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N° 698

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 décembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer (n° 522 rect.)

PAR Mme BÉatrice BELLAY

Députée

——

 

 

 

 

 Voir le numéro : 522 rect.


SOMMAIRE

___

  Pages

Introduction

I. Une crise de la vie chère persistante et exacerbée, renforcée par des degrés élevés de concentration économique au sein des territoires ultramarins

A. Un phénomène de vie chère multifactoriel, multidimensionnel et persistant, asphyxiant les consommatrices et les consommateurs des pays des océans dans leur quotidien

1. Des Pays des océans toujours confrontés à un phénomène de vie chère multidimensionnel, relevant de causes à la fois structurelles et conjoncturelles

a. La vie chère dans les Pays des océans, alimentée par des causes structurelles et conjoncturelles

b. La vie chère, terreau des contestations et des crises sociales

2. Des écarts de prix démesurés entre les territoires ultramarins et l’Hexagone

a. La vie chère, un phénomène multidimensionnel

b. Des écarts de prix démesurés et persistants

3. La lutte contre la vie chère, un combat social et institutionnel de longue haleine

B. Un phénomène de concentration économique qui ne favorise pas la baisse des prix en outre-mer

1. Une structuration oligopolistique, voire monopolistique, des marchés ultramarins

2. Une accumulation de coûts et de marges le long de la chaîne de valeur

3. Une concentration d’acteurs menant des stratégies d’intégration verticale et horizontale, leur donnant la capacité de peser sur les prix

4. Un tissu industriel présent mais insuffisamment compétitif

a. En Martinique

b. À La Réunion

c. En Guyane

d. En Guadeloupe

e. À Saint-Pierre-et-Miquelon

II. L’incapacité des dispositifs existants à réduire le coût de la vie au sein des pays des océans appelle à la mise en œuvre de dispositifs ambitieux proposant une plus forte régulation des prix et des concentrations économiques

A. Les dispositifs existants se sont avérés insuffisants pour réduire efficacement le coût de la vie des ultramarins et assurer une transparence dE la formation des prix

1. Des dispositifs insuffisants pour réduire le coût de la vie des ultramarins

a. Les observatoires des prix, des marges et des revenus : des instances essentielles, sans véritables moyens dédiés, sans personnalité morale et sans pouvoirs propres

i. Une composition variable des observatoires des prix, des marges et des revenus au sein des territoires ultramarins

ii. Des observatoires des prix, des marges et des revenus paradoxalement dans l’incapacité d’analyser les prix, les marges et les revenus

iii. Une instance aux moyens humains et financiers quasiment inexistants

iv. Une instance sans personnalité morale et sans pouvoirs propres

v. Une instance aux liens distendus, voire quasi-inexistants avec l’Autorité de la concurrence

b. Le bouclier qualité-prix (BQP) : une portée existante mais limitée

i. Un outil pour encadrer la vie chère sur un panier regroupant certains produits de grande consommation

ii. Un outil présentant cependant de nombreuses limites

c. Une possibilité de reprise en main de la fixation du prix par le préfet en cas d’échec des négociations BQP, jamais appliquée jusqu’alors

2. L’état du droit actuel ne permet pas d’assurer une transparence suffisante sur la formation des prix

a. Un non-respect de l’obligation de publication des comptes persistant et exacerbé au sein des Pays des océans

b. Un manque de transparence persistant sur la formation des prix, et notamment sur les marges arrière

c. Des degrés de concentration demeurant à des niveaux élevés, malgré des seuils de notification spécifiques aux territoires ultramarins et au commerce de détail et des dispositifs de répression des pratiques « antitrust »

i. Sur le volet prévention des concentrations : des seuils de notification spécifiques aux territoires ultramarins et au commerce de détail

ii. Sur le volet répression des concentrations : des dispositifs du droit de la concurrence visant à lutter contre les concentrations économiques excessives déjà constituées

iii. L’injonction structurelle, un outil spécifique aux territoires ultramarins

iv. Les pratiques restrictives de concurrence, sanctionnées par la DGCCRF

B. Face à ces insuffisances, la proposition de loi vise à prendre des mesures d’urgence ambitieuses contre la vie chère pour une meilleure régulation de la concentration des acteurs économiques au sein des pays des océans afin de protéger les populations

1. Renforcer le rôle des observatoires des marges, des prix et des revenus (OPMR) et l’effectivité du bouclier qualité-prix (BQP)

a. Revaloriser le rôle et renforcer les moyens des OPMR

i. Substituer l’avis préalable à l’intégration directe des OPMR aux négociations BQP : une fausse bonne idée ?

ii. Prévoir un découpage territorial plus fin et plus grande spécialisation des OPMR pour leur permettre de se rapprocher du terrain

iii. Revaloriser les moyens humains et financiers des OPMR

b. Renforcer le dispositif du bouclier qualité-prix

i. Rendre les accords de modération des prix plus exigeants

ii. Élargir le nombre de produits au sein des dispositifs BQP

iii. Mettre en place une stratégie de « name and shame » pour les acteurs refusant de participer aux négociations BQP

iv. Mettre en œuvre un dispositif de comparaison des prix à destination des populations ultramarines

c. Prévoir des sanctions pour donner une pleine effectivité au BQP

i. Sanctionner l’indisponibilité récurrente des produits BQP en prévoyant un taux maximum d’indisponibilité admissible des produits BQP fixé par décret

ii. Un outil sanctionnant le non-respect du prix global qui serait fixé unilatéralement par le préfet en cas d’échec des négociations du BQP

2. La nécessité d’assurer une transparence sur la constitution des prix, notamment s’agissant des marges des grands distributeurs

a. Sanctionner plus durement le non-respect de l’obligation de publication des comptes

b. Instaurer une transparence sur la constitution des prix et des marges arrière

3. Encadrer et limiter les concentrations économiques de manière plus ambitieuse

a. Généraliser le seuil de notifications des concentrations économiques à 5 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’ensemble des domaines d’activité économique au sein des outre-mer

b. Renforcer les moyens de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence pour qu’elle puisse assurer un contrôle des concentrations en Outre-mer

c. Prévoir un seuil spécifique aux territoires ultramarins s’agissant des autorisations d’exploitation commerciale (AEC).

Commentaire des articles

Article 1er (article L. 4105 du code de commerce) Rehausser l’ambition du bouclier qualité-prix pour que les prix pratiqués au sein des outre-mer soient équivalents à ceux pratiqués en moyenne dans la France hexagonale

Article 2 (articles L. 123-5-2 et L. 611-2 du code de commerce) Renforcer les sanctions en cas de non-respect de l’obligation de publication des comptes

Article 3 (articles L. 430-2 et L. 752-1 du code de commerce) Appliquer le seuil spécifique Outre-mer de notification des concentrations de 5 millions d’euros pour le commerce de détail à l’ensemble des domaines d’activité économique au sein des Outre-mer

Article 4 (nouveau) (article L. 420-2 du code de commerce) Interdire aux groupes de distribution de détenir plus de 25 % de parts de marché dans une collectivité ultramarine

ANNEXES

EXAMEN EN COMMISSION

LISTES DES PERSONNES AUDITIONNÉES

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 


 

   Introduction

Depuis plusieurs décennies, les habitants des Pays des océans dits « d’Outre-mer », font face à une problématique persistante : un coût de la vie exorbitant. Les prix à la consommation apparaissent significativement supérieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone. L’enquête de comparaison spatiale des prix de l’Insee, publiée en 2022, comparant les niveaux de prix entre les différents territoires français, révèle un écart frappant de 40 % en moyenne pour les produits alimentaires, impactant lourdement le pouvoir d’achat des 2,8 millions de Français vivant dans ces territoires ultramarins.

Cette situation contraint de nombreux ménages - dont 30 à 70 %, suivant les territoires, vivent sous le seuil national de pauvreté, soit avec moins de 1 014 euros par mois - à consacrer une part disproportionnée de leurs revenus aux produits de première nécessité, renforçant les inégalités socio-économiques et limitant la satisfaction de besoins essentiels tels que le logement, la santé, l’accès aux transports ou encore à une alimentation de qualité.

Ce phénomène de vie chère s’explique par plusieurs facteurs structurels : l’insularité, l’éloignement géographique, une forte dépendance aux importations, mais également à des marchés souvent dominés par des structures oligopolistiques. Ces éléments génèrent des surcoûts qui pèsent directement sur les consommateurs et aggravent les disparités économiques et sociales.

Malgré des initiatives législatives telles que la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, portée par Victorin Lurel, qui instaurait le dispositif du « bouclier qualité-prix » (BQP) pour encadrer et modérer les prix de quelques produits de consommation courante dans une logique conventionnelle de négociations avec les parties prenantes, les résultats obtenus peinent à convaincre les habitants de ces territoires, qui souhaitent pouvoir se nourrir et vivre dignement. Il ne parvient pas à impacter positivement la réalité du prix du panier moyen des ménages.

La cherté de la vie dans les Pays des océans dépasse la dimension économique : elle représente un défi social et de développement territorial majeur. Elle creuse le fossé entre ces territoires et l’Hexagone, alimentant un profond sentiment d’injustice et de relégation chez leurs habitants. Par exemple, certains produits de consommation courante – aliments, services de téléphonie ou pièces détachées pour automobiles – peuvent coûter jusqu’à cinq fois plus cher que dans l’Hexagone, exerçant une pression constante sur les budgets des ménages les plus modestes.

Dans ce contexte, cette proposition de loi vise à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère, afin de réduire cette pression étouffante sur les habitants des Pays des océans. Elle vise ainsi à élargir les produits et les secteurs concernés par le « bouclier qualité-prix », à renforcer les moyens et les compétences des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), à rendre plus dissuasives les sanctions contre les entreprises qui ne jouent pas le jeu de la transparence et à abaisser les seuils de contrôle des concentrations économiques. Ce texte se propose d’être une première étape pour garantir aux citoyens des Pays des océans un accès équitable aux biens et services, tout en soutenant l’initiative et le développement économique local.

I.   Une crise de la vie chère persistante et exacerbée, renforcée par des degrés élevés de concentration économique au sein des territoires ultramarins

A.   Un phénomène de vie chère multifactoriel, multidimensionnel et persistant, asphyxiant les consommatrices et les consommateurs des pays des océans dans leur quotidien

1.   Des Pays des océans toujours confrontés à un phénomène de vie chère multidimensionnel, relevant de causes à la fois structurelles et conjoncturelles

a.   La vie chère dans les Pays des océans, alimentée par des causes structurelles et conjoncturelles

Les Pays des océans, dits « d’outre-mer », sont confrontés à une problématique persistante : celle d’un coût de la vie particulièrement élevé par rapport à l’Hexagone.

Ce phénomène de vie chère résulte d’une combinaison complexe de facteurs structurels et conjoncturels qui affectent directement le pouvoir d’achat des populations ultramarines, captives sur des marchés exigus où l’offre économique est restreinte.

Sur le plan structurel, se combinent notamment:

– un « isolement géographique », avec l’éloignement des grands marchés européens (de moyens techniques et humains). Cette distance, impliquant des coûts de transport, d’infrastructure et de logistique (fret, assurance, taxes, coûts de stockage, etc.), entraîne des délais supplémentaires et des coûts d’importation, s’agissant notamment des produits de première nécessité, qui sont les produits les plus consommés mais également ceux ayant la plus faible valeur ajoutée ;

– l’exiguïté des marchés, conduisant à de moindres débouchés et économies d’échelle potentielles et à une pression foncière forte due à des problématiques multiples ;

– de forts degrés de concentration économique sur des marchés fréquemment dominés par des oligopoles, voire des monopoles locaux, ce qui contribue à maintenir des prix élevés et à limiter la diversité de la concurrence, mais aussi son effectivité et son influence sur la fixation des prix – et ce, malgré une relative variété de l’offre ;

– un tissu productif reposant essentiellement sur de petites et moyennes entreprises, sur des industries et sur un tissu artisanal réduit.

Au-delà des déterminants structurels, des éléments conjoncturels viennent aggraver cette situation. Les fluctuations des cours mondiaux des matières premières, la hausse récente des coûts de l’énergie, ainsi que l’inflation globale liée aux crises économiques ou géopolitiques ont un impact direct sur les prix dans les Pays des océans.

Ces effets sont souvent amplifiés par le caractère insulaire ou enclavé des Pays des océans, qui les rendent particulièrement vulnérables aux chocs économiques externes.

Comme partout en Europe, les dernières crises géopolitiques ont également généré des effets inflationnistes, opportunistes pour beaucoup. À ce jour, les Pays des océans ne ressentent que très peu les effets désinflationnistes, comme partout ailleurs.

En outre, les événements climatiques extrêmes (ouragans, cyclones, inondations), récurrents dans certaines zones ultramarines, viennent également perturber les circuits d’approvisionnement et entraîner une hausse temporaire, mais significative, des prix.

Ces facteurs conjoncturels, bien que ponctuels, s’ajoutent aux difficultés structurelles, rendant la vie chère omniprésente et insupportable pour les populations ultramarines qui la subissent au quotidien.

b.   La vie chère, terreau des contestations et des crises sociales

Le coût élevé de la vie dans les territoires ultramarins exacerbe les inégalités sociales et cristallise les tensions socio-économiques. Les populations les plus précaires sont les premières touchées, avec une proportion élevée de foyers vivant sous le seuil de pauvreté.

Cette situation persistante alimente la colère des populations concernées et un large ressentiment à l’égard des entreprises faiseuses de prix.

Depuis plusieurs mois, la Martinique est le théâtre d’une mobilisation citoyenne inédite contre la vie chère, marquée par des actes de violence sur l’île.

Ces mouvements de forte contestation contre la vie chère ne sont pas nouveaux dans les territoires ultramarins : ils ont eu notamment lieu en Guyane fin 2008 et 2021, aux Antilles de janvier à mars 2009, à Mayotte en 2011, à nouveau en Guyane de mars à avril 2017, puis à Mayotte de février à avril 2018, et enfin à La Réunion de novembre à décembre 2018.

Ces mobilisations dénoncent la dégradation des conditions de vie et l’incapacité de l’État à faire face à la domination économique de grands groupes, et revendiquent une baisse des prix ainsi que des réformes structurelles pour parvenir à une économie plus équitable et à des prix justes. Elles reflètent un profond malaise lié aux difficultés d’accès à l’emploi et aux droits fondamentaux, à la montée des inégalités socio-économiques, ainsi qu’à l’insécurité sociale, sanitaire et environnementale qui pèse sur ces populations.

2.   Des écarts de prix démesurés entre les territoires ultramarins et l’Hexagone

a.   La vie chère, un phénomène multidimensionnel

La vie chère dans les territoires ultramarins est un phénomène complexe qui touche divers secteurs essentiels. L’alimentation est particulièrement concernée, avec des écarts de prix considérablement plus élevés que dans l’Hexagone, notamment en raison des coûts d’importation, auxquels s’ajoutent une diversité d’acteurs mais un faible niveau de concurrence.

D’autres secteurs participent de la « vie chère », il s’agit notamment : 

 du transport et de la mobilité. La rareté, dans la plupart des Pays des océans, de systèmes de transport fiables, abordables financièrement et établis sur une amplitude horaire large oblige souvent les actifs à faire l’acquisition de véhicules personnels, ce qui augmente substantiellement le budget consacré aux déplacements. Des taxes d’importation importantes et un marché restreint touchent, par ailleurs, le secteur de l’automobile ;

– du logement, qui souffre également de la rareté des terrains et de la cherté des matériaux ;

– de la téléphonie, secteur soumis à des monopoles ou à des infrastructures limitées ;

 – des assurances : les conséquences insupportables de la cherté de la vie ont entraîné des contestations sociales violentes et des dégâts, notamment dans des hypermarchés et supermarchés implantés localement, et renchérissent le coût des assurances, au point où certains assureurs renâclent à couvrir certains sinistres, voire décident radicalement de se retirer des marchés ultramarins.

Ce caractère multidimensionnel de la vie chère en fait ainsi une réalité omniprésente, qui asphyxie les populations ultramarines dans leur quotidien.

b.   Des écarts de prix démesurés et persistants

La vie chère se traduit par des prix considérablement plus élevés que dans l’Hexagone. Ces écarts de prix, quantifiés et analysés par l’Insee dans sa dernière enquête de comparaison spatiale des niveaux de prix à la consommation (ECSP) entre territoires français ([1]), non seulement persistent malgré des initiatives pour y remédier, mais s’accroissent même par endroits et pour certains biens de consommation.

Cette enquête, qui mesure l’écart de niveau des prix entre chaque département ou région d’outre-mer (DROM) et l’Hexagone en étudiant les prix de produits comparables sur les différents territoires, conclut, sur une moyenne tous produits, à des prix plus élevés dans tous les DROM par rapport à l’Hexagone, en particulier pour un panier de consommation « métropolitain », mais également pour un panier « domien ». Ainsi, « consommer le « panier moyen du DROM » coûte aussi plus cher que dans l’Hexagone » ([2]).

En 2015 comme en 2022, les prix dans l’ensemble des territoires d’Outre‑mer restent largement supérieurs à ceux de l’Hexagone ; mais en 2022, ces écarts – appelés « écarts de Fisher » – se sont encore accentués.

Résultats d’ensemble de l’enquête de comparaison spatiale des prix (moyenne tous produits) en 2015 et 2022

(en pourcentage)

 

Écart de Fisher DROM/
France hexagonale

Écarts
DROM/ France hexagonale (panier de consommation hexagonal)

Écarts
DROM/ France hexagonale
(panier de consommation domien)

Années

2015

2022

2015

2022

2015

2022

Guadeloupe

12,5 %

15,8 %

17 %

19,2%

8,1 %

12,6 %

Martinique

12,3 %

13,8 %

17,1 %

17,1 %

7,6 %

10,6 %

Guyane

11,6 %

13,7 %

16,2 %

17,6 %

7,3 %

10,0 %

La Réunion

7,1 %

8,9 %

10,6 %

12,3 %

3,7 %

5,5 %

Mayotte
(hors loyers)

6,9 %

10,3 %

16,7 %

17,7 %

- 2,0%

3,4 %

Source : Insee, enquêtes de comparaison spatiale des prix 2015 et 2022.

Champ : France, consommation des ménages hors fioul, gaz de ville et transports ferroviaires, et pour Mayotte hors loyers.

En 2022, l’écart de prix de Fisher est de + 13,7 % en Guyane par rapport à la France hexagonale. C’est la moyenne entre deux approches :

– d’une part, en prenant comme référence le panier de consommation des ménages de France hexagonale, les prix en Guyane sont en moyenne supérieurs de 17,6 % à ceux pratiqués dans l’Hexagone ;

– d’autre part, en prenant comme référence le panier consommé par les guyanais, les prix en Guyane sont en moyenne supérieurs de 10 % à ceux pratiqués dans l’Hexagone.

Ces écarts de prix sont particulièrement marqués en ce qui concerne les biens : par exemple en 2022, les prix des biens sont en moyenne supérieurs de 20,6 % en Guadeloupe par rapport à l’Hexagone, et les prix des services de 10,5 %.

Des écarts de prix élevés pour l’alimentaire, dans tous les DROM

 

Écart DROM/
France hexagonale

moyen

Écarts
DROM/ France hexagonale (panier de consommation hexagonal)

Écarts
DROM/ France hexagonale
(panier de consommation domien)

Guadeloupe

41,8 %

51,3 %

32,8 %

Martinique

40,2 %

50,4 %

30,6 %

Guyane

39,4 %

51,2 %

28,5 %

La Réunion

36,7 %

46,4 %

27,7 %

Mayotte
(hors loyers)

30,2 %

54,4 %

9,8 %

Source : Insee, enquêtes de comparaison spatiale des prix 2022.

Cette comparaison spatiale des prix met également en lumière des écarts de prix particulièrement élevés pour l’alimentaire, dans l’ensemble des DROM. L’écart moyen entre les DROM et l’Hexagone sur l’alimentaire est par exemple de 41,8 % pour la Guadeloupe, de 40,2 % pour la Martinique, de 39,4 % en Guyane, de 36,7 % à La Réunion et de 30,2 % à Mayotte (hors loyers).

Or, « les dépenses alimentaires pèsent plus dans les dépenses de consommation des ménages les plus modestes, ce constat est amplifié dans les DROM » ([3]).

Part des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées dans la consommation des ménages, par quintile de niveau de vie, par unité de consommation (en pourcentage)

Source : Insee, enquête Budget de Famille 2017 ([4])

Ces écarts de prix ont par ailleurs tendance à s’accroître d’année en année. L’OPMR de La Réunion indique que « l’écart moyen des prix entre La Réunion et l’Hexagone serait passé de 6 % en 2010 à 9 % en 2022 » et que « concernant les produits alimentaires, l’écart, plus important, serait passé de 24 à 37 % sur la même période, soit une augmentation de plus de 50 % ».

À ces éléments de long terme s’ajoute enfin une inflation plus forte dans les pays des océans que dans l’Hexagone depuis 2023 : « en octobre 2024, l’inflation calculée sur 12 mois était ainsi de 1,5 % à 2,3 % selon les DROM, contre 1,2 % en France [hexagonale]. Les prix de l’alimentation étaient en hausse de 2,7 % à 3,4 % selon les DROM, contre + 0,6 % dans l’Hexagone » ([5]), indique l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Ces écarts entre les prix dans les territoires ultramarins et ceux pratiqués dans l’Hexagone conduisent à s’interroger sur la construction des prix, et notamment sur les marges et leur cumul tout au long de la chaîne de valeur.

Dans ce contexte, l’OPMR de La Réunion a lancé, à la fin du premier trimestre 2024, un groupe de travail relatif à la transparence sur la formation des prix en associant 6 enseignes sur 7 ([6]) de la grande distribution à dominance alimentaire (GS), à savoir Carrefour, Leclerc, U, Leader-price, Intermark, Run Market et Auchan.

3.   La lutte contre la vie chère, un combat social et institutionnel de longue haleine

« La lutte contre la vie chère dans les Outre-mer est un vieux serpent de mer qui provoque des soubresauts de plus en plus fréquents et violents.

Elle s’explique certes pour des raisons d’ordre géographique: l’éloignement des DOM par rapport à ses sources d’approvisionnement. Elle renvoie surtout à un contexte historique et politique: la persistance du système colonial qui se traduit en particulier par une relation quasi-exclusive entre les DOM et l’Hexagone en matière économique. » ([7])

Votre rapporteure appelle ainsi au développement des relations économiques au sein des différents bassins régionaux dits « de géographie cordiale », afin de permettre une diminution des coûts du transport de marchandise, pour des raisons à la fois écologiques et économiques.

Face à cette problématique de la vie chère, des solutions sont recherchées, notamment la mise en place de mesures fiscales adaptées (octroi de mer dynamique, subventions ciblées, suppression de la TVA à l’instar de Mayotte et de la Guyane), le développement de circuits courts pour réduire les coûts d’approvisionnement, et la stimulation de la concurrence sur les marchés locaux. Toutefois, pour atténuer durablement les effets de la vie chère, une réponse efficace nécessite une approche coordonnée, mêlant action locale, soutien national et implication des acteurs économiques concernés (grossistes, industriels, importateurs, etc.).

Un protocole d’objectifs et de moyens pour lutter contre la vie chère,
signé en Martinique le 16 octobre 2024

Pour répondre à ces limites, un protocole d’objectifs et de moyens pour lutter contre la vie chère a été signé le 16 octobre 2024 en Martinique entre « l’État, la Collectivité Territoriale de Martinique, les élus locaux, les distributeurs présents en Martinique, les grossistes, les représentants des socioprofessionnels, le Grand port maritime et le principal transporteur (CMA-CGM) » ([8]).

Ils proposent que soit examinée, au cours d’une période d’observation d’une durée de 36 mois, la mise en œuvre 28 actions autour des trois axes suivants :

– faire baisser les prix de plus de 6 000 produits alimentaires en Martinique ;

– agir en faveur de la baisse des prix de l’ensemble des produits de l’alimentation en Martinique ;

– agir pour la refondation de notre modèle économique ([9]) .

L’accord a notamment entendu apporter une réponse plus globale en visant, non plus des produits, mais des familles de produits, soit 54 familles représentant près de 6 000 produits de grande consommation.

Cette extension aux familles de produits est également proposée à l’article 1er de la proposition de loi, afin que cette extension puisse concerner l’ensemble des territoires ultramarins concernés par le BQP, et non seulement la Martinique parvenue à signer cet accord.

L’État s’est également engagé, en plus de la non application de l’octroi de mer pour 54 familles de produits, à appliquer une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à taux nul pour une assiette de 69 familles de produit.

Toutefois, dans une logique de « neutralité budgétaire », cette baisse de taux sera compensée par une suppression d’exonérations de TVA sur d’autres produits non-alimentaires.

Cette péréquation sur la fiscalité est ainsi paradoxalement de nature à faire porter sur les consommateurs ultramarins le coût de cette mesure de réduction de TVA.

Votre rapporteure estime au contraire qu’il convient de réduire le taux d’effort des ménages : ce n’est pas aux populations de financer ces mesures pour lutter contre la vie chère. L’effort doit en effet porter principalement sur les grands groupes dégageant des chiffres d’affaires et des marges suffisantes, ainsi que sur l’État, dans une logique de continuité territoriale.

En somme, la lutte contre la vie chère dans les territoires ultramarins exige une compréhension fine des dynamiques locales et des mécanismes de formation des prix et des marges, afin de proposer une réponse adaptée aux enjeux et aux spécificités de chaque territoire.

B.   Un phénomène de concentration économique qui ne favorise pas la baisse des prix en outre-mer

1.   Une structuration oligopolistique, voire monopolistique, des marchés ultramarins

Les marchés ultramarins sont caractérisés par une forte concentration économique, avec une domination par un nombre limité d’acteurs. Dans plusieurs secteurs clés, comme l’alimentation, la distribution de carburants ou encore les télécommunications, les entreprises en position dominante bénéficient d’un pouvoir de marché significatif, ce qui limite la concurrence et maintient des prix élevés.

Dans certains cas, cette concentration prend la forme d’oligopoles, où quelques grandes entreprises se partagent le marché et peuvent coordonner implicitement leurs comportements, réduisant ainsi les incitations à baisser les prix. À l’extrême, certains secteurs sont monopolistiques lorsqu’une seule entreprise contrôle la totalité de l’offre, rendant les consommateurs dépendants de ses tarifs.

Cette situation de forte concentration est exacerbée par « l’isolement géographique » des territoires ultramarins, c’est-à-dire l’éloignement des grands hubs commerciaux et financiers français et plus globalement européens, dont dépendent les échanges. Cela complique l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché. Ce contexte contribue à donner une situation de rente économique aux acteurs historiquement implantés et augmente la vulnérabilité et la volatilité inflationniste des prix.

Ce manque, parfois, de diversité de l’offre et, surtout, de concurrence, freine la baisse des prix, pesant lourdement sur le pouvoir d’achat des populations ultramarines.

Or, « dans des territoires ultramarins où la concurrence est au mieux limitée, les lois du “marché libre et sans entrave” sont particulièrement inadaptées.

« La régulation spécifique doit impérativement être renforcée et porter sur la transparence des marchés (publication des comptes des entreprises, contrôles renforcés, transmission électronique des tickets de caisse, etc.) et surtout sur la structuration des marchés pour écarter les risques d’abus de positions dominantes (limitation de la taille des surfaces de vente, interdiction des concentrations verticales et démantèlement dès lors qu’elles sont déjà existantes, etc.).

« Dit autrement, sans une intervention forte du législateur permettant en particulier de rompre avec l’opacité et les rentes de situation, aucune action ne permettra de lutter efficacement contre la vie chère » ([10]) assure l’OPMR de La Réunion.

2.   Une accumulation de coûts et de marges le long de la chaîne de valeur

Circuit logistique simplifié de l’approvisionnement des marchandises
entre l’Hexagone et la Polynésie française

Source : Contribution écrite du groupe WANE.

« Alors qu’en Hexagone, il faut trois opérateurs pour qu’un produit arrive à un client, dans nos territoires en général, il en faut quatorze, soit près de cinq fois plus d’intermédiaires » expliquait le groupe CréO dans le cadre de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

En Outre-mer, le coût des produits est ainsi alourdi par la complexité de la chaîne de valeur, décrite par les distributeurs comme comportant jusqu’à quatorze étapes avant qu’un produit n’arrive au consommateur. Chaque maillon de la chaîne – du producteur au détaillant – appliquerait sa marge, ce qui entraînerait une augmentation mécanique progressive du prix à chaque étape. Cette situation est particulièrement marquée dans des secteurs clés comme l’alimentation et les biens de consommation courante.

Étapes de l’approvisionnement des supermarchés du groupe Safo vers la Martinique

La colonne « Sociétés » identifie les étapes réalisées par une société appartenant au même groupe.

Source : Groupe Safo

Les quatorze étapes mentionnées dans ce document sont « indispensables » dans l’acheminement vers les territoires ultramarins, assure le groupe Safo. « Elles ne sont pas spécifiques à la Martinique et concernent tous les échanges internationaux de marchandises. Il existe deux possibilités pour un importateur: intégrer ces étapes ou les externaliser. Chaque groupe opère sa propre stratégie mais nous ne constatons pas que ceux qui externalisent soient les plus compétitifs : les prestataires externes cherchant à rentabiliser chaque étape » ([11]) . Bien qu’ayant des sociétés intégrées, le groupe Safo indique qu’il est parfois amené à faire appel à des prestataires (Vatinel, Frigodom, Logidom, Kuehne+Nagel, etc.) et que les coûts subséquents, à qualité de service équivalente, restent conformes à ceux du marché.

De son côté, le groupe Bernard Hayot assure n’intervenir que « sur deux voire trois étapes sur les quatorze étapes communément citées, à savoir les achats, le transit et, lorsque c’est indispensable, la manutention » ([12]), mais détient pourtant plusieurs sociétés qui participent d’une chaîne de valeur intégrale, comme « SOMAUDEX Logistic ».

Toutefois, le faible nombre d’étapes communiqué par le groupe Bernard Hayot ne permet pas en l’état de déterminer le pouvoir de marché de ce groupe sur la chaîne de valeur. Pour mesurer l’importance de ce pouvoir de marché, il faudrait pouvoir connaître le poids que représente chaque étape dans la chaîne de valeur, et non pas seulement le nombre de sociétés détenues.

L’internalisation des étapes au sein de sociétés appartenant à un même groupe devrait permettre d’être plus compétitif sur les prix, en évitant que des prestataires externes ne cherche à rentabiliser leur marge à chaque étape du processus. Or, cette dynamique n’est pas constatée sur les marchés et chaînes de valeurs des échanges relatifs aux Pays des océans.

