N° 629

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations
de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété (n° 546)

PAR MM. Inaki ECHANIZ et Bastien MARCHIVE

Députés

——

 

 

 

 

 Voir le numéro : 546.

 

 


SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article 1er (articles 6 et 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs) Clarification des obligations de mise en conformité énergétique des logements mis en location

A. Le droit existant relatif À l’indÉcence ÉnergÉtique nÉcessite une clarification

1. Un régime complexe, source d’insécurité juridique pour le bailleur et le locataire

2. Des exceptions à préciser pour garantir l’efficacité du dispositif

3. Des situations spécifiques à prendre en compte

B. La proposition de loi clarifie les obligations de rÉnovation ÉnergÉtique incombant au bailleur

1. Des obligations désormais définies de manière précise et positive

2. Une application dans le temps précisée dans le cas d’un bail en cours ou d’un locataire en place

3. La prise en compte des projets de rénovation au niveau de la copropriété

4. Une faculté spécifique de baisser le loyer sur le fondement de l’indécence énergétique octroyée au juge

C. Position de la commission

Article 2 (supprimé) (articles 6, 7, 20-1 et 41-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs) Inscription des obligations de mise en conformité énergétique des logements loués dans le plan pluriannuel de travaux des copropriétés

A. le projet de plan pluriannuel de travaux en copropriÉtÉ, un outil insuffisamment utilisÉ

B. des difficultÉs persistantes concernant l’articulation entre le droit de la location et le droit de la copropriÉtÉ

C. Position de la commission

Article 3 (nouveau) Demande de rapport sur l’intégration du confort d’été au diagnostic de performance énergétique

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnées

 

   Avant-propos

S’inscrivant dans l’objectif national de lutte contre le changement climatique et de neutralité carbone à l’horizon 2050, la loi « Climat résilience », adoptée en 2021, a prévu un calendrier progressif et ambitieux destiné à assurer la rénovation énergétique du parc de logements mis en location.

Le respect du calendrier ainsi défini est impératif à l’atteinte de nos objectifs environnementaux, à l’heure où le bâtiment est à l’origine de 18 % des émissions de gaz à effet de serre de notre pays.

En plus d’être parfois mal comprise, cette législation ne permet pas d’appréhender un certain nombre de situations dans lesquelles l’atteinte des objectifs fixés s’avère impossible, bien que tous les efforts nécessaires à leur atteinte aient été entrepris.

À l’approche de la date couperet du 1er janvier 2025, à laquelle les logements classés « G » seront considérés comme énergétiquement indécents, ces vides juridiques et l’inquiétude qu’ils suscitent chez les propriétaires bailleurs peuvent se révéler lourds de conséquences. Outre les nombreux contentieux judiciaires qui pourraient en résulter, ils risqueraient de provoquer la sortie du parc locatif d’un nombre massif de biens (250 000 logements étant concernés dans les seules copropriétés), impactant lourdement les locataires comme les propriétaires.

Au regard de ces risques, la présente proposition de loi, qui s’inscrit dans la continuité de celle déposée sous la précédente législature par Guillaume Vuilletet ([1]) et du rapport Louwagie-Vidal ([2]), a pour objectif d’apporter des solutions rapides, équilibrées et efficaces aux situations mentionnées.

Écartant un report généralisé du calendrier relatif à la décence énergétique des logements mis en location, elle vise à définir plus clairement les obligations incombant aux bailleurs et à mieux tenir compte de certaines situations spécifiques, poursuivant ainsi un triple objectif de sécurisation des propriétaires, de protection des locataires de logements énergivores et de respect des objectifs nationaux de rénovation du bâti.

 


   Commentaire des articles

Article adopté par la commission avec modifications

A.   Le droit existant relatif À l’indÉcence ÉnergÉtique nÉcessite une clarification

La notion « d’indécence énergétique » a été introduite par la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, qui fait peser sur le bailleur l’obligation d’effectuer certains travaux dans les logements ne répondant pas à un « critère de performance énergétique minimale ». Initialement, ce critère de performance était entièrement défini par décret, et il se limitait à une exigence d’étanchéité à l’air et de ventilation.

Depuis la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, dite « Énergie climat », le critère de performance énergétique est lié au niveau de consommation théorique du logement. Le niveau de consommation maximal et le calendrier de mise en œuvre restent déterminés par décret. Le seuil maximal a été fixé ([3]), à partir du 1er janvier 2023, à 450 kW/h d’énergie finale par m² et par an.

Enfin, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite « Climat résilience », inscrit directement dans la loi les seuils de décence énergétique et le calendrier d’opposabilité, adossés au diagnostic de performance énergétique (DPE). Les dispositions de la loi Climat résilience entreront en vigueur au 1er janvier 2025, date à laquelle le seuil correspondant à la classe « G » du DPE se substituera au seuil de 450 kW/h d’énergie finale défini par décret.

Seuils progressifs d’indécence énergétique (métropole) fixés
par la loi « énergie climat » et par la loi « climat résilience »

Calendrier

Seuil d’indécence énergétique

Équivalent en énergie primaire

1er janvier 2023

450 kW/h par m² et par an (énergie finale) (« G+ »)

entre 450 (gaz) et 1 035 kWh (électricité) par m² et par an

1er janvier 2025

G

421 kWh par m² et par an

1er janvier 2028

F

331 kWh par m² et par an

1er janvier 2034

E

251 kWh par m² et par an

1.   Un régime complexe, source d’insécurité juridique pour le bailleur et le locataire

La loi n° 89-492 du 6 juillet 1989 n’ayant pas appréhendé l’articulation des différents droits et obligations du propriétaire bailleur, les conséquences de l’indécence énergétique d’un logement peuvent actuellement donner lieu à de mauvaises interprétations.

Le cadre juridique relatif à l’indécence s’articule autour de deux articles :

– l’article 6 de la loi de 1989 définit une obligation générale, pour le bailleur, de remettre au locataire un « logement décent » ;

– l’article 20-1 de la même loi définit les droits du locataire et les pouvoirs du juge, dans le cas où l’obligation ne serait pas respectée.

Si le logement loué est indécent, quelle qu’en soit la cause, « le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours » (article 20-1). Juridiquement, le bailleur n’a donc aucune obligation invocable tant que le locataire ne lui a pas demandé d’effectuer les travaux de mise en conformité, ce qui constitue un préalable à la saisine du juge.

Si le propriétaire refuse d’effectuer les travaux, le locataire peut saisir le juge qui déterminera « la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution ». Le juge pourra également, à titre accessoire, réduire le montant du loyer (ou le suspendre complètement) « jusqu’à l’exécution de ces travaux ».

La loi « Énergie Climat » du 8 novembre 2019 est venue complexifier ce dispositif, en introduisant à l’article 20-1 des limitations aux pouvoirs du juge spécifiques à l’indécence énergétique. Depuis le 1er janvier 2023, date du premier seuil de décence énergétique (« G+ »), un nouvel alinéa à l’article 20-1 de la loi de 1989 précise en effet que : « le juge ne peut ordonner de mesure visant à permettre le respect du seuil maximal de consommation d’énergie […] lorsque le logement fait partie d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et que le copropriétaire concerné démontre que […] il n’a pu parvenir à un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil maximal. »

L’état du droit est donc paradoxal : l’article 6 fixe une obligation pour le bailleur, mais l’article 20-1 dispose que, dans certains cas, le juge ne pourra en tirer aucune conséquence.

Dans ce contexte, une confusion existe chez les propriétaires, notamment dans les cas où le logement ne respecte pas le seuil de décence énergétique mais où le juge, s’il était saisi, ne pourrait pas pour autant mettre fin au bail ni ordonner sa mise en conformité.

2.   Des exceptions à préciser pour garantir l’efficacité du dispositif

Dans sa rédaction résultant de la loi « Climat résilience » du 22 août 2021, le juge ne peut pas prononcer les travaux de mise en conformité énergétique quand :

– « Le logement fait partie d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et le copropriétaire concerné démontre que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes […] et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à ce niveau de performance minimal » ;

– En cas de « contraintes architecturales ou patrimoniales ».

Dans les deux cas, une telle rédaction ne permet pas de garantir que l’ensemble des possibilités de rénovation énergétique ont été entreprises. Elle permet en effet que le bailleur soit aisément dispensé de ses obligations de décence énergétique, soit parce que les contraintes invoquées ne seraient pas réellement justifiées, soit parce que la réalisation de travaux de faible envergure – des « monogestes » – suffiraient à l’exonérer de tout effort complémentaire. Elle nécessite donc d’être précisée.

3.   Des situations spécifiques à prendre en compte

Alors que la loi prévoit certaines exemptions, elle ne prévoit pas, en l’état, des cas où le propriétaire pourrait légitimement se retrouver, malgré sa bonne volonté, dans l’impossibilité d’effectuer les travaux nécessaires à son obligation de mise en conformité :

– le cas où le logement a une surface tout juste supérieure au seuil de décence (9 m²), et où l’isolation par l’intérieur n’est pas possible sans passer en deçà de ce seuil ;

– d’autres motifs techniques, qui n’ont pas forcément de caractère « architectural » et dont il n’est pas possible d’établir a priori une liste exhaustive ;

– l’opposition du locataire à la réalisation de travaux qui auront souvent pour effet de rendre le logement temporairement inhabitable.

B.   La proposition de loi clarifie les obligations de rÉnovation ÉnergÉtique incombant au bailleur

1.   Des obligations désormais définies de manière précise et positive

Sur la forme, l’un des apports juridiques de la proposition de loi consiste à définir à l’article 6 de la loi de 1989, qui pose le principe d’une obligation de délivrance d’un logement décent, le contenu précis de l’obligation de mise en conformité énergétique qui en découle.

Cette obligation est ainsi définie de manière positive, dans son étendue et ses exceptions, avant le stade contentieux et l’exercice par le juge de ses pouvoirs de remédiation décrits à l’article 20-1 de la loi de 1989.

L’alinéa 3 de l’article 1er de la proposition de loi expose une liste de cas dans lesquels l’obligation de mise en conformité « est réputée satisfaite », y compris, exceptionnellement, si le logement n’a pas atteint le seuil de décence énergétique.

Cette simple présomption (l’obligation n’est que réputée satisfaite) ne privera pas le juge de sa faculté d’appréciation, au regard notamment de la bonne foi du bailleur.

Sur le fond, les « exceptions » sont désormais strictement encadrées (alinéa 5 de l’article 1er de la proposition de loi). Ainsi, pour que l’obligation soit réputée satisfaite quand le seuil de décence énergétique n’est pas atteint, il faudra que :

– le propriétaire ait réalisé tous les travaux d’amélioration énergétique possibles, et non plus simplement « des travaux » ;

– les autres travaux se soient « révélés » impossibles, ce qui suppose que des démarches concrètes qui n’ont pas pu aboutir aient été entreprises.

Les motifs justifiant l’impossibilité d’effectuer certains travaux sont au nombre de deux :

– des « raisons techniques » : cette formule se substitue à la formule, à la fois floue et trop restrictive, de « contraintes architecturales » ;

– le « refus par une décision administrative » : cela couvre les refus d’urbanisme, notamment du fait d’un avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France (ABF).

En d’autres termes, le propriétaire devra d’abord avoir réalisé tous les travaux techniquement et juridiquement possibles, avant de se prévaloir d’une impossibilité d’effectuer d’autres travaux qui seraient nécessaires à l’atteinte du seuil de décence énergétique. Il ne pourra, en outre, se prévaloir d’une contrainte patrimoniale s’il n’a pas effectué une demande d’autorisation auprès de la mairie.

Vos rapporteurs proposeront de compléter la contrainte juridique, actuellement circonscrite aux refus administratifs, par la mention d’un refus de travaux par l’assemblée générale, qui représente en copropriété une contrainte comparable.

Bien conscients, par ailleurs, du fait que la formule « raisons techniques » est nécessairement imprécise – le législateur ne peut pas tout prévoir, ni disposer pour chaque cas particulier –, vos rapporteurs proposeront que la contrainte technique ne soit invocable que si elle a été attestée par un homme de l’art.

Vos rapporteurs proposeront, enfin, d’insister sur la charge de la preuve : le bailleur devra être en capacité de démontrer, à tout moment, l’impossibilité d’effectuer d’autres travaux que ceux qu’il a déjà réalisés, par exemple en communiquant au locataire à sa demande le document justifiant de l’impossibilité technique ou du refus de la mairie ou du syndicat des copropriétaires.

2.   Une application dans le temps précisée dans le cas d’un bail en cours ou d’un locataire en place

Le droit existant ne précise pas que l’obligation de mise en conformité énergétique ne s’applique qu’aux contrats nouvellement conclus, renouvelés ou tacitement reconduits après l’entrée en vigueur de l’obligation.

L’alinéa 4 de la proposition de loi précise que le seuil de décence exigible sera le seuil défini à la date à laquelle le contrat de bail a été conclu, renouvelé ou tacitement reconduit ; cela, pour éviter l’application d’un nouveau seuil à un bail en cours et clarifier ainsi la légalité du bail.

Afin de sécuriser le bailleur, la proposition de loi (alinéa 7 de l’article 1er) précise également que le locataire ne pourra pas saisir le juge s’il s’est lui-même opposé à la réalisation des travaux de mise en conformité énergétique. Si le droit existant prévoit déjà une interdiction pour le locataire de s’opposer à la réalisation des travaux de mise en conformité (article 7 e) de la loi de 1989), il semble nécessaire de prévoir le cas où le locataire y ferait obstacle et d’en clarifier les conséquences.

Au cours des auditions, a néanmoins été soulevé le risque d’une entente tacite entre le bailleur et le locataire pour repousser la réalisation des travaux, ou une position délicate dans laquelle se retrouveraient certains locataires contraints d’accepter des travaux lourds. La rédaction actuelle de la disposition pourrait permettre au bailleur de présenter au locataire un projet de travaux fictif ou inacceptable, et de se prévaloir ensuite du refus de son locataire pour être dispensé de toute obligation de mise en conformité.

Pour éviter les abus, vos rapporteurs proposeront que le refus du locataire ne constitue un motif admissible de suspension de l’obligation de mise en conformité énergétique, que si le refus du locataire constitue effectivement une violation de sa propre obligation d’accepter les travaux dans le cadre de la procédure prévue au e) de l’article 7 de la loi de 1989.

Ainsi, en référence à l’article 7 de la loi de 1989, le bailleur ne pourra se prévaloir d’un refus de son locataire que s’il l’a informé, par lettre recommandée, de la « nature » et des « modalités d’exécution » des travaux, ce qui suppose au moins qu’il lui ait fourni un devis concret. En outre, le locataire pourra refuser les travaux – sans relever le bailleur de ses obligations – s’ils « présentent un caractère abusif ou vexatoire ».

Cette proposition d’amendement obligera donc le bailleur à présenter à son locataire un projet de travaux sérieux et à discuter avec celui-ci des modalités de leur exécution. Il permettra aussi au bailleur de se retourner contre le locataire si celui-ci refuse les travaux sans motif légitime, empêchant le bailleur aussi bien de sortir du statut d’indécence énergétique que du régime de gel de loyers des passoires thermiques.

3.   La prise en compte des projets de rénovation au niveau de la copropriété

La proposition de loi précise aussi que l’obligation de mise en conformité énergétique est réputée satisfaite quand la copropriété s’est engagée dans un projet de rénovation des parties communes de nature à permettre le respect du niveau de performance exigible.

Cette disposition (alinéa 6 de la proposition de loi) a pour but d’éviter que les propriétaires s’empressent d’effectuer des travaux dans les parties privatives, alors que ces travaux seraient plus efficaces s’ils étaient réalisés à l’échelle de la copropriété. Elle prévient ainsi deux effets non souhaitables :

– la réalisation de travaux tout juste suffisants pour atteindre le seuil de décence énergétique, mais peu performants à long terme ;

– la rénovation en ordre dispersé des lots d’une copropriété, qui freinera ensuite la rénovation de la copropriété dans son ensemble.

Cette mesure constitue donc une incitation pour les copropriétaires à se mobiliser collectivement en faveur de la réalisation des travaux au niveau de la copropriété, dans l’intérêt des objectifs environnementaux (travaux plus performants), du locataire (meilleur niveau de confort du logement, baisse accrue des charges énergétiques) et du bailleur (préservation de la surface du logement, valorisation de son patrimoine).

La longueur du processus de rénovation en copropriété, qui peut prendre des années à cause de ses contraintes propres (organisation d’une assemblée générale à chaque étape, mésentente entre les copropriétaires, blocages dus à des procédures, démission ou changement de syndic…) justifie qu’un délai soit octroyé aux copropriétaires concernés, sous le contrôle du juge.

La formule « l’assemblée générale des copropriétaires a voté des travaux » peut toutefois sembler trop floue, et il y a un risque, en l’état, que les copropriétaires se croient dispensés de l’obligation de réaliser des travaux dans les parties privatives au prétexte que la copropriété aurait voté un simple accord de principe en vue de réaliser des travaux, ce qui n’engage à rien.

