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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 janvier 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,
visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte
(n° 693)
PAR M. Philippe GOSSELIN
Député
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION............................................ 5
Commentaire de l’article unique
Le cyclone Chido, qui a durement touché l’archipel mahorais, a été un révélateur et un catalyseur de la situation critique que connaît Mayotte. Si le projet de loi d’urgence pour Mayotte apporte des premières réponses pour la reconstruction du département, ce texte demeure toutefois incomplet sans s’attaquer aux difficultés structurelles de l’île ; la situation migratoire en fait partie.
En effet, Mayotte est confrontée à une pression migratoire et démographique exceptionnelle, qui nécessite une adaptation urgente de nos politiques publiques.
En raison de l’immigration massive, en provenance principalement des Comores mais aussi, depuis plusieurs années, de l’Afrique des Grands Lacs, Mayotte connait une croissance non maitrisée de sa population. Selon l’INSEE, plus de la moitié de la population est étrangère, dont 87% de nationalité comorienne, et un tiers des habitants serait en situation irrégulière.
La population a ainsi quadruplé entre 1985 et 2017. Ce solde démographique est porté par la forte natalité des mères étrangères, qui représentent désormais les trois quarts des naissances enregistrées dans le département. L’INSEE estime que le département pourrait compter 760 000 habitants à l’horizon 2050, si les flux migratoires demeurent à la hauteur de ceux observés entre 2012 et 2017.
Les conséquences de ces évolutions migratoires et démographiques pèsent sur tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes mahorais, via l’embolie des services publics, la multiplication de l’habitat dit « informel » et la croissance de l’insécurité.
Si les causes des migrations sont bien sûr multiples, les perspectives d’accès à la nationalité française constituent un facteur certain d’attraction pour l’immigration irrégulière.
Le droit du sol dit « simple » permet à un enfant né en France de deux parents étrangers, même en situation irrégulière, d’obtenir la nationalité française dès ses 13 ans du seul fait d’être né et d’avoir résidé sur le sol français.
Cela permet, par voie de conséquence, aux parents de l’enfant d’obtenir un titre de séjour en qualité de parents d’enfants français, ce qui les protège de l’éloignement et peut leur ouvrir le bénéfice des prestations sociales.
Ce constat a déjà motivé le législateur, en 2018, à adapter le régime du droit du sol à Mayotte.
Il résulte désormais de l’article 2493 du code civil, modifié par la loi du 10 septembre 2018, qu’un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française que si, à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
Le Conseil constitutionnel a validé sans réserve ces dispositions en considérant qu’elles ne méconnaissaient ni le principe d’égalité, ni l’indivisibilité de la République. Le juge constitutionnel a souligné que les caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte, qui connait des flux migratoires très importants, justifiaient de telles adaptations du droit de la nationalité.
Toutefois, au regard de l’urgence sociale et migratoire de Mayotte, il apparaît nécessaire d’aller plus loin. Cette situation critique préexistait à la crise engendrée par le cyclone Chido, elle n’est que plus pressante depuis.
L’article unique de cette proposition de loi prévoit ainsi que la condition relative au séjour régulier des parents de l’enfant s’applique aux deux parents et non plus à un seul d’entre eux.
En second lieu, l’article unique porte la durée minimale de résidence régulière exigée au moment de la naissance de l’enfant de trois mois à un an. Par cette durée d’un an, qui demeure proportionnée à la situation migratoire de Mayotte, la proposition de loi entend s’inscrire dans le cadre des adaptations permises par l’article 73 de la Constitution. Elle reprend ainsi la disposition inscrite à l’article 81 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, censuré par le Conseil constitutionnel dès lors qu’il constituait un « cavalier législatif ».
Enfin, la proposition de loi procède à une coordination à l’article 2495 du code civil afin d’adapter les mentions portées sur l’acte de naissance de l’enfant aux nouvelles conditions ainsi créées.
Ainsi, cette proposition de loi, en adaptant la législation aux réalités démographiques et sociales de l’archipel, tout en respectant les principes constitutionnels et les spécificités locales de Mayotte, vise à restaurer un équilibre et à mieux contrôler les flux migratoires.
Commentaire de l’article unique
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article restreint les conditions d’acquisition de la nationalité française pour un enfant né à Mayotte de deux parents étrangers. Il prévoit, d’une part, que la condition relative au séjour régulier des parents de l’enfant s’applique aux deux parents et non plus à un seul d’entre eux et, d’autre part, allonge la durée requise de présence régulière sur le territoire français avant la date de naissance de l’enfant de trois mois à un an. Enfin, l’article unique procède à une coordination à l’article L. 2495 du code civil lequel prévoit qu’est portée sur l’acte de naissance de l’enfant la mention du séjour régulier de ses parents.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 16 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a rétabli l’article 2493 du code civil ; lequel dispose qu’un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française sur le fondement de l’article 21-7 du code civil qu’à la condition qu’au jour de sa naissance, au moins l’un de ses parents résidait sur le territoire français de manière régulière et ininterrompue depuis au moins trois mois.
L’article 17 de la même loi a également rétabli l’article 2495 du code civil afin de prévoir que l’officier d’état civil peut mentionner sur l’acte de naissance de l’enfant, à la demande de l’un de ses parents, la situation régulière de celui-ci afin de permettre aux parents étrangers d’un enfant né en France de constituer une preuve de la régularité et de la durée de leur présence sur le territoire français.
Modifications apportées par la commission des Lois
La commission a adopté l’article unique de la proposition de loi modifié par un amendement de coordination du rapporteur afin de préciser à l’article 2495 du code civil que la mention de la situation régulière des deux parents peut être inscrite sur l’acte de naissance de l’enfant.
Le code civil distingue deux fondements d’octroi de la nationalité française, qui peut s’effectuer soit par attribution, soit par acquisition.
En premier lieu, la nationalité française peut s’obtenir par attribution, c’est-à-dire lorsqu’une une personne est réputée française dès sa naissance à raison de l’origine.
Pour attribuer la nationalité française d'origine, le législateur se fonde principalement sur deux critères de rattachement de l'individu à la France : sa filiation à l'égard de parents français ou sa naissance sur le territoire français.
Ainsi, le code civil prévoit que l’attribution de la nationalité peut se faire par filiation dès lors qu’au moins un des parents de l’enfant est Français ([1]) ou à raison de la naissance en France lorsque l’enfant est né en France et que l’un de ses parents au moins y est lui-même né, situation dite du « double droit du sol » ([2]). Il faut également ajouter à ces hypothèses celle de l’enfant né en France de parents inconnus ou apatrides, également réputé Français ([3]) .
En second lieu, la nationalité française peut s’obtenir par acquisition, c’est le cas lorsque l’étranger demande sa naturalisation, ou qu’il obtient la nationalité française par mariage. L’acquisition de la nationalité française peut, selon les cas, être automatique, requérir une déclaration de l’individu ou une décision de l’autorité publique.
La naissance et la résidence en France constituent également des motifs d’acquisition de la nationalité française via le droit du sol dit « simple ».
