent dans cette zone grise, aux confins de la légalité, il est urgent de proposer des solutions alternatives de régularisation, même temporaires

1.   Les témoignages de Padhue révèlent une précarité et une instabilité administrative inadmissible

Le président du Conseil national de l’Ordre des médecins a admis, lors de son audition par le rapporteur, qu’il n’était pas légitime de permettre aux Padhue d’exercer dans des systèmes d’exploitation organisés par les hôpitaux.

Les collectifs et syndicats de médecins Padhue ont confié au rapporteur plusieurs témoignages de praticiens non régularisés malgré leur expérience, leur participation au système de santé et leur reconnaissance par leurs pairs. Les organismes reçus ont souligné la pertinence du dispositif, désormais échu, de régularisation « du stock » proposé par la loi « OTSS » mais ont regretté l’application de conditions très strictes ayant exclu certains praticiens qualifiés.

Une pharmacienne généticienne indique ainsi : « J’ai rejoint un laboratoire de biologie médicale privé, agréé pour la formation des internes, où je continue d’exercer en tant que généticienne. En 2019, ma demande de régularisation via la loi "OTSS" a été rejetée pour des raisons administratives, car je n’exerçais pas à l’hôpital au moment du dépôt de mon dossier. Il existe une incohérence dans la reconnaissance de mes compétences et de mon expérience, malgré ma contribution essentielle au système de santé français. »

Une reconnaissance est aujourd’hui impérative, afin de sécuriser la situation des praticiens, leur garantir un statut concordant réellement avec leurs attributions et permettre aux structures de santé d’avoir recours à des praticiens disposant réellement du plein exercice. Certains Padhue, alors qu’ils bénéficient d’un statut de praticien en formation imposant d’être accompagné par un responsable, endossent des fonctions comparables à certains médecins seniors. Un médecin diabétologue rencontré par le rapporteur indique ainsi prendre en charge la formation des internes et des praticiens associés dans le cadre de leurs parcours de consolidation des compétences, alors même qu’il dispose d’un statut de praticien attaché associé. Il est urgent d’extraire de ce « pot-au-noir » ces praticiens qui ont choisi notre système de santé pour exercer et sont victimes d’un manque de reconnaissance de leur engagement et en proie à une instabilité administrative angoissante. Le rapporteur souhaite ainsi qu’une nouvelle procédure « du stock », sur le modèle de celle mise en œuvre par la loi « OTSS », vienne régulariser les professionnels exerçant en France depuis de nombreuses années afin d’épurer définitivement ce contingent de praticiens condamnés à la précarité.

Les praticiens rencontrés ont également fait part de leurs craintes concernant la procédure de régularisation de droit commun imposant la réussite d’épreuves de validation des compétences communes à tous les médecins étrangers. Pour ces soignants, les épreuves sont mal calibrées, ne prennent pas en compte l’expérience pratique des praticiens ayant exercé en France et favorisent les médecins tout juste sortis de formation. Une oncologue radiothérapeute témoigne : « En tant que radiothérapeutes, on n’est pas du tout évalués dans notre discipline, très technique. On passe les épreuves avec les oncologues médicaux. Malgré une épreuve sans aucune question dans ma propre discipline qui est la radiothérapie, j’ai eu 13,25/20, le jury s’est arrêté à 13,95/20 alors qu’il restait encore treize postes non pourvus en oncologie. Je n’ai pas été retenue. » De nombreuses personnes auditionnées ont réitéré leur souhait de ne pas voir les épreuves de validation des compétences supprimées pour les praticiens n’ayant jamais exercé en France.

2.   La présente proposition de loi entend apporter deux évolutions à la situation des Padhue, dans l’attente d’une nouvelle régularisation du « stock »

La présente proposition de loi a ainsi pour objectif d’améliorer les conditions d’exercice et d’assouplir la procédure de régularisation des Padhue exerçant aujourd’hui en France, toujours dans un objectif de maintien de l’offre de soins.

D’une part, il s’agit d’étendre un dispositif qui fait actuellement ses preuves dans certains territoires d’outre-mer et qui permet de garantir à la fois le maintien de l’offre de soins et un statut sécurisant pour le praticien (cf. commentaire de l’article 1er de la proposition de loi). Plus de 480 postes ont été ouverts en juillet 2024 en Guadeloupe, Guyane, Martinique et à Mayotte ([22]) dans le cadre des articles L. 4131-5 et L. 4221-14-3 du code de la santé publique.

La pérennisation et l’extension de ce dispositif à l’ensemble du territoire permettra aux établissements de santé de recruter pour des contrats temporaires des praticiens Padhue qui seront inscrits au tableau du conseil départemental de l’Ordre. Il s’agit ici de traiter à la fois l’urgence des difficultés de recrutement des structures de santé par la mise en place d’une filière de recrutement rigoureuse disposant d’un triple filtre, et le besoin de sécurisation et de reconnaissance des Padhue en leur offrant la possibilité de bénéficier du plein exercice dans la structure d’exercice et d’une inscription ordinale temporaire. Ces dispositions permettront également aux établissements de santé souffrant d’un manque de personnel d’ouvrir des postes de praticiens seniors à destination de Padhue, au lieu d’avoir recours à l’intérim, extrêmement coûteux.

Le rapporteur est conscient des limites que peut présenter ce dispositif pour les praticiens, en raison de son caractère temporaire et circonscrit à une structure de santé. En comparaison des autres statuts (SA, FFI, PAA et AA), il présente toutefois l’avantage de garantir une position de praticien senior, une rémunération en conséquence et une reconnaissance au conseil départemental de l’Ordre.

Le rapporteur souligne que ce dispositif n’est en aucun cas une dérogation à la procédure de droit commun pour obtenir une autorisation d’exercice définitive et une inscription au tableau du Conseil national de l’Ordre.

D’autre part, cette proposition de loi envisage de créer des épreuves spécifiques de validation des compétences mieux adaptées aux praticiens ayant une expérience préalable de deux ans au sein d’une structure de santé. Le but de cet aménagement n’est pas d’amoindrir le niveau des épreuves mais de mieux l’adapter à une population de praticiens déjà en exercice, sous la forme d’un examen et non d’un concours. Il n’est pas question de brader la santé, mais d’accommoder des procédures administratives très lourdes et mal calibrées pour les praticiens déjà en poste aujourd’hui.

Le rapporteur propose également de supprimer le nombre limite de tentatives, fixé à quatre dans la procédure de droit commun, afin d’inciter les Padhue expérimentés à passer ces EVC. Actuellement, de trop nombreux praticiens hésitent à passer les épreuves, craignant de perdre leurs chances face à des praticiens tout juste diplômés et mieux à même de passer des épreuves théoriques.

L’ambition de cette proposition de loi n’est pas de proposer une solution définitive à la situation actuelle des praticiens Padhue non régularisés mais de leur garantir des conditions d’exercice plus stables afin de maintenir l’offre de soins et de répondre à un besoin identifié d’adaptation des EVC, sans négocier sur la qualité des soins dispensés. Le rapporteur est convaincu que l’adoption de telles dispositions sera bénéfique, tant pour les praticiens que pour les établissements et les citoyens.

 

 


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   Commentaire des articles

Rejeté par la commission

L’article 1er étend et pérennise à l’ensemble du territoire le dispositif dérogatoire actuellement en vigueur dans plusieurs départements d’outre-mer, permettant aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) d’obtenir une autorisation temporaire d’exercice circonscrite à un établissement de santé.

  1.   La situation actuelle
    1.   Une procédure complexe réformée par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé

Le législateur a progressivement défini le cadre d’obtention d’une autorisation d’exercer en France, pour les professionnels titulaires d’un diplôme délivré hors Union européenne.

Trois conditions cumulatives s’appliquent aujourd’hui aux médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens pour exercer en France, en application des articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique :

– être titulaire d’un diplôme, d’un certificat ou d’un titre reconnu dans le code de la santé publique ;

– être de nationalité française, de citoyenneté andorrane, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne (UE), ressortissant d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), ou de nationalité marocaine ou tunisienne ;

– être inscrit au tableau de l’Ordre de la profession concernée.

Les Padhue ont toutefois bénéficié de plusieurs dispositifs législatifs dérogatoires successifs qui leur ont permis, depuis 1972 ([23]), d’être autorisés à exercer en France, sous certaines conditions et selon des procédures et des modalités spécifiques.

Le régime actuellement en vigueur s’inscrit dans le cadre de la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) mise en place par la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ([24]) et codifiée aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique. Trois dispositifs permettent d’accéder au plein exercice.

 Une procédure de droit commun, permettant l’obtention d’une autorisation de plein exercice obtenue après concours, dite « procédure de la liste A ». Modifié par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite « OTSS » ([25]), ce dispositif comprend quatre étapes successives. Les candidats doivent avoir satisfait à des épreuves de vérification des connaissances (EVC) anonymes, dont le nombre de candidats susceptibles d’être reçus pour chaque profession et chaque spécialité est fixé par arrêté pour chaque session. Le nombre de candidatures est limité à quatre. Les candidats doivent par ailleurs justifier d’un niveau suffisant de maîtrise de la langue française. Une fois reçus, les lauréats entament alors une période probatoire sous statut de praticien associé permettant de valider un parcours de consolidation des compétences (PCC), de deux ans pour les lauréats candidats à la profession de médecins ou de pharmacien et d’un an pour les lauréats candidats à la profession de sage-femme ou de chirurgiens-dentistes. À l’issue de cette période, une autorisation de plein exercice leur est délivrée par le ministre chargé de la santé, après avis d’une commission nationale composée majoritairement de professionnels de santé et comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des Ordres et des organisations nationales des professions intéressées.

 Une procédure dérogatoire ad hoc pour les candidats réfugiés, apatrides, bénéficiaires de l’asile territorial et bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux Français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises, dite « de la liste B », qui ne sont pas soumis à une limitation du nombre de lauréats aux EVC.

 Une procédure transitoire de régularisation, dite « du stock », réservée à certains Padhue en exercice mais n’ayant pas obtenu d’autorisation, désormais échue. Depuis la loi « OTSS », cette procédure comprend deux volets :

– les Padhue présents dans un établissement de santé au 31 décembre 2018 et recrutés avant le 3 août 2010 se sont vus octroyer une autorisation temporaire d’exercice jusqu’à la fin de l’année 2020, prorogée au 30 avril 2023 par la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([26]) ;

– les Padhue présents dans un établissement entre le 1er octobre 2018 et le 30 juin 2019 et ayant exercé des fonctions rémunérées, en tant que professionnel de santé, pendant au moins deux ans en équivalent temps plein depuis le 1er janvier 2015 ont pu obtenir une autorisation temporaire d’exercice, sous réserve de la transmission d’un dossier de demande d’autorisation. Ce dossier est préalablement instruit par une commission régionale de spécialité avant d’être transmis à la commission nationale d’autorisation d’exercice (CNAE). La commission peut alors proposer au ministre chargé de la santé de délivrer une autorisation d’exercice, de rejeter la demande du candidat ou de prescrire la réalisation d’un PCC à l’issue duquel la CNAE sera à nouveau saisie. Cette procédure retardée par la crise sanitaire devait initialement échoir au 31 décembre 2020 mais a été prorogée au 30 avril 2023 par la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Comme le rappelle le président Frédéric Valletoux, dans un rapport déposé le 7 juin 2023 ([27]), l’ensemble des 3 399 dossiers remontés depuis le 1er janvier 2022 ont été traités : 12 % ont reçu un avis défavorable, 38 % ont reçu un avis favorable donnant l’autorisation d’exercer immédiatement, 50 % des candidats doivent effectuer d’autres stages pour consolider leur parcours avant d’obtenir leur autorisation d’exercice.