Vos rapporteurs proposeront donc, sur proposition de plusieurs organismes auditionnés, que l’aménagement relatif au vote de travaux par la copropriété suppose au moins le vote d’une maîtrise d’œuvre elle-même assise sur un audit énergétique préalablement réalisé. Ainsi, pour que les bailleurs soient provisoirement dispensés de l’obligation de réaliser des travaux dans leur appartement, il faudra que la copropriété ait déjà réalisé l’audit énergétique
– processus qui, en soi, prend une ou deux années – et qu’elle se soit financièrement engagée auprès d’un architecte pour réaliser les travaux recommandés par cet audit.

4.   Une faculté spécifique de baisser le loyer sur le fondement de l’indécence énergétique octroyée au juge

Le droit actuel prévoit, à l’article 20-1 de la loi de 1989, la possibilité pour le juge de prononcer, en même temps que les travaux, une réduction ou une suspension du loyer « jusqu’à l’exécution de ces travaux ». Bien qu’elle ne soit qu’une faculté, et que le juge ait déjà un pouvoir de modulation, la possibilité de prononcer une baisse de loyer allant jusqu’à sa suspension complète peut sembler excessive quand les travaux prononcés par le juge ne visent qu’à une mise en conformité énergétique (et que le logement ne souffre d’aucune autre cause d’indécence, telle que la présence de nuisibles, des infiltrations d’eau ou une installation électrique dangereuse).

La proposition de loi prévoit donc que, quand les travaux prononcés par le juge ne visent qu’à une mise en conformité énergétique, le juge puisse prononcer une réduction de loyer spécifique tenant compte à la fois du préjudice subi par le locataire et de la bonne foi du propriétaire. Le « préjudice subi » par le locataire correspond, peu ou prou, au surcoût énergétique imputable au statut de passoire thermique du logement. Ce préjudice ne correspond pas exactement au niveau des charges énergétiques, puisque :

– une partie seulement de la facture énergétique est imputable au chauffage, et une partie seulement du coût de chauffage est imputable à la moindre performance du logement ;

– les factures énergétiques réelles dépendent autant du comportement du locataire que de la performance du logement. Ainsi, il est possible que le locataire ait des habitudes contraires aux bonnes pratiques (température de chauffe excessive, chauffage par fenêtres ouvertes…), dont le bailleur ne saurait être tenu pour responsable ;

– à l’inverse, si le locataire a renoncé à se chauffer pour des raisons financières, le juge pourra prononcer une réduction de loyer supérieure au montant des factures énergétiques.

Pour neutraliser ces effets de comportement, le préjudice énergétique calculé par le juge sera donc équivalent à la différence entre la consommation conventionnelle du logement avant travaux, telle qu’estimée par le DPE, et la consommation théorique du logement si celui-ci avait atteint le seuil de décence énergétique exigible.

Cette nouvelle possibilité de réduction de loyer est indépendante de la possibilité de réduction de loyer de droit commun, pour tout type d’indécence, prévue à l’alinéa 3 de l’article 20-1 de la loi de 1989.

Dans tous les cas, conformément à l’esprit de l’alinéa 3 de l’article 20-1, la réduction de loyer ne pourra pas se prolonger après la réalisation des travaux ordonnés par le juge. Vos rapporteurs proposeront toutefois d’instaurer une exception : quand malgré la réalisation de ces travaux, le logement est toujours classé « G+ », à cause de contraintes techniques ou juridiques empêchant une performance supérieure, le juge pourra prononcer une baisse de loyer qui se poursuivra après la réalisation des travaux (« baisse de loyer permanente »), compte-tenu du niveau d’indécence énergétique jugé particulièrement critique du logement.

C.   Position de la commission

La Commission a adopté l’article 1er, modifié par les amendements suivants :

– amendements rédactionnels CE47 et CE56 des rapporteurs ;

– suppression du renvoi à un décret en Conseil d’État pour fixer le calendrier d’indécence énergétique (amendement CE45 des rapporteurs) ;

– précision du fait que les « raisons techniques » justifiant l’impossibilité de réaliser certains travaux devront être « attestées par un homme de l’art » (amendement CE18 de M. Stéphane Peu, modifié par le sous-amendement CE18 des rapporteurs) ;

– précision selon laquelle les « travaux d’amélioration énergétique » à réaliser par le propriétaire devront être des travaux « de mise en conformité et d’amélioration énergétique » (amendement CE33 de M. Lionel Causse, adopté avec l’avis favorable des rapporteurs) ;

– mention de l’impossibilité de réaliser certains travaux du fait d’une décision de refus du syndicat des copropriétaires (amendements identiques CE49 et CE36, déposés respectivement par les rapporteurs et par M. Thibault Bazin) ;

– précision selon laquelle le propriétaire doit être en mesure de démontrer qu’il a réalisé tous les travaux d’amélioration énergétique possibles (amendement CE55 des rapporteurs) ;

– précision du fait que le « vote des travaux » par la copropriété, justifiant un moratoire sur l’obligation de réaliser les travaux dans les parties privatives, nécessite la signature d’une « maîtrise d’œuvre reposant sur un audit énergétique » (amendements identiques CE54 et CE40, déposés respectivement par les rapporteurs et par M. Thibault Bazin) ;

– précision selon laquelle le vote de travaux par le syndicat des copropriétaires ne constitue une dispense provisoire d’effectuer les travaux dans les parties privatives que si celui-ci a fixé un « délai raisonnable » pour leur réalisation (amendement CE17 de M. Stéphane Peu, adopté avec l’avis favorable des rapporteurs) ;

– précision du fait que le locataire ne sera considéré comme s’étant opposé aux travaux, dispensant dans ce cas le propriétaire de son obligation de les réaliser, que si ce propriétaire a respecté la procédure prévue au e) de l’article 7 de la loi de 1989 (amendement CE50 des rapporteurs) ;

– précision de l’articulation entre la réduction de loyer de droit commun et la réduction de loyer faisant suite à la prescription de travaux de mise en conformité énergétique, et caractère partiellement rétroactif de cette réduction de loyer (amendement CE51 des rapporteurs) ;

– conséquences du statut « G+ » d’un logement en ce qui concerne la réduction de loyer (amendement CE52 des rapporteurs).

Article supprimé par la commission

  1.   le projet de plan pluriannuel de travaux en copropriÉtÉ, un outil insuffisamment utilisÉ

La loi « Climat résilience » du 22 août 2021 prévoit, à l’article 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, l’obligation pour toutes les copropriétés – pour celles de moins de 50 lots, à partir du 1er janvier 2025 – d’élaborer un « projet de plan pluriannuel de travaux » (PPPT).

Si le vote du PPPT par les copropriétaires n’est pas obligatoire, le PPPT soumis au vote de l’assemblée générale comprend obligatoirement :

– la liste des travaux nécessaires « à la réalisation d’économies d’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre » tels que définis, le cas échéant, par le diagnostic technique global (DTG) ;

– une estimation de l’étiquette de performance énergétique que les travaux permettront d’atteindre, dans le DPE collectif.

Néanmoins, le PPPT ne comprend pas explicitement les travaux devant permettre à chaque appartement loué d’atteindre le seuil de décence énergétique défini à l’article 6 de la loi de 1989.

La proposition de loi propose donc d’intégrer à la liste des travaux programmés par la PPPT, les travaux devant permettre l’atteinte de ce seuil.

B.   des difficultÉs persistantes concernant l’articulation entre le droit de la location et le droit de la copropriÉtÉ

Il ressort cependant des auditions conduites par vos rapporteurs qu’une intégration au PPPT, prévu par la loi de 1965, des obligations relatives à la décence énergétique découlant de l’article 6 de la loi de 1989, poserait de nombreuses difficultés juridiques et pratiques.

En effet, la loi de 1965 sur les copropriétés et la loi de 1989 sur les rapports locatifs obéissent à deux logiques distinctes. Alors que le PPPT ne peut s’engager qu’à atteindre un niveau de performance de l’immeuble, estimé dans le DPE collectif, l’atteinte du seuil de décence énergétique défini à l’article 6 de la loi de 1989 se mesure au regard du DPE individuel. Le PPPT, qui porte par nature sur les seules parties communes, ne peut pas répondre d’obligations pesant sur certains copropriétaires bailleurs et relatives à des parties privatives.

L’inscription dans le PPPT d’une obligation relative à l’atteinte, dans chaque lot privatif, d’un seuil de décence énergétique, supposerait :

– que l’architecte de l’immeuble visite chaque appartement loué et établisse, pour chacun, son DPE individuel et un projet de travaux personnalisé ;

– que la copropriété puisse réaliser dans les lots concernés des travaux privatifs, ce qui n’est juridiquement pas possible, à l’exception des « travaux privatifs d’intérêt collectif » dont la liste définie à l’article R. 173-10 du code de la construction est très limitée (il s’agit, pour l’essentiel, du remplacement de fenêtres).

Ainsi, dans les copropriétés en chauffage et en ventilation individuels, la copropriété ne disposera en réalité que de marges de manœuvre réduites pour garantir l’atteinte du seuil de décence dans chaque logement, surtout si l’isolation n’est possible que par l’intérieur en raison de contraintes d’urbanisme.

À cela s’ajoute le décalage entre le calendrier du PPT, qui s’échelonne sur dix ans, et le calendrier de décence énergétique, qui évolue selon une périodicité plus courte. Le PPT devra être mis à jour à chaque évolution du seuil de décence (2025, 2028, 2034), ce qui repoussera d’autant son calendrier de mise en œuvre.

Partageant les remarques formulées par plusieurs acteurs lors des auditions, vos rapporteurs recommanderont donc la suppression de l’article 2 de la proposition de loi, qui s’inscrit dans un contexte d’urgence – clarifier le droit avant l’échéance du 1er janvier 2025 – et ne saurait avoir pour ambition de réformer l’ensemble du droit de la copropriété.

C.   Position de la commission

La commission a supprimé l’article 2, du fait de l’adoption d’amendements identiques CE53 des rapporteurs, CE11 de M. Frédéric Falcon et CE35 de M. Thibault Bazin.

Article introduit par la commission

Ce nouvel article, issu de l’amendement CE32 de M. Lionel Causse adopté avec l’avis favorable des rapporteurs, complète le texte de la proposition de loi pour demander au Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport sur l’opportunité de modifier la méthode de calcul du DPE pour y intégrer la notion de « confort d’été ».

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 27 novembre 2024, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leurs modalités d’application en copropriété (n° 546) (MM. Inaki Echaniz et Bastien Marchive, rapporteurs).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Le texte transpartisan que nous examinons ce matin prévoit de clarifier les obligations du bailleur en ce qui concerne la décence énergétique de son logement et de préciser notamment les conditions dans lesquelles le juge peut prononcer une réduction de loyer pour les logements qui ne respecteraient pas le seuil de décence énergétique.

M. Bastien Marchive, rapporteur. À l’heure où le changement climatique se traduit par des sinistres d’une rare intensité et alors que, cette année encore, le bâtiment représente 18 % de nos émissions de gaz à effet de serre, la rénovation énergétique des logements apparaît plus que jamais comme un impératif environnemental.

Face à ce constat, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », est venue fixer un calendrier ambitieux de rénovation du parc locatif, dont la première étape est imminente : au 1er janvier 2025, dans un mois, les logements loués devront avoir un classement énergétique supérieur à G au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE). En 2028, le classement devra être supérieur à F et en 2034, à E. Si tel n’est pas le cas, les logements seront considérés comme indécents sur le plan énergétique, ainsi que le sont déjà les logements dits « G+ » depuis le 1er janvier 2023.

Ce calendrier est ambitieux, mais nécessaire pour atteindre notre objectif de neutralité carbone d’ici 2050 et force est de constater que la rénovation porte ses fruits. En effet, les moyens financiers significatifs déployés dans le cadre de ma MaPrimeRénov’ ont contribué à rénover trois millions de logements depuis 2020. Entre 2022 et 2023, les émissions de gaz à effet de serre ont ainsi diminué de 8,8 % dans le secteur du bâtiment.

La rénovation constitue une vraie avancée pour les locataires et les propriétaires, puisque les premiers voient leur cadre de vie considérablement amélioré quand les seconds bénéficient d’une meilleure valorisation patrimoniale de leurs biens. Les travaux réalisés stimulent en outre l’activité d’une filière en pleine structuration, qu’il serait malvenu de fragiliser.

Si le cap doit donc être tenu, force est de constater que des adaptations s’avèrent nécessaires, comme le pointaient déjà le rapport Vidal-Louwagie et la proposition de loi Vuilletet en mai et juin derniers.

La présente proposition de loi a donc pour objet de veiller à ce que la rénovation énergétique se fasse dans les meilleures conditions : face à la crise du logement que nous connaissons, l’interdiction de location a pu être surinterprétée et faire craindre une « sortie » de nombreux biens du marché.

À la lumière des auditions que nous avons menées, il apparaît, d’une part, que le cadre juridique de la rénovation énergétique est souvent mal compris – qu’il s’agisse des obligations qui incombent aux propriétaires, des sanctions applicables ou des recours dont disposent les locataires – et, d’autre part, que ce cadre ne tient pas compte des cas dans lesquels les travaux sont en cours au niveau de la copropriété ou impossibles en tout ou partie.

Je tiens à saluer mon collègue Inaki Echaniz pour le travail transpartisan que nous avons conduit et au terme duquel nous vous proposons de préciser les modalités d’application des obligations de décence énergétique.

Afin d’éviter des surinterprétations laissant penser que tous les logements classés G seront interdits à la location et devront être retirés du parc locatif au 1er janvier 2025, le texte précise que les obligations ne s’appliquent pas aux baux en cours, mais uniquement aux nouveaux contrats ainsi qu’à ceux renouvelés (ou tacitement reconduits) au moment de leur renouvellement (ou de la tacite reconduction).

Ensuite, lorsqu’il s’avère impossible d’atteindre les niveaux de performance énergétique requis, indépendamment de la volonté et malgré la diligence du propriétaire, il est indiqué que l’obligation de décence est réputée satisfaite. C’est le cas lorsque les travaux envisagés ne peuvent pas être réalisés pour des raisons purement techniques ou à cause d’une décision administrative. C’est également le cas – nous le préciserons par amendement – lorsque l’assemblée générale de la copropriété refuse de réaliser certains travaux impossibles sans son accord.

Enfin et le corapporteur vous éclairera sur ce point, une disposition spécifique est prévue lorsque les travaux de mise en conformité sont en cours au sein d’une copropriété.

S’il est des cas dans lesquels les obligations ne peuvent pas être remplies dans l’immédiat, il en est d’autres dans lesquels elles pourraient l’être : le locataire a alors la possibilité d’exercer un recours pour que le montant de son loyer soit diminué. Nous vous proposerons d’en préciser les modalités, sachant qu’il ne pourra évidemment pas réclamer une réduction de loyer s’il fait obstacle à la réalisation des travaux. Je laisserai le soin au corapporteur de vous présenter ces modalités ainsi que les autres mesures du texte, qui concernent notamment la situation particulière des logements classés G+ et l’articulation entre les DPE individuels et le DPE collectif au sein des copropriétés.

Vous l’aurez compris : il s’agit d’un texte d’urgence, que nous avons souhaité équilibré afin de respecter nos objectifs de rénovation du bâti, de sécuriser les propriétaires bailleurs et de mieux protéger les locataires. Il nous appartient ce matin de lui permettre d’aboutir dans les meilleures conditions.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Ce travail pragmatique commun est né de la volonté de répondre à trois préoccupations : d’abord, garantir l’application des obligations en matière de décence énergétique, à l’heure où les risques du changement climatique nous imposent de mener une politique plus ambitieuse en matière de sobriété ; à l’heure aussi où les tensions diplomatiques nous commandent de renforcer notre souveraineté énergétique ; et à l’heure surtout où le mal-logement a un impact économique, sanitaire et social fort.

Ce sont 20 % des ménages qui ont froid chez eux et 84 % des foyers considèrent que les factures d’énergie représentent une part importante de leurs dépenses. Selon Santé publique France, les adultes exposés à la précarité énergétique sont plus fréquemment sujets aux bronchites, à la dépression et aux maux de tête.

Pour toutes ces raisons, il nous paraît crucial d’encourager l’amélioration des conditions de vie dans les logements et d’éviter tout recul ou suppression du calendrier du DPE. Le texte vise avant tout à maintenir le cap fixé par la loi Climat et résilience.

Deuxième préoccupation : il fallait établir des règles claires pour les propriétaires diligents et éviter ainsi une baisse du nombre de logements loués.

Mon collègue Bastien Marchive a évoqué le cas où la copropriété s’oppose à la réalisation de travaux sur les parties communes et où le copropriétaire devra donc les réaliser sur les parties privatives. Mais notre objectif est bien sûr que les copropriétés votent les travaux et que les rénovations concernent la totalité de l’immeuble – on le sait, c’est plus efficace. Si l’isolation est réalisée pour l’ensemble de la copropriété, les ponts thermiques sont évités et chaque logement reste parfaitement habitable durant les travaux.