Il apparait également que le phénomène de concentration économique accentue la dynamique de captivité commerciale dans ces territoires. Par exemple, le rachat de Vindémia, qui regroupe les filiales du groupe Casino à La Réunion, Mayotte, Madagascar et Maurice, par le groupe Groupe Bernard Hayot (GBH) ([13]), acteur majeur de la distribution dans les Outre‑mer, illustre cette tendance. Ce rapprochement, loin de stimuler la concurrence, contribue à consolider la position dominante du groupe, réduisant ainsi les opportunités de nouvelles entrées sur le marché et limitant les alternatives pour les consommateurs.

Contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’une telle concentration, les économies d’échelle potentielles n’ont pas conduit à une baisse des prix. Au contraire, les opérations de concentration ont eu tendance à maintenir, voire à augmenter les prix pratiqués. Les consommateurs ultramarins supportent donc des coûts gonflés par des marges successives, qui pèsent lourdement sur leur pouvoir d’achat.

Cette accumulation de coûts et de marges appelle à une réflexion sur la nécessité de réguler davantage les marges pratiquées tout au long de la chaîne de valeur et de favoriser des alternatives concurrentielles, pour redonner du pouvoir d’achat aux populations locales.

3.   Une concentration d’acteurs menant des stratégies d’intégration verticale et horizontale, leur donnant la capacité de peser sur les prix

La concentration des acteurs économiques en Outre-mer s’accompagne souvent de stratégies d’intégration verticale et horizontale, renforçant leur pouvoir sur le marché et leur capacité à influencer les prix.

L’intégration verticale consiste à contrôler plusieurs étapes de la chaîne de valeur, depuis la production jusqu’à la distribution, ce qui permet à ces entreprises de maîtriser l’ensemble du processus et de fixer des marges à chaque niveau. Par exemple, un groupe peut posséder à la fois des entreprises de transport, des entrepôts et des réseaux de distribution, réduisant ainsi la concurrence et limitant la flexibilité des prix.

Parallèlement, l’intégration horizontale, qui implique le rachat ou la fusion avec des concurrents directs, permet de réduire le nombre d’acteurs sur le marché, créant ainsi des situations d’oligopole ou de quasi-monopole.

Cette double stratégie, bien que pouvant théoriquement générer des économies d’échelle, aboutit souvent à un renforcement des marges plutôt qu’à une baisse des prix, limitant les bénéfices pour les consommateurs et contribuant au phénomène de vie chère dans les Pays des océans.

Le groupe Safo explique déterminer les prix de vente pratiqués dans ses magasins en fonction de deux critères cumulatifs : d’une part, « les prix des concurrents relevés tout au long de l’année », et d’autre part, « le prix de revient des produits » ([14]). Il en est de même pour le groupe CREO : « Nos enseignes hard discount Pli Bel Price, Caraïbe Price et Megastock déterminent principalement leurs prix de vente par rapport à la concurrence » ([15]).

Or, si la concurrence n’est pas assez forte, le risque est que les magasins du groupe ne soient pas incités à faire baisser leur prix pour rester compétitifs face aux prix pratiqués par leurs concurrents.

Pourtant, les groupes de distributeurs assurent que « la concurrence en Outre-mer est très intense » ([16]) : ainsi, il existerait « sept opérateurs de la distribution alimentaire en Martinique, contre 8 groupes de grande distribution au niveau national » ([17]). Toutefois, cette comparaison n’est pas suffisante : pour avoir une idée du degré de concurrence, il convient également de s’intéresser au nombre de propriétaires indépendants de grandes et moyennes surfaces (GMS) au sein d’un territoire donné. Ainsi, ces données ne semblent pas comparables dans la mesure où les groupes peuvent à la fois représenter des commerces intégrés mais aussi des franchisés.

4.   Un tissu industriel présent mais insuffisamment compétitif

a.   En Martinique

L’industrie martiniquaise est principalement orientée vers l’agroalimentaire (rhum, transformation de fruits) et l’énergie. Elle représente environ 10 % du PIB local, mais la production locale reste insuffisante pour couvrir la demande. Le recours massif aux importations fragilise le tissu industriel. L’octroi de mer différentiel favorise certaines filières locales (rhum, boissons, farine), mais des critiques pointent des situations de rente, notamment dans le monopole des grossistes.

b.   À La Réunion

À La Réunion, l’industrie représente environ 7 % du PIB, dominée par l’agroalimentaire (sucre, rhum) et les matériaux de construction. La production locale est insuffisante pour satisfaire la consommation intérieure, ce qui rend l’île fortement dépendante des importations. L’octroi de mer différentiel encourage certaines industries locales, mais certaines entreprises protégées de la concurrence internationale en tirent des rentes économiques injustifiées.

c.   En Guyane

En Guyane, l’industrie est embryonnaire, représentant moins de 5 % du PIB. Les secteurs clés incluent la transformation de bois et l’agroalimentaire, mais la production locale est très marginale face à la demande. La faible concurrence, combinée à l’octroi de mer différentiel, crée des situations de rente, où certains acteurs captent des bénéfices importants sans incitations à investir pour améliorer la compétitivité.

d.   En Guadeloupe

L’industrie guadeloupéenne est semblable à celle de la Martinique, avec une prédominance de l’agroalimentaire (rhum, transformation de canne à sucre) et des matériaux de construction. Elle contribue à environ 8 % du PIB. L’octroi de mer différentiel protège des filières locales, mais des critiques émergent quant à son usage, favorisant des monopoles régionaux et des prix élevés pour les consommateurs.

e.   À Saint-Pierre-et-Miquelon

L’industrie à Saint-Pierre-et-Miquelon est limitée, avec une économie principalement axée sur la pêche et la transformation des produits de la mer. L’approvisionnement en produits manufacturés dépend quasi exclusivement des importations. L’octroi de mer différentiel est moins marqué dans ce territoire, mais le faible tissu industriel et les monopoles locaux favorisent aussi des effets de rente, notamment dans les secteurs alimentaires et énergétiques.

En somme, dans ces territoires, la faiblesse du tissu industriel entraîne une forte dépendance aux importations, amplifiant les coûts pour les consommateurs. L’application de l’octroi de mer différentiel, bien qu’essentielle pour soutenir l’économie locale, engendre parfois des rentes économiques et freine la diversification industrielle. Une réforme de ces mécanismes pourrait stimuler une concurrence saine et baisser les coûts de la vie.

II.   L’incapacité des dispositifs existants à réduire le coût de la vie au sein des pays des océans appelle à la mise en œuvre de dispositifs ambitieux proposant une plus forte régulation des prix et des concentrations économiques

A.   Les dispositifs existants se sont avérés insuffisants pour réduire efficacement le coût de la vie des ultramarins et assurer une transparence dE la formation des prix

1.   Des dispositifs insuffisants pour réduire le coût de la vie des ultramarins

a.   Les observatoires des prix, des marges et des revenus : des instances essentielles, sans véritables moyens dédiés, sans personnalité morale et sans pouvoirs propres

Le président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion résume la situation ainsi :

« L’OPMR manque aujourd’hui d’à peu près tout : il n’a pas d’existence juridique, il ne dispose d’aucun pouvoir d’enquête, les moyens humains mis à sa disposition sont extrêmement réduits (l’équivalent d’un ETP), ses moyens matériels en propre sont quasi-inexistants (pas de locaux, pas d’outils informatiques, pas de budget de fonctionnement), ses moyens financiers sont dérisoires.

« Bref, il existe depuis toujours un décalage énorme entre les missions et les attentes attribuées aux OPMR et les moyens réellement à sa disposition qui suscite régulièrement une très forte incompréhension » ([18]).

i.   Une composition variable des observatoires des prix, des marges et des revenus au sein des territoires ultramarins

L’article L. 910-1 A du code de commerce prévoit l’existence d’un observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) au sein des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et des collectivités d’outre-mer de Saint‑Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna.

Cet article dispose également que l’OPMR « analyse le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus et fournit aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution ».

Actuellement, le périmètre territorial des OPMR correspond à la répartition explicitée ci-après :

– l’OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint‑Martin et de Saint-Barthélemy ;

– l’OPMR de La Réunion ;

– l’OPMR de Mayotte ([19]) ;

– l’OPMR de Wallis-et-Futuna ;

– l’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon.

L’article L. 910-1 C dispose notamment que chaque observatoire comprend, outre son président, les députés et sénateurs élus dans la collectivité concernée, des représentants de ces collectivités territoriales, de l’État, des associations de consommateurs, des syndicats d’employeurs et de salariés, du conseil économique et social régional, des chambres consulaires et « des personnalités qualifiées à raison de leur compétence ou de leurs connaissances en matière de formation des prix, des marges et des revenus ». La liste des membres pouvant composer les différents OPMR est précisée à l’article D. 910-1 C du code de commerce.

Le Président de l’OPMR de Mayotte estime notamment que « l’OPMR est un outil intéressant pour entendre et faire entendre les associations de consommateurs » ([20]).

En complément de la liste des membres de droit, l’OPMR de La Réunion a pour particularité d’associer des citoyens volontaires à ses travaux, en dehors de tout cadre juridique ([21]).

À Mayotte, la composition de l’OPMR bute sur deux difficultés : « d’une part, l’absence récurrente de certaines catégories de membres, et d’autre part, le fait que le fonctionnement de l’OPMR repose sur le recours à des commissions instituées en son sein, dont l’animation dépend de la mobilisation de quelques personnes (commission études, commission vie chère). Dans les faits, l’OPMR fonctionne avec l’implication des services de l’État et des personnalités qualifiées (une experte comptable et un maître de conférences en économie) » ([22]).

L’OPMR de Mayotte s’est doté d’un règlement intérieur, sans fondement juridique : cela « pourrait justifier une réforme des dispositions en vigueur pour donner une base juridique incontestable à un règlement intérieur » ([23]), estime son président.

La fréquence des réunions de l’OPMR est à géométrie variable en fonction des territoires : l’OPMR de La Réunion déclare ainsi se réunir en moyenne 3 à 4 fois par an depuis la crise des gilets jaunes, tandis que l’OPMR de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon indique qu’il s’est réuni 9 fois depuis 2020. En revanche, tous pointent un nombre réduit de participants.

ii.   Des observatoires des prix, des marges et des revenus paradoxalement dans l’incapacité d’analyser les prix, les marges et les revenus

Alors même que la loi leur confie ce rôle, « les OPMR ne sont pas en mesure de jouer leur rôle d’analyse de ces coûts » déplore l’OPMR de Mayotte.

« Le code du commerce prévoit par exemple que le coût du passage portuaire fasse l’objet d’un rapport annuel. Deux OPMR y ont procédé ponctuellement (La Réunion et Mayotte). À Mayotte, l’étude remise en 2024 est manifestement insuffisante faute d’accéder aux données utiles. L’Autorité de la concurrence, de son côté, avait essayé d’analyser les conditions de concurrence dans le domaine des prix des biens importés sans y parvenir vraiment. » ([24]).

Il en est de même sur la question des prix et des marges : paradoxalement, alors qu’ils sont censés être notamment des observatoires des marges, les OPMR déclarent  « ne disposer d’aucune donnée sur les marges et les marges arrière » ([25]).

iii.   Une instance aux moyens humains et financiers quasiment inexistants

 Alors qu’il couvre les territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, l’OPMR « AntillesGuyane » ne bénéficie que d’un ETP, son président.

Le secrétariat et l’appui technique sont assurés par trois agents de la préfecture en plus d’autres missions ([26]).

En outre, le III de l’article L. 910 C dispose que « les membres de chaque observatoire exercent leurs fonctions à titre gratuit », la situation des présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus s’apparentant ainsi à du quasibénévolat.

Les observatoires des prix, des marges et des revenus ne bénéficient pas de ligne budgétaire dédiée.

« Les moyens de l’OPMR sont limités. Sur un plan financier, ils dépendent d’un programme budgétaire relevant de la responsabilité des services du secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR).

« L’exercice de dialogue de gestion, avec la direction générale des outremer (DGOM), relève du SGAR et non de l’OPMR. Ce dernier, qui n’a pas de personnalité morale, n’exprime pas de besoins. La seule possibilité consiste à formuler des demandes de financement d’études sous réserve de leur conduite effective. » ([27])

À titre d’exemple, la préfecture de Martinique indique que le budget de l’OPMR est de 80 000 euros par an. Ce budget contribue essentiellement à l’engagement d’études, dont dépend la consommation des crédits. Ces études ont conduit en 2024 à 200 000 euros d’autorisations d’engagement en raison du financement d’une vaste étude Antilles-Guyane plus onéreuse. Il permet également de couvrir les frais de fonctionnement de l’entité.

Crédits alloués à l’OPMR de Martinique (2019-2024)

En autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP)

Source : Préfecture de Martinique.

Dans le cadre de leur audition, les OPMR ont ainsi témoigné de leur manque cruel d’effectifs.

À Mayotte par exemple, la mission de secrétariat de l’OPMR « est assumée sans que budgétairement la quote-part d’ETP dédiée à cette mission soit allouée au service. Un fonctionnement optimal du secrétariat de l’OPMR supposerait de disposer d’un demi ETP » ([28]).

« Les capacités de l’OPMR sont donc limitées budgétairement » ([29]) .

« Les moyens humains et financiers sont mis à disposition par le préfet. En fonction de l’appétence de chaque préfet pour le sujet de la vie chère, les moyens varient » ([30]) explique le président de l’OPMR Antilles, Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

« L’indépendance [des OPMR s’est] renforcée depuis que le président de l’OPMR est un magistrat des juridictions financières », estime la présidente de l’observatoire des prix, des marges et des revenus de Saint-Pierre-et-Miquelon ([31]).

Le président de l’OPMR est en effet un juge de la chambre régionale des comptes (CRC). « Ce statut lui confie une indépendance totale vis-à-vis de l’autorité préfectorale », assure la préfecture de Guadeloupe ([32]). L’OPMR peut ainsi travailler avec les autorités locales ou nationales de la concurrence et de la répression des fraudes.

Toutefois, outre le fait que les moyens financiers de l’OPMR dépendent de la préfecture, « la réglementation prévoit que le secrétariat de l’OPMR est assuré par la préfecture. […] Le fait de confier le secrétariat de l’OPMR à l’État qui est membre de l’OPMR au même titre que toutes les autres parties prenantes peut surprendre puisque les services de l’État sont amenés à rendre compte de leur action auprès de l’OPMR dans leur champ de compétence (par exemple, les services de la DEETS sont invités à faire un point sur les contrôles effectués sur la mise en œuvre des accords de modération) ». ([33])

Ainsi l’indépendance fonctionnelle des OPMR continue à faire l’objet d’interrogations par certains acteurs.

iv.   Une instance sans personnalité morale et sans pouvoirs propres

« Une augmentation de budget ne peut à elle seule être une solution pour assurer l’ensemble des missions prévues par les articles L. 910-1-E à J. En effet, le lancement d’études nécessite la rédaction d’appels d’offre qui nécessitent des agents compétents. A minima, il serait nécessaire de disposer d’un attaché à plein temps pour assurer le secrétariat, d’un agent spécialiste en marché public et un agent compétent en analyse de données (data scientist). L’embauche d’agent par l’OPMR est impossible faute de personnalité morale. » ([34])

Dans le cadre de leur audition, les présidents des OPMR ont mis en avant le fait que ces instances ne disposent pas de la personnalité morale. Cette absence d’ « existence juridique » ([35]) accentue la dépendance fonctionnelle des OPMR à l’égard des services de la préfecture et créée un manque de visibilité sur leurs actions.

Au-delà de leur statut juridique peu autonomisant, la capacité des OPMR à mener à bien leurs missions est également réduite par leur manque de pouvoirs propres : ils n’ont ni pouvoir de sanction, ni pouvoir d’enquête ou d’instruction. Par ailleurs, les présidents d’OPMR ne sont pas ordonnateurs.

v.   Une instance aux liens distendus, voire quasi-inexistants avec l’Autorité de la concurrence

L’article L. 462-1 du code de commerce prévoit que l’Autorité de la concurrence donne son avis sur toute question de concurrence à la demande du Gouvernement, mais également à la demande des présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et des collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Wallis-et-Futuna et de Saint-Pierre-et-Miquelon, en ce qui concerne les intérêts dont ils ont la charge.

L’Autorité de la concurrence a déjà été saisie par un OPMR de pratiques susceptibles de constituer des infractions au droit de la concurrence. Cependant, « l’usage de cette faculté par les OPMR et les collectivités territoriales reste à ce jour très limité.

« Le faible nombre de saisines de l’Autorité par les collectivités territoriales et les OPMR peut d’une part s’expliquer par le fait que leurs interlocuteurs naturels sont les antennes locales de la DGCCRF qui sont familières de nos procédures et peuvent enrichir les indices ou éléments apportés (…) avant de saisir l’Autorité. (…)

« Le faible nombre de saisine de l’Autorité par les OPMR peut également être le fait de leur manque de moyens pour mener leur mission, comme l’Autorité a pu le constater dans son avis de 2019. Si ceux-ci ont été renforcés depuis, ils pourraient demeurer insuffisants  et la question de leur renforcement pourrait être à nouveau examinée » ([36]).

Les conditions d’examen des saisines reçues par l’Autorité sont identiques quelle que soit l’identité du saisissant. Les services d’instruction de l’Autorité de la concurrence, compétents pour apprécier la pertinence des saisines, vérifient notamment si celles-ci contiennent des indices suffisants de nature à justifier l’ouverture d’une enquête et éventuellement des opérations de visite et saisie.

Cette situation est problématique : les observatoires des prix, des marges et des revenus, ne disposant de quasiment aucun moyen juridique et financier, ne sont pas en capacité d’investiguer pour apporter une charge de la preuve suffisante à l’Autorité de la concurrence afin qu’elle puisse ouvrir une enquête sur cette saisine.

De leur côté, les présidents des OPMR estiment que « les liens avec l’ADLC sont quasiment inexistants. Nos saisines dans le prolongement de nos travaux sur les carburants et la grande distribution à dominante alimentaire se sont avérées vaines. Sans doute l’OPMR n’est-il pas suffisamment armé pour interpeller de manière efficace cette institution. Il n’est pas non plus impossible que [l’Autorité de la concurrence] néglige les OPMR en raison notamment de son éloignement » ([37]).

b.   Le bouclier qualité-prix (BQP) : une portée existante mais limitée

Le « bouclier qualité-prix » (BQP) constitue un dispositif de modération des prix fixant, pour un panier d’articles visés, un plafond global de prix, tout en prenant en compte des critères de qualité.

Ce dispositif de promotion permanente concerne un panier de produits de consommation courante, les distributeurs restant libres du choix de la marque pour chaque article. Une signalétique « BQP » permet d’identifier les produits concernés par ce dispositif.

« À noter que le BQP n’existe pas à Saint-Martin et Saint-Barthélemy » ([38]).

L’absence de définition juridique des produits de « première nécessité »
et de « consommation courante »

Le concept de produits de première nécessité n’est pas strictement défini en droit français. En revanche, il existe la notion de « produits de consommation courante », prévue à l’article L.410-5 relatif aux négociations du BQP qui, selon l’article D. 120-1 du code de la consommation, désignent des produits de grande consommation.

Les produits de grande consommation sont eux définis à l’article D. 441-1 du code de commerce, lequel en établit une liste qui correspond, globalement, à des biens de première nécessité.

***

Il n’y a pas de définition juridique des biens de première nécessité et de consommation courante concernés par le bouclier qualité-prix.

« L’enjeu est de prendre en compte localement les habitudes de consommation de la population dans le panier du BQP et de tenir compte du maillage territorial du réseau de distribution » ([39]).

Cela a par exemple conduit à la mise en place, à Mayotte depuis 2023, du « BQP de proximité », qui comprend un panier de 20 produits de grande consommation et qui permet de densifier les surfaces de vente couverte par le BQP en y incluant de petites surfaces de vente (entre 100 et 500 mètres carrés).

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Les produits entrant dans le BQP correspondent à « une liste limitative de produits de consommation courante » : « cette formulation permet une interprétation souple et non limitative du nombre et des produits choisis » ([40]).

i.   Un outil pour encadrer la vie chère sur un panier regroupant certains produits de grande consommation

Pour tenter de lutter contre la vie chère, la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer, dite « loi Lurel », a mis en place un dispositif de « bouclier qualité-prix » (BQP) dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution – soit en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte et à La Réunion – ainsi que dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna ([41]).

Prévu à l’article L. 410-5 du code de commerce et globalement effectif depuis 2013, le BQP est un outil de modération des prix qui se fonde sur une liste de produits de consommation courante, élaborée en concertation avec différents acteurs impliqués ([42]) (producteurs, industriels, importateurs, distributeurs, transporteurs etc.). Elle est négociée annuellement entre le préfet, représentant de l’État, et les différentes parties prenantes. Ces négociations sont éclairées par l’avis fourni au préalable par l’OPMR territorialement compétent. Le panier de produits concerné fait l’objet d’un prix global maximum qui est fixé par arrêté préfectoral, et ce pour une période annuelle.

La liste du BQP est « définie en concertation avec les associations de consommateurs qui sont interrogées chaque année sur son contenu et sur les moyens d’amélioration, au regard des exigences de santé publique et des préconisations de la circulaire annuelle transmise par le ministère des outre-mer et au regard des habitudes alimentaires de la population » ([43]), assure la préfecture de Guadeloupe.

Les négociations du BQP étant propres à chaque territoire, le nombre d’établissements partenaires, de produits et de plafonds fixés varient et dépendent des résultats de chaque accord annuel :

– en Guadeloupe à ce jour, 22 établissements sont signataires du BQP. Les paniers sont respectivement de (i) 105 produits, dont 12 fruits ou légumes locaux, pour 314 euros TTC pour 4 magasins de plus de 2 000 m² ; (ii) de 103 produits, dont 10 fruits ou légumes locaux, pour 314 euros TTC pour 8 magasins compris entre 1 000 et 2 000 m² ; (iii) de 69 produits, dont 8 fruits ou légumes locaux, pour 173 euros TTC pour 10 magasins inférieurs à 1 000 m² ; (iv) de 6 produits, 5 produits multimédia et 1 produit auto, pour 60 euros TTC, exclusivement pour les magasins de plus de 2 000 m².

– En Martinique, « depuis 2013, le BQP a permis une modération efficace des prix, passant d’un plafond de 365 euros en 2013 à 306 euros en 2022, pour 101 articles. Ce plafond a été contenu en 2021 et 2022 malgré la hausse de l’inflation. Le rehaussement du plafond du BQP à 390 euros en 2023 correspond à la révision de la liste de produits visés, avec l’intégration de nouveaux produits de qualité (poulet, steak haché, fromage, etc.), portant le total de 101 à 134 articles. » ([44])

Prix maximums autorisés pour les différents paniers BQP entre 2013 et 2024 en Martinique

Source : Préfecture de Martinique.

Pour ces paniers, le seuil indiqué constitue un prix plafond, mais la préfecture de Martinique nous indique que « le prix moyen observé se trouve le plus souvent en deçà et non au seuil ».

– À Saint-Pierre-et-Miquelon, l’accord de modération BQP officialisé par l’arrêté préfectoral n° 97 du 28 février 2024 porte sur une liste de 55 produits (dont 42 produits alimentaires) pour un montant global de 163,70 euros. La vente des produits du BQP a représenté 6 % du chiffre d’affaires total de l’unique enseigne partie prenante en 2023.

Le dispositif BQP participe ainsi à une relative modération des prix sur les produits concernés : « le dispositif BQP a permis de limiter et de contrôler la hausse des prix des produits listés, et cela en dépit de la forte inflation à laquelle fait face l’archipel » ([45]).

De plus, le BQP a une vocation sociale : la liste du BQP est en général construite sur la base des volumes de produits de consommation courante les plus achetés par les ménages locaux les plus modestes.

Enfin, le BQP peut être un atout pour la production locale : en Guadeloupe par exemple, « [le BQP a] permis de modérer le prix des produits concernés et comprend 30 % de produits locaux, ce qui assure un débouché aux producteurs guadeloupéens » ([46]).

ii.   Un outil présentant cependant de nombreuses limites

Les principales limites rencontrées par le BQP sont :

– Le périmètre, puisqu’il vise un nombre restreint de produits ([47]) et ce, malgré l’effort d’élargissement : en Martinique « seuls 134 produits ([48]) sont concernés pour le format hypermarché, 72 pour les supermarchés et 35 pour les supérettes » ([49]). Bien que des extensions à d’autres secteurs aient pu avoir lieu – comme par exemple à La Réunion avec le « BQP bricolage », les négociations BQP portent principalement sur des produits de grande consommation et alimentaire, alors que la vie chère est multifactorielle et concerne tous les secteurs sur les territoires ultramarins ;

– L’absence ponctuelle d’approvisionnement de certains produits : ces ruptures de stocks dans les magasins réduisent la portée du BQP sur les prix payés par le consommateur ultramarin. « En 2013, l’OPMR [de Mayotte] avait noté une indisponibilité des produits s’échelonnant entre 16 % et 20 % selon les enseignes, couplée à une inaccessibilité des produits concernant plus particulièrement les fournitures scolaires » ([50]). De son côté, la délégation outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (CESE) estime que « selon les produits, les taux de rupture varient entre 15 % et 30 % » ([51]) ;

– Le manque de données : « Pour Saint Martin et Saint Barthélemy, il n’est pas possible de rendre un avis car l’Insee [Institut national de la statistique et des études économiques] et l’Iedom [Institut d’émission d’outre-mer] ne disposent pas de statistiques spécifiques à chaque île. Le pole C de la Deets [direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités] dispose de données partielles » ([52]) ;

– Le manque de moyens humains, budgétaires et juridiques : « Actuellement le code du commerce fixe des missions aux OPMR sans moyen adapté » ([53]) ;

– Le manque d’effort de certaines parties prenantes au BQP : « Seuls les distributeurs sont les signataires de l’accord alors que le dispositif intéresse tous les acteurs de la chaîne. L’association de tous les acteurs de la chaîne pourrait palier aux difficultés d’approvisionnement » ([54]). Certains distributeurs assurent être les seuls à effectuer des efforts pour parvenir à des baisses de prix, tandis qu’ils regrettent que d’autres acteurs (compagnies maritimes, fournisseurs, grossistes, représentants d’industries locales, collectivités territoriales) ne participent que rarement aux négociations ;

– Les acteurs non collaboratifs (non-respect des prix affichés, problèmes de signalétique, etc). Les établissements signataires du BQP sont contrôlés par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS). Ainsi, en septembre 2024, 22 établissements signataires ont été contrôlés en Guadeloupe : « les manquements relevés ont principalement concerné l’obligation d’affichage de la liste de produits BQP à l’entrée du magasin, l’indisponibilité de produits, l’absence de signalétique dans les rayons et, de manière plus marginale, l’écart de prix des produits BQP entre la caisse et les rayons et le dépassement du montant total du panier BQP » ([55]) ;

– La méconnaissance et l’insatisfaction vis-à-vis du dispositif BQP, qui « n’est pas toujours connu des consommateurs » ([56]). Or, l’indisponibilité des produits et les absences d’affichage ne facilitent pas la perception du dispositif par le consommateur. En outre, « les consommateurs sont globalement insatisfaits de la qualité des produits qu’offre le panier BQP quand ils en connaissent l’existence » ([57]) ;

– Le déficit d’attractivité des produits BQP, qui ne sont pas nécessairement les prix les plus bas pratiqués dans les linéaires (en raison des promotions notamment). Aussi, au sein de chaque catégorie, il arrive que des produits hors BQP présentent parfois un prix plus attractif que ceux du BQP ;

– Le caractère conventionnel du BQP : « Chaque enseigne est libre d’y participer ou non » ([58]). Le BQP repose sur le « volontariat des [grandes et moyennes surfaces] (GMS) partenaires » ([59]). Ainsi, la portée du BQP est paradoxalement dépendante de la participation des acteurs majeurs de la distribution. Par exemple, à Saint-Pierre-et-Miquelon, seul un commerçant participe au BQP : « comme les années précédentes, et malgré les tentatives de travailler avec l’ensemble des importateurs/détaillants de l’archipel, seul l’établissement Marcel DAGORT a accepté de reconduire le dispositif du BQP pour l’année 2024 » ([60]) ([61]) ;

– Le fait qu’aucune disposition n’encadre ces négociations sur la modération des prix par des objectifs chiffrés. Les distributeurs sont ainsi tentés d’y inclure des produits à faible valeur nutritionnelle ou peu sains.

Depuis 2022, le BQP comprend une clause de révision des prix autorisant le préfet, sur demande des organisations professionnelles concernées et après avis de l’OPMR, à ajuster le prix global de la liste pour tenir compte de variation importantes de coûts susceptibles de modifier le coût de revient des articles de la liste.

Ainsi, si le bouclier qualité-prix est l’un des outils clés dans la lutte contre la vie chère, son incapacité à s’attaquer aux causes de la vie chère appelle à donner plus d’ambition à ce dispositif.

c.   Une possibilité de reprise en main de la fixation du prix par le préfet en cas d’échec des négociations BQP, jamais appliquée jusqu’alors

Le II de l’article L.410-5 du code de commerce prévoit que, « en l’absence d’accord un mois après l’ouverture des négociations », le préfet arrête le prix global d’une liste de produits de consommation courante sur la base des négociations et des prix les plus bas pratiqués dans le secteur économique concerné.

Or, « en 2023 et 2024, les négociations BQP n’ont pas abouti en Guyane et aucun accord n’a été signé » ([62]). De plus, « Saint-Martin et Saint Barthélemy ne lancent aucune négociation BQP depuis deux ans sans action possible de l’OPMR » ([63]).

Or, cette disposition n’a jamais trouvé à s’appliquer, la loi restant muette en cas d’inaction du préfet.

Elle reste toutefois importante dans la mesure où elle favorise l’avancée efficace des négociations. « Elle constitue un levier utile à la célérité des discussions, sans qu’elle n’ait eu besoin d’être employée depuis 2013, eu égard à la bonne implication de l’ensemble des acteurs économiques dans ce dispositif, qui résulte d’une sensibilité partagée pour la question de la vie chère. L’esprit de responsabilité de chacun des acteurs a permis d’envisager les négociations sans avoir recours au pouvoir conféré par l’alinéa II » ([64]). En ce sens, la préfecture de Guadeloupe estime qu’« il serait opportun de maintenir ce moyen de pression quel que soit le nouveau dispositif retenu » ([65]).

Par ailleurs, cette reprise en main de la fixation du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante n’apparait pas nécessairement souhaitable : « la mobilisation de ce levier aurait moins de portée utile que l’obtention d’un accord par consensus car il n’existe pas de sanction en cas de non respect de ce prix fixé unilatéralement. Les contrôles opérés par la DEETS (63 en 2023 dans 60 magasins) permettent toutefois de suivre le respect de l’engagement des distributeurs » ([66]).

2.   L’état du droit actuel ne permet pas d’assurer une transparence suffisante sur la formation des prix

a.   Un non-respect de l’obligation de publication des comptes persistant et exacerbé au sein des Pays des océans

La publication des comptes de la part des entreprises est une obligation légale, à de rares exceptions près. Les grands groupes sont ainsi tenus de publier annuellement leurs comptes, c’est-à-dire de les déposer auprès du tribunal de commerce.

