N° 627

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE,
relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne ( 533),

PAR Mme Mélanie THOMIN,

Députée

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 Voir le numéro : 533.


SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Le cadre actuel des échanges commerciaux génère des distorsions de concurrence qui pénalisent le monde agricole

A. Le cadre actuel des échanges commerciaux provoque des distorsions de concurrence dans les importations et les exportations aux niveaux européen et extra-européen, empêchant des échanges commerciaux justes et Équitables

1. Le cadre et les pratiques commerciales actuelles limitent la possibilité d’imposer aux exportateurs des pays tiers des exigences équivalentes à celles intégrées par les producteurs européens

a. L’imposition de mesures miroirs aux exportateurs de pays tiers demeure rare et strictement encadrée au niveau européen

i. La définition des mesures miroirs

ii. Le régime juridique des mesures miroirs en droit commercial international et européen

b. Le contrôle du respect des quelques mesures miroirs existantes par la Commission européenne est lacunaire et génère d’importantes distorsions de concurrence

i. Le droit européen met en œuvre, depuis quelques années, des premières mesures miroirs sectorielles

ii. Ces mesures miroirs souffrent d’un contrôle extrêmement lacunaire provoquant des distorsions de concurrence au détriment des producteurs français et européens.

2. En outre, les tolérances sur les LMR, ainsi que les défaillances le long de la chaîne de contrôle des importations de produits agricoles, entraînent des doubles standards contradictoires avec le principe d’échanges commerciaux justes et équitables

3. Au sein même de l’Union européenne, des distorsions de concurrence peuvent résulter d’écarts de réglementation entre les États membres, particulièrement en matière environnementale et sanitaire

B. Les effets de ces distorsions de concurrence pèsent sur un secteur agricole déjà particulièrement éprouvé, ET POURRAIENT être amplifiÉs par l’adoption de l’accord sur le mercosur

1. En France, et plus largement en Europe, le secteur agricole apparaît particulièrement éprouvé, tandis que les distorsions de concurrence favorisent sa perte de compétitivité

2. L’adoption de l’accord entre le Mercosur et l’Union européenne aggraverait encore les difficultés rencontrées par le secteur agricole

3. Une attention toute particulière paraît devoir être portée à la question sociale, trop souvent oubliée dans l’élaboration du cadre commercial européen et international

II. Le sens et la portée de la proposition de résolution européenne : lutter contre les distorsions de concurrence pour renforcer l’agriculture française et européenne

A. La proposition de résolution européenne vise à renforcer l’équité des échanges entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux, en imposant aux exportateurs des pays tiers des exigences équivalentes à celles intégrées par les producteurs européens

1. Les mesures miroirs : une solution efficace sur les plans économiques et sociaux, à condition que celles-ci soient inscrites plus largement dans un « système miroir »

2. Inverser la charge de la preuve pour les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne : une mesure novatrice et efficace au service du monde agricole

B. Parallèlement, la proposition de résolution européenne entend renforcer et harmoniser les règles encadrant les échanges de produits agricoles et PHYTOSANITAIRES, AFIN de lutter contre les distorsions de concurrence européennes et extra-européennes

1. Imposer des limites résiduelles égales à 0 pour les produits phytopharmaceutiques déjà interdits au sein de l’Union européenne : une solution de fermeté assurant l’efficacité de la chaîne de contrôle des exportations

2. Interdire l’exportation de produits phytopharmaceutiques déjà interdits au sein de l’Union européenne : une mesure pouvant démontrer l’attachement de l’Union européenne à l’équilibre et à la cohérence des échanges commerciaux

3. Harmoniser la mise en œuvre des normes environnementales et sanitaires dans les États membres de l’UE : une solution au service de la résorption des distorsions de concurrence intra-européennes

4. Étendre le recours aux indications d’origine : un moyen complémentaire pour protéger les productions françaises et européennes face aux productions de pays tiers

C. Afin d’éviter tout contournement par la Commission européenne du processus de ratification de l’accord UEMERCOSUR par les parlements nationaux, il est impératif d’empêcher sa scission en deux parties distinctes

1. Dans sa version amendée en commission des affaires européennes, la proposition de résolution européenne s’oppose à toute scission de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur

2. Une telle scission serait extrêmement délétère pour l’agriculture européenne et traduirait une volonté de s’affranchir du vote des Parlements nationaux des États membres

D. À l’issue de son adoption par la commission des affaires économiques, le contenu de l’article unique de la proposition de résolution EUROPÉENNE SORT renforcé

EXAMEN EN COMMISSION

liste des personnes auditionnées

Contributions écrites


 

   INTRODUCTION

Si le cadre du commerce international a été initialement structuré au sein de l’Union Européenne et par le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce dans la perspective d’assurer des échanges commerciaux justes, loyaux et équitables, force est de constater qu’il apparaît aujourd’hui dépassé et inadapté aux fondamentaux de nos économies, et en particulier à l’évolution du secteur agricole. De plus en plus fréquemment, des situations de distorsion de concurrence perturbent les échanges, caractérisées par l’interférence de facteurs exogènes déstabilisateurs dans les équilibres concurrentiels.

La proposition de résolution européenne en identifie au moins trois types : l’absence d’imposition des mesures miroirs aux pays tiers exportant vers l’Union européenne ; l’absence d’harmonisation des normes au niveau intra-européen ; et, enfin, un régime de contrôle des importations qui demeure largement lacunaire. Il convient d’ajouter, en outre, que des situations anormales persistent : ainsi, il est toujours possible pour les producteurs européens d’exporter des produits phytosanitaires pourtant interdits en Europe ; de même, le règlement sur les indications d’origine (1169/2011) demeure d’application partielle. Ces distorsions nuisent à la cohérence, à la convergence et à la transparence des règles encadrant le commerce international et pénalisent nos filières agricoles.

Dans ce contexte éprouvé, la possibilité que l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur soit prochainement adopté est de nature à mettre le feu aux poudres. Il viendrait aggraver les distorsions de concurrence existantes, en ouvrant notamment le marché européen à des denrées produites selon des standards largement inférieurs à ceux qui s’imposent aux producteurs européens et français. Ce faisant, il aurait également des conséquences sur les revenus des agriculteurs et le niveau d’emploi dans les secteurs agricole et agroalimentaire.

Tout en s’opposant fermement à l’adoption de l’accord, la présente proposition de résolution européenne place en son cœur un principe novateur et déterminant pour améliorer durablement la situation du monde agricole : généraliser le recours aux mesures miroirs et inverser la charge de la preuve du respect de celles‑ci par les opérateurs des pays tiers.

Concrètement, pour mettre un terme à l’inefficacité du contrôle du respect des mesures miroirs par l’Union européenne, il est proposé de créer un mécanisme par lequel la Commission européenne agréerait des organismes certificateurs dans les pays tiers, eux-mêmes chargés d’assurer le respect des mesures miroirs par les exportateurs. Votre rapporteure est, dans le sillage de cette proposition, particulièrement favorable à ce que le recours aux mesures miroirs soit généralisé et étendu à des thématiques nouvelles, notamment en matière sociale.

Dans le contexte de concurrence commerciale croissante que nous rencontrons, ayant pour symptôme l’accroissement des comportements non‑coopératifs entre partenaires commerciaux, nous nourrissons la conviction que les protections qui doivent être conférées à nos filières agricoles nécessitent d’être portées au niveau européen, tandis que la politique commerciale est une compétence exclusive de l’Union européenne.

Votre rapporteure se félicite, à ce titre, des modifications apportées à la proposition de résolution européenne au terme des débats devant la commission des affaires économiques. En rappelant la nécessité de s’opposer à l’adoption de tout accord entre l’Union européenne et le Mercosur, ainsi que l’impératif d’engager une mise en œuvre de mesures miroirs efficientes et universelles, particulièrement en matière sociale, le texte de l’article unique sort renforcé.

De nouvelles dimensions ont également été ajoutées et réaffirment utilement la position de la commission vis-à-vis des pratiques commerciales déloyales et néfastes à nos filières agricoles. À ce titre, votre rapporteure se réjouit de l’ajout de deux mentions essentielles : d’une part, il est désormais demandé à l’Union de mettre en œuvre, autant que de besoin, toutes les clauses de sauvegarde disponibles dans le corpus des accords commerciaux auxquels elle est partie ; d’autre part, il est rappelé que l’Union européenne doit exiger la suspension de tous les échanges commerciaux avec les exportateurs des pays tiers qui ne respecteraient pas le principe des mesures miroirs.


I.   Le cadre actuel des échanges commerciaux génère des distorsions de concurrence qui pénalisent le monde agricole

A.   Le cadre actuel des échanges commerciaux provoque des distorsions de concurrence dans les importations et les exportations aux niveaux européen et extra-européen, empêchant des échanges commerciaux justes et Équitables

1.   Le cadre et les pratiques commerciales actuelles limitent la possibilité d’imposer aux exportateurs des pays tiers des exigences équivalentes à celles intégrées par les producteurs européens

a.   L’imposition de mesures miroirs aux exportateurs de pays tiers demeure rare et strictement encadrée au niveau européen

i.   La définition des mesures miroirs

En matière commerciale, l’application de mesures miroirs correspond au fait d’imposer aux pays tiers qui souhaitent exporter leurs produits sur le marché européen les mêmes règles que celles qui s’appliquent aux producteurs français et européens. Les mesures miroirs sont ainsi pensées comme un moyen d’éviter l’installation d’une concurrence déloyale, tandis que les normes environnementales, sociales, sanitaires ou touchant au bien-être animal sont généralement plus fortes en France et au sein de l’Union européenne que dans les pays extra-européens.

Il convient de préciser que la notion de « mesures miroirs » se distingue de la notion de « clauses miroirs ». Les « mesures miroirs » sont des dispositions « intégrées dans la législation européenne, qui conditionnent l’accès au marché de l’UE au respect de normes de production européennes, en termes de santé ou d’environnement par exemple. On parle de mesures unilatérales à portée extraterritoriale. » ([1]) À l’inverse, les « clauses miroirs » désignent des « clauses environnementales, sanitaires ou de bien-être animal incluses dans les accords de commerce bilatéraux et qui conditionnent l’octroi d’un quota ou l’abaissement des droits de douane pour un produit donné. ».

Votre rapporteure souhaite rappeler à cet égard qu’il apparaît plus pertinent pour l’Union européenne de chercher à mettre en place des mesures miroirs plutôt que des clauses miroirs, car les clauses miroirs se cantonnent, d’une part, aux biens concernés par l’accord établi avec le pays ou le groupe de pays concernés et, d’autre part, peuvent faire l’objet d’ajustements à la baisse dans le cadre de négociations globales.

ii.   Le régime juridique des mesures miroirs en droit commercial international et européen

Traditionnellement, les mesures miroirs sont considérées comme susceptibles d’entraîner des distorsions de concurrence en raison de leurs effets potentiellement discriminatoires sur les producteurs étrangers et de l’entrave aux échanges qu’elles peuvent constituer. C’est du moins cette logique qui a présidé à la constitution du cadre commercial international. Ainsi, si elles ne sont pas formellement interdites par le droit de l’OMC, qui reconnaît aux États un principe de liberté à réglementer selon leurs préférences sociétales, les mesures miroirs doivent être nécessaires à la poursuite d’un objectif légitime et mises en œuvre de manière cohérente.

Concrètement, l’article XX de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) précise qu’une mesure, même discriminatoire, peut être admise si elle poursuit l’un des objectifs qu’il énumère (tels que la protection de la santé humaine, animale ou végétale) et qu’elle satisfait à un « critère de nécessité », c’est-à-dire si l’objectif en question ne peut être atteint autrement que par l’adoption d’une telle mesure. En outre, les mesures miroirs doivent être souples et proportionnées ([2]) : à cet égard, la charge qu’elles imposent aux exportateurs des pays tiers doit être prise en compte.

Enfin, elles doivent se fonder sur les standards internationaux ou être défendables à la faveur d’évidences scientifiques. De fait, comme le révèlent certains experts, « les mesures miroirs ne semblent applicables que dans le cadre d’une démonstration scientifique rigoureuse, en contradiction avec le principe de précaution tant défendu par l’UE. Cela limite donc l’application de ces clauses » ([3]).

Des mesures miroirs en matière sociale ?

La mise en place des mesures miroirs en matière sociale apparaît de prime abord plus complexe que la mise en place de mesures miroirs directement fondées sur des constats scientifiques objectifs, comme lorsqu’il s’agit d’interdire l’usage de certains produits en raison de leur dangerosité pour l’environnement ou pour la santé animale. L’enjeu, pour le législateur européen qui souhaiterait mettre en place des mesures miroirs en matière sociale, consiste donc à les justifier par l’un des considérants de l’article XX du GATT. Parmi ces considérants figure, par exemple, l’impératif de protection de la santé humaine et de la vie des personnes, auquel pourraient être rattachées des problématiques immédiatement liées aux questions sociales, telles que le travail des enfants.

En outre, l’article XX du GATT prévoit une « exception de moralité publique » en vertu de laquelle un pays pourrait justifier une mesure miroir dès lors qu’elle est nécessaire à la « préservation de ses intérêts fondamentaux, tels qu’ils sont reflétés dans l’intérêt et le droit publics » ([4]). Ainsi, l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC a pu considérer qu’une loi américaine répondant à des objectifs de lutte contre le blanchiment d’argent et la fraude entrait dans le critère de la moralité publique, à l’inverse d’une loi chinoise limitant l’importation et la distribution de matériels de lecture et audiovisuels, qui ne satisfaisait pas aux exigences de nécessité et de proportionnalité.

Le fait de savoir dans quelle mesure des considérations strictement sociales pourraient correspondre au critère de moralité publique de l’article XX du GATT reste en suspens, cette question ne pouvant être tranchée que par l’ORD, dont le fonctionnement est actuellement bloqué. Votre rapporteure considère toutefois que les normes sociales fondamentales, consacrées notamment dans les conventions de l’OIT (en matière de droit syndical, de droit d’organisation collective, d’âge minimum de travail ou encore de lutte contre les discriminations dans la rémunération et dans l’emploi) peuvent relever du champ des intérêts fondamentaux des sociétés, en raison notamment du caractère universel de leur reconnaissance.