Outre le cas où la copropriété refuse de voter les travaux, nous proposons donc d’envisager celui où la copropriété a voté les travaux et est déterminée à les réaliser : il est alors justifié que le propriétaire bénéficie d’un délai – par exemple, on ne va pas lui demander d’isoler par l’intérieur si la copropriété s’est engagée dans un projet qui vise à isoler par l’extérieur. Il faudra bien sûr s’assurer du sérieux du projet et de l’engagement collectif de la copropriété. Cette mesure devrait inciter les copropriétaires à se mobiliser en assemblée générale : ce sera désormais dans leur intérêt, ainsi que dans l’intérêt du locataire et de l’environnement.

Troisième préoccupation : nous avons voulu garantir une meilleure protection des locataires des logements énergivores. Si le logement est indécent sur le plan énergétique et si le propriétaire n’a pas fait les travaux requis, le locataire peut saisir le juge pour demander la réalisation de ces travaux. Parallèlement, il peut voir son loyer réduit pour motif d’indécence énergétique. Nous proposons que la réduction soit proportionnée : elle sera ainsi limitée au préjudice subi par le locataire du fait de la moindre performance de son logement et sera effective jusqu’à la réalisation des travaux. La réduction de loyer tiendra compte aussi de la diligence du bailleur : elle pourrait être moins importante s’il est avéré que le bailleur est de bonne foi et qu’il a entrepris toutes les démarches possibles.

Dans le cas des logements classés G+, la baisse des loyers sera toujours proportionnée au préjudice, mais elle se prolongera après la réalisation des travaux et aussi longtemps que le logement ne sort pas du statut G+, quelles que soient les raisons invoquées par le bailleur. Cette baisse de loyer permanente vous sera proposée par voie d’amendement.

Enfin, l’article 2 de la proposition de loi aborde la question des travaux en copropriété par le biais d’un plan pluriannuel de travaux (PPT). Il apparaît que la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 sur les copropriétés, qui en fixe le cadre, suit une logique différente de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs : tandis que le PPT fixe un niveau de performance de l’immeuble mesuré par le DPE collectif, l’article 6 de la loi de 1989 fixe un seuil de décence énergétique mesuré par le DPE individuel. S’y ajoute le décalage entre le calendrier du PPT et le calendrier de décence énergétique. Partageant les remarques formulées par plusieurs personnes auditionnées, nous vous proposerons donc la suppression de l’article 2 de la proposition de loi.

Cette proposition de loi est donc un texte d’urgence, qui vise à clarifier le droit avant l’échéance du 1er janvier 2025. Nous proposerons d’en limiter l’objet à la loi de 1989 et de nous en tenir à l’article 1er, qui comporte déjà des mesures réalistes et ambitieuses.

Ce texte s’inscrit dans l’esprit des propositions de mon groupe en matière de logement. Pour mieux accompagner la réalisation des travaux de rénovation énergétique, nous examinerons ainsi la semaine prochaine une excellente proposition de loi de notre collègue Stéphane Delautrette visant à renforcer MaPrimeRénov’ et à instaurer un dispositif de « zéro reste à charge » pour les travaux de rénovation sous condition de ressources, qui prendrait la forme d’une avance remboursable.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Frédéric Falcon (RN). Je l’ai rappelé à maintes reprises dans cette assemblée ; la France représente seulement 0,9 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, et le secteur résidentiel à peine 0,1 %. Notre pays est sans aucun doute l’un des plus vertueux au regard de sa consommation énergétique. Mais voilà que nombre de nos collègues, par dogmatisme, idéologie ou candeur, s’obstinent à vouloir faire peser toujours plus de normes sur les Français, déjà exsangues à cause de l’écologie punitive infligée par les « ayatollahs verts ».

Alors qu’un trop grand nombre de nos compatriotes peine à se loger, cette proposition de loi a pour seule ambition de préciser les conditions d’application des dispositions de la loi Climat et résilience destinées à interdire progressivement la mise en location d’un logement sur le fondement d’une prétendue « indécence énergétique », évaluée au moyen d’un outil aussi complexe que peu fiable, voire frauduleux, à savoir le DPE – dispositions dont nombre de professionnels du secteur de l’immobilier réclament aujourd’hui l’abrogation.

Je ne m’étonne plus de découvrir dans les textes du parti unique, à l’instar de cette proposition de loi déposée par les macronistes et leurs supplétifs de gauche, des mesures visant exclusivement à combattre à outrance le mode de vie des Français, plutôt que de les soulager vraiment en proposant, par exemple, un décalage du calendrier d’interdiction de la mise en location.

Il serait irresponsable de faire sortir du parc locatif des centaines de milliers de logements. Dans 40 % des cas, les logements ayant fait l’objet d’une rénovation demeurent des passoires thermiques au sens du DPE. Il serait préférable d’élargir aux logements classés G+ la possibilité d’être réputés avoir satisfait l’obligation de décence énergétique, lorsque les travaux se sont révélés impossibles à réaliser pour des raisons techniques ou ont été refusés par décision administrative.

En outre, on ne saurait empêcher la reconduction expresse ou tacite d’un bail d’habitation pour un logement dont l’obligation de décence énergétique ne serait plus satisfaite, si le bailleur et le locataire souhaitent poursuivre paisiblement leurs relations contractuelles.

Alors que notre pays ne dispose pas, pour l’heure, des ressources suffisantes – et ô combien nécessaires ! – à une rénovation énergétique de l’ensemble du parc locatif – une utopie conduite à marche forcée par des responsables cruellement dénués de pragmatisme –, les contraintes énergétiques que vous défendez, loin de résoudre la crise du logement, auront au contraire pour conséquence de l’aggraver en privant de logement des millions de Français.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’examen du texte commence bien, avec ce beau discours climato-sceptique : la France vivrait à l’abri d’un dôme, qui lui permettrait de faire ce qu’elle veut.

Le réchauffement climatique nous concerne aussi. Notre responsabilité de législateurs est de chercher des solutions pour le limiter, voire l’endiguer. C’est exactement ce que nous faisons ce matin.

Par ailleurs, au nom de la protection des locataires, vous remettez en cause le DPE, qui est pourtant devenu une référence pour eux. À bien et loyer équivalents, le locataire n’hésitera pas longtemps entre un logement classé D et un autre classé G : le DPE garantit aux occupants du logement de meilleures conditions de vie.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Les Français ne veulent pas vivre dans des passoires thermiques et les locataires ne veulent pas, hiver après hiver, contribuer à leurs frais au réchauffement climatique. Autrement dit, les locataires paient une grosse facture pour chauffer un logement mal isolé, mais ils en paient aussi une autre et que j’appelle la « facture CO2 ».

Certains reprochent à la France de ne pas tenir ses engagements à l’égard du climat et à la précédente majorité de ne pas avoir assez fait pour mener à bien la transition écologique. Pourtant, c’est bien elle qui, en 2019, a fait le pari d’interdire la location des passoires thermiques : c’était du « jamais vu » à l’échelle des pays occidentaux.

Cinq ans après l’introduction en droit de la notion de « passoire thermique » et l’instauration d’un calendrier d’interdiction de location en fonction de la classe du bien, nous voilà à quelques semaines de l’entrée en vigueur effective de l’interdiction de louer des logements classés G.

À l’approche de cette première date butoir, des questions d’ordre technique se posent et des ajustements s’imposent : en copropriété, sur l’articulation entre les travaux sur les parties privatives et ceux sur les parties communes ; sur la responsabilité du propriétaire qui se heurte à une opposition de son locataire ou à un refus de la copropriété de réaliser des travaux ; ou encore sur l’application de ces obligations en cours de bail.

La proposition de loi a pour but d’assurer une meilleure sécurité juridique aux propriétaires et aux bailleurs en précisant plusieurs points : ainsi, l’interdiction de louer une passoire thermique ne s’applique qu’au moment du renouvellement du bail (et non en cours de bail) ; le vote de travaux de rénovation énergétique par l’assemblée générale suspend l’interdiction de louer jusqu’à la réalisation de ces travaux ; l’interdiction de louer ne s’applique pas lorsque des contraintes techniques empêchent de réaliser les travaux nécessaires pour sortir du statut de passoire thermique.

Toutes ces mesures vont dans le bon sens. Notre groupe est donc favorable à ce texte attendu, mesuré et utile, qui permet d’adapter les objectifs de la loi Climat et résilience aux exigences du quotidien. Je tiens à saluer l’engagement des deux corapporteurs et l’accord transpartisan qui a été trouvé sur un sujet aussi important. C’est une autre bonne nouvelle.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je vous remercie d’avoir souligné le volontarisme de la majorité au cours des sept dernières années pour aboutir à l’adoption de la loi Climat et résilience, dont nous souhaitons adapter les modalités d’application avant la date butoir du 1er janvier 2025 afin de mieux protéger les bailleurs et mieux sécuriser les locataires.

M. François Piquemal (LFI-NFP). Quel est le contexte ? Douze millions de personnes souffrent de la précarité énergétique ; le nombre de Français ayant eu froid cette année a explosé ; les trois quarts des consommateurs déclarent avoir restreint leur chauffage pour limiter leurs factures. Et pour cause : le nombre de logements considérés comme des passoires énergétiques est estimé à 6,6 millions. En 2023, le nombre d’interventions pour impayés d’énergie a poursuivi sa hausse pour atteindre son niveau le plus élevé depuis 2015.

Dans ce contexte, la proposition de loi vise à compléter les normes de performance énergétique applicables aux logements mis en location, normes prévues par la loi Climat et résilience pour lutter contre le dérèglement climatique.

Selon la loi précitée, les logements classés G au titre du DPE seront considérés comme indécents à partir du 1er janvier 2025, ceux classés F à partir du 1er janvier 2028 et ceux classés E à partir du 1er janvier 2034. L’indécence ne se traduit pas par une interdiction de mise en location des logements concernés, mais donne au locataire la possibilité de saisir le juge pour faire exécuter des travaux de rénovation et bénéficier d’une réduction, voire d’une suspension, de loyer jusqu’à l’exécution des travaux.

Certaines dispositions de votre proposition de loi sont bienvenues, tant nous pâtissons ces dernières années d’un manque de volonté politique en matière de logement, à savoir le fait de sécuriser les propriétaires bailleurs qui dépendent de travaux dans les parties communes, nécessitant un vote en assemblée générale des copropriétaires. Le texte prévoit également que les obligations de performance énergétique prévues par la loi Climat et résilience sont provisoirement suspendues le temps des travaux dans la copropriété.

En revanche, d’autres dispositions semblent défavorables aux locataires et à une action volontariste en matière de rénovation thermique. En effet, il est proposé que les propriétaires de passoires thermiques classées G et F puissent être exonérés de l’obligation de décence si les travaux pour atteindre le niveau de performance énergétique requis se sont révélés « impossibles » pour des raisons techniques ou ont été refusés par décision administrative. Cette rédaction floue ne donne pas des garanties suffisantes pour justifier notre soutien au texte à ce stade.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je vous remercie d’avoir rappelé le contexte très préoccupant du mal-logement dans notre pays, ainsi que le manque d’ambition du Gouvernement en la matière – je ne suis pas gêné pour le dire au côté du corapporteur Bastien Marchive.

Les initiatives parlementaires essayent précisément de pallier les carences actuelles. La loi Climat et résilience produit ses premiers effets. Le collectif Rénovons, les représentants des copropriétés et ceux de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), que nous avons auditionnés et pour ne citer qu’eux, attestent d’une dynamique en faveur de la rénovation énergétique des logements. La technique éprouvée du bâton et de la carotte a montré son efficacité une fois encore : c’est la raison pour laquelle nous sommes fermes sur le maintien du calendrier prévu par la loi, tout en proposant un texte pragmatique.

M. Karim Benbrahim (SOC). Sécheresse après inondation, la multiplication et l’intensification des catastrophes climatiques rappellent l’urgence à agir contre le dérèglement climatique. Parallèlement à la crise climatique, nous connaissons une grave crise sociale. Douze millions de personnes souffrent ainsi de précarité énergétique en France ; 30 % des ménages déclarent souffrir du froid dans leur logement ; un million de coupures d’énergie sont effectuées chaque année pour impayés. Les logements représentent près de 30 % de notre consommation énergétique et 10 % des émissions de gaz à effet de serre. Ces quelques chiffres montrent pourquoi la crise écologique et la crise sociale ne peuvent être dissociées. Le combat contre l’une ne sera pas gagné si nous ne menons pas le combat contre l’autre.

La France compte près de cinq millions de passoires thermiques. Il s’agit là d’un fardeau social et écologique, mais aussi d’un enjeu de santé publique, un logement mal chauffé pouvant entraîner des conséquences pour la santé des occupants. Il s’agit aussi d’un enjeu de souveraineté, puisque nous importons une large part de l’énergie primaire nécessaire au chauffage de nos logements. Enfin, il s’agit d’une opportunité économique pour les entreprises du bâtiment aujourd’hui confrontées à un ralentissement historique de leur activité.

Bien qu’insuffisante, la loi Climat et résilience et son calendrier d’interdiction de mise en location des logements énergivores est nécessaire pour sortir les foyers les plus fragiles de la précarité énergétique et réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Cependant, différents acteurs du secteur du logement soulignent des difficultés dans la mise en œuvre de la loi et de son calendrier. En corrigeant des imprécisions et en introduisant les souplesses nécessaires, la proposition de loi vient conforter le cadre juridique de la rénovation des logements et ainsi renforcer son efficacité. Elle permet de protéger davantage les locataires et les propriétaires, en autorisant ces derniers à louer leur bien lorsque les critères de performance énergétique ne peuvent pas être atteints pour des raisons indépendantes de leur volonté.

Les mesures proposées concourent à l’atteinte de nos objectifs en matière de sobriété énergétique et de transition écologique. Le groupe Socialistes et apparentés souligne la qualité du travail mené par les rapporteurs et votera pour le texte.

Un cadre juridique clarifié, bien que nécessaire, ne saurait toutefois répondre à lui seul à l’enjeu crucial de la rénovation des bâtiments. Alors que le débat budgétaire n’est pas clos, nous appelons le Gouvernement à revoir sa copie pour mener une politique ambitieuse en matière de rénovation thermique et investir massivement dans l’isolation de tous nos bâtiments.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Notre objectif était bien de corriger les insuffisances et les approximations de la loi Climat et résilience.

Je rebondis sur les propos de notre collègue François Piquemal. Nous avons cherché à apporter des réponses pragmatiques sur les copropriétés et à encadrer le plus strictement possible les exonérations d’obligations pour les propriétaires. Nous proposons des mesures simples, lisibles et accessibles à la population.

Je partage l’exigence d’une ambition plus forte en matière de rénovation. J’ai cité la proposition de loi de notre collègue Stéphane Delautrette portant accélération de la rénovation énergétique des logements, que nous examinerons la semaine prochaine. Une montée en puissance est indispensable pour répondre aux besoins des locataires, mais aussi des propriétaires occupants.

M. Vincent Rolland (DR). Le couperet de la loi Climat et résilience arrive à grands pas : au 1er janvier 2025, il sera interdit de mettre en location des logements classés G. La France risque ainsi une sortie massive de logements du parc locatif.

Le texte propose des avancées significatives, en reconnaissant certaines contraintes qui freinent la rénovation de logements en location dans les copropriétés. Notre groupe alerte de longue date sur le fait que si les décisions de rénovation dépendent des assemblées générales, cela peut entraver les efforts individuels des copropriétaires pour se conformer aux normes de décence énergétique.

En outre, l’obligation de mise en conformité sera désormais considérée comme satisfaite lorsque la copropriété vote les travaux. Notre groupe souhaite aller plus loin en promouvant le recours à un plan pluriannuel de travaux sur dix ans, qui donne plus de souplesse pour la réalisation des travaux dans certaines copropriétés complexes et qui facilite une rénovation globale et non dispersée du bâtiment.

Bien que votre texte concerne deux cent cinquante mille logements en copropriété, les progrès restent insuffisants face aux réalités du marché locatif. Les objectifs de la loi de finances pour 2024 n’ont pas permis de rénover toutes les passoires thermiques et il faudra plusieurs années pour traiter les logements classés G, interdits à la location dès le mois de janvier prochain. Au total, plus de sept cent cinquante mille logements pourraient sortir du marché locatif, ce qui aggraverait la crise du logement.

Pour certains propriétaires, la hausse des taux d’intérêt ainsi que les pénuries de matériaux et de main-d’œuvre compliquent les travaux de rénovation. Face à ces difficultés, beaucoup choisissent de ne pas rénover immédiatement leur bien et de ne pas le louer. Pour y remédier, un décalage de trois ans du calendrier d’interdiction à la location aurait été une solution plus simple qu’un ajustement à la marge et au cas par cas pour éviter les litiges.