Ainsi, l’article 21-7 du code civil dispose que « tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans. »
En outre, le code civil permet l’acquisition anticipée de la nationalité sur ce fondement selon deux modalités :
– sur demande des parents de l’enfant entre ses 13 et 16 ans, à la condition que l’enfant réside en France au moment de la demande et qu’il y ait eu sa résidence habituelle pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de huit ans (article 21-11) ;
– sur demande personnelle de l’enfant, entre ses 16 et 18 ans, si, au moment de sa déclaration, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans (article 21-11).
L’article 21-27 du code civil prévoit plusieurs motifs faisant obstacles à l’acquisition de la nationalité française. Il s’agit des personnes :
– qui sont l’objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, ou, quelle que soit l'infraction considérée, qui ont été condamnées à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis ;
– les étrangers en séjour irrégulier en France ou ceux soumis à un arrêté d’expulsion ou d’interdiction du territoire français.
En revanche, ces cas d’exclusion ne sont pas applicables aux enfants mineurs susceptibles d’obtenir la nationalité via le droit du sol.
En 2023, 97 288 personnes ont acquis la nationalité française dont 39 721 par naturalisation et 32 533 par déclaration anticipée ([4]) .
Depuis le référendum du 22 décembre 1974 qui a confirmé son appartenance à la République française et son indépendance à l’égard de l’Union des Comores, Mayotte est soumise à une forte pression migratoire.
Entre 1975 et 1997, la population de Mayotte est passée de 45 000 à 131 000 personnes selon les données de l’INSEE ([5]). Cette croissance démographique exceptionnelle s’est poursuivie, sa population a quadruplé entre 1985 et 2017, passant de 67 200 à 256 500 habitants. La population mahoraise est estimée par l’INSEE à 321 000 habitants au 1er janvier 2024, chiffre probablement largement sous-estimé en raison de l’importance des ressortissants étrangers en situation irrégulière.
La croissance démographique du département est directement portée par les flux migratoires, notamment en provenance des Comores.
En effet, si le solde démographique de l’île résulte d’un fort excédent des naissances sur les décès, le taux de fécondité s’élève en moyenne à 4,5 enfants par femme, ces naissances sont portées pour les trois quarts par les mères nées à l’étranger. Celles-ci ont une fécondité deux fois plus élevée que les mères natives de Mayotte. Une étude de l’INED relevait à ce propos l’accroissement tendanciel de la part des mères étrangères dans l’augmentation de la natalité dans le département ainsi que la forte progression des naissances issues de deux parents étrangers (42 % en 2017, contre 28 % en 2014) ([6]) . En 2022, 10 795 naissances ont été enregistrées à Mayotte contre 6 736 en 2012 ([7]) .
Ainsi, un habitant sur deux serait de nationalité étrangère, d’après une étude conduite par l’Insee en 2017 ([8]) . La nationalité comorienne y est la plus représentée, à hauteur de 87% de la population étrangère du département.
Mayotte est également le territoire ultramarin le plus concerné par la lutte contre l’immigration irrégulière. Avec 21 547 éloignements réalisés au cours de l’année 2022, Mayotte représente ainsi près de 95 % du total des éloignements effectués depuis l’outre-mer ([9]) . Si l’immigration irrégulière provient historiquement des Comores, les services de l’État constatent également ces dernières années une augmentation des arrivées irrégulières depuis les pays de l’Afrique des Grands Lacs.
Au regard de ces éléments, l’INSEE estime que le département pourrait compter 760 000 habitants à l’horizon 2050, si les flux migratoires demeurent à la hauteur de ceux observés entre 2012 et 2017.
Les conséquences de ces évolutions migratoires et démographiques sont connues : saturation de l’ensemble des services publics, multiplication des habitats insalubres, insécurité, et dégradation de l’environnement. Comme le relève un rapport d’une mission interministérielle d’inspection « la maîtrise du nombre d’étrangers en situation irrégulière à Mayotte est une condition impérative pour que les politiques publiques puissent fonctionner correctement et apporter l’espoir d’une vie meilleure aux habitants » ([10]). En outre, la situation économique et sociale du département le plus pauvre de France, qui était déjà critique, est devenue dramatique depuis les destructions causées par le cyclone Chido.
Si les différences de développement entre Mayotte et ses pays voisins expliquent l’attractivité du département, les perspectives d’accès à la nationalité française constituent également un facteur indéniable d’attraction pour l’immigration irrégulière.
Comme le notait la mission interministérielle d’inspection, « la nationalité française obtenue pendant la minorité de l’enfant permet aux parents d’obtenir un titre de séjour en qualité de parents d’enfants français, ce qui les protège de l’éloignement pendant toute la période de minorité et leur ouvre le bénéfice des prestations sociales s’ils remplissent les conditions réglementaires » ([11]) . À cet égard, plus de la moitié des titres de séjour délivrés à Mayotte en 2022 l’étaient pour le motif « parents d’enfants français » (56%) alors qu’ils représentent 20% des titres délivrés à La Réunion et 14% en Guyane ([12]).
La mission estime que, chaque année, en moyenne, 1 577 mineurs deviennent Français via le droit du sol dit « simple » à Mayotte par déclaration anticipée sur le fondement de l’article 21-11 du code civil. Selon les données transmises par le ministère de la Justice, après avoir connu une baisse entre 2020 et 2021, le nombre de déclarations d’acquisition de la nationalité française à Mayotte sur ce fondement est de nouveau en hausse et s’élevait à 1 637 en 2023.
En outre, le phénomène des reconnaissances frauduleuses de paternité demeure une préoccupation majeure des services d’état civil dans le département, car elle constitue un moyen de contourner les restrictions apportées au droit du sol en permettant de justifier de la condition de régularité de séjour de l’un des parents ou de prétendre à l’attribution de la nationalité française en raison de la filiation avec un parent français. Dès 2006, un rapport d’information de l’Assemblée nationale faisait état d’une augmentation préoccupante de cette procédure : le nombre d’actes de reconnaissance de paternité enregistré ayant évolué de 882 en 2001 à 4 146 en 2004 ([13]) .
Bien que Mayotte soit Française depuis 1841, les dispositions du droit commun relatives à l’acquisition de la nationalité ne s’y sont toutefois appliquées que progressivement.
Le code de la nationalité issu de l’ordonnance du 19 octobre 1945 n’est entré en vigueur dans les territoires d’outre-mer qu’à compter du décret du 24 février 1953, avec une exception : le droit du sol ne s’appliquait alors qu’aux quatre anciens départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion)
C’est finalement la loi du 22 juillet 1993, entrée en vigueur le 1er janvier 1994, qui a étendu à Mayotte les dispositions relatives au droit du sol.
Toutefois, les règles régissant l’acquisition de la nationalité française à Mayotte à raison du droit du sol ont fait l’objet d’adaptations par le législateur, sur le fondement de l’article 73 de la Constitution.
Aux termes de cet article, les lois et règlements y sont applicables de plein droit mais « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
L’article 16 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a ainsi instauré à Mayotte une condition supplémentaire à l’acquisition de la nationalité via le droit du sol sur le fondement de l’article 21-7 du code civil, relative à la régularité du séjour de l’un des parents au moins au moment de la naissance de l’enfant sur le sol français.