En conséquence, si le cadre commercial international encadre strictement l’existence de mesures miroirs, il ne constitue pas un obstacle définitif à leur généralisation en matière sociale, environnementale et sanitaire dans le secteur agricole. Les limites à l’efficacité de ces mesures sont plutôt à trouver du côté des lacunes dans le système de contrôle mis en place par la Commission européenne à leur égard.

b.   Le contrôle du respect des quelques mesures miroirs existantes par la Commission européenne est lacunaire et génère d’importantes distorsions de concurrence

i.   Le droit européen met en œuvre, depuis quelques années, des premières mesures miroirs sectorielles

L’adoption de mesures miroirs dans le secteur agricole est un phénomène relativement récent et circonscrit. La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a fait la recension de celles existantes, reproduites dans le tableau ci-après.


Mesures miroirs

Justification

Mise en œuvre

Interdiction de l’accès au marché européen de produits animaux traités avec des hormones de croissance

Directive 96/22/CE du 29 avril 1996

Santé des consommateurs

Filière dédiée au marché UE, contrôlée par les autorités sanitaires du pays producteur : contrôle des plans de chaînes de production et accréditation des abattoirs répondant aux normes européennes.

Réalisation d’audits dans les pays producteurs.

Application des règles européennes relatives à l’abattage et aux produits animaux importés

Règlement CE 1099/2009

Bien-être animal

La viande et les autres produits issus d’animaux abattus ne peuvent être importés dans l’UE que s’ils ont été expédiés à partir d’établissements surveillés par un service d’inspection indépendant

Commercialisation de produits importés issus de l’agriculture biologique

Règlement UE 2018/848

Protection de l’environnement, de la biodiversité et du bien-être animal

Obligation de présenter un certificat numérique à l’entrée sur le territoire européen. Cette certification est réalisée par les autorités du pays d’origine

Interdiction de l’accès au marché de l’UE d’animaux et produits animaux traités avec des antibiotiques activateurs de croissance

Règlement UE 2019/6 ([5])

Lutte contre l’antibiorésistance

Les produits doivent provenir d’un pays tiers agréé et accompagnés d’un certificat de conformité.

Interdiction de l’accès au marché UE de produits contenant des résidus de clothianidine et de tiaméthoxame ([6])

Règlement CE 2023/334

Protection de l’environnement et de la biodiversité

Délivrance d’un document sanitaire commun d’entrée pour les marchandises importées.

Contrôle de la limite maximale de résidus aux postes frontières.

Interdiction de l’accès au marché de produits ayant causé de la déforestation ([7])

Règlement UE 2023/1115

Protection de l’environnement et de la biodiversité

Conditions à respecter pour le bois, l’huile de palme, le soja, le café, le cacao, le caoutchouc et le bœuf :

Ne pas avoir été produits sur des terres ayant fait l’objet de déforestation après le 31 décembre 2020

Être couverts par une déclaration de diligence raisonnée

Source : commission des affaires européennes, d’après « Les mesures miroirs, un outil essentiel de mise en œuvre du Pacte vert ». Premier bilan du mandat européen 2019‑2024 et perspectives, Mathilde Dupré, Stéphanie Kpenou, septembre 2023

Les mesures miroirs existantes sont sectorielles et ne touchent pas aux sujets périphériques qui, pourtant, structurent l’activité agricole : tel est le cas, par exemple, des questions sociales ou d’éthique.

ii.   Ces mesures miroirs souffrent d’un contrôle extrêmement lacunaire provoquant des distorsions de concurrence au détriment des producteurs français et européens.

Outre le nombre limité de mesures existantes et leur cantonnement sectoriel, celles-ci souffrent d’une mise en œuvre largement lacunaire de la part des pays tiers. La DG SANTÉ, chargée du contrôle de leur application par les exportateurs étrangers, relevait ainsi, dans un rapport d’audit de 2019 effectué au Canada sur la production de viandes bovine et porcine destinées à l’exportation vers l’Union européenne, que « le programme canadien de certification de l’absence de produits stimulant la croissance » souffrait de « lacunes constatées par l’équipe d’audit […] ainsi que dans les contrôles officiels auxquels il est soumis et dans la supervision officielle ».

De la même manière, un rapport d’audit plus récent, datant du 16 octobre 2024 et portant sur l’utilisation d’hormones de croissance dans la filière bovine brésilienne, concluait sur l’impossibilité à « garantir la fiabilité des déclarations sous serment des opérateurs sur la non-utilisation d’œstradiol 17β chez les bovins ».

La mise en œuvre des mesures miroirs existantes apparait donc compromise du fait des difficultés rencontrées par l’Union européenne à contrôler les conditions de production des pays tiers. La proposition de résolution européenne, en suggérant de faire reposer la charge de la preuve de la mise en œuvre des mesures miroirs directement sur les pays tiers, prend donc acte de l’ineffectivité du système de contrôle actuel et propose une solution novatrice au service de la résorption des distorsions de concurrence.

2.   En outre, les tolérances sur les LMR, ainsi que les défaillances le long de la chaîne de contrôle des importations de produits agricoles, entraînent des doubles standards contradictoires avec le principe d’échanges commerciaux justes et équitables

Un deuxième type de distorsion de concurrence résulte des manquements, des tolérances et des défaillances le long de la chaîne de contrôle des produits importés, si bien du côté de l’European Food Safety Authority (EFSA) que des postes douaniers. Le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire », en date du 14 décembre 2023, en fournit l’illustration.

Il rappelle ainsi qu’il est « indispensable que les mesures applicables aux aliments importés soient les mêmes que celles qui s’appliquent aux produits européens s’agissant des LMR », en ce qu’il s’agit là d’une « nécessité pour éviter des distorsions de concurrence au détriment des producteurs européens, mais aussi et surtout pour prévenir des risques pour le consommateur européen ». Or, il arrive souvent que la Commission européenne relève les LMR au titre d’une tolérance à l’importation sur les produits étrangers.

Définition et fonctionnement des limites maximales de résidus (LMR)

Les limites maximales de résidus (LMR) sont, en vertu du règlement (CE) 396/2005, les niveaux supérieurs de résidus de pesticides légalement admis dans ou sur les aliments destinés à l’alimentation humaine ou animale, sur la base des bonnes pratiques agricoles et de la plus faible exposition nécessaire pour protéger les consommateurs vulnérables.

En principe, les LMR s’appliquent de manière indifférente aux denrées produites dans l’Union européenne et à celles qui sont importées de pays tiers. Par ce moyen, l’UE cherche à assurer un niveau de protection équivalent vis-à-vis des aliments mis sur le marché, quelle que soit leur origine.

Cependant, il arrive souvent que la Commission européenne relève les LMR au titre d’une tolérance à l’importation et après une évaluation des risques concluant à l’absence d’effet inacceptable pour l’exposition alimentaire.

En outre, ces LMR ne rendent pas nécessairement compte de l’ensemble des produits phytosanitaires utilisés dans le processus de production pour deux raisons : d’une part, tous les produits phytosanitaires utilisés dans la production végétale ou animale ne produisent pas de résidus dans les denrées qui sont commercialisées ([8]) ; d’autre part, certains importateurs recourraient à des produits « masquants » qui permettraient de faire en sorte que les résidus ne soient pas détectés lorsque les produits sont testés.

Enfin, en fin de chaîne, les contrôles douaniers apparaissent trop peu nombreux pour relever systématiquement les non-conformité des produits importés. Comme le révèle le rapport d’information du Sénat sur la « Ferme France » ([9]), « les contrôles aléatoires officiels, les plus efficaces, sont insuffisants » et « certaines substances interdites ne sont plus contrôlées en pratique. »

3.   Au sein même de l’Union européenne, des distorsions de concurrence peuvent résulter d’écarts de réglementation entre les États membres, particulièrement en matière environnementale et sanitaire

Comme le relève l’exposé des motifs de la proposition de résolution européenne, les distorsions liées à des divergences dans les autorisations des pesticides selon les États membres sont perçues comme massives par les filières et par les syndicats agricoles. Ces distorsions de concurrence peuvent être liées à au moins trois facteurs :

–  un différentiel de rigueur et de compétences au sein des différentes agences sanitaires des États membres, aboutissant à des évaluations plus strictes dans certains pays, et donc à des interdictions plus précoces de produits, lorsqu’un risque pour la santé ou pour l’environnement est avéré ([10]) ;

–  un différentiel dans les délais observés par les agences des différents États pour conduire les évaluations ;

–  une surutilisation de dérogations permises par l’article 53 du règlement européen 1107/2009 permettant à un État membre, faisant face à une menace critique compromettant la production, d’utiliser exceptionnellement, spécifiquement sur la culture en péril, et pour une durée limitée (maximum 120 jours, renouvelable), un produit ne satisfaisant pas les conditions de son autorisation au niveau européen.

Outre la question de l’autorisation des pesticides, un certain nombre de normes sanitaires et sociales en matière agricole ne sont toujours pas harmonisées au niveau européen. Ainsi, comme le souligne l’interprofession de la volaille de chair (ANVOL), « le seuil environnemental européen à partir duquel il y a une enquête publique dans le cadre de la construction d’un poulailler est fixé à 85 000 volailles en Europe, tandis qu’en France il est de 40 000 » ([11]) ; de la même manière, « la France fixe à cinq mètre la largeur minimale de la surface d’intérêt écologique en bordure des champs, alors que la réglementation européenne autorise qu’elle ne soit que d’un mètre » ([12]).

En proposant de mettre un terme aux distorsions internes à l’Union européenne, la proposition de résolution européenne s’attache ainsi à mieux protéger les agriculteurs français. Il convient de préciser que l’harmonisation des normes au niveau intra-européen doit se faire au regard des standards existants les plus protecteurs. Vote rapporteure, avec l’ensemble du groupe socialiste, est particulièrement attachée à ce que la France défende une harmonisation des normes « par le haut ».

B.   Les effets de ces distorsions de concurrence pèsent sur un secteur agricole déjà particulièrement éprouvé, ET POURRAIENT être amplifiÉs par l’adoption de l’accord sur le mercosur

1.   En France, et plus largement en Europe, le secteur agricole apparaît particulièrement éprouvé, tandis que les distorsions de concurrence favorisent sa perte de compétitivité

Le rapport sénatorial du 28 septembre 2022 intitulé « Compétitivité de la ferme France » rappelle que la perte de compétitivité de la Ferme France explique plus des deux tiers des pertes de parts de marché constatées ces dernières années. Cette perte de compétitivité doit s’expliquer, selon les rapporteurs, par (1) des charges productives relativement plus élevées que dans les pays concurrents et (2) une compétitivité prix insuffisante du secteur agricole français parmi ses partenaires commerciaux, en dépit d’une très bonne compétitivité hors-prix.

Récemment, en mars 2024, un rapport commandé par le Gouvernement et portant sur l’« Évaluation de la souveraineté agricole et alimentaire de la France », rappelait également que, si la balance commerciale agricole était restée excédentaire au cours des 10 dernières années, celle-ci s’était dégradée vis-à-vis de l’Union européenne, en raison notamment de l’émergence de nouvelles puissances agricoles.

Plus spécifiquement, un certain nombre de filières sont directement touchées par la concurrence internationale croissante et la baisse de compétitivité du secteur agricole français. Cette perte de compétitivité prix est pour partie liée à la différence entre les coûts de production des produits européens et les coûts de production des pays tiers. Ces-derniers bénéficient de distorsions de concurrence à la défaveur des filières agricoles européennes : ainsi, par exemple, l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes (Interbev) rappelle qu’au Canada « les bovins sont engraissés dans des parcs industriels pouvant contenir en moyenne 30 000 animaux. Leur ration alimentaire se compose à 80 % de maïs OGM, complétée par des farines animales (à l’origine de la crise de la vache folle) et des activateurs de croissance (hormones, antibiotiques…). Il n’existe aucune traçabilité individuelle obligatoire des animaux. Les éleveurs utilisent 46 substances interdites par la règlementation de l’UE. Il n’existe aucune règlementation relative au bien-être animal au stade de l’élevage. » ([13]) Plus généralement, une étude produite par l’Ambassade de France au Brésil rappelait que sur 427 substances actives autorisées au Brésil en tant que pesticides, 145 sont interdites en Europe dont 85,5 % pour des raisons de risque sur la santé ou l’environnement ([14]).

Les différentiels de compétitivité liés aux différentiels de coûts de production trouvent également une origine sur le plan social. Comme le rappelle l’ANVOL, « le coût de travail est bien plus faible dans les pays du Mercosur qu’en Europe, conduisant à d’importante distorsions de concurrence. En moyenne, arrivé en France, 1 kg de filet de poulet brésilien est trois 2 à trois fois moins cher qu’1 kg de filet de poulet produit en France. »

Comparaison du coût de production du poulet standard sortie abattoir dans l’Union européenne et principaux Pays tiers producteurs

Source : van Horne P. (2018), Wageningen Economic Research

La perception des distorsions de concurrence défavorables aux producteurs français est donc assise sur un constat réaliste qui ne doit pas être négligé. Un rapport du Haut-commissariat au plan daté de juillet 2021 relevait ainsi que « les importations agricoles et agroalimentaires de la France représentent au total environ 20 % de l’alimentation nationale. Sur les 26 millions d’hectares mobilisés pour l’alimentation des Français, soit pratiquement le même ordre de grandeur que la superficie agricole utilisée (SAU) française (28,6 millions d’hectares en 2019), presque 10 millions d’hectares se trouvent hors de France ».

2.   L’adoption de l’accord entre le Mercosur et l’Union européenne aggraverait encore les difficultés rencontrées par le secteur agricole

Dans ce contexte, l’adoption de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur pourrait venir affecter un secteur agricole français déjà particulièrement éprouvé. En effet, l’agriculture fait partie des secteurs concernés par cet accord, bien que l’incidence de ce dernier soit hétérogène selon les filières. Ainsi, si la filière bovine ou le secteur du sucre et du maïs pourraient être fragilisés en cas de baisse des prix sur les marchés européens à la suite de la hausse des importations du Mercosur, d’autres, comme celles du vin, des spiritueux ou du fromage, pourraient profiter de l’accord.

En premier lieu, certaines filières agricoles souffriraient de l’exonération partielle ou totale des droits de douane prévues dans l’accord au bénéfice de exportateurs des pays tiers. L’Association générale des producteurs de maïs partage ainsi son inquiétude, lors de son audition, quant à la possibilité qu’un million de tonnes de maïs grain supplémentaires puissent être importées à droit de douane zéro sur le sol européen.