Enfin, votre proposition de loi ne prend pas en compte d’autres types de logements collectifs, comme les monopropriétés. Ne pourrait-on pas autoriser les propriétaires à continuer à mettre en location s’ils s’engagent à réaliser les travaux ?

Enfin, une incertitude juridique pèse sur votre texte. S’il est adopté après le 1er janvier 2025, les logements classés G en copropriété seront déjà interdits à la location. Comment s’assurer que le texte s’appliquera de manière rétroactive aux baux conclus entre le 1er janvier 2025 et la date de promulgation de la future loi ?

Bien que ce texte constitue une avancée, il nécessite encore des ajustements. Nous sommes prêts à le soutenir, à condition que certains de nos amendements soient retenus.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je vous remercie de reconnaître certaines avancées significatives contenues dans le texte. Nous aurons l’occasion d’en ajouter d’autres.

En ce qui concerne l’éventuelle sortie massive de logements du parc locatif, je tiens à tordre le cou à une surinterprétation de la loi Climat et résilience. Vous évoquez le « couperet » du 1er janvier 2025 pour les logements classés G : le non‑respect de l’obligation fixée par la loi n’emporte pas l’interdiction de location, il ouvre seulement la possibilité au locataire d’exercer un recours devant le juge. Il y a des moyens d’éviter la sortie massive du parc locatif que vous redoutez.

Mme Julie Laernoes (EcoS). La rénovation est l’un des piliers de la stratégie nationale bas carbone, alors que le secteur du bâtiment représente encore près de 20 % des émissions nationales. Elle est aussi au cœur de la lutte contre le logement indécent. Notre pays compte encore cinq millions de passoires énergétiques – « passoire » l’hiver, « bouilloire » l’été –, ces logements dans lesquels on a trop froid puis trop chaud, dans lesquels on tombe malade et on meurt aussi parfois – dix mille décès sont dus à l’inefficacité énergétique des logements en 2023.

La rénovation des logements est enfin un enjeu de justice sociale urgent, alors plus que d’un million de Français ont subi des coupures d’électricité l’an dernier, faute de pouvoir payer leurs factures. Pour ces ménages précaires, le plus souvent locataires de logements mal isolés, c’est la double peine.

Je tiens donc à redire l’attachement très fort du groupe Écologiste et social au respect des objectifs fixés par la loi Climat et résilience. Plusieurs groupes politiques, comme le Rassemblement national récemment dans sa niche parlementaire, ont déjà odieusement tenté de remettre en cause nos obligations en matière de rénovation. C’est une ligne rouge pour nous : les objectifs de la loi Climat et résilience ne sont pas négociables ; nous ne négocierons ni avec l’urgence climatique, ni avec la précarité énergétique dont souffrent nos citoyens.

Cette proposition de loi ne doit pas être l’occasion d’un concours Lépine des assouplissements au détriment des locataires et du climat. Sans remettre en cause le principe fondamental des obligations de rénovation, votre texte permet de pallier les impensés de la loi et de prévenir des difficultés afin de garantir l’engagement des travaux nécessaires au respect du calendrier de rénovation. Avec notre ancienne collègue Marjolaine Meynier-Millefert, nous avions souligné dans un rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments en 2023 ces difficultés pour les copropriétés.

Le groupe Écologiste et social soutiendra la proposition de loi, à la condition qu’elle fasse l’objet de plusieurs modifications afin de protéger réellement les locataires, de garantir l’atteinte des objectifs de rénovation et de respecter le calendrier. Nous vous proposerons plusieurs amendements à cette fin. Soyons clairs : si le texte devait être profondément modifié par des amendements de la droite, d’Horizons ou de l’extrême droite visant à repousser l’entrée en vigueur des obligations de rénovation, nous nous y opposerions avec vigueur.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je vous remercie pour cet argumentaire équilibré et pragmatique, qui contraste avec certaines interventions précédentes. Nous partageons votre attachement aux objectifs et au calendrier et nous nous opposerons fermement aux amendements qui proposeront de le reporter. Comme l’a dit le corapporteur Bastien Marchive, il s’agit d’un texte d’urgence : il est perfectible et nous avons travaillé avec les groupes volontaires pour l’améliorer ; certaines de leurs propositions ont été reprises dans nos amendements. Nous sommes prêts à discuter, en commission et en séance, pour aboutir à un texte pragmatique permettant d’accompagner les propriétaires tout en protégeant sérieusement les locataires.

Mme Louise Morel (Dem). Je vous remercie de proposer un texte qui apportera des réponses concrètes aux effets de bord créés par la loi Climat et résilience dans la lutte contre les passoires thermiques. Loin de la démagogie de certains groupes politiques, j’espère que nos débats feront émerger des solutions concrètes pour ceux de nos concitoyens qui éprouvent des difficultés à se loger tout en protégeant la planète.

Le texte apporte une précision utile en indiquant que l’interdiction de location des passoires énergétiques ne s’appliquera qu’aux contrats nouveaux, renouvelés ou tacitement reconduits. De même, ne pas appliquer l’interdiction lorsque le bailleur a réalisé de bonne foi l’ensemble des travaux permettant, à son échelle, de considérer son logement comme décent relève du bon sens. Notre groupe salue l’exception proposée lorsque l’assemblée générale de copropriété aura voté des travaux visant à améliorer la performance énergétique globale de l’immeuble ; nous avions proposé cette mesure dans le projet de loi sur l’habitat dégradé.

J’ai néanmoins quelques remarques à formuler. Premièrement, si la notion de « vote des travaux en assemblée générale » paraît suffisamment sécurisante, il me semble que la proposition devrait se limiter à un délai raisonnable de réalisation des travaux de cinq ans après leur vote, afin d’éviter d’éventuels débordements ou abus. Deuxièmement, je m’interroge sur la possibilité laissée au bailleur de ne pas effectuer les rénovations de base dans son appartement durant les travaux de rénovation globale de la copropriété, quand bien même ceux-ci amélioreraient significativement la décence du logement. Troisièmement, la possibilité de réduction du loyer semble suffisante ; toutefois, celle-ci ne devrait pas reposer uniquement sur le préjudice subi par le locataire et sur les efforts du propriétaire pour réaliser les travaux, mais aussi sur la capacité financière du propriétaire, puisque l’investissement de certains petits bailleurs repose sur la perception d’un loyer permettant de compenser leur emprunt et leurs charges. Nous avons déposé un amendement afin que ce point soit pris en compte dans la décision du juge.

Le groupe Démocrate soutiendra la proposition de loi. Nous espérons continuer à l’enrichir lors de nos débats.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je vous remercie d’avoir rappelé l’état d’esprit qui a guidé nos travaux. La possibilité que certaines copropriétés se servent du vote des travaux pour faire traîner les délais sans réaliser ceux-ci a été abordée en audition ; nous proposerons tout à l’heure un amendement pour éviter cet écueil.

Le niveau de performance énergétique est calculé à l’échelle du logement : si les travaux de la copropriété permettent à celui-ci d’atteindre le niveau D à l’horizon 2034, l’obligation énergétique sera remplie ; le propriétaire n’est donc pas tenu de réaliser des travaux dans le logement. Mais si le bailleur manque à l’une de ses obligations, le locataire peut saisir le juge ; le juge ordonnera d’abord la réalisation de travaux dans le logement et il pourra ensuite prononcer une réduction de loyer.

Je reviendrai sur ce dernier point lors de l’examen des amendements.

M. Thomas Lam (HOR). Nous sommes plongés dans une double crise qui impose de trouver des solutions équilibrées. La crise écologique, tout d’abord : nous ne pouvons pas rester inactifs devant l’accélération du phénomène. Selon les conclusions du rapport Pisani-Ferry, le coût économique de l’inaction excède de loin celui de l’action. Le secteur du bâtiment est responsable de 16 % des émissions de gaz à effet de serre nationales. Cela appelle une action résolue contre les passoires thermiques. D’un autre côté, la crise du logement est devenue une véritable bombe sociale : rien que l’année dernière, le nombre de logements vendus a chuté de 12 % par rapport à l’année précédente ; le nombre de logements vacants se compte en millions. Derrière ces chiffres se cache la triste réalité d’une jeunesse incapable d’accéder au logement, ce sésame pour la vie adulte qui permet de s’épanouir dans de bonnes conditions. Il ne faut pas rigidifier le marché en faisant peser trop de contraintes sur les propriétaires.

Face à cette double crise, la proposition de loi clarifie le droit en vigueur de manière équilibrée. D’un côté, elle renforce l’obligation de réaliser les travaux nécessaires, comme l’isolation par l’intérieur ; de l’autre, elle évite la sortie « sèche » du marché de nombreux logements, au moment où les obligations prévues par la loi s’appliqueront. Le groupe Horizons la soutiendra. Néanmoins, nous souhaitons assouplir le dispositif en étalant davantage le calendrier de l’interdiction des passoires thermiques et en garantissant que les propriétaires de bonne foi ne seront pas sanctionnés, en leur permettant de louer leur bien s’ils ont fait le maximum pour réduire la facture énergétique.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je vous remercie de souligner le pragmatisme du texte et d’y apporter dès à présent votre soutien. Nous souhaitons tous que les rénovations énergétiques se fassent dans les meilleures conditions et il peut sembler plus commode de reporter le calendrier, mais cela ne permettra pas d’atteindre les objectifs de la loi Climat et résilience, dont nous souhaitons maintenir le cap. Je suis de ceux qui pensent que reporter les obligations environnementales repousse le problème sans le régler : il y aura toujours des points de blocage, qu’il s’agisse de difficultés financières pour certains propriétaires ou de la réticence des locataires, et nous risquons d’avoir le même débat dans trois ans.

M. David Taupiac (LIOT). Je ne débattrai pas du bien-fondé de l’interdiction à la location des passoires thermiques. J’en suis, pour ma part, pleinement convaincu : interdire la location des logements énergivores, c’est garantir aux locataires des conditions minimales de confort, limiter la précarité énergétique et l’explosion des factures et lutter contre les émissions de gaz à effet de serre du secteur du logement ; c’est se doter d’un puissant moteur de transformation du parc. Il ne faut pas revenir sur cette avancée législative.

La proposition de loi s’inscrit dans la bonne logique en apportant des précisions nécessaires. Elle garantit les conditions de l’acceptabilité de l’interdiction à la location des passoires thermiques en évitant qu’elle ne s’applique aux contrats en cours. Voilà qui devrait sécuriser juridiquement les propriétaires tout en les incitant à engager les travaux nécessaires.

Autre sujet essentiel : dans l’hypothèse où un locataire s’opposerait aux travaux, il ne faudrait pas que le propriétaire soit tenu responsable du statut énergétique de son logement. L’article 1er règle cette question importante. J’ai remarqué que des corrections nécessaires ont été proposées par amendement pour éviter tout abus ou pression de la part des bailleurs.

Les précisions sur les copropriétés sont également bienvenues. Certains logements individuels pourraient être considérés comme indécents parce que la copropriété n’a pas procédé aux travaux essentiels dans les parties communes ; de ce fait, des propriétaires pourraient se lancer dans des travaux coûteux et peu efficaces, alors que ces travaux seraient plus efficaces s’ils étaient menés à l’échelle de la copropriété. Vous proposez que l’obligation de décence énergétique soit suspendue le temps de la réalisation des travaux lorsque ces derniers ont été votés par la copropriété. J’entends la nécessité d’y apporter des correctifs, le vote des travaux n’impliquant pas leur réalisation.

L’article 2 pose des questions juridiques et pratiques qui semblent difficiles à traiter. Nous soutiendrons donc sa suppression.

Ces quelques remarques mises à part, nous soutiendrons un texte nécessaire pour relancer la dynamique de rénovation énergétique des logements.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je vous remercie pour votre analyse équilibrée du texte. Nous avons en effet choisi de supprimer l’article 2. Toutefois, après avoir longuement échangé avec la ministre et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), nous souhaitons que la ministre s’engage dans l’hémicycle à faire des plans pluriannuels de travaux un véritable outil, plutôt que la coquille vide qu’ils sont dans certains cas. Nous avons cherché un chemin de crête entre la protection du locataire et les garanties apportées au propriétaire. Cette réflexion nous a amenés à déposer plusieurs amendements afin que l’un ne puisse pas faire pression sur l’autre, notamment le propriétaire en cas de refus des travaux.

M. Stéphane Peu (GDR). Vous proposez un texte visant à prévenir des litiges en matière d’obligations de décence énergétique et dont l’objet est, plus prosaïquement, d’éviter que des logements ne sortent du marché locatif à brève échéance. En effet, au 1er janvier 2025, quelque deux cent cinquante mille logements classés G et situés en copropriété risquent de sortir brutalement du parc locatif pour cause d’indécence énergétique. Notre conviction est qu’il manque encore un instrument de financement ad hoc pour accompagner le calendrier fixé par la loi Climat et résilience. Dans le même temps, il faut reconnaître que la rénovation énergétique de certains logements se heurte à des difficultés techniques parfois insurmontables ou à l’exigence préalable de travaux dans les parties communes des immeubles en copropriété.

Le texte entend répondre à ces difficultés, mais il souffre à nos yeux de nombreuses lacunes. En premier lieu, il prévoit que les obligations de décence énergétique seront réputées satisfaites dès lors que les travaux se seront révélés impossibles pour des raisons techniques. Mais qui établira et contrôlera la réalité des raisons techniques invoquées pour justifier l’absence de travaux ? Le texte ne le dit pas. L’avis d’un professionnel ne saurait suffire : certains propriétaires chercheront à obtenir des certificats de complaisance les exonérant de leurs obligations ; on le voit déjà sur le marché des diagnostiqueurs de DPE.

Ces obligations seront également réputées satisfaites dans les immeubles en copropriété, dès lors que les copropriétaires auront voté des travaux de nature à permettre le respect du niveau de performance exigible. Il conviendrait de s’entourer de certaines précautions, sachant que la loi ne fixe aujourd’hui aucun délai maximum de réalisation de ces travaux.

Enfin, le texte souligne que le locataire ne pourra se prévaloir d’un manquement du bailleur à l’obligation de fournir un logement énergétiquement décent s’il fait obstacle à l’exécution des travaux. C’est une précision inutile, puisque le droit prévoit déjà que le locataire ne peut faire obstacle à l’exécution de travaux en cours de bail.

Nous avons déposé plusieurs amendements pour améliorer la rédaction du texte et afin qu’il ne serve pas d’alibi à l’inaction. Notre vote dépendra du sort qui leur sera réservé.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Monsieur Peu, votre expertise et votre engagement contre le logement indigne sont reconnus. Il y a effectivement des précautions à prendre et nous avons modestement essayé d’apporter quelques réponses par des amendements qui vont dans le même sens que les vôtres. On n’est jamais à l’abri d’une tentative de fraude ou de connivence : il faut apporter des garde-fous aux possibilités d’exonération en permettant un contrôle du juge et en engageant la responsabilité des professionnels. Je déplore avec vous le manque de financement de l’État pour la rénovation globale du bâti existant ; nous avons mené un combat commun en ce sens dans le cadre du projet de loi de finances, que nous reprendrons sans doute dans les prochaines semaines.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Thibault Bazin (DR). À partir du 1er janvier 2025, les logements classés G ne pourront plus être mis en location. Cela risque de faire sortir sept cent cinquante mille logements du parc locatif. On aurait pu imaginer un report de l’interdiction ; ce n’est pas le choix fait par la proposition de loi, qui emprunte un chemin plus complexe, et je le regrette. Depuis plusieurs années, nous vous alertons sur les difficultés créées par la loi Climat et résilience, qui ne prend pas en compte la diversité des réalités auxquelles sont confrontés les copropriétaires.

La proposition de loi est incomplète. Elle ne mentionne pas le refus du syndicat des copropriétaires comme motif juridique valable empêchant certains travaux et ne précise pas ce qui se passera entre le 1er janvier 2025, date à laquelle les logements classés G ne pourront plus être loués, et la date d’entrée en vigueur du texte, qui lui sera vraisemblablement postérieure. Nous proposons des amendements pour combler ces lacunes.