Cette procédure de régulation n’a toutefois pas réussi à épurer le « stock » de praticiens Padhue exerçant en France sous divers statuts. Les conditions imposées par la loi « OTSS » ont en effet empêché certains Padhue de présenter leur dossier. La seule voie de régularisation pour ces praticiens demeure la procédure dite « de la liste A » imposant la réussite des EVC.

  1.   La loi « Valletoux » a créé une nouvelle procédure dérogatoire afin de traiter le « stock » de Padhue et a proposé un assouplissement de la procédure de droit commun

La loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels ([28]), dite « Valletoux », instaure une nouvelle procédure dérogatoire temporaire, inscrite aux articles L. 4111-2-1 et L. 4221-12-1 du code de la santé publique. Les Padhue en exercice et justifiant d’une maîtrise suffisante de la langue française peuvent se voir délivrer une autorisation temporaire d’exercice d’une durée de treize mois après avis d’une commission (nationale pour les médecins, régionale pour les chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens), sous réserve de s’engager à passer les EVC. Cette autorisation temporaire n’est renouvelable qu’une fois. Les praticiens disposent alors du statut de « praticien associé sous contrat temporaire » (Pact). L’objectif de cette procédure est de garantir un statut sécurisant aux praticiens en exercice n’ayant pas passé ou échoué aux EVC, dans l’attente de leur réussite à l’examen.

La loi Valletoux a également assoupli la procédure de droit commun en permettant une modulation de la durée du PCC en fonction de l’expérience du praticien. L’article 36 précise ainsi que ce PCC est constitué d’un stage d’évaluation, dont la durée doit être précisée par décret. La CNAE, dans son avis rendu à l’issue de la réalisation du PCC, pourra décider de demander le renouvellement de ce stage d’évaluation si elle l’estime nécessaire. Ces dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2025.

La loi a également supprimé la mention de liste de classement aux EVC, remplacée de fait par une liste d’aptitude permettant un recrutement en fonction des vœux des candidats et des besoins des hôpitaux, et non en fonction du mérite des lauréats ([29]) .

Certaines dispositions doivent être précisées par plusieurs décrets en Conseil d’État, à ce jour non publiés. Dans l’attente de la publication des décrets, la direction générale de l’offre de soins du ministère de la santé et de la prévention a publié une instruction ([30]) permettant la prolongation de l’autorisation temporaire d’exercice des praticiens ayant échoué aux EVC 2023, sous réserve d’un engagement à se présenter aux EVC 2024.

  1.   Certains territoires d’outre-mer bénéficient d’un dispositif dérogatoire spécifique

La loi « OTSS » a instauré un nouveau dispositif dérogatoire temporaire applicable aux territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de Saint-Pierre-et-Miquelon ([31]), initialement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2025, afin de répondre à l’urgence concernant l’offre de soins en outre-mer. Ce dispositif a été prorogé à 2030 et étendu à Mayotte par l’article 37 de la loi Valletoux.

Ce dispositif prévoit un recrutement simplifié de Padhue, après avis d’une commission territoriale d’autorisation d’exercice (CTAE), permettant la délivrance d’une attestation temporaire d’exercice au sein d’une structure de santé dans le territoire concerné. Cette autorisation temporaire est par conséquent limitée géographiquement, contrairement aux autorisations temporaires d’exercice décrites précédemment. Après avis de cette commission, les directeurs des agences régionales de santé (ARS) et le représentant de l’État à Saint-Pierre-et-Miquelon peuvent autoriser un Padhue à exercer dans leurs territoires respectifs, sans être lauréats des EVC. Le nombre de postes disponibles, par profession et par spécialité est déterminé par arrêté du ministre chargé de la santé, sur proposition des ARS concernées.

La procédure prévoit le dépôt, sur une plateforme en ligne commune aux territoires concernés, d’un dossier dont le contenu est précisé à l’article 2 du décret n° 2020-377 du 31 mars 2020 relatif à l’exercice dans certains territoires d’outre-mer des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien par des personnes ne remplissant pas les conditions de nationalité et de diplôme normalement applicables. Les dossiers complets sont transmis par les directeurs des ARS à la CTAE, composée des directeurs des ARS des territoires, de deux représentants de la profession (et quatre suppléants) désignés par le conseil territorial ou national de l’Ordre et de deux représentants de la profession (et quatre suppléants) désignés par les instances universitaires des territoires concernés.

Après examen du dossier, la CTAE peut convoquer le candidat à une audition. Lorsqu’un candidat recueille un avis favorable, le président de la CTAE transmet le dossier de candidature, accompagné de l’avis, aux responsables des structures de santé mentionnées sur les listes de vœux des candidats. Les responsables de ces structures informent, le cas échéant, le directeur général de l’ARS du territoire concerné ou le représentant de l’État à Saint-Pierre-et-Miquelon de leur souhait de recruter le candidat. L’autorisation temporaire d’exercice est alors délivrée par l’autorité compétente lorsque le dossier du candidat a été retenu par l’établissement. L’arrêté mentionne notamment la durée de l’autorisation temporaire d’exercice, qui ne peut être inférieure à six mois et ne peut dépasser le 31 décembre 2030, et la structure d’accueil où le praticien est autorisé à exercer. Le praticien bénéficie du plein exercice uniquement dans la structure mentionnée et est inscrit temporairement au tableau du conseil départemental de l’Ordre, pour la durée de son contrat.

De plus, l’article 36 de la loi Valletoux permet dorénavant aux praticiens ayant exercé pendant cinq ans dans le cadre de cette autorisation temporaire et lauréats aux EVC de déroger au parcours de consolidation des compétences.

Ce dispositif a permis de maintenir dans les territoires d’outre-mer le niveau de l’offre de soins. M. Patrice Renia, directeur de la direction démographie et accompagnement des professionnels de santé de l’ARS Guadeloupe rencontré par le rapporteur a indiqué être pleinement satisfait de ce dispositif. Il a par ailleurs été précisé que les critères de sélection des dossiers sont en pratique plus sévères que ceux énoncés dans la loi et le décret d’application. M. Renia a ainsi souligné que seuls les candidats justifiant de deux ans d’exercice en France sont conviés à un entretien devant la CTAE.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 1er propose une extension et une pérennisation de la procédure dérogatoire actuellement en place pour certains départements d’outre-mer à l’ensemble du territoire français en modifiant les articles L. 4131-5 et L. 4221-14-3 du code de la santé publique.

Il s’agit de permettre aux structures de santé sur l’ensemble du territoire d’avoir recours à des Padhue sous contrat temporaire afin de garantir le maintien de l’offre de soins. L’autorisation temporaire étant limitée à une structure et un territoire, elle permet de combler localement un besoin sans remettre en cause la nécessité d’obtenir une validation des compétences pour obtenir une autorisation d’exercer pleine et entière. De plus, la procédure de sélection des candidats sur dossier et par une commission territoriale est gage de la fiabilité du dispositif : la souveraineté de la commission territoriale dans l’appréciation des compétences des candidats ainsi que sa composition garantissent une vérification approfondie des capacités des praticiens.

La pérennisation du dispositif garantira aux praticiens disposant d’une telle autorisation temporaire d’exercice le maintien de leur statut. En effet, à compter de 2030, les praticiens concernés verront leur contrat arriver à échéance, sans possibilité de renouvellement, risquant d’alimenter le « stock » de Padhue exerçant à la frontière de la légalité s’ils ne passent pas ou échouent aux EVC.

L’article 1er prévoit que la composition et le fonctionnement des commissions territoriales, les structures de santé au sein desquelles ces professionnels peuvent exercer, et les modalités de mise en œuvre et de suivi de ces autorisations d’exercice dérogatoires soient précisés par décret en Conseil d’État.

*

*     *

Rejeté par la commission

L’article 2 vise à créer des épreuves de validation des compétences spécifiques, réservées aux praticiens et pharmaciens à diplôme hors Union européenne ayant exercé pendant une durée minimale de deux ans sur le territoire français.

  1.   La situation actuelle

Les dispositions relatives aux épreuves de validation des compétences prévues dans la procédure de droit commun sont précisées aux articles L. 41112 et L. 4221-12 du code de la santé publique, modifiés par la loi « OTSS ». Tous les praticiens sont actuellement soumis aux mêmes modalités d’épreuves de validation des compétences, par profession et par spécialité. Le nombre de tentatives permises est aujourd’hui limité à quatre.

Les épreuves de validation des compétences, organisées par le centre national de gestion (CNG), sont chacune composées de deux épreuves écrites théoriques et pratiques propres aux disciplines et aux spécialités choisies par les candidats.

Le nombre de postes ouverts est précisé chaque année par arrêté du ministère chargé de la santé. Pour la session 2024, l’arrêté du 30 mai 2024 prévoit l’ouverture de 4 000 postes, toutes professions confondues, soit une augmentation de 46 % par rapport à la session 2023. La session 2023 avait également enregistré une forte hausse du nombre de postes ouverts de plus de 36 %, notamment en raison de l’absence d’organisation d’EVC en 2022. Depuis 2018, le nombre de postes ouverts a subi une augmentation de plus de 600 %, soit une multiplication par plus de 7,5, qui illustre les besoins des structures de santé en termes de ressources humaines. L’arrêté fixe également la répartition des postes par spécialité en tenant compte des tensions identifiées. Pour 2024, 20 % des postes sont affectés en médecine générale, 8,3 % en gériatrie, 6 % en anesthésie-réanimation, 5,7 % en médecine d’urgence et 5,5 % en psychiatrie, des chiffres constants par rapport à la session 2023. 45 nouveaux postes sont ouverts pour six spécialités médicales et trois spécialités dentaires qui n’offraient pas de places auparavant.

Une grande majorité des praticiens candidats aux EVC 2024 sont médecins (82 %), et plus particulièrement médecins généralistes (26 %). Le nombre de candidats chirurgiens-dentistes, pharmaciens et sages-femmes a toutefois respectivement augmenté, de près de 42 %, 30 % et 29 % par rapport à la session 2023. Davantage de candidats se sont notamment présentés pour les spécialités de gériatrie (662 candidats supplémentaires soit + 48 %), d’odontologie (+ 33 %) ou de médecine d’urgence (+ 35 %). Une baisse est cependant observée s’agissant des candidatures pour la psychiatrie (– 23 %), malgré le besoin observé et l’augmentation du nombre de postes ouverts.