En outre, les différentes auditions conduites par votre rapporteure traduisent une inquiétude réelle des différentes filières agricoles dans la perspective d’une mise en œuvre de l’accord. L’ANVOL rappelle ainsi que la signature de l’accord « entraînerait une hausse significative de la production de poulet brésilien et mécaniquement une demande accrue en soja brésilien pour l’alimentation animale accentuant la déforestation au Brésil et dans les pays du Mercosur ».

L’accord entre l’Union européenne et le Mercosur

L’accord entre l’Union européenne et le Mercosur prévoit une importante réduction des barrières tarifaires qui doit faciliter, pour les entreprises françaises et européennes, l’accès à des marchés en croissance.

Concrètement, l’accord devrait permettre aux entreprises françaises et européennes d’exporter davantage de produits industriels et de services. En retour, les producteurs du Mercosur devraient pouvoir exporter plus de produits alimentaires et agricoles vers l’UE. Il est, pour cette raison, souvent présenté comme un accord « viandes contre voitures ».

En 2020, le rapport Ambec a alerté sur les effets potentiels de l’accord et a souligné que ses gains économiques ne pouvaient pas compenser ses coûts environnementaux. Il a ainsi alerté sur le risque d’accroissement des émissions de gaz à effet de serre et de la déforestation, en cas de hausse des exportations sud-américaines de viande bovine.

En outre, les modes de production dans les pays du Mercosur et dans l’UE ne sont pas les mêmes. De ce point de vue, le rapport Ambec critique notamment le fait que les LMR brésiliennes sont « dans la plupart des cas plus hautes » que les normes européennes et françaises et déplore également l’absence d’exigences contraignantes quant aux modes de production.

Il faut ajouter, aux considérations économiques, l’impact climatique que pourrait avoir une adoption de l’accord France. En renforçant la concurrence à l’encontre de la filière des ruminants, elle aurait pour conséquence de réduire le nombre de prairies, lesquelles seraient alors pour partie retournées et émettraient un surplus de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. D’après l’Institut de l’élevage ([15]), une adoption du Mercosur conduirait au retournement de 0.17 millions d’hectares de prairies, soit une perte de carbone par déstockage équivalente à 1.1 millions de tonnes de CO2 par an sur 25 ans. Loin d’être négligeable, ce chiffre représente 1,5 % des émissions agricoles nationales annuelles.

3.   Une attention toute particulière paraît devoir être portée à la question sociale, trop souvent oubliée dans l’élaboration du cadre commercial européen et international

En accroissant le volume d’importations à bas prix, l’adoption de l’accord UE-Mercosur aurait d’importantes conséquences sur les revenus des agriculteurs et des acteurs de l’industrie agro-alimentaire, particulièrement au sein des filières les plus à risque (maïs, viande bovine, volaille, betterave et sucre…). Sa mise en œuvre viendrait s’ajouter au phénomène structurel de dégradation des revenus agricoles. Comme le relève l’INSEE, les ménages agricoles sont en effet davantage exposés à la pauvreté monétaire : 18 % de leurs membres vivent sous le seuil de pauvreté (13 000 euros par an pour une personne seule en 2018), contre 13 % des membres des ménages ayant des revenus d’activité.

En outre, les revenus des ménages agricoles présentent de fortes disparités selon l’orientation agricole des territoires. Ainsi, la filière bovine, qui serait particulièrement touchée par l’adoption de l’accord UE-Mercosur, est déjà composée des ménages agricoles qui disposent des revenus agricoles les plus faibles dans les territoires d’élevage ([16]). Or, lors de son audition, l’interprofessionnelle du bétail et de la viande estimait que l’adoption de l’accord pourrait conduire à la disparition de 37 000 emplois directs et indirects dans la filière, en raison notamment de l’accélération de la chute de la production française.

En effet, comme le rappelle Interbev dans sa contribution écrite, « les importations d’aloyaux, qui constituent la partie la plus noble de la carcasse et donc la mieux valorisée, en provenance des pays du MERCOSUR représentent déjà 25% du marché européen. Une hausse des volumes envoyés par ces pays serait donc particulièrement préjudiciable, car elle compromettrait davantage la valorisation des pièces nobles issues des carcasses européennes et menacerait l’équilibre du marché, déjà mis à mal. »

La filière de la betterave et du sucre sera également affectée par l’adoption de l’accord, qui pourrait conduire à la disparition de nombreux emplois dans l’industrie agroalimentaire. Comme le relève l’AIBS ([17]) : « avec le Mercosur, le débouché pour le sucre français sera diminué de 190 000 tonnes : c’est l’équivalent de la production d’une usine française ».

 


II.   Le sens et la portée de la proposition de résolution européenne : lutter contre les distorsions de concurrence pour renforcer l’agriculture française et européenne

A.   La proposition de résolution européenne vise à renforcer l’équité des échanges entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux, en imposant aux exportateurs des pays tiers des exigences équivalentes à celles intégrées par les producteurs européens

La proposition de résolution européenne entend « aller vers la définition de mesures miroirs dans le droit européen, de nature à garantir que les produits importés respectent des normes de production conformes aux exigences européennes ». En ce sens, elle porte l’ambition d’inscrire des mesures miroirs dans les directives et règlements européens, mais rappelle également les défaillances existantes dans le contrôle du respect de celles-ci.

1.   Les mesures miroirs : une solution efficace sur les plans économiques et sociaux, à condition que celles-ci soient inscrites plus largement dans un « système miroir »

Plusieurs études économiques concourent à témoigner de l’efficacité des dispositifs miroirs lorsqu’ils sont mis en place, aussi bien sous forme de « mesures » que de « clauses ». Le rapport Ambec lui-même préconisait, dans le cadre du processus d’adoption de l’accord UE-Mercosur, d’étendre, sur la base du principe de réciprocité, « l’introduction de mesures-miroirs dans la réglementation européenne et [de] mettre un terme aux tolérances à l’importation ».

En effet, les mesures miroirs s’apparentent à des mesures non tarifaires servant un triple objectif de protection de la santé environnementale, humaine et animale ; de résorption des distorsions de concurrence ; et, enfin, de promotion des bonnes pratiques hors-UE ([18]).

Plusieurs simulations économétriques ([19]) tendent à conclure que la mise en œuvre des mesures miroirs au niveau européen aurait pour conséquence d’accroître le revenu agricole, en entrainant une hausse des prix bénéficiant aux exploitants et producteurs européens. Par ailleurs, si les mesures miroirs mises en place par l’Union européenne sont justifiées et proportionnées, le coût de leur mise en œuvre par les exportateurs des pays tiers devrait ne pas être excessif et n’avoir que des conséquences mineures sur le volume de l’offre d’importation ([20]).

Il convient enfin de préciser que l’efficacité macroéconomique des mesures miroirs croît avec leur généralisation : une mesure isolée et ciblée, sur un produit phytosanitaire précis par exemple, peut en effet entraîner des reports d’usage par les producteurs de pays tiers vers d’autres produits phytosanitaires pouvant être eux aussi interdits dans l’UE mais n’entrant pas dans le périmètre de la mesure miroir. Le risque est alors de voir la distorsion de concurrence se déplacer simplement sur un autre segment du marché.

En conséquence, l’effet macroéconomique des mesures miroirs est positif dès lors que celles-ci s’intègrent dans un « système miroir », c’est-à-dire dans un ensemble cohérent de mesures en matière sociale, sanitaire et environnementale, fondées sur un consensus scientifique, contrôlables et à la hauteur des exigences auxquelles se conforment d’ores et déjà les agriculteurs européens.

À ce titre, votre rapporteure souhaite rappeler son attachement à l’extension des mesures miroirs aux domaines touchant aux conditions de travail, d’emploi et de rémunération, mais aussi au bien-être animal, tandis que celles-ci sont trop souvent perçues comme devant se cantonner aux seuls domaines environnementaux et sanitaires.

2.   Inverser la charge de la preuve pour les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne : une mesure novatrice et efficace au service du monde agricole

  1.   Le sens de la proposition de résolution européenne

La proposition de résolution européenne suggère d’abord d’élargir le champ des mesures miroirs existantes, en demandant au Gouvernement de défendre auprès de la Commission européenne l’adoption d’un règlement sur l’atténuation des impacts environnementaux et sanitaires importés de notre alimentation. Elle rappelle aussi la nécessité d’accélérer la mise en œuvre du règlement sur la déforestation importée, qui comprend certaines mesures miroirs, et d’élargir son champ d’application.

En outre, la proposition de résolution européenne défend une modalité novatrice du contrôle de leur respect par les exportateurs des pays tiers. En proposant d’inverser la charge de la preuve au moment de l’entrée des produits dans l’Union européenne, elle fait le constat de l’inefficacité du système de contrôle actuel et suggère de lui substituer une obligation pesant sur les pays tiers. Concrètement, les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne auraient l’obligation de faire certifier leurs conditions de production et de transformation par un organisme-tiers lui-même agréé par l’Union européenne.

Cette mesure permettrait de réallouer les moyens de la Commission européenne actuellement dévolus aux missions d’audit à de nouvelles fonctions de certification et, conséquemment, de considérablement amplifier l’effectivité du contrôle des mesures miroirs.

Au niveau national, de tels procédés ont déjà montré leur efficacité et doivent encourager l’Union européenne à suivre cette voie : ainsi, la certification bio en France, particulièrement performante, fonctionne grâce aux agréments que délivre l’Institut national des appellations, de l’origine et de la qualité (INAO) à l’égard d’organismes certificateurs, réalisant eux-mêmes a minima un contrôle sur place par an auprès des systèmes de production qu’ils ont la charge de vérifier.

En dernier lieu, la proposition de résolution européenne, tenant compte de l’importance des contrôles en « aval » tout autant que de ceux effectués en « amont » par des organismes certificateurs, invite également au renforcement des moyens et des capacités vétérinaires et phytosanitaires.

  1.   Les amendements adoptés par la commission des affaires européennes

La commission des affaires européennes a souhaité placer l’invitation du Gouvernement à demander à la Commission européenne de mettre en place une inversion de la charge de la preuve en matière de respect des mesures miroirs devant les autres demandes, priorisant ainsi symboliquement ce dispositif. En effet, d’après le rapporteur de la proposition de résolution européenne devant la commission des affaires européennes, il s’agit du « cœur de la proposition » ([21]) de résolution.

Enfin, la commission des affaires européennes a souhaité rappeler que la généralisation des mesures-miroirs relatives à l’usage des phytosanitaires devait concerner « l’ensemble des produits agricoles, horticoles et agro-alimentaires importés ».

B.   Parallèlement, la proposition de résolution européenne entend renforcer et harmoniser les règles encadrant les échanges de produits agricoles et PHYTOSANITAIRES, AFIN de lutter contre les distorsions de concurrence européennes et extra-européennes

1.   Imposer des limites résiduelles égales à 0 pour les produits phytopharmaceutiques déjà interdits au sein de l’Union européenne : une solution de fermeté assurant l’efficacité de la chaîne de contrôle des exportations

  1.   Le sens de la proposition de résolution européenne

La proposition de résolution européenne, partant du constat qu’il existe une inégalité de traitement entre les producteurs européens et extra-européens concernant les « tolérances » des limites maximales de résidus des substances interdites, invite le Gouvernement à demander à la Commission européenne de légiférer pour supprimer sans délai ces tolérances.

Votre rapporteure souhaite en effet rappeler qu’il est indispensable que les mesures applicables aux aliments importés soient les mêmes que celles qui s’appliquent aux produits européens. Il n’est pas justifiable que persiste un double standard, dans la mesure où le critère retenu dans l’établissement des valeurs de LMR est avant tout sanitaire et ne saurait faire l’objet d’aménagements.

  1.   Les amendements adoptés par la commission des affaires européennes

En amendant la proposition de résolution européenne, la commission des affaires européennes a souhaité rappeler que l’atteinte de seuils de quantification égaux à 0 en matière de LMR ne pouvait être acquise que par une accentuation des efforts de recherche, mais également de « soutien à la transition agro-écologique ».

2.   Interdire l’exportation de produits phytopharmaceutiques déjà interdits au sein de l’Union européenne : une mesure pouvant démontrer l’attachement de l’Union européenne à l’équilibre et à la cohérence des échanges commerciaux

  1.   Le sens de la proposition de résolution européenne

Si l’Union européenne ne veut plus d’aliments issus de pays tiers ayant été produits dans des conditions contraires à ses principes en matière phytosanitaire, elle ne peut plus laisser les industriels européens exporter massivement vers les pays tiers des produits qu’elle juge inacceptables pour la santé et pour l’environnement en Europe.

En ce domaine, votre rapporteure est convaincue que la France a un rôle moteur à jouer, en ce qu’elle a déjà été précurseur avec la loi Egalim ([22]) dont l’article 83 prévoit une interdiction de production, de stockage et de circulation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées « pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement ».

Force est de constater, toutefois, que la mise en œuvre de cet article 83 a fait l’objet de défaillances et de manquements : ainsi, d’après l’ONG Public eye, au cours des neuf premiers mois de l’année, « les autorités françaises ont approuvé 155 demandes d’exportation pour des pesticides interdits en France et dans toute l’Union européenne ».

En invitant le Gouvernement à demander à la Commission européenne d’engager un processus visant à l’interdiction de l’exportation vers les pays tiers de substances interdites au sein de l’Union européenne en raison de leur impact sur la santé, l’environnement ou la biodiversité, la proposition de résolution européenne prend toute la mesure du problème existant et souhaite porter des solutions directement au niveau européen.

  1.   Les amendements adoptés par la commission des affaires européennes

La commission des affaires européennes a adopté un amendement précisant utilement que les raisons pouvant conduire à une interdiction d’exportation d’une substance active par un opérateur économique situé dans l’Union européenne devaient tenir à sa potentielle nocivité sur la santé, l’environnement ou la biodiversité.

3.   Harmoniser la mise en œuvre des normes environnementales et sanitaires dans les États membres de l’UE : une solution au service de la résorption des distorsions de concurrence intra-européennes

  1.   Le sens de la proposition de résolution européenne

La proposition de résolution européenne invite le gouvernement à demander à la Commission européenne d’encourager un processus d’harmonisation dans la mise en œuvre des normes environnementales et sanitaires entre les États membres.