Cette obligation apparaît pourtant peu respectée dans les territoires ultramarins. « La pratique du dépôt des comptes annuels auprès du greffe du tribunal mixte de commerce n’est pas légion dans nos régions d’Outre-mer et les autres instances dépositaires (Direction régionale des finances publiques (DRFIP), Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) et Institut d’émission d’Outre-mer (IEDOM)) sont tenues à la confidentialité » ([67]). À la Martinique, par exemple, seulement 24% des sociétés déclarent leurs comptes, contre 85 % au niveau national. Tandis que les distributeurs prétendent assurer une « transparence totale vis-à-vis des autorités » ([68]), de nombreuses affaires démontrent le contraire : quatre lanceurs d’alerte ont par exemple récemment initié une procédure contre le groupe Bernard Hayot (GBH), lui enjoignant de publier ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce de Fort-de-France.

Souvent considérée comme intrusive par les entreprises, cette obligation légale de transparence de l’activité économique doit toutefois être conciliée avec la protection du secret des affaires. Ainsi, compte tenu des sanctions insuffisamment dissuasives prévues par le code de commerce, notamment à l’article L. 123-5-2, certaines entreprises décident parfois délibérément de ne pas publier leurs comptes. Cette pratique étant particulièrement répandue en Outre-mer, où les entreprises justifient le non-respect des dispositions légales par la crainte de divulguer, sur ces marchés restreints, des informations stratégiques à leurs concurrents.

Cette opacité assumée par les acteurs économiques entre en contradiction avec la volonté d’instaurer de la transparence sur la formation des prix.

Dans ce cadre, l’observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion préconise en matière de grande surface alimentaire « l’application de la 4ème directive 78/660/CEE du Conseil du 25 juillet 1978 qui impose une publicité des comptes annuels des entreprises accompagnée par la mise en place d’une amende réellement dissuasive pour les contraindre à respecter leur obligation de publicité des comptes » ([69]).

b.   Un manque de transparence persistant sur la formation des prix, et notamment sur les marges arrière

À ce non-respect de l’obligation de publication des comptes s’ajoute le manque de transparence sur le mécanisme de construction des prix : « La formation des prix en outre-mer repose sur de nombreux facteurs supposés être déterminants (le coût du transport maritime et du passage portuaire) ou indirects (octroi de mer ([70]), compléments de rémunération des agents publics ([71])). Il est nécessaire de distinguer les facteurs structurels des facteurs conjoncturels », indique l’observatoire des prix, des marges et des revenus de Mayotte ([72]).

Parmi ces facteurs, les marges effectuées par les acteurs économiques le long de la chaîne d’approvisionnement (supply chain) ont un impact non négligeable sur les prix.

En effet, la multiplication des intermédiaires entre le producteur et le distributeur conduit à une accumulation des coûts et des marges des différents acteurs, ce qui entraîne un gonflement des prix.

Cette multiplication des marges se conjugue à la pratique désormais bien identifiée des « marges arrière ». Cette « pratique courante dans la grande distribution [dans l’Hexagone] comme en outre-mer » ([73]) renvoie aux avantages que le distributeur obtient auprès de son fournisseur, non pas sur la facture d’achat des marchandises, mais sur des mécanismes divers.

Par exemple, les marges arrière renvoient à la pratique par laquelle les « grandes et moyennes surfaces » (GMS) facturent aux fournisseurs la mise en avant de leurs produits dans les rayons (frais de référencement, services de coopération commerciale et « PP-TG » [Participation publicitaire, Tête de gondole ([74])]), ou encore à celle des « ristournes de fin d’année » ([75]), versées par le fournisseur en fin d’exercice quand les objectifs commerciaux, souvent fixés par les distributeurs eux-mêmes, sont atteints. Les marges arrière englobent ainsi toutes sortes de participations des industries à d’autres frais des GMS : ouverture, agrandissement ou rénovation, nouveaux produits, logistique, informatisation, traçabilité, échanges d’informations, conseils, catalogues, publicité, promotions ou encore « nouveaux instruments de promotion » (NIP), dont cartes de fidélité. Les enjeux principaux liés à ces marges arrière tiennent à ce qu’elles sont concernées par des tentations de surfacturation et de rétention à un ou plusieurs stades de l’approvisionnement, et qu’elles contribuent au renchérissement des prix dans la mesure où le fournisseur intègre ce montant dans ses coûts, qui se répercutent in fine sur le prix payé par le consommateur.

La loi no 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales, dite « loi Galland », a régi les relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs de 1997 à 2005. Elle prévoyait que le seuil de revente à perte (SRP) était égal au « prix d’achat effectif qui comprend le prix des produits figurant sur les factures et toute réduction acquise à la date de la vente ». Ainsi, les marges arrière étaient exclues de la détermination du SRP.

Dans ce contexte, les distributeurs, qui étaient tenus de respecter le seuil de revente à perte tel que défini par la loi Galland, fixaient généralement les prix de revente de certains produits à un niveau légèrement supérieur ou identique aux prix nets facturés par les fabricants.

En 2005, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dite « loi Dutreil », a proposé de corriger les effets indésirables de la loi Galland, qui avait amené à un gonflement des marges arrière sur les marques (jusqu’à 35 % du prix net en moyenne sur 60 groupes industriels adhérents de l’Institut de liaisons des entreprises de consommation (ILEC) en 2005), à la limitation de la concurrence inter-enseignes et à une spirale inflationniste sur les prix de détail.

Ainsi en modifiant l’article L. 442-2 du code de commerce, la loi Dutreil ([76]), d’une part, intègre dans la définition du prix d’achat effectif les « avantages financiers consentis par le vendeur » – expression faisant référence aux marges arrière –, et d’autre part, redéfinit le SRP, notamment pour réintroduire une concurrence inter-enseignes sur les marques et accroître la latitude des distributeurs pour baisser leurs prix.

La loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs prévoit que les « autres avantages financiers » sont désormais totalement pris en compte pour le calcul du seuil de revente à perte.

Ces pratiques commerciales sont donc encadrées au niveau national ([77]). « Les sommes versées au titre de ces marges apparaissent nécessairement en comptabilité, étant associées aux factures correspondantes ou aux éléments correspondants à ces réductions de prix mentionnées sur les factures des fournisseurs (…). De plus, les conventions concernant les produits de grande consommation (PGC) doivent obligatoirement mentionner chacune des obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale et leur prix unitaire (article L. 441-4 III code de commerce) » ([78]), indique la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Toutefois, le contrôle de ces pratiques apparaît difficile.

À l’exception de rares initiés, les marges arrière sont mal connues : elles sont complexes et confidentielles par nature, étant au cœur de la négociation de chaque enseigne pour chaque produit.

La mise en place d’un contrôle strict de ces mécanismes est également complexifiée par la nécessité de garantir la liberté commerciale des acteurs économiques : « le niveau de répercussion des baisses de prix obtenues par un distributeur du fait de la négociation de marges arrière relève de sa liberté tarifaire et de sa politique commerciale » ([79]), explique l’Autorité de la concurrence.

À ce jour, « les prérogatives de l’OPMR ne lui permettent pas d’accéder à ce type d’information. Les témoignages qui lui remontent corroborent l’idée d’un poids bien plus important que dans l’Hexagone des marges arrière à La Réunion, dont les effets sont particulièrement néfastes à l’économie locale (opacité du système, effets inflationniste pour le consommateur, renforcement de la position des acteurs dominants, etc.). »

Compte tenu de l’opacité de ces mécanismes et de la part qu’ils représentent dans le chiffre d’affaires des grands groupes, garantir une plus grande transparence de ces marges dans les comptes d’exploitation des entreprises apparaît toutefois indispensable pour avoir une vision réaliste de la formation des prix.

D’autant que plusieurs acteurs constatent des abus importants sur les marges arrière, qui pèsent in fine sur les prix payés par les consommateurs.

En ce sens, la délégation Outre-mer du CESE demande l’interdiction de ces pratiques commerciales abusives (services de coopération commerciale forcés, remises de fin d’année, bonifications, ristournes), et de faire figurer un prix « triple net » ([80]) sur les factures qui puisse être contrôlé par les observatoires des prix, des marges et des revenus et l’Autorité de la concurrence ([81]).

L’OPMR de La Réunion recommande « l’application de l’arrêté rendant obligatoire la transmission de données par voie électronique à des fins de statistique publique du 13 avril 2017 pour améliorer le suivi statistique sur les prix par l’Insee qui est effective près de 5 ans dans l’Hexagone mais toujours pas à La Réunion » et « considère qu’une commission d’enquête urgente doit impérativement être diligentée sur cette pratique mortifère pour mieux les encadrer, voire exiger leur suppression dans les territoires ultra-marins compte tenu de leur spécificité » ([82]).

c.   Des degrés de concentration demeurant à des niveaux élevés, malgré des seuils de notification spécifiques aux territoires ultramarins et au commerce de détail et des dispositifs de répression des pratiques « antitrust »

i.   Sur le volet prévention des concentrations : des seuils de notification spécifiques aux territoires ultramarins et au commerce de détail

Les trois séries de seuils de chiffre d’affaires qui fondent le contrôle des concentrations en France n’ont jamais été révisés depuis leur entrée en vigueur, c’est-à-dire depuis le 27 mars 2004 pour les seuils généraux (soit vingt ans) et depuis le 13 novembre 2008 pour les seuils commerce de détail et les seuils outre-mer (soit près de seize ans).

Du fait du contexte d’inflation et de relative croissance économique, le niveau moyen de chiffre d’affaires des entreprises actives sur le territoire national a augmenté facialement. Mécaniquement, l’absence de mise à jour des seuils de contrôle des concentrations a entrainé une diminution du niveau relatif des seuils de concentration et a contribué à une augmentation du nombre d’opérations notifiées auprès de l’Autorité de la concurrence. Entre 2010 et 2022, elles ont ainsi augmenté de près de 30 % sur l’ensemble du territoire national.

Face à un nombre croissant de notifications, plusieurs juridictions au sein de l’Union européenne ont procédé à un relèvement récent de leurs seuils de notification, comme l’Allemagne en 2021. En France, l’article 8 du projet de loi de simplification de la vie économique prévoit également un relèvement des seuils sur le territoire national. L’objectif affiché est de faire sortir du champ du contrôle 20 à 30 % des opérations aujourd’hui notifiées. En revanche, les seuils spécifiques aux outre-mer ne seraient pas modifiés.

Les seuils de notification prévus au III de l’article L. 430-2 du code de commerce et applicables aux départements et régions d’outre-mer et à certaines collectivités d’outre-mer ([83]), incluent un seuil local tous secteurs confondus (15 millions d’euros) et un seuil local spécifique au commerce de détail (5 millions d’euros).

Historique du seuil local spécifique au commerce de détail

Le seuil spécifique au commerce de détail en outre-mer a été créé en 2010, à la suite des recommandations de l’Autorité dans le cadre de son avis de 2009 ([84]) et initialement fixé à 7,5 millions d’euros.

En 2012, il a été abaissé à 5 millions d’euros, pour tenir compte du fait que « les chiffres d’affaires réalisés en outre-mer par le commerce de détail sont en moyenne inférieurs à ceux réalisés en [France hexagonale] » ([85]), et s’assurer ainsi que ces opérations n’échappent pas au contrôle de l’Autorité.

En pratique, le seuil spécifique de 5 millions d’euros pour le commerce de détail en outre-mer permet déjà à l’Autorité de la concurrence de contrôler de nombreuses opérations susceptibles de soulever des problèmes de concurrence, notamment dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire, comme en témoigne le tableau situé en annexe : « le seuil de 5 millions d’euros est suffisamment bas pour nous permettre de contrôler des opérations portant sur des cibles de tailles modestes telles qu’un supermarché ».

Depuis la création de l’Autorité de la concurrence en 2008, 80 décisions de contrôle des concentrations ont été rendues, dont 21 ont été assorties de conditions visant à remédier à des risques de concurrence identifiés par l’Autorité. Sur ces 80 décisions, 53 ont été rendues sur le fondement des seuils de chiffres d’affaires spécifiques aux DROM (seuil général de 15 millions d’euros et seuil applicable au commerce de détail de 5 millions d’euros).

ii.   Sur le volet répression des concentrations : des dispositifs du droit de la concurrence visant à lutter contre les concentrations économiques excessives déjà constituées

Outre le contrôle des concentrations, l’Autorité de la concurrence dispose d’autres outils pour examiner des opérations de fusion/acquisition en outre-mer, y compris après leur réalisation et sans conditions liées au dépassement de seuils exprimés en chiffres d’affaires.

En effet, l’Autorité peut examiner une concentration sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui prohibent les ententes anticoncurrentielles et les abus de position dominante.

Les ententes anticoncurrentielles (articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE) désignent des accords expresses ou tacites ou des actions concertées ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, soit par exemple des accords de fixation de prix ou de répartition de marchés entre concurrents.

Les abus de position dominante (article L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE) prohibent le fait, pour une entreprise en position dominante sur un marché, d’abuser de sa position afin d’évincer des concurrents ou d’imposer des conditions inéquitables à des partenaires commerciaux, soit par exemple des refus de vente ou des conditions de vente discriminatoires.

Il convient de noter que les positions dominantes « ne sont pas sanctionnables en tant que telles, ce sont les abus de position dominante [qui peuvent l’être] » ([86]).

L’Autorité de la concurrence est compétente pour appliquer à la fois les dispositions du code de commerce et celle du TFUE qui font l’objet d’une application décentralisée par les autorités de concurrence nationales de l’UE. Si les dispositions européennes sont soumises à une condition d’affectation du commerce entre États membres qui n’est pas toujours remplie en outre-mer ([87]), les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce restent applicables et permettent à l’Autorité d’intervenir activement pour sanctionner les pratiques anticoncurrentielles en outre-mer, y compris lorsque celles-ci concernent des marchés locaux.

La faculté des autorités de concurrence de contrôler des opérations de concentrations au regard de l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles a été confirmée par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 mars 2023 ([88]). Cet instrument offre à l’Autorité une capacité d’action ciblée sur des opérations susceptibles d’être problématiques, notamment au regard de l’interdiction des ententes anticoncurrentielles.

À cet égard, une notification de griefs a été récemment adressée aux entreprises mises en cause par le rapporteur général de l’Autorité pour avoir conclu et mis en œuvre un accord ayant conduit à la constitution d’un monopole et à l’élimination totale de toute concurrence sur le marché du traitement et sur le marché connexe de la collecte et du transport des déchets d’activités de soins à risques infectieux (Dasri) dans l’un des départements et régions d’outre-mer ([89]).

Comme dans l’Hexagone, l’Autorité de la concurrence s’appuie sur le maillage territorial de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui exerce une veille au plus près du terrain et participe à la détection des infractions dans les DROM. L’Autorité peut ainsi s’appuyer sur les remontées d’indices et les rapports administratifs d’enquête des agents locaux de la DGCCRF, à savoir notamment les pôles « Concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie », dits « pôles C » des directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS).

Ce cadre juridique a permis à l’Autorité d’intervenir régulièrement pour sanctionner des pratiques anticoncurrentielles en outre-mer. Depuis sa création en 2008, l’Autorité a ainsi rendu 45 décisions contentieuses pour un total de 217 millions d’euros d’amendes, dont :

– 162 millions d’euros à l’encontre d’auteurs de pratiques anticoncurrentielles (ententes et abus de position dominante) ;

– 53 millions d’euros à raison d’infractions procédurales (non-respect d’engagements, obstruction, réalisation anticipée d’une opération de concentration) ;

– 2,3 millions d’euros pour des accords exclusifs d’importation.

iii.   L’injonction structurelle, un outil spécifique aux territoires ultramarins

En complément des pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité de la concurrence dispose d’un pouvoir d’injonction structurelle spécifique aux DROM, prévu à l’article L. 752-27 du code de commerce.

En France hexagonale, le Conseil constitutionnel a considéré que le dispositif d’injonction structurelle initialement prévu par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ([90])  dans le secteur du commerce de détail en [France hexagonale], sur le modèle du dispositif existant en outre-mer, portait une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété et était par conséquent contraire à la Constitution ([91]).

Cette disposition permet à l’Autorité, à l’issue d’une procédure contradictoire, d’enjoindre à une entreprise ou un groupe d’entreprises exploitant des commerces de gros ou de détail, et qui détient une position dominante qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés, de modifier, compléter ou résilier des accords, voire, si cela est strictement nécessaire, de céder des actifs.

Dans son avis de 2019 ([92]), l’Autorité avait constaté que ce dispositif, qui n’a encore jamais été utilisé, pourrait constituer un outil adapté pour la résolution de certaines situations en outre-mer. Elle avait toutefois observé que ses conditions d’application avaient été durcies par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ([93]), et a donc appelé à un assouplissement de ces conditions.

La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole a modifié l’article L. 752-27 du code de commerce conformément à ces recommandations et a en outre étendu le dispositif ultramarin aux entreprises actives dans le commerce de gros. Le président de l’Autorité de la concurrence assure que « l’Autorité n’hésitera pas à y recourir si les conditions légales sont réunies » ([94]).

La mise en œuvre de cette disposition reste cependant soumise à un standard de preuve élevé et susceptible de recours.

iv.   Les pratiques restrictives de concurrence, sanctionnées par la DGCCRF

Les pratiques restrictives de concurrence visées à l’article L. 442-1 du code de commerce constituent un outil utile et complémentaire au droit de la concurrence pour protéger les entreprises victimes de comportements abusifs de la part d’un partenaire commercial.

Les pratiques restrictives de concurrence ne relèvent pas de la compétence de l’Autorité de la concurrence mais du ministre de l’économie, par le biais de la DGCCRF.

Pour pallier la méconnaissance de cet outil protecteur des entreprises qui ne pèseraient pas assez, dans un rapport de force économique, pour pouvoir refuser des pratiques que leur imposerait abusivement leur partenaire commercial, votre rapporteure suggère que soient menées des campagnes de sensibilisation dans les DROM autour des pratiques restrictives de concurrence et du droit de la concurrence, comme le proposait également le rapport de la commission d’enquête vie chère. En ce sens, l’Autorité de la concurrence se dit « tout à fait disposée à participer à de telles actions en collaboration avec la DGCCRF » ([95]).

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Dans ce contexte, malgré l’ensemble des outils précités prévus par le droit de la concurrence, les degrés de concentration restent élevés en Outre-mer.

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B.   Face à ces insuffisances, la proposition de loi vise à prendre des mesures d’urgence ambitieuses contre la vie chère pour une meilleure régulation de la concentration des acteurs économiques au sein des pays des océans afin de protéger les populations

1.   Renforcer le rôle des observatoires des marges, des prix et des revenus (OPMR) et l’effectivité du bouclier qualité-prix (BQP)

a.   Revaloriser le rôle et renforcer les moyens des OPMR

i.   Substituer l’avis préalable à l’intégration directe des OPMR aux négociations BQP : une fausse bonne idée ?

S’agissant de la consultation pour avis de l’observatoire des prix, des marges et des revenus en amont des négociations, prévue à l’article L.410-5 du code de commerce, les présidents des observatoires estiment globalement qu’elle doit être maintenue, dans la mesure où elle permet de fixer un cadre aux négociations avant que celles-ci ne soient lancées sous l’égide du préfet territorialement compétent.

Prévoir un avis conforme ne leur parait pas pertinent : « plusieurs membres [de l’assemblée plénière de l’OPMR de Mayotte] s’interrogent sur la nature de cet avis conforme, en amont de négociations, qui par définition, supposent des évolutions » ([96]).

S’agissant de l’intégration directe des OPMR aux négociations BQP, l’idée initiale était de permettre aux OPMR de devenir pleinement parties prenantes des négociations du « bouclier qualité-prix » (BQP), pour qu’ils puissent y faire peser leur expertise. En effet, l’avis préalable que les OPMR fournissent en amont ne s’impose pas juridiquement aux parties prenantes lors des négociations.

Toutefois, il est apparu lors des auditions menées dans le cadre des travaux de cette proposition de loi, notamment avec les présidents des OPMR, qu’aucun consensus n’émerge pour que les OPMR soient intégrés aux négociations BQP.

Le président de l’OPMR de La Réunion estime ainsi qu’« il conviendrait désormais de régulariser cette participation sur le plan réglementaire pour conforter la légitimité de l’OPMR vis-à-vis des autres parties prenantes de la négociation prévus par la réglementation et la rendre obligatoire » ([97]) et celui des OPMR de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy assure qu’ « il serait souhaitable que le président de l’OPMR participe aux réunions de négociation comme observateur et signe les accords comme tiers de confiance sans être acteur de leur mise en oeuvre. Il est à noter que les signataires des accords actuels sont tous membres de l’OPMR » ([98]).

Toutefois, d’autres acteurs ne sont pas du même avis : « ne pas être intégré aux négociations et ne pas être partie prenante de l’accord permet à l’OPMR d’avoir une position neutre et de tiers de confiance » ([99]). En outre, la préfecture de Guadeloupe assure que « le Président de l’OPMR [Antilles-Guyane] a toujours indiqué son refus de signer l’accord, au regard de son indépendance statutaire, et afin de ne pas être juge et partie » ([100]).

De son côté, l’OPMR de Mayotte explique que « l’OPMR comprend des membres représentant des organismes qui se sentiraient en porte-à-faux avec les autres parties prenantes » ([101]) et que « la légitimité de l’OPMR tient à sa très grande diversité, et notamment la présence de représentants de la société civile : il doit garder un positionnement en surplomb, ce que ne permettrait pas le statut de partie prenante à un accord de modération » ([102]).

Par ailleurs, la préfecture de Martinique indique que, dans leur cas, « l’OPMR est systématiquement associé aux négociations annuelles, dans un échange qui rassemble ses membres, les services de l’État, les acteurs économiques et les associations de consommateurs. Le président de l’OPMR prend part quand il le souhaite aux négociations annuelles. Il a ainsi participé activement aux négociations du BQP+. Par ailleurs, le président de l’OMPR formule, en amont des négociations, un avis sur le dispositif de l’année écoulé et propose chaque année des recommandations pour améliorer le dispositif, qui sont reprises dans la mesure du possible » ([103]).

Non prévues par les textes, cette association spontanée et étroite de l’OPMR aux négociations ainsi que la prise en compte des conclusions de son avis préalable et de ses recommandations restent toutefois dépendantes de la bonne volonté des acteurs et des préfectures impliqués.

Votre rapporteure propose donc d’inscrire juridiquement cette association des OPMR territorialement aux négociations du BQP, tout en leur laissant la possibilité de ne pas en faire partie.

ii.   Prévoir un découpage territorial plus fin et plus grande spécialisation des OPMR pour leur permettre de se rapprocher du terrain

« Le président des cinq OPMR des Antilles Guyane devrait consacrer 100% de son temps à cette activité si les missions devaient être toutes remplies et/ou étendues » ([104]).

Un seul et unique président d’OPMR s’occupe à la fois des territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, en plus d’être président de section des chambres régionales des comptes.

Cette situation amène nécessairement à une distanciation par rapport à chaque territoire, la préfecture de Martinique reconnaissant par exemple que « pour la Martinique, l’éloignement du président de l’OMPR peut expliquer qu’il ne participe pas à l’ensemble des travaux ».

Ainsi, pour revaloriser les OPMR et leur permettre de mieux tenir compte de chaque territoire, votre rapporteure propose qu’un OPMR ne puisse pas s’occuper de plus de deux territoires ultramarins. C’est également ce que suggère le représentant de l’État en Martinique : « pour gagner en efficacité, le champ territorial de compétence de l’OPMR pourrait être révisé afin de permettre une plus grande granularité du travail réalisé et un contact plus régulier » ([105]).

iii.   Revaloriser les moyens humains et financiers des OPMR

 « Concernant les accords signés en Martinique, la mission de contrôle de la mise en oeuvre des accords notamment de l’évolution des prix et des marges pour plusieurs milliers de produits n’est pas possible avec les moyens actuels » ([106]).

L’OPMR de La Réunion préconise « la modification du Titre Ier A du livre IX relatif à l’observatoire des prix, des marges et des revenus dans les outre-mer pour renforcer ses prérogatives et lui permettre enfin de disposer des moyens juridiques de ses missions » ([107]).

 

Faut-il doter les OPMR de la personnalité morale ?

La préfecture de la Martinique alerte sur les inconvénients de donner aux OPMR une personnalité morale : « La création d’une entité nouvelle dotée d’une personnalité morale ne serait pas de nature à renforcer [l’]indépendance [fonctionnelle des OPMR], déjà garantie, mais pourrait entraîner un fonctionnement « en silo », alors que la complémentarité avec les services de l’État et ses techniciens favorise la cohérence du travail réalisé » ([108]).

Faut-il confier des pouvoirs d’enquête aux OPMR ?

« Outre son président, les membres de l’OPMR sont des représentants des consommateurs mais aussi des entreprises et secteurs clés pour les prix et les marges (distribution). La possibilité de leur conférer des pouvoirs d’enquête et de sanctions pourrait, de ce fait, être source de conflits d’intérêts. Par ailleurs, il ne parait pas possible de confier des missions d’enquêtes à du personnel non formé en la matière », estime la préfecture de Guadeloupe.

En revanche, « il pourrait cependant être utile que l’OPMR soit doté d’effectifs pour des missions de relevés de prix » ([109]).

Votre rapporteure propose d’octroyer aux observatoires des prix, des marges et des revenus des pouvoirs d’injonction et de lui confier les moyens humains nécessaires pour effectuer notamment sa mission de relevé de prix et de contrôle des marges.

Votre rapporteure recommande également, pour éviter que l’État ne soit juge et partie, que le secrétariat de l’OPMR ne soit plus assuré par la préfecture mais par un équivalent temps plein (ETP) dédié.

Par ailleurs, la présidente de l’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon estime qu’il serait « pertinent d’être en mesure d’obtenir des crédits exceptionnels lorsqu’une étude plus importante se justifie » ([110]).

b.   Renforcer le dispositif du bouclier qualité-prix

i.   Rendre les accords de modération des prix plus exigeants

« Le constat est connu : les accords de modération reposent sur la volonté des parties, sans portée contraignante. L’absence de mise en œuvre des stipulations réduit la portée utile d’un accord de modération », déclare l’OPMR de Mayotte  ([111]).

Au regard de l’impact réduit du bouclier qualité-prix sur le phénomène de vie chère dans les Pays des océans, votre rapporteure propose de rendre le dispositif du bouclier qualité-prix plus exigeant.

Dans cette optique, la proposition de loi propose de substituer à l’objectif de modération celui d’une réduction des prix sur les familles de produits de première nécessité. Elle vise également à rehausser les ambitions des accords BQP, qui devront désormais tendre à ce qu’il garantisse des « prix équivalents à ceux pratiqués en moyenne dans l’Hexagone ».

ii.   Élargir le nombre de produits au sein des dispositifs BQP

Tout d’abord, votre rapporteure propose d’élargir le champ des négociations BQP à d’autres secteurs également concernés par la vie chère, comme ceux de la téléphonie, de la parapharmacie ou encore des pièces détachées.

Ensuite, votre rapporteure suggère que le BQP intègre davantage de produits de « marques de distributeurs », dits « MDD », dans la mesure où ces produits sont généralement vendus à des prix inférieurs à ceux des marques nationales. « En Hexagone, les MDD sont en moyenne 30 % moins chères que les marques nationales. Ils ont gagné d’importantes parts de marché. Dans les outre-mer, les MDD ne se développent pas aussi bien que sur le territoire hexagonal » ([112]).

Enfin, votre rapporteure suggère d’inscrire dans la loi la possibilité pour les produits issus des industriels locaux d’intégrer les négociations BQP, leur permettant ainsi de trouver de nouveaux débouchés.

iii.   Mettre en place une stratégie de « name and shame » pour les acteurs refusant de participer aux négociations BQP

Dans la mesure où le BQP reste un dispositif conventionnel, il convient d’exercer une pression pour que les parties prenantes, et notamment les acteurs de la grande distribution, s’efforcent de participer à cette réduction de prix.

Ainsi votre rapporteure propose de mettre en œuvre une stratégie de « name and shame », c’est-à-dire à exposer publiquement les comportements nuisibles des acteurs économiques se retirant des négociations.

iv.   Mettre en œuvre un dispositif de comparaison des prix à destination des populations ultramarines

Des projets de création de dispositifs de comparatif de prix ont été lancés dans plusieurs territoires ultramarins.

Ainsi, en Martinique, « en application de l’article 24 du protocole, prévoyant le soutien à un dispositif de comparaison des prix, 190 000 euros d’autorisations d’engagement sont délégués ce jour pour appuyer l’appel à manifestation d’intérêt qui s’apprête à être lancé, le cahier des charges étant stabilisé » ([113]).

En Guadeloupe, « en juillet 2024, l’État et la Région Guadeloupe ont attribué à l’UACAZ (Union des associations de consommateurs agréées de ZOBAN, regroupant quatre associations que sont la CLCV, l’UDCSFG, la CNL et l’UDAF) un budget de 200 000 euros, permettant de financer la création du site web et de l’application abritant le comparateur de prix, ainsi que le fonctionnement pour sa mise en place. » ([114])

L’application « Kiprix », dont les données sont en open data, permet de premières comparaisons entre les prix pratiqués dans certains territoires ultramarins et ceux pratiqués dans l’Hexagone.

Or, le groupe Wane explique que « le risque du mécanisme de l’encadrement des prix et du régime des produits de première nécessité (PPN) est que la plupart des acteurs du commerce de détail font de la péréquation, en compensant la perte de marge qu’ils comptabilisent sur ces familles de produits par une augmentation de leur marge sur les autres familles de produits. S’agissant de [leurs] magasins, et notamment des hypermarchés, [le groupe WANE a] fait le choix de ne pas répercuter ces pertes de marge sur les autres familles de produits (dont les marges sont libres). » ([115])

Votre rapporteure propose ainsi d’adosser le dispositif du bouclier qualitéprix à un dispositif de comparateur des prix pour assurer une information claire auprès des consommateurs ultramarins.

c.   Prévoir des sanctions pour donner une pleine effectivité au BQP

« Sous réserve d’une analyse juridique approfondie, une révision du cadre législatif prévoyant des mesures impératives et un mécanisme de sanction pourrait renforcer les accords de modération, dans le sens d’un meilleur suivi et d’une plus grande effectivité » déclare l’OPMR de Mayotte ([116]).

i.   Sanctionner l’indisponibilité récurrente des produits BQP en prévoyant un taux maximum d’indisponibilité admissible des produits BQP fixé par décret

Dans le dispositif du bouclier qualité-prix, « la notion de qualité couvre, audelà de la qualité nutritionnelle et la gamme des produits d’un accord de modération, la fiabilité et la continuité du dispositif via l’approvisionnement des références » ([117]).