Si nous voulons réellement éviter une sortie massive du parc locatif, il ne faut pas s’occuper uniquement des 255 000 logements en copropriété, mais aussi des 495 000 logements en monopropriété en permettant leur mise en location quand les propriétaires s’engagent à répondre dans le temps aux obligations de décence énergétique.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Effectivement, nous avons choisi un chemin plus complexe, mais meilleur pour l’environnement. Je ne doute pas qu’avec votre expertise, vous nous aiderez à l’emprunter. Nous reviendrons sur les points que vous avez abordés lors de l’examen des amendements, notamment pour clarifier le refus du syndicat des copropriétaires de réaliser les travaux. Par ailleurs, il ne s’agit pas de créer un régime exorbitant entre le 1er janvier 2025 et la promulgation de la loi pour les logements classés G : toute la difficulté réside dans la coordination juridique nécessaire pour couvrir cette période, tout en restant conforme au principe général de non-rétroactivité de la loi.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Si la rénovation énergétique des logements est une priorité indéniable pour atteindre nos objectifs climatiques, elle doit se faire dans des conditions réalistes et sans mettre en péril les propriétaires, en particulier les petits bailleurs. Ma question rejoint celle de mon collègue Vincent Rolland, à laquelle vous n’avez pas totalement répondu : quelles solutions rapides et efficaces proposez-vous pour protéger les petits propriétaires en situation économique fragile, si les circonstances rendent impossible la réalisation des travaux ? Il faut éviter que ces biens ne soient retirés du marché locatif.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous sommes conscients que, pour certains propriétaires ayant peu de moyens, le revenu locatif issu d’une propriété unique constitue un complément de revenu essentiel au maintien de leur pouvoir d’achat ; le but n’est pas de leur porter préjudice. La proposition de loi traite plusieurs cas dans lesquels le propriétaire serait dans l’impossibilité de réaliser les travaux : lorsqu’une décision administrative l’en empêche, lorsque le syndicat des copropriétaires s’y oppose ou lorsque le locataire y fait obstacle. Nous y reviendrons plus en détail lors de l’examen des amendements. Le propriétaire de bonne foi et de bonne volonté ne doit pas être sanctionné.

Article 1er : (articles 6 et 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs) : Clarification des obligations de mise en conformité énergétique des logements mis en location

 

Amendement CE41 de M. Henri Alfandari

M. Henri Alfandari (HOR). Il est louable de chercher à atteindre des objectifs. Cependant, nous parlons d’un argent qui n’est pas le nôtre : c’est celui des particuliers, que nous devons réussir à mobiliser. En outre, la rédaction de l’article présente un risque de contentieux important et il ne me semble pas judicieux d’engorger la justice en ce moment. Troisièmement, nous ne voulons pas que des logements sortent du parc locatif en pleine crise du parcours résidentiel.

L’amendement propose donc de décaler le calendrier d’interdiction à la location des passoires thermiques. Il a plusieurs fois été dit, par LFI et les écologistes, que la filière manquait de bras ; il faut attendre qu’elle soit prête. Nous préférons substituer à l’interdiction de location une déduction des loyers proportionnelle à la précarité énergétique du logement. Cela récompensera les propriétaires ayant réalisé des travaux et encouragera les autres.

M. Bastien Marchive, rapporteur. À la lecture de l’exposé sommaire de l’amendement, il me semble que nous sommes d’accord sur l’essentiel. Vous évoquez la nécessité d’imposer un calendrier de rénovation énergétique, de maintenir un élément de contrainte – la réduction potentielle des loyers – afin de garantir la bonne réalisation des travaux, de prendre en compte l’impact social pour les locataires et de ne pas retarder la structuration de la filière de la rénovation. Ce dernier point est crucial : en effet, même si le secteur reconnaît ne pas être parfaitement opérationnel, il ne souhaite pas un report du calendrier qui fragiliserait la dynamique de recrutement et de formation et bouleverserait le plan de charge des entreprises.

Vous évoquez également la nécessité de mieux prendre en compte les situations particulières, notamment lorsque le propriétaire est diligent, et d’éviter une surinterprétation du texte qui causerait une sortie massive de logements du parc locatif. Je rappelle qu’il n’existe pas d’interdiction absolue de location, puisque les logements ne respectant pas les critères de décence énergétique ne sortiront pas automatiquement du parc locatif au 1er janvier 2025. La loi donne seulement au locataire la possibilité d’effectuer un recours contre son bailleur sur la base du manquement à l’obligation de rénovation énergétique. Si le juge constate ce manquement, il ordonne la réalisation de travaux et prononce une réduction de loyer. Il est vrai qu’une surinterprétation des dispositions de la loi Climat et résilience a engendré chez les bailleurs une réaction de méfiance : c’est la raison pour laquelle nous proposons ce texte.

Enfin, le financement des rénovations, c’est tout de même un peu notre argent : MaPrimeRénov’, c’est trois millions de logements rénovés et des dizaines de milliards d’euros ; les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah) mobilisent des financements de l’État et des collectivités territoriales. Votre groupe a d’ailleurs contribué à ces efforts, qui prévoient des subventions plus importantes pour les propriétaires modestes ou très modestes afin de garantir une justice dans l’accompagnement financier de la rénovation énergétique.

On ne peut pas dire que la maison brûle et refuser de se servir de l’extincteur. Cet extincteur, c’est la loi Climat et résilience ; certes, il ne fonctionne pas très bien, mais c’est à nous de le réparer. Nous nous opposerons fermement à tous les amendements proposant le report du calendrier : la rénovation est en marche et il ne faut pas casser la dynamique.

M. Thibault Bazin (DR). La proposition de loi fait l’impasse sur plus de la moitié des logements classés G du parc locatif, ceux qui sont en monopropriété. Il existe un facteur psychologique fondamental dans le secteur : la peur du litige peut inciter le propriétaire à faire sortir son logement du parc locatif. L’amendement permet de le contrer de façon efficace. Par cohérence avec les propositions que nous avons formulées depuis la loi Climat et résilience, y compris dans la proposition de loi portant mesures d’urgence pour remédier à la crise du logement et que nous avons présentée l’année dernière dans le cadre de notre journée de niche, nous sommes favorables au report du calendrier.

Mme Julie Laernoes (EcoS). En matière de climat et de lutte contre la précarité énergétique, la droite et l’extrême droite préfèrent repousser les échéances plutôt qu’identifier ce qui empêche de les respecter. Celui qui possède un logement en monopropriété a tout pouvoir de se conformer à la loi dans les délais impartis, contrairement au copropriétaire, qui est dépendant du vote des travaux en assemblée générale. Voilà pourquoi la proposition de loi se concentre sur les copropriétés. À moins que le groupe Horizons ne soit devenu climato-sceptique, je lui recommande de revenir à la réalité et d’engager avec pragmatisme l’aménagement de la loi Climat et résilience pour en tenir les objectifs.

M. Henri Alfandari (HOR). Les aides à la rénovation énergétique sont là : le rapporteur a cité, à juste titre, MaPrimeRénov’ et les aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). A-t-on pour autant atteint les objectifs visés ? Non. Quand les locataires occupants quitteront ces logements, ils ne pourront plus être loués, alors qu’ils ne sont pas forcément indécents. Le pragmatisme serait d’attendre que la filière soit suffisamment organisée pour éviter un effet inflationniste qui découragerait les travaux ; cela implique de les étaler dans le temps. Pas un logement ne doit sortir du parc locatif en période de crise de la production de logements.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Pour répondre aux accusations de climato‑scepticisme et de dogmatisme qui nous sont adressées, je rappelle qu’en trente ans, la surface habitée en France a crû de 55 %, tandis que les émissions du secteur résidentiel ont diminué de 50,8 %... et tout cela sans DPE.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Les représentants de la filière ont dit en audition qu’ils étaient prêts. Vous envoyez un mauvais signal en disant qu’elle n’est pas structurée, monsieur Alfandari. Les propriétaires peuvent être inquiets ; c’est le lot de ceux qui investissent dans la pierre. La ficelle est un peu grosse. Nous vivons malheureusement dans une société qui marche au bâton et à la carotte. Si nous repoussons le délai, ceux qui auront attendu continueront d’attendre.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Le sujet se résume à la question suivante : quand commençons-nous à appliquer les obligations que nous nous sommes fixées dans la loi ? Y répondre n’est pas simple, mais c’est de cela que nous discutons ce matin.

Encore une fois : je ne vois pas comment la rénovation des logements serait compatible avec le report de l’échéance ; en suivant une telle démarche dilatoire, on ne ferait rien d’autre que suspendre les objectifs de rénovation.

La filière est en train de se structurer, mais elle n’est pas encore totalement opérationnelle pour répondre à la force de la demande, qui est en soi un signe positif. Lorsque les travaux ont été approuvés ou lorsqu’un chantier commence en retard à cause des difficultés des entreprises, l’obligation est réputée satisfaite. La question de la structuration de la filière devient marginale par rapport à celle de savoir si l’obligation de rénovation énergétique est remplie ou non. Nous sommes défavorables à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE45 de M. Bastien Marchive

M. Bastien Marchive, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.

M. Thibault Bazin (DR). Dans votre logique, votre amendement n’est qu’une coordination juridique. Mais on peut s’interroger sur l’opportunité de supprimer le renvoi au décret et, partant, la possibilité pour le gouvernement de fixer le calendrier d’indécence énergétique que la loi Climat et résilience a défini. Je sais que votre optique est d’en rester à la loi et de ne pas laisser cette liberté au gouvernement, mais, ce faisant, vous rigidifiez le dispositif, contrairement à l’objectif affiché par votre texte. Il me paraît préférable de conserver le renvoi au décret.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Le gouvernement pouvait effectivement moduler le calendrier entre l’adoption de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi « Énergie-climat », et celle de la loi Climat et résilience deux ans plus tard, qui a fixé le calendrier directement à l’article 6 de la loi de 1989. La modification du calendrier ne peut donc plus se faire par voie réglementaire. Pour autant, le législateur a négligé de supprimer le renvoi au décret, inscrit dans la loi de 2019.

Deux calendriers distincts s’appliquent, sachant que celui de la loi Énergie‑climat concernait spécifiquement les logements classés G+, lesquels seront interdits à la location à partir du 1er janvier prochain. Nous souhaitons coordonner les deux calendriers et les inscrire dans la loi.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE46 de M. Inaki Echaniz, rapporteur.

 

Amendements CE8 de M. Frédéric Falcon et CE14 de Mme Cyrielle Chatelain (discussion commune)

M. Frédéric Falcon (RN). L’amendement a pour objet de circonscrire les obligations aux baux nouveaux et d’exclure du champ de l’article les contrats reconduits ou renouvelés.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Je comprends le souci de pragmatisme du texte, mais nous souhaitons tout de même limiter à une année, plutôt qu’à trois, la durée au terme de laquelle les obligations de décence énergétique doivent s’appliquer. Il importe de circonscrire les dérogations pour montrer que la loi devra être appliquée.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Monsieur Falcon, vous souhaitez, si j’en crois l’exposé sommaire de votre amendement, que l’obligation de rénovation ne s’applique jamais tant que le locataire et le propriétaire maintiennent le bail. Cette période peut durer deux, trois, mais aussi vingt, trente ou quarante ans.

Si le propriétaire et le locataire votent pour le Rassemblement national, le logement ne sera jamais rénové. Avec une telle politique, notre pays n’atteindra jamais les objectifs de rénovation énergétique. Avis évidemment défavorable.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Madame Laernoes, nous partageons l’esprit de votre amendement, mais notre texte vise un équilibre que les auditions nous ont inspiré.

Les baux de logements meublés, de plus en plus nombreux, sont reconductibles au bout d’un an ; nous les avons intégrés dans le texte et votre amendement est satisfait. Pour les baux de logements nus mis en location par des personnes physiques arrivant à échéance avant le 1er janvier 2025, les propriétaires bénéficieront de trois ans pour les mettre en conformité avec les obligations de rénovation. Les locataires pourront anticiper et préparer leur changement de logement en cas de travaux lourds. Je vous demande de retirer l’amendement, à défaut l’avis sera défavorable.

M. Frédéric Falcon (RN). Monsieur Marchive, l’indigence de votre argumentaire m’étonne. Nous souhaitons simplement apaiser la relation entre les locataires et les bailleurs : nous ne voulons pas encombrer les tribunaux à cause d’une cascade de contentieux provoquée par cette proposition de loi qui oblige le juge à intervenir pour fixer les indemnisations liées à un mauvais DPE. Parfois, les relations entre locataire et bailleur sont apaisées et il n’est pas tout le temps nécessaire de légiférer.

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement présenté par notre collègue Julie Laernoes vise à restreindre l’assouplissement du dispositif et à imposer que les obligations soient remplies au bout d’un an, quels que soient les problèmes des copropriétés. Pourtant, l’objectif d’éviter la sortie massive de logements du parc locatif exige la prise en compte des situations dans lesquelles plusieurs années seront nécessaires pour atteindre la décence énergétique. La complexité de certaines copropriétés imposera une durée de travaux bien supérieure à un an.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Monsieur Falcon, l’engagement de travaux de rénovation énergétique ne dégrade pas forcément les relations entre propriétaire et locataire. Vous souhaitez reporter les travaux tant que le locataire reste dans les lieux : votre exposé sommaire est très clair, vous ne voulez pas que l’obligation soit exigible en cas de tacite reconduction du bail. Nous ne pouvons qu’être opposés à votre amendement, dont l’esprit est inverse à celui de la proposition de loi qui vise à réaffirmer les objectifs de rénovation énergétique.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte l’amendement CE47 rédactionnel de M. Bastien Marchive, rapporteur.

Amendement CE20 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5, lequel revient à autoriser les passoires thermiques si les travaux nécessaires à l’atteinte des objectifs de décence énergétique se sont révélés impossibles pour des raisons techniques ou ont été refusés par une décision administrative. Ces deux motifs nous paraissent bien flous et ouvrent la porte à de nombreuses dispenses d’engagement de travaux. Nous examinerons plus tard un amendement visant à préciser ces notions, mais nous vous alertons sur la latitude que la proposition de loi donne à des propriétaires qui ne seraient pas de bonne foi.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Un flou entoure actuellement les dérogations à la conduite des travaux. Afin de corriger cette faiblesse, nous avons déposé plusieurs amendements pour prévenir d’éventuelles dérives. Je vous demande le retrait de celui-ci.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE9 de M. Frédéric Falcon

M. Frédéric Falcon (RN). L’amendement vise à élargir le régime d’exemption au dispositif de la loi Climat et résilience. Alors que l’alinéa 5 de la proposition de loi prévoit que celui-ci ne s’applique qu’aux logements consommant moins de 450 kilowattheures par mètre carré de surface habitable, nous souhaitons en faire bénéficier les logements classés G+. Même après la réalisation de travaux énergétiques, certains logements peuvent conserver une telle note. Celle-ci est certes mauvaise, mais il est préférable d’autoriser la location plutôt que de créer un nouveau logement vide.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Cohérent avec votre position sur le texte, vous proposez d’étendre le régime de dérogation aux logements classés G+. Nous vous soumettrons également une nouvelle écriture de l’alinéa 5 et nous conserverons un traitement particulier pour les logements G+. Il en va de la protection des locataires et de l’amélioration des conditions de vie : ces logements sont des passoires énergétiques et, s’ils restent classés G+ après des travaux, la question de la destination du local se pose : pouvons-nous encore les considérer comme des logements ? L’avis est défavorable.

M. François Piquemal (LFI-NFP). Monsieur Falcon, vous faites montre d’une grande cohérence dans votre défense des multipropriétaires. Quand 30 % des Français ont froid, vous voulez leur donner des congélateurs comme maison ou appartement : voilà votre programme en matière de logement ! Vous dites vouloir apaiser les relations entre les locataires et les bailleurs, mais vous cherchez surtout à apaiser les multipropriétaires, lesquels devront effectivement agir pour mettre leurs logements aux normes de la transition écologique, comme le leur impose la loi Climat et résilience. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, de préciser le projet du Rassemblement national : faire vivre les locataires dans des glacières par refus de mettre la pression sur les multipropriétaires.

M. Thibault Bazin (DR). Monsieur le rapporteur, avez-vous estimé, au cours des auditions que vous avez menées et du travail préparatoire à la rédaction de la proposition de loi, le nombre de logements classés G+ sortis du parc locatif ? Je ne vise ici que ce parc, mais n’oublions pas que l’essentiel des logements G+ sont occupés par leur propriétaire.

M. Frédéric Falcon (RN). J’ai un peu de mal à recevoir des leçons de la part de technocrates qui ignorent tout du monde de l’immobilier, sous-représenté à l’Assemblée nationale à cause, notamment, de règles d’incompatibilité. Les logements G+ ne sont pas forcément indécents ou insalubres : dans un immeuble classé monument historique, il est très difficile de réaliser des travaux et, en zone rurale, de vieilles maisons de trois cents mètres carrés peuvent se révéler impossibles à isoler tout en n’étant pas insalubres.

La France insoumise reste fidèle à son discours antipropriétaires : elle voudrait que tout le monde soit locataire et que la propriété privée soit étatisée. Jamais nous n’accepterons cela ! Monsieur Piquemal, les propriétaires qui n’ont pas les moyens d’engager des travaux vendront leur bien à de grosses sociétés foncières : j’alerte la représentation nationale depuis plusieurs mois sur de tels transferts de propriété. Ce phénomène n’est pas encore documenté en France, contrairement aux États-Unis où il est bien connu. Ce ne sont pas les multipropriétaires, mais les monopropriétaires qui sont concernés.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Monsieur Bazin, nous avons posé votre question à l’ensemble des personnes que nous avons auditionnées, mais la catégorie « G+ » ne figure pas dans le classement du DPE : les logements G+ sont officiellement classés G, mais ils sont encore plus dégradés et consomment énormément d’énergie.