Une attention toute particulière doit être portée, selon votre rapporteure, à la nécessaire révision de l’article 53 du règlement 11707/2009, lequel créé les conditions d’une véritable « courses aux dérogations », certains États membres refusant de pénaliser leurs agriculteurs recourant à des dérogations sans qu’elles ne remplissent forcément le critère de l’urgence.

En effet, depuis plusieurs années, le recours à l’article 53 s’accroît, renforçant les divergences de standards au sein du marché unique. C’est la raison pour laquelle l’EFSA rappelle la nécessité de créer au niveau européen une méthodologie d’évaluation unique et objective permettant d’obtenir, à situations équivalentes, des dérogations équivalentes dans tous les États membres.

  1.   Les amendements adoptés par la commission des affaires européennes

La proposition de résolution européenne initiale prévoyait de « dresser un état des lieux des divergences réglementaires existantes en matière de méthodes de production » des opérateurs européens et extra-européens ; elle entendait également « présenter […] une ou plusieurs propositions législatives permettant de garantir que les produits agricoles et agroalimentaires importés dans l’Union européenne sont produits conformément à des normes de production équivalentes ».

La commission des affaires européennes a toutefois jugé que ces alinéas n’étaient plus nécessaires dès lors que la proposition de résolution consacrait, d’une part, l’inversion de la charge de la preuve et, d’autre part, le renforcement des contrôles sanitaires et douaniers.

La commission des affaires européennes a, par ailleurs, jugé utile de préciser que l’harmonisation des règles intra-européennes était souhaitable non seulement en matière environnementale, mais également en matière sanitaire.

4.   Étendre le recours aux indications d’origine : un moyen complémentaire pour protéger les productions françaises et européennes face aux productions de pays tiers

  1.   Le sens de la proposition de résolution européenne

La proposition de résolution européenne invite le Gouvernement à demander à la Commission européenne de présenter au plus vite sa proposition de révision du règlement INCO (1169/2011). Le cadre réglementaire existant en matière d’étiquetage des denrées comporte en effet certaines défaillances limitant la protection des agriculteurs et acteurs agroalimentaires européens : l’indication de l’origine n’est, à l’heure actuelle, applicable qu’à un nombre limité de produits (en particulier les fruits et légumes frais, le miel, la viande, le poisson, les œufs, l’huile d’olive et les vins et spiritueux), et seule l’indication « UE » ou « non UE » est considérée comme conforme au droit européen.

Or, un moyen pour protéger les productions françaises et européennes, face aux productions de pays tiers qui ne répondraient pas aux mêmes exigences sanitaires et environnementales, pourrait consister à miser sur l’étiquetage des produits et la segmentation du marché qui en découle (les consommateurs étant particulièrement sensibles aux indications telles que « made in France »).

Votre rapporteure souscrit pleinement à la nécessité de réviser le règlement INCO qui régit l’étiquetage des denrées alimentaires. Elle salue, à cet égard, l’obligation faite aux producteurs de mentionner, depuis le 1er avril 2020 ([23]), l’indication de l’origine de l’ingrédient primaire d’une denrée alimentaire lorsque celle-ci diffère du lieu de transformation, bien que cette mesure demeure encore insuffisante en ce qu’elle tolère des indications telles que « UE » ou « non-UE » et n’inclut pas l’ensemble des denrées alimentaires.

Au total, malgré ces avancées, l’information fournie au consommateur demeure trop imprécise. Il convient donc d’aller plus loin en modifiant le règlement INCO pour renforcer et préciser ces exigences en matière d’indication de l’origine.

  1.   Les amendements adoptés par la commission des affaires européennes

La commission des affaires européennes n’a pas adopté d’amendements relatifs à la demande d’extension du recours aux indications d’origine.

C.   Afin d’éviter tout contournement par la Commission européenne du processus de ratification de l’accord UE‑MERCOSUR par les parlements nationaux, il est impératif d’empêcher sa scission en deux parties distinctes

1.   Dans sa version amendée en commission des affaires européennes, la proposition de résolution européenne s’oppose à toute scission de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur

Un alinéa a été ajouté à la proposition de résolution lors de son examen par la commission des affaires européennes. Il est désormais demandé à la Commission européenne, dans le corps de l’article unique, de « s’opposer à toute scission de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, qui passerait outre la règle de l’unanimité au Conseil de l’Union européenne et s’affranchirait du vote des Parlements nationaux des États membres. ». Cet alinéa additionnel vise à réaffirmer l’opposition ferme de la commission des affaires européennes à tout contournement du processus de ratification de l’accord UE‑Mercosur par les Parlements nationaux.

Le risque d’un « splitting » de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur

L’accord sur le MERCOSUR est un accord mixte : il entend réglementer des champs qui relèvent à la fois de la compétence exclusive de l’Union européenne (ainsi du volet commercial de l’accord) et des compétences partagées entre l’Union et les États membres (ainsi, par exemple, des dispositions politiques, sociales, culturelles ou sécuritaires).

En principe, l’intégralité de l’accord devrait être soumis à la procédure de ratification, c’est-à-dire à un vote à l’unanimité des États membres, puis à un vote au Parlement européen et à une ratification par l’ensemble des États membres selon la procédure prévue au niveau national (par l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cas français).

La Commission pourrait cependant choisir de procéder à une scission de l’accord (« splitting ») afin de permettre l’adoption séparée du volet commercial et des autres volets. En effet, en ce qu’il relève de la compétence commerciale exclusive, le corpus des dispositions strictement commerciales pourrait être négocié et adopté avec une simple majorité qualifiée au Conseil.

2.   Une telle scission serait extrêmement délétère pour l’agriculture européenne et traduirait une volonté de s’affranchir du vote des Parlements nationaux des États membres

Votre rapporteure salue l’ajout de la mention du refus de toute pratique de « splitting » dans la perspective de l’adoption de l’accord. Une telle pratique, qui consisterait en la scission de l’accord d’association en un accord commercial relevant exclusivement de la compétence de l’Union européenne, serait un désaveu démocratique. Elle entrerait en contradiction absolue avec le mandat de négociation initial donné par le Conseil à la Commission européenne et porterait atteinte aux droits des États membres, qui ont consenti de bonne foi à l’ouverture des discussions.

En effet, votre rapporteure souhaite rappeler que le succès du projet européen tient, depuis son origine, à la capacité des États membres à prendre des décisions par voie de consensus, dans le respect du dialogue et de l’écoute des besoins de chacun. Sur une décision aussi fondamentale que celle de l’adoption du Mercosur, le contournement de l’expression souveraine des États membres constituerait un dangereux précédent, néfaste non seulement à la souveraineté alimentaire, mais encore pour la qualité du débat démocratique en Europe.

Or, dans un contexte européen caractérisé par la montée des nationalismes et une hausse de la défiance collective à l’égard des institutions, il nous paraît essentiel de défendre l’héritage historique et démocratique qui fait la richesse et la pertinence de l’échelon européen.

D.   À l’issue de son adoption par la commission des affaires économiques, le contenu de l’article unique de la proposition de résolution EUROPÉENNE SORT renforcé

La proposition de résolution européenne, adoptée par les membres de la commission des affaires économiques à une très large majorité, a fait l’objet de quelques amendements qui, sans dénaturer le sens ni les objectifs portés par le texte, visent à en renforcer le contenu et la crédibilité. Ainsi, votre rapporteure se félicite de la réception très favorable des modifications suivantes :

– Pour renforcer la crédibilité de la proposition de résolution, un considérant a été ajouté à son article unique, rappelant l’échec de la mission d’audit menée par la Commission européenne (direction générale de la santé) au Brésil durant les mois de mai et juin 2024 et visant à s’assurer du respect des règles européennes en matière d’importation par les exploitants locaux ;

– Il est clairement réaffirmé qu’il appartient à l’Union européenne de se saisir de tous les instruments commerciaux de sauvegarde dont elle dispose, dans le cadre des accords commerciaux conclus par elle ou consacrés par le cadre commercial international ;

– Il est rappelé qu’il appartient à l’Union européenne de « suspendre systématiquement les échanges commerciaux avec les opérateurs économiques qui ne respecteraient pas les mesures miroirs » ;

– L’opposition ferme de la commission des affaires économiques à toute adoption de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur est réaffirmée. Plus spécifiquement, il est explicitement indiqué que les commissaires plaident pour la mise en œuvre de mesures miroirs universelles et efficientes, notamment en matière sociale, alors que ce champ est encore trop peu investi par l’Union européenne.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 26 novembre, la commission des affaires économiques a examiné le texte de la commission des affaires européennes sur la proposition de résolution européenne relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287 – texte adopté n° 533 A0) (Mme Mélanie Thomin, rapporteure).

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Chers collègues, nous examinons ce soir la proposition de résolution européenne (PPRE) relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne. Cette proposition de résolution a été adoptée et modifiée le 5 novembre dernier, lors de son examen par la commission des affaires européennes sur le rapport de notre collègue Dominique Potier. C’est le texte issu de ses travaux qui est soumis à notre commission, laquelle a désigné rapporteure, le 12 novembre dernier, Mme Mélanie Thomin. Si nous l’adoptons, son inscription à l’ordre du jour de la séance publique pourra être demandée en conférence des présidents dans les quinze jours suivant le dépôt du rapport de notre commission.

Ce texte soulève la question sensible de l’équilibre des relations commerciales entre l’Union européenne et les pays tiers. Quelles que soient les évolutions politiques chez nos partenaires, nous souhaitons éviter la concurrence déloyale de pays où les entreprises ne respectent pas des règles sociales ou environnementales minimales. Nous devons nous garder de toute naïveté et de toute faiblesse à l’égard des pratiques économiques et commerciales de certains États, car ce qui est en jeu, c’est non seulement le développement durable, mais aussi la préservation de notre production et de nos emplois, aujourd’hui et demain, en France et en Europe. Nombreux sont les secteurs de production d’ores et déjà affectés par l’absence de clauses miroirs.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Fruit de l’engagement commun du groupe Socialistes et apparentés, cette proposition de résolution européenne visant à imposer aux exportateurs des pays tiers des exigences équivalentes à celles auxquelles sont soumises nos filières agricoles a déjà été examinée par la commission des affaires européennes sur le rapport de notre collègue Dominique Potier, qui est à son origine et que je tiens à saluer.

Comme l’a montré le vote qui a suivi la déclaration du Gouvernement cet après-midi dans l’hémicycle, une très grande majorité d’entre nous s’oppose à la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Son adoption se traduirait par un nouveau coup dur pour nos filières agricoles, alors même que le mouvement de janvier 2024 nous a rappelé les souffrances de nos agriculteurs.

Ces souffrances sont liées à de multiples facteurs, au premier rang desquels figurent les distorsions de concurrence. Ceux d’entre vous qui ont eu l’occasion d’aller sur les barrages d’agriculteurs savent que c’est l’un des premiers griefs qu’ils évoquent. Fondée sur des échanges avec les représentants du monde agricole et des filières, notre proposition de résolution européenne distingue différents types de distorsions.

L’agriculture française souffre d’abord de distorsions de concurrence existant au sein même du marché européen, en raison de l’absence d’harmonisation de certaines normes environnementales et sanitaires. Il faut évoquer ensuite les doubles standards inacceptables, qui perdurent dans nos échanges avec l’extérieur. Ainsi, la Commission européenne accepte que certains produits importés contiennent des substances interdites sur le sol européen, au titre de tolérances à l’importation reposant sur la modulation des limites maximales de résidus, les fameuses LMR. En outre, l’Union européenne refuse encore de recourir aux mesures miroirs et de les généraliser dans ses échanges avec les pays tiers, alors même que nous savons qu’elles constituent un puissant levier pour la réduction des distorsions de concurrence. Enfin, des situations anormales perdurent, comme le rappellent régulièrement les agriculteurs. Le règlement sur les indications d’origine ne couvrant pas l’intégralité de nos productions, seule la mention « UE » ou « non UE » figure sur les denrées agricoles et alimentaires.

Pour lutter contre ces distorsions, nous proposons de mettre en place une solution « clé en main », solution simple comprenant deux volets. D’une part, nous souhaitons que l’Union européenne multiplie les mesures miroirs existantes et les étende à de nouveaux domaines, en particulier sanitaires, sociaux, environnementaux ou encore relatifs au bien-être animal. D’autre part, pour contrôler le respect des mesures miroirs, nous proposons d’inverser la charge de la preuve au moment de l’entrée des produits sur le territoire de l’Union européenne : concrètement, les opérateurs économiques exportant vers l’Union européenne auraient l’obligation de faire certifier leurs conditions de production et de transformation par un organisme tiers, lui-même agréé par l’Union européenne.

J’ai tenu à inscrire dans la PPRE deux enjeux essentiels au regard du contexte politique actuel. Tout d’abord, je suis convaincue que le principe des mesures miroirs doit être étendu au domaine social et trouver à s’appliquer à toutes les normes fondamentales que reconnaît l’Union en matière de conditions de rémunération, d’emploi ou d’organisation collective. C’est l’honneur de l’Europe que d’être le phare des valeurs humanistes et du progrès humain, rôle auquel elle ne doit jamais renoncer. Par ailleurs, je défends ardemment le principe selon lequel la nécessaire harmonisation des normes au sein du marché européen doit s’appuyer sur les standards les plus élevés et les plus protecteurs pour la santé humaine et environnementale.

Le risque d’une adoption prochaine de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur doit nous ramener à la réalité : l’accroissement du volume d’importations à bas prix qui en découlerait aurait de lourdes conséquences sur les revenus des agriculteurs et des acteurs de l’industrie agroalimentaire, particulièrement au sein des filières les plus à risque (maïs, viande bovine, volaille, betterave, sucre), dont j’ai pu auditionner les représentants. Je prendrai deux exemples symboliques. Si l’accord était signé, le débouché pour le sucre français serait diminué de 190 000 tonnes, soit la production d’une usine française, ce qui laisse deviner l’impact en matière d’emplois. Les spécialistes du secteur du bétail et de la viande estiment, quant à eux, que cela conduirait à la disparition de 37 000 emplois directs et indirects dans la filière, en raison notamment de l’accélération de la chute de la production française.