Dans ce cadre, l’OPMR de Mayotte propose que l’accord BQP prévoit un taux maximum d’indisponibilité admissible des produits concernés.

Le groupe Safo indique que les groupes sont déjà « réglementairement contraints d’assurer la disponibilité des produits BQP » ([118]), avec une substitution admise en cas de rupture, et qu’ils n’ont pas intérêt à ce que ces indisponibilités soient récurrentes : « un client non servi est un client mécontent » ([119]).

Le groupe assure que ces ruptures d’approvisionnement ne seraient pas de leur responsabilité : « Compte tenu de notre éloignement, le délai moyen d’approvisionnement des produits à température ambiante est d’environ 10 semaines, sauf éléments non prévus (avarie navire, grève au niveau national ou local…). Les causes des ruptures sont très majoritairement étrangères aux magasins. » ([120]) .

ii.   Un outil sanctionnant le non-respect du prix global qui serait fixé unilatéralement par le préfet en cas d’échec des négociations du BQP

En cas d’échec des négociations au-delà d’un délai d’un mois et de reprise en main de la fixation du prix global de la liste de produits de consommation courante, « il n’existe pas de sanction en cas de non-respect de ce prix fixé unilatéralement » ([121]) déclare la préfecture de Martinique.

En ce sens, votre rapporteure estime qu’il conviendrait de combler ce vide juridique pour donner toute son effectivité à la disposition prévue au II de l’article L. 410-5 du code de commerce.

2.   La nécessité d’assurer une transparence sur la constitution des prix, notamment s’agissant des marges des grands distributeurs

a.   Sanctionner plus durement le non-respect de l’obligation de publication des comptes

Compte tenu du non-respect persistant de l’obligation de publication des comptes au sein des territoires ultramarins, votre rapporteure appelle à sanctionner plus strictement ce non-respect de la loi assumé : les distributeurs qui ne déposent pas leurs comptes au greffe assument ouvertement ne pas se plier aux obligations légales.

Votre rapporteure reste toutefois attentive à ce que ce durcissement des sanctions ne conduise pas à mettre des plus petites entreprises en difficulté économique.

Ainsi, tout en laissant une liberté d’appréciation au juge, votre rapporteure propose une rédaction globale de l’article 2 sanctionnant plus durement le non-respect de l’obligation de publication des comptes, en prévoyant que le président du tribunal de commerce adresse aux sociétés concernées une injonction sous astreinte, dont le montant  ne peut être inférieur à 1 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé par la société, au titre de cette activité, à l’échelle mondiale ou le cas échéant en France.

b.   Instaurer une transparence sur la constitution des prix et des marges arrière

Il apparaît essentiel de garantir une plus grande transparence sur la formation des prix. L’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon note à cet égard qu’« une étude sur la structuration des prix est en cours de finalisation » ([122]).

Compte tenu de l’opacité constatée sur les marges des acteurs économiques de la grande distribution alimentaire, et notamment concernant les marges arrière, votre rapporteure appelle à une plus grande transparence sur ce phénomène et à ce que des études approfondies soient menées pour définir juridiquement ce concept recouvrant des réalités plurielles.

La publication des comptes des entreprises, suite au renforcement des sanctions en cas de non-respect de l’obligation de publication, devrait permettre d’obtenir plus de transparence sur la réalité des marges des acteurs économiques, et notamment sur les marges arrière.

L’OPMR de La Réunion préconise quant à lui « le remplacement des marges arrière, à savoir les remises différées versées par le fournisseur en contrepartie des accords de coopération commerciale et des remises de fin d’année (RFA), par des remises sur facture en raison de leur opacité d’une part, avec les montants réellement perçus et les flux financiers pour une meilleure lisibilité des comptes, et de leur effet inflationniste sur les prix d’autre part dans la mesure où elles ne sont que partiellement répercutées sur le prix de vente au consommateur final (prix promo vs fond de rayon) mais systématiquement répercutées par le fournisseur dans le calcul de son prix de vente au distributeur » ([123]).

3.   Encadrer et limiter les concentrations économiques de manière plus ambitieuse

a.   Généraliser le seuil de notifications des concentrations économiques à 5 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’ensemble des domaines d’activité économique au sein des outre-mer

Au regard du degré de concentration restant élevé au sein des territoires ultramarins et du fait que le coût de la vie demeure particulièrement élevé, votre rapporteure estime que les seuils relatifs aux territoires ultramarins ne doivent pas être relevés, mais au contraire être abaissés et alignés sur le seuil de local actuellement spécifique au commerce de détail, afin que les opérations de concentration qui affectent structurellement ces marchés restreints n’échappent pas au contrôle de l’Autorité de la concurrence.

C’est ainsi ce que prévoit le 1° de l’article 3 de la proposition de loi, en proposant de généraliser à l’ensemble des secteurs d’activité l’abaissement du seuil de notification des concentrations à 5 millions de chiffre d’affaires pour les activités réalisées dans les territoires ultramarins.

Lors de son audition, le président de l’Autorité de la concurrence a fait part de ses réticences : « l’extension du seuil de 5 millions d’euros à tous les domaines de l’économie ultramarine ne nous semble pas opportune car elle engendrerait un afflux important de notifications d’opérations en grande majorité non problématiques, ce qui augmenterait la charge administrative pour nos services et diminuerait notre réactivité et nos ressources dédiées aux dossiers soulevant de véritables problèmes de concurrence. » ([124])

L’Autorité met également en garde contre l’application rétroactive d’un abaissement des seuils de notification « compte tenu des nombreuses difficultés et risques juridiques qu’une telle mesure soulèverait, notamment au regard des principes de sécurité juridique reconnu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et du principe de liberté d’entreprendre et du droit de propriété tels qu’interprétés par le Conseil constitutionnel.

« À titre d’illustration, dans un arrêt du 3 septembre 2024 ([125]), la CJUE a censuré, sur le fondement du principe de sécurité juridique des entreprises, le fait, pour les autorités de concurrence nationales de l’UE, de s’appuyer sur une disposition existante du règlement de l’Union européenne sur le contrôle des concentrations ([126]) pour soumettre au contrôle de la Commission européenne des opérations de concentration n’ayant pas dépassé les seuils de notifications nationaux exprimés en chiffre d’affaires » ([127]).

La liberté d’entreprendre, un principe à valeur constitutionnelle

La liberté d’entreprendre est un principe général à valeur constitutionnelle qui découle de l’article 4 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ([128]).

Par la décision QPC du 30 novembre 2012 ([129]), le Conseil constitutionnel consacre la double portée de la liberté d’entreprendre, qui comprend « non seulement la liberté d’accéder à une profession ou à une activité économique mais également la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité ».

Il est toutefois loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ([130]).

b.   Renforcer les moyens de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence pour qu’elle puisse assurer un contrôle des concentrations en Outre-mer

« Une manière concrète et efficace d’améliorer les capacités d’intervention de l’Autorité de la concurrence en outre-mer serait d’augmenter les moyens de la DGCCRF, avec laquelle l’Autorité travaille étroitement et qui joue un rôle essentiel dans la détection des pratiques anticoncurrentielles. L’augmentation des moyens de l’Autorité permettrait également d’améliorer la sanction des pratiques anticoncurrentielles en outre-mer » ([131]).

Faut-il doter l’Autorité de la concurrence d’un pouvoir d’évocation ?

Un autre axe de réflexion pour agir sur les concentrations suggéré par l’Autorité de la concurrence lors de son audition serait de la doter d’un pouvoir d’évocation lui permettant de contrôler, sous certaines conditions, une opération de concentration potentiellement problématique qui n’a pas dépassé les seuils de chiffres d’affaires et qui n’a donc pas fait l’objet d’une notification obligatoire.

c.   Prévoir un seuil spécifique aux territoires ultramarins s’agissant des autorisations d’exploitation commerciale (AEC).

Compte tenu des degrés de concentration persistant au sein des Pays des océans, le 2 ° de l’article 3 de la proposition de loi propose de fixer, comme c’est le cas en Polynésie française, le seuil de surface de vente au-delà duquel un projet est soumis à une autorisation d’exploitation commerciale dans les territoires ultramarins à 300 mètres carrés, au lieu de 1 000 mètres carrés actuellement.


   Commentaire des articles

Article adopté avec modifications

 

L’article 1er propose de rendre plus effectif et ambitieux le « bouclier qualité-prix » (BQP), afin de rapprocher, au sein des collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, les prix des biens de première nécessité et de consommation courante proposés dans le cadre du BQP de ceux pratiqués en moyenne en France hexagonale.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT

En abrogeant notamment l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix, l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence pose comme principe général la liberté des prix, codifiée à l’article L. 410-2 du code de commerce, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement.

Le premier alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce dispose ainsi que les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence – à l’exception des cas où la loi en dispose autrement.

Tempérant ce principe, le deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce prévoit que, « dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison, soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d’État peut réglementer les prix après consultation de l’Autorité de la concurrence ».

En application de l’alinéa précité, l’article 1er de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) disposait ainsi qu’un décret en Conseil d’État pouvait réglementer, après consultation de l’Autorité de la concurrence et en conformité avec l’actuel article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ([132]), le prix de vente, dans toutes les collectivités territoriales d’outre-mer pour lesquelles l’État a compétence en matière de règlementation des prix, de produits ou de familles de produits de première nécessité qu’il détermine pour chaque collectivité territoriale d’outre-mer en fonction de ses particularités.

Or, l’article 15 de loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer, dite « loi Lurel », a, d’une part, abrogé l’article précité et proposé une nouvelle rédaction avec l’article L. 410-4 du code de commerce et, d’autre part, a créé un article L. 410-5 instaurant un « bouclier qualité-prix » au sein de certains territoires ultramarins.

L’article L. 410-4 du code de commerce donne la possibilité au Gouvernement de réglementer, après avis public de l’Autorité de la concurrence et par décret en Conseil d’État, le prix de vente de produits ou de familles de produits de première nécessité.

Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte et Réunion) ainsi que dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna ([133]), l’article L. 410-5 du code de commerce prévoit quant à lui qu’une négociation se tiendra chaque année, dans le cadre des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) territorialement compétents, en vue de la conclusion d’un accord de modération du prix d’une liste de produits de consommation courante.

En cas d’échec des négociations ([134]), le II de l’article prévoit que le préfet arrête les modalités d’encadrement du prix des produits concernés par cette liste, sur la base des négociations et des prix les plus bas pratiqués dans le secteur économique concerné (dans les différentes enseignes pour chacun de ces produits).

L’article L. 410-5 a ainsi consacré l’existence, le fonctionnement et les missions des OPMR dans le code du commerce au titre Ier A du livre IX ([135]). La loi Lurel a également étendu les missions des OPMR aux marges et les a chargés de rendre au représentant de l’État un avis public préalable à l’ouverture des négociations annuelles dans le cadre des accords annuels de modération de prix de produits de grande consommation, dit « bouclier qualité-prix ».

  1.   Le dispositif proposÉ

D’abord, cet article prévoit que l’accord issu des négociations ne vise pas seulement une modération, mais bien une réduction du prix global d’une liste de produits. L’ambition est en effet rehaussée : les accords issus des négociations BQP devront garantir, pour chaque famille de produits, des prix équivalents à ceux pratiqués en moyenne dans la France hexagonale.

En outre, le champ de l’accord issu des négociations est également élargi aux prix de vente des produits ou des familles de produits de première nécessité, et plus seulement aux seuls produits de consommation courante. Dans ce cadre, l’accord issu des négociations portera sur la réduction du prix global d’une liste de produits qui ne sera plus « limitative ».

Par ailleurs, cet article propose de revaloriser le rôle des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), en les rendant pleinement parties prenantes aux négociations annuelles sur les prix, qui réunissent à ce stade le représentant de l’État, les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, les entreprises de fret maritime et les transitaires. Ainsi, alors qu’en l’état du droit actuel, les OPMR territorialement compétents publient un avis simple en amont des négociations, l’article 1er prévoit de supprimer cet avis préalable et d’intégrer directement les OPMR au processus de négociation du BQP. Ces acteurs locaux pourront ainsi peser sur le résultat des négociations qui définissent in fine certains prix payés par les populations ultramarines concernées.

En l’absence d’accord un mois après l’ouverture des négociations, le préfet territorialement compétent devra arrêter, non seulement le prix global des produits figurant sur la liste des produits de consommation courante, mais également les prix de vente des produits ou des familles de produits de première nécessité, sur la base des négociations préalables et sur celle des prix les plus bas pratiqués, en France hexagonale, dans le secteur économique concerné.

Enfin, le dernier alinéa de cet article prévoit une correction légistique : l’article L. 113-3, mentionné au III de l’article L. 410-5, a été abrogé par l’ordonnance n°2 016-301 du 14 mars 2016. Cet alinéa propose donc de le remplacer par une référence à l’article L. 112-1, également relatif aux modalités d’affichage du prix des produits.

Le dispositif proposé s’appuie sur celui mis en place en Polynésie française : aux termes de la loi du pays n° 2022-44 du 19 décembre 2022, les produits de première nécessité (produits ou services nécessaires à la vie courante des ménages ou à la santé des personnes, ou encore à la lutte contre une calamité naturelle) et les produits de grande consommation (produits ou services habituellement utilisés dans la vie courante et destinés aux ménages) sont identifiés dans une liste réglementaire et se caractérisent par l’encadrement de leur prix :

– soit par la fixation d’un prix plafond (exemple : la baguette à 60 francs CFP) ;

– soit en réglementant la marge maximale en valeur absolue.

  1.    Les modifications apportées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE48 de votre rapporteure, identique à l’amendement CE29, ainsi que l’amendement CE47 de votre rapporteure, identique à l’amendement CE28, qui suppriment respectivement les alinéas 3 et 4 de l’article premier.

En effet, lors des auditions menées dans le cadre des travaux préparatoires à l’examen de la présente proposition de loi, aucun consensus n’a émergé pour que les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) soient intégrés aux négociations du « bouclier qualité-prix » (BQP). En outre, les présidents des OPMR ont estimé nécessaire de conserver l’avis public qu’ils fournissent en préalable des négociations du bouclier qualité-prix. Ces amendements permettent donc à ce que l’état du droit sur la participation des OPMR aux négociations du bouclier-qualité-prix reste donc inchangé pour que ces observatoires puissent conserver une position neutre et de tiers de confiance.

La commission a également adopté l’amendement CE19, avec un avis favorable de votre rapporteure, qui prévoit, en préalable des négociations BQP et en complément de l’avis fourni par les OPMR, un avis des représentants de professionnels de la nutrition et de la santé.

L’amendement CE12 a été adopté avec avis favorable de votre rapporteure : il affine la réaction de l’alinéa 7 en substituant aux mots : « des prix équivalents à ceux pratiqués en Hexagone ».

La commission a également adopté l’amendement rédactionnel CE46 de votre rapporteure, qui substitue au mot « Hexagone » les mots « France hexagonale ».

L’amendement CE15 a été adopté avec avis favorable de votre rapporteure, après l’adoption de son sous-amendement CE49 : il vise à ce que l’objectif de garantir pour chaque famille de produits, des prix équivalents aux prix moyens annuels de vente dans l’Hexagone dans le cadre des négociations de l’accord de modération du BQP, tienne compte des produits issus de la production locale, pour éviter de mettre en péril ces filières.

La commission a aussi adopté l’amendement CE35 de votre rapporteure, qui complète l’alinéa 7 et prévoit que les négociations intègrent les associations de consommateurs ou toute association que le préfet jugerait utile.

L’amendement CE31 de votre rapporteure a également été adopté : ayant la vocation d’élargir le dispositif du BQP, il prévoit que le représentant de l’État pourra désormais décider d’intégrer tout autre secteur permettant de réduire le prix de produits de consommation courante, tels que les secteurs de la téléphonie, de la parapharmacie ou des pièces détachées. Il pourra également décider que soient garanties une part de produits vendus sous marque de distributeur et une part de produits issus de l’industrie locale.

La commission a aussi adopté l’amendement CE39 de votre rapporteure, qui propose que le préfet territorialement compétent se fixe comme objectif d’adosser à l’accord BQP  un dispositif de comparateur de prix rendu accessible aux populations

L’amendement CE18 a été adopté avec avis favorable de votre rapporteure, après l’adoption de son sous-amendement CE41 qui prévoit que le représentant de l’État arrête, à l’issue des négociations BQP, la liste des enseignes participant au dispositif.

La commission a également adopté l’amendement de précision légistique CE42 de votre rapporteure.

L’amendement CE1 a été adopté avec avis favorable de votre rapporteure, après l’adoption de son sous-amendement CE43. Il vise à ce que le prix global de la liste issue des négociations du BQP soit affiché de manière lisible et visible à l’entrée des surfaces de vente par le moyen d’un support d’une superficie au moins égale à un mètre carré. Il prévoit également que, pour chacun des produits exposés à la vente au détail, un balisage d’identification soit apposé de manière permanente à proximité immédiate de celui-ci.

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE40 de votre rapporteure : il vise à créer des « corners BQP », c’est-à-dire à ce que les produits concernés par les négociations BQP soient présentés de façon visible et rassemblés dans un espace commun dans chaque grande catégorie de rayons de magasins concernés.

L’amendement CE17, adopté avec avis favorable de votre rapporteure, confie aux agents mentionnés au II de l’article L. 450-1 du code de commerce la charge de veiller à la disponibilité et à la qualité des produits issus des négociations BQP.

La commission a adopté l’amendement CE37 de votre rapporteure, qui prévoit, dans une logique de « name and shame », que le fait, pour une entreprise de sortir de l’accord mentionné au I, fait l’objet d’une mesure de publicité par voie de presse, par voie électronique et par voie d’affichage à la charge de l’entreprise concernée pour une durée de six mois.

L’amendement CE33 de votre rapporteure a également été adopté par la commission. Il prévoit que l’État se fixe pour objectif de renforcer les moyens humains, financiers et juridiques des observatoires des prix, des marges et des revenus.

La commission a adopté l’amendement CE32 de votre rapporteure qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre de chaque année, un rapport évaluant les effets du présent article sur la fixation des prix des produits concernés par l’accord de réduction des prix afin d’analyser les taux de marge réalisés sur ces produits par l’ensemble des acteurs impliqués. Ce rapport analyse également le niveau de consommation des produits concernés et les économies réalisées par ménage. Il détermine, le cas échéant, les évolutions à apporter par territoire. Ce rapport précise enfin, le cas échéant, la part des marges arrière pratiquée sur les produits de consommation faisant l’objet d’un accord de réduction des prix. Cet amendement prévoit également que l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et l’OPMR soient associés à l’élaboration de ce rapport annuel d’évaluation.

L’amendement CE36 de votre rapporteure a aussi été adopté. Il prévoit que l’ensemble des opérations d’achats relatives aux produits concernés par l’accord BQP fasse l’objet d’un transfert automatique de données de la part du distributeur vers la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui assure le respect dudit accord.

Enfin, la commission a adopté l’amendement CE38 de votre rapporteure, qui donne la possibilité à chaque OPMR d’établir un règlement intérieur qui précise et complète ses règles de fonctionnement, notamment à la demande du président de l’OPMR de Mayotte.

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Article adopté avec modifications

 

L’article 2 a pour objectif de renforcer les sanctions envers les sociétés qui ne respectent pas l’obligation légale de publication de leurs comptes.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT

Conformément aux dispositions des articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions sont « tenues de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés », d’une part les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe et les rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels et les comptes consolidés, et d’autre part, la proposition d’affectation du résultat soumis à l’assemblée et la résolution d’affectation votée ou la décision d’affectation prise.

Le dépôt des comptes mentionnés précédemment doit être effectué dans le mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée des associés ou des actionnaires ou, lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique, dans les deux mois suivant cette approbation.

Le fait de ne pas satisfaire à cette obligation de dépôt est puni de l’amende prévue par le 5° de l’article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la cinquième classe, soit 1 500 euros.

En vertu des articles L. 123-5-1, L.123-5-2 et du II de l’article L. 611-2 du code de commerce, le président du tribunal de commerce peut, à son initiative ou à la demande de tout intéressé ou du ministère public, enjoindre sous astreinte au dirigeant de la société commerciale de procéder au dépôt de ses comptes.

D’abord, l’article L.123-5-1 du même code donne la possibilité au président du tribunal d’adresser, en statuant en référé, une injonction sous astreinte au dirigeant de toute personne morale afin qu’il soit procédé à bref délai au dépôt des pièces et des actes au registre du commerce et des sociétés.

Ensuite, l’article L. 123-5-2 dudit code vise plus précisément les dirigeants d’une société commerciale transformant des produits agricoles, commercialisant des produits alimentaires, exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail. Cet article donne également la possibilité au président du tribunal de commerce d’enjoindre à toute société concernée qui n’aurait pas procédé au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du même code de le faire. Le montant de l’astreinte est encadré dans ce cas : il ne peut dépasser 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société au titre de cette activité, par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction.

L’article 8 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 a supprimé les dispositions prévues en ce sens au sixième alinéa de l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime et l’a remplacé par l’insertion, dans le code de commerce, de l’article L. 123‑5‑2 précité, qui consacre trois changements :

– la possibilité, pour le président du tribunal de commerce, d’enjoindre sous astreinte aux sociétés commerciales du secteur agroalimentaire de déposer leurs comptes n’est plus conditionnée par une demande du président de l’observatoire en ce sens ;

– l’obligation faite au greffier d’informer le président du tribunal de commerce en cas de non-dépôt des comptes est étendue aux sociétés commerciales du secteur agroalimentaire ;

– les obligations sont étendues aux centrales d’achat ou de référencement.

Enfin, le II de l’article L. 611-2 dudit code prévoit également que le juge puisse adresser une injonction sous astreinte aux dirigeants d’une société commerciale qui ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le cas échéant sur demande du président de l’un des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) mentionnés à l’article L. 910-1 A du même code. Il dispose également que, si cette injonction n’est pas suivie d’effet dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le président du tribunal peut également faire application à leur égard des dispositions du deuxième alinéa du I : il peut ainsi obtenir communication, par les commissaires aux comptes, les membres du comité social et économique, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales, ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur.

Enfin, le troisième alinéa du II dispose que les dispositions du II sont applicables dans les mêmes conditions à tout entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui ne procède pas au dépôt des comptes annuels ou documents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 526-14 du même code, lorsque l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté est commerciale ou artisanale.

  1.   Le dispositif proposÉ

En pratique, l’obligation de dépôt des comptes au greffe est peu respectée dans les territoires ultramarins.

Les distributeurs assument publiquement ne pas respecter la loi et justifient ce non-respect par le caractère restreint des marchés ultramarins. Ils prétendent que la publication de leurs comptes leur ferait subir un désavantage comparatif notoire vis-à-vis de leurs concurrents qui font également le choix de pas respecter cette obligation : ils refusent de rendre publiques des informations sensibles et importantes sur le fonctionnement et les stratégies de leurs groupes respectifs.

Or, malgré ce non-respect assumé des obligations légales, les différents dispositifs d’astreinte prévus par la loi restent rarement mis en œuvre.

Cette situation, en plus de créer une distorsion de concurrence vis-à-vis des entreprises vertueuses, contribue à opacifier les pratiques sur ce marché et à créer de la défiance vis-à-vis de ces grands groupes. Ainsi, le secteur de la grande distribution en Outremer se caractérise par une grande opacité, notamment sur les mécanismes de formation des prix, dont le caractère outrancier est pointé du doigt par les populations ultramarines qui subissent la vie chère au quotidien.

Ainsi, pour des questions de transparence de la vie économique, d’égalité devant la loi et de bonne application de la loi, l’article 2 de la proposition de loi prévoit de renforcer l’effectivité de l’obligation de publication des comptes des sociétés commerciales, en rendant plus dissuasives les sanctions en cas de nonrespect, en modifiant et en complétant les articles L. 123-5-2 et L. 611-2 du code du commerce.

D’abord, cet article impose au président du tribunal de commerce d’adresser une injonction sous astreinte à toute société commerciale, visée par l’article, qui ne procèderait pas au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus aux articles L. 2332-21 à L. 232-23 du même code.

Ensuite, cet article fige le montant de l’astreinte appliquée à 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé par l’entreprise ou par le groupe de sociétés.

La rédaction de l’article précise que le chiffre d’affaires pris en compte est, le cas échéant, celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise concernée. Elle ne précise toutefois pas de période pour l’application de ces astreintes.

  1.    Les modifications apportées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE44 de votre rapporteure, qui réécrit globalement l’article 2.

La nouvelle rédaction permet d’ajuster les formulations initiales en prévoyant un régime dérogatoire réservé aux collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna.

Ainsi, s’agissant de l’article L. 611-2 du code de commerce, dans les territoires concernés, lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt de leurs comptes annuels dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232‑21 à L. 232‑23, le président du tribunal de commerce devra adresser à cette société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte, par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction.

Le montant de cette astreinte ne pourra être inférieur à 1 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé par la société, au titre de cette activité, à l’échelle mondiale ou le cas échéant en France, au cours du dernier exercice clos de la personne morale contrôlée, sauf décision spécialement motivée en considération de la gravité des manquements constatés et de la taille et des moyens de la société.

De plus, si l’injonction est adressée à une personne morale dont les comptes ont été consolidés ou combinés, le chiffre d’affaires pris en compte sera celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de la personne morale consolidante ou combinante.

L’amendement précise également que l’injonction précise le montant de l’astreinte journalière encourue et que l’astreinte journalière court à compter du jour suivant l’expiration du délai imparti au professionnel pour déférer à l’injonction.

Il est également prévu qu’en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation pourra procéder, dans les conditions prévues à l’article L. 522‑5, à la liquidation de l’astreinte, et qu’elle tiendra compte, pour déterminer le montant total de l’astreinte liquidée, des circonstances de l’espèce.

En outre, s’agissant de l’article L. 125-5-2, les mêmes dispositions s’appliqueraient lorsque, dans les territoires concernés, les dirigeants d’une société commerciale transformant des produits agricoles, commercialisant des produits alimentaires, exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232‑2.

*

*     *

Article adopté avec modifications

 

L’article 3 a pour objectif d’élargir à l’ensemble des domaines d’activité économique le seuil spécifique de notification des concentrations de 5 millions d’euros, d’ores et déjà applicable dans le secteur du commerce de détail lorsque au moins une des parties à la concentration exerce tout ou partie de son activité dans un ou plusieurs départements d’outre-mer, dans le département de Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna ou dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT
    1.   Les seuils, exprimés en chiffre d’affaires, de notification des oPérations de concentration à l’AUtorité de la concurrence
      1.   Cadre général

L’article L. 430-1 du code de commerce défini les opérations de concentration telles que :

– d’une part, deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ;

– d’autre part, lorsqu’une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d’une entreprise ou lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou plusieurs autres entreprises.

En somme, les concentrations couvrent les opérations entrainant un changement durable du contrôle des entreprises concernées et donc de la structure du marché. Elles peuvent prendre différentes formes : fusion d’entreprises antérieurement indépendantes, prise de contrôle d’une entreprise par une autre entreprise, création par deux sociétés persistantes d’une entreprise commune.

L’Autorité de la concurrence, en tant qu’autorité administrative indépendante, est tenue d’examiner toute opération de concentration, avant leur réalisation, dès lors que sont dépassés certains seuils exprimés en chiffres d’affaires et définis à l’article L. 430-2 du code de commerce.

L’Autorité de la concurrence a l’obligation de se prononcer dans un délai contraint fixé par la loi, prévu aux articles L. 430-5 à L. 430-7 du code de commerce, afin de ne pas ralentir plus que nécessaire les activités économiques des entreprises. Ainsi, pour les cas ne présentant pas de difficultés particulières, l’Autorité de la concurrence effectue un examen rapide sous 25 jours ouvrés (phase 1). En revanche, si au terme de ce premier examen des doutes subsistent quant au risque d’atteinte à la concurrence, l’Autorité ouvre une procédure d’examen approfondi (phase 2) et dispose de 65 jours ouvrés supplémentaires.

Plusieurs sanctions sont prévues par l’article L. 430-8 du code de commerce à l’égard des entreprises ayant réalisé des opérations de concentration sans avoir procédé à la notification préalable obligatoire. L’Autorité de la concurrence peut ainsi obliger les sociétés à procéder à la notification, à moins de revenir à l’état antérieur à la concentration. En outre, elle peut leur infliger une sanction pécuniaire allant jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France pour les personnes morales et 1,5 millions d’euros pour les personnes physiques.

  1.   Historique de la réglementation relative aux notifications de concentration économique

Historiquement, les seuils applicables au contrôle national des concentrations ont varié à plusieurs reprises dans la législation française.

Au départ instaurée sur une base volontaire avec la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977 relative au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes illicites et des abus de position dominante, la procédure de notification des concentrations ([136]) est devenue obligatoire avec la loi n° 2001‑420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite loi « NRE », lorsque deux seuils exprimés en chiffre d’affaires ([137]) sont cumulativement franchis :

– le chiffre d’affaires mondial de l’ensemble des parties à la concentration est supérieur à 150 millions d’euros ;

– le chiffre d’affaires en France d’au moins deux des parties à l’opération est supérieur à 15 millions d’euros.

Ces seuils sont applicables à tous les secteurs économiques et pour l’ensemble du territoire national.

Toutefois, l’ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 a porté de 15 millions d’euros à 50 millions d’euros le second seuil en chiffre d’affaires.

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite loi « LME », a transféré la compétence du contrôle des concentrations du ministre chargé de l’économie à l’Autorité de la concurrence.

La LME de 2008 a également introduit, outre les seuils généraux, des seuils spécifiques pour les opérations portant sur le commerce de détail et pour les opérations impliquant une entreprise active dans les départements et certaines collectivités d’outre-mer.

En 2010, à la suite des recommandations de l’Autorité de la concurrence dans le cadre de son avis de 2009 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer, un seuil spécifique au commerce de détail en outre-mer a été mis en place : initialement fixé à 7,5 millions d’euros, il a été abaissé à 5 millions d’euros en 2012 pour tenir compte du fait que les chiffres d’affaires réalisés en outre-mer par le commerce de détail ([138]) sont en moyenne inférieurs à ceux réalisés dans l’Hexagone, et s’assurer ainsi que ces opérations n’échappent pas au contrôle de l’Autorité de la concurrence.

  1.   Seuils applicables aux entreprises actives dans les départements et certaines collectivités d’outre-mer

Depuis la LME de 2008, le paragraphe III de l’article L. 430-2 du code commerce dispose que, lorsque au moins une des parties à la concentration exerce tout ou partie de son activité dans un ou plusieurs départements d’outre-mer, dans le département de Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna ou dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, la concentration doit être notifiée à l’Autorité de la concurrence si les trois conditions suivantes sont cumulativement remplies :

– le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 75 millions d’euros ;

– le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé individuellement dans au moins un des départements ou collectivités territoriales concernés par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 15 millions d’euros, ou à 5 millions d’euros dans le secteur du commerce de détail, sans qu’il soit nécessaire que ce seuil soit atteint par l’ensemble des entreprises concernées dans le même département ou la même collectivité territoriale ;

– l’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

Cette disposition spécifique permet à l’Autorité de la concurrence de contrôler des concentrations non soumises au contrôle des concentrations en vertu des seuils du I et II de l’article L. 430-2 du code de commerce mais qui peuvent affaiblir substantiellement la concurrence dans certains départements et collectivités d’outre-mer.