Il résulte désormais de l’article 2493 du code civil, modifié par cette loi, qu’un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française à sa majorité que si, non seulement, il remplit les conditions de l’article 21‑7 du code civil exposées supra, mais également qu’à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
Cette disposition résultait d’un amendement de l’ancien sénateur de Mayotte, M. Thani Mohamed Soilihi, qui reprenait les termes d’une proposition de loi soumise au Conseil d’État. Ce dernier avait estimé qu’elle ne posait pas de problème de constitutionnalité dès lors que la nouvelle condition de régularité « porte sur l’un ou l’autre des parents et fixe un délai de résidence régulière assez bref », estimant que les « dispositions qui lui sont soumises apportent une adaptation limitée, adaptée et proportionnée à la situation particulière de Mayotte » ([14]) .
De fait, le Conseil constitutionnel, saisi de ces dispositions, a jugé cet article conforme à la Constitution ([15]) .
En premier lieu, le Conseil a relevé que « la population de Mayotte comporte, par rapport à l’ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu’un nombre élevé et croissant d’enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants » (considérant 43).
Selon le juge constitutionnel, de telles circonstances constituent, au sens de l’article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, « afin de lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte, d’y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France » (même cons.).
En second lieu, le Conseil a considéré que dès lors que l’adaptation se bornait « à modifier certaines conditions d'exercice du droit à l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France » (cons. 44), elle n’excédait pas le champ des adaptations permises par l’article 73 de la Constitution et ne portait pas atteinte à l’indivisibilité de l a République.
Il a également jugé que, en tant qu’elles étaient applicables à l’ensemble des enfants nés à Mayotte de parents étrangers, quelle que soit la nationalité de ces derniers ou leur origine géographique, elles ne constituaient pas une discrimination.
Ces dispositions de la loi du 10 septembre 2018 sont entrées en vigueur le 1er mars 2019. Toutefois, le législateur a aménagé des dispositions transitoires pour régir la situation des enfants nés à Mayotte avant l’entrée en vigueur de la loi de 2018.
En vertu de l’article 17-2 du code civil, les nouvelles dispositions relatives à l’acquisition de la nationalité entrent en vigueur immédiatement et sont donc applicables aux enfants nés à Mayotte avant l’adoption de la loi n’ayant pas encore atteint leur majorité et n’ayant pas fait de déclaration anticipée pour l’acquisition de la nationalité française.
Toutefois, l’article 2494 du code civil, tout en rendant applicable la nouvelle condition de régularité du séjour des parents aux enfants nés à Mayotte avant l’entrée en vigueur de la loi, prévoit une condition alternative dans l’hypothèse où il apparaît impossible de prouver la résidence légale de l’un de ses parents avant la naissance de l’enfant. Dans cette hypothèse, la condition de séjour régulier au moment de la naissance de l’enfant est remplacée par la preuve d’une résidence régulière en France de l’un des parents pendant la période de résidence habituelle en France imposée à l’enfant avant son acquisition de la nationalité française.
Cette période doit ainsi se situer :
– pour l’acquisition de la nationalité française par l’enfant à sa majorité, entre le jour de ses onze ans et celui de ses dix-huit ans ;
– pour l’acquisition anticipée par une déclaration souscrite par l’enfant entre seize et dix-huit ans, depuis le jour de ses onze ans ;
– pour l’acquisition anticipée de la nationalité souscrite au nom de l’enfant entre ses treize ans et ses seize ans, depuis le jour de ses huit ans.
Enfin, la loi la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a également instauré un dispositif facilitant la preuve de la condition de séjour nouvellement créée en rétablissant l’article 2495 du code civil.
Celui-ci prévoit que l’officier d’état civil peut mentionner sur l’acte de naissance de l’enfant, à la demande de l’un de ses parents, la situation régulière de celui-ci afin de permettre aux parents étrangers d’un enfant né en France de constituer une preuve de la régularité et de la durée de leur présence sur le territoire français.
En outre, en décembre 2023, législateur avait souhaité, lors de la discussion de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, restreindre les conditions d’accès à la nationalité française à raison du « droit du sol » dans certains territoires ultramarins et notamment à Mayotte.
L’article 81 de la loi adoptée par le Parlement allongeait ainsi la durée de résidence régulière du parent de l’enfant prévue par l’article 2493 du code civil en la portant de trois mois à un an. Cette disposition a toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 45 de la Constitution dès lors qu’elle constituait un « cavalier législatif » ([16]) .
L’article unique de la proposition de loi modifie l’article 2493 du code civil déterminant les conditions d’accès à la nationalité française sur le fondement du droit du sol « simple » d’un enfant né à Mayotte de deux parents étrangers.
Il prévoit, en premier lieu, que la condition relative au séjour régulier des parents de l’enfant s’applique aux deux parents et non plus à un seul d’entre eux.
Cette disposition, qui avait fait l’objet d’un amendement adopté par la commission des Lois de l’Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ([17]), pourra notamment permettre de prévenir les reconnaissances frauduleuses de paternité.
En second lieu, l’article unique porte la durée minimale de résidence régulière exigée au moment de la naissance de l’enfant de trois mois à un an.
L’article unique procède également à une mesure de coordination, en modifiant l’article 2495 du code civil afin d’adapter à la nouvelle durée requise la mention du séjour régulier sur l’acte de naissance de l’enfant.
La commission des Lois a adopté un amendement CL24 de coordination du rapporteur afin de préciser à l’article 2495 du code civil que la mention de la situation régulière des deux parents, et non plus d’un seul, peut être inscrite sur l’acte de naissance de l’enfant, conformément aux modifications introduites à l’article 2493.
La commission des Lois a adopté l’article unique ainsi modifié.
Lors de sa première réunion du mercredi 29 janvier 2025, la Commission examine la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte (n° 693) (M. Philippe Gosselin, rapporteur).
Lien vidéo : https://assnat.fr/i4CXnw
M. le président Florent Boudié. Nous examinons aujourd’hui les propositions de loi (PPL) relevant de la commission des Lois inscrites dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire du groupe Droite républicaine du 6 février prochain. Nous commençons par l’examen de celle visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Six semaines après le passage du cyclone Chido et quelques jours après l’adoption, à l’unanimité, du projet de loi d’urgence pour Mayotte, nous sommes réunis pour évoquer la situation – préoccupante – de l’archipel, durement touché par la catastrophe naturelle. Je profite de la présence de notre collègue Estelle Youssouffa pour redire tout notre soutien à nos compatriotes Mahorais.
Le cyclone Chido est un révélateur et un catalyseur de la situation critique que connaît Mayotte. Nous pouvons, certes, nous réjouir de l’adoption du projet de loi que je viens d’évoquer, mais la loi demeure incomplète, même si elle apporte un certain nombre de réponses concrètes pour la reconstruction. Je suis resté sur ma faim. En effet, ce texte ne répond pas aux difficultés structurelles de l’île, dont fait partie la situation migratoire. Au-delà de la présente proposition de loi, il faut en effet un plan large, global et cohérent pour Mayotte, dans lequelle régalien soit davantage présent, en sus du développement économique et de l’implantation de services.