Je me félicite que la commission des affaires européennes ait rappelé avec force qu’il était nécessaire que nous nous opposions à toute scission de l’accord sur le Mercosur. Si était séparé de l’accord d’association un accord commercial relevant exclusivement de la compétence de la Commission européenne, celle-ci pourrait s’affranchir du vote des États membres, ce qui constituerait à l’évidence un désaveu démocratique. Cette décision entrerait en contradiction absolue avec le mandat de négociation initiale donné par le Conseil à la Commission européenne et porterait atteinte aux droits des États membres, qui ont consenti de bonne foi à l’ouverture de ces discussions. Le succès du projet européen tient depuis son origine à la capacité des États membres à prendre des décisions par voie de consensus, dans le respect du dialogue et des besoins de chacun. S’agissant d’une décision aussi fondamentale que l’adoption de l’accord avec le Mercosur, le contournement de l’expression souveraine des États membres constituerait un dangereux précédent, néfaste non seulement pour la souveraineté alimentaire, mais également pour la qualité du débat démocratique en Europe.

Je vous invite donc à soutenir cette proposition de résolution européenne essentielle pour nos filières agricoles. Madame Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur, s’est engagée cet après-midi en séance publique à soutenir le développement des mesures miroirs et à porter le combat au sein de la coalition qui s’oppose à l’accord avec le Mercosur. J’y vois un message directement adressé à notre commission.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Alors que notre assemblée vient de se positionner contre l’accord avec le Mercosur, ce texte est en effet de nature à réaffirmer la volonté de notre pays de renforcer les mesures miroirs.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Hélène Laporte (RN). Depuis la conclusion, en 2019, du projet d’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur, que personne en France ne peut raisonnablement cautionner, le terme de « clauses miroirs » est omniprésent dans le débat public. Il traduit en droit international une idée relevant du plus élémentaire bon sens : il est incohérent et profondément inique d’autoriser l’importation de biens produits dans des conditions que nous interdisons sur notre sol. Comment admettre qu’un agriculteur européen, qui doit respecter pour sa production un niveau d’exigence parmi les plus élevés au monde – probablement même le plus élevé –, soit contraint d’affronter la concurrence d’un homologue établi dans un pays où le cadre est bien plus permissif ? C’est pourtant bien ce qui se passe. Nous sommes les bons élèves de la planète, qu’il s’agisse de l’encadrement administratif des exploitations, des interdictions et des limitations relatives aux produits phytosanitaires ou antibiotiques, des normes portant sur la protection de l’environnement ou du bien-être animal.

Par un étonnant paradoxe, la politique idéologique menée de façon constante par la Commission européenne nous a conduits à devenir les champions du libre-échange subi, qui rend tabou le protectionnisme, comme le montrent les plus de quarante accords commerciaux conclus avec des pays du monde entier.

Alors que grandit la menace d’une ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, la présente proposition de résolution vise à inviter le Gouvernement à soutenir, auprès de la Commission européenne, la mise en œuvre d’exigences à l’importation destinées à garantir des normes de production équivalentes entre les biens produits dans l’Union européenne et ceux qui y sont importés. Nous soutiendrons ce texte, car il est inenvisageable de laisser planer devant nos agriculteurs la moindre ambiguïté : il importe de manifester notre refus absolu face à la concurrence déloyale qui déstabilise l’ensemble de leurs filières.

Toutefois, la lucidité nous impose de rappeler qu’il est malheureusement illusoire de prétendre imposer des mesures miroirs effectives à des partenaires commerciaux ne garantissant aucune traçabilité fiable des conditions de production des denrées qu’ils exportent. En témoigne le système autodéclaratif intégré à l’accord avec le Mercosur, qui ne garantit aucune protection sérieuse des intérêts de nos producteurs. En réalité, la seule position pleinement cohérente avec l’objectif de concurrence non faussée que nous visons, c’est le rejet de tout accord comprenant des allégements et des suppressions de droits de douane pour l’importation de produits ne répondant pas à nos normes et la révision ou la dénonciation des accords déjà signés relevant de cette catégorie. C’est seulement ainsi que nous permettrons à nos agriculteurs de vivre dignement de leur métier.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. La protection des exploitants agricoles de notre pays est une ambition partagée. Les débats sur l’accord avec le Mercosur nous donnent l’occasion de rappeler l’absolue nécessité de protéger davantage le monde agricole contre les phénomènes de concurrence déloyale avec des pays tiers. Il convient également – et c’est l’une des propositions de cette PPRE – d’harmoniser les règles face aux concurrences intra‑européennes, un enjeu important rappelé par les représentants des filières que nous avons auditionnés comme par les agriculteurs eux-mêmes.

Vous avez sans doute raison de rappeler les faiblesses du système de protection des agriculteurs au sein de l’Union européenne. Plusieurs rapports ont établi que les mesures miroirs existantes étaient insuffisantes et inefficaces. C’est la raison pour laquelle nous proposons de les renforcer et de les étendre aux domaines de la protection sociale, de la santé et de l’environnement.

Je termine en soulignant la différence entre clauses miroirs, qui se limitent à un seul traité, et mesures miroirs, qui ont vocation à s’appliquer de manière universelle pour protéger l’Union européenne.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Dominique Potier, dont les travaux nous permettent de débattre ce soir de cette proposition de résolution européenne. Le commerce et le libre-échange nous obligent à nous présenter au monde sous notre meilleur jour ; en ce sens, ils peuvent être source de prospérité, de croissance et d’innovation. Cependant, une société comme la nôtre ne peut s’épanouir pleinement dans ce système que si celui-ci respecte les principes qui sont à son fondement, notamment ceux de justice et de réciprocité. S’il y a un secteur dans lequel ces principes ne peuvent être ignorés, c’est bien celui de l’agriculture, pilier de notre souveraineté alimentaire et de notre patrimoine culturel.

La présente proposition de résolution européenne vise à établir un nécessaire équilibre en exigeant que les produits importés respectent des normes équivalentes à celles que nous imposons aux producteurs européens. Qu’elles concernent la santé, l’environnement ou le bien-être animal, ces normes ne sont pas uniquement des contraintes : elles incarnent aussi une exigence liée à nos valeurs et à nos engagements en matière de transition écologique et sociétale.

L’accord entre l’Union européenne et le Marché commun du Sud illustre les défis auxquels nous sommes confrontés. Il est susceptible d’offrir de nouveaux débouchés et de sécuriser certains marchés, notamment l’automobile, la viticulture ou les produits relevant d’une indication géographique protégée (IGP), tout en renforçant notre approvisionnement en matières premières stratégiques (soja, minerais, matériaux rares, biocarburants) ; mais il manque malheureusement d’équité dans sa version actuelle, en particulier en matière agricole. Il tolère des pratiques incompatibles avec les standards européens de production et menace de fragiliser nos agriculteurs, déjà soumis à une forte pression concurrentielle, puisqu’ils doivent se conformer aux normes sanitaires et éthiques les plus élevées au monde.

Le groupe Ensemble pour la République ne s’oppose pas, dans l’absolu, à tout accord de libre-échange. Avec des États-Unis de plus en plus protectionnistes et une Chine protectionniste par défaut, nous devrons bien trouver des pays avec lesquels échanger et faire croître notre agriculture et nos industries, qui vivent et prospèrent sur la base de leurs capacités d’exportation – a fortiori lorsque ces pays partagent nos valeurs démocratiques. N’oublions jamais qu’une des cinq journées travaillées chaque semaine par tout salarié français est consacrée directement ou indirectement à l’exportation. Dans ce contexte, nous ne pouvons pas nous permettre d’être « bêtement protectionniste ». L’Accord économique et commercial global (Ceta) avec le Canada, un pays aux normes et au degré de développement similaires à ceux de l’Union européenne, ne constituait pas un danger pour notre agriculture ; au contraire, il a créé de nouvelles possibilités. Ne nous abaissons donc pas au réflexe protectionniste parfois pavlovien qu’ont certains parmi nous, réflexe qui les amène à s’opposer sans nuance à tout ce qui ressemble à un accord commercial.

Non au rejet systématique ; mais oui à la mise en œuvre de clauses miroirs, oui au respect des normes environnementales et sanitaires européennes, oui à la clause suspensive relative à l’accord de Paris. Tout cela est indispensable en vue de futurs accords. Le groupe EPR, avec cohérence et ambition, votera pour cette proposition de résolution européenne, qui réaffirme notre attachement à un libre-échange équitable et durable. Il manifeste ainsi son souhait de renforcer la crédibilité de la France et de l’Europe en tant que défenseurs d’un commerce international libre et juste, aligné sur nos ambitions environnementales.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je rappellerai la fierté de nos agriculteurs de contribuer à notre souveraineté alimentaire : ils permettent à nos concitoyens d’avoir accès aux denrées alimentaires dans de bonnes conditions et de se nourrir correctement. L’agriculture fait partie de nos intérêts vitaux, qu’il importe de ne pas confondre avec nos intérêts économiques. C’est tout l’enjeu du combat que nous devons mener à l’échelon européen. Veillons à maintenir cet équilibre fragile.

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Conséquence des promesses gouvernementales non tenues, la colère du monde agricole est de nouveau d’actualité. Dans mon département de l’Aveyron, l’élevage représente 78 % de la production agricole et l’âge moyen des chefs d’exploitation augmente année après année. Cela illustre les deux grands défis de notre agriculture : le renouvellement des générations et la souveraineté alimentaire. Vous connaissez nos principales propositions pour les relever : garantir des prix rémunérateurs aux paysans et protéger nos producteurs de la concurrence déloyale. La Commission européenne, quant à elle, s’obstine à négocier des traités de libre-échange géants, dans lesquels notre production agricole est abandonnée tandis que les productions industrielles allemandes, notamment dans le secteur automobile, sont soutenues.

Cette proposition de résolution européenne vise à instaurer des dispositions garantissant des échanges agricoles plus justes dans le cadre de ces traités. Il s’agit notamment d’imposer des normes à l’importation équivalentes aux normes de production appliquées à l’intérieur de l’Union européenne. Ces dispositions vont dans le bon sens, mais nous paraissent insuffisantes pour plusieurs raisons. Les normes environnementales ne sont pas assez exigeantes au niveau européen. Les différences entre États membres donnent lieu à un dumping social au sein même de l’Union européenne. Dans ces conditions, l’harmonisation européenne encouragée par cette PPRE nous semble très hypothétique. En outre, elle nous paraît placer une confiance excessive dans les clauses miroirs : cela revient en effet à considérer que la distorsion de concurrence s’arrête aux frontières d’une Union européenne reposant sur un modèle vertueux, ce qui n’est pas le cas ; de surcroît, les clauses miroirs sont inefficaces et contournables.

Il convient de réaffirmer notre refus d’aller plus loin dans le libre-échange. C’est pourquoi nous voulons rendre cette PPRE plus ambitieuse en en modifiant la rédaction. Il s’agit de s’opposer catégoriquement à tout accord UE-Mercosur. L’objectif principal de la France devrait plutôt être de diminuer sa dépendance alimentaire à l’importation et de relocaliser. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons efficacement garantir une économie plus juste, pour les emplois agricoles, pour les revenus paysans, pour l’écologie et pour notre souveraineté alimentaire. Alors que nous sommes une grande nation agricole, nous importons 53 % de la viande ovine et 44 % des volailles que nous consommons.

Le groupe LFI-NFP propose des réponses claires : assumer un protectionnisme solidaire ; s’opposer à tout accord UE-Mercosur, quelles qu’en soient les clauses ; instaurer une taxe kilométrique et un prix minimum d’entrée de certains produits agricoles dans le cadre de mesures antidumping ; recourir à tous les outils à notre disposition, comme les mesures de sauvegarde spéciales prévues dans les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Par nos amendements, nous plaçons cette PPRE à la hauteur des enjeux : faire face à la concurrence déloyale et agir pour le revenu paysan. J’espère qu’ils seront adoptés afin que nous puissions répondre de manière structurelle aux attentes de nos agriculteurs et aux besoins alimentaires du pays.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Il ne s’agit nullement de se déclarer contre l’accord UE-Mercosur à Paris et de voter pour à Bruxelles. Cette ambiguïté embarrassante ne correspond pas du tout à la ligne défendue par le groupe Socialistes et apparentés. Nous entendons lutter contre les excès du libre-échange qui alimentent la dérégulation, provoquent le démantèlement de filières stratégiques et obèrent les revenus des agriculteurs. Dans ce combat, les mesures miroirs nous paraissent être une arme particulièrement efficace.

M. Dominique Potier (SOC). Je tiens tout d’abord à saluer notre rapporteure, qui a dû travailler dans un délai très court.

Le hasard du calendrier fait que notre discussion de ce soir s’articule parfaitement avec le débat que nous avons eu cet après-midi dans l’hémicycle au sujet de l’accord UE-Mercosur. Je me réjouis que la ministre Sophie Primas ait souligné le caractère original de notre proposition de résolution européenne. Non seulement nous nous opposons clairement et unanimement à cet accord, mais nous apportons aussi une solution : un principe de réciprocité portant sur des normes qui, je le dis à nos collègues du groupe LFI-NFP, ne se réduisent pas à l’Union européenne mais sont de portée universelle. Elles sont reconnues par les scientifiques comme prenant en compte les limites planétaires, conformément à l’accord de Paris. Ces normes environnementales, sanitaires et sociales, nous voulons les faire respecter à travers des mesures miroirs, lesquelles se distinguent des clauses miroirs, attachées à un seul accord commercial.

Ce texte fait suite aux travaux de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires. Durant ses réunions, nombreux ont été ceux qui ont exprimé leur hostilité aux exigences environnementales et sanitaires en objectant qu’elles exposaient notre agriculture à des concurrences déloyales. Cela nous a poussés à trouver des solutions qui, loin de tout protectionnisme, garantissent un juste échange. C’est ainsi que nous avons formulé quatre propositions : extension de l’étiquetage alimentaire, en vertu du règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011, dit « Inco », relatif à l’information des consommateurs ; harmonisation des normes européennes ; tolérance zéro à l’égard de l’entrée des pesticides ; contrôle ex ante, effectué sur les sites de production. Pour cette dernière proposition, nous nous sommes inspirés des méthodes du commerce équitable et de l’agriculture biologique, qui ont fait leurs preuves. Il est bien plus efficace en effet de vérifier la conformité aux cahiers des charges dans les champs, au plus près des conditions de production, que dans les ports ou les aéroports.