Monsieur Falcon, vous dites qu’un logement G+ n’est pas forcément indécent : c’est faux, car la loi Climat et résilience le considère indécent sur le plan énergétique. En revanche, il est vrai qu’un logement peut consommer énormément d’énergie sans être insalubre. Voilà pourquoi nous voulons préciser la loi et créer un régime spécifique d’indécence énergétique, protecteur du locataire et assorti de sanctions du propriétaire refusant de remplir ses obligations.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE19 de M. François Piquemal, CE18 de M. Stéphane Peu et sousamendement CE57 de M. Inaki Echaniz, amendement CE49 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)

M. Stéphane Peu (GDR). L’autorité compétente en matière d’urbanisme peut formuler des objections à la réalisation de travaux, notamment dans les périmètres soumis à l’avis des architectes des bâtiments de France (ABF). En revanche, l’expression « raisons techniques » présente à l’alinéa 5 me paraît bien vague. Voilà pourquoi nous voulons les encadrer, en prévoyant qu’elles soient établies ou contrôlées par un architecte ou un membre d’un bureau d’études qui délivrerait un certificat. Notre objectif est d’éviter les pièges que l’on a rencontrés avec le DPE : la profession des diagnostiqueurs est mal encadrée et un DPE favorable peut s’acheter à un prix modique.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je partage votre souhait d’encadrer le dispositif. Vous voulez que les raisons techniques soient « établies ou contrôlées » par un homme de l’art, termes que mon sous-amendement propose de remplacer par « attestées ». La disjonction introduite par le mot « ou » peut causer des difficultés d’interprétation : dans quels cas les raisons techniques devront-elles être établies ? Dans quels cas devront-elles être contrôlées ? Le contrôle ne peut s’effectuer qu’après les travaux ; or ces raisons visent précisément à justifier l’impossibilité de les engager. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement, nous soutiendrons votre amendement.

Monsieur Piquemal, vous souhaitez remplacer les raisons techniques par des « contraintes architecturales et patrimoniales » : cette question a fait l’objet de nombreux échanges au cours de nos auditions. La rédaction de notre sous‑amendement fait plus que satisfaire votre amendement, car la contrainte patrimoniale devra désormais être confirmée par un ABF puis ratifiée par une décision administrative de refus de travaux.

Quant aux contraintes techniques, l’homme de l’art devra en attester, ce professionnel engageant par là sa propre responsabilité par écrit sous le contrôle du juge, ce qui dissuade les tentatives d’entente avec le propriétaire. Celui-ci devra, aux termes de la proposition de loi, avoir effectué tous les travaux qu’il était possible d’engager avant d’invoquer telle ou telle exception ; en outre, la charge de la preuve pèsera sur lui. La rédaction de l’amendement de notre collègue Stéphane Peu, tel que sous-amendé, est plus protectrice pour le locataire que celle de nos collègues de La France insoumise.

M. Frédéric Falcon (RN). L’administration aura le pouvoir de déterminer si les travaux réalisés sont suffisants : quand arrêterons-nous de tout contrôler dans notre pays ? Quand arrêterons-nous de confier à l’administration un pouvoir exorbitant sur la vie des Français et des entreprises ? Nous allons trop loin en légiférant sur tout. Laissons de la liberté aux Français, vous verrez qu’ils feront beaucoup mieux que ce qu’imaginent les membres de cette commission.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. À ce compte, arrêtons de contrôler l’immigration ! Soyons un peu sérieux… L’administration n’est pas concernée ici, les hommes de l’art ne sont pas des fonctionnaires.

Je demande le retrait de l’amendement CE19 ; à défaut, l’avis sera défavorable, car il est satisfait. Je suis favorable à l’adoption de l’amendement CE18 sous réserve de l’adoption du sous-amendement CE57 ; dans ce cas de figure, l’amendement CE49 tomberait.

La commission rejette l’amendement CE19.

Elle adopte successivement le sous-amendement CE57 et l’amendement CE18 sousamendé.

En conséquence, l’amendement CE49 tombe.

 

Amendements identiques CE48 de M. Bastien Marchive et CE36 de M. Thibault Bazin

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’un des objectifs de la proposition de loi est de traiter les cas particuliers dans lesquels les obligations de décence énergétique ne peuvent pas être remplies pour des raisons indépendantes de la volonté des deux principaux concernés que sont le propriétaire et le locataire.

Nous l’avons écrit dans l’exposé des motifs : nous souhaitons qu’un refus du syndicat des copropriétaires, exprimé en assemblée générale, d’autoriser l’un des copropriétaires à réaliser, dans ses parties privatives, des travaux qui lui permettraient d’atteindre les objectifs de décence énergétique ne puisse lui être reproché s’il a préalablement effectué l’ensemble des travaux qu’il pouvait faire dans son logement.

Autrement dit, pour se prévaloir d’un refus de la copropriété, le bailleur devra avoir accompli tout ce qu’il pouvait faire. Le juge appréciera sa diligence dans le cas d’un contentieux avec le locataire. Notre amendement, pragmatique et efficace, vise à répondre à un grand nombre de situations.

M. Thibault Bazin (DR). Dans une copropriété, un logement situé au rez‑de-chaussée peut se trouver à côté de la dalle de parking qui n’est pas isolée : le propriétaire a beau faire tout ce qu’il peut, il est possible qu’il ne parvienne pas à obtenir la bonne étiquette énergétique, même dans un immeuble peu ancien. Dans d’autres cas, la copropriété refuse d’engager des travaux d’isolement des combles ou de la cage d’escalier, ce qui peut pénaliser les logements situés à proximité. Je souhaite que la commission adopte ces amendements identiques, afin d’étoffer la proposition de loi, dont le champ est réduit.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Le propriétaire peut en effet rencontrer des difficultés indépendantes de sa volonté pour atteindre la décence énergétique – vous venez d’énumérer certains cas, monsieur Bazin. Dans de telles situations, il serait incongru et contre‑productif de reprocher au bailleur diligent de ne pas avoir engagé les travaux nécessaires.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’adoption de ces amendements identiques pourrait se révéler dangereuse, car elle pourrait inciter les propriétaires à voter contre le lancement des travaux lors des assemblées générales de copropriété, puisque les refus pourraient les dispenser d’agir.

À moins que vous ne répondiez à cette objection, nous constatons que vous incitez les propriétaires qui cherchent la simplicité ou qui ne disposent pas des fonds nécessaires pour financer les travaux à ne pas les réaliser. Il est très important de rejeter cette mesure dangereuse.

Mme Julie Laernoes (EcoS). D’un point de vue pragmatique, ces amendements tendent à restreindre l’interdiction de location. J’ai été élue locale, chargée de l’énergie et du climat. L’axe principal de mon action était la rénovation énergétique, notamment celle des copropriétés qui, datant pour la plupart des années soixante-dix et alors qu’il n’existait aucune réglementation thermique des logements, étaient de véritables passoires énergétiques.

Interdire la location des passoires énergétiques incite les propriétaires de logements où les travaux sont absolument essentiels à plaider en faveur de tels travaux au sein de l’assemblée générale des copropriétaires, jusqu’à emporter son assentiment. Ces amendements offrent une échappée amoindrissant l’effet de cette « carotte » – ou de ce « bâton », selon le point de vue – au détriment d’une démarche visant à convaincre qu’un gain énergétique pour les locataires est aussi un gain énergétique pour les propriétaires.

Un tel assouplissement des dispositions vertueuses de la proposition de loi est bien trop fort. Je voterai résolument contre ces amendements.

M. Thibault Bazin (DR). Que nos collègues du Nouveau Front populaire se rassurent : les copropriétés de plus de cinquante lots – le seuil était auparavant de deux cents lots – ont l’obligation de voter un programme pluriannuel de travaux (PPT), faisant suite à un diagnostic de performance énergétique (DPE) et arrêtant des travaux visant à assurer tant la pérennité de l’immeuble que sa conformité aux exigences environnementales.

Toutefois, le PPT n’est pas toujours adéquat pour chaque logement individuel de la copropriété. Certains propriétaires peuvent estimer que l’efficacité des travaux ne bénéficiera pas à toute la copropriété ou que leur coût est trop élevé par rapport au bénéfice qui en résultera pour leur logement.

Ces amendements ne visent pas à rogner l’obligation de produire un PPT reposant sur un DPE. Ils visent les copropriétés dont le PPT n’est pas adéquat pour tous les logements, dont il est rare qu’ils aient tous une étiquette énergétique identique.

M. Lionel Causse (EPR). J’attends avec impatience les réponses du rapporteur, car je comprends les amendements comme nos collègues Lejeune et Laernoes : notre rôle est d’inciter les copropriétés à faire des travaux, non à voter des résolutions qui les en empêchent.

Il n’est pas absurde d’imaginer qu’une assemblée générale de copropriétaires peu nombreux vote des travaux sans jamais les réaliser, d’autant que la présente proposition de loi ne prévoit aucune borne chronologique. Nous devons faire preuve de vigilance si nous ne voulons pas inciter les copropriétaires à faire le contraire de ce que nous attendons d’eux. Notre rôle est d’aider les copropriétaires à prendre les bonnes décisions et de les accompagner à cet effet, non de leur offrir des astuces pour déroger aux règles.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Lorsque nous nous sommes attelés à la rédaction du texte et avons imaginé ses évolutions, ces inquiétudes étaient aussi les nôtres. Les arguments, présentés par mon collègue rapporteur, des personnes que nous avons auditionnées et avec lesquelles nous avons travaillé notre amendement, nous ont rassurés.

S’agissant de l’appréciation par le juge de la diligence des copropriétaires et des éléments prouvant que tout a été fait en matière de travaux intérieurs, je vois mal un copropriétaire refuser les travaux au niveau de la copropriété, puisque cela l’obligera à mettre énormément d’argent dans des travaux au niveau de son logement, par exemple en finançant son isolation intérieure, le changement des fenêtres ou celui du système de chauffage individuel. L’obligation de rénovation des logements individuels joue le rôle d’un garde-fou.

Par ailleurs, je présenterai après cette discussion l’amendement CE55, qui vise à inverser la charge de la preuve au sein de l’équilibre complexe du texte, afin de préserver les locataires du risque d’entente tacite des copropriétaires lors de l’assemblée générale pour organiser leur désaccord et se libérer de toute contrainte. Le texte inclut donc des garde-fous permettant de parer au risque de détournement du sens du texte.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous avons abordé la question lors de nos auditions. Notre objectif initial est de résorber une situation d’injustice provoquée par le droit en vigueur. Un bailleur faisant tout ce qu’il peut, notamment en matière financière et juridique, pour réhabiliter son logement dans ses parties privatives, qui y a consacré plusieurs milliers d’euros, ne pourra être sanctionné si la copropriété refuse de faire les travaux qu’elle doit faire.

Bien entendu, il faut encadrer le dispositif pour éviter les effets de bord, au premier rang desquels le risque d’entente évoqué par mon collègue Inaki Echaniz. L’amendement CE55 permet d’encadrer les modalités selon lesquelles le bailleur peut se prévaloir du refus de l’assemblée générale de la copropriété, pour éviter que les copropriétaires ne se mettent d’accord pour ne pas voter les travaux et considérer, ce faisant, qu’ils satisfont à leurs obligations énergétiques et qu’ils n’ont rien d’autre à faire.

Les amendements CE48 et CE55 sont parfaitement complémentaires. En tout état de cause, l’état actuel du droit ne peut être considéré comme satisfaisant. Il s’agit d’une modification significative du texte, visant à lever le blocage subi par un copropriétaire de bonne volonté ayant fait tout ce qu’il a pu, ayant réalisé les démarches de financement des travaux, mais empêché par l’assemblée générale.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE55 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Cet amendement vise à encadrer les aménagements que nous venons d’adopter, pour éviter toute invocation abusive par le bailleur. Le propriétaire devra être en capacité de démontrer qu’il a réalisé tous les travaux possibles. Sans attendre la saisine du juge, le locataire pourra demander au bailleur de justifier des contraintes techniques ou juridiques qu’il invoque et il pourra lui demander des attestations des professionnels concernés, par exemple en cas de refus d’urbanisme.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE33 de M. Lionel Causse

M. Lionel Causse (EPR). L’amendement vise à assurer la précision juridique de l’article 1er en insérant, à l’alinéa 5, les mots « de mise en conformité » après les mots « les travaux », ce qui permet de clarifier la nature des travaux envisagés, qui visent à mettre le logement en conformité avec les exigences de performance énergétique.

Suivant l’avis des rapporteurs, la commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE56 de M. Bastien Marchive, rapporteur.

Amendement CE34 de M. Lionel Causse

M. Lionel Causse (EPR). Cet amendement vise à suspendre l’application des niveaux de performance requis, pour les logements d’un immeuble soumis au statut de la copropriété, à partir de la décision de l’assemblée générale de procéder aux travaux de mise en conformité ou de l’adoption d’un PPT et ce, jusqu’à leur réalisation. Cette suspension serait limitée à une durée de cinq ans à compter de l’adoption d’un PPT et d’une mission de maîtrise d’œuvre par l’assemblée générale des copropriétaires. Si l’assemblée générale décide de réaliser les travaux sans adopter un PPT, la durée de suspension sera réduite à trois ans.

Il me semble indispensable de fixer des échéances maximales de réalisation des travaux. À défaut, certaines copropriétés ne les voteront pas et, nonobstant les dispositions que nous venons d’adopter, des immeubles entiers ne se conformeront pas aux objectifs que nous fixons.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Cette préoccupation est aussi la nôtre. L’exception constituée par une absence de vote des travaux par la copropriété ne doit pas repousser indéfiniment la mise en conformité avec les obligations énergétiques. Lors de nos auditions, nous avons abordé la question des délais ; en réalité, il n’y a pas de bon délai, car les situations sont diverses.

Les représentants de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) ont porté à notre attention des cas particuliers, qui sont parfois des cas types, de longs délais de réalisation des travaux, entre le moment où l’assemblée générale exprime la volonté d’engager des travaux et celui où elle les réceptionne : les décisions administratives, l’éventuelle consultation d’acteurs extérieurs tels qu’un architecte des bâtiments de France (ABF), les délais de mandatement, de réalisation des devis et des travaux, sont autant de points de blocage ou de ralentissement potentiels, sans oublier les éventuels contentieux soulevés par le permis de construire.

S’il est nécessaire d’encadrer le dispositif, fixer un délai n’est pas la bonne façon d’y parvenir. Nous sommes favorables à l’introduction de la notion de « délai raisonnable », telle qu’elle est prévue par l’amendement CE17 de notre collègue Stéphane Peu : elle-même encadrée, elle permettra au juge d’apprécier si le délai arrêté par la copropriété lors du vote des travaux et, le cas échéant, dans le projet de PPT (PPPT), est « raisonnable » à l’aune de l’ampleur des travaux, de leur complexité technique et, éventuellement, de tout autre élément que le juge voudra prendre en considération, tels que la diligence des copropriétaires, l’urgence d’une situation et le nombre de biens dans la copropriété non conformes aux obligations de décence énergétique.

Ainsi, nous laissons ce travail au juge ainsi qu’aux copropriétaires, aux syndics et aux maîtres d’œuvre, qui sont les mieux placés pour évaluer la durée des travaux. Cela permettra d’éviter les effets de bord.

Si nous fixons un délai (par exemple, cinq ans), certains travaux devront nécessairement durer plus longtemps et les copropriétaires seront injustement sanctionnés ; dans d’autres cas, les propriétaires attendront cinq ans pour réaliser des travaux qui pourraient être faits plus rapidement. Prévoir un délai dont l’application est incertaine a des effets pervers. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Je comprends l’esprit de l’amendement. Toutefois, les copropriétés de moins de cinquante lots et celles dont les immeubles ont été réceptionnés depuis moins de quinze ans ne sont pas soumises à l’obligation d’adopter un PPT. Les copropriétés de moins de cinquante lots ont parfois besoin de plus de trois ans pour réaliser des travaux.

Par ailleurs, il est possible de faire des travaux en site occupé pour éviter toute sortie provisoire du parc locatif et inciter au maintien dans les lieux des locataires, mais cela allonge la durée de ces travaux.

M. Lionel Causse (EPR). Le délai de cinq ans que je propose ne sort pas du chapeau. Il a été élaboré avec des professionnels et validé par l’Association nationale des gestionnaires de copropriété (ANGC), qui le juge approprié et suffisant.

Par ailleurs, l’amendement englobe les PPT – ce qui n’est pas sans importance, dans la mesure où nous traitons d’une situation susceptible de survenir au 1er janvier 2025. En effet, l’assemblée générale fixant un PPT précède celle qui décide des travaux : elles se suivent à un an d’intervalle, selon les professionnels de l’immobilier, ce qui donne une idée des délais usuels.