Pour les EVC 2024, sur près de 20 000 candidats, 44 % sont de nationalité algérienne, près de 13 % de nationalité tunisienne, 7 % de nationalité congolaise, 6 % de nationalité française, 3 % de nationalité marocaine et 2 % de nationalité libanaise. Toutefois, 26 % des candidats à la session 2024 exercent en France.

Le nombre de postes ouverts étant fixé par arrêté, les épreuves de validation des compétences prennent la forme d’un concours, dont le taux de sélectivité est estimé à 27 % pour la session 2023 ([32]). Il est possible d’espérer une baisse du taux de sélectivité pour les EVC 2024, au regard du nombre relativement constant de candidats admis à concourir (+ 5,6 %) et de la forte augmentation du nombre de postes ouverts.

Nombre de candidats et de postes ouverts aux EVC 2023 et 2024

 

Nombre de candidats admis à concourir

Nombre de postes ouverts

Profession

EVC 2023

EVC 2024

Évolution

EVC 2023

EVC 2024

Évolution

Médecin

16 098

16 200

+ 0,6 %

2 703

3 749

+ 38,7 %

Chirurgien-dentiste

1 403

1 997

+ 42,3 %

17

125

+ 635 %

Pharmacien

850

1 104

+ 29,9 %

12

96

+ 700 %

Sage-femme

303

390

+ 28,7 %

5

30

+ 500 %

Total

18 654

19 691

+ 5,6

2 737

4 000

+ 46 %

Source : direction générale de l’offre de soins, ministère de la santé et de l’accès aux soins et centre national de gestion.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 2 vise à créer des épreuves de validation des compétences spécifiques, à destination des praticiens et pharmaciens pouvant justifier de deux ans d’exercice en France, sans limitation du nombre de lauréats ni du nombre de tentatives, en insérant des dispositions nouvelles aux articles L. 4111-2 et l’article L. 4221-12 du code de la santé publique.

Ces dispositions s’adressent spécifiquement aux Padhue exerçant en France depuis au moins deux ans en tant que stagiaire associé (SA), praticien associé sous contrat temporaire (Pact) ou sous statuts préexistants aujourd’hui en extinction ([33]).

La procédure des EVC est actuellement principalement destinée à des praticiens n’ayant jamais exercé en France ; une telle disposition permettra de mieux prendre en compte la situation du « stock » de Padhue. La création d’épreuves spécifiques permettra ainsi d’adapter les épreuves à des praticiens en exercice. Les Padhue exerçant en France – un quart des candidats aux EVC 2024 – sont en effet en concurrence, lors des EVC, avec des praticiens tout juste diplômés. Le caractère théorique des épreuves favorise ces derniers, au détriment de praticiens ayant déjà fait leurs preuves au sein du système de santé français selon les collectifs de médecins Padhue rencontrés par le rapporteur. La direction générale de l’offre de soins a par ailleurs signifié au rapporteur qu’une réflexion était actuellement engagée sur la possibilité de créer de telles épreuves spécifiques à destination des Padhue justifiant d’un nombre minimal d’années d’exercice en France.

L’article vise également à aligner cette procédure sur celle en vigueur pour la « liste B », en prévoyant qu’une limitation des postes ne puisse être opposée aux candidats lauréats, afin de faire de ces EVC un véritable examen de vérification des compétences et non un concours. Par ailleurs, le Conseil national de l’Ordre des médecins, dans sa contribution adressée au rapporteur, se positionne en faveur d’un tel examen spécifique à destination des praticiens actuellement présents dans les établissements, qui s’accompagne d’une meilleure reconnaissance de leur parcours professionnel antérieur.

Enfin, l’article prévoit la suppression du nombre limite de tentatives pour ces épreuves spécifiques.

*

*     *

Rejeté par la commission

Cet article prévoit de gager la charge pour les organismes de sécurité sociale liée à l’application de la proposition de loi par une majoration de l’accise sur les tabacs.

La présente proposition de loi, qui prévoit d’une part, de pérenniser et d’étendre à l’ensemble du territoire national le dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire d’exercice en vigueur dans les départements de Guyane, Guadeloupe, Martinique, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, et d’autre part, de créer des épreuves spécifiques de validation des compétences pour les Padhue ayant exercé au moins deux ans sur le territoire, est de nature à accroître les charges supportées par les organismes de sécurité sociale.

Le présent article prévoit de compenser ces charges, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La pratique du « gage de charge » s’appuie sur de nombreux précédents, confirmés par les rapports d’information successifs des présidents de la commission des finances :

– le rapport d’Éric Woerth de 2022, selon lequel « conformément à une tradition établie et favorable à l’initiative parlementaire, la délégation du Bureau tolère l’inscription à l’ordre du jour de propositions de loi dont l’adoption aurait pour conséquence une violation des dispositions de l’article 40 de la Constitution en aggravant une charge publique. Pour cela, il suffit que la proposition de loi considérée comporte un gage de charge, manifestant que le fait que la charge qu’elle comporte a été repérée, mais tolérée » ([34]) ;

 

– le rapport de Gilles Carrez de 2017, aux termes duquel « la délégation du Bureau chargée de l’examen de la recevabilité financière admet la recevabilité d’une proposition de loi qui crée ou qui aggrave une charge publique, si celle-ci est assortie d’un gage de compensation » ([35]) ;

– le rapport de Jérôme Cahuzac de 2012, pour lequel « la délégation du Bureau admet traditionnellement la recevabilité d’une proposition de loi qui crée ou aggrave une charge publique si celle-ci comporte un gage de compensation » ([36]).

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

1.   Réunion du mercredi 20 novembre 2024 à 9 heures 30

La commission examine la proposition de loi visant à régulariser les praticiens et pharmaciens à diplôme hors Union européenne (n° 432) (M. Damien Maudet, rapporteur) ([37]).

 

M. Damien Maudet, rapporteur. Au cœur de la crise du covid, le Président de la République a fait une déclaration, presque une promesse : « Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans conditions de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. » L’urgence de préserver notre système de santé, les Français l’ont bien comprise, mais manifestement pas les majorités relatives et leurs gouvernements qui se sont succédé depuis 2020.

Urgences fermées ou sous tension – la Fédération hospitalière de France (FHF) signale une dégradation des services d’urgence dans plus du tiers des hôpitaux –, soignants épuisés et en sous-effectifs, patients qui attendent des heures sur des brancards et qui, parfois, y meurent, selon Samu-Urgences de France, « la sécurité sanitaire n’est parfois plus assurée », ce que confirme la Haute Autorité de santé. L’hôpital public est à l’agonie et aucune réponse structurelle ne vient. Les dernières lois de financement de la sécurité sociale ont été bien en deçà des besoins.

Chacun peut en convenir, cette situation s’explique en grande partie par la pénurie de médecins. Par souci d’économie, le numerus clausus a été limité à outrance. On manque de praticiens dans les services hospitaliers, aux urgences, mais aussi dans les campagnes et les villes ; depuis le quartier de La Bastide à Limoges jusqu’au village de Domps dans la Haute‑Vienne, les déserts médicaux progressent : 6 millions de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant et, parmi eux, 400 000 souffrent d’une affection longue durée. Le texte qui vous est soumis reprend d’ailleurs une des dispositions de la proposition de loi d’initiative transpartisane, défendue par Guillaume Garot, dont l’objet est de lutter contre les déserts médicaux.

En dépit de cette profonde pénurie de professionnels de santé, notre pays ne reconnaît toujours pas correctement, dignement, les praticiens – médecins, dentistes, sages‑femmes – et les pharmaciens à diplôme hors Union européenne, communément appelés les Padhue. Dans la majorité des cas, ce sont des étrangers – mais pas toujours – qui veulent soigner en France. L’exposé des motifs de la proposition de loi évoque 5 000 Padhue, mais, aux dires du Conseil national de l’Ordre des médecins, ils seraient bien plus nombreux, aucune statistique fiable ne permettant d’identifier et de recenser le nombre exact de Padhue exerçant dans des établissements français.

Le système est complexe et fait cohabiter plusieurs statuts. De façon générale, les praticiens qui n’ont pas passé les épreuves de vérification des connaissances (EVC) exercent comme faisant fonction d’interne ou stagiaire associé. Ceux qui ont réussi leurs EVC ont le statut de praticien associé et doivent valider un parcours de consolidation des compétences de deux ans pour devenir médecins de plein exercice.

La part des médecins étrangers dans les effectifs soignants est croissante : elle est passée de 7,1 % à 12,5 % entre 2010 et 2023. Ce sont des médecins du quotidien, qui s’occupent de nos enfants, de nos aînés, de notre santé. En 2018, les 6 400 Padhue de plein exercice comptaient 740 psychiatres, 390 pédiatres, 566 gériatres et 152 ophtalmologues. Les représentants d’un établissement auditionné ont indiqué que 23 % de leur effectif médical était composé de Padhue non inscrits au tableau de l’Ordre.

Au ministre de l’intérieur, pour qui l’immigration n’est pas une chance, nous répondons qu’elle est, plus encore, une nécessité sanitaire. Sans médecins étrangers, des services s’effondreraient.

La proposition de loi vise deux objectifs. Le premier est de reconnaître et de sortir de la précarité les Padhue qui viennent nous soigner et comblent un manque croissant de soignants. Les statuts actuels ne sont pas clairs. Certains Padhue ont le statut de fonction d’interne ou sont stagiaires associés sur le papier, alors qu’ils tiennent des services entiers – à l’instar, parfois, des internes –, cela pour 1 400 ou 1 600 euros. Parfois, ils exercent sous des statuts qui ne correspondent pas à leur situation, voire qui n’existent plus. Le président du Conseil national de l’Ordre des médecins y voit un système d’exploitation organisé dans lequel les gratifications sont insuffisantes et n’assurent pas une reconnaissance, alors que les Padhue tiennent des services à bout de bras. Toutes les personnes auditionnées ont reconnu qu’ils exerçaient sous des statuts plus ou moins légaux, parfois même en faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français.

La loi de 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (« OTSS ») et la loi de 2023 visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, dite « loi Valletoux », ont cherché à améliorer cette situation, mais nous devons à ces médecins, souvent étrangers, qui donnent pour notre pays et pour notre santé de faire plus. Je rappelle que le premier médecin décédé du covid-19, Jean-Jacques Razafindranazy, était un Padhue retraité qui avait repris du service.

Le deuxième objectif de la proposition de loi est d’augmenter le nombre de praticiens de plein exercice. Selon la FHF, les établissements de santé comptaient quelque 7 000 Padhue non régularisés en 2023, c’est-à-dire autant de futurs médecins potentiels. Ils constituent une source importante de recrutement dans les disciplines en tension : psychiatrie, pédiatrie, urgences, gériatrie, gynécologie obstétrique. Le Gouvernement en prend certainement conscience, puisque le nombre de postes ouverts aux EVC a été multiplié par 7 depuis 2018, en augmentation de plus de 600 %. Les Padhue répondent aux besoins non couverts de la population, qui s’accentueront sous l’effet du vieillissement démographique : en 2040, le pays comptera 2,5 millions de personnes de plus de 80 ans, c’est-à-dire de 60 % de plus qu’aujourd’hui.