Notre solution est en train de prospérer et ce serait pour nous une grande fierté que d’avoir apporté notre contribution au débat. Si d’autres trouvent une meilleure idée, nous nous en réjouirons profondément.

J’aimerais que vous nous en disiez plus, madame la rapporteure, sur l’intégration de normes sociales dans les mesures miroirs. Nous sommes tous très sensibles à cette question, puisqu’elle concerne la santé des travailleurs de la terre et des consommateurs.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Cette proposition de résolution européenne s’inscrit dans la continuité des travaux de la commission d’enquête sur les pesticides, qui a mis en évidence les concurrences déloyales dans lesquelles étaient emprisonnées certaines filières agricoles. Nos solutions répondent à des attentes fortes, compte tenu des blocages qui persistent au niveau européen.

Il s’agit aussi d’améliorer les conditions sociales de la production agricole. Les représentants des filières que nous avons auditionnés ont souligné les impacts qu’auraient les traités sur les emplois directs et indirects. Nous devons poursuivre nos réflexions sur le modèle de notre agriculture et la rémunération des agriculteurs.

M. Vincent Rolland (DR). Cette proposition de résolution européenne, si elle a l’intérêt de soulever la question de l’opposition à la signature du traité UE‑Mercosur, n’apporte pas de réponses entièrement satisfaisantes à la concurrence déloyale que subissent nos agriculteurs, du fait de l’importation de productions ne respectant pas nos normes.

Le texte contient des mesures particulièrement pertinentes : respect des normes pour les importations en provenance de pays extra-européens, en particulier pour les produits alimentaires et phytosanitaires ; mise en place de clauses miroirs ; renforcement des contrôles. Il est essentiel de renforcer la législation européenne. Nous sommes opposés à l’accord avec le Mercosur et refusons qu’une scission permette à la Commission européenne de contourner le processus de ratification par les parlements nationaux.

Cependant, pour ce qui est de la concurrence intra-européenne, nous craignons que cette même proposition de résolution n’aille dans un sens trop contraignant, avec une harmonisation par le haut des normes entre les États membres. Soyons clairs : nous nous opposerons à une telle harmonisation si elle se traduit par des contraintes supplémentaires pour nos agriculteurs. Nous ne voulons pas que la France, déjà championne en matière de sur-transposition, devienne un labyrinthe normatif et que l’Europe la suive dans cette voie. Il convient de supprimer les normes excessives qui entravent l’activité économique et la compétitivité de nos agriculteurs.

Nous devons travailler à un avenir dans lequel les normes garantiraient la qualité des produits alimentaires sans compromettre la viabilité économique de notre agriculture.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Les standards que nous voulons harmoniser à l’échelle européenne portent sur la santé humaine, la santé environnementale et le bien-être animal. La France doit jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne pour imposer ces normes vertueuses. Les mesures miroirs que nous défendons se veulent protectrices : elles contribueront à une harmonisation intra-européenne. Une partie des distorsions de concurrence qui perdurent au sein de l’Union sont aussi liées à certaines pratiques dérogatoires auxquelles il faut mettre fin.

M. Benoît Biteau (EcoS). Depuis plusieurs décennies, le développement d’une économie mondialisée a entraîné une spécialisation des zones de production à l’échelle de la planète. À rebours de l’un des fondamentaux de l’agronomie, la rotation des cultures, ce phénomène s’est traduit par une dépendance accrue aux pesticides et aux engrais de synthèse, désormais utilisés de manière massive.

Ce qui menace la souveraineté alimentaire, ce n’est pas le moindre recours aux pesticides et aux engrais de synthèse, comme certains l’affirment, mais l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique. C’est en appliquant des normes protégeant la biodiversité et le climat que nous préserverons cette souveraineté. La tentation est grande de s’aligner sur les moins-disants, mais devons faire l’inverse : étendre à l’ensemble de l’Europe des normes exigeantes.

Si les accords de libre-échange se multiplient, c’est que les discussions multilatérales sont en panne. Puisque la nature a horreur du vide, nous nous réfugions dans des accords bilatéraux désastreux, ne reposant sur aucune vision globale. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut plus échanger à l’échelon planétaire – j’adore le thé et le cacao ! – mais que nous devons miser sur des accords multilatéraux pour mettre fin aux aberrations actuelles. Importer des agneaux de Nouvelle-Zélande et imposer aux éleveurs européens d’ovins de trouver des débouchés sur le marché chinois : quelle incohérence !

Les mesures miroirs sont la réponse à apporter. Je plaide pour qu’elles soient gravées dans le marbre de la politique agricole commune (PAC), dans le cadre de l’organisation commune des marchés. Cela nous permettrait d’exiger que tous les produits qui entrent sur le territoire européen, quelle que soit leur provenance, respectent les normes européennes.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je souligne la pertinence de l’amendement que vous avez défendu lors de l’examen du texte par la commission des affaires européennes, et qui visait à rappeler l’importance de l’investissement en matière de recherche dans le cadre de la transition agroécologique.

L’accord UE-Mercosur conduirait au retournement d’au moins 170 000 hectares de prairies et, plus généralement, mettrait en péril la biodiversité et l’environnement, déjà menacés dans les pays du Mercosur, qui pratiquent la déforestation.

Dans le Finistère, lorsqu’on scelle un accord d’importance, on dit qu’on le grave dans le granit. Je souhaite que ces mesures miroirs s’inscrivent dans un système universel qui perdure.

M. Pascal Lecamp (Dem). Jamais nous n’aurons autant parlé de commerce extérieur ; en tant qu’ancien conseiller de Business France, je m’en réjouis particulièrement. Tout ce qui a été dit dans l’hémicycle, notamment par notre collègue Benoît Biteau, doit nous permettre de jeter les bases pour l’avenir. Nous ne devons pas être seulement dans la réaction, ni chercher à nous présenter comme celui qui sera le plus « contre » le Mercosur ou le moins naïf sur le libre‑échange. Nous devons plutôt nous demander quelle Europe et quel rapport au monde nous voulons demain.

Cette proposition de résolution européenne est une pierre dans la construction de la position française. Néanmoins, ce n’est pas la première pierre, car nous avons déjà posé d’autres jalons – je pense au blocage de l’adoption de l’accord UE-Mercosur dès 2019, au rapport de la commission présidée par le professeur Stefan Ambec, qui a rendu obsolètes les négociations lancées en 1999 par la Commission européenne, ou encore à la défense des normes sanitaires et environnementales de l’Union européenne par le Président de la République lors de la présidence française en 2022. Toutes ces prises de position fortes, qui ont parfois été mal accueillies par nos partenaires européens, sont le résultat d’une immense mobilisation de la société civile – syndicats agricoles, associations environnementales, associations de défense des droits humains et du bien-être animal – en France et chez nos voisins.

Le temps de la réforme est venu. Nous accueillons donc avec une grande bienveillance cette proposition de résolution visant à instaurer, par des mesures miroirs, un juste échange où les standards sanitaires, environnementaux et sociaux des productions de nos partenaires seraient tirés vers le haut. C’est à cette condition que les pays tiers pourraient bénéficier d’une exonération des droits de douane ou de droits très favorables. Dans ce cadre, les questions relatives à l’inversion de la charge de la preuve, aux contrôles aux frontières et à la coopération avec les services vétérinaires locaux sont essentielles. Pour avoir participé à des négociations avec certains pays, je peux vous dire que cela peut marcher.

Le groupe Les Démocrates appelle à voter ce texte à l’unanimité, afin qu’il nourrisse les discussions internationales futures et oriente la position diplomatique de la France, notamment à l’OMC et dans le cadre de négociations multilatérales.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. La période est propice à la réforme de l’agriculture et des modalités des échanges commerciaux avec les pays tiers, au niveau français comme au niveau européen. Défendre des normes vertueuses et rehausser les standards en matière de production agricole sont les ambitions de la France et de l’Union européenne.

Si une seule mesure de la proposition de résolution européenne devait être retenue, il s’agirait effectivement de l’inversion de la charge de la preuve du respect des mesures miroirs par les exportateurs des pays tiers. La certification pourrait être directement réalisée par des organismes agréés dans les pays tiers. Ces mesures concrètes pourraient soutenir très efficacement de nombreuses filières agricoles qui subissent le système actuel de libre-échange.

M. David Taupiac (LIOT). Le monde agricole oscille entre colère et désarroi. Colère, parce que les agriculteurs risquent à nouveau de se voir imposer un accord de libre-échange qui leur est défavorable : une fois de plus, ils seront la variable d’ajustement d’une politique commerciale européenne qui fait trop peu attention à la question agricole. Désarroi, parce qu’ils nous alertent, année après année, quant à la perte de notre souveraineté alimentaire, tandis que rien ne semble arrêter la course effrénée aux accords commerciaux.

L’accord avec le Mercosur pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il prévoit l’ouverture de nouveaux contingents pour l’importation de maïs, de sucre et de viande bovine, ce qui risque de faire baisser les prix sur le marché européen, et donc les prix payés aux agriculteurs. Pis, cet accord risque de favoriser l’importation de produits qui ne respectent pas les normes européennes. Ainsi, des hormones, des antibiotiques ou des pesticides que nous avons interdits en raison de leur dangerosité seraient de facto consommables en Europe.

Nous ne pouvons laisser nos agriculteurs seuls face à cette injustice. Nous nous devons d’agir pour faire évoluer un système et une politique commerciale qui leur sont défavorables. Évidemment, nous soutenons toute initiative prise par le Gouvernement pour mettre fin à l’accord avec le Mercosur, telle que l’organisation d’un débat en séance publique cet après‑midi. La volonté de la ministre de l’agriculture de trouver une minorité de blocage va dans le bon sens. Toutefois, nous devons aller plus loin pour encourager la refonte de la politique commerciale. Contrairement à d’autres députés, je ne pense pas que ce soient nos normes qui menacent notre souveraineté alimentaire. Notre volonté de protéger nos concitoyens européens des produits phytosanitaires dangereux pour leur santé et l’environnement est légitime. En revanche, nous ne pouvons accepter d’importer des produits qui ne respectent pas les normes européennes.

Comme vous, madame la rapporteure, je crois en la fermeté : il nous faut imposer des limites résiduelles égales à zéro pour les produits phytopharmaceutiques déjà interdits au sein de l’Union européenne. Comme nombre d’entre nous, je considère que l’instauration de mesures miroirs est la solution et je crois à la nécessité d’harmoniser les normes au sein de l’Union européenne.

Mon groupe, fervent défenseur d’une agriculture française de qualité, votera pour cette proposition de résolution européenne.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Ce soir, le monde agricole, qui exprime sa colère et son désarroi, a écouté avec attention le message délivré par le Parlement. Nous avons une immense responsabilité quant aux décisions que nous prenons pour eux. Par cette proposition de résolution européenne et le vote de cet après-midi, il s’agit de faire pression tant sur la Commission européenne pour éviter la scission de l’accord, que sur le Président de la République afin qu’il prenne les bons engagements et qu’il parvienne à faire entendre la voix de la France. Nous partageons l’objectif de constituer une coalition puissante pour sauvegarder les agricultures française et européenne. Je vous remercie de soutenir les mesures innovantes que contient ce texte.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Nous passons aux questions des autres députés.

M. Dominique Potier (SOC). Quelles seront les suites données à ce texte, une fois qu’il sera adopté ? Y aura-t-il un débat dans l’hémicycle, au cours duquel nous continuerons à discuter de l’accord avec le Mercosur et des mesures miroirs, en distinguant bien les deux sujets ? Dans quelle mesure peut-il nous aider à interpeller le Parlement européen et la Commission ?

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Dans la continuité de votre travail, à la suite de son adoption par la commission des affaires européennes et, je l’espère, par la commission des affaires économiques, cette proposition de résolution européenne sera susceptible d’être inscrite à l’ordre du jour de la séance publique. Tel est notre objectif. Notre parlement national doit relayer des propositions concrètes et innovantes auprès du Parlement européen et, surtout, de la Commission européenne. Dans le contexte actuel, le Gouvernement doit travailler avec les parlementaires en vue de formuler des propositions au niveau européen ; je suis persuadée qu’il saura le faire avec pragmatisme.

M. Hervé de Lépinau (RN). Les clauses miroirs ne sont-elles pas un miroir aux alouettes ? Ne donnent-elles pas l’illusion de parvenir à un équilibre qui, en réalité, n’existe pas ?

Les contrôleurs, qui s’acharnent sur nos agriculteurs, ne devraient-ils pas plutôt s’intéresser aux produits importés et vérifier que ces derniers respectent les traités internationaux ?

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Il ne faut pas confondre les clauses miroirs et les mesures miroirs : ce sont deux choses différentes et deux combats différents. Les clauses sont prévues dans le cadre d’un traité entre l’Union européenne et un pays tiers ; elles sont donc un peu opportunistes. En revanche, les mesures miroirs s’inscrivent dans le cadre d’une refonte du système universel de protection de l’Union européenne.

Nous proposons, par exemple, de doubler le contrôle effectué au niveau des douanes par un contrôle des conditions de production dans les pays tiers, qui serait assuré par des organismes agréés par l’Union européenne. Un tel processus existe déjà dans la filière biologique. Dans ma circonscription rurale, des contrôleurs chinois visitent régulièrement les parcelles des éleveurs dont la production de lait sera exportée vers la Chine ; de la même manière, l’Union européenne pourrait imposer ce type de mesure afin de s’assurer que les pays tiers respectent les normes qui s’imposent à nos agriculteurs.

 

 

Article unique

 

Amendement CE1 de Mme Mathilde Hignet

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Les agriculteurs réclament l’interdiction d’importer des produits ayant reçu des traitements interdits en France, car ce serait suicidaire pour notre agriculture. Cette demande, qui relève du bon sens, ne fait pas l’objet d’un consensus. Alors que la ministre Annie Genevard souhaite revenir sur la réglementation protectrice, spécifique à la France, en matière de traitements phytosanitaires, nous devons au contraire la renforcer et encourager le mieux-disant afin de préserver la santé des agriculteurs et des consommateurs. Aussi soulignons-nous la nécessité d’« adopter une approche d’interdiction totale d’importation des produits traités avec les substances les plus dangereuses ».