Des dispositions juridiques encadrées par le droit européen

Le règlement (CE) n° 139/2004 du 20 janvier 2004 du Conseil, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, régit le contrôle des concentrations de dimension européenne.

Certaines de ses dispositions sont directement applicables, notamment :

– L’article premier, qui fixe la limite des compétences respectives de la Commission européenne et des autorités de concurrence nationales en fonction des chiffres d’affaires des entreprises concernées par la concentration. Une concentration est de dimension communautaire lorsque le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à cinq milliards d’euros, et que le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’Union européenne par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d’euros, à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans l’Union européenne à l’intérieur d’un seul et même État membre ;

– L’article 5, qui précise le mode de calcul des chiffres d’affaires mentionnés à l’article L. 430-2 du code de commerce ;

– Les articles 4 (paragraphes 4 et 5), 9 et 22, qui prévoient les mécanismes de renvoi d’une concentration entre la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence des États membres. D’une part, les renvois d’affaires de dimension européenne vers les autorités nationales de concurrence peuvent être effectués soit à la demande des entreprises (article 4§4), soit à la demande des États membres (article 9), éventuellement sur invitation de la Commission européenne (article 9). D’autre part, des concentrations de dimension nationale peuvent être renvoyées devant la Commission européenne à la demande des entreprises (Article 4§5) ou à la demande des États membres (article 22).

Les autres dispositions du règlement 139/2004 ne sont pas directement applicables au contrôle des concentrations par les autorités nationales. Toutefois, dans un souci de cohérence et d’harmonisation avec la pratique européenne, les autorités nationales se réfèrent, pour déterminer la portée des différentes notions relatives au contrôle des concentrations utilisées dans le code de commerce, aux notions mentionnées par le règlement 139/2004.

En outre, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, établie depuis son arrêt du 21 février 1973 « Continental Can » (aff. C-6/72) et récemment rappelée dans son arrêt du 16 mars 2023 « Towercast » (aff. C-449/21), affirme qu’une opération de concentration non soumise à un contrôle des concentrations, notamment parce que le chiffre d’affaires des entreprises concernées est inférieur aux seuils applicables, peut faire l’objet d’un examen contentieux au titre de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatif aux abus de position dominante.

 

  1.   Les seuils, exprimés en surface de vente, conditionnant certains projets à une autorIsation d’exploitation commerciale

En application de l’article L. 752-1 du code de commerce, tout projet de création ou d’extension d’un commerce de détail ou d’un ensemble commercial de plus de 1 000 mètres carrés est soumis à une autorisation d’exploitation commerciale (AEC), indépendamment de la demande, éventuelle, de permis de construire.

Certains projets en sont exclus (pharmacies, concessions automobiles, halles et marchés de détail, etc.) et d’autres bénéficient de dérogations sur le calcul de la surface de vente (horticulteurs, points de retraits – drives – intégrés à un commerce déjà autorisé, etc.).

L’AEC s’obtient après l’avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). La demande d’autorisation est enregistrée par le maire de la commune d’implantation ou par le représentant de l’État dans le département, qui préside la CDAC. Cette dernière dispose d’un délai de deux mois, à compter de sa saisine, pour rendre son avis et délivrer l’autorisation ou le refus d’exploiter, à la majorité absolue des voix.

Le refus d’exploiter entraîne le refus de délivrance du permis de construire, le cas échéant.

La décision de la CDAC peut faire l’objet d’un recours devant la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), dans le délai d’un mois après la publication de cette décision. Le droit de recours est ouvert au porteur du projet, au représentant de l’État dans le département, au maire, au président de l’EPCI du territoire d’implantation et à toute personne qui peuvent prouver leur intérêt à agir (par exemple, un exploitant dont l’activité est située dans la zone de chalandise du projet commercial). La CNAC émet son avis dans un délai de quatre mois, et sa décision est elle-même susceptible d’un recours, devant la cour administrative d’appel compétente sur le territoire d’implantation du projet.

Tout comme les CDAC, la CNAC rend son avis en tenant compte des dispositions de l’article L. 750-1 du code de commerce, qui fixe trois critères pouvant justifier un refus d’exploiter. Cet article dispose notamment que « les implantations, extensions, transferts d’activités existantes et changements de secteur d’activité d’entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme ». Des critères économiques existaient auparavant (densité commerciale, effet sur l’emploi), mais leur application a été jugée comme portant une atteinte disproportionnée au principe de libre concurrence – ils ont donc été supprimés.

En l’état du droit, aucun seuil spécifique n’est prévu au sein des territoires ultramarins.

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Généraliser l’abaissement du seuil de notification des concentrations à 5 millions de chiffre d’affaires à l’ensemble des secteurs d’activité pour les activités réalisés dans les territoires ultramarins

Le 1° de l’article 3 propose de modifier le troisième alinéa du III de l’article L. 430-2 en retirant la mention du seuil de 15 millions d’euros et celle relative au secteur de commerce de détail pour généraliser à l’ensemble des secteurs d’activité l’abaissement du seuil de notification des concentrations à 5 millions de chiffre d’affaires total hors taxe réalisé individuellement dans au moins un des territoires ultramarins concernés.

En l’espèce, cela concerne les départements et régions d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution, ainsi que certaines collectivités d’outre-mer déjà concerné par le dispositif spécifique prévu à l’article L.430-2 du code de commerce, à savoir Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et les îles Wallis et Futuna.

  1.   Abaisser à 300 mètres carrés le seuil de surface de vente impliquant la soumission d’un projet à une autorisation d’exploItation commerciale au sein des territoires ultramarins

Le 2° de cet article propose de prévoir un seuil spécifique, applicable aux collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et aux collectivités d’outre‑mer de Saint‑Barthélemy, de Saint‑Martin et de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, s’agissant du seuil de surface de vente au-delà duquel un projet est soumis à une autorisation d’exploitation commerciale par la commission départementale d’aménagement commercial.

Au sein des territoires ultramarins précités, ce seuil dérogatoire serait fixé à 300 mètres carrés, au lieu de 1 000 mètres carrés actuellement. Ce seuil spécifique relatif au contrôle des aménagements commerciaux est déjà appliqué en Polynésie française.

Cette extension du contrôle des aménagements commerciaux à des surfaces de vente excédant 300 mètres carrés s’appliquerait dans quatre cas, tel que le prévoit l’article ainsi rédigé :

– à la création d’un magasin de commerce de détail, résultant soit d’une construction nouvelle, soit de la transformation d’un immeuble existant ;

– à l’extension ([139]) de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint ce seuil ou devant le dépasser par la réalisation du projet ;

– à la création d’un ensemble commercial tel que défini à l’article L. 752-3 du code de commerce ;

– à l’extension de la surface de vente d’un ensemble commercial ayant déjà atteint ce seuil ou devant le dépasser par la réalisation du projet.

  1.    Les modifications apportées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE45 de correction légistique de votre rapporteure. Il permet de laisser le renvoi au décret à la fin de l’article L. 752-1 du code de commerce.

L’amendement CE22 a également été adopté, avec avis favorable de votre rapporteure. Il prévoit qu’un nouveau seuil, ne pouvant aller au-delà de 25 % de la surface totale sur l’ensemble d’un département d’outre-mer, soit prévu pour soumettre à autorisation commerciale un projet de création ou d’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce ou d’un centre commercial.

 

*

*     *


Introduit par la commission

 

L’article 4 vise à interdire à un groupe de distribution de détenir plus de 25 % de part de marché dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et de Wallis-et-Futuna dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT

Si le droit de la concurrence encadre les pratiques des groupes de distribution (pratiques anticoncurrentielles, abus de position dominante, etc.), il n’existe pas, en l’état actuel du droit, de dispositions législatives encadrant strictement les part de marché des groupes de distribution.

  1.   Le dispositif proposé

Cet article propose que, dans chacune des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, le fait, pour un groupe de distribution, de détenir une part de marché supérieure à 25 % soit prohibé.

Est également rendu illégal le fait de n’avoir pas mis en œuvre, sous un délai de 12 mois à compter de la promulgation la présente loi, les mesures nécessaires afin de faire revenir sa part de marché en deçà du seuil susmentionné.

  1.   Les modifications apportéeS par la commission

L’amendement CE4 a été adopté, après une demande de retrait de votre rapporteure, qui partage la volonté de lutter contre les phénomènes de concentration dans les territoires ultramarins, mais qui estime qu’il est plus pertinent de le réguler au niveau des surfaces de vente, comme le propose l’amendement CE22 (adopté), plutôt qu’au niveau du chiffre d’affaires.

Outre les interrogations soulevées au regard des dispositions constitutionnelles relatives à la liberté d’entreprendre et à la liberté du commerce et de l’industrie, le délai de douze mois apparait ambitieux et semble source d’insécurité juridique pour les entreprises qui dépassent déjà le seuil mentionné.

Enfin, cet article ne prévoit pas de sanction pour faire respecter l’interdiction de détenir plus de 25 % de parts de marchés par un groupe de distribution.


TABLEAU RECENSANT LES Opérations examinées en raison du franchissement des seuils généraux prévus aux I et II de l’article L. 430-2 du code de commerce

 

Décision

Opération

Dispositif

1

10-DCC-25

Prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Louis Delhaize par la société H Distribution (groupe Hoio)

Autorisation avec engagements

19/03/2010

2

10-DCC-51

Prise de contrôle exclusif de la Société Sucrière du Quartier Français par le groupe Tereos

Autorisation avec engagements

28/05/2010

3

11-DCC-110

Prise de contrôle exclusif de la société Outremer Telecom par la société AXA Investment Managers Private Equity Europe SA

Autorisation

26/07/2011

4

11-DCC-187

Prise de contrôle exclusif de la société Quartier Français Spiritueux par la Compagnie Financière Européenne de Prise de Participation

Autorisation avec engagements

13/12/2011

5

12-DCC-11

Acquisition de la société Établissements Jean Didier et Cie par la société Pro-à-Pro Distribution SA

Autorisation

06/02/2012

6

12-DCC-100

Prise de contrôle exclusif de TPS et canalsatellite par Vivendi et Groupe Canal Plus

Autorisation avec injonctions

23/07/2012

7

14-DCC-15

Prise de contrôle exclusif des sociétés Mediaserv, Martinique Numérique, Guyane Numérique et La Réunion Numérique par la société Canal Plus Overseas

Autorisation avec engagements

10/02/2014

8

14-DCC-45

Prise de contrôle de la société Esso Antilles Guyane par le groupe Sol

Autorisation

27/03/2014

9

14-DCC-160

Prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Altice

Autorisation avec engagements

30/10/2014

10

15-DCC-54

Prise de contrôle exclusif de la société Anonyme de la Raffinerie des Antilles par la société Rubis

Autorisation avec engagements

13/05/2015

11

15-DCC-104

Prise de contrôle exclusif de la Société Réunionnaise de Produits Pétroliers par la société Rubis

Autorisation avec engagements

30/07/2015

12

15-DCC-142

Prise de contrôle conjoint de la société Telecom Réunion Mayotte par Iliad et le groupe Hiridjee

Autorisation

20/10/2015

13

16-DCC-81

Prise de contrôle exclusif de la société Sorec Autos par la société Socipar

Autorisation

10/06/2016

14

16-DCC-155

Prise de contrôle exclusif de la société Geimex par le groupe Casino

Autorisation avec engagements

14/10/2016

15

17-DCC-181

Prise de contrôle conjoint de cinq sociétés immobilières par le groupe Société Nationale Immobilière et l’État français

Autorisation

06/11/2017

16

19-DCC-142

Prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Soco Invest aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc

Autorisation

17/07/2019

17

19-DCC-204

Prise de contrôle exclusif de la SEMADER par CDC Habitat

Autorisation

28/10/2019

18

20-DCC-34

Prise de contrôle exclusif des sociétés Teralta Ciment Réunion et Teralta Granulat Béton Réunion par la société Entreprise Audemard

Autorisation

04/03/2020

19

20-DCC-40

Prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Soresum aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc

Autorisation

23/03/2020

20

21-DCC-172

Création d’une entreprise commune par les sociétés AGI, EDF PEI, Genak et Safo

Autorisation

01/10/2021


21

22-DCC-88

Prise de contrôle exclusif de Vivo Energy par Vitol Holding

Autorisation

19/05/2022

22

22-DCC-104

Prise de contrôle exclusif du groupe Bioclinic par le groupe Inovie

Autorisation

24/06/2022

23

23-DCC-79

Prise de contrôle conjoint d’Equator Energy Limited par STOA, IBL Energy Holdings Ltd, Maris Limited et Nvision Engineering Ltd

Autorisation

27/04/2023

24

23-DCC-190

Prise de contrôle exclusif des sociétés Guadeloupe Services Automobiles et Prestige Distribution Karaib par la société Citadelle

Autorisation

25/09/2023

25

24-DCC-04

Prise de contrôle exclusif des sociétés OCS et Orange Studio par Groupe Canal Plus (Bolloré)

Autorisation avec engagements

12/01/2024

26

24-DCC-129

Prise de contrôle exclusif d’actifs de Ludendo (La Grande Récré/Starjouet) par Jouéclub

Autorisation avec engagements

19/06/2024

27

24-DCC-149

Prise de contrôle de certains actifs de la société Bolloré Logistics par la société Balguerie

Autorisation

16/07/2024

Source : Autorité de la concurrence.

Tableaux recensant les Opérations examinées en raison du franchissement des seuils spécifiques à l’outre-mer prévus Au III de l’article L. 430-2 du code de commerce

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010

 

Décision

Opération

Dispositif

1

10-DCC-197

Acquisition du contrôle exclusif du fonds de commerce Cora Bas du Fort par la société Ho Hio Hen Investissements Outre Mer

Autorisation

30/12/2010

2

11-DCC-09

Acquisition du fonds de commerce de la société Foucque Automobile par la société CFAO

Autorisation

20/01/2011

3

11-DCC-30

Acquisition du contrôle exclusif d’un fonds de commerce de la société Autotec SAS par la société Nouveau Comptoir Caraïbes d’Importation et d’Exportation (NCCIE SARL)

Autorisation

04/03/2011

4

11-DCC-45

Acquisition du contrôle exclusif du fonds de commerce de l’hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais

Autorisation

18/03/2011

5

11-DCC-102

Acquisition de la Société Antillaise des Pétroles Chevron (SAPC) par le groupe Rubis

Autorisation avec engagements

30/06/2011

6

11-DCC-134

Acquisition d’actifs du groupe Louis Delhaize par la société Groupe Bernard Hayot

Autorisation avec engagements

02/09/2011

7

11-DCC-173

Prise de contrôle conjoint du fonds de commerce de la Société d’Exploitation et de Distribution Saint-François par les sociétés Carcom et Etablissements Jacques Nouy via leur filiale commune Sodex Saint-François

Autorisation

28/11/2011

8

12-DCC-53

Acquisition du fonds de commerce de la société West Indies Petroleum Company SAS par la société Compagnie Antillaise des Pétroles

Autorisation

24/04/2012

9

12-DCC-59

Acquisition des sociétés Socolam, Somacom et René Lancry (actifs du Groupe Lancry) par la société Socohold (Groupe Parfait) : prise de contrôle exclusif par le groupe Parfait des hypermarchés Leclerc Place d’Armes et Long Pré et de la plateforme logistique du groupe Lancry

Autorisation avec engagements

04/05/2012

Source : Autorité de la concurrence.


 

 

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012

 

Décision

Opération

Dispositif

10

13-DCC-43

Prise de contrôle exclusif de Hyper CK par Groupe Bernard Hayot

Autorisation

29/03/2013

11

13-DCC-180

Prise de contrôle exclusif de Sodiva SAS et Mement SARL par le groupe Citadelle

Autorisation

09/12/2013

12

13-DCC-199

Prise de contrôle exclusif de Mobius SAS par Altice Blue Two SAS

Autorisation

24/12/2013

13

14-DCC-34

Prise de contrôle exclusif par le groupe Parfait du fonds de commerce à dominante alimentaire Dia Sainte Rose

Autorisation

18/03/2014

14

14-DCC-66

Prise de contrôle exclusif des fonds de commerce exploités par Yacatec, Rodom et Grodom par le groupe Safo-GHD

Autorisation

30/05/2014

15

14-DCC-123

Prise de contrôle exclusif de Brasserie Lorraine par Antilles Glaces

Autorisation avec engagements

21/08/2014

16

15-DCC-157

Prise de contrôle exclusif de GPG par Cerp Bretagne Atlantique

Autorisation

03/12/2015

17

16-DCC-08

Prise de contrôle exclusif de Premium Motors Guadeloupe par AGM Holding, société mère du Groupe Parfait

Autorisation

25/01/2016

18

16-DCC-21

Prise de contrôle de la Société pour l’Exploitation et le Développement des Eaux de Source par GML Investissement LTEE

Autorisation

17/02/2016

19

16-DCC-165

Prise de contrôle exclusif d’un fonds de commerce de distribution automobile par AGM Holding

Autorisation

03/11/2016

20

17-DCC-25

Prise de contrôle exclusif de ASDL par le groupe Océinde

Autorisation

16/02/2017

21

17-DCC-214

Prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Ho Hio Hen par JKS Finances

Autorisation

20/12/2017

22

18-DCC-79

Prise de contrôle exclusif de Dimeco par Cafom

Autorisation

23/05/2018

23

18-DCC-142

Prise de contrôle exclusif de SDRO et Robert II par Groupe Bernard Hayot

Autorisation avec engagements

23/08/2018

24

18-DCC-183

Prise de contrôle exclusif de SOGEMA par le groupe Safo

Autorisation

31/10/2018

25

18-DCC-188

Prise de contrôle exclusif de Avenir par Groupe Bernard Hayot

Autorisation

06/11/2018

26

19-DCC-11

Prise de contrôle exclusif de Mayotte Motor Corporation Distribution et Hamaha Rent Citadelle

Autorisation

23/01/2019


27

19-DCC-36

Prise de contrôle exclusif de la société Marie Brizard Wine & Spirits par la Cofepp

Autorisation avec engagements

28/02/2019

28

19-DCC-170

Prise de contrôle exclusif de la Société de Manutention et de Consignation Maritime par Terminal Investment Limited

Autorisation

17/09/2019

29

19-DCC-180

Prise de contrôle exclusif de NDIS Safo

Autorisation avec engagements

27/09/2019

30

19-DCC-231

Prise de contrôle exclusif de six sociétés immobilières d’Outre-Mer par CDC Habitat

Autorisation

16/12/2019

31

20-DCC-28

Prise de contrôle conjoint de Financière Pain Frotté par les groupes Kin Siong, Lam Tow et Yong Wai Man

Autorisation avec engagements

03/03/2020

32

20-DCC-69

Prise de contrôle conjoint par Aram Financial et Victor Bellier Participation de 4 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire

Autorisation

19/05/2020

33

20-DCC-72

Prise de contrôle exclusif Vindémia Group par Groupe Bernard Hayot

Autorisation avec engagements

26/05/2020

34

20-DCC-74

Prise de contrôle exclusif de deux fonds de commerce à dominante alimentaire par Ah-Tak

Autorisation

26/05/2020

35

20-DCC-84

Prise de contrôle exclusif de la SODIAC par CDC Habitat

Autorisation

17/07/2020

36

20-DCC-180

Prise de contrôle exclusif par Logicare d’un fonds de commerce de distribution automobile

Autorisation

14/12/2020

37

20-DEX-02

Prise de contrôle conjoint de l’hypermarché Géant-Casino La Batelière par le groupe Parfait aux côtés de l’ACDLec et à la prise de contrôle exclusif d’H Immobilier par le groupe Parfait

Examen approfondi

18/12/020

38

21-DCC-138 05/08/2021

Prise de contrôle conjoint de la SEMAG par Action Logement Immobilier et la région et le département de la Guadeloupe

Autorisation

39

21-DCC-215

Prise de contrôle conjoint de la SEDRE par Action Logement Immobilier et la commune de Saint-Paul

Autorisation

03/12/2021

40

22-DCC-35

Prise de contrôle exclusif de Bio Pôle Antilles par le groupe Inovie

Autorisation avec engagements

27/04/2022

41

22-DCC-105

Prise de contrôle exclusif d’un fonds de commerce à La Réunion par le groupe Leal

Autorisation

23/06/2022

42

22-DCC-142

Prise de contrôle exclusif du groupe Bio Santé par le groupe Eurofins

Autorisation

04/08/2022

43

22-DCC-153

Prise de contrôle exclusif de SAMP par CMA CGM

Autorisation

16/08/2022

44

22-DCC-168

Prise de contrôle exclusif de Biolab Martinique par le groupe Cerba

Autorisation

07/09/2022

45

22-DCC-180

Prise de contrôle conjoint des sociétés Z Loc, Maxauto et Z Auto par les groupes Tetrama et GBH

Autorisation

22/09/2022

46

22-DCC-254

Prise de contrôle exclusif de l’hypermarché Géant Casino La Batelière et de la société H Immobilier par le groupe Parfait

Autorisation avec engagements

22/12/2022

47

23-DCC-137

Prise de contrôle exclusif de la société Make Distribution par le groupe IBL

Autorisation

30/06/2023

48

23-DCC-138

Prise de contrôle exclusif de la SEMAC par CDC Habitat

Autorisation

27/08/2023

49

23-DCC-243

Prise de contrôle exclusif de lPBS Auto par Socipar

Autorisation

19/12/2023

50

24-DCC11

Prise de contrôle exclusif de Centre auto SBH, Turbe car rental et Turbe car rental II par Socipar

Autorisation

05/02/2024

51

24-DCC-12

Prise de contrôle exclusif de Cogedal par Urcoopa

Autorisation

23/01/2024

52

24-DCC-26

Prise de contrôle de dix sociétés appartenant au groupe Capriona par United Basalt Products

Autorisation

15/02/2024

53

24-DCC-154

Prise de contrôle exclusif de la société Nouveau Comptoir Caraïbe d’Importation et d’Exportation par la société Citadelle

Autorisation

16/02/2024

Source : Autorité de la concurrence.


Au cours de sa réunion du mercredi 4 décembre 2024, la commission a examiné la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer (n° 522) (Mme Béatrice Bellay, rapporteure).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Mes chers collègues, je vous informe du report de l’audition, prévue ce matin, du président d’Auchan France et du directeur général d’Auchan Retail International, à la demande de ces derniers qui ont invoqué une contrainte internationale imprévue ce mois-ci. Nous espérons vivement les entendre prochainement. Les salariés du groupe sont d’ailleurs en train de se mobiliser à Fontenay-sous-Bois contre le plan de licenciement annoncé de 2 389 employés, qui touche des dizaines de magasins dans toute la France, c’est‑à‑dire dans quasiment toutes nos circonscriptions.

Notre commission est appelée à examiner deux propositions de loi en vue de la journée réservée au groupe Socialistes, prévue le 12 décembre : la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer, pour laquelle Mme Béatrice Bellay a été désignée rapporteure ; la proposition de loi portant accélération de la rénovation énergétique des logements, pour laquelle notre rapporteur est M. Stéphane Delautrette. Pour l’instant, ces propositions de loi sont inscrites respectivement en première et sixième positions à l’ordre du jour de la séance publique du 12 décembre. Nous examinerons cet après-midi une troisième proposition de loi, inscrite en quatrième position dans le cadre de cette niche, visant à lutter contre les pannes d’ascenseur non prises en charge, pour laquelle notre collègue Philippe Brun a été désigné rapporteur.

Nous commençons par la proposition de loi sur la vie chère outre-mer. J’en profite pour rappeler que notre commission est particulièrement concernée par cette question du pouvoir d’achat, préoccupation majeure, sinon première, de nos concitoyens. C’est encore plus vrai outre-mer, pour des raisons multiples sur lesquelles vous allez revenir, madame la rapporteure. Sur cette proposition de loi, notre commission est saisie de quarante‑huit amendements. Au titre de l’article 45 de la Constitution, j’ai déclaré un amendement irrecevable car il traitait de questions fiscales, alors que les articles de ce texte abordent uniquement les mécanismes de régulation des prix outre-mer.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Si l’on m’avait dit, il y a six mois, que je me tiendrais devant des députés, à l’Assemblée nationale, afin de défendre des dispositions de nature à lutter contre la vie chère dans les pays des océans, dits d’outre-mer, je ne l’aurais pas cru. Je me battais déjà tellement dans les milieux associatifs et politiques, je hurlais si fort mon indignation chaque semaine dans les médias et dans la rue, que je ne songeais à rien d’autre qu’à ce message à faire passer, à ces vies à soutenir, à ces emplois à préserver, à ces tristesses à panser, à cette faim à combler. Non, je ne pensais pas que tout ce travail de terrain, d’accompagnement et d’éclairage politique m’aurait emmenée ici, au nom des Martiniquaises et des Martiniquais. « Ba pèp mwen, mwen ka di zot ankò mèsi pou konfyans zot ! Mwen péké désité zot » : je remercie le peuple de sa confiance et ne le décevrai pas. Malgré les découragements et les grandes frustrations que procure la vie parlementaire, malgré les luttes parfois vaines, je me rends compte chaque jour davantage que nous jouons un rôle majeur et indéniable dans le quotidien de nos compatriotes. Ce que la nature humaine ne peut parfois pas générer de façon spontanée – la bienveillance, la protection, les sécurités –, c’est à nous qu’il revient de l’organiser.

Il y a quelques semaines encore, nous entendions dire par certains que la situation dans les pays des océans, singulièrement en Martinique, était conjoncturelle. Pourtant, les gouvernements se font et se défont, les ministres s’enchaînent, les mesures s’imposent et se dissipent, mais une chose demeure : l’insoutenable cherté de la vie.

La vie chère persiste parce que nos économies sont captives, enfermées dans des structures où un petit nombre d’acteurs dominent les marchés, libres d’agir, souvent au détriment de l’intérêt de la population et d’une concurrence équitable et loyale. La vie chère persiste parce que les eaux qui entourent les territoires ultramarins continuent à être perçues comme des barrières infranchissables, comme s’il n’existait que les seules voies de passage dessinées par le temps des colonies. La vie chère persiste parce que l’État n’a toujours pas décolonisé sa vision économique et stratégique de ces territoires ni décidé de participer pleinement à leur progrès social et à leur développement. En somme, la cherté insoutenable de la vie dans les pays des océans est le fruit d’un modèle archaïque qui maintient nos populations dans une précarité qui ne choque pas trop Paris. Ce modèle archaïque, il nous faut urgemment le changer et l’adapter à nos réalités.

Le constat et la colère de la population, je les partage en tant que militante et femme politique, mais aussi et surtout en tant que Martiniquaise. Je suis nourrie d’un idéal qui s’est structuré par des années de militantisme en Seine-Saint-Denis où j’ai grandi, puis en Martinique, mon petit pays. C’est avec cet héritage que j’ai défendu, avec d’autres, le blocage des prix et le renforcement du bouclier qualité‑prix (BQP) dans les outre-mer. C’est pour cela aussi que, dès le début des mobilisations, j’ai soutenu le mouvement populaire qui s’est engagé en Martinique. J’ai été aux côtés de mes compatriotes partout où je l’ai jugé utile. Aujourd’hui, c’est ici que je le suis.

Pour mes premiers pas à l’Assemblée nationale, j’ai prolongé nos revendications en interpellant le Premier ministre et le ministre chargé des outre-mer à plusieurs reprises. C’est même avec beaucoup d’émotion, d’indignation et de détermination que j’ai posé ma première question au Gouvernement sur ce sujet. Ensuite, pendant des heures de débats houleux sur les textes budgétaires, j’ai poursuivi mon engagement en défendant avec sérieux et gravité des amendements qui visaient à assurer la dignité des habitants des pays des océans, à éviter la casse des services publics, à créer une véritable continuité territoriale, à réinvestir dans l’hôpital, à préserver le pouvoir d’achat, à développer nos territoires. Ce combat contre la vie chère et la pauvreté qui fragilisent les familles, c’est mon combat de longue date. Comme le pensait l’anthropologue américaine Margaret Mead, la misère n’est pas une fatalité, mais une honte pour la société qui la tolère.

Cette proposition de loi est une nouvelle étape pour nos différents territoires, un nouveau cycle d’actions politique et économique pour ces confettis de l’empire où, trop souvent, le « dernier kilomètre » de l’action publique – selon l’expression du Conseil d’État – peine à être assuré. Elle doit être efficace et effective.

Il est ressorti des auditions nombreuses et denses auxquelles j’ai pu procéder que le BQP ne répond pas aux besoins des ménages, qui subissent dès le début du mois la cherté des produits, que les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) sont des outils d’information essentiels mais inefficaces, en raison d’un manque de moyens humains, financiers et juridiques, et que la dépendance financière et logistique de ces organismes à l’égard des services préfectoraux limite leur capacité d’action. Il nous est apparu urgent de renforcer les outils de surveillance pour garantir une transparence accrue dans la chaîne de valeur, notamment pour analyser les marges arrières, mais aussi de généraliser à l’ensemble des secteurs l’abaissement des seuils de notification des opérations de concentration dans nos territoires, aux réalités économiques complexes.

Ce travail, ces auditions et ces réflexions, je les ai voulus collectifs en y associant tous mes collègues, en particulier ceux de la délégation aux outre-mer : c’est l’unité qui nous permettra d’avancer et de relever ces défis immenses. Nos 2,8 millions de compatriotes ne méritent pas moins que cette unité fraternelle et de travail au sein de l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être dissipés ou enfermés dans des postures égocentriques. Nous devons continuer à travailler à des solutions communes, même lorsque nous considérons que certains dispositifs ne vont pas assez loin.

Cette proposition de loi est un nouvel acte, une nouvelle pierre apportée à l’édifice. Elle s’inscrit dans une continuité historique qu’il faut rappeler pour que chacune et chacun prenne conscience que la vie chère est structurelle et non conjoncturelle, qu’elle révèle un problème d’orientation économique plus profond.

En 2009, après quarante jours de grève en Martinique et en Guadeloupe, un « relevé de décisions » avait été arraché, posant les bases d’un premier combat contre la vie chère. En 2012, il y eut la loi défendue par Victorin Lurel qui instaurait le bouclier qualité-prix. En 2017, il y eut les accords de Guyane, dits « Pou Lagwiyann dékolé » (Sauvons la Guyane). Plus récemment, il y eut la commission d’enquête sur le coût de la vie outre-mer, menée par notre ancien collègue Johnny Hajjar en 2023.