Mayotte est confrontée à une pression migratoire et démographique exceptionnelle, qui dépasse tout ce que l’on peut connaître ailleurs sur le territoire de la République et qui nécessite une adaptation urgente de nos politiques publiques. Ce département, le plus pauvre de France, connaîtune croissance non maîtrisée de sa population etdoit ainsi faire face à une immigration massive, principalement en provenance des Comores, mais aussi de l’Afrique australe et de l’Afrique des Grands Lacs, avec des filières très organisées et plus violentes.
Selon l’Insee, dont les chiffres sont parfois contestés à Mayotte, plus de la moitié de la population est étrangère. Estimée à 320 000 habitants, elle avoisinerait 380 000 à 400 000 personnes – je récuse le nombre de 500 000 habitants, que j’ai parfois entendu –, un effectif très important pour un territoire de seulement 374 kilomètres carrés ; 87 % de la population étrangère ont la nationalité comorienne, un tiers des habitants étant en situation irrégulière. La crise migratoire engendre également un nombre important de mineurs isolés – les mineurs non accompagnés (MNA) –, estimé à plus de 4 000 gamins, dont la prise en charge est compliquée. Ces chiffres de 2019 proviennent de la chambre régionale des comptes ; ils ont vraisemblablement été largement dépassés.
La population a quadruplé entre 1985 et 2017, un solde démographique impressionnant porté par une forte natalité des mères étrangères, qui représentent désormais les trois quarts des naissances enregistrées dans le département – au nombre de 10 280 en 2023, soit la première place des maternités de France, contre un peu plus de 4 000 naissances lorsque je suis allé à Mayotte pour la première fois, en 2008. L’Insee estime que l’île comptera plus de 750 000 habitants à l’horizon 2050, si les flux migratoires demeurent à la hauteur de ceux observés entre 2012 et 2017.
Les conséquences de ces évolutions migratoire et démographique sont connues. Elles pèsent sur tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes : saturation de l’ensemble des services publics – écoles, hôpitaux ; multiplication de l’habitat insalubre – les bangas sont des bidonvilles et représentent plus de 40 % de l’habitat ; conséquences sur l’environnement – il n’y a pas d’assainissement, l’accès à l’eau est problématique ; insécurité. Le ministre d’État Manuel Valls l’a dit il y a seulement quelques jours :« l’immigration irrégulière et l’habitat illégal s’autonourrissent ». Je l’ai d’ailleurs constaté les cinq ou six fois où je me suis rendu sur le territoire.
Les causes migratoires sont multiples et ne se réduisent pas à l’acquisition de la nationalité française, même si les perspectives d’accès à cette nationalité constituent un facteur indéniable d’attraction pour l’immigration régulière. Le « droit du sol simple » permet à un enfant né en France de deux parents étrangers, même en situation irrégulière, d’obtenir la nationalité française dès ses 13 ans, du seul fait d’être né et d’avoir résidé sur le sol français. Les parents de l’enfant français peuvent dès lors obtenir un titre de séjour, ce qui les protège de l’éloignement et leur ouvre le bénéfice de prestations sociales. Une mission d’inspection interministérielle estimait, en 2022, que 1 600 mineurs en moyenne, soit un chiffre assez conséquent, deviennent ainsi Français chaque année à Mayotte.
Plus de la moitié des titres de séjour délivrés à Mayotte en 2022 l’étaient pour le motif « parent d’enfant français », contre 20 % à La Réunion et 14 % en Guyane. Ce constat a déjà incité le législateur à adapter le droit du sol à Mayotte, en 2018. Le dispositif actuel s’articule autour de l’article 2493 du code civil, modifié par la loi du 10 septembre 2018, qui a précisé qu’un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois .
J’en profite pour rappeler, brièvement mais fermement, que le Conseil constitutionnel a validé sans réserve ces dispositions, considérant qu’elles ne portaient atteinte ni au principe d’égalité, ni à l’indivisibilité de la République, des grands principes constitutionnels auxquels nous sommes attachés. Le juge constitutionnel a clairement souligné, au contraire, que les caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte, qui connaît des flux migratoires très importants, justifiaient de telles adaptations du droit de la nationalité.
Au regard de l’urgence sociale et migratoire de Mayotte, il nous apparaît nécessaire d’aller plus loin. Une situation très critique préexistait à la crise engendrée par Chido, qui n’est qu’un révélateur et un catalyseur de la situation. Je fais taire par avance toute critique potentielle : non, nous ne surfons pas sur la difficulté des gens. La proposition de loi a été déposée le 3 décembre et nous n’avions pas anticipé Chido !
Je présenterai brièvement cette proposition de loi déposée par le groupe Droite républicaine. Elle prévoit, en premier lieu, que la condition relative au séjour régulier des parents de l’enfant s’applique aux deux parents, et non plus à un seul. Cette disposition vise en particulier à prévenir les reconnaissances frauduleuses de paternité, nombreuses. En second lieu, l’article unique de la proposition de loi porte la durée minimale de résidence exigée au moment de la naissance de l’enfant, de trois mois à un an – une durée proportionnée à la situation spécifique de Mayotte. Ce dispositif s’inscrit bien évidemment dans le cadre de l’article 73 de la Constitution et des adaptations législatives possibles pour Mayotte.
Le Parlement a déjà autorisé l’allongement de ce délai, notamment en décembre 2023, lors de la discussion d’un texte visant à contrôler l’immigration et améliorer l’intégration. Comme vous le savez, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, pour des raisons qui ne tiennent pas au fond mais à la forme. Il a en effet considéré, dans une interprétation singulière, qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Par ailleurs, la proposition de loiprocède également à une coordination de l’article 2495 du code civil.
En conclusion, nous sommes convaincus qu’en alignant la législation sur les réalités démographiques et sociales de Mayotte, cette proposition de loi permettra la restauration d’un équilibre et un meilleur contrôle des flux migratoires. Personne ne prétend qu’elle résoudra toutes les difficultés de Mayotte. Elle n’est pas une réponse miracle au fait migratoire à Mayotte, ni l’alpha et l’oméga de toutes les politiques publiques. Elle constitue l’élément qui s’insère dans un ensemble plus large, mêlant du régalien, des décisions de développement économique et d’infrastructures – on parle depuis trop longtemps de la piste longue pour l’aéroport, du contournement de Mamoudzou et d’un deuxième hôpital.