Inclure dans le dispositif l’assemblée générale fixant le PPT et le choix d’un maître d’œuvre permet de commencer la mise en location de certains logements. Il s’agit de faciliter celle-ci, tout en tenant compte des engagements et des contraintes de délai qu’ils induisent. Quant à la notion de « délai raisonnable », je n’en saisis pas la signification juridique. Dans l’attente de ce que décidera le juge, la rédaction du texte ne laisse pas de m’inquiéter.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous avons auditionné l’ANGC conjointement avec d’autres acteurs, tels que les représentants des syndics et des locataires. Nous avons évoqué avec eux la question des délais. Lorsque nous leur avons soumis les cas particuliers évoqués par l’Anil, tous ont reconnu qu’il y aura des effets de bord – ce qui n’est pas satisfaisant, s’agissant d’un texte visant précisément à les éviter. Ces effets de bord, nous les avons détaillés.

Quant à la notion de « délai raisonnable », nous ne l’avons pas inventée ni sortie du chapeau : elle est largement établie dans notre droit et semble particulièrement indiquée pour ce genre de cas.

Prévoir un délai identique pour une copropriété de deux cents logements et pour une copropriété qui n’en compte que deux manque de cohérence. De même, nous ne pouvons pas prévoir des délais de réalisation identiques dans une métropole, où le mandatement d’entreprises, la protection patrimoniale et les recours soulèvent des difficultés, et dans des secteurs où il est bien plus facile de faire des travaux.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE23 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). L’amendement vise à s’assurer que la dérogation à l’interdiction de location des passoires thermiques n’exempte pas les propriétaires de réaliser les travaux d’amélioration énergétique dans leur logement individuel, avant les travaux dans la copropriété.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je partage votre préoccupation. La réalisation de travaux à l’échelle d’une copropriété n’exempte pas d’encourager les copropriétaires à en faire dans leur logement individuel, s’il est possible d’en améliorer la performance énergétique.

Toutefois votre amendement, tel qu’il est rédigé, signifie que, pour que le vote des travaux par la copropriété soit considéré comme satisfaisant l’obligation de rénovation, il faut que le copropriétaire ait fait tous les travaux possibles dans son appartement. Il transpose les dispositions de l’alinéa précédent à une situation distincte. S’il est primordial d’exiger que le propriétaire ait fait tous les travaux possibles dans son logement pour qu’il se prévale de raisons techniques ou de décisions administratives l’empêchant d’atteindre le seuil exigé pour sa location, cela n’est pas nécessaire si les travaux votés au sein de la copropriété permettent d’atteindre ces objectifs.

Je souscris à la logique consistant à envoyer un signal politique, pas à la façon dont elle est mise en œuvre dans cet amendement, qui mériterait d’être retravaillé. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Romain Daubié (Dem). Je salue l’engagement général, en tant que parlementaire, de notre collègue David Taupiac. Dans son amendement, les mots « tous les travaux » peuvent donner lieu à de grandes difficultés d’interprétation : peut-être faut-il y ajouter les mots « raisonnablement possibles » ou « économiquement possibles » ? Nous sommes favorables à l’esprit de l’amendement et en soutiendrons, le cas échéant, une version retravaillée en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CE54 de M. Bastien Marchive et CE40 de M. Thibault Bazin, amendements CE24 de M. David Taupiac et CE29 de Mme Cyrielle Chatelain (discussion commune)

M. Bastien Marchive, rapporteur. Notre objectif est que l’obligation de rénovation énergétique soit réputée satisfaite si la copropriété s’est engagée juridiquement et financièrement dans la réalisation des travaux nécessaires pour atteindre les objectifs de décence énergétique. Les auditions ont montré que la référence au vote des travaux par l’assemblée générale n’est pas suffisante, car il intervient trop tard dans le processus de leur réalisation. Il s’agit aussi d’encadrer davantage les dispositions relatives au délai des travaux, pour faire en sorte que la copropriété soit davantage engagée dans le processus de leur réalisation.

L’amendement CE54 vise à fonder l’alinéa 6 sur la conclusion d’un contrat de maîtrise d’œuvre, reposant sur un audit énergétique et portant sur un projet de rénovation de nature à permettre le respect du niveau de performance exigible. Cette formulation est nettement plus claire que la simple mention des travaux, dont la réalisation intervient tard dans le processus.

Cela permet d’éviter les votes de principe non suivis d’effets. Il faut traiter les cas de PPPT adoptés mais jamais réalisés, tout en garantissant un engagement financier concret et manifestant la réalité de la volonté de la copropriété, qui devra, de manière pragmatique, avoir désigné un architecte et s’appuyer sur les conclusions d’un audit énergétique préalable pour que l’on considère qu’elle a véritablement engagé les travaux et qu’elle peut se prévaloir du fait que l’obligation de rénovation énergétique est satisfaite à ce titre.

M. Thibault Bazin (DR). Je m’attendais à examiner ces amendements conjointement avec mon amendement CE3 portant article additionnel après l’article 1er, qui est un amendement de repli. Je préfère fonder le dispositif sur l’adoption d’un PPT faisant suite à un DPE, plutôt que sur la conclusion d’un contrat de maîtrise d’œuvre reposant sur un audit énergétique et portant un projet de rénovation énergétique.

Certes, se fonder sur le vote des travaux laisse subsister un flou, mais cette indéniable amélioration ne traite pas toutes les situations – notamment le cas des copropriétés à plusieurs cages d’escalier, dont les contrats de maîtrise d’œuvre sont phasés. Ce point mériterait d’être travaillé dans le cadre de la navette parlementaire.

J’approuve la démarche visant à garantir un réel engagement tout en évitant une sortie du parc locatif, mais je crains qu’il ne subsiste des trous dans la raquette : si une copropriété réalise des travaux en plusieurs tranches, elle ne conclut pas d’emblée un contrat de maîtrise d’œuvre.

M. David Taupiac (LIOT). L’amendement CE24 vise à s’assurer que les travaux sont effectivement mis à exécution et que le propriétaire ne puisse pas se prévaloir indéfiniment de travaux votés par la copropriété. Je propose une limite de trois ans pour laisser le temps aux travaux de débuter.

M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit, afin de dissiper le flou de l’alinéa 6, de fixer un délai de réalisation des travaux après leur vote en assemblée générale. Il ne fait pas de doute que la mise en exécution du PPT n’est pas une garantie suffisante. Se fonder sur la réalisation des travaux dans un délai de trois ans, comme le prévoit l’amendement CE29, garantit l’effectivité de l’engagement de l’assemblée générale.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous suggérons le retrait des amendements CE40, CE24 et CE29 au profit de l’amendement CE54 ; à défaut, l’avis serait défavorable.

La rédaction de l’amendement CE24 attache le délai de trois ans non aux travaux, mais au vote, ce qui le rend inopérant. L’esprit de l’alinéa 6 est de faire dépendre la possibilité de louer son bien, dont jouit le bailleur, du vote des travaux sans attendre l’amélioration du DPE, laquelle sera de nature à améliorer la performance énergétique de son logement.

L’amendement CE29 précise que le vote des travaux par la copropriété devra faire suite à un PPPT. Cette restriction pose problème, car il est tout à fait possible de voter des travaux sans PPPT ; les copropriétaires passant directement à la phase de maîtrise d’œuvre sans passer par celle du PPPT en seraient pénalisés. Par ailleurs, le PPPT n’est pas obligatoire dans les copropriétés de moins de cinquante lots. Nous préférons au PPPT le vote d’une maîtrise d’œuvre assise sur un audit préalable, pour éviter des effets de bord.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’amendement de repli de monsieur Bazin soulève une question de coordination juridique, que nous aborderons lors de l’examen de l’article 2. Le PPT ne peut inclure d’engagement des copropriétaires à faire des travaux dans leur logement. S’il est heureux que la copropriété ne puisse contraindre un propriétaire s’agissant de son logement, la rénovation globale d’un immeuble suppose parfois des travaux sur les parties privatives. Toute tentative de concilier la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis bute sur cette difficulté.

M. Lionel Causse (EPR). Les amendements identiques vont dans le bon sens. Le problème que cherche à résoudre le texte se posera du 1er janvier 2025 à la fin des travaux. Il faut que la loi soit appliquée dès que possible après cette date pour éviter le développement d’une jurisprudence. Je souscris aux propos de notre collègue Thibault Bazin, selon lesquels le PPT est un outil juridique solide dont il faut tenir compte.

Par ailleurs, je suis toujours inquiet de l’absence de bornes chronologiques. Nous devons veiller, en rédigeant la loi, à éviter que tout s’achève au tribunal. Si nous adoptons des rédactions un tant soit peu aléatoires, nous allons finir par remplir nos tribunaux.

L’amendement CE24 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CE54 et CE40.

En conséquence, l’amendement CE29 tombe.

 

Amendements CE26 de Mme Louise Morel, CE16 et CE17 de M. Stéphane Peu, CE21 de Mme Claire Lejeune (discussion commune)

M. Romain Daubié (Dem). Il s’agit de limiter à cinq ans le délai alloué pour les travaux. Un bornage, dont nous sommes prêts à discuter le détail, est nécessaire. Il faut introduire une limite raisonnable en fonction des diverses contraintes – celles des artisans, celles découlant des dispositions en vigueur, celles des assemblées générales de copropriétaires et d’autres encore.

M. Stéphane Peu (GDR-NFP). L’amendement CE16 prévoit un délai de deux ans. L’amendement CE17 introduit une notion qui, si elle peut sembler floue, a une résonance juridique éprouvée : le « délai raisonnable ». Elle permet d’introduire un délai, ce qui est indispensable, en tenant compte de la diversité des situations, qui varient notamment en fonction de la taille, de l’emplacement, de l’ancienneté et de la composition des copropriétés. Par ailleurs, cette notion est juridiquement opposable. Je retire l’amendement CE16 au profit de l’amendement CE17.

Les amendements CE16 et CE21 sont retirés.

M. Bastien Marchive, rapporteur. La variété des durées proposées, d’un à cinq ans, montre qu’aucun délai ne convient parfaitement pour traiter toutes les situations. Une assemblée générale à laquelle il est demandé de se prononcer dans un délai raisonnable ne le fera pas arbitrairement, mais sur la base d’un audit énergétique et des réflexions qu’elle aura menées à partir de ce que lui auront dit les professionnels du secteur qui, bons connaisseurs des contraintes et des risques inhérents aux bâtiments et à leur environnement, seront en mesure d’en donner une estimation.

Si un contentieux naît parce qu’un locataire estime que le délai est trop long ou si un propriétaire s’estime lésé par un délai adopté en assemblée générale, dont il estime qu’il est inadéquat, la possibilité demeure d’aller devant le juge et d’expliquer pourquoi ce délai serait déraisonnable, trop long ou trop court. Cela permet d’éviter les effets de bord et de « coller » véritablement à toutes les situations. Mes chers collègues, un peu de confiance envers le juge !

M. Lionel Causse (EPR). Certes, mieux vaut un délai raisonnable qu’aucun délai. Je rappelle toutefois qu’un pourvoi en cassation allonge une procédure judiciaire de quatre ans. Rien ne sert de débattre des délais, il faut tenir compte du fait que le juge ne prendra position qu’après plusieurs années.

M. Romain Daubié (Dem). Monsieur le rapporteur, je comprends que vous souhaitiez introduire de la souplesse dans le texte et faire confiance au juge. Toutefois, il peut en résulter des centaines de jurisprudences et d’appréciations distinctes.

Par ailleurs, il faut tenir compte des moyens et des délais de la justice. À multiplier les textes non pas mal rédigés mais imprécis, excessivement sujets à interprétation ou renvoyant trop fréquemment à la décision du juge, nous ne rendons pas service à la justice, aux délais de jugement et aux justiciables.

M. Stéphane Peu (GDR-NFP). Je regrette d’avoir cédé à la précipitation en retirant l’amendement CE16. Prévoir un délai de deux ans n’était pas absurde, dans la mesure où, s’il est objectivement trop court dans une situation donnée, il est possible d’en faire état devant le juge, qui peut considérer que le délai est inadéquat et ne prononcer aucune sanction. Un délai de deux ans comme la notion de délai raisonnable permettent d’introduire de la souplesse.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. La question du délai a longuement été évoquée lors de nos auditions. Des experts que nous avons auditionnés, nous avons tout entendu en matière de délai – d’un à dix ans. Rien ne justifiant que nous en retenions un au détriment des autres, nous avons opté pour la notion de « délai raisonnable ». Toutefois, sensible à l’argumentaire que vient de développer notre collègue Stéphane Peu, je suggère que nous adoptions l’amendement CE17, sans nous interdire de réfléchir plus avant d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. Bastien Marchive, rapporteur. C’est un point difficile : il y a énormément de situations différentes et il faut répondre à chacune. Je suis moi aussi sensible aux arguments qui viennent d’être développés.

S’agissant des délais dus à l’engorgement des tribunaux, les syndics de copropriété sont chargés de veiller à la bonne application de la loi et de conseiller les copropriétaires, notamment sur cette question. C’est important pour éviter d’éventuels contentieux.

Successivement, la commission rejette l’amendement CE26 et adopte l’amendement CE17.

 

Amendements identiques CE15 de M. Stéphane Peu et CE22 de M. François Piquemal

M. Stéphane Peu (GDR). Nous demandons la suppression de l’alinéa 7. Le code civil comprend déjà toutes les dispositions nécessaires : un locataire ne peut pas juridiquement s’opposer à des travaux.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je partage vos préoccupations. Si cet alinéa est nécessaire pour sécuriser les bailleurs, il faut le compléter et renvoyer au e) de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 afin de sécuriser les locataires, ce que nous vous proposerons avec l’amendement CE50. Aux termes du e) de l’article 7, le bailleur ne peut se prévaloir d’un refus du locataire que s’il l’a informé par lettre recommandée de la nature et des modalités d’exécution, ce qui suppose au moins qu’il lui a fourni un devis ; de même, le locataire peut refuser les travaux – sans relever le bailleur de ses obligations – si le projet présente un caractère abusif ou vexatoire. Les bailleurs ne doivent pas pouvoir abuser de cette disposition, ni faire pression sur le locataire pour repousser les travaux. Demande de retrait.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE50 de M. Inaki Echaniz et CE28 de Mme Cyrielle Chatelain (discussion commune)

M. Inaki Echaniz, rapporteur. C’est l’amendement que j’évoquais : il tend à rattacher la disposition de l’alinéa 7 au droit existant, afin de clarifier le droit – en rappelant que le locataire viole ses obligations s’il s’oppose sans motif aux travaux de mise en conformité – mais aussi de protéger le locataire et d’éviter les abus. La référence à l’article 7 de la loi de 1989 signifie que le locataire ne sera considéré comme s’étant opposé aux travaux que si le propriétaire a lui-même respecté la procédure prévue à cet article.

Cet amendement permet donc d’atteindre un équilibre entre les droits respectifs du bailleur et du locataire et d’éviter les ententes tacites entre bailleur et locataire pour repousser la réalisation des travaux, comme les pressions.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Notre amendement participe du même esprit : il s’agit de protéger les locataires, mais aussi d’éviter les ententes tacites, c’est-à-dire l’hypothèse où propriétaire et locataire se mettraient d’accord pour refuser les travaux.

M. Thibault Bazin (DR). Votre amendement ne fait que reprendre le droit existant, messieurs les rapporteurs. Pourquoi répéter ces dispositions ? J’y vois une forme de méfiance vis-à-vis des propriétaires. Je plaide, moi, pour une relation de confiance.

M. Frédéric Falcon (RN). J’irai dans le sens de notre collègue Thibault Bazin : ces dispositions figurent déjà dans le droit commun. Pourquoi les reprendre ici ? C’est kafkaïen. Le recours systématique au juge est un vrai péril pour la mise en location des biens vacants : le risque de contentieux est le plus élevé pour les petits bailleurs.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous souhaitons qu’un locataire qui ferait volontairement obstacle aux travaux ne puisse pas se prévaloir par la suite du fait que les travaux n’ont pas été réalisés pour demander une diminution de son loyer. Ce serait injuste et illogique.

Je partage en revanche les inquiétudes sur la systématisation du recours au juge. La référence à l’article 7 détermine les cas où la faute du locataire pourra être reconnue s’il fait obstacle aux travaux et les obligations du bailleur pour imposer ces travaux : le bailleur doit informer le locataire et lui transmettre des documents décrivant le projet. Notre amendement vise justement à éviter les contentieux en clarifiant les obligations des uns et des autres.

La commission adopte l’amendement CE50.

En conséquence, l’amendement CE28 tombe.

 

Amendements identiques CE4 de M. Thibault Bazin et CE10 de M. Frédéric Falcon

M. Thibault Bazin (DR). Le droit actuel prévoit déjà la possibilité, pour le locataire, de demander au juge une réduction de loyer en cas d’indécence énergétique. Je propose donc la suppression des alinéas 8 et 9. Laissons le droit déjà applicable s’appliquer.