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Avis favorable. La mention du « moyen terme », qui figure dans la rédaction actuelle de l’alinéa, est sans doute superfétatoire. Si l’objectif d’interdiction totale ne sera pas atteint avant longtemps, il n’en demeure pas moins qu’il faut agir avec fermeté.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Vous proposez que la France aille plus loin que ses partenaires européens dans l’interdiction d’importer certains produits. Cela part d’une bonne intention, mais nous courons le risque d’imposer des normes plus restrictives que celles fixées par nos partenaires de l’Union européenne, alors que nous décidons collectivement des normes qui doivent s’y imposer. Nos agriculteurs, soumis à une concurrence déloyale, se trouveraient en situation difficile. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

M. Dominique Potier (SOC). La mention du « moyen terme » répond à un principe de réalité, car la délibération européenne prendra du temps, compte tenu des allers-retours entre la Commission, le Parlement et le Conseil. Il s’agit d’une précision technique, qui n’a pas de valeur politique. Nous nous rangeons volontiers à la logique de simplification proposée par notre collègue Mathilde Hignet, mais cela ne change rien sur le fond : l’important est de déclencher le processus.

Je souhaite rassurer notre collègue Stéphane Vojetta. Nous examinons une proposition de résolution européenne, qui ne vise pas à modifier notre législation, mais à inviter la Commission européenne à interdire totalement l’importation de certains produits. Du reste, un registre dresse la liste des produits interdits ou des produits qui ne sont plus homologués dans l’Union européenne et considérés comme dangereux. Dans la continuité des travaux de la commission d’enquête sur les pesticides, le groupe Socialistes et apparentés propose l’harmonisation, au niveau européen, de la liste des molécules et des produits homologués afin de mettre fin aux distorsions de concurrence internes et de mieux protéger nos frontières.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Monsieur Vojetta, vous avez employé le mot « concurrence », ce qui traduit nos divergences. Pour notre part, nous considérons que nous devons changer de logiciel agricole et renoncer au libre‑échange. L’agriculture subit en effet l’effondrement de la biodiversité et le changement climatique ; si nous n’inversons pas la tendance, la concurrence sera la dernière de nos préoccupations. Nous assumons de recourir au protectionnisme, qui est pour vous un « gros mot », pour protéger en priorité la santé des agriculteurs et l’environnement.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Il ne s’agit pas de délibérer sur l’interdiction totale d’importer certains produits, mais plutôt sur des questions rédactionnelles s’agissant de l’échéance de l’application de la mesure. La rédaction proposée par l’amendement CE1 nous semble plus pertinente.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2 de M. Laurent Alexandre

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Il convient de préciser la rédaction de cette PPRE afin de lui donner davantage d’ambition. Aussi proposons-nous de prendre en considération les conclusions de l’audit mené au Brésil, entre mai et juin 2024, par la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne. Ont été évalués les contrôles réalisés sur les résidus de substances pharmacologiquement actives, de pesticides et de contaminants dans les animaux et les produits d’origine animale. Le rapport pointe un défaut de surveillance ainsi que les défaillances des autorités brésiliennes, qui ne parviennent pas à garantir l’absence totale de substances – parfois cancérigènes – interdites à l’importation dans l’Union européenne. Qui peut croire qu’il est possible de vérifier chaque recoin de champ de chaque pays ? C’est pour cette raison que les clauses miroirs présentent des limites. À l’heure où la Commission européenne essaie d’imposer son accord avec le Mercosur, cet audit ne fait que renforcer notre opposition catégorique.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Vous avez raison de souligner l’inefficacité du contrôle des mesures miroirs. Je suis favorable à votre amendement, car l’audit que vous évoquez a révélé les défaillances des contrôles réalisés dans diverses exploitations.

M. Dominique Potier (SOC). L’audit mené au Canada par la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire a révélé les mêmes défaillances des services vétérinaires, s’agissant du contrôle de l’interdiction des stimulateurs de croissance. Les rares mesures miroirs existantes sont inefficaces. C’est pourquoi il conviendrait d’innover en inversant la charge de la preuve.

J’ai été agriculteur bio. Lorsqu’un contrôleur se rend dans une ferme, cela s’apparente quasiment à une inspection de police : il effectue un contrôle approfondi, vérifie la comptabilité, fait des prélèvements et des analyses… C’est ce type de contrôle qui est envisagé pour les pays tiers ; nous abandonnerions ainsi l’amateurisme au profit d’un système de contrôle efficace.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE11 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Cet amendement vise à préciser le sort réservé aux échanges avec des opérateurs économiques des pays tiers qui refuseraient de fournir la preuve du respect des mesures miroirs. Dans ce cas de figure, les échanges commerciaux seraient systématiquement suspendus. L’Union européenne doit faire preuve de fermeté si elle souhaite protéger efficacement ses filières agricoles.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE6 de Mme Hélène Laporte

Mme Hélène Laporte (RN). Cet amendement vise à supprimer les derniers mots de l’alinéa 35, qui alourdissent inutilement le texte et créent de la confusion. Il y est question d’accentuer à la fois les mesures de soutien à la transition agroécologique, ce qui est sans lien direct avec la question des importations, et les efforts de recherche pour abaisser le seuil de détection des substances interdites dans les produits importés. Or les procédés de détection des résidus de produits phytosanitaires garantissent des résultats précis, de l’ordre du microgramme. Ce ne sont pas leurs limites techniques qui sont en cause, mais plutôt le manque de zèle dont nous faisons preuve s’agissant de l’application des normes en matière d’importation.

En supprimant ces mots qui déplacent le problème et nuisent à l’intelligibilité du texte, nous mettrions en avant l’objet principal de l’alinéa, qui est de demander la suppression sans délai des tolérances à l’importation de produits contenant une quantité de substances interdites supérieure aux seuils définis par la réglementation européenne.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je vois dans votre amendement une ambiguïté, voire un désaccord politique assez net. Les efforts soutenus en matière de recherche dans le cadre de la transition agroécologique permettront de mieux comprendre la dangerosité de certains produits et de réduire la dépendance des exportateurs des pays tiers à l’égard des substances interdites en Europe. Ces précisions sont donc très pertinentes. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Combattre l’accord avec le Mercosur, c’est défendre le Pacte vert, c’est-à-dire le développement de l’agroécologie. Les chercheurs réunis lors de la célébration des quarante ans du Centre de coopération internationale en recherche agronomique (Cirad) ont expliqué que, si nous ne développons pas l’agroécologie ni ne respectons les écosystèmes, nous subirons des pertes de rendement qui contribueront à affamer le monde. Dès lors, comment pourra-t-on relever le défi de nourrir dix milliards d’habitants en 2080 ?

La décroissance, c’est la poursuite d’un productivisme qui ne respecte pas les écosystèmes, contrairement à l’agroécologie, qui garantit dans la durée la capacité à produire. En dénonçant l’accord avec le Mercosur, nous ne devons pas mettre fin au Pacte vert ni fragiliser l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le plan Écophyto et tous les dispositifs d’agroécologie que le projet de loi de finances affaiblit. Au contraire, nous devons redoubler d’efforts pour engager l’Europe dans une trajectoire de protection des écosystèmes, grâce à la protection aux frontières.

M. Benoît Biteau (EcoS). C’est précisément parce que les pesticides sont utilisés que nous recherchons leurs traces dans les produits importés afin de préserver la santé des consommateurs.

Il faut traiter le problème en amont. L’utilisation des pesticides met en péril le climat, la biodiversité et la santé de ceux qui les ont répandus. Nous devons soutenir l’agroécologie : ainsi, nous pouvons espérer n’avoir un jour plus besoin de rechercher la présence de pesticides, puisqu’ils auront été supprimés. Déconstruisons certains mythes : ni les pesticides ni les engrais de synthèse ne garantissent la souveraineté alimentaire. Je suis paysan depuis vingt ans : je produis plus que ne produisait mon père en utilisant des pesticides et des engrais de synthèse. C’est en ne préservant pas la biodiversité et en ne luttant pas contre le dérèglement climatique que nous mettons en péril notre souveraineté alimentaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE7 de Mme Hélène Laporte

M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement, qui devrait satisfaire nos collègues écologistes, socialistes et d’extrême gauche, vise à interdire définitivement l’exportation vers les pays tiers de substances interdites au sein de l’Union européenne, plutôt que d’« engager un processus visant à l’interdiction », ainsi que le prévoit l’alinéa 36. Sans cette modification, nous nous retrouverons dans une situation kafkaïenne : l’industrie pétrochimique continuera de vendre des pesticides interdits sur le territoire national à des pays tiers, lesquels utiliseront ces substances pour assurer une production agricole, que nous importerons ensuite chez nous dans le cadre des traités commerciaux.

Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 36 semble établir une hiérarchie entre l’Occident riche, qui devrait impérativement être protégé contre les pesticides, et les pays tiers, beaucoup plus pauvres, qui pourraient s’en contenter car ils contribuent à leur développement. Soyons cohérents et ne tournons pas autour du pot : si ces produits sont dangereux, ils le sont pour tout le monde.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. J’ai examiné de près votre amendement, qui m’a surprise. Dans le cadre de la proposition de résolution européenne, qui vise à encourager l’instauration de mesures miroirs, nous souhaitons enclencher un processus – concertation avec les scientifiques, identification des producteurs – au terme duquel l’exportation vers les pays tiers de substances interdites sera prohibée. Il n’y a donc pas d’ambiguïté. Je m’étonne de votre fermeté : il y a un an, vous ne défendiez pas cette position lors des travaux de la commission d’enquête. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). C’est un combat qui remonte à la loi Egalim : il était déjà question de cesser d’exporter ce que nous interdisons chez nous, car les conséquences sur les écosystèmes et sur les organismes ont un caractère universel, qu’il s’agisse de l’eau au Nigéria ou des corps humains au Nicaragua. Cette mesure très généreuse, fondée sur le principe « Tu ne feras pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. », a été inscrite dans la loi avant de subir des rebondissements incroyables : l’industrie phytopharmaceutique s’est acharnée à la faire tomber, nous l’avons reprise dans une autre loi et elle a été soumise au Conseil constitutionnel, qui a fini par estimer qu’elle n’était pas inopérante.

Il n’en reste pas moins une lacune relative aux substances. Les décrets qui ont été pris portent sur les produits et l’industrie phytopharmaceutique européenne est suffisamment habile pour exporter des substances ensuite assemblées dans des pays tiers. Il faut donc compléter le dispositif. Ceux qui connaissent le fonctionnement de l’Union européenne, comme notre collègue Benoît Biteau, savent que les négociations entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen prennent du temps : nous vous proposons d’enclencher ce processus.

Notre fermeté en la matière ne date pas d’aujourd’hui et elle n’est pas opportuniste : c’est un combat que nous menons depuis de nombreuses années, comme le montrent les travaux de la récente commission d’enquête. Nous reprenons ce combat avec force et sans ambiguïté.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Dans la droite ligne d’une intervention précédente de ma part au sujet de la concurrence à laquelle sont confrontés les acteurs de notre industrie, je rappelle que le règlement européen actuel envisage un processus dans le temps. Celui-ci permettra aux acteurs concernés de s’adapter en se tournant vers des substances et des produits mieux-disants. Être les seuls à accélérer mettrait à mal nos acteurs économiques vis-à-vis de la concurrence. Nous sommes donc défavorables à l’amendement.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je me rappelle la position que défendaient vos collègues lorsque j’étais député européen : c’était, pour les substances dangereuses, « Pas d’interdiction sans solution ». Il existe ainsi dans la réglementation européenne une liste de produits dits « à substituer », qui font l’objet d’autorisations provisoires. Notre collègue Dominique Potier a raison : on a identifié des produits qui doivent disparaître à terme et au sujet desquels il faut continuer à faire de la recherche pour assurer leur substitution. Une dynamique est donc engagée. Si l’on supprimait la liste des produits à substituer, il y aurait un télescopage avec le principe « Pas de suppression sans solution », que vous n’arrêtez pas de rabâcher.

M. Hervé de Lépinau (RN). Quelle tartufferie ! Nous parlons de produits interdits en France, mais que l’on continue à vendre à des pays tiers et qui reviennent ensuite chez nous. Les contrôles réalisés montrent, par exemple, que la quantité de diméthoate dans les cerises venant de Turquie est dix fois supérieure à la dose qui était autorisée en France avant l’interdiction de ce produit. Vos arguments montrent bien que vous vous moquez des paysans : nous avons la preuve que vous êtes les meilleurs collaborateurs d’une agriculture complètement mondialisée, qui fait d’eux les dindons de la farce. Si des molécules sont interdites chez nous, il n’y a aucune raison qu’elles puissent être vendues à des pays tiers avant de revenir sur le territoire national par l’intermédiaire d’autres productions. Les paysans apprécieront votre opposition à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE9 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement concerne la protection des forêts. Il était prévu que l’interdiction de la commercialisation en Europe de produits issus de terres déboisées s’applique à compter du 30 décembre ; elle a été reportée à la fin 2025, sur proposition de la Commission européenne, le 2 octobre dernier, sous la pression des États-Unis et du Brésil. Cette décision met en danger des milliers d’hectares de forêt par an et fait courir un risque d’atteinte aux droits humains, les forêts en question pouvant abriter des peuples autochtones. Nous vous proposons donc de rétablir la date initialement prévue.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je partage l’idée que le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts doit être mis en œuvre le plus tôt possible, notamment en raison des mesures miroirs qu’il comporte. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE10 de M. Benoît Biteau et sous-amendement CE12 de Mme Mélanie Thomin

M. Benoît Biteau (EcoS). Je propose que les mesures miroirs soient gravées dans le granit du règlement portant organisation commune des marchés de produits agricoles, qui traite de toutes les mesures commerciales imaginables dans ce domaine, afin que ces dispositions s’appliquent vraiment à tous les échanges commerciaux en matière d’agriculture et d’alimentation.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je suis plutôt favorable à cet amendement. Sa rédaction pourrait toutefois être améliorée, car elle laisse entendre que des mesures miroirs existent déjà dans le règlement. Je vous propose plutôt de faire référence à la nécessité d’une « extension du principe des mesures miroirs ».