Bon nombre de ces travaux et mesures sont le fruit de l’engagement du groupe Socialistes, qui ne rechigne jamais à présenter des propositions de loi pour nos territoires. Je tiens à remercier tous mes collègues pour leur soutien, leur considération et leur engagement contre la précarité et les sentiments d’injustice, d’exclusion et de déclassement de nos populations.

Ce texte ne résout évidemment pas tous les problèmes – nous ne sommes pas dans la majorité – mais il s’inscrit dans la continuité des actions des membres de notre groupe. Il répond à une double exigence : soulager immédiatement les ménages et poser les bases d’un modèle économique plus équitable et durable.

Conscients des facteurs structurels tels que l’insularité, la dépendance construite aux importations et les structures de marché oligopolistiques, nous proposons quatre mesures : l’élargissement du bouclier qualité-prix ; le renforcement des sanctions à l’encontre des entreprises qui refusent la transparence sur leurs marges et pratiques en ne publiant pas leurs comptes ; la baisse des seuils de contrôle des concentrations économiques, afin de briser les monopoles qui étranglent les marchés ; des moyens accrus pour les observatoires des prix, des marges et des revenus afin de leur permettre d’exercer un contrôle plus rigoureux et de mieux protéger les consommateurs.

Nous ne voulons pas que nos pays des océans soient plus longtemps captifs d’un modèle économique et social hérité de l’époque des colonies, où ces territoires n’avaient vocation qu’à servir la métropole et à ne s’alimenter que du marché métropolitain. Cette proposition de loi vise à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère, qui nous permettront d’élargir notre réflexion pour parvenir à une paix sociale durable, à un développement territorial et économique, à la valorisation des initiatives économiques locales et à l’émancipation humaine et sociale des populations habitant ces territoires de la République.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Merci, madame la rapporteure, pour votre engagement dans ce domaine. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Joseph Rivière (RN). En démocratie, c’est le peuple qui commande et qui décide ; en économie, c’est la demande qui dicte l’offre. La vie chère imposée aux consommateurs, donc aux citoyens, des outre-mer s’explique par l’opacité des prix conjuguée à la situation de monopole de certaines entreprises.

Commençons par l’opacité des prix. Comme mes collègues du Rassemblement national, je pense qu’il faut redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs, d’où mes amendements concernant la place de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) à la table des négociations. Vous devriez vous en réjouir, chers collègues de la gauche, car l’OPMR est composé de citoyens de toute sorte, dont beaucoup votent pour vous. L’essentiel est que cette instance a fait ses preuves. En tant qu’être doué de rationalité, le consommateur de l’Hexagone fait généralement le meilleur choix quand il le peut. En outre-mer, nous n’avons pas le choix d’agir en toute rationalité, nous nous décidons par dépit.

En ce qui concerne les situations de monopole, certains les expliquent par la taille trop réduite de nos marchés, tandis que d’autres répètent à l’envi leur litanie sur les économies ultramarines qui seraient sous perfusion d’argent public. Pourrait-on convenir que les outre-mer sont la France ? Pourrait-on admettre que les grosses entreprises ont très bien compris qu’elles pouvaient tirer parti de l’imbroglio en constituant des quasi-monopoles de fait et en dictant la conduite à tenir ? Tout le monde se renvoie la balle, puis on fera semblant de découvrir la question de la vie chère après une émeute rapidement balayée par des gaz lacrymogènes.

Cette proposition de loi du groupe Socialistes est un moindre mal, eu égard à tous les leviers constitutionnels dont ce groupe a disposé en 2012 sans en faire le moindre usage au bénéfice du peuple. Compte tenu de l’urgence pour notre peuple français d’outre-mer, le groupe Rassemblement national votera certaines dispositions et proposera des amendements sur d’autres. Je n’en appelle pas à l’unité, à laquelle personne ne croit, ni à l’union, dont le temps n’est pas venu, mais à un bon sens paysan qui a traversé notre histoire et nos océans pour arriver jusqu’à nous.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Nous devons avoir une unité de vues et partager le constat de la précarité dont souffrent malheureusement certains de nos territoires. Personne ne peut dire que les constats faits et refaits sont biaisés : entre 30 % et 40 % des habitants de nos territoires vivent au-dessous du seuil de pauvreté national. Ils méritent un engagement objectif, ce qui est le but de cette proposition de loi.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). La vie chère est en effet une réalité insupportable pour nos compatriotes ultramarins. Une enquête de l’Insee montre que non seulement les prix sont plus élevés outre-mer que dans l’Hexagone, mais que l’écart se creuse chaque année.

Dans son rapport, notre ancien collègue Johnny Hajjar avait identifié diverses causes de ce phénomène, car l’éloignement et l’insularité n’expliquent pas tout. Ces territoires importent la quasi-totalité de leurs céréales et une partie importante de leur viande. Au bout de la chaîne d’importation, le prix des produits est naturellement renchéri par le fret maritime, les contraintes logistiques liées au transport de produits alimentaires et, pour certains territoires, l’octroi de mer. En aval de la chaîne de distribution, l’existence de monopoles ou d’oligopoles de fait dans les territoires ultramarins ne peut être contestée, trois ou quatre groupes se partageant le marché dans chaque secteur donné. En Polynésie française, quatre groupes de la grande distribution possèdent la quasi-totalité du marché. Cette réalité existe dans d’autres secteurs clés des économies ultramarines, tel le fret maritime où l’entreprise CMA CGM détient 62 % des parts de marché en Martinique.

Dans ce contexte, l’opacité du fonctionnement des marchés et le risque d’entente entre acteurs joue en faveur de la hausse des prix. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’article 2, qui renforce les obligations de publication des comptes pour les entreprises, ainsi qu’à l’article 3, qui vise à abaisser les seuils de contrôle des concentrations outre-mer à 5 millions d’euros (M€) dans tous les domaines d’activité économique. Je note toutefois qu’il ne concerne pas les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et la Polynésie française.

En revanche, au nom de mon groupe, j’émets de fortes réserves sur l’article 1er, qui permettrait au préfet de bloquer les prix outre-mer au niveau de ceux observés dans l’Hexagone. Une telle mesure nous semble dangereuse sur un marché opaque, où l’économie informelle est déjà très développée et elle ferait même courir des risques de pénurie. En outre, comme l’ont montré les auditions, la contractualisation dans le cadre du bouclier qualité-prix relevant d’une démarche volontaire, la fixation d’un prix bloqué trop bas pourrait inciter les industriels et distributeurs à en sortir, ce qui aurait des effets contre-productifs.

Enfin, nous regrettons que votre proposition de loi n’aborde pas le sujet de l’octroi de mer. Lors des auditions conduites par notre ancien collègue Hajjar dans le cadre de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les outre-mer, tous les auditionnés ont souligné l’effet inflationniste de l’octroi de mer sur les prix ainsi que l’opacité de cette taxe.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Vous avez mentionné l’éloignement au nombre des facteurs incriminés dans la cherté de la vie outre-mer. Lors de futurs travaux, il faudra réfléchir à l’une de nos demandes restées vaines : pouvoir commercer avec les pays de notre zone géographique – la Caraïbe, l’Amérique du Sud ou l’Amérique du Nord – après avoir fixé des normes. Les difficultés d’approvisionnement tiennent aussi au fait que toutes nos importations doivent traverser l’océan. Quant à l’octroi de mer, nous prônons le rajeunissement de cet outil fiscal nécessaire. Il s’agit de le rendre plus dynamique afin qu’il offre aux collectivités les moyens de stimuler notre économie locale, au lieu de servir à la mise en place de rentes par ses bénéficiaires.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). S’il n’est pas nouveau, ce sujet reste d’actualité et primordial pour les ultramarins. Nos peuples se souviennent du grand mouvement suscité par les collectifs Cospar et LKP en 2009, au cours duquel les gens et les forces vives se sont mobilisés durant plusieurs semaines afin d’arracher des mesures immédiates contre la cherté de la vie. Nombreux sont ceux, notamment à La Réunion, qui se souviennent de la prime obtenue par le Cospar et de la liste qu’il avait dressée pour imposer aux grandes surfaces des baisses de prix significatives sur les produits de première nécessité – l’ancêtre du bouclier qualité-prix, en quelque sorte. Tout cela, c’est du passé.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Nos territoires continuent de s’embraser du fait d’un coût de la vie qui est supérieur de 19 % à 38 % à celui de l’Hexagone. Les chiffres que nous répétons depuis des lustres montrent ce que nous savons tous : la cherté de la vie s’aggrave et les gens n’en peuvent plus. Croyez-moi, les vrais experts sont les familles, les ménages, les consommateurs, ceux qui ouvrent un porte-monnaie de plus en plus vide pour payer. Ce ne sont pas les initiatives, mais les résultats qui manquent. Alors que des solutions concrètes existent, la volonté politique fait défaut, pour ne pas dire que le pouvoir continue à autoriser les abus sur nos territoires.

La proposition de loi vise plusieurs objectifs : actualiser le bouclier qualité-prix ; donner plus d’importance à l’observatoire des prix, des marges et des revenus ; instaurer plus de transparence des prix ; limiter les concentrations ; et durcir les sanctions. Ce texte, qui suscite beaucoup d’attentes et d’espoir, mérite d’être amélioré afin d’être à la hauteur des revendications de nos pays d’outre-mer. Lors de nos débats de ce matin, je souhaite qu’aucun député ne fasse faux bond. Nos populations en ont assez des paroles, des colloques, des assises et des rapports : elles veulent de quoi se nourrir, s’habiller, se soigner, se loger et payer leurs factures, c’est-à-dire vivre dignement.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Notre collègue a rappelé différents moments qui ont montré l’importance de la mobilisation de la population, même s’ils la mettent aussi en difficulté et illustrent le poids de la misère. Les épisodes graves se sont succédé depuis 2009 – le dernier, que vous avez pu suivre sur vos écrans de télévision, s’étant déroulé en Martinique. Il est temps de cesser le saupoudrage, d’apporter des réponses concrètes et de construire de vrais projets de développement pour ce qui ressemble encore trop à des confettis de la République – ou de l’empire.

M. Jiovanny William (SOC). Nous, ultramarins élus pour cette 17e législature, sommes nés au sein de territoires dont le système économique est sclérosé par la cherté de la vie. Depuis notre naissance, on nous a habitués à surveiller les prix, guetter les promotions, acheter en gros et remplir nos valises de courses lors des retours de vacances. Nous vivons dans un perpétuel « système D », comme si l’histoire de la domination économique était une fatalité.

Alors, je le dis haut et fort : la France a sa part de responsabilité dans ce statu quo, puisqu’elle n’a jamais elle-même tenté d’instaurer un équilibre et que les mesures ont toujours été arrachées par des mouvements sociaux d’ampleur. La dernière loi en date, celle de notre collègue sénateur Victorin Lurel, a été adoptée le 20 novembre 2012. D’un gouvernement à l’autre, il semble normal que les ultramarins restent ainsi appauvris et consacrent une part substantielle de leur salaire à s’alimenter.

Cette proposition de loi est un texte d’urgence et nous avons le devoir d’intervenir sur d’autres champs de la vie chère. À titre personnel, je prendrai l’exemple de l’interdiction de la pratique du yield management, qui consiste à spéculer sur les prix des billets d’avion en fonction du flux de recherche. Nous devons repenser nos filières productives alimentaires, car le modèle économique hexagonal appliqué à nos territoires n’est plus viable pour nos populations – s’il l’a jamais été. Nous avons l’ambition d’engager un vaste chantier, pour sortir de cette logique du panier de la ménagère et du bouclier qualité-prix.

Pour l’heure, nous traitons de l’urgence par le biais de ce texte. Nous voulons rendre obligatoire la fixation de prix similaires à ceux de l’Hexagone pour tous les produits de première nécessité du bouclier qualité-prix, dans un premier temps. Nous voulons sanctionner plus durement les grands groupes qui ne publieraient pas leurs comptes, afin de les contraindre à la publicité. Nous voulons renforcer le contrôle des rachats et fusions de sociétés dans tous les domaines, afin de lutter contre les concentrations. Enfin, nous voulons soumettre à autorisation préalable tout projet de création de commerce de plus de trois cents mètres carrés. Ce faisant, nous voulons préserver le pouvoir d’achat de nos compatriotes, garantir la liberté d’entreprendre et de réussir de nos entrepreneurs, et assurer une meilleure gestion du foncier disponible.

Ce n’est qu’une étape vers le rétablissement d’une justice économique et sociale outre-mer, mais je vous invite à voter pour ce texte, comme je vais le faire moi-même.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Merci, cher collègue et compatriote martiniquais. En ce moment, nous vivons une situation particulière, car il y a quelque chose d’insoutenable dans ce que vivent nos populations et la tension sociale que cela provoque. Nos compatriotes attendent beaucoup de nous et de nos décisions. J’espère que nous saurons tous être à la hauteur de ces attentes.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Nous devons apporter une réponse adéquate à nos compatriotes ultramarins. L’article 1er de cette proposition de loi vise à rendre les prix pratiqués outre-mer équivalents à ceux pratiqués dans l’Hexagone pour les produits figurant dans une liste élargie, ce qui soulève des interrogations importantes. Comment les entreprises absorberont-elles ces coûts ? Comment appliquer concrètement une telle mesure ? La cherté de la vie dans les territoires d’outre-mer est un phénomène complexe et multifactoriel, comme l’illustre le cas de la Martinique dont l’autonomie alimentaire n’est que de 20 %.

Le bouclier qualité-prix, qui permet de modérer le coût global d’un panier de produits de consommation courante, offre déjà une solution alternative et pragmatique à la régulation directe des prix. En outre, le préfet peut intervenir pour réguler les prix en cas de dysfonctionnement grave et persistant du marché. À notre sens, stimuler la concurrence reste et restera le meilleur moyen de maîtriser le coût de la vie. Cela passe aussi par une régulation des surcoûts liés au transport et par un encadrement des pratiques de fixation des prix sur les marchés en situation de monopole ou d’oligopole. À cet égard, les articles 2 et 3 de la proposition de loi vont dans la bonne direction, notamment la mesure visant à adapter les règles de concurrence aux entreprises ultramarines, même si l’abaissement de 15 M€ à 5 M€ du seuil de chiffre d’affaires à partir duquel il faut notifier une concentration dans le secteur du commerce de détail semble excessif. En l’état actuel du texte, le groupe Droite républicaine a décidé de s’abstenir.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Il me semble nécessaire d’apporter quelques éléments d’éclairage sur le bouclier qualité-prix, qui donne déjà la possibilité aux préfets de fixer les prix. Au cours de nos auditions, il est apparu qu’aucun des préfets n’avait eu recours à cette fixation de prix autoritaire parce qu’il y avait eu une négociation. Il faut faire confiance à la négociation, mais il faut aussi tirer les enseignements de nos auditions au cours desquelles nous avons constaté que toutes les marges de manœuvre n’avaient pas été utilisées concernant les distributeurs. Nous ne sommes pas dans l’abus ni contre le commerce, mais nous souhaitons réguler une situation qui met nos compatriotes dans la misère.

M. Steevy Gustave (EcoS). Ma prise de parole se veut le cri du cœur des outre-mer, plus particulièrement de la Martinique, l’île de mon père, où l’injustice n’est pas seulement vécue mais subie dans le silence de l’oubli.

Plus qu’un sujet économique, la vie chère outre-mer est une question de justice sociale et de dignité humaine pour les familles de travailleurs et les jeunes qui subissent chaque jour un écart de prix injustifiable sur les produits essentiels. Comment justifier que les prix alimentaires soient jusqu’à 40 % plus élevés dans ces territoires qu’en métropole, alors que les revenus y sont très inférieurs ? Cette réalité engendre un sentiment profond d’injustice, une frustration légitime. Cet écart n’est pas une fatalité, mais le résultat d’un système dévoyé où la dépendance aux importations et l’abus de position dominante de certains grands groupes économiques maintient une emprise insoutenable. Même l’Autorité de la concurrence a dénoncé ces monopoles qui écrasent la compétitivité locale et privent les ultramarins de leur droit fondamental à accéder équitablement aux biens essentiels.

Au-delà des chiffres, nous parlons de vies marquées par des crises multiples comme celle du chlordécone, qui empoisonne les terres et les corps depuis des décennies, ou encore celle de l’eau, qui prive des milliers de familles d’un droit pourtant universel. Loin d’être des accidents, ces catastrophes sont les symptômes d’un abandon, d’une fracture historique qui nous éloignent chaque jour davantage des principes républicains. Et que dire de la santé ? Les outre-mer enregistrent des taux alarmants de maladies telles que le diabète, symbole cruel d’inégalités sociales et d’un système de santé insuffisant. Chaque inégalité devient une plaie ouverte et chaque silence, une trahison.

Les révoltes qui secouent régulièrement ces territoires ne sont pas de simples éclats, mais l’expression d’une détresse profonde, d’une colère légitime face à des promesses d’égalité non tenues. Nos concitoyens ultramarins ne demandent rien d’autre que ce qui leur revient de droit : une égalité réelle dans l’accès aux biens et services et face aux possibilités économiques. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur cette fracture. Première étape, cette proposition de loi doit être le début d’une révolution, d’un changement structurel aboutissant à une situation où la concentration économique sera régulée, les prix seront maîtrisés et les ultramarins retrouveront leur dignité volée.

L’injustice sociale outre-mer n’est pas une question marginale. Elle nous concerne tous, car elle interpelle l’âme de notre République. Il est temps de réparer les terres empoisonnées, les corps malades, les infrastructures abandonnées et surtout les vies brisées. Plus qu’un devoir, donner une vie digne aux ultramarins est un impératif républicain. Entendons leurs cris, faisons de leur combat notre combat, pour que plus jamais aucun citoyen français, où qu’il vive, ne soit laissé-pour-compte. Rappelons-nous Édouard Glissant : l’égalité n’est pas un droit, c’est un préalable.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Merci d’avoir rappelé quelles sont les conséquences de la misère sur la santé, la cohésion sociale et, parfois, la solidarité.

Le temps est trop contraint pour étudier un grand projet pour les pays des océans, mais nous souhaitons faire un premier pas avec cette proposition. Nous ne manquerons toutefois pas de batailler chaque fois que cela sera nécessaire et j’espère que nous trouverons beaucoup de nos collègues et de nos compatriotes à nos côtés.

Mme Maud Petit (Dem). La cherté de la vie outre-mer est actuellement médiatisée du fait des incidents intervenus depuis septembre en Martinique. Pourtant, c’est un problème récurrent, enraciné dans des inégalités structurelles profondes – territoriales, économiques et sociales. Il exaspère les populations concernées, car les prix à la consommation outre-mer sont largement supérieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone : un paquet de coquillettes est vendu 138 % plus cher et le café soluble, 150 %. En 2015, les produits alimentaires étaient 45 % plus chers en Guyane. Ces écarts scandaleux soulignent combien il est urgent d’agir.

Comment s’expliquent ces différences de prix ? Par les effets cumulés de l’insularité, de l’éloignement, de l’étroitesse des marchés, de la dépendance logique aux importations et de leur taxation spécifique. En outre, les chaînes d’approvisionnement sont éclatées, avec quatorze intermédiaires quand il n’y en a parfois que trois dans l’Hexagone. Enfin, la structure monopolistique des marchés exacerbe les problèmes. Il appartient à l’État de travailler à une véritable continuité territoriale, afin de réduire ces déséquilibres et de garantir une réelle égalité dans nos territoires.

Sur le fond, ce texte présente des mesures intéressantes mais dont l’efficacité est inégale.

L’article 1er, qui prévoit de renforcer le bouclier qualité-prix, souffre d’un défaut fondamental : aligner par la contrainte les prix outre-mer sur les prix les plus bas dans l’Hexagone sans tenir compte des spécificités liées à l’éloignement risque d’être contre-productif. Deux écueils peuvent se présenter : une augmentation des marges sur d’autres produits ou, pire encore, le retrait des distributeurs du dispositif.

Les articles 2 et 3 sont plus efficaces. Ils renforcent les sanctions en cas de non‑publication des comptes par les sociétés et abaissent le seuil de contrôle des concentrations économiques. Ce sont des leviers concrets pour briser des positions dominantes et encourager une concurrence bénéfique.

Je m’interroge sur la portée de l’article 2. L’article L. 123-5-2 du code de commerce, tel que l’a modifié la loi Egalim à l’initiative de notre collègue Richard Ramos, concerne l’ensemble du territoire français. L’astreinte de 1 % du chiffre d’affaires mondial pourrait dès lors s’appliquer à de nombreux groupes qui n’ont pas d’intérêts outre-mer, sans pour autant concerner les distributeurs ultramarins, qui ne sont pas tous des multinationales.

Enfin, je relève une contradiction dans les objectifs du texte : il prévoit de limiter les abus et de stimuler la concurrence, mais généralise le blocage des prix. Il ne faudrait pas dissuader l’arrivée de nouveaux acteurs économiques.

Notre groupe soutient cette initiative qui concerne des problèmes cruciaux pour nos compatriotes ultramarins. Mais nous souhaitons apporter quelques modifications au texte, afin qu’il soit opérationnel et à la hauteur des attentes.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Il s’agit de nous armer avec de nouveaux outils pour faire face au contexte qui résulte de l’application des principes de liberté d’entreprendre et de fixation des prix dans des marchés captifs, notamment du fait de l’insularité. Il est donc nécessaire de prévoir des mesures de contrainte réglementaires et c’est ce qu’essaye de faire cette proposition de loi.

Je tiens à vous rassurer sur la rédaction de l’article 2, puisque je propose un amendement de réécriture.

Le bouclier qualité-prix résulte d’une convention auxquelles les entreprises adhèrent librement. Mais, encore une fois, certaines d’entre elles contrôlent près de 50 % du marché avec, en général, un taux de marge réel de 3 % alors qu’il est de 1 % dans l’Hexagone pour ces mêmes entreprises. Il existe donc bien des marges de négociation.

D’autres outils que nous allons vous présenter, comme le « name and shame » ont vocation à inciter les entreprises à mieux agir.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Lors de la précédente législature, notre commission avait créé un groupe de suivi de l’inflation, dont notre collègue Xavier Albertini et moi-même étions les rapporteurs. Nous avions souhaité étendre nos travaux aux outre-mer. Il faudra les poursuivre d’une manière ou d’une autre, car cette question est essentielle.

M. Xavier Albertini (HOR). Cette proposition entend répondre à la situation économique préoccupante du pouvoir d’achat dans les territoires ultramarins. Certains d’entre eux sont en effet fragiles, tant sur le plan social et sanitaire qu’économique. Depuis 2017, cette situation a amené les différents gouvernements à proposer des politiques publiques dites « de convergence », destinées à assurer une plus grande égalité avec l’Hexagone – qu’il s’agisse du « réflexe outre-mer » ou de l’« Oudinot du pouvoir d’achat ».

Votre proposition prévoit de renforcer cette action en faisant monter en puissance le fameux « bouclier qualité-prix », afin qu’il s’applique à davantage de produits et permette de ramener les prix à un niveau comparable à ceux pratiqués dans l’Hexagone.

Si nous partageons naturellement cette volonté de modération des prix, nous ne pouvons toutefois pas faire abstraction de l’ensemble des facteurs qui participent au renchérissement des prix dans les territoires d’outre-mer.

Au premier rang, figure la dépendance aux importations en provenance de l’Hexagone et d’Europe, qui entraîne des surcoûts. Ces derniers sont accrus par le nombre des intermédiaires ainsi que par la fiscalité, notamment du fait de l’octroi de mer. Il faut y ajouter l’étroitesse du marché intérieur et la faiblesse des productions locales, qui entraînent une concurrence réduite et la consolidation des oligopoles et monopoles historiques. Nous devons nous attaquer en priorité à toutes ces causes de la situation actuelle.

Toutefois, si l’on fixait unilatéralement certains prix au niveau de ceux pratiqués dans l’Hexagone, ils pourraient être largement inférieurs aux coûts réels liés à l’éloignement, à la rémunération de la chaîne d’approvisionnement et à la fiscalité. Cela ferait courir un risque de pénurie si, in fine, les ventes aboutissaient à des pertes. Notre groupe s’opposera à l’article 1er, car il craint que ce dernier ait un effet contre-productif.

L’article 2 propose de renforcer les sanctions en cas de non-publication des comptes des sociétés, afin de garantir une plus grande transparence et de lutter contre les phénomènes de rente et de captation de la valeur. Quant à l’article 3, il prévoit d’adapter les règles de la concurrence aux spécificités ultramarines, en abaissant les seuils de contrôle de concentration à 5 M€ pour toutes les activités économiques et en rendant obligatoire l’autorisation d’exploitation commerciale pour tout projet de création ou d’extension d’un magasin de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à trois cents mètres carrés, afin de tenir compte de l’accès limité au foncier dans ces territoires.

Il s’agit de mesures utiles pour renforcer la concurrence et lutter contre les abus de position dominante ou de captation de la valeur. Le groupe Horizons et Indépendants soutiendra donc ces deux articles.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Merci, cher collègue insulaire. J’espère que tous ceux qui déplorent les conséquences de l’éloignement seront présents lorsqu’il s’agira de demander, comme pour la Corse, la continuité territoriale et de voter les quelques milliards d’euros nécessaires pour l’assurer, notamment en ce qui concerne le transport de marchandises.

Puisque nous n’en sommes pas encore là, nous pouvons nous appuyer sur les conclusions de la commission d’enquête sur le coût de la vie outre-mer, publiées en 2023, ainsi que sur les dernières auditions, qui montrent qu’il existe des possibilités de négociation avec les distributeurs. Une fois encore, leurs marges nettes sont en général de 3 %, alors qu’elles sont de 1 % à 1,5 % dans l’Hexagone pour Carrefour ou Leclerc.

Jusqu’à présent, aucun préfet n’a fixé les prix de manière autoritaire et nous pensons que la négociation peut ramener les marges à une moyenne acceptable.

M. Frédéric Maillot (GDR). J’ai tout d’abord une pensée pour le peuple martiniquais, et en particulier pour les militants Aude, Rodrigue et Gladys, qui ont subi une répression coloniale. Si l’on parle aujourd’hui de la cherté de la vie, c’est grâce à eux.

L’article 25 de la déclaration universelle des droits de l’Homme dispose que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires (…). ». Je ne doute pas que les pays d’outre-mer font partie de l’Univers, mais suis dubitatif sur le respect de nos droits.

S’il fallait donner un titre à cette discussion générale, cela pourrait être : « Pourquoi nous ? » Pourquoi a-t-on décidé de nous jeter un sort d’injustice ? Qui a décidé que, parmi tous les Français, c’est nous qui allions pour toujours subir la cherté de la vie ? Qui a décidé que les peuples d’outre-mer allaient payer plus cher pour se nourrir, se soigner et se déplacer ?

Il n’est pas question de quémander, mais d’obtenir l’égalité. La misère ne se gère pas, elle se combat. Il nous faut donc combattre les grands groupes, souvent en situation de monopole et dont l’appétit pantagruélique est issu de l’époque coloniale. Ceux qui maniaient autrefois le fouet tiennent désormais le fouet économique et ils frappent toujours aussi fort. Non, la misère n’est pas moins pénible au soleil.

Faisons peuple pour abolir l’injustice de la cherté de la vie dans les pays d’outre-mer afin que nous, Réunionnais, Martiniquais, Guadeloupéens, Guyanais, Mahorais et tous les peuples d’outre-mer, nous ne soyons plus le paillasson sur lequel les grands groupes assouvissent leur appétit.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Cher camarade, je salue toutes les actions militantes menées depuis un certain nombre d’années. Celles conduites récemment ont bien entendu renforcé notre mobilisation pour nous occuper de nos compatriotes.

Dès juin dernier, le programme du Nouveau Front populaire prévoyait de renforcer le bouclier qualité-prix et de bloquer les prix, singulièrement outre-mer. Nous avons fait cette promesse et nous souhaitons la tenir avec cette proposition. J’espère qu’elle sera largement adoptée, afin qu’elle produise ses effets le plus rapidement possible.

M. Max Mathiasin (LIOT). Les gouvernements successifs n’ont pas su ou pas voulu traiter les difficultés des outre-mer. Je n’étais pas dupe lors des débats sur la loi de programmation relative à l’égalité « réelle » outre-mer : il faut se méfier de l’adjectif, car l’égalité, c’est l’égalité.

Depuis des années, nous alertons sur le niveau trop élevé du coût de la vie outre-mer. La colère y explose régulièrement avec, pour derniers exemples en date, les manifestations en Martinique, tandis qu’à Mayotte les gens ont du mal à accéder aux soins essentiels.

Nous savons bien que ni l’insularité, ni l’isolement ni même l’étroitesse des marchés ne suffisent à justifier les écarts de prix constatés avec l’Hexagone, lesquels vont jusqu’à 40 % pour les produits alimentaires – et je ne parle même pas des pièces d’automobile.

Le problème est celui du modèle économique dans son ensemble qui, n’ayons pas peur de le dire, n’a pas changé depuis l’époque esclavagiste. Il faut le casser, car il entraîne des surcoûts. Ceux-ci sont liés aux importations, mais aussi à la concentration des principaux importateurs et distributeurs, à la taille des marchés locaux, à la fiscalité locale assise sur les importations, au manque d’emplois locaux, à la faiblesse des revenus ou encore à l’insuffisance de la production locale.

Mais il existe aussi un facteur plus pernicieux : les marges réalisées par les grands propriétaires fonciers, qui détiennent les capitaux et ont su créer un système où ils font preuve d’une grande solidarité entre eux.

La proposition de loi permet d’apporter une partie des réponses à cette crise complexe, en s’attaquant aux problèmes liés à la concentration et au manque de transparence de ces entreprises. Ainsi, le groupe Bernard Hayot n’a pas publié ses comptes et fait obstruction aux Martiniquais qui souhaitent y accéder. Certains acteurs manquent de transparence et font preuve de mauvaise volonté.

Le même constat peut être fait s’agissant des oligopoles. C’est la raison pour laquelle l’article 3 propose de baisser le seuil de contrôle des concentrations outre-mer et rend obligatoire d’obtenir une autorisation d’exploitation commerciale pour la plupart des projets de création ou d’extension d’un commerce de détail.

Nous soutenons la démarche qui tend à renforcer le bouclier qualité-prix et proposerons des amendements qui vont également dans ce sens. Lors de chaque projet de loi de finances, notre groupe dépose un amendement visant à exonérer de TVA les produits concernés par le bouclier qualité-prix – et il a finalement été adopté cette année.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Le constat que vous avez fait est bien connu. Il faut désormais que l’État passe à l’action pour protéger des populations qui font face à des difficultés – et pas seulement pour leurs achats alimentaires. Il est nécessaire d’avoir une vision générale pour ces confettis de l’empire. Mettre fin aux réminiscences coloniales et émanciper ces territoires suppose de les doter des moyens de se développer d’une manière endogène et adaptée à leur situation géographique.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). J’aimerais tout d’abord me désolidariser des propos tenus par notre collègue Frédéric Maillot. Faire un parallèle avec l’esclavage est indigne. Le sujet est beaucoup trop grave pour recourir à la stigmatisation et oser évoquer les « coups de fouet » est particulièrement déplacé.