M. Frédéric Falcon (RN). Ces deux alinéas sont les points noirs de cette proposition de loi et nous proposons également de les supprimer. Vous incitez les locataires à saisir la justice pour obtenir une réduction de loyer quand le logement n’a pas la classe de DPE souhaitée : vous risquez de compromettre la mise en location de millions de logements aujourd’hui vacants.

Et sur quoi le juge se fondera-t-il pour évaluer le préjudice ? Le risque d’inégalité de traitement entre justiciables est grand.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous n’incitons personne à faire des recours, nous donnons seulement les moyens aux locataires de faire respecter leur droit à vivre dans un logement décent.

La loi prévoit aujourd’hui le cas d’une indécence générale du logement. L’indécence au sens général affecte l’ensemble du cadre de vie, alors que l’indécence énergétique est avant tout un préjudice financier : ce n’est pas exactement la même chose. Quand l’indécence générale permet d’aller jusqu’à une suspension complète du loyer, nous proposons qu’en cas d’indécence énergétique, la diminution du loyer se limite au préjudice subi par le locataire.

Par ailleurs, l’indécence générale ne peut entraîner une diminution de loyer qu’à partir du moment où le juge ordonne des travaux – ce qui peut être tard, car les contentieux peuvent être longs ; cela semble injuste dans le cas de l’indécence énergétique, où le locataire subit ce préjudice au moins à partir du moment où il a demandé la réalisation des travaux. Nous modifions donc aussi le moment à partir duquel le locataire peut être indemnisé.

Enfin, nous prenons en considération la diligence du propriétaire, afin de ne pas sanctionner de la même manière un propriétaire qui a fait ce qu’il pouvait et un autre qui serait de mauvaise foi.

Nous souhaitons ainsi créer un régime particulier relatif à l’indécence énergétique, mieux encadré, plus protecteur du bailleur – parce que nous plafonnons le montant de la réduction de loyer et parce que nous prenons en considération sa diligence – mais aussi plus protecteur du locataire – parce qu’il y a une sorte de rétroactivité de la réduction de loyer.

M. Thibault Bazin (DR). Vous créez un régime spécifique sans remettre en cause le régime actuel. S’il y a deux contentieux, que se passe-t-il ? Les éventuelles réductions de loyer se cumulent-elles ? J’ai peur que nous ne finissions par dissuader les propriétaires de mettre leurs biens en location. N’allons pas trop loin.

M. Lionel Causse (EPR). Je comprends la philosophie de la proposition de loi, mais j’ai peur que ces dispositions ne finissent par se retourner contre des locataires en difficulté. Il serait bon d’évaluer, dans un premier temps, les dispositions relatives au gel des loyers, qui, lui, est automatique.

M. Frédéric Falcon (RN). Le risque de contentieux est dissuasif et ce sera un sérieux frein à la remise en location de logements vacants.

Je sais bien qu’avec le socialisme, on dépense l’argent des autres, pour paraphraser une célèbre première ministre britannique. Mais que se passe-t-il si le propriétaire n’a pas les moyens d’exécuter les travaux ? Que se passe-t-il s’il n’a pas la capacité financière pour subir une baisse de ses revenus fonciers ? Les petits propriétaires ont souvent des crédits, ils ont des charges, des contraintes. Avez-vous réfléchi à cette situation ? Ces propriétaires finiront par devoir vendre au rabais à des opportunistes, à des financiers.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Monsieur Falcon, vous prétendez défendre le pouvoir d’achat des Français : que dites-vous aux locataires qui doivent chaque mois dépenser des sommes conséquentes pour se chauffer convenablement ? Visiblement, ils ne vous intéressent pas.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je reviens sur l’articulation des deux régimes. Il ne s’agit en aucun cas de les cumuler : ce sont deux situations différentes. Il existe aujourd’hui une notion générale d’indécence, qui comprend notamment l’indécence énergétique, mais pas uniquement, et qui prévoit un mécanisme de réduction de loyer si le propriétaire ne respecte pas ses obligations ; nous ne changeons pas ce grand principe. Ce que nous disons, c’est que le préjudice né de l’indécence énergétique est spécifique ; nous proposons donc un mécanisme d’indemnisation spécifique.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE51 de M. Bastien Marchive

M. Bastien Marchive, rapporteur. Cet amendement crée le régime spécifique relatif à l’indécence énergétique, que je viens de présenter.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE27 de Mme Louise Morel tombe.

 

Amendement CE52 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Cet amendement prévoit une mesure spécifique pour les logements G+, considérés comme énergétiquement indécents depuis le 1er janvier 2023. La gravité de l’indécence énergétique de ces logements justifie que le juge puisse prononcer une baisse de loyer permanente, qui reste proportionnée au préjudice subi par le locataire, mais qui ne s’arrête pas à la fin des travaux que le juge a ordonnés quand ces travaux ne permettent pas de sortir du statut G+.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE6 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Lorsque cette proposition de loi a été imaginée par notre ancien collègue Guillaume Vuilletet, nous étions au printemps et il était possible d’espérer qu’elle soit adoptée avant le 31 décembre. Il y a maintenant peu de chances que cela arrive.

Or, le 1er janvier 2025, il sera interdit de louer les logements classés G, dont certains pourraient pourtant être concernés par certaines des dispositions que nous venons d’adopter. Qu’allons-nous dire à ces propriétaires ? Allons-nous les assurer qu’une loi viendra les sécuriser, mais plus tard dans l’année et qui ne sera pas rétroactive pour autant ? Ils sont dans une situation de grande insécurité juridique et nous risquons de voir ces logements sortir massivement du marché.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Vous avez bien résumé la situation. C’est un texte d’urgence, mais il ne sera sans doute pas adopté assez tôt pour s’appliquer dès le 1er janvier 2025. Toutefois, votre amendement présente un problème de rédaction. Je vous invite à le retirer. Nous en reparlerons en séance publique.

M. Thibault Bazin (DR). Le Gouvernement pourrait prévoir un cadre transitoire. J’espère qu’une solution sera trouvée en séance, peut-être un engagement de traiter le problème par décret.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE3 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement prévoit que, dans le cas où un programme pluriannuel de travaux a été adopté, l’interdiction de location de logements individuels est suspendue pendant la durée d’exécution du PPT. Dans certaines copropriétés, le vote de maîtrise d’œuvre peut en effet être retardé.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Avis défavorable. La référence au PPT ne suffit pas, dans la mesure où elle ne constitue pas un engagement ferme, contrairement au contrat de maîtrise d’œuvre. De plus, toutes les copropriétés n’ont pas de PPT et celui-ci ne peut pas garantir que les logements individuels de la copropriété atteignent le niveau de performance énergétique exigé – raison pour laquelle nous vous proposerons tout à l’heure la suppression de l’article 2.

M. Thibault Bazin (DR). Le PPT n’est pas obligatoire, mais même les copropriétés de moins de cinquante lots peuvent en adopter un. Je suis moins sûr que vous qu’il ne constitue pas un engagement financier : dès lors qu’il existe, il y a une provision pour travaux dans chaque appel de charges reçu par les copropriétaires.

M. Lionel Causse (EPR). Je rejoins notre collègue Thibault Bazin : au 1er janvier 2025, chaque copropriété doit, en principe, disposer d’un PPT.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Certes, le syndic peut déclencher un appel de fonds dans le cadre d’un PPT, mais le montant de ces appels de fonds est faible et le décaissement n’intervient que plus tard, au moment de payer les entreprises.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il y a sept cent cinquante mille logements classés G mis en location aujourd’hui ; parmi eux, 255 000 seulement appartiennent à des copropriétés. Parmi les autres, les logements en monopropriété, dont certains ont été divisés en appartements ; or ces monopropriétaires choisissent souvent de ne plus louer ces logements. À cet égard, la situation parisienne est très inquiétante, malgré tous les efforts de la Ville.

Si nous voulons éviter des sorties massives du parc locatif, nous devons travailler à l’équivalent d’un PPT pour les monopropriétés : elles s’engageraient à faire des travaux et pourraient continuer à louer.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’amendement CE2 prévoit seulement un report de calendrier. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE7 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit encore d’un amendement d’appel, destiné à éviter une sortie massive de logements du parc locatif dès le 1er janvier.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Avis défavorable. Mais je partage votre souhait d’aboutir en séance publique à une solution quant à la rétroactivité.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 2 (articles 6, 7, 201 et 411 de la loi n° 89462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs) : Inscription des obligations de mise en conformité énergétique des logements loués dans le plan pluriannuel de travaux des copropriétés

 

Amendements de suppression CE53 de M. Bastien Marchive, CE11 de M. Frédéric Falcon et CE35 de M. Thibault Bazin

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous avions l’ambition de rendre les PPT plus engageants pour la copropriété. Il est toutefois apparu que cette proposition de loi, qui modifie surtout la loi de 1989, n’est pas le bon véhicule pour cela. La coordination juridique avec la loi du 10 juillet 1965 pose de réelles difficultés : cela a été unanimement souligné pendant nos auditions.

Nous vous proposons donc de supprimer cet article.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement CE5 de M. Thibault Bazin tombe.

 

 

Après l’article 2

 

Amendement CE25 de Mme Louise Morel

M. Romain Daubié (Dem). Nous proposons que le fonds de travaux prévu par la loi de 1965 puisse financer des travaux permettant la mise en conformité avec les obligations de décence énergétique.

M. Bastien Marchive, rapporteur. C’était le pendant de l’article 2… mais il pose les mêmes problèmes de coordination et d’engagement d’une copropriété pour des logements individuels. Demande de retrait.

M. Romain Daubié (Dem). Vos arguments me semblent raisonnables, mais, s’agissant d’un amendement dont je ne suis pas le premier signataire, je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE30 de M. Lionel Causse

M. Lionel Causse (EPR). Cet amendement vise à instaurer la majorité simple pour les votes de mise en œuvre des travaux d’économie d’énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre, élevant ainsi au rang de priorité la rénovation énergétique des immeubles au sein du processus de décision de l’ensemble des copropriétés.

Il est nécessaire de faciliter toute prise de décision dans ce domaine, afin d’accélérer la rénovation des immeubles. Il faut plus de simplicité et de rapidité.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous avons débattu des modalités de prise de décision des copropriétés dans le cadre de la loi du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé. Votre amendement est en partie satisfait, puisque l’article 25-1 de la loi de 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que « lorsque le projet de résolution a pour objet la réalisation de travaux […] et qu’il n’a pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, une nouvelle assemblée générale, si elle est convoquée dans un délai de trois mois sur un projet identique, peut statuer à la majorité prévue à l’article 24. »

Vous proposez de supprimer la première étape du vote ; je le comprends, mais cela risque d’entraîner un long débat en séance sur les règles de majorité. Or nous disposons de peu de temps et ce n’est pas véritablement l’objet de la proposition de loi.

M. Lionel Causse (EPR). Cet amendement permettrait d’harmoniser les règles de majorité entre les votes qui concernent les travaux de rénovation et ceux qui concernent les travaux d’efficacité énergétique. Le problème est que les copropriétés peuvent voter les premiers, y compris les ravalements de façade, dans les conditions prévues par l’article 24 de la loi de 1965, mais pas les travaux d’économies d’énergie ; il faut au contraire faciliter ces derniers. Cette disposition a été retirée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi relatif à l’habitat dégradé ; j’espère que, cette fois, l’Assemblée nationale tiendra bon.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je viens de vous lire le texte en vigueur. Je le répète, les délais contraints ne nous permettent pas de rouvrir ce débat.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE12 et CE13 de M. Frédéric Falcon (discussion commune)

M. Frédéric Falcon (RN). Il s’agit de supprimer les contraintes du DPE ou, à défaut, de revoir le calendrier prévu par la loi Climat et résilience. Le rythme qui est imposé n’est pas soutenable financièrement pour les Français, dans un contexte de dégradation des finances publiques et de baisse du pouvoir d’achat. Par ailleurs, les contraintes du DPE risquent de provoquer des contentieux qui rempliront les tribunaux et s’éterniseront.

Nous voulons créer un choc d’offre, sachant que plusieurs millions de logements sont vacants. Les mesures que vous proposez ne contribueront pas à les remettre sur le marché, mais accroîtront au contraire la vacance. Les Français sont favorables à la rénovation énergétique, mais 70 % d’entre eux souhaitent un calendrier moins contraint. Il faut réintroduire de la liberté et de la souplesse.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous constatons l’opposition persistante de l’extrême droite à l’égard d’une mesure déterminante pour lutter contre la vie chère et protéger les gens du froid et des vagues de chaleur.

M. Frédéric Falcon (RN). Je m’inscris en faux contre les procès en climato-scepticisme dont votre groupe est coutumier à notre égard. Nous sommes favorables à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à condition qu’elle soit soutenable économiquement. Par ailleurs, ce n’est pas nous qui avons causé la précarité énergétique. C’est bien sous l’effet des taxes et de la politique d’Emmanuel Macron que le prix de l’énergie a explosé.

Je réitère ma question : que fera-t-on des six millions de logements qui resteront des passoires thermiques après les travaux ? Resteront-ils vides ou seront‑ils loués malgré tout ?

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Tout ce qui est excessif est insignifiant.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE32 de M. Lionel Causse

M. Lionel Causse (EPR). Je sollicite un rapport sur l’opportunité d’inclure le confort d’été dans le DPE. Les vagues de chaleur posent en effet de plus en plus de difficultés.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Le DPE tient compte du coût financier et environnemental lié au chauffage mais n’intègre pas encore la notion de « confort d’été », qui deviendra prégnante sous l’effet du réchauffement climatique. Avis favorable.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. J’abonde dans votre sens. Après les passoires thermiques, nous devons aborder le sujet des bouilloires thermiques. Un rapport sera utile pour y apporter des réponses. Avis favorable.

M. Thibault Bazin (DR). Commençons par montrer l’exemple dans nos propres locaux !

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous ne pouvons pas nous contenter de demander un rapport au gouvernement ; une révision du DPE s’impose. Puisqu’un plan national d’adaptation au changement climatique est censé être élaboré, nous devons impérativement intégrer le sujet de la chaleur estivale dans les outils de performance énergétique.

M. Lionel Causse (EPR). Au-delà de mon amendement d’appel, je suis évidemment favorable à ce que nous allions plus loin et déposions collectivement un nouvel amendement en séance.

La commission adopte l’amendement.

 

Titre : Proposition de loi visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leurs modalités d’application en copropriété

 

Amendement CE1 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Les échanges de ce matin me font penser que le titre de la proposition de loi ne correspond pas exactement aux dispositions que nous avons votées. Je doute que nous parvenions à éviter les litiges et nous souhaitons avant tout préserver le parc locatif. Je propose donc l’intitulé suivant : « Proposition de loi visant à éviter d’aggraver la crise du logement par une sortie massive de logements du parc locatif ».

M. Bastien Marchive, rapporteur. Il est encore un peu tôt pour modifier le titre ; attendons de voir les dispositions qui seront votées en séance. C’est plutôt en commission mixte paritaire que l’on procède à des modifications de ce genre.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 


   Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

 

 

Table ronde :

Association des responsables de copropriété (ARC Copro)

M. Émile Hagège, directeur général

Union sociale pour l’habitat (USH)

M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires

M. Alban Charrier, directeur adjoint de la direction de la maitrise d’ouvrage et des politiques patrimoniales

Mme Barbara Fourcade, responsable du pôle gestion locative au sein de la direction juridique et fiscale

Union Nationale des Propriétaires Immobiliers (UNPI)

M. Michel Dubois, conseiller spécial du président

Audition commune :

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

M. Gilles Aymoz, directeur adjoint villes et territoires durables

Mme Albane Gaspard, coordinatrice scientifique et technique de la prospective du bâtiment et de l’immobilier

Collectif Rénovons

M. Damien Barbosa, chargé de campagne

 

 

 

Table ronde :

Union des syndicats de l’immobilier (UNIS)

Mme Danielle Dubrac, présidente

M. Géraud Delvolve, délégué général

Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM)

M. Loic Cantin, président

Mme Joëlle Goepfert, directrice de cabinet

Association Nationale des Gestionnaires de Copropriété (ANGC)

M. Gilles Frémont, président

Audition commune :

Association nationale de consommateurs et usagers (CLCV)

M. Yves Mano, président

M. David Rodrigues, juriste

Fondation Abbé Pierre

M. Manuel Domergue, directeur des études

Agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL)

Mme Cécile Can, chargée d’études juridiques 

M. Louis du Merle, directeur juridique

Mme Roselyne Conan, directrice générale

Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

M. Vincent Montrieux, adjoint au directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

M. Antoine Caron, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction

M. Thomas Zuelgaray, adjoint au sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction

M. Aurélien Hauser, adjoint au sous-directeur de la législation de l’habitat et des organismes de logement social

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) Proposition de loi n° 2596, enregistrée le 2 mai 2024.

([2]) Rapport d’information n° 2706 du Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale (juin 2024).

([3]) Décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021.