Certes, les difficultés ne seront pas résolues du jour au lendemain. Malgré les tensions, Mayotte reste un territoire attractif pour d’autres zones qui connaissent la misère, notamment pour les populations des territoires d’Afrique australe ou des Grands Lacs. Je fais miens les mots d’Aimé Césaire, qui souhaitait que nos compatriotes de Mayotte soient des Français à part entière, et non pas entièrement à part. Tel est l’engagement que nous devons avoir pour ce territoire, pour dire à nos compatriotes que nous les avons compris et que nous sommes à leurs côtés. La lutte contre l’immigration irrégulière est un enjeu crucial pour une île qui étouffe et ne peut assumer, sinon dans des conditions difficiles, les éléments de base que sont la santé, le logement, l’éducation.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Yoann Gillet (RN). Surnommée « l’île aux parfums », Mayotte est un véritable joyau de la République française ; mais, loin de briller, ce joyau est en danger. Mayotte n’est pas l’eldorado qu’elle devrait être, et elle se trouve face à une menace existentielle. Le fléau de l’immigration de masse y a atteint une ampleur dramatique. Les Mahorais vivent dans l’abandon total ; ils voient leur quotidien ravagé par ce fléau, qui menace leur culture, leur travail et leur avenir.
L’explosion démographique aggrave chaque jour davantage la crise. En 1985, 12 % des habitants de l’île n’en étaient pas natifs ; ce taux dépasse aujourd’hui 55 %. En vingt ans, la population de Mayotte a doublé. Depuis 1958, elle a été multipliée par quatre. La dynamique des naissances y est massive et 42 % des enfants qui y sont nés le sont de parents étrangers. Le terme de « submersion migratoire » est d’ailleurs trop faible pour décrire la situation de ce petit bout de France au cœur de l’océan Indien.
Chers collègues, j’ai moi-même pu constater la réalité lors d’une mission parlementaire sur place, il y a quelques mois. Les Mahorais sont consternés et ils ont raison. Depuis des années, malgré nos alertes répétées et le cri de détresse de nos compatriotes, les gouvernements successifs n’ont pas pris les mesures qui s’imposent. Rétablir l’ordre et lutter contre les causes du chaos migratoire sont des priorités. Monsieur le rapporteur, la présenteproposition de loi, qui vise à durcir les conditions d’acquisition de la nationalité française par le droit du sol à Mayotte, est bien trop molle et tiède. Son application s’avérera inutile, tant elle ne prend pas la mesure de la situation.
En raison du contexte particulier existant à Mayotte, les règles d’acquisition de la nationalité y ont été légèrement adaptées. Malgré quelques maigres restrictions, le droit du sol y demeure cependant une machine à générer l’immigration clandestine. Comme en métropole, un étranger sans aucun lien réel avec notre pays qui naît là-bas peut obtenir automatiquement la nationalité française. Le cadre législatif du droit du sol mine l’avenir de la France et ne protège ni les Mahorais, ni la France. À Mayotte plus qu’ailleurs, il met à genoux nos services publics, fracture la cohésion sociale et nourrit une insécurité grandissante.
Le groupe Rassemblement national est opposé au maintien du droit du sol sur l’ensemble du territoire français. Seule sa suppression pure et simple aurait un effet positif. Comme l’a rappelé Marine Le Pen – dès 2018, elle a déposé une proposition de loi spécifique à ce sujet –, sans cette réforme essentielle, toute autre action serait vaine. La suppression du droit du sol mettrait fin à l’attribution automatique de la nationalité à ceux qui naissent sur notre sol sans aucun lien réel avec notre pays. Elle protégerait nos services publics, saturés par une immigration massive. Elle redonnerait à la nationalité française son sens profond : une appartenance ou un choix, et, dans tous les cas, une responsabilité. Elle protégerait nos compatriotes, nos valeurs, notre identité. Elle permettrait de rappeler qu’être français, cela s’hérite ou se mérite.
Vous l’avez compris, monsieur le rapporteur, votre proposition n’est pas celle que nous attendons, ni celle qu’attendent les Mahorais. Nos amendements vous donneront l’occasion d’agir courageusement et concrètement, et de répondre aux légitimes aspirations de nos compatriotes. Je vous invite à vous en saisir. Supprimons purement et simplement le droit du sol, et tournons la page de l’indécision et du laxisme.
M. Vincent Caure (EPR). Je tiens tout d’abord à exprimer le soutien de l’ensemble des membres de la commission des Lois à notre collègue Estelle Youssouffa, ainsi qu’à tous les habitants de Mayotte, après le cyclone Chido. Depuis l’indépendance des Comores et le maintien de Mayotte dans la République, la population de l’île a crû de manière très importante : 45 000 personnes en 1975, 131 000 en 1997, 321 000 en 2024, soit un quadruplement entre les années 1980 et l’orée des années 2020. Vous l’avez souligné, il s’agit de l’un des problèmes structurels de l’île. On peut d’ailleurs raisonnablement considérer que cette très forte progression est sous-estimée, en raison de l’importance des ressortissants étrangers en situation irrégulière sur l’île. En 2017, selon l’Insee, un habitant sur deux était de nationalité étrangère, dont 87 % de nationalité comorienne. Il existe dès lors un risque d’instrumentalisation par un État étranger, comme ce fut le cas en 2018.
Mayotte est également le territoire ultramarin le plus concerné par la lutte contre l’immigration irrégulière : en 2022, l’île a fait l’objet de 95 % des mesures d’éloignement prises dans les outre-mer. Le présent texte s’inscrit dans une logique de performance – la lutte contre l’immigration illégale à Mayotte – avec laquelle nous sommes d’accord, car Mayotte ne trouvera pas le chemin du plein développement et du plein épanouissement dans la République, ni, à court terme, celui de la bonne reconstruction, sans s’emparer de la question de la réduction de l’immigration illégale. En 2022, une mission interinspections a d’ailleurs précisé que la maîtrise du nombre d’étrangers en situation irrégulière à Mayotte était une condition impérative pour que les politiques publiques puissent fonctionner correctement et apporter l’espoir d’une vie meilleure aux habitants.
Le texte s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres, notamment la réforme qui, défendue par Gérard Collomb en 2018, comportait l’introduction d’une première mesure de restriction à l’acquisition de la nationalité. Depuis cette loi, un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française que si l’un de ses parents au moins réside en France de manière régulière et ininterrompue lors de sa naissance, depuis plus de trois mois. Vous l’avez dit, le Conseil constitutionnel a jugé cet article conforme à la Constitution, en ce qu’il répondait à des caractéristiques et contraintes spécifiques et luttait contre l’immigration irrégulière à Mayotte.
Comme les dispositions introduites en 2018, le texte qui nous est soumis est conforme à l’interprétation constante du Conseil conditionnel depuis 1993. Rien n’interdit en effet au législateur de traiter différemment des situations différentes, en prenant en compte les circonstances locales, dans le respect de la proportionnalité des mesures. Levons immédiatement un doute : il n’est pas question, ici, d’envisager une restriction du droit du sol, autre que partielle et limitée à l’île de Mayotte.
Ce texte d’initiative parlementaire s’intercale entre le projet de loi d’urgence, relatif à la reconstruction, voté en janvier, et le futur texte gouvernemental en préparation. Il entend compléter le dispositif en proposant un élargissement horizontal, en visant les deux parents, et vertical dans le temps, en portant la durée de trois à douze mois. Il vise ainsi à répondre aux besoins exprimés par les élus mahorais et à leurs nombreux questionnements. Vous l’avez dit, il ne sera en rien l’alpha et l’oméga des problèmes qui se posent à Mayotte, mais le maillon d’une chaîne plus vaste. Il a ses faiblesses, ou du moins charrie son lot d’interrogations – je pense en particulier à la rédaction consistant à englober les deux parents.