La France ne mobilise pas les moyens nécessaires pour respecter les Padhue et améliorer l’offre de soins. Dans le droit commun, leur régularisation passe par un concours ouvrant un nombre défini de postes, les EVC, suivi d’un parcours de consolidation des compétences. Extrêmement difficiles, les EVC affichent un taux de réussite de moins de 25 %, selon le Centre national de gestion, et sont souvent déconnectés de la médecine. Des Padhue qui exercent depuis dix ans en France et qui obtiennent une moyenne de 13,25 au concours sont écartés si le jury a fixé une note plancher de 13,95. Le nombre de passages est limité, si bien que certains n’osent plus se présenter au concours de peur d’être reconduits à la frontière s’ils échouent. Ils préfèrent exercer sous un statut précaire.

Les dispositions de la loi OTSS ont permis de régulariser un certain nombre de Padhue, mais le « stock » n’a pas été épuisé. Pour sa part, la loi Valletoux permet aux Padhue disposant d’une expérience professionnelle d’exercer deux fois treize mois avec le statut de praticien associé contractuel temporaire s’ils s’engagent à passer les EVC. Pour répondre à l’urgence dans certains territoires d’outre-mer, le dispositif communément appelé « Antilles-Guyane » permet à des médecins à diplôme hors Union européenne n’ayant pas obtenu leurs EVC de passer devant une commission pour obtenir une autorisation d’exercice temporaire sur un poste précis. Ce dispositif fonctionne très bien – les ruptures de missions sont rares – et soulage de nombreux services. Nous proposons de le pérenniser et de l’étendre à l’ensemble du pays pour combler des besoins locaux, sans remettre en cause la nécessité d’obtenir une validation des compétences pour être autorisé à exercer de façon pleine et entière. Ce statut assurerait une meilleure rémunération des Padhue, leur responsabilisation et leur enregistrement temporaire au tableau du Conseil national de l’Ordre des médecins, ce qui représente une sécurité pour les patients.

Nous proposons par ailleurs, par l’article 2, de créer des EVC spécifiques pour les Padhue ayant déjà exercé en France. La direction générale de l’offre de soins mène une réflexion en ce sens.

Enfin, l’article 3 vise à gager les dépenses par une majoration de l’accise sur les tabacs.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sandra Delannoy (RN). Primum non nocere, d’abord, ne pas nuire, c’est le premier principe de prudence enseigné aux étudiants en médecine. Ce même principe a guidé nos réflexions et la rédaction de nos amendements concernant cette proposition de loi qui vise à autoriser les Padhue à exercer en France métropolitaine sur simple dossier de candidature, sans examen systématique permettant de s’assurer de leur niveau de langue française, de leur capacité à prendre en charge des cas cliniques ni même de leurs connaissances en santé.

Nous sommes conscients des besoins en médecins et praticiens de santé ainsi que des déserts médicaux qui s’intensifient chaque jour. Mais la réputation de la médecine française, nos malades, les sacrifices demandés aux étudiants en médecine des universités françaises et les difficultés d’accès aux soins que connaissent les Français nous obligent à une analyse plus fine.

Dans son avis sur la mission Santé du projet de loi de finances pour 2025, ma collègue Anchya Bamana souligne que le dispositif dérogatoire en vigueur à Mayotte est particulièrement contesté et suscite de vives inquiétudes, notamment quant à la capacité d’évaluer le diplôme et les compétences des Padhue. La crainte est aussi que ce dispositif dérogatoire ne devienne un mode de recrutement classique se substituant au vivier local.

La régularisation des Padhue à tour de bras, telle une distribution de chèques en blanc, n’est pas la solution de qualité que la médecine française et sa réputation méritent. Nous souhaitons que les Padhue désireux d’exercer en France continuent d’être soumis à des épreuves préalables de vérification de leurs connaissances médicales et de leur niveau de français. Cela permettra d’assurer la qualité des soins et offrira une garantie de sécurité.

M. Jean-François Rousset (EPR). Nous sommes tous conscients du manque de médecins. Les patients attendent que nous fassions davantage pour assurer l’accès aux soins. Nous y travaillons depuis sept ans : nous avons ainsi supprimé le numerus clausus pour augmenter le nombre d’étudiants en médecine, accru le temps médical en promouvant les structures d’exercice coordonné, facilité le transfert de compétences entre professionnels de santé et introduit des dispositions de régulation comme le service d’accès aux soins.

En parallèle, dans l’attente des effets de la suppression du numerus clausus, nous devons agir pour accroître le nombre de médecins. Les Padhue sont une composante indispensable du bon fonctionnement de notre système de santé ; ils seraient entre 4 000 et 5 000. La loi Valletoux a facilité leur activité en prévoyant une autorisation d’exercice provisoire. Une question demeurait néanmoins, et la proposition de loi s’en empare : comment faciliter la régularisation de ces professionnels ?

L’article 1er vise à exonérer certains Padhue d’une évaluation, comme cela se pratique de manière dérogatoire dans les territoires ultramarins. La généralisation, et surtout la pérennisation de cette faculté dévolue aux agences régionales de santé (ARS), nous semblent toutefois disproportionnées par rapport aux besoins.

L’article 2 prévoit que les professionnels présents dans nos établissements depuis au moins deux ans passent des épreuves de vérification de connaissances spécifiques. Ce principe nous paraît intéressant ; nous proposerons de l’améliorer.

Sous ces réserves, le groupe Ensemble pour la République soutiendra la proposition de loi.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous débattons ici d’une question autant d’humanité – la justice pour les soignants, l’accès aux soins pour les patients – que d’intérêt général et d’ordre public.

Pour illustrer le sujet, je prendrai l’exemple d’un médecin français qui a obtenu son diplôme en Algérie, où il résidait pour des raisons familiales, et qui exerce depuis plus de cinq ans en France. Il détient quatre diplômes universitaires dans des domaines où nous manquons de soignants – tabacologie, diabétologie, obésité et nutrition –, a réalisé 287 gardes en deux ans dans quatre sites, a exercé dans un hôpital de campagne pendant le covid, s’est inscrit comme volontaire sur le 15, a publié des articles dans des revues scientifiques internationales, jouit de la reconnaissance de grands spécialistes français, a reçu les félicitations du ministère de l’intérieur et travaille dans des hôpitaux qui manquent de personnel – le tout, pour un salaire inférieur de moitié à celui de ses homologues en France en début de carrière, et pour la simple raison qu’il n’a pas obtenu son diplôme au même endroit qu’eux. Il doit enchaîner des contrats précaires et se demande chaque année ce qu’il fera l’année suivante, alors que ses collègues diplômés en France sont des agents publics sous statut. En plus d’un rythme de travail infernal, il a préparé un concours offrant un nombre de places ultralimité. S’il échoue, on l’invitera à se reconvertir ou on lui permettra de continuer à exercer grâce à des recommandations arbitraires de ses pairs, toujours sous statut précaire. Et je ne parle même pas des Padhue de nationalité étrangère qui, comme seule reconnaissance pour leurs années d’engagement, reçoivent une obligation de quitter le territoire français.

Ce système engendre des situations absurdes. Je pense à ce Padhue qui a vu son chef de service faire un malaise cardiaque : s’il le ranimait, on pouvait lui reprocher l’exercice illégal de la médecine – le cas est véridique.

Nous proposons de revenir sur la gestion des Padhue effectuée dans une logique de flux et de stock. Je sais cette proposition consensuelle, comme en témoignent plusieurs votes dans l’hémicycle. Je pense aussi que nous pouvons nous accorder sur la régularisation de ces professionnels.

M. Guillaume Garot (SOC). Les Padhue, ce sont 4 000 à 5 000 personnes qui tiennent à bout de bras nos établissements de santé, en particulier, nos hôpitaux. S’ils n’étaient pas là, les soignants peineraient encore plus à apporter les meilleurs soins possibles aux Français – je salue l’investissement des uns et des autres. Des pas en avant ont été faits, notamment grâce à la loi Valletoux, et la présente proposition de loi propose de faire mieux. Elle s’inscrit dans la philosophie du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux, dont elle reprend une disposition parmi celles que nous avons mises en avant. Le débat porte sur la qualité des soins dispensés et de l’exercice dans les règles de l’art par les Padhue, la grande majorité d’entre eux n’ayant pas effectué ses études en France – il est bien normal de s’en assurer. La proposition de loi me semble tout à fait prendre en considération cette exigence de sécurité et de qualité. Peut-être nécessitera-t-elle d’être précisée, mais, en tout état de cause, nous la soutenons.

M. Fabien Di Filippo (DR). Les nombreux recrutements de Padhue sont nécessaires pour faire fonctionner nos hôpitaux ; cela participe d’une immigration choisie et tout à fait bienvenue. Mais en se concentrant sur la facilitation des régularisations, la proposition de loi passe à côté du véritable enjeu de l’intégration de ces professionnels. Il ne faut pas revenir sur la validation de leurs compétences en baissant le niveau d’exigence et en créant des dérogations. Il faut conserver le même degré d’exigence académique, car celle-ci garantit la qualité des soins que l’on doit à nos compatriotes.

Pour ceux qui remplissent les critères de compétence et qui travaillent déjà depuis plusieurs mois ou plusieurs années dans des services hospitaliers, il faudrait simplifier, si possible drastiquement, la procédure d’autorisation d’exercice. Cela permettrait de sortir de la précarité administrative des gens qualifiés qui ont vocation à rester sur notre territoire. Parfois, certains d’entre eux demeurent dans l’incertitude, sans titre de séjour pérenne, pendant plus de deux ans. C’est là le cœur du problème.

Il arrive aussi que des praticiens venant de pays extérieurs à l’Union européenne connaissent un échec flagrant du point de vue de la maîtrise des compétences hospitalières, de la langue, de l’intégration dans nos équipes. Cela justifierait une harmonisation des standards de formation à l’échelle internationale.

Une autre question que nous devrions aborder est la fuite des étudiants en santé français.

Nous sommes opposés à ce texte, notamment au passage des EVC sans limite. Lorsque la compétence médicale ou la langue ne sont pas au rendez-vous, les intéressés ne peuvent rester dans nos hôpitaux ni, plus généralement, en France.

M. Hendrik Davi (EcoS). Un jour, un énarque à qui l’on demandait de faire des économies s’est exclamé : « C’est évident, pour diminuer les dépenses de santé, il suffit de baisser le nombre de médecins ! » À la fin des années 1970, on formait chaque année 8 500 médecins ; le chiffre est tombé à 3 500 au début des années 2000. Certes, il a remonté depuis, mais il est encore loin d’être suffisant. Une infirmière, citée par Damien Maudet dans l’exposé des motifs de cette excellente proposition de loi, témoigne : « Certains soirs, il y a dix brancards que l’on range en épis. Je dis aux patients : “Je vais vous garer.” C’est devenu un parking de supermarché. » Un syndicaliste explique : « À l’hôpital, les gens crèvent, les collègues rendent leur blouse parce qu’ils ne veulent plus rentrer chez eux, pleurer et revenir le lendemain. Ça ne peut plus tenir. »

L’austérité organisée par les gouvernements successifs nous contraint à aller chercher des médecins à l’étranger, ce qui n’est pas forcément souhaitable. Le comble de cette fable contemporaine, c’est que, par racisme, tout est fait pour compliquer la tâche des médecins étrangers. Les Padhue jouent un rôle clé dans l’offre de soins, notamment en zone rurale, pourtant, pour faire reconnaître leurs qualifications et pouvoir exercer pleinement leur métier, ils doivent en passer par un véritable parcours du combattant : il leur faut d’abord réussir l’épreuve de vérification des connaissances puis effectuer un parcours de consolidation des compétences de deux ans, alors même qu’ils exercent déjà depuis plusieurs années en France. Or l’EVC n’est pas une simple vérification des compétences, c’est un concours assorti de quotas. En attendant leur titularisation, les Padhue travaillent souvent sous un statut très précaire – stagiaire associé ou faisant fonction d’interne – et sont rémunérés 1 500 euros par mois. Cela n’est pas digne des responsabilités qu’ils assument au quotidien.