J’en viens à la proposition de loi. Il y a bien des difficultés liées à l’étroitesse des marchés, à la faiblesse des productions locales et à la multiplicité des intermédiaires – qui provoque une accumulation de marges. En revanche, la question de l’éloignement n’est malheureusement pas traitée dans le texte, peut-être par manque de temps. Il vise certes le cas des grossistes répartiteurs, qui représentent 16 % dans la formation du prix final. Mais on sait que le prix est également constitué, à hauteur de 16 %, par les coûts liés à l’éloignement – dont la moitié au titre de l’octroi de mer, particulièrement lourd pour les produits à faible valeur ajoutée. L’Autorité de la concurrence indique ainsi que le prix d’une bouteille d’eau minérale est quadruplé, alors que celui d’une bouteille de champagne augmente de 30 %.

L’octroi de mer pose un gros problème, car on ne peut pas viser deux objectifs avec un seul outil. Or il permet de financer les collectivités locales tout en devant favoriser la substitution de produits locaux aux produits importés. Cela ne marche pas très bien et le financement des collectivités repose sur les consommateurs, ce qui contribue à augmenter les prix par le biais d’une forme de « super-TVA ». En outre, l’octroi de mer est dû même pour des produits qui n’ont aucun substitut local, comme les automobiles, ce qui pénalise le consommateur. Sauf erreur de ma part, c’est un véritable problème qu’il faut résoudre.

Je suis d’accord avec vous sur la nécessité de permettre aux territoires d’outre-mer de s’approvisionner à l’échelle régionale, par exemple auprès d’autres pays d’Amérique latine.

Il faut aussi faire la transparence sur les prix, mais je suis réservé sur l’un des points de votre proposition pour des raisons de concurrence internationale. Le texte vise certes à nous mettre en conformité avec une directive européenne, mais il aura des effets sur l’ensemble des entreprises françaises. Cela permettra à certains prédateurs, installés par exemple en Suisse ou au Luxembourg, d’accéder à de précieuses informations, alors qu’eux-mêmes ne sont pas tenus de publier les mêmes données. S’il est nécessaire pour la puissance publique que les entreprises déposent leurs comptes, les publier pose davantage de problèmes.

Nous voterons donc contre l’article 1er et pour les deux autres articles.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Je ne me mêlerai pas de votre débat avec notre collègue Frédéric Maillot. Ses propos relevaient en partie de la figure de style, mais nous avons tous dit que, malheureusement, des éléments du passé perduraient et que nous voulions y mettre fin.

Vous n’avez en effet pas forcément tout compris à l’octroi de mer. En Martinique, il représente 300 M€, alors que les recettes de TVA atteignent 800 M€. L’octroi de mer s’applique à toutes les marchandises, parce qu’en France, comme sur tout le territoire de l’Union européenne, il ne peut y avoir de mesures protectionnistes. Il s’agit donc d’un dispositif d’incitation économique, qui participe au financement des collectivités – mais, encore une fois, son produit est bien inférieur à celui de la TVA, lequel n’est pas intégralement reversé aux collectivités locales.

L’octroi de mer est un outil pour dynamiser l’économie et la production locales, en jouant avec les possibilités laissées par le droit européen. Sans cette taxe, il n’y aurait pas de production locale, car les produits importés seraient systématiquement moins chers. D’autres pays ont adopté des mesures de ce type avant nous et nous verrons bien quelles seront les réactions quand les États-Unis imposeront 400 % de droits de douane sur les importations en provenance de France.

Pour ce qui est de l’article 2, je vous invite à lire l’amendement CE44, qui en prévoit la réécriture et qui devrait davantage vous convenir.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je cite à mon tour Édouard Glissant : « Si nous voulons être solidaires [des] souffrances [du monde], nous devons apprendre à nous souvenir ensemble. ».

Nous en venons aux interventions des autres députés. Je souhaite la bienvenue à tous les collègues d’autres commissions. Je suis heureuse que nous soyons nombreux ce matin, car cela souligne l’importance accordée à la question du pouvoir d’achat outre-mer. C’est une urgence sociale : le taux de pauvreté dans ces territoires est de 27 %, soit quasiment le double de la moyenne nationale. Beaucoup a aussi été dit sur les mouvements sociaux très importants et sur la responsabilité des gouvernements successifs. D’où l’intérêt de cette proposition de loi et des débats à venir.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’ensemble des personnes auditionnées dans le cadre de la commission d’enquête sur le coût de la vie outre-mer avaient souligné l’effet inflationniste de l’octroi de mer, mais aussi son opacité. Dans un rapport de mars 2024, la Cour des comptes a invité à revoir cette taxe de fond en comble, en dénonçant sa complexité et son effet négatif sur les prix.

Vous connaissez très bien ce sujet, madame la rapporteure. Quelles sont les pistes de réforme que vous préconisez ?

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Je vous fournirai au cours de nos discussions d’autres éléments sur l’empilement des marges.

L’octroi de mer est un outil de fiscalité locale perfectible. Il mérite d’être rénové, afin de le rendre plus dynamique.

Par exemple, dans certains territoires d’outre-mer, la fiscalité sur les yaourts importés atteint 22 % à 23 %, ce qui les rend très chers et favorise les yaourts produits localement, taxés à 8 %. Mais il ne faut pas que les producteurs locaux se contentent de bénéficier de la différence de taux. Ils doivent en profiter pour augmenter leur production et l’emploi. En l’occurrence, on assiste plutôt au phénomène inverse, avec des systèmes de rente qui se mettent en place et qu’il faut juguler.

M. Philippe Naillet (SOC). Il est temps de s’attaquer au fond du problème. La vie chère est perçue par les populations ultramarines comme une injustice qui dure depuis trop longtemps. Jusqu’à présent, on a apporté des réponses dans l’urgence, notamment en diminuant des taxes mais sans s’assurer que cette baisse soit répercutée sur le prix final.

Avec cette proposition, nous prévoyons une première étape importante qui s’attaque aux causes profondes, en limitant la concentration et en exigeant la transparence sur les comptes et les marges des opérateurs économiques.

Ensuite, les prix élevés ont des répercussions sur la santé des populations, car on achète des produits moins chers et de moins bonne qualité. C’est aussi une injustice pour les populations ultramarines.

Enfin, la commission d’enquête sur le coût de la vie outre-mer a bien montré que la vie chère résulte des prix mais aussi de la faiblesse des revenus. Il faut donc encourager le développement de la production locale, accompagner nos entreprises et favoriser le commerce régional.

Quant à l’octroi de mer, il faut se méfier des analyses simplistes. Cette taxe va bien sûr devoir être toilettée : la Commission européenne va nous le demander en 2027 et l’économie n’est pas quelque chose de figé. L’octroi de mer permet certes de financer les collectivités locales et de favoriser la production locale, mais il faut aussi souligner que, compte tenu des taux réduits de la TVA outre-mer, la taxation cumulée par la TVA et l’octroi de mer aboutit parfois à niveau inférieur aux taux de la TVA appliqués dans l’Hexagone.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Merci d’avoir rappelé de manière technique comment se construisent les prix. Cela répond à ceux qui pensent que l’octroi de mer, seul impôt à la main des collectivités locales, est l’élément essentiel pour expliquer les prix élevés : il faut en finir avec ce dogme. Bien souvent, les taux cumulés de l’octroi de mer et de la TVA aboutissent à une fiscalité inférieure à celle constatée dans l’Hexagone. Il faut chercher ailleurs l’origine des surcoûts. Néanmoins, nous admettons qu’il faut effectuer un toilettage. Une réflexion a déjà été entamée dans les territoires d’outre-mer et nous la mènerons à son terme.

Mme Karine Lebon (GDR). Les révoltes qui ont embrasé la Martinique ont une nouvelle fois mis sur le devant de la scène les inégalités chroniques dont souffrent nos compatriotes ultramarins. Les Réunionnais doivent, par exemple, payer 37 % plus cher pour accéder aux mêmes produits que les Français de l’Hexagone.

Nous voulons des solutions immédiates et cette proposition en apporte quelques-unes. La question des marges, cause centrale des prix exorbitants pratiqués sur nos territoires, doit être prise à bras-le-corps. La proposition de renforcer les sanctions contre les entreprises qui ne publient pas leurs comptes semble tout à fait bienvenue.

Mon attention a été particulièrement attirée par l’audition des représentants des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Celui de La Réunion survit avec rien. Sans local ni budget, cet observatoire n’a qu’un secrétaire général à mi-temps et doit quémander une salle de réunion à la préfecture pour pouvoir travailler : préconisez des mesures concrètes pour que les OPMR puissent enfin remplir leur mission efficacement ?

Un mot sur l’octroi de mer – car il faut en effet se méfier des réponses simplistes : à La Réunion, les voitures électriques ne sont pas soumises à cette taxe ; pourtant, elles sont bien plus chères que dans l’Hexagone ; c’est donc bien qu’il faut chercher la réponse ailleurs.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. J’ai souhaité auditionner les représentants de tous les observatoires des prix, des marges et des revenus afin de savoir dans quelles conditions ils travaillent.

Je vous inviterai à amender avec une certaine pondération, car, pour l’heure, ces observatoires ne disposent pas des moyens matériels et juridiques qui leur permettraient d’exercer un certain nombre de tâches que nous souhaiterions leur confier. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu compte des auditions et déposé des amendements proposant d’augmenter leurs moyens, notamment financiers et humains. J’espère que vous les voterez.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Il s’agit d’un texte important, car la cherté de la vie exige une réponse urgente, comme en témoignent l’exposé des motifs de votre proposition de loi et l’intervention de nombreux collègues. Je vous cite, madame la rapporteure : « L’urgence sociale est criante (…), les ultramarins ne veulent plus de promesses sans suite (…). Ils exigent des mesures concrètes et immédiates (…). Cette situation n’est plus tenable. » Vous avez raison.

Je pense à nos compatriotes ultramarins qui nous regardent et qui espèrent que ce texte sera adopté, aujourd’hui en commission et le 12 décembre en séance publique, lors de la niche du groupe Socialistes et apparentés. Je pense à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, qui attendent avec angoisse le résultat de la motion de censure : si le Gouvernement tombe, ils pourront dire adieu au plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction (S2R). Si le Gouvernement tombe, vous ignorez quand votre proposition de loi pourra être à nouveau inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée, d’autant qu’une possible et nouvelle dissolution nécessiterait de reprendre l’intégralité du parcours législatif.

Comment expliquerez-vous aux Français d’outre-mer votre éventuelle participation à l’enterrement de votre propre texte en votant la motion de censure ?

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Lorsqu’un gouvernement prend en compte les difficultés de nos territoires, il n’ampute pas les moyens qui leur sont alloués de 300 M€ ! Je dirai à mes compatriotes que nous sommes en train de travailler pour élaborer des mesures pérennes servant le bien de nos territoires, de leurs habitants et des générations futures. Mes compatriotes comprendront le sens de notre action.

Je vous invite à ne pas me mettre personnellement en cause, car cette décision de voter la motion de censure est collective. Ne vous inquiétez pas : l’État et la République ont suffisamment de ressorts pour survivre à une censure, contrairement à ce que vous essayez de faire croire à longueur de journée sur tous les plateaux de télévision. D’ailleurs, la motion de censure est prévue par la Constitution, cela devrait être de nature à vous rassurer.

M. Benoît Biteau (EcoS). Les territoires ultramarins bénéficient d’un dispositif destiné à répondre aux besoins primaires de production agricole et d’alimentation : il s’agit du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei), fort bien doté par des fonds européens. Malheureusement, les fonds du Posei sont concentrés autour de cinq grandes structures, qui, comme partout dans l’Hexagone et en Europe, préfèrent exporter des bananes et du sucre de canne plutôt que de soutenir les producteurs locaux et les paysans, lesquels pourraient fournir de la nourriture locale de qualité à la population. Le Gouvernement, menacé d’une censure, a encouragé la concentration des fonds du Posei dans ces cinq acteurs industriels. Je nous invite à nous pencher sur ce programme, notamment sur l’allocation de ses ressources.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. La question de la répartition des fonds du Posei est essentielle : le programme avait vocation à développer la diversification, mais son utilisation va dans le sens exactement opposé. Le Posei est le vecteur d’une concentration des subventions européennes vers certaines productions, singulièrement celle de la banane.

Dans la grande vision que nous devons dessiner pour les pays des océans, nous devons faire une place au développement d’une agriculture plus durable et plus diversifiée, à même de contribuer à l’autonomie alimentaire des territoires d’outre‑mer.

 

Article 1er : Modification de l’article L. 4105 du code de commerce pour rendre effectif le bouclier qualité-prix et obtenir des prix en outre-mer équivalents à ceux pratiqués en moyenne dans l’Hexagone sur les biens de consommation courante

 

Amendements identiques CE48 de Mme Béatrice Bellay et CE29 de M. Joseph Rivière

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. L’idée initiale des alinéas 3 et 4 de l’article 1er était de permettre aux observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) de devenir des parties prenantes des négociations sur le bouclier qualité‑prix, afin que le dispositif bénéficie de leur expertise. En effet, l’avis préalable des OPMR ne s’impose pas juridiquement aux parties prenantes lors de la négociation. Toutefois, il est apparu lors des auditions menées dans le cadre des travaux d’élaboration de cette proposition de loi, notamment lors de l’audition des présidents des OPMR, qu’il était nécessaire de conserver l’avis public que les observatoires transmettent en amont des négociations du bouclier qualité-prix. Aucun consensus n’a émergé sur l’intégration des OPMR à ces négociations. Je propose de supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er ; j’ai également déposé un amendement visant à supprimer l’alinéa 4.

M. Joseph Rivière (RN). Nous souhaitons tous améliorer le niveau de vie de nos concitoyens ultramarins. Très peu d’outils protègent les consommateurs. Il importe de renforcer les OPMR dans leur mission de protection de nos concitoyens contre la vie chère : pour ce faire, son avis public doit être rendu en amont des négociations. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CE47 de Mme Béatrice Bellay et CE28 de M. Joseph Rivière

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Voici l’amendement visant à supprimer l’alinéa 4. Après discussion avec les présidents des OPMR, nous considérons qu’il est opportun de conserver, à leur demande, certaines dispositions.

M. Joseph Rivière (RN). Le présent amendement a pour but de maintenir les OPMR dans la plénitude de leurs fonctions. Les observatoires doivent rester des entités où se réunissent des citoyens pour débattre et réfléchir aux prix, dans la sérénité et pour l’intérêt général. Faire asseoir les OPMR à la table des négociations revient à en faire des acteurs économiques, potentiellement soumis à des intérêts particuliers. Toujours dans le souci de renforcer cet outil de protection des consommateurs dans les territoires d’outre-mer, nous proposons de supprimer l’alinéa 4.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE19 de M. Max Mathiasin

M. Max Mathiasin (LIOT). Il vise à améliorer la qualité et la variété des produits protégés par le bouclier qualité-prix par la consultation de professionnels de la nutrition et de la santé. Comme le relève le rapport sur le coût de la vie dans les territoires d’outre-mer, rédigé par notre ancien collègue Johnny Hajjar en 2023, « les distributeurs sont (...) tentés d’y inclure des produits à faible valeur nutritionnelle ou peu sains. C’est ainsi que l’ancienne ministre Annick Girardin déclarait avoir " demandé, au vu de la liste initiale de produits, que l’on travaille avec des nutritionnistes afin que le dispositif ne favorise pas seulement des produits qui seraient à déconseiller pour la santé ". ».

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Il me semble pertinent que les professionnels de la nutrition et de la santé rendent un avis préalable destiné à garantir la qualité des produits protégés par le bouclier qualité-prix. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE27 de M. Joseph Rivière

M. Joseph Rivière (RN). Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 6. Nous souhaitons protéger le marché local et éviter qu’il soit inondé par les produits étrangers. Avec la disparition de l’alinéa 6, nous empêcherions de limiter la liste de produits de consommation courante et inciterions ainsi à la modération du prix global de tous les produits arrivant outre‑mer. Ces territoires sont, plus que les autres, soumis à des chocs exogènes, car les produits d’importation sont plus nombreux que les produits locaux. En modérant les prix de tous les produits, le maintien de l’alinéa 6 aiderait les produits étrangers, qui bénéficient de faibles coûts de production.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Il nous semble nécessaire de conserver la suppression du mot « limitative ». Il s’agit d’élargir la liste des produits, mais pas à n’importe lesquels. Nous venons justement de mettre l’accent, lors de l’examen de l’amendement précédent, sur la nécessité que les produits proposés soient de qualité. Tous les produits étrangers ne peuvent pas entrer sur les marchés des pays des océans, puisque ceux-ci se situent, jusqu’à nouvel ordre, en France. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE26 de M. Joseph Rivière

M. Joseph Rivière (RN). Nous souhaitons défendre, dans la négociation des prix, les produits locaux par rapport à ceux provenant de l’extérieur. Dans cette dernière catégorie seront privilégiés ceux de première nécessité. Notre but est toujours le même : protéger la production locale.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. La production des pays des océans doit être soutenue, mais la part de la production locale peut varier : par exemple, à La Réunion, les légumes et les produits frais locaux représentaient près de 68 % de cette catégorie d’aliments en 2021, selon la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf).

J’ai déposé un amendement CE31 qui consacre une part de produits locaux dans le bouclier qualité-prix. Je vous demande donc de retirer votre amendement à son profit ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Joseph Rivière (RN). Je maintiens mon amendement, car il importe de renforcer et de protéger la production locale. Les importations, notamment en provenance de Nouvelle-Zélande ou de Madagascar, sont trop nombreuses. Il faut protéger la production de nos agriculteurs et fournir à nos concitoyens les produits locaux de qualité dont ils ont besoin.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE12 de M. Max Mathiasin et CE30 de Mme Maud Petit (discussion commune)

M. Max Mathiasin (LIOT). La proposition de loi a pour but de restreindre les écarts de prix entre les territoires d’outre-mer et l’Hexagone, en garantissant que le prix des produits protégés par le bouclier qualité-prix (BQP) n’est pas plus élevé outre-mer qu’en France métropolitaine. L’amendement vise à préciser le dispositif d’encadrement des prix : ceux des produits protégés devront correspondre à leur niveau moyen annuel dans l’Hexagone.

Mme Maud Petit (Dem). Mon amendement est très différent et vise à rendre plus réalistes les mécanismes promus à l’article 1er. Il nous paraît improbable que le prix pratiqué dans le cadre du BQP soit égal à celui de l’Hexagone, à cause notamment des différences de taxes et du surcoût de transport des marchandises.

L’amendement vise à inscrire dans le texte la notion de « prix raisonnables tendant vers ceux pratiqués » dans l’Hexagone et à rejeter les termes « prix équivalents à ceux pratiqués en moyenne » dans l’Hexagone. Vous ne retiendrez probablement pas ma suggestion, qui ne doit pas aller assez loin à vos yeux, puisque vous souhaitez envoyer un signal politique. Je crois toutefois qu’il faut avant tout chercher à élaborer des mesures efficaces.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Nous sommes raisonnables et réalistes, ne serait‑ce que parce que nous éprouvons les conséquences de la vie chère. Le BQP est un objectif : à La Réunion, à la Martinique ou en Guyane, nous ne sommes pas parvenus à atteindre le même prix en moyenne, dimension pourtant centrale du BQP. Nous conservons le but de « tendre vers l’objectif », mais nous souhaitons ouvrir le champ du bouclier.

Nous avons auditionné des entreprises afin qu’elles nous expliquent leur chaîne logistique et leurs résultats : certaines ont un chiffre d’affaires de 10 M€, dégagent un bénéfice de 6 M€ et versent 5 M€ de dividendes. Comme vous le voyez, des marges existent pour réduire les prix ! À ces acteurs économiques en pleine santé, nous demandons de consentir à un effort en faveur des populations qui ont contribué à l’édification de leurs empires.

Mme Maud Petit (Dem). Je maintiens que la rédaction disposant que « cet accord garantit (…) » crée une contrainte qui se révélera contre-productive. Nous sommes plusieurs à penser qu’un tel mécanisme coercitif incitera certains acteurs à augmenter leurs marges sur d’autres produits ou à quitter le cadre du bouclier qualité-prix ; le risque est réel, donc il serait nocif de conserver la rédaction actuelle. L’amendement de notre collègue Mathiasin porte sur une moyenne annuelle de prix : les objets de nos amendements sont donc très différents.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement CE12 et je demande le retrait du CE30.

La commission adopte l’amendement CE12.

En conséquence, l’amendement CE30 tombe.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE46 de Mme Béatrice Bellay, rapporteure.

 

Amendement CE15 de M. Philippe Naillet et sous-amendement CE49 de Mme Béatrice Bellay

M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à prendre en compte la production locale des territoires ultramarins intégrée au bouclier qualité-prix. Celle-ci représente, par exemple, plus de 40 % des produits de la liste à La Réunion. Le développement de cette production locale crée des emplois, génère des revenus et contribue à renforcer l’autonomie alimentaire des territoires ultramarins. Or le prix moyen des produits issus de la production locale demeure supérieur à celui de leurs équivalents importés. Un alignement sur les prix pratiqués dans l’Hexagone pourrait mettre en péril la production locale. Dans cette optique, l’amendement a pour objet de compléter l’alinéa 7 par les mots « à l’exception des produits issus de la production locale qui appartiennent à la liste mentionnée au I du présent article. »

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Mon sous-amendement vise à remplacer les mots « à l’exception » par les termes « en tenant compte ». En effet, il ne faut pas surprotéger la production locale, qui doit être concurrencée, notamment dans le cadre de l’évolution d’outils comme celui de l’octroi de mer. Je suis favorable à l’adoption de l’amendement CE15, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement.

M. Philippe Naillet (SOC). Je soutiens votre sous-amendement, lequel intègre la préoccupation exprimée dans mon amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

 

Amendement CE35 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Cet amendement vise à permettre au représentant de l’État d’intégrer toute association de consommateurs, luttant par exemple contre la cherté de la vie et, plus largement, toute association qu’il jugera utile aux négociations du bouclier qualité-prix.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CE31 de Mme Béatrice Bellay et CE3 de M. Jean-Philippe Nilor (discussion commune)

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Mon amendement vise à élargir le dispositif du bouclier qualité-prix, actuellement centré presque exclusivement sur les produits alimentaires.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous proposons d’élargir le champ d’application du bouclier qualité-prix, afin d’y intégrer des produits relatifs à la communication (téléphonie, informatique), à l’électroménager et aux pièces détachées automobiles. Dans la même optique de baisse des prix que celle poursuivie par le protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère en Martinique, signé le 16 octobre 2024 en réponse aux fortes mobilisations populaires depuis début septembre, il s’agit d’élargir le bouclier, jusqu’à présent cantonné à l’alimentation, à de nouveaux produits pesant lourdement sur le budget des ménages ultramarins pour en baisser le prix.

Le budget automobile des foyers est bien plus élevé dans les territoires d’outre-mer que dans l’Hexagone : le différentiel de prix peut atteindre de 300 % à 400 % sur les pièces détachées. Quant aux prix de la téléphonie et d’internet, ils sont jusqu’à 35 % plus hauts en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane qu’en métropole.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Sur le fond, je partage votre ambition d’étendre le dispositif du bouclier qualité-prix à d’autres secteurs que l’alimentation. La vie chère, qui asphyxie les habitants des pays des océans, est multidimensionnelle.

Sur la forme, cependant, la rédaction de votre amendement me paraît inadaptée à la situation actuelle : je remplacerais « À partir de l’année 2025 » par « À compter de la promulgation de la présente loi ». Je vous demande de retirer votre amendement au profit du CE31.

L’amendement CE3 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE31.

 

Amendements CE39 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Nous proposons d’adosser le bouclier qualité-prix à un dispositif de comparateur des prix, afin d’assurer la transmission d’une information claire aux consommateurs ultramarins. Dans le protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère en Martinique, il est prévu de développer ce type d’outils, déjà présents dans l’Hexagone, car ils éclairent le consommateur sur les prix pratiqués dans son territoire. Cet amendement répond à une demande forte des présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE18 de M. Max Mathiasin et sous-amendement CE41 de Mme Béatrice Bellay

M. Max Mathiasin (LIOT). Les observatoires des prix, des marges et des revenus souhaitent que le dispositif réglementaire encadrant le bouclier qualité-prix (BQP) évolue ; parmi ces modifications, figure le fait d’autoriser le préfet à fixer lui-même la liste des magasins participant au bouclier, indépendamment du résultat de la négociation. L’objectif est d’étendre la liste des établissements partenaires, donc la faculté pour les ultramarins de trouver dans les magasins de proximité des produits dont le prix est encadré par le BQP.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Je préférerais que le préfet ne puisse publier la liste qu’à l’issue des négociations. Il ne faut pas mettre de côté la dimension conventionnelle attachée au BQP : donner au préfet la faculté d’arrêter la liste des participants à un dispositif d’engagement volontaire me semble inopportun, voire inconstitutionnel, puisque chaque acteur peut accepter ou refuser d’y entrer.

En revanche, il est intéressant de donner la possibilité au préfet de dresser, au terme des négociations, la liste des enseignes participant au bouclier qualité-prix. Cette disposition revient à désigner nommément ceux qui sortiront du dispositif dans une logique de « name and shame ».

Sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, je soutiens celle de l’amendement CE18.

M. Max Mathiasin (LIOT). Je me reconnais pleinement dans vos propos.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

 

Amendements CE42 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de correction légistique : nous souhaitons que l’alinéa 12 ne vise pas le prix global de la liste, mais celui des produits figurant sur la liste.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CE20 et CE21 de M. Frédéric Maillot (discussion commune)

M. Frédéric Maillot (GDR). Un protocole d’accord a été conclu entre le ministère des outre-mer et la Martinique. C’est un énième exemple des mesures d’urgence qui sont prises – on répond toujours de cette façon à nos attentes – lorsque le coût de la vie devient insupportable et que nos pays se révoltent. On peut reconnaître dans cet accord une forme de main tendue, mais il est révélateur des crises structurelles qui se déroulent chez nous : on ne saurait y apporter de simples réponses conjoncturelles. Les crises liées à la vie chère ne sont pas nouvelles : elles se répètent de manière cyclique et les mesures adoptées pour éviter l’embrasement de nos pays ne répondent pas toujours aux demandes de justice et d’équité des peuples ultramarins.

Nos amendements visent à permettre de négocier les prix de tous les produits qui peuvent supporter des réductions et un alignement avec ce qui est fait dans l’Hexagone. Pour reprendre l’excellente expression de mon collègue Nilor, « Nous, les peuples d’outre-mer, nous ne sommes pas un tube digestif. » : il faut aller au-delà des produits de première nécessité et de consommation.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Tels qu’ils sont rédigés, ces amendements risquent d’être moins ambitieux que ce qui est prévu dans la proposition de loi. En cas d’échec des négociations, il reviendrait en effet au préfet de fixer les prix pour les seuls biens pouvant être soumis à une réduction d’au moins 20 % en moyenne par rapport à ce qui est pratiqué dans l’Hexagone, alors que la proposition de loi vise plus largement les produits (ou familles de produits) de première nécessité. Votre second amendement soumet en outre le dispositif à une expérimentation de cinq ans, ce qui est également moins-disant. Il vaudrait mieux adopter des mesures fermes dont nous pourrons ensuite mesurer les effets. Je vous demande de retirer ces amendements ; sinon, avis défavorable.

Les amendements sont successivement retirés.

 

Amendement CE1 de M. Philippe Naillet et sous-amendement CE43 de Mme Béatrice Bellay

M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise tout simplement à assurer en toute transparence l’information du consommateur, en précisant ainsi  les modalités d’affichage des prix : « Le prix global de la liste mentionnée au I [de l’article L. 410-5 du code de commerce], tel qu’il est pratiqué, est affiché en application de l’article L. 1121 du code de la consommation de manière lisible et visible à l’entrée de la surface de vente par le moyen d’un support d’une superficie au moins égale à un mètre carré d’une liste limitative de produits de consommation courante. Pour chaque produit composant la liste mentionnée au I et exposée à la vente au détail, un balisage d’identification est apposé de manière permanente à proximité immédiate de celui-ci. »

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. C’est une très bonne initiative. Je propose simplement une correction légistique qui consiste à supprimer la référence à une liste limitative de produits de consommation courante. Avis favorable sous cette condition.

M. Philippe Naillet (SOC). J’accepte le sous-amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

 

Amendement CE40 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Dans la même lignée, il est apparu utile au fil des auditions et des discussions que nous avons eues, et comme le proposait déjà le rapport remis en 2023 par notre ancien collègue Johnny Hajjar, de donner plus de visibilité aux produits du bouclier qualité-prix, afin que les consommatrices et les consommateurs soient davantage guidés vers ces biens qui participent à la réduction de la cherté de la vie. Je vous propose de créer dans chaque rayon des corners, des emplacements réservés aux produits du bouclier qualité-prix, ce qui permettra aux consommateurs de les trouver beaucoup plus facilement qu’aujourd’hui.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE17 de M. Max Mathiasin

M. Max Mathiasin (LIOT). Instauré par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite loi « Lurel », et régi par l’article L. 410‑5 du code de commerce, le bouclier qualité-prix repose sur la négociation annuelle d’un accord de modération du prix global d’une liste de produits de consommation courante. Il s’agit d’un dispositif essentiel. Notre amendement vise à garantir que les agents chargés du contrôle du bouclier qualité-prix veillent à la qualité et à la disponibilité des produits dans les rayons.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Avis favorable à cet amendement qui vise à améliorer la visibilité et l’accessibilité des produits. Il ressort des auditions comme de la pratique – car nous sommes aussi des consommatrices et des consommateurs – que les produits du bouclier qualité-prix sont parfois, sinon toujours, manquants dans les étals. Il faudrait que les agents chargés du contrôle puissent renforcer leur action, notamment dans les centres commerciaux.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE13 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Je vais retirer cet amendement pour le retravailler d’ici à la séance : je trouve, en le relisant, qu’il ne correspond pas vraiment, dans sa rédaction actuelle, à ce que je souhaitais, c’est-à-dire une meilleure articulation entre la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et l’Autorité de la concurrence.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE37 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Cet amendement vise à dissuader les parties prenantes, dans une logique de « name and shame », de sortir de l’accord relatif au bouclier qualité-prix. Toute sortie fera l’objet d’une mesure de publicité par voie de presse, par voie électronique et par voie d’affichage, à la charge de l’entreprise concernée, pendant une durée de six mois.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE33 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Cet amendement fait écho à une question posée tout à l’heure par notre collègue Karine Lebon : il vise à renforcer les moyens humains, logistiques, financiers et juridiques des observatoires des prix, des marges et des revenus. Nos échanges avec eux et d’autres acteurs, dont la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, me conduisent à penser que les moyens actuels sont insuffisants compte tenu des missions à exercer.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE32 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Le présent amendement, qui est également le fruit des auditions, demande qu’une évaluation annuelle du bouclier qualité-prix soit réalisée dans le cadre d’un rapport remis au Parlement sur la consommation des produits concernés, la réalisation des objectifs fixés dans les négociations, la part des marges arrières pratiquées sur les produits de consommation faisant l’objet d’un accord de réduction des prix et, le cas échéant, les évolutions à prévoir. Je considère en effet que le dispositif, même modifié, pourrait être perfectible. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et les observatoires des prix, des marges et des revenus seront associés à l’élaboration de ce rapport annuel d’évaluation.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE36 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Il s’agit de garantir le respect de l’accord relatif au bouclier qualité-prix par la transmission automatique des données de sortie de caisse à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui pourra ainsi contrôler systématiquement le montant des prix pratiqués en les comparant aux prix négociés. Cette demande a été faite par les observatoires des prix, des marges et des revenus, mais nous ne pouvons pas les doter de cet outil, car les structures commerciales entendent garder leurs secrets industriels. En revanche, nous pouvons le faire pour les services de l’État, qui sont assermentés et pourront mener des vérifications systématiques.