La lutte contre l’immigration illégale passera tout autant par une réaffirmation de notre souveraineté dans la bonne exécution des mesures d’éloignement vis-à-vis des Comores que dans une pleine mobilisation constante et renouvelée des moyens de l’État et des collectivités dans la lutte contre les réseaux de passeurs. Ce texte, de rédaction perfectible mais de nature à renforcer la lutte contre l’immigration illégale à Mayotte, répond à un besoin exprimé par nos compatriotes Mahorais. C’est pourquoi le groupe Ensemble pour la République le votera.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous avons toujours défendu le droit du sol, puissant facteur d’intégration, consubstantiel des principes républicains et de la République elle-même. Cette formulation est d’ailleurs trompeuse puisque, au-delà du critère de la naissance sur le sol, l’article 21-7 du code civil pose une condition de résidence continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de 11 ans. Nous parlons donc d’enfants demeurant sur le territoire national depuis plus de cinq ans à qui il faudrait dire : « C’est terminé pour vous, au revoir, retour à la maison. » Leur maison, c’est la France !
Le Conseil constitutionnel a effectivement déjà validé, en 2018, certaines adaptations. Elles sont en réalité des dérogations aux principes d’égalité et d’indivisibilité, conformément à l’article 73 de la Constitution. Nous souhaitons au contraire revenir aux principes et à l’absence de dérogation au droit du sol. En outre, la situation n’est pas réglée pour autant. Les modifications introduites en 2018, auxquelles nous étions opposés, ont-elles permis une avancée ? Non, même si l’application stricte du droit du sol à Mayotte ne réglerait pas non plus les problèmes. Elle permettrait toutefois de respecter les principes intangibles de la République, faisant des Mahorais des citoyens français à part entière.
Jean-Luc Mélenchon est intervenu sur ce sujet il y a plusieurs années, en 2018. Les élus avaient demandé – sans succès – un plan d’investissement de 1,8 milliard d’euros, sur plusieurs années, pour mettre à niveau les services publics. L’angle uniquement répressif voulu par M. Darmanin n’a rien réglé, car il faut avant tout remédier aux problèmes des services publics. Par ailleurs, au-delà du simple constat, il faut s’interroger sur les causes des migrations et y répondre.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Parmi les premiers actes signés dès son investiture à la Maison Blanche, Donald Trump a ordonné aux agences fédérales d’abolir l’attribution automatique de la citoyenneté des enfants nés aux États-Unis s’ils n’ont pas au moins un parent citoyen ou résident permanent légal dans le pays. Sans tarder, un tribunal fédéral de Seattle a temporairement bloqué le décret du président américain révoquant le droit du sol, qualifiant cette mesure de « manifestement inconstitutionnelle ». En France, le groupe Droite républicaine s’inscrit dans cette même pente populiste, juridiquement contestable, qui consiste à désigner encore la figure de l’étranger comme responsable de tous les maux.
La Défenseure des droits nous a alertés sur le contexte dans lequel cette proposition de loi intervient. Il est complexe pour nos compatriotes de Mayotte, dévastée par le cyclone Chido. Votre proposition de loiplace ainsi le sujet de l’accès à la nationalité française en concurrence directe avec l’enjeu majeur de reconstruction de l’île, en méconnaissance des problèmes d’accès au droit quotidien rencontrés par les usagers. Nul ne nie ici les difficultés auxquelles Mayotte est confrontée.
L’archipel est sujet à des tensions sociales qui visent à dénoncer une insécurité croissante, dont l’immigration est souvent désignée comme la cause. Vous estimez, monsieur le rapporteur, que cette immigration ferait peser une forte pression sur les services publics, plus que jamais saturés, à l’image de l’enseignement ou des services de santé. Or le droit de disposer de moyens convenables d’existence est reconnu à toute personne, le droit d’instruction à tout enfant : il revient à l’État d’adapter ses moyens en fonction des besoins spécifiques de ce département français.
Votre proposition de loi est dogmatique. Depuis la loi du 10 septembre 2018, la résidence régulière d’un seul des deux parents sur le sol national depuis plus de trois mois suffit pour accéder à la nationalité française. Vous vous êtes bien gardés d’évaluer l’absence d’efficacité supposée de cette loi, vous privant ainsi de la possibilité de juger si un nouveau durcissement est vraiment nécessaire. Il est difficile de se fonder exclusivement sur la permanence du phénomène migratoire à Mayotte, lequel n’est admis que pour justifier tout durcissement des conditions d’acquisition de la nationalité française.
Surtout, votre réforme – et c’est le plus grave – rompt l’unité du droit de la nationalité : en édictant des dispositions spécifiques au seul territoire mahorais, le législateur renouerait en substance avec une approche coloniale de la nationalité française. Il faut s’intéresser à l’histoire de la nationalité à Mayotte, colonie française qui, achetée en 1841 à un sultan, accéda ensuite au statut de territoire d’outre-mer en 1946, puis, plus récemment, à celui de département d’outre-mer. Pendant longtemps, le droit commun de la nationalité ne s’y est donc malheureusement pas appliqué. Les indigènes immigrés ne bénéficiaient notamment pas du droit du sol, l’accès à la nationalité étant régi par le droit du sang et la naturalisation. Il a fallu attendre la grande réforme de 1993 pour que le droit de la nationalité rejoigne le droit commun.
Vous proposez désormais que l’acquisition de la nationalité pour les enfants nés à Mayotte soit conditionnée à une résidence régulière et ininterrompue des deux parents pendant au moins un an. Une telle proposition placerait les enfants dans une grande situation d’incertitude et de fragilité administrative, créant une rupture d’égalité. Avec vous, la lutte contre l’immigration irrégulière remplace désormais, dans les faits, l’argument de l’inégalité entre originaires et immigrés. Le législateur renouerait ainsi avec un droit de la nationalité différencié et plus sévère en outre-mer.
M. Patrick Hetzel (DR). Sans surprise, je vous indiquerai pourquoi notre groupe soutient sans réserve cette proposition de loi. J’en profite pour adresser notre entier soutien à nos compatriotes mahorais face au drame qu’ils vivent depuis quelques semaines. Ce texte bienvenu, déposé au début du mois de décembre, reprend une disposition qui avait été adoptée avec la loi immigration de 2024 et qui fut hélas considérée comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel.
L’article unique propose que l’accès à la nationalité à Mayotte soit strictement conditionné à une résidence régulière et ininterrompue des deux parents pendant au moins un an. Quatre objectifs sont ainsi visés. Le premier consiste à renforcer la maîtrise migratoire et l’ordre public, sur un territoire particulièrement exposé à une pression migratoire, que l’on peut considérer comme exceptionnelle.