Beaucoup de ces médecins envisagent de partir, ce qui ferait courir un risque à notre système de santé, car ils représentent près de 16 % des médecins en activité. Nous devons mettre fin à leur précarité administrative et financière. Nous voterons en faveur de la proposition de loi.

M. le président Frédéric Valletoux. Je ne défends pas les énarques, mais la demande d’instauration du numerus clausus émanait, dans les années 1970, des syndicats de médecins, et les politiques ont eu la faiblesse de les écouter.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous discutons de la régularisation des Padhue au sein de cette commission depuis près de huit ans. Vous-même, monsieur le président, lorsque vous étiez ministre, expliquiez combien ces professionnels de santé avaient été maltraités pendant de longues années. Ils sont plus de 12 000 à faire tourner nos hôpitaux, alors qu’ils relèvent de statuts précaires et sont moins bien payés que leurs homologues. Le système de validation de leurs compétences est très complexe. L’année dernière, plus de 2 600 Padhue ont réussi les EVC.

Si l’on ne peut pas transiger sur la qualité de ces professionnels, cela n’empêche pas de leur permettre de passer le concours un plus grand nombre de fois, ni d’améliorer les modalités de validation. J’ai moi-même rempli un dossier pour me faire une idée : nous avons de gros progrès à faire pour réduire la complexité des procédures ! Nous déposerons des amendements en séance pour améliorer certaines dispositions.

La dérogation en vigueur dans les départements français d’Amérique est accordée à titre provisoire. Ces territoires connaissaient des distorsions de salaire encore plus marquées que dans l’Hexagone, pouvant aller de 1 à 10. La dérogation est, de ce point de vue, une mesure juste. Il faut toutefois sortir du provisoire et avoir des professionnels compétents, qui restent en place.

M. Pierre Marle (HOR). Chacun s’accorde à reconnaître que les médecins et les pharmaciens diplômés de pays situés hors de l’Union européenne jouent un rôle crucial dans notre système de santé. Ils sont des centaines à œuvrer chaque jour dans nos hôpitaux, souvent dans des conditions difficiles, pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens.

Ces professionnels doivent mener des démarches administratives complexes pour faire reconnaître leurs compétences en France. Le groupe Horizons & Indépendants a soutenu plusieurs initiatives législatives pour améliorer cette solution, notamment en 2023 la loi Valletoux, qui a créé une attestation d’exercice temporaire simplifiant l’intégration de ces praticiens étrangers.

Il est essentiel de distinguer l’intégration et la dérégulation. La qualité et la crédibilité de l’exercice médical dans notre pays reposent sur la garantie que tous les professionnels de santé, quelle que soit leur origine, possèdent les compétences nécessaires. Ce principe est au cœur de la confiance que nos concitoyens accordent au système de soins. Nous ne pouvons pas nous permettre de compromettre l’exigence d’excellence dans un domaine aussi vital que celui de la santé. C’est pourquoi nous estimons que les épreuves de vérification des connaissances et les examens spécifiques aux Padhue doivent être maintenus. La proposition de loi risque, à cet égard, de diminuer la valeur des évaluations et de fragiliser la qualité des soins prodigués.

En outre, permettre aux ARS d’octroyer une autorisation d’exercice à un praticien qui n’a pas passé d’EVC créerait un déséquilibre entre les territoires et porterait atteinte à la cohérence nationale de notre système de santé.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Horizons & Indépendants ne soutiendra pas la proposition de loi.

M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). La proposition de loi soumise à notre examen contient des dispositions similaires à celles de l’article 5 de la proposition de loi transpartisane issue du groupe de travail sur les déserts médicaux – auquel je participe, avec Damien Maudet. Pour lutter contre la désertification médicale, il nous faut prendre des mesures efficaces, à savoir mieux répartir, mieux former, mieux accompagner ceux qui nous soignent au quotidien.

Faciliter l’exercice des Padhue, qui œuvrent quotidiennement dans les établissements de santé les plus isolés du territoire, sans compter leurs heures, est une nécessité. Ces professionnels connaissent la précarité et l’instabilité, à telle enseigne que certains sont forcés de quitter l’hôpital public alors que nous manquons cruellement de personnel. Dans un contexte d’aggravation continue de la désertification médicale, ces médecins sont d’indispensables renforts dans nos hôpitaux ; dans les zones rurales, l’offre de soins repose pour beaucoup sur eux. Les mesures qui ont été prises depuis 2020, au nombre desquelles la loi Valletoux et les autorisations temporaires accordées à ces médecins, ne constituent que des solutions dérogatoires, provisoires et restrictives. Elles ne permettent pas à ces praticiens de se projeter et d’envisager sereinement l’exercice de leurs fonctions au sein des structures.

Il faut cependant s’assurer de leurs compétences et de la sécurité des patients. Les mesures proposées par le texte ont vocation, non seulement à répondre aux attentes des Padhue en les faisant sortir de la précarité administrative et salariale, mais aussi à satisfaire les besoins exprimés par de nombreux chefs de service de nos hôpitaux. Notre groupe votera en faveur de la proposition de loi, qui constitue un premier pas.

Mme Karine Lebon (GDR). La France souffre depuis trop longtemps d’une pénurie de médecins. L’absence de réaction des pouvoirs publics a contraint les hôpitaux à s’adapter en recourant aux maigres moyens dont ils disposent. Nos soignants se sont transformés en logisticiens, nos hôpitaux en usines de tri. Cette situation plonge le personnel soignant dans la précarité, par le recours à l’intérim, aux contrats à durée déterminée, aux heures supplémentaires non payées, et ce n’est pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui améliorera la situation.

Tous les médecins de l’hôpital public, d’où qu’ils viennent et dans quelque pays qu’ils aient obtenu leur diplôme, sont en première ligne et tentent d’assurer au mieux le bon fonctionnement des services. Ils tiennent le système de santé à bout de bras. Parmi eux, les Padhue sont sévèrement maltraités. Leur statut est précaire, sous-payé, négocié de gré à gré, souvent même à la limite de la légalité. L’opacité et la complexité de la situation des Padhue ont été dénoncées par leurs pairs. Les épreuves de vérification des connaissances, sans lesquelles ils ne peuvent exercer librement leur profession, sont devenues un concours. Les notes d’admission sont de plus en plus élevées et le nombre de places demeure limité, en contradiction totale avec les besoins et les compétences dont font preuve au quotidien, depuis plusieurs années, ces médecins.

Les collectifs de Padhue citent souvent la procédure dérogatoire instaurée dans certains territoires dits d’outre-mer – je regrette d’ailleurs qu’elle ne s’applique pas à mon territoire de La Réunion –, qui autorise le recrutement de ces praticiens sur simple examen de dossier. Cette procédure ayant fait ses preuves, les collectifs se demandent pourquoi elle n’est pas étendue à l’ensemble du territoire français. Puisque le cabinet de la ministre de la santé a indiqué, le mois dernier, à l’Association pour l’intégration des praticiens engagés contre le covid qu’il était en quête d’un vecteur législatif pour régulariser la situation des Padhue, cette proposition de loi tombe à point nommé : le Président de la République pourra enfin tenir sa promesse à ces praticiens.

M. Olivier Fayssat (UDR). Le groupe UDR n’est pas favorable à ce texte. D’abord, nous craignons une dépendance croissante aux médecins formés à l’étranger, dont le maintien sur le territoire national n’est pas garanti, ce qui pourrait fragiliser, à terme, l’offre de soins. Ensuite, l’exemption des épreuves de vérification des connaissances empêche de contrôler l’aptitude professionnelle et la maîtrise de la langue française de ces praticiens. Enfin, cette proposition de loi met en péril la souveraineté sanitaire de la France, tout en privant de leurs talents de nombreux pays en développement.

M. le rapporteur. Pour être inscrit au tableau de l’Ordre des médecins, il faut maîtriser la langue française, ce qui rend sans objet les amendements déposés par la droite pour détricoter le texte. Il faut en finir avec le fantasme que des médecins, même inscrits temporairement à l’Ordre, ne parleraient pas notre langue.

Nous ne proposons pas de mettre fin à l’examen de validation des compétences ni d’accorder une autorisation générale d’exercice : ce dernier serait limité à un seul service ou à un seul poste, par exemple. Je rappelle que l’Ordre des médecins est présent au cours des entretiens, au côté de l’ARS. À l’heure actuelle, comme nous l’ont dit les directeurs d’ARS, les ruptures de contrats sont assez rares, ce qui témoigne du fait que les Padhue ont le niveau requis.

Nous ne proposons pas non plus de supprimer les EVC. Mais sachant que les Padhue n’osent pas les passer de crainte, en cas d’échec, d’être raccompagnés à la frontière ou de ne plus pouvoir exercer, ne rien faire pour eux, c’est les laisser dans le précariat et les empêcher de tenir un service – ce qui est pourtant fort utile pour le pays, en particulier là où l’on manque de médecins.

Le raccourcissement du parcours de compétences a déjà été décidé : il sera effectif en janvier 2025. La suppression de la limitation du nombre de présentations aux EVC ne va pas non plus faire baisser le niveau – si un médecin étranger exerce dans un hôpital français depuis un certain nombre d’années, on peut en déduire qu’il a les compétences nécessaires et que, dans le cas contraire, le chef de service aurait mis fin à son contrat. Il faut encourager les médecins à passer les EVC, car cela leur permettra d’être régularisés, mieux rémunérés et d’assurer le bon fonctionnement d’un service.

J’entends dire à droite que ce texte ne serait pas la solution. C’est la même droite qui a refusé de réguler l’installation des médecins, qui s’oppose aujourd’hui à la régularisation des médecins étrangers et qui ne propose – je parle du RN – jamais rien, si ce n’est des aides de-ci, de-là aux médecins, qui ne fonctionnent pas.

Les mesures concrètes que nous proposons sont susceptibles d’améliorer la santé des Français et les conditions de travail de nombreux médecins qui s’investissent pour notre pays.


2.   Réunion du mercredi 20 novembre 2024 à 15 heures

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi visant à régulariser les praticiens et pharmaciens à diplôme hors Union européenne (n° 432) (M. Damien Maudet, rapporteur) ([38]).