M. Pascal Lecamp (Dem). Il est vrai que ces mesures miroirs existent, mais il serait plus utile d’instaurer un système qui obligerait les services vétérinaires européens à rencontrer, par exemple, ceux de la Turquie pour établir des cahiers des charges communs concernant les produits exportés. Il existe très peu de relations de ce type : un travail reste à faire en matière de coopération, même si cela n’a pas nécessairement vocation à figurer dans la loi.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

 

Amendement CE13 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je souhaite étendre le champ des mesures miroirs au domaine social afin d’imposer à nos partenaires commerciaux des obligations en matière de conditions de travail, de rémunération et d’organisation collective. Le droit européen ne compte à l’heure actuelle aucune mesure miroir dans ce domaine. L’absence de clauses de ce type dans le projet d’accord avec le Mercosur est révélatrice des défaillances de l’Union européenne quand il s’agit d’affirmer ses convictions et ses valeurs sur la scène internationale. Les nouveaux accords commerciaux devraient servir de leviers d’influence au niveau politique : l’Union européenne a un message fort à faire passer.

M. Dominique Potier (SOC). Le droit européen s’est enrichi, en juin dernier, de la Corporate Sustainability Due Diligence Directive, dite « CS3D », sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, dont le principe est né ici, avant d’être repris dans un premier temps par d’autres pays, puis au niveau européen. Cette directive vise à protéger non seulement les écosystèmes, notre maison commune qu’est la nature, mais également les droits humains. L’inclusion systématique des questions sociales dans les mesures miroirs est très importante, mais ce n’est qu’un complément d’une arme lourde, celle du recours aux tribunaux pour faire condamner des multinationales qui n’auraient pas vérifié les conditions de la sous-traitance. Des procédures ont ainsi été engagées concernant la déforestation et les conditions de travail en Amérique du Sud.

Dans l’attente d’un règlement contre l’esclavage moderne et le travail des enfants, qui avait été promis par la présidente de la Commission européenne durant son premier mandat, mais n’avait pu aboutir, nous avons donc la directive CS3D. J’insiste sur son existence, car elle est attaquée par l’extrême droite, une partie de la droite et BusinessEurope. C’est une arme importante pour protéger les droits des travailleurs ici et ailleurs.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE14 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. De nombreuses filières agricoles, dont celle du maïs, ont fait part lors des auditions de leurs inquiétudes devant l’absence de réévaluation des mécanismes de droits de douane auxquels sont soumis leurs concurrents extra-européens, en particulier dans le Mercosur. Il est particulièrement important d’inviter la Commission européenne à réviser fréquemment les différents cadres douaniers afin de s’assurer de leur compatibilité avec la conjoncture économique internationale et européenne. S’agissant de la filière du maïs, cela fait plus de vingt-cinq ans que les tarifs douaniers n’ont pas été réévalués. Il existe une véritable attente en la matière au sein du monde agricole. J’ajoute que de telles révisions pourront faire l’objet de modalités différentes, dans la mesure où les mécanismes douaniers sont prévus par des véhicules juridiques hétérogènes.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CE3 de Mme Mathilde Hignet et CE16 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Dans la continuité de la position que nous avons exprimée cet après-midi en séance, notre amendement CE3 dit notre opposition à l’adoption de l’accord UE-Mercosur. Notre vote sur la proposition de résolution européenne sera conditionné au sort qui lui sera réservé.

Il n’existe pas de bon accord possible avec le Mercosur pour les agriculteurs, quand bien même des clauses ou des mesures miroirs seraient prévues. Nous n’aurons aucun moyen de vérifier que le bœuf importé ne contient pas, par exemple, des hormones de croissance. L’agriculture familiale française fait la réputation de la production de notre pays. Nous ne voulons pas que cette plus-value soit sacrifiée sur l’autel d’une compétition mondialisée. Il faut protéger l’agriculture française pour valoriser nos terroirs et mailler les territoires en exploitations faisant de la polyculture et de l’élevage, afin de contribuer au dynamisme de notre ruralité.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. La rédaction de l’alinéa 47 est un peu maladroite ; elle a sans doute été un peu diluée lors des débats en commission des affaires européennes. Il est nécessaire de réaffirmer notre opposition à l’adoption de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, mais je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien, l’amendement CE16, qui comporte un ajout relatif à la nécessité d’appliquer des mesures miroirs efficientes et universelles, conformément à l’essence même de la proposition de résolution.

M. Dominique Potier (SOC). Les socialistes n’ont jamais fait preuve d’ambiguïté : ils poussent à l’adoption de cette proposition de résolution européenne et disent non à l’accord avec le Mercosur tout en demandant, par ailleurs, des mesures miroirs.

Dire non au Mercosur, c’est dire non à 99 000 tonnes de bœuf en plus et à 170 000 hectares de prairies retournées, ce qui créera une bombe climatique et entraînera une perte de biodiversité. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que deux cent mille tonnes de bœuf arrivent chaque année d’Amérique du Sud sans le moindre contrôle. Tous les échanges commerciaux doivent faire l’objet de mesures miroirs afin de lutter contre les pesticides ou l’antibiorésistance.

Je voterai pour l’amendement CE16, qui énonce clairement notre opposition à l’accord avec le Mercosur et notre souhait de voir instaurées de vraies mesures miroirs, universelles et applicables à tous nos échanges commerciaux, au-delà des traités, y compris pour l’existant.

M. Pascal Lecamp (Dem). J’atteste qu’il n’y a pas eu d’ambiguïté en commission des affaires européennes. Je précise cependant que les 99 000 tonnes dont a parlé notre collègue Potier ne viennent pas du Mercosur, mais en viendraient si l’accord était adopté – c’est à mettre au conditionnel, car rien n’a encore été signé.

Notre collègue Hignet a dit qu’elle voulait protéger nos agriculteurs. Nous le voulons tous, mais je n’ai pas compris ce que son amendement permettrait de faire de plus. À ce stade, je privilégierai celui de la rapporteure.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Comme nous l’ont dit, notamment, les représentants de la filière du maïs, la concurrence déloyale n’est pas nécessairement directe. Elle peut s’infiltrer dans l’Union européenne par l’intermédiaire de nos voisins, comme l’Espagne et les Pays-Bas, dont chacun connaît les infrastructures portuaires. Quelles que soient les mesures protectionnistes que nous prendrons sur le sol national, la concurrence déloyale pourra donc s’introduire en France de façon indirecte.

Je réitère ma demande de retrait de l’amendement CE3 au profit de mon amendement CE16, qui souligne toute la pertinence des mesures miroirs.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Quand nous disons que nous sommes opposés à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, avec ou sans mesures miroirs, cela signifie que, pour nous, ces mesures ne justifient pas qu’on importe du bœuf, quand bien même il respecterait les mêmes normes que chez nous, alors qu’on en produit en France.

La commission rejette l’amendement CE3 puis adopte l’amendement CE16.

 

Amendement CE4 de M. Laurent Alexandre

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). La rédaction de cette proposition de résolution européenne a été améliorée lors de son passage devant la commission des affaires européennes, puisque le texte invite désormais explicitement le Gouvernement français à s’opposer à la stratégie du splitting que pourrait utiliser la Commission européenne. Nous craignons une scission entre le volet commercial de l’accord et ses autres stipulations, qui permettrait de passer outre à l’avis des parlements nationaux à propos du volet commercial.

Le Président Emmanuel Macron clame partout son opposition à ce traité, mais pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt ? Il est vital de faire capoter l’accord avec le Mercosur pour préserver le modèle d’agriculture familiale qui façonne notamment l’économie et les paysages de l’Aveyron. Comme nous préférons les actes aux belles paroles, nous proposons d’écrire noir sur blanc que le respect du vote du Parlement européen est une condition pour la ratification de l’accord.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je suis également très attachée à la seule assemblée élue au suffrage universel direct au sein des institutions européennes. Il est important de reconnaître toute la place qui revient au Parlement européen dans les processus de décision : il est un garant de notre démocratie parlementaire, au même titre que l’Assemblée nationale et le Sénat en France. Je suis donc favorable à l’ajout proposé par notre collègue.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Je crains que ce ne soit faire preuve d’une méconnaissance du droit européen. L’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit que le Parlement européen doit approuver tout accord commercial négocié par la Commission européenne avant son entrée en vigueur. L’amendement est donc satisfait ; dès lors, nous y sommes défavorables.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je ne sais pas si cela correspond à la rédaction de l’amendement, mais empêcher la séparation des dimensions politique et commerciale de l’accord garantirait la consultation du Parlement européen et permettrait d’éviter de donner tous les pouvoirs à la Commission sur la partie commerciale.

M. Dominique Potier (SOC). Un petit doute est possible sur le plan juridique, mais il est certain sur le plan politique que la précaution demandée par nos collègues du groupe LFI‑NFP est bienvenue. S’il faut corriger le texte en séance pour respecter le droit européen, nous le ferons.

M. Pascal Lecamp (Dem). Au-delà de la question du rôle du Parlement européen, les conclusions du conseil des ministres de l’Union européenne réuni le 22 mai 2018 précisent que nous avons affaire à un accord mixte, requérant un vote à l’unanimité et une ratification dans chaque pays.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE5 de Mme Mathilde Hignet et sous-amendement CE15 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous défendons l’activation, autant que de besoin, de toutes les clauses de sauvegarde existantes, notamment dans les accords conclus au sein de l’OMC, qui permettent en particulier de se protéger d’exportations de pays tiers si elles menacent de causer un dommage à une branche de la production nationale. L’Union européenne n’a que très rarement recours aux clauses de sauvegarde spéciales pour l’agriculture, grâce auxquelles nous pourrions pourtant agir rapidement pour protéger les agriculteurs.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Cet amendement me paraît compléter utilement la proposition phare du texte, qui est l’inversion de la charge de la preuve en matière de respect des mesures miroirs. Je vous propose simplement de placer l’alinéa ailleurs au sein du texte et d’améliorer ainsi sa rédaction, pour lui donner plus d’importance. Avis favorable, donc, sous cette réserve.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

 

Elle adopte l’article unique modifié.

La proposition de résolution européenne est ainsi adoptée.

 


   liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

 

M. Dominique Potier, rapporteur de la PPRE au sein de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale.

Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales (AGPB Céréaliers de France) *

Mme Lauriane Chamot, responsable des Affaires publiques

Association Interprofessionnelle de la Betterave et du Sucre (AIBS) *

M. Alain Carre, président

M. Thierry Gokelaere, directeur

M. Fabien Hamot, administrateur de la Confédération générale des betteraviers (CGB)

M. Christian Spiegeleer, président du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS)

Mme Kristell Guizouarn, directrice affaires publiques, RSE et Communication Groupe

Association générale des producteurs de maïs (AGPM) *

Interbev *

M. Patrick Benezit, vice-président d’INTERBEV et président de la FNB

M. Marc Pages, directeur général d’INTERBEV

M. Pierre Leveque, responsable des affaires publiques de la CNE

M. Louison Camus, responsable des affaires publiques d’INTERBEV

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


   Contributions écrites

 

Institut de l’Élevage (IDELE)

Association Nationale interprofessionnelle de la Volaille de chair (ANVOL)*

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Fondation pour la Nature et l’Homme, Institut Veblen et Interbev, « Pourquoi est-il urgent de mettre en place des mesures miroirs ? » Un levier clé pour la transition agroécologie en Europe, Rapport, février 2024.

([2]) Rapport de l’Organe d’appel, 12 octobre 1998, WT/DS58/AB/R, États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, points 163 et 164.

([3]) Dehut, C. et Pouch, T. (2021) . Politique commerciale de l’UE et clauses miroirs, ambition ou mirage ? Paysans & société, N° 389(5), 5-13.

([4]) Renaud Witmeur, L’article XX A) du GATT : l’exception de moralité publique dans le commerce international, Revue Internationale de Droit Économique, 2012.

([5]) Publication en février 2024 de l’acte d’exécution sur les certificats sanitaires, lançant le délai qui devrait permettre l’application effective de la mesure miroir à partir de septembre 2026.

([6]) Cette mesure doit entrer en vigueur en mars 2026.

([7]) L’application de ce règlement, qui était prévue pour le 30 décembre 2024, a été reportée de douze mois par la Commission, report ayant été validé par le Conseil, le 16 octobre dernier.

([8]) Lors de son audition par votre rapporteure, l’interprofession de la betterave et du sucre révélait ainsi que le cristal de sucre était « une molécule pure sur laquelle il est impossible de détecter des produits qui seraient interdits ».

([9]) Sénat, Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires économiques sur la compétitivité de la ferme France, 28 septembre 2022, p. 182.

([10]) De la même façon, dans le questionnaire écrit que lui a adressé votre rapporteure, l’Association Interprofessionnelle de la Betterave et du Sucre (AIBS) relève ainsi que « l’exemple le plus flagrant pour la betterave porte sur l’acétamipride, homologuée dans l’Union Européenne jusqu’en 2033, mais interdite en France bien qu’autorisée dans la plupart des pays concurrents de la France ».

([11]) Questionnaire écrit transmis à l’ANVOL.

([12]) Questionnaire écrit transmis à l’interprofessionnelle de la filière bétail et viande, Interbev.

([13]) Contribution écrite d’Interbev.

([14]) Pierre-Adrien Romon, Bénédicte Béneult, Conseil spécialisé grandes cultures – FranceAgriMer Argentine – Brésil : présentation de deux géants agricoles, 13 novembre 2024 – étude Ambassade de France au Brésil.

([15]) Estimations nécessairement approximatives en raison des délais de rédaction de ce rapport et  fournies dans le cadre de la réponse à un questionnaire écrit.

([16]) Régine Bordet-Gaudin, Caroline Logeais, Amandine Ulrich, Le niveau de vie des ménages agricoles est plus faible dans les territoires d’élevage, N°1876, 11 octobre 2021.

([17]) Questionnaire écrit.

([18]) Dehut, Clémence. Pouch, Thierry. 2021. « Une analyse des bénéfices et des risques des clauses miroirs sur les produits agricoles ». Analyses et Perspectives Économie Agricole. N° 2109, Juillet.

([19]) Alexandre Gohin, Alan Matthews. Adding mirror clauses within the European Green Deal : Hype or hope? Applied Economic Perspectives and Policy, 2024.

([20]) Matthews, Alan. 2022, Implications of the European Green Deal for agri-food trade with developing countries, Brussels, European Landowners’ Organization.

([21]) Audition de Dominique Potier.

([22]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([23]) Règlement d’exécution (UE) 2018/775 de la Commission du 28 mai 2018 portant modalités d’application de l’article 26, paragraphe 3, du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, pour ce qui est des règles d’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance de l’ingrédient primaire d’une denrée alimentaire.