Le deuxième objectif est de soutenir les Mahorais et de préserver leur droit à un développement durable, au lendemain d’un cyclone particulièrement dévastateur. Il s’agit aussi de protéger les droits des Mahorais, en adaptant notre droit aux spécificités locales sans compromettre les principes fondamentaux de la République : les mesures proposées sont d’ailleurs moins restrictives que celles appliquées entre 1973 et 1993.
Le dernier objectif est la défense de la souveraineté de Mayotte – département français – face aux revendications étrangères. Un point n’a pas été abordé par ceux qui s’opposent à ce texte : Mayotte, bien qu’étant un département français, est la seule collectivité ultramarine dont le territoire est aujourd’hui revendiqué par un État étranger – les Comores, dont le président a indiqué à ses concitoyens qu’ils étaient chez eux à Mayotte –, qui mène un combat, y compris à travers la démographie. Il est inacceptable qu’un État souverain soit ainsi attaqué.
En renforçant les conditions d’acquisition de la nationalité française, nous répondons aussi à cette tentative de déstabilisation par une action claire et résolue, tout en restant fidèles aux droits et principes de notre République. Cela passe par une lutte, qui doit être intensifiée, contre les filières de l’immigration clandestine. Nous devons combattre les velléités des Comores.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Mayotte est le plus pauvre des départements français, et de loin : l’État y a investi bien moins que dans les autres départements d’outre-mer. C’est pourtant un îlot de relative prospérité dans l’océan Indien où se situent certains des États les plus pauvres de la Terre – Madagascar, le Mozambique, les Comores – d’où provient la grande majorité des résidents étrangers qui représentent aujourd’hui la moitié de la population de l’archipel. La moitié d’entre eux sont en situation régulière et vivent à Mayotte depuis longtemps. Ils y travaillent de façon formelle pour les plus chanceux, assurant les tâches les plus dures dans les champs, sur les chantiers ; les autres sont en situation irrégulière, travaillent à la journée, revendent des légumes au bord de la route. Dans leur écrasante majorité, les Mahorais d’aujourd’hui n’étaient pas nés quand leurs ascendants ont choisi par voie de référendum de rester français.
Comoriens ou Mahorais, donc Français : « Être né quelque part, pour celui qui est né / C’est toujours un hasard », comme le chantait Maxime Le Forestier. Ce n’est pas faire insulte aux chatouilleuses que de dire que, de part et d’autre du bras de mer qui sépare Mayotte d’Anjouan, c’est d’une seule et même population qu’il s’agit. Comoriens et Mahorais partagent une même langue, une même religion, une même organisation matrilinéaire, une même culture. Tous les Mahorais ont de la famille aux Comores – les parlementaires mahorais ne font pas exception – et les couples mixtes sont légion.
Depuis plusieurs années, la population croît au rythme soutenu de 3,8 % par an, résultante d’une forte natalité qui comble les départs de bien des jeunes Mahorais vers la métropole, tout autant que d’une immigration en provenance des Comores, de Madagascar ou plus récemment de l’Afrique continentale.
L’agacement s’est transformé en rejet. C’est vrai, l’hôpital construit pour 150 000 personnes est saturé et il faut faire la queue en plein soleil pour espérer accéder au centre de santé de Jacaranda. Il y a tant d’enfants que certaines écoles doivent mettre en œuvre une rotation des classes. Quant à l’insécurité, si elle est préoccupante, elle ne saurait être imputée aux seuls étrangers en situation irrégulière, comme le rappelait le préfet de Mayotte lors des manifestations contre l’insécurité de 2018.
Je n’aborderai pas les arguments moraux et éthiques qui disqualifient pourtant cette proposition de loi. J’en suis convaincue, Jacques Chirac se retournerait dans sa tombe s’il devait constater de ses yeux l’effondrement de la digue qu’il s’était employé à construire entre la droite traditionnelle et l’extrême droite.
Vous me permettrez en revanche de revenir sur la motivation affichée de ce texte : réduire l’attractivité de Mayotte vers laquelle on se précipiterait de toutes parts pour espérer mettre au monde un enfant français ou destiné à le devenir. Je ne pense pas que ce soit le cas. L’information circule vite et bien entre Mayotte et les Comores. Tout le monde sait où trouver les kwassa-kwassas qui permettront de rejoindre Mayotte tout en connaissant les risques auxquels expose la traversée : mourir noyé, être arraisonné et renvoyé par le Maria Galanta, après un passage de quelques heures par le centre de rétention, ou réussir avant peut-être d’être arrêté et renvoyé. Tout le monde sait également que la naissance d’un enfant à Mayotte ne règle rien. Ce qui motive le départ pour cette île, c’est l’espoir d’une vie meilleure, c’est le rêve de voir ses enfants aller à l’école, la peur aussi de mourir en accouchant si on reste là où on est. Vivre dans un banga de pneus, de planches et de tôles sur les pentes de Doujani ou de Kawéni avec 100 euros par mois, c’est toujours mieux que de survivre aux Comores.
J’espère ne pas être caricaturée. Je ne nie pas le besoin de mettre un terme aux bidonvilles et constate la dégradation de la situation à Mayotte mais je pense que les mesures proposées ne changeront rien. Au mieux, elles fabriqueront de nouveaux clandestins et nourriront les activités des marchands de sommeil et des exploiteurs de main-d’œuvre. Elles encourageront le trafic des reconnaissances de paternité absolument florissant, à raison de 1 000 à 3 000 euros par demande. Thani Mohamed Soilihi, ancien sénateur de Mayotte désormais ministre, reconnaît sans ambages que les premières mesures de limitation du droit du sol à Mayotte qu’il a défendues en 2018 n’ont rien changé. Comme d’autres élus, il déplore en revanche l’absurdité du titre de séjour territorialisé qui transforme Mayotte en trappe pour les personnes qui bénéficient de ce document valable seulement dans ce département. La situation se dégrade : le service des étrangers est fermé depuis de longs mois en raison d’un blocage organisé par une dizaine de bouénis que le préfet s’est bien gardé d’évacuer. Il n’a pas rouvert depuis le cyclone. Bien des étrangers en situation régulière se retrouvent donc dans l’illégalité.
Mme Blandine Brocard (Dem). Nous parlons de Mayotte, de ses habitants, de ses défis, de sa souffrance, de ses souffrances, mais aussi de son espoir en nous, législateurs. Mayotte, c’est ce bout de France dans l’océan Indien, un territoire bien trop souvent oublié, mais qui porte sur ses épaules des enjeux d’une ampleur colossale. Depuis des décennies, cette île fait face à une pression migratoire et démographique sans commune mesure avec ce que nous connaissons dans l’Hexagone. En 2020, trois enfants sur quatre nés à Mayotte avaient au moins un parent étranger. Ce n’est pas un simple chiffre, c’est une réalité quotidienne qui met à genoux des écoles, des hôpitaux, des services publics déjà fragiles, des logements qui n’en sont pas. Or cette pression ne cesse de croître. L’Insee nous le dit clairement : à l’horizon 2050, Mayotte pourrait compter jusqu’à 760 000 habitants, ce qui correspond à un doublement de la population en vingt ans. Nous ne pouvons pas continuer à détourner les yeux ; nous ne pouvons pas laisser nos compatriotes mahorais affronter seuls cette situation.