Article 1er : Extension et pérennisation du dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire d’exercice actuellement en vigueur dans certains territoires d’outre-mer

Amendement de suppression AS14 de Mme Sandra Delannoy

Mme Sandra Delannoy (RN). L’article 1er vise à autoriser des médecins, chirurgiens, dentistes, maïeuticiens et pharmaciens étrangers à l’Union européenne (UE) et à l’Espace économique européen (EEE) à exercer en France métropolitaine après avoir déposé un simple dossier de candidature, sans examen systématique permettant de s’assurer de leur maîtrise de la langue française et de leur capacité à prendre en charge les cas cliniques, ni épreuves de vérification des connaissances (EVC) fondamentales et pratiques en matière de santé.

L’article L. 4131-5 du code de la santé publique crée une autorisation dérogatoire spécifique dans certains territoires et départements ultramarins, pour y faire face à une tension sanitaire notoire. Nous ne souhaitons pas étendre ce dispositif à l’ensemble de la métropole, non pas parce que nous rejetterions les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) – nous sommes bien conscients que les déserts médicaux s’étendent chaque jour en métropole et que les besoins sont réels –, mais parce que nous estimons que ceux qui désirent exercer en France doivent être soumis préalablement à des EVC ainsi qu’à une vérification de leur niveau de français.

M. Damien Maudet, rapporteur. Aucun Padhue ne devient médecin sans qu’un contrôle soit exercé : des entretiens, notamment avec des représentants des ordres professionnels concernés, sont prévus. Les ruptures de contrat sont d’ailleurs très rares, signe que le modèle fonctionne bien. Les craintes que vous exprimez me semblent donc infondées : l’expérimentation peut être étendue aux territoires de l’Hexagone qui souffrent d’un manque criant de médecins.

Je suis tout à fait défavorable à cet amendement, dont l’adoption viderait la loi de sa substance.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le dispositif appliqué en outre-mer – sous le contrôle de l’agence régionale de santé (ARS) en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à Mayotte ou de la préfecture à Saint-Pierre-et-Miquelon – repose sur une plateforme ouverte toute l’année, sur laquelle les candidats déposent un dossier complet, qui est ensuite évalué par un jury composé par profession et par spécialité. L’accès au métier de soignant n’est donc en aucun cas abandonné au libre marché. Pas de sophismes entre nous : il s’agit simplement, ici, de permettre à une personne présentant une certaine ancienneté et dont tous les collègues estiment qu’elle a sa place dans l’équipe d’être admise par l’ARS, dans certains cas, à exercer ses fonctions de plein droit.

Si vous considérez que le dispositif en vigueur en outre-mer est insatisfaisant, dites‑le clairement et démontrez pourquoi : nous pourrions alors en débattre en vue de l’amender. Ce n’est pas ce que je retire de la lecture de cet amendement.

M. Fabien Di Filippo (DR). J’avais moi aussi déposé un amendement de suppression de l’article 1er. J’estime en effet qu’il ne faut pas baisser le niveau d’exigence et de contrôle des compétences des soignants rejoignant nos hôpitaux, car si les formations sont harmonisées au sein de l’Union européenne, tel n’est pas le cas ailleurs. Il faut, en revanche, une fois le niveau de compétences clairement établi, réduire les délais administratifs qui peuvent bloquer les personnes concernées dans une situation de précarité pendant plusieurs années.

Avec cet article, vous tapez à côté de la cible. L’intégration de praticiens étrangers est parfois une franche réussite et certains recrutements sont absolument nécessaires, je ne le nie pas. Seulement, pour des raisons d’intégration, de maîtrise de la langue, ou encore de compétences médicales, d’autres exemples sont des échecs patents sur lesquels on ne peut pas fermer les yeux.

M. Philippe Vigier (Dem). Je ne suis pas favorable à l’extension du dispositif exceptionnel et transitoire déployé dans les départements français d’Amérique, car elle introduirait une certaine fragilité sur l’ensemble du territoire national. Qu’il faille modifier les concours passés par les Padhue et les modalités de validation des acquis de l’expérience, ou encore permettre aux candidats de passer les examens plus fréquemment et autant de fois qu’ils le souhaitent, je n’en disconviens pas : je rejoins le rapporteur sur la nécessité de mobiliser tout un arsenal de mesures qui a été laissé de côté pendant de longues années.

En revanche, je ne souhaite pas que nous ajoutions de la précarité à la précarité, surtout au prix d’un abaissement du niveau d’exigence. Aspirons plutôt à élever le niveau et à régulariser plus rapidement ceux qui doivent l’être, pour le bien du patient comme du soignant.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements AS13 et AS8 de Mme Sandra Delannoy, AS4 de M. Pascal Jenft, AS9, AS10 et AS11 de Mme Sandra Delannoy et AS5 de M. Pascal Jenft tombent.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Quel est le résultat précis du vote ?

Mme Annie Vidal, présidente. Douze députés ont voté pour l’adoption de l’amendement de suppression et dix ont voté contre.

Après l’article1er

Amendement AS29 de M. Damien Maudet

M. le rapporteur. Il s’agit ici de demander un rapport évaluant la pertinence d’une nouvelle loi de régularisation du « stock » de Padhue, à l’instar de ce qui avait été fait en 2019.

Je reviens d’un mot sur la suppression de l’article 1er, qui prévoyait d’étendre l’expérimentation en cours dans certains territoires d’outre-mer à tout l’Hexagone. Certains ont expliqué craindre que des médecins peu formés soient autorisés à exercer. En plus de renoncer à permettre à davantage de praticiens de soigner les Français, ils expliquent ainsi aux habitants des territoires ultramarins concernés qu’ils peuvent, contrairement à ceux du reste du pays, se contenter d’une sous-médecine. De deux choses l’une : soit le dispositif en vigueur est applicable à tout le monde parce qu’il est utile, soit il est inefficace, voire dangereux, et ne devrait donc avoir cours nulle part, à moins d’envoyer un curieux message aux territoires concernés.

La commission rejette l’amendement.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Madame la présidente, neuf députés du groupe LFI-NFP sont présents, auxquels s’ajoutent deux camarades du groupe EcoS et ceux du groupe SOC. Il serait donc étrange que seules dix personnes se soient opposées à la suppression de l’article 1er. Peut-être y a-t-il eu une erreur dans le décompte du vote.

Mme Annie Vidal, présidente. L’article 1er a été supprimé à douze voix contre dix. Peut-être tous les votants potentiels n’ont-ils pas levé la main ; d’autre part, des députés entrent et sortent de la salle. Les administrateurs ont l’habitude de compter les voix et nous pouvons leur faire confiance pour l’avoir fait correctement.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Nous ne mettons nullement en cause les administrateurs. Seulement, il est impossible que nous ayons été seulement dix à voter alors que nous étions treize présents.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous étions même quatorze !

Mme Annie Vidal, présidente. Encore une fois, peut-être tous les participants n’ont-ils pas levé la main au moment du vote. En conséquence, l’amendement de suppression de l’article 1er a bien été adopté, par douze voix contre dix. Les administrateurs se fondent sur le nombre de suffrages exprimés, pas sur le nombre de personnes présentes dans la salle.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous demandons une suspension de séance.

La réunion est suspendue de quinze heures quinze à quinze heures dix-sept.

Mme Annie Vidal, présidente. Nous allons refaire le vote après une nouvelle suspension de quelques minutes.

La réunion est suspendue de quinze heures dix-sept à quinze heures dix-neuf.

Mme Annie Vidal, présidente. Je constate que le nombre de présents a sensiblement changé depuis tout à l’heure. Par ailleurs, le fait est que les votants ne lèvent pas toujours la main ostensiblement. Soucieuse de ne pas créer de précédent en revenant sur un vote qui a déjà eu lieu, je m’appuie sur le comptage effectué par les administrateurs. Le vote est valide et l’article 1er est donc bien supprimé.

M. Yannick Monnet (GDR). C’est une décision partiale ! Vous ne pouvez pas changer ainsi d’avis en cours de route !

Mme Annie Vidal, présidente. Remettre en cause la présidence et les compétences du personnel de l’Assemblée n’est pas acceptable. Le vote a eu lieu et le décompte a été effectué. Nous ne pouvons pas revoter alors que l’assistance n’est plus la même. (Plusieurs députés du groupe LFI-NFP s’exclament.)

Mme Stéphanie Rist (EPR). Depuis ce matin, notre camp a perdu de nombreux votes sans en contester les résultats. Si nous revotons maintenant alors que plusieurs députés nous ont rejoints entre-temps, nous créerons un précédent et chacun pourra s’appuyer sur cette jurisprudence pour demander un nouveau vote lorsque le résultat ne lui conviendra pas. Chacun connaît l’impartialité des administrateurs, dont le décompte ne saurait être remis en cause.

M. Yannick Monnet (GDR). Je m’exprime d’autant plus tranquillement que je n’étais pas présent tout à l’heure. Simplement, vous ne pouvez pas changer la règle que vous avez vous-même édictée, madame la présidente. Il semblerait qu’il y ait un doute quant au résultat du vote, raison pour laquelle vous avez annoncé votre intention de le refaire. Constatant que la composition de la salle avait changé, vous êtes revenue sur cette décision. Ce choix me paraît partial. Il est déjà arrivé qu’on décide de revoter. Dans ces situations, il est très fréquent que des mouvements de personnes interviennent, d’autant que vous avez proposé une nouvelle suspension pour que chaque camp rappelle ses membres.

M. Fabien Di Filippo (DR). Même s’il y avait un doute sur le nombre de personnes présentes, il ne saurait y en avoir sur le résultat du vote : en comptant la voix de la présidente, nous arriverions à treize voix pour. L’article aurait donc été supprimé dans tous les cas, y compris en cas d’égalité.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous étions quatorze !

M. Fabien Di Filippo (DR). Tout à l’heure, vous étiez treize. Peut-être expliquerez‑vous bientôt que vous étiez quinze. Vous épiloguez sur une question qui n’aurait de toute façon pas changé l’issue des débats.

Mme Sandrine Runel (SOC). Je demande la parole depuis longtemps mais en vain, preuve que vous ne me voyez pas, madame la présidente... Avec tout le respect que nous devons aux administrateurs, nous étions quatorze à être défavorables à l’amendement et nous avons tous levé la main, même s’ils n’ont peut-être pas vu certains d’entre nous. Faudra-t-il réviser le règlement intérieur pour préciser à quelle hauteur lever le bras ? Nous ne vous demandons pas de tenir compte des personnes arrivées depuis la suspension, mais simplement de prendre en considération ces quatorze voix.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Pour tenter de faire avancer les choses, je propose que les personnes arrivées depuis le premier vote sortent de la salle, pour éviter toute ambiguïté si un nouveau vote devait avoir lieu.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Immédiatement après l’annonce de l’adoption de l’amendement, notre collègue Boyard a demandé à connaître le nombre de voix comptabilisées, ce qui revenait à exprimer un doute sur le résultat. Vous avez répondu que dix personnes avaient voté contre alors que quatorze personnes ont levé la main. Comment cela se fait-il ? Manifestement, l’amendement de suppression a bien été rejeté.