M. Bastien Marchive (EPR). Comment procèdera-t-on concrètement au transfert automatique des données ?

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Il appartiendra au Gouvernement de définir précisément, par voie de décret, les modalités de mise en place de la transmission automatique des données. Nous en avons notamment discuté avec les présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus : les données en sortie de caisse sont disponibles et toutes les structures commerciales sont équipées ; elles pourront donc confier ces éléments. J’ajoute que cela se fait déjà dans certains territoires dans le cadre de la construction de comparateurs de prix.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE38 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Cet amendement répond à une autre demande des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), singulièrement celui de Mayotte, qui s’est doté d’un règlement intérieur mais déplore de ne pas avoir de fondement juridique à cet effet – cela n’était pas prévu lors de l’établissement des OPMR. Nous ne créerons pas d’obligation en la matière : une simple possibilité nouvelle sera donnée à ces acteurs.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

Après l’article 1er

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que nos travaux s’appuient notamment sur ceux de la commission d’enquête parlementaire sur le coût de la vie outre-mer, à laquelle beaucoup d’entre nous ont participé durant la précédente législature.

 

Amendement CE7 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Nous proposons d’encadrer les marges du secteur de la grande distribution par la mise en place d’un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat aux fournisseurs et le prix de vente final des produits. Cette mesure, adoptée en 2023 dans le cadre d’une niche parlementaire du groupe La France insoumise (LFI), vise à limiter les marges abusives de la grande distribution qui sont pratiquées au détriment des consommateurs.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Je suis totalement favorable, pour de multiples raisons, à l’idée d’une maîtrise des marges, mais il me semble nous pourrions travailler ensemble à la création d’un dispositif bien conçu. J’avais voté la proposition de loi visant à lutter contre l’inflation par l’encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution et établissant un prix d’achat plancher des matières agricoles, examinée dans le cadre d’une niche LFI durant la précédente législature, et je vous propose de retravailler sur la question en vue de la séance afin d’insérer le dispositif au bon endroit dans le texte.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Je vous fais confiance, madame la rapporteure.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE23 de M. Joseph Rivière

M. Joseph Rivière (RN). Il s’agit d’informer les consommateurs au sujet des entreprises qui n’ont pas publié leurs comptes. Pour faire appliquer la loi, nous disposons d’une arme redoutable qui est de mettre à mal la réputation d’une entreprise en autorisant la publicité sur ses mauvaises pratiques. Très en vogue dans les pays anglo-saxons, notamment au Royaume-Uni, le « name and shame » consiste à déclarer publiquement qu’une personne, un groupe ou une entreprise agit de manière fautive. Cette pratique est apparue en 2009 lorsque la presse britannique a dénoncé le comportement de certains députés et ministres qui bénéficiaient d’un remboursement par l’État de leurs dépenses privées. Il est apparu au cours des auditions que certaines entreprises assumaient de contourner la loi. Nous pensons, dans une logique de transparence et afin de laisser le consommateur libre de ses choix, que l’application du name and shame aurait un impact significatif sur le comportement des entreprises. Un fondement est déjà prévu par l’alinéa 6 de l’article L. 470-2 du code de commerce : « La décision prononcée par l’autorité administrative peut être publiée sur le site internet de cette autorité administrative et, aux frais de la personne sanctionnée, sur d’autres supports. » Nous proposons de nous calquer sur ce dispositif.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Je vous demande de retirer cet amendement : nous proposons déjà des mesures bien plus sévères que le droit en vigueur en cas de non‑présentation des comptes. J’appelle, par ailleurs, à faire preuve de vigilance quant aux moyens employés. Un grand nombre d’entreprises, souvent majoritaires dans nos pays des océans, et singulièrement de très petites entreprises, ne déposent pas leurs comptes. Vous imaginez donc le travail qu’il resterait à réaliser. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire de la pédagogie, mais c’est aux grands groupes, aux grands conglomérats et aux cas dans lesquels on sort du bouclier qualité-prix que nous nous intéressons en particulier. Vous avez d’ailleurs voté précédemment un amendement en ce sens.

M. Joseph Rivière (RN). Mais quelles mesures « plus fortes », dites-vous, proposez‑vous ?

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. L’article 2, que je vous proposerai de réécrire, renforcera les sanctions pour forcer, en quelque sorte, un certain nombre d’entreprises à déposer leurs comptes. Il prévoit que le président du tribunal de commerce compétent adressera une injonction sous astreinte d’un montant minimum correspondant à 1 % du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de retard.

M. Joseph Rivière (RN). Si je comprends bien, les entreprises qui ne déposeraient pas leurs comptes verraient non seulement leur nom publié sur un site gouvernemental mais feraient aussi l’objet d’une pénalité correspondant à 1 % de leur chiffre d’affaires ?

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Et c’est le président du tribunal de commerce qui pourra adresser une injonction, sous astreinte, à la suite de la non-présentation des comptes.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE5 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Nous proposons de renforcer les pouvoirs des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) en prévoyant que les opérations de concentration dans les outre-mer doivent faire l’objet d’un avis conforme de leur part. Cela améliorera leur légitimité et leur visibilité et justifiera l’augmentation de leurs moyens. À La Réunion, par exemple, l’OPMR avait lancé une alerte sur le rachat de Vindémia par le groupe Hayot, mais l’Autorité de la concurrence l’a autorisé. Les conséquences sont pourtant claires : réduction de la concurrence en raison de la position de duopole de Carrefour et de Leclerc, qui détiennent 66 % des parts de marché, augmentation des prix et affaiblissement de la production locale. Cet amendement est donc important.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Les auditions nous ont appris qu’il fallait augmenter les moyens des OPMR, ce que nous venons de faire : ils sont fort démunis pour l’exécution de leur mission première, qui est l’observation des prix. La mission que vous proposez d’ajouter ne relève malheureusement pas d’eux, mais de l’Autorité de la concurrence ; quant à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, elle nous a fait part, lors de son audition, d’une augmentation de ses moyens – notamment, les postes supplémentaires prévus dans le cadre du comité interministériel des outre-mer (Ciom) et qui ont été négociés pour lui permettre, ainsi qu’à l’Autorité de la concurrence, de faire son travail. Nos interlocuteurs nous ont expliqué la mise en œuvre de leurs contrôles, préalables, simples ou plus poussés. Nous ne sommes pas toujours d’accord avec les résultats : nous avons évoqué le cas de Vindémia et le fait que certaines structures se retrouvaient en position dominante, avec plus de 40 % de parts de marché, ce qui avait très objectivement pour effet d’augmenter les prix. Malheureusement, il ne revient pas aux OPMR d’entrer dans les comptes pour analyser la qualité économique et le risque de position dominante (ou d’abus de position dominante), qui ne peut apparaître que lorsque celle-ci est effective. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Je ne suis pas totalement d’accord avec vos arguments, mais je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Les amendements CE9 et CE10 de M. Jean-Philippe Nilor sont retirés.

 

 

Article 2 : Renforcer les sanctions en cas de non-respect de l’obligation de publication des comptes des sociétés commerciales

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons à la question des sanctions contre les sociétés qui ne publient pas leurs comptes. Elles sont nombreuses : je pense notamment à de grandes multinationales françaises, que je ne citerai pas mais que nous souhaitons convoquer pour une audition.

 

Amendement CE44 de Mme Béatrice Bellay

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Des collègues ont souligné les difficultés que pouvait poser la rédaction de l’article 2. Je vous propose de le réécrire pour qu’il corresponde davantage à la réalité des entreprises et de leur construction sur le territoire.

L’article L. 123‑5‑2 du code de commerce sera complété par cinq alinéas qui posent comme principe que le président du tribunal de commerce adresse une injonction sous astreinte journalière à l’entreprise qui n’aura pas déposé ses comptes dans les conditions et délais impartis. Il est prévu que le montant de l’astreinte ne pourra être inférieur à 1 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé par la société.

L’article L. 611-2 du même code sera complété par six alinéas qui prévoient également cette injonction sous astreinte d’un montant d’au moins 1 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé par la société.

Par ailleurs, cet amendement de rédaction globale permet que ce dispositif ne s’applique qu’aux pays des océans – et non à la France dans son ensemble, comme le prévoyait initialement le dispositif.

Les sanctions encourues par les entreprises qui ne déposeraient pas leurs comptes seront ainsi renforcées.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que cet amendement de réécriture globale ferait tomber, s’il était adopté, les amendements suivants.

La commission adopte l’amendement et l’article 2 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CE25 de M. Joseph Rivière, CE8 de M. JeanPhilippe Nilor et CE24 de M. Joseph Rivière tombent.

 

 

Après l’article 2

 

Amendement CE16 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à renforcer la transparence concernant les remises. Les avantages obtenus par un distributeur auprès d’un fournisseur devront être mentionnés sur les factures d’achat « dès qu’ils seront de principe acquis et de montants chiffrables, même si leur versement est différé ».

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Je vous demande de retirer l’amendement en vue d’une réécriture d’ici à la séance. La nouvelle rédaction de l’article L. 410-6 du code de commerce que vous proposez ferait tomber l’expérimentation prévue pendant cinq ans en matière d’encadrement des prix de gros. Il faudrait compléter cet article au lieu d’en faire disparaître toute une partie.

M. Philippe Naillet (SOC). Je retravaillerai l’amendement d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

 

 

Article 3 : Abaissement des seuils de notification des concentrations outre-mer à 5 millions d’euros dans l’ensemble des domaines d’activités économiques

 

Amendement CE2 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit de limiter les concentrations en interdisant tout simplement d’être présent dans plus de deux activités en complément de la distribution du produit final.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. S’il le fallait, je voterais avec dix mains en faveur de cet amendement… mais il pose un problème, puisqu’il va à l’encontre de la liberté du commerce et de l’industrie. Il risquerait, de plus, d’avoir un effet contre-productif en conduisant à court terme à des augmentations de prix. Il faudrait retravailler sur la question d’ici à la séance, en veillant notamment à placer l’amendement au bon endroit et à le rendre plus opérant. Demande de retrait.

M. Philippe Naillet (SOC). Je comprends la difficulté de l’exercice : je retravaillerai l’amendement, mais j’espère, madame la rapporteure, que vous le soutiendrez alors. Il est très important et il se situe dans la continuité de la loi Lurel. Nous proposons simplement d’aller un peu plus loin.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Je l’ai dit, je voterai un tel amendement sans aucune hésitation. Nous avons vu qu’un certain nombre d’acteurs (et pas des moindres) développent des chaînes d’approvisionnement intégrales et appliquent dans ce cadre des marges qui paraissent trop importantes – elles contribuent, bien plus que l’octroi de mer, à la cherté des prix.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement de précision CE45 de Mme Béatrice Bellay, rapporteure.

 

Amendement CE22 de M. Frédéric Maillot

M. Frédéric Maillot (GDR). Face à la concentration du marché et aux situations de duopole, voire de monopole, nous proposons de rétablir une disposition de 2003 ciblant la grande distribution dans les départements d’outre-mer. Dans ces territoires, aucun groupe ne pourrait posséder plus de 25 % de la surface totale des commerces de détail à prédominance alimentaire de plus de trois cents mètres carrés. Nos pays sont secoués par des crises à cause de la cherté de la vie et des problèmes de formation et de transparence des prix. Il est urgent d’agir.

N’attendons pas un sursaut moral des groupes concernés. Il faut les contraindre par la loi, dans l’intérêt de la population. J’aurais donc aimé que notre collègue Naillet maintienne son amendement.

J’ai grandi à La Réunion dans les années quatre-vingt et j’ai assisté à la disparition des petits commerces, des Prisunic et des Hypercrack, au profit de grands groupes. Actuellement, qu’il s’agisse d’acheter un slip, un yaourt ou un clou, tous les achats sont réalisés dans le même magasin. C’est un problème.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Avis favorable.

M. Philippe Naillet (SOC). Monsieur Maillot, j’ai retiré l’amendement CE2 pour le retravailler en vue de la séance.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Oui, nous avons tous le même objectif. Nous ne sommes pas dans des positions d’affichage. Nous devons nous montrer sévères pour faire baisser les prix, mais les mesures que nous votons doivent être bien rédigées, positionnées au bon endroit, constitutionnelles et opérationnelles. L’objectif est de nous saisir d’instruments qui soient efficaces et de nature à venir véritablement participer à la baisse des prix sur nos territoires. Notre collègue Naillet a retiré son amendement par souci d’efficacité.

M. Frédéric Maillot (GDR). Je l’ai bien compris. Nous allons dans le même sens : il faut contraindre les grands groupes par la loi, dans l’intérêt de la population.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 3 modifié.

 

Après l’article 3

 

Amendement CE4 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Outre-mer, les grands groupes profitent de situations quasi monopolistiques et accumulent des marges excessives, aggravant à la fois la dépendance des producteurs locaux et le coût de la vie pour les habitants. À La Réunion, les parts de marché du groupe Hayot, détenteur des supermarchés Carrefour de l’île, sont passées de 17 % en 2019 à 39 % en 2021, à la suite du rachat de Vindémia. Ainsi, le duopole formé par Carrefour et Leclerc couvre 66 % du marché.

La situation est tout aussi préoccupante en Martinique, où quatre groupes familiaux contrôlent 80 % du marché de la distribution – dont le groupe Hayot, qui détient à lui seul 25 % des parts de marché. Sur place, il est de plus en plus difficile de subvenir aux besoins élémentaires – se nourrir, s’habiller, se laver – et de permettre aux enfants de se rendre à l’école dans des conditions dignes.

Mon amendement vise à interdire à tout acteur de la distribution de détenir plus de 25 % de parts de marché, afin de protéger l’économie locale et de favoriser la baisse des prix, grâce à une concurrence saine et équitable.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. J’émets une demande de retrait, non pas parce que cet amendement serait inintéressant, mais parce que l’amendement CE22 que nous venons d’adopter sur le même objet a l’avantage de s’appuyer sur le critère de la surface, un choix judicieux au vu de la pression foncière locale.

En outre, l’amendement prévoit un délai de douze mois pour l’application de cette mesure ; or cela créerait une forte insécurité juridique pour les entreprises concernées.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Je maintiens mon amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE6 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Nous proposons un moratoire sur l’ouverture de nouvelles surfaces commerciales supérieures à mille mètres carrés dans tous les outre-mer. Cette initiative répond à une demande des acteurs économiques martiniquais et de la collectivité territoriale de Martinique, qui fait suite aux mobilisations populaires de septembre contre la vie chère.

Dans les départements d’outre-mer, les prix alimentaires sont en moyenne 40 % plus élevés qu’en France hexagonale. En Martinique, l’écart de prix atteint 107 % pour les yaourts ; personne ne peut l’accepter. À La Réunion, la grande distribution contrôle 80 % des parts de marché. Cette concentration du marché entre les mains de quelques acteurs qui appliquent des marges en cascade alimente la vie chère et déséquilibre l’économie locale. Ce modèle est l’héritage d’une économie de rente, coloniale, qui marginalise les commerces de proximité et aggrave les inégalités économiques. Il est urgent de le réformer pour rétablir l’équilibre économique.

Mme Béatrice Bellay, rapporteure. Cette mesure était prévue dans le protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère signé par l’État et la collectivité territoriale de Martinique. J’y suis favorable. Toutefois, une réécriture est nécessaire concernant la durée du moratoire, pour des raisons de constitutionnalité. Je vous demande donc de retirer l’amendement et de le retravailler en vue de l’examen en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 


Par ordre chronologique

Audition commune des Observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) :

OPMR de La Réunion

M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’OPMR de La Réunion

OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de SaintMartin et de Saint-Barthélemy

M. Patrick Plantard, président de section des chambres régionales des comptes, président des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint‑Barthélemy

OPMR de Mayotte

M. Nicolas Péhau, président des chambres régionales des comptes de La Réunion et de Mayotte et président de l’OPMR de Mayotte.

OPMR de Wallis-et-Futuna

M. Olivier Léna, premier conseiller à la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus à Wallis-et-Futuna

Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)

M. Aurélien Daubaire, chef du département prix à la consommation et enquêtes ménages

M. Loup Wolff, directeur interrégional de La Réunion-Mayotte

M. Jean-Baptiste Herbet, directeur interrégional Antilles-Guyane

Bolonyocte Consulting

M. Christophe Girardier, président

M. Victorin Lurel, sénateur *

 

Audition commune :

Autorité de la concurrence

M. Benoît Cœuré, président

M. Jérome Schall, conseiller aux affaires institutionnelles, européennes et internationales

Autorité polynésienne de la concurrence

Mme Johanne Peyre, présidente

Groupe Safo

M. François Huyghues Despointes, président

M. Sébastien Daire, secrétaire général

Table-ronde des préfets des territoires ultramarins :

Préfecture de Guadeloupe

M. Xavier Lefort, préfet

Préfecture de Guyane

M. Philippe Vielle, directeur général adjoint de la coordination et de l’animation territoriale,

M. Annicet Loembe, directeur général adjoint de la cohésion et des populations,

M. Anselme Agbessi, chef du pôle concurrence, consommation, répression des fraude et métrologie.

Mme Stella Chene, Stagiaire INSP 

Préfecture de La Réunion

M. Patrice Latron, préfet

Mme Nathalie Infante, secrétaire générale pour les affaires régionales

Préfecture de Saint-Pierre et Miquelon

M. Bruno André, préfet

Préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin

M. Vincent Berton, préfet

M. Fabien Sese, secrétaire général

Groupe Bernard Hayot (GBH)

M. Stéphane Hayot, Directeur général

M. Christophe Bermont, directeur hypermarchés

Groupe CREO

M. Patrick Fabre, président

Préfecture de Martinique

M. Jean-Christophe Bouvier, préfet

M. Aurélien Adam, secrétaire général de la préfecture de la Martinique

M. Yannick Decompois, directeur de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) de Martinique

M. Hugues-Lionel Galy, directeur interrégional des douanes d’Antilles-Guyane à Fort-de-France

Mme Jocelyne Muday, directrice des collectivités locales et de la réglementation économique (DCLRE) à la préfecture de la Martinique

Pierre-Louis Gali, stagiaire INSP auprès du préfet de la Martinique

Groupe WANE

M. Jean-Luc Jaumouille, directeur administratif et financier des sociétés
Louis Wane

M. Jean-François Cherrid, directeur général du pôle grande distribution Louis Wane

Mme Stéphanie Ducerf, directrice juridique

Table ronde :

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

M. Gautier Duflos, chef du bureau analyse économique et de la veille stratégique, délégué outre-mer ;

M. Éric Maurus, sous-directeur communication, programmation, analyse économique et mouvement consumériste

M. Laurent Jacquier, chef du bureau commerce et relations commerciales

Mme  Elisabeth Guillaume, inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Mme Stéphanie Deguilly Lepage, cheffe du bureau « Politique et droit de la concurrence »

Mme Natacha Micic, rédactrice au sein du Bureau politique et droit de la concurrence à la DGCCRF

Directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS)

M.Yannick Decompois, directeur de la DEETS Martinique

Mme Christine Miller, chef du pôle C de la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Martinique (Direccte)

Ministre des Outre-mer

M. François-Noël Buffet, ministre *

M. Laurent Prevost, directeur du cabinet

Mme Rachel Chane, conseillère auprès du Ministre en charge de l’aménagement du Territoire, des transports, de l’équipement et de l’énergie

M. André Pierre-Louis, conseiller en charge de l’agriculture, de la filière économique et des entreprises

M. François Le Verger, adjoint à la sous-direction de politiques publiques de la direction générale des outre-mer (DGOM)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


—  1  —

 

 

 

 

Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de Saint-Barthélemy

Mme Perrine Tournade, conseillère référendaire, présidente de l’observatoires des prix, des marges et des revenus de Saint-Pierre-et-Miquelon, vice-présidente de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France et de la chambre territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon

Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer (ACCIOM)

Délégation outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

M. Sébastien Mathouraparsad, maître de conférences en sciences économiques à l’université des Antilles

M. Jean-François Hoarau, Professeur des universités en sciences économiques, CEMOI, Université de La Réunion

UFC – Que Choisir


([1]) Insee, « Enquête de comparaison spatiale des niveaux de prix à la consommation en 2022 », 2023.

([2]) Audition de l’Institut national de la statistique et des études économiques.

([3]) Ibid.

([4]) Ibid.

([5]) Contribution écrite de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

([6]) « Seule l’enseigne Intermark, qui représente une part marginale en chiffre d’affaires de la GSA à La Réunion (aux alentours de 3 % en 2022) et confrontée à de graves difficultés financières, n’a pas souhaité coopérer avec l’OPMR dans le cadre de ce groupe de travail » (OPMR de La Réunion, Note relative à l’état d’avancement du groupe de travail transparence ).

([7]) Contribution écrite de M. Bertrand Huby, président de l’OPMR de La Réunion.

([8]) Site de la préfecture de Martinique.

([9]) Ibid.

([10]) Contribution écrite de M. Bertrand Huby, président de l’OPMR de La Réunion.

([11]) Contribution écrite du groupe Safo.

([12]) Contribution écrite du groupe Bernard Hayot.

([13]) autorisé sous conditions par l’Autorité de la concurrence (décision du 26 mai 2020).

([14]) Contribution écrite du groupe Safo.

([15]) Contribution écrite du groupe CREO.

([16]) Contribution écrite du groupe BERNARD HAYOT.

([17]) Contribution écrite du groupe Safo.

([18])  Contribution écrite de M. Bertrand Huby, président de l’OPMR de La Réunion.

([19]) Relancé en 2022 après deux années d’absence de nomination d’un président de l’OPMR .

([20]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([21]) 50 citoyens avait été tirés au sort lorsque Mme Annick Girardin était ministre des outre-mer. Aucune procédure formelle n’ayant été mise en place pour les remplacer, seuls une quinzaine de citoyens volontaires demeurent associés aux travaux de l’OPMR.

([22]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([23]) Ibid.

([24]) Ibid.

([25])  Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

([26]) Contribution écrite de la préfecture de Martinique.

([27]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([28]) Ibid.

([29]) Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

([30]) Ibid.

([31]) Contribution écrite de Madame Perrine Tournade, présidente de l’observatoires des prix, des marges et des revenus de Saint-Pierre-et-Miquelon.

([32]) Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe.

([33]) Ibid.

([34]) Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

([35]) Contribution écrite de M. Bertrand Huby, président de l’OPMR de La Réunion.

([36]) Contribution écrite de l’Autorité de la concurrence.

([37]) Contribution écrite de M. Bertrand Huby, président de l’OPMR de La Réunion.

([38]) Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

([39]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([40])  Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint‑Martin et Saint-Barthélemy.

([41]) Le BQP ne s’applique donc ni à Saint-Barthélemy, ni en Polynésie française, ni à Wallis-et-Futuna.

([42]) « Le représentant de l’État négocie chaque année avec les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, qu’ils soient producteurs, grossistes ou importateurs, ainsi qu’avec les entreprises de fret maritime et les transitaires » (Art. L. 410-5 du code de commerce).

([43]) Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe.

([44]) Ibid.

([45]) Contribution écrite de Madame Perrine Tournade, présidente de l’observatoires des prix, des marges et des revenus de Saint-Pierre-et-Miquelon.

([46]) Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe.

([47]) « Le BQP porte sur 3 % simplement des références d’un hypermarché » (Audition de M. Bertrand Huby, président de l’OPMR de La Réunion, 30 mars 2023, commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution , n° 1549, déposé le jeudi 20 juillet 2023).

([48]) dont 60 % de fruits et légumes.

([49]) Contribution écrite du groupe Safo.

([50]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([51]) Contribution écrite de la délégation outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

([52]) Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

([53]) Ibid.

([54]) Contribution écrite du groupe CREO

([55]) Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe.

([56]) Ibid.

([57]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([58]) Rapport d’information n°1502 au nom de la délégation aux outre-mer sur l’autonomie alimentaire des outre-mer, juillet 2023.

([59]) Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe.

([60]) Contribution écrite de Madame Perrine Tournade, présidente de l’observatoires des prix, des marges et des revenus de Saint-Pierre-et-Miquelon

([61]) « Il y a plusieurs grossistes sur l’archipel et le centre commercial Marcel Dagort n’est pas le principal grossiste des petits commerces ». (Ibid.)

([62])  Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

([63])  Ibid.

([64]) Contribution écrite de la préfecture de Martinique.

([65]) Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe.

([66]) Contribution écrite de la préfecture de Martinique.

([67]) Contribution écrite de l’association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer (ACCIOM)

([68]) Audition de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) de Martinique.

([69]) OPMR de La Réunion, Note relative à l’état d’avancement du groupe de travail transparence.

([70]) Cour des comptes, L’octroi de mer : une taxe à la croisée des chemins, mars 2024.  

([71]) Cour des comptes, référé du premier président, Les compléments de rémunération des fonctionnaires d’outre-mer, juin 2023. 

([72]) Contribution écrite de l’OPMR de Mayotte.

([73]) Contribution écrite de l’Autorité de la concurrence.

([74]) C’est-à-dire la présence des articles dans les dépliants publicitaires, ou leur mise en avant dans les rayons.

([75]) Audition de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) de Martinique.

([76]) Les produits frais non marquetés et les MDD n’étaient pas concernés par cette loi.

([77]) L’article 2 de l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 a recodifié les dispositions de l’article L. 442-2 du code de commerce à l’article L. 442-5 du même code.

([78]) Contribution écrite de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) de Martinique.

([79]) Ibid.

([80]) Le triple net correspond au prix réellement payé par le distributeur, après remises sur factures d’achat, remises et ristournes différées et de la coopération commerciale facturées par le distributeur.

([81]) Contribution écrite de la délégation Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental.

([82]) Contribution écrite de M. Bertrand Huby, président de l’OPMR de La Réunion.

([83]) à savoir Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et les îles Wallis et Futuna.

([84]) Avis n° 09-A-45 du 08 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer.

([85]) Contribution écrite de l’Autorité de la concurrence.

([86]) Audition de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) de Martinique.

([87]) En particulier lorsque les marchés concernés par les pratiques sont des marchés locaux ne représentant qu’une part très faible du marché national considéré dans sa totalité.

([88]) CJUE, 16 mars 2023, aff. C-449/21, Towercast.

([89]) Communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence, DASRI dans les DROM, 2 octobre 2024 [en ligne]

([90]) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([91]) Décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015.

([92]) Avis 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer.

([93]) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([94]) Contribution écrite de l’Autorité de la concurrence

([95]) Ibid.

([96]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([97]) Contribution écrite de M. Bertrand Huby, président de l’OPMR de La Réunion.

([98]) Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

([99]) Réponses écrites de Madame Perrine Tournade, présidente de l’observatoires des prix, des marges et des revenus de Saint-Pierre-et-Miquelon.

([100]) Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe.

([101]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([102]) Ibid.

([103]) Contribution écrite de la préfecture de Martinique.

([104]) Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint‑Martin et Saint-Barthélemy.

([105]) Contribution écrite de la préfecture de Martinique.

([106]) Contribution écrite de M. Patrick Plantard, président des OPMR de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint‑Martin et Saint-Barthélemy.

([107]) OPMR de La Réunion, Note relative à l’état d’avancement du groupe de travail transparence.

([108]) Ibid.

([109]) Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe.

([110]) Contribution écrite de Madame Perrine Tournade, présidente de l’observatoires des prix, des marges et des revenus de Saint-Pierre-et-Miquelon.

([111]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([112]) Audition de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) de Martinique.

([113]) Contribution écrite de la préfecture de la Martinique.

([114]) Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe.

([115]) Contribution écrite du groupe WANE.

([116]) Contribution écrite de M. Nicolas Péhau, président de l’OPMR de Mayotte.

([117]) Ibid .

([118])  Contribution écrite du groupe Safo.

([119])  Ibid.

([120]) Ibid.

([121]) Contribution écrite de la préfecture de la Martinique. 

([122]) Contribution écrite de l’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon. 

([123]) OPMR de La Réunion, Note relative à l’état d’avancement du groupe de travail transparence.

([124]) Contribution écrite de l’Autorité de la concurrence.

([125]) CJUE, gr. ch., 3 sept. 2024, aff. jtes C-611/22 P et C-625/22 P, Illumina/Grail.

([126]) Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

([127]) Contribution écrite de l’Autorité de la concurrence.

([128]) Décision n° 81-132 DC, 16 janvier 1982, cons. 16, Journal officiel du 17 janvier 1982, page 299.

([129]) Décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012.

([130]) Décision n° 2010-55 QPC, 18 octobre 2010, cons. 4, Journal officiel du 19 octobre 2010, page 18695, texte n° 82.

([131]) Contribution écrite de l’Autorité de la concurrence.

([132]) Anciennement le deuxième alinéa du 2 de l’article 299 du traité instituant la Communauté européenne.

([133]) Soit à l’exclusion de Saint-Barthélemy, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.

([134]) Soit si aucun accord n’est conclu dans un délai d’un mois ou dans le cas de la fixation à un niveau insatisfaisant des prix.

([135]) Articles L. 910-1 A à L. 910-1 J du code de commerce.

([136]) alors auprès du ministre chargé de l’économie et des finances.

([137]) Le seuil alternatif en parts de marché, que prévoyait la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977 pour les parties qui réalisaient plus de 25 % des ventes ou des achats sur le(s) marché(s) concerné(s) a ainsi été abandonné.

([138]) La notion de commerce de détail est définie par référence aux règles applicables en matière d’équipement commercial. Un magasin de commerce de détail s’entend comme un magasin qui effectue, pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires, de la vente de marchandises (ainsi que certaines prestations de service à caractère artisanal) à des consommateurs pour un usage domestique (lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 2020, §103).

([139]) Est considérée comme une extension l’utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n’entrerait pas dans le cadre de l’article L. 310-2 du code de commerce.