La présente proposition de loi apporte une réponse. Elle n’est pas parfaite, elle n’est pas suffisante mais elle est nécessaire. Elle vise à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte. Serait désormais exigée une résidence régulière des deux parents, et non plus d’un seul, mesure forte visant à affaiblir des mécanismes d’attractivité migratoires connus sur le terrain. Cependant, je ne vais pas vous mentir, cette disposition soulève des questions : que faire pour les enfants dont l’un des parents est absent ou décédé ? Ne risquons-nous pas d’introduire des inégalités ? Ces interrogations sont légitimes et nous devrons trouver des réponses pour garantir la solidité de ce texte.
L’autre condition serait une durée de résidence des parents non plus de trois mois, durée manifestement trop courte, mais d’un an. Cela ne nous paraît pas excessif, ni insurmontable. Nous considérons qu’il s’agit d’une étape raisonnable, proportionnée et adaptée aux défis spécifiques de Mayotte.
Enfin, le texte clarifie les règles administratives en exigeant que les actes de naissance des enfants concernés mentionnent explicitement la régularité du séjour des parents. Cela peut sembler anodin mais, pour les autorités locales, c’est un outil indispensable pour mieux appliquer la loi.
Chers collègues, il s’agit ici non pas de simples données ou de considérations techniques mais de vies humaines et de l’avenir de Mayotte. Les Mahorais sont confrontés à une situation que beaucoup ici ont du mal à imaginer : écoles surchargées, logements précaires, insécurité qui gangrène les relations sociales. La pression migratoire n’est pas une abstraction : que tous ceux qui se réclament de grands principes soient bien conscients qu’ils laissent des centaines de milliers de Français seuls face à leurs difficultés. La réalité de cette pression migratoire, c’est une femme qui accouche sous une tente faute de pouvoir accéder à l’hôpital, c’est un enfant qui n’a pas de place en maternelle, c’est une famille qui s’entasse à dix dans un endroit insalubre.
Ce texte pose une première pierre. Il ne réglera pas tout mais il envoie un signal aux Mahorais : nous avons entendu leur cri et nous ne les laisserons pas seuls face à ces défis.
Je tiens aussi à souligner ce que cette proposition de loi n’est pas. Elle ne touche pas au droit du sol : nous ne remettons pas en cause un principe fondamental de notre République ; nous adaptons simplement les conditions d’accès à la nationalité française à une réalité territoriale exceptionnelle. Pour ces raisons, le groupe Dem soutiendra ce texte, sous réserve que sa rédaction finale soit parfaitement conforme à la Constitution. Nous devons être rigoureux, nous devons être ambitieux mais, surtout, nous devons être à la hauteur des attentes des Mahorais qui, eux, ne peuvent se permettre le luxe d’attendre.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Nous sommes en opposition totale avec ce qu’ont exprimé ce matin les groupes de gauche. Mayotte est à bout de souffle, Mayotte est en train de sombrer sous le poids d’une immigration incontrôlée et certains regardent ailleurs. Chaque jour, même après le passage du cyclone Chido, des embarcations, pour la plupart venues des Comores, continuent d’accoster sur les plages mahoraises avec à leur bord des centaines de migrants qui débarquent sur une île qui n’en peut plus.
Faut-il rappeler qu’à Mayotte, près d’un habitant sur deux vit en situation irrégulière et que le seul hôpital, situé à Mamoudzou, est totalement saturé, que les écoles débordent, que l’accès à l’eau et à l’électricité est défaillant, que la délinquance notamment des jeunes voire des très jeunes a explosé, que les infrastructures, déjà fragiles, s’écroulent, écrasées par une population qui a doublé en trente ans ?
Mayotte est-elle si loin – loin de Paris, loin des regards – qu’elle ne serait plus vraiment française ? Est-ce une partie de la France oubliée et abandonnée à son sort ? Combien de temps encore allons-nous accepter que les Mahorais soient pris au piège d’une démographie insoutenable ? Peut-on rappeler, sans susciter la polémique, que les Mahorais sont des citoyens français comme les autres et qu’ils ont droit comme les autres à la protection, à la sécurité et à la dignité ? Au sein de mon groupe, nous ne nous payons pas le luxe des grands principes, des grandes leçons que donnent certains quand les Mahorais, eux, sont confrontés à la réalité d’un quotidien invivable. Nous voterons ce texte auquel nous adhérons sans réserve. À ceux qui crieront comme toujours à l’inhumanité, je demande où est l’humanité lorsque des enfants naissent dans des conditions de misère telles qu’ils ne peuvent avoir accès ni aux soins ni à l’éducation, lorsque des familles entières survivent dans des bidonvilles insalubres, exposés aux maladies et à la violence ? La vérité, c’est que nous n’aurions jamais accepté que tout ceci se produise dans l’Hexagone sans apporter des réponses fermes et rapides. Est-ce ce modèle que vous voulez promouvoir ? Est-ce cet avenir que vous souhaitez pour les Mahorais ?
Croire en un autre avenir pour Mayotte nécessite d’avoir le courage de dénoncer un système qui attise les flux migratoires au détriment des Mahorais eux-mêmes. La lutte contre l’immigration illégale est vitale pour ce territoire et elle l’est plus que jamais après le passage du cyclone qui a accentué la crise humaine sur cette île. Dans ce contexte, comment peut-on encore prétendre, sans faire preuve de déni, que le droit du sol en sa forme actuelle constitue une réponse adaptée ?
Cette proposition de loi, conforme aux positions du Conseil constitutionnel, représente un début de réponse responsable, indispensable face à la crise, et je remercie le rapporteur de l’avoir soumise au débat. Les conditions actuelles d’accès à la nationalité française font l’objet de tels détournements qu’elles deviennent une arme contre nos compatriotes. Nous considérons qu’il est nécessaire de les renforcer car il ne servira à rien de reconstruire Mayotte et de la rendre attractive si nous ne maîtrisons pas les flux de population. Il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit, nous voulons seulement protéger les Mahorais. C’est précisément l’objectif poursuivi par cette proposition de loi et nous y souscrivons.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je veux commencer en vous rappelant ma position personnelle : je souhaite l’abrogation pure et simple du droit du droit du sol à Mayotte, et uniquement à Mayotte, et ai déposé une proposition de loi constitutionnelle en ce sens en octobre dernier. Rappelons que cette abrogation a été proposée par le président Macron par la voix du ministre Gérald Darmanin il y a un an à Mayotte et qu’elle est soutenue par Les Républicains depuis plus de dix ans. Je ne pense pas que la question de l’abrogation du droit du sol dans l’Hexagone se pose, ce n’est pas ce qui est en débat ce matin. Il s’agit pour nous de regarder la situation de Mayotte pour ce qu’elle est et je vous demande d’avoir le courage de le faire et d’agir en conséquence au lieu d’utiliser ce territoire pour alimenter vos peurs, vos postures et vos joutes de salon.
Mayotte est confrontée à une catastrophe migratoire unique en France : elle subit un détournement massif et systématique du droit du sol devenu outil d