M. Philippe Vigier (Dem). Par principe, il convient de respecter la présidence. Lorsque, le 5 novembre dernier, dans l’hémicycle, la présidente de séance, membre du Nouveau Front populaire, a annoncé un résultat dont plusieurs députés présents doutaient, nous avons accepté sa décision, dans un souci d’apaisement. Il y a là un principe essentiel. Tout le monde peut se tromper et il sera toujours temps de présenter un nouvel amendement d’ici la séance, mais veillons à ne pas créer une jurisprudence selon laquelle on pourrait remettre en cause les décisions de la présidence. Cela risquerait de créer une hémorragie de contestations dans l’hémicycle, à laquelle aucun groupe n’aurait intérêt.

M. Alexis Corbière (EcoS). La difficulté provient aussi du fait que nous sommes censés voter à la fois dans l’hémicycle et en commission, ce qui rend notre travail assez inconfortable.

Il revient à la présidence de veiller à la sérénité des débats. Dans la mesure où il semble manifeste que le résultat du vote ne correspond pas au nombre de personnes présentes, je propose que nous votions sur l’opportunité de procéder à un nouveau vote. La commission, qui est souveraine, pourrait en décider, ce qui nous permettrait ensuite d’avancer.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous avions connu une situation similaire à propos de l’article 1er de la loi sur la gouvernance de la sûreté nucléaire. Un deuxième vote avait alors eu lieu. L’argument du précédent à éviter ne tient donc pas.

Nos débats se déroulent, depuis ce matin, dans un climat serein. Nous ne demandons qu’à ce qu’ils se poursuivent dans le même esprit, ce qui ne sera pas possible si vous refusez de procéder à un nouveau vote. Nous pourrions être tentés, par exemple, de demander un scrutin pour chaque amendement.

M. le rapporteur. Avant de demander une suspension de séance, je précise que la présidente n’avait pas refusé de procéder à un nouveau vote dans l’hémicycle. La règle veut simplement que ce vote intervienne à la fin de l’examen du texte, en l’occurrence le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Qu’il n’ait pas été possible d’y parvenir en raison de votre obstruction ne relève pas de notre responsabilité. Si nous appliquions cette règle ici, nous revoterions l’amendement à la fin de l’examen de ce texte.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). C’est vous qui troublez les débats, chers collègues. Un vote a eu lieu. Je conçois que son résultat ne vous convienne pas, mais la composition de la commission n’est plus la même et je ne vois pas pourquoi certains des présents quitteraient la salle alors qu’ils ont la même légitimité que les autres pour voter. Le fonctionnement classique de la commission doit être respecté. Arrêtez de vouloir changer les règles lorsque les résultats ne vous conviennent pas : on croirait les commissaires européens après le référendum de 2005 !

M. François Gernigon (HOR). Lorsque l’incident de séance auquel il a été fait référence s’est produit dans l’hémicycle, je défendais justement l’un de mes amendements. Alors qu’il avait été adopté par la commission, la présidente de séance a omis de préciser les avis de la commission et du Gouvernement avant de procéder au vote. Lorsque nous avons voulu contester ce procédé, elle a fermement répondu que la décision lui revenait. Le même raisonnement devrait s’appliquer ici.

Mme Annie Vidal, présidente. Je vous propose de suspendre la réunion quelques minutes pour permettre à chacun de reprendre ses esprits.

La réunion est suspendue de quinze heures trente à quinze heures trente-cinq.

Mme Annie Vidal, présidente. Après m’être une nouvelle fois assurée du décompte des voix auprès des administrateurs, je vous propose de poursuivre nos travaux, en vous invitant à lever ostensiblement la main lors des prochains votes pour éviter toute ambiguïté à l’avenir.

Article 2 : Création d’épreuves spécifiques de validation des compétences réservées aux Padhue ayant exercé une durée minimale de deux ans en France

Amendement de suppression AS15 de Mme Sandra Delannoy

Mme Sandra Delannoy (RN). Le RN considère la réussite aux EVC comme une condition préalable à ce que les Padhue puissent exercer leur art en France. Il serait inconcevable que des patients soient pris en charge par un praticien dont l’État ne s’est pas assuré au préalable qu’il a reçu une formation au moins équivalente à celle dispensée dans les universités françaises. Afin de ne pas sacrifier la sécurité des soins sur l’autel de l’accès aux soins, nous proposons de supprimer l’article 2.

M. le rapporteur. Vous vous trompez. Nous proposons, conformément aux recommandations de la direction générale de l’offre de soins, de permettre aux Padhue qui ont travaillé deux années en France de passer des examens adaptés. À l’heure actuelle, ils sont mis en concurrence avec des candidats n’ayant jamais exercé et, les épreuves étant très théoriques, peuvent se trouver défavorisés, alors même qu’ils ont déjà fait leurs preuves et sont reconnus par leurs pairs. En supprimant l’article, vous laisseriez perdurer cette situation, ce qui me semble être contraire à votre intention.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS6 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (EPR). L’article 2 vise à créer des EVC spécifiques pour les Padhue exerçant depuis au moins deux ans dans un établissement de santé français. Cette mesure nous semble de nature à faciliter la régularisation de ces praticiens, en transformant le concours en examen. Toutefois, leur permettre de passer les épreuves un nombre illimité de fois les autoriserait à se maintenir indéfiniment sur le territoire français malgré des échecs répétés. Or ces évaluations permettent tout de même de sélectionner les praticiens effectivement aptes à exercer durablement en France au regard des standards nationaux.

Nous proposons donc de supprimer la possibilité, pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes diplômés hors Union européenne, de se présenter aux épreuves autant de fois qu’ils le souhaitent. Si cet amendement n’était pas adopté, nous voterions contre l’article.

M. le rapporteur. Vous semblez confondre la possibilité de passer les EVC un nombre illimité de fois et le fait de rester indéfiniment sur le territoire. En réalité, si les Padhue peuvent rester en France, c’est parce que leur statut le leur permet. Si nous n’encourageons pas les Padhue à passer les EVC en supprimant la limite du nombre de tentatives possibles, la plupart, de peur de les rater, resteront dans la situation de précarité qu’ils connaissent actuellement, avec de petits contrats, pour être certains de pouvoir rester en France. Je suis donc défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS12 de Mme Sandra Delannoy

Mme Sandra Delannoy (RN). La France insoumise propose que les médecins et autres praticiens de santé bénéficient sous trois conditions – être titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’UE permettant l’exercice de ces professions dans le pays d’obtention, avoir exercé des fonctions rémunérées en tant que professionnel de santé pendant au moins deux années équivalent temps plein depuis le 1er janvier 2015, et exercer en établissement de santé à la promulgation de la proposition de loi – d’épreuves de vérification des connaissances distinctes, pour lesquelles il n’y aurait pas de nombre maximum de candidats susceptibles d’être reçus, contrairement à ce qui s’applique aux médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires d’un diplôme hors UE et EEE.

Trouvez-vous cela juste envers les Padhue ayant eu recours à la voie réglementaire pour venir exercer en France, dont le nombre de candidatures aux épreuves est limité ? Envers les étudiants en médecine des universités françaises, dont le nombre de présentations aux examens et concours est également limité ? Ces Padhue autorisés à exercer par voie dérogatoire ne devraient-ils pas s’estimer heureux d’avoir pu exercer avant même le contrôle de leurs connaissances ? Cette possibilité serait le meilleur moyen de discréditer le système applicable à ceux qui empruntent la voie régulière, et un véritable camouflet pour les courageux étudiants français.

Nous proposons donc un nombre maximal de trois présentations par examen.

M. le rapporteur. Les Padhue sont sans doute heureux de pouvoir exercer en France, surtout parce qu’ils ont le métier et l’envie de soigner et d’agir pour notre pays chevillés au corps. Mais le rapport de force est inverse : c’est nous qui manquons de médecins. Dans le cadre du dispositif dont bénéficient les territoires ultramarins et dont vous avez supprimé la généralisation à l’article 1er – maintenant ainsi les praticiens dans le précariat –, ce sont des centaines de postes qui sont ouverts. Les plus heureux, c’est nous, ce sont nos concitoyens qui sont soignés par des médecins.

Vous proposez que les Padhue qui ont déjà exercé deux ans en France – ce qui, je le répète, n’est pas le cas de tous ceux qui passent les concours – ne puissent se présenter que trois fois. Dans le droit commun, le nombre maximal est quatre fois. Aux termes de l’amendement, si vous habitez en Algérie et que vous y avez obtenu votre diplôme, vous pourrez passer les EVC quatre fois, mais si vous avez le malheur d’avoir travaillé deux ans en France, vous ne pourrez vous présenter que trois fois. Cela ne vaudrait plus du tout le coup de venir exercer au sein du système de santé français. C’est une régression.

Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Tout d’abord, je trouve vexant et peu valorisant que l’on parle de Padhue et non de praticiens à diplôme hors Union européenne.

Ensuite, avant d’attirer des médecins étrangers, j’aimerais que l’on persuade les praticiens à diplôme français de ne pas quitter la France pour d’autres pays, dont la Suisse. Nous manquons de médecins. Pourquoi ne pas améliorer leurs conditions de travail, notamment celles des médecins libéraux ?

Mme Stéphanie Rist (EPR). L’objectif de la réforme de 2018 à laquelle j’avais œuvré avec Agnès Buzyn était que les médecins étrangers puissent passer les épreuves depuis leur pays, afin qu’ils aient un statut protecteur dès leur arrivée en France à la suite de leur succès à l’examen, au lieu de subir plusieurs années de suite une situation précaire et un statut peu valorisant.

M. le rapporteur. En ce qui concerne l’appellation Padhue, je regrette que vous ne vous soyez pas exprimé plus tôt, cher collègue Isaac-Sibille. Nous aurions évité l’acronyme.

Personne ici ne souhaite le départ des médecins français. Ce qui rend leurs conditions de travail difficiles est le fait qu’ils manquent de collègues.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). C’est le fait que l’on veuille les contraindre.

M. le rapporteur. Nous formons autant de médecins que dans les années 1970 alors qu’il y a 15 millions d’habitants en plus : il faudrait peut-être en former davantage. On pourrait aussi s’interroger sur la réforme des examens pour les internes, qui fait que nous en avons 1 600 de moins.

M. Philippe Vigier (Dem). Comme le rapporteur, j’estime que ramener à trois fois le nombre maximal de présentations aux examens serait une régression injustifiée. Restons-en à ce qui est proposé pour celles et ceux qui sont déjà sur le territoire national.

La mobilité des médecins n’est pas nouvelle et elle résulte de la liberté des praticiens, mais aussi des ingénieurs, par exemple, de se déplacer dans l’Union européenne et dans le monde. Pour les en empêcher, il faudrait appliquer un protectionnisme très strict.

Monsieur le rapporteur, ce qui est fait dans les départements français d’Amérique l’est à titre exceptionnel. Je pourrai vous donner des éléments complémentaires, ayant été dans le circuit au moment où la décision a été prise... Sans la possibilité pour les Padhue d’y être régularisés et d’y travailler dans les hôpitaux, la tension aurait été telle que ces derniers n’auraient plus été en mesure de fonctionner. Mais, pour ces praticiens, la précarité reste au rendez-vous. En effet, il ne s’agit pas d’une validation classique, c’est-à-dire, après la réussite aux EVC, deux ans de consolidation dans un établissement privé ou public – et non plus, comme avant la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, trois ans d’exercice dans une structure hospitalière publique : vous voyez que l’on avait déjà cherché à ouvrir davantage les vannes.

Frédéric Valletoux l’avait bien dit dans son rapport, on a très mal traité les Padhue pendant quatre ou cinq ans, de sorte que, sur le stock, il y en a que l’on peut aller rechercher parce qu’ils avaient échoué à un point ou un demi-point près. Mais soyons responsables : tous ne pourront pas exercer en garantissant une qualité médicale satisfaisante. Cette constatation doit pouvoir transcender les clivages politiques.

M. Yannick Monnet (GDR). Si les médecins partent, ce n’est pas parce qu’on les contraint ! Ils n’ont aucune contrainte : ils peuvent quitter leur territoire sans même prévenir les patients, et maintenant, il faut parfois embaucher leur compagne ou compagnon pour qu’ils acceptent de venir ! Cette absence de contrainte est d’ailleurs un problème, notamment pour la répartition des médecins sur le territoire.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon souhait est que l’on forme en France de bons médecins. Or de plus en plus de médecins et d’infirmiers formés en France partent à l’étranger. Je préférerais qu’on les retienne en améliorant leurs conditions de travail plutôt que d’aspirer des médecins étrangers formés en Afrique. Ce serait plus naturel.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS3 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (DR). Je propose une évolution concrète pour faciliter et accélérer l’intégration des Padhue – je m’excuse pour l’acronyme – dans nos hôpitaux. Après la réussite aux EVC, le parcours de consolidation des compétences dure parfois plusieurs années. Or, au bout d’un an, on sait si un médecin est compétent au contact des patients, s’il s’intègre dans les équipes et s’il a vocation à continuer d’exercer en France. L’amendement tend donc à ramener de deux ans à un an la durée de cette période de consolidation.

M. le rapporteur. M. Di Filippo a raison, à telle enseigne que cette mesure figure déjà dans la loi et sera appliquée au 1er janvier 2025. Défavorable, car satisfait.

M. Fabien Di Filippo (DR). Je maintiens mon amendement, car je ne suis pas d’accord avec ce que le rapporteur vient de dire. Mais s’il est d’accord avec moi, qu’il le vote !

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS7 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (EPR). Nous sommes tous d’accord pour dire que les pharmaciens diplômés hors Union européenne méritent notre attention quand ils sont là depuis quelque temps et qu’ils travaillent bien. Pour ceux qui n’ont pas réussi leur évaluation, il est important de savoir que notre système de santé repose sur des professionnels de qualité diplômés. On ne peut pas être pour la qualité et contre l’évaluation. Mes arguments concernant les pharmaciens sont les mêmes que pour les médecins.

M. le rapporteur. Pour les mêmes raisons que sur l’amendement AS6, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Gage financier

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Puis elle rejette l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

 

La commission a rejeté l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

*

*     *

 

 


— 1  

   ANNEXE N° 1 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

Collectif Padhue – Dr Aïcha Boughalem, pharmacienne généticienne, Dr Azouaou Ait Hamou, praticien attaché associé en psychiatrie, Dr Rafik Bedoui, médecin généraliste, et Dr Célestin Vivor, pédiatre, praticiens hospitaliers contractuels

Table ronde avec des directeurs d’hôpital

 Direction du centre hospitalier universitaire de Limoges  Mme Pascale Mocaër, directrice générale, et M. David Jourdan, directeur des affaires médicales

 Direction du centre hospitalier du Sud SeineetMarne – Mme Justine Grenier, directrice de la politique médicale

Audition commune des conseils nationaux des ordres :

 Conseil national de l’Ordre des médecins – Dr François Arnault, président, et Dr Frédéric Joly, secrétaire général adjoint et membre de la section Formation et compétences médicales

– Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes  Dr Alain Durand, président, Dr Françoise Gaillard-Fourcade, vice-présidente, Dr Estelle Genon, vice-présidente, et Dr Catherine Eray-Decloquement, secrétaire générale

Table ronde des syndicats de soignants

 Union fédérale médecins, ingénieurs, cadres, technicien  Confédération générale du travail santé et action sociale (Ufmict  CGT)  Dr Éric Tron de Bouchony, Dr Belkacem Hamoud et Dr Paul Robel, membres du collectif médecin, Dr Soumia Gahlaza, urgentiste, Mme Karine Houssami, déléguée de la fédération pour le Val-d’Oise, et Mme Corinne Aubin, déléguée de la fédération au centre hospitalier Sud Essonne Dourdan-Étampes

– Association pour l’intégration des praticiens engagés contre le covid (Ipadecc)  Dr Mehdi Smati et Dr Abdelhalim Bensaïdi

 Fédération française de la santé, de la médecine et de l’action sociale (CFE-CGC Santé Social)  M. Hervé Viennet, président

– Syndicat national des médecins hospitaliers  Force Ouvrière (SNMHFO) – Dr Olivier Varnet, responsable national

 Sud Santé Mme Audrey Padelli, secrétaire fédérale

Audition d’agences régionales de santé métropolitaines :

 Agence régionale de santé Île-de-France – M. Arnaud Corvaisier, directeur de l’offre de soins, et Mme Laure Wallon, directrice du pôle Ressources humaines en santé

– Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine  M. Stéphane Laffon, directeur délégué aux professionnels de santé et à la prospective

 Fédération hospitalière de France* – Mme Hélène Gendreau, responsable adjointe du pôle Ressources humaines hospitalières

Ministère de la santé et de l’accès aux soins  Direction générale de l’offre de soins – Mme Clotilde Durand, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de l’offre de soins, et M. Julien Molesin, chef du bureau de l’exercice et de la déontologie des professionnels de santé

Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne (SNPadhue) – M. Abdel Mechouar, trésorier et membre du bureau national

Agence régionale de santé Guadeloupe  M. Patrice Renia, directeur de la direction Démographie et accompagnement des professionnels de santé

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


— 1  

   ANNEXE N °2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de la santé publique

L. 4131‑5 et L. 4221‑14‑3

2

Code de la santé publique

L. 4111‑2 et L. 4221‑12*

*dans leur rédaction résultant de la loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès au soin par l’engagement territorial des professionnels.

 


([1]) Emmanuel Macron, Adresse aux Français, 12 mars 2020.

([2]) Samu – Urgences de France, La vérité du terrain sur la situation des urgences et des Smur durant l’été 2024, septembre 2024.

([3])  Cour des comptes, L’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital, Communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, novembre 2024.

([4]) Conseil national de l’Ordre des médecins, Atlas de la démographie médicale en France, 2024.

([5])  Contribution écrite du Conseil national de l’Ordre des médecins communiquée au rapporteur.

([6]) Conseil national de l’Ordre des médecins, Atlas de la démographie médicale en France, 2024.

([7]) Rapport d’information n° 589 (2021-2022) de M. Bruno Rojouan, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable par la mission d’information sur les perspectives de la politique d’aménagement du territoire et de cohésion du territoire sur le volet « renforcer l’accès territorial aux soins ».

([8]) Drees, Études et résultats n° 1267, mai 2023.

([9]) Cour des comptes, L’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital, Communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, novembre 2024.

([10]) La hausse constatée des EIGS est aussi une conséquence d’une meilleure déclaration de ces incidents par les structures de santé.

([11]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Chapitre VIII La réduction du nombre de lits à l’hôpital, entre stratégie et contraintes, 2024.

([12]) Fédération hospitalière de France, Baromètre de l’accès aux soins, mars 2024.

([13]) Conseil national de l’Ordre des médecins, Atlas de la démographie médicale en France 2024.

([14]) Instruction DGOS/RH2/2024/19 du 12 février 2024 relative aux dispositions dérogatoires et temporaires permettant de justifier l’autorisation d’exercice de praticiens étrangers ayant obtenu un diplôme hors Union européenne (PADHUE) et ayant échoué aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) au titre de la session 2023.

([15]) Arrêté du 16 mai 2011 relatif aux stagiaires associés mentionnés au 1° de l’article R. 6134-2 du code de la santé publique.

([16]) Arrêté du 29 juin 2023 modifiant l’arrêté du 8 juillet 2022 relatif aux émoluments, rémunérations ou indemnités des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques exerçant leurs fonctions dans les établissements publics.

([17]) Décret n° 2021-365 du 29 mars 2021 portant création du statut des praticiens associés.

([18]) Ressortissant d’un État membre de l’Union européenne titulaire d’un diplôme permettant l’exercice obtenu dans un État membre de l’Union européenne mais non conforme à la directive européenne.

([19]) Ressortissant d’un État membre de l’Union européenne titulaire d’un diplôme permettant l’exercice obtenu hors Union européenne mais reconnu par un État membre de l’Union européenne et permettant l’exercice de la profession dans cet État.

([20]) Arrêté précité du 29 juin 2023.

([21]) Décret n° 2022-1693 du 27 décembre 2022 portant diverses dispositions relatives aux praticiens associés.

([22]) Arrêté du 5 juillet 2024 fixant le nombre de postes sur lesquels sont susceptibles d’être recrutés des professionnels bénéficiant d’une autorisation d’exercice en application des dispositions des articles L. 4131‑5 et L. 4221-14-3 du code de la santé publique.

([23]) Loi n° 72-661 du 13 juillet 1972 relative à certaines conditions d’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme. Une présentation de l’évolution du cadre législatif de 1972 à 2018 peut être trouvée dans le rapport n° 205 (2018-2019) de Mme Martine Berthet, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 13 décembre 2018.

([24]) Article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

([25]) Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([26]) Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([27]) Rapport n° 1336 du 7 juin 2023 fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès au soin par l’engagement territorial des professionnels.

([28]) Loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.

([29]) Procédure précisée par le décret n° 2024-433 du 14 mai 2024 relatif à la procédure d’affectation des lauréats des épreuves de vérification des connaissances et à la suppression du rang de classement.

([30]) Instruction DGOS/RH2/2024/19 du 12 février 2024 relative aux dispositions dérogatoires et temporaires permettant de justifier l’autorisation d’exercice de praticiens étrangers ayant obtenu un diplôme hors Union européenne (Padhue) et ayant échoué aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) au titre de la session 2023.

([31]) Dispositions codifiées aux articles L. 4131-5 et L. 4221-14-3 du code de la santé publique.

([32]) Le taux de sélectivité est calculé sur la base du nombre de candidats présents aux épreuves (et non du nombre de candidats inscrits), pour la liste A et la liste B.

([33]) Les statuts de praticien attaché associé et d’assistant associé ont été mis en extinction au 1er janvier 2023.

([34]) Rapport d’information n° 5107 sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, 23 février 2022, p. 29.

([35]) Rapport d’information n° 4546 sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires, 22 février 2017, p. 22.

([36]) Rapport d’information n° 4392 sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires, 21 février 2012, p. 21.

([37]) https://assnat.fr/dzhomp 

([38]) https://assnat.fr/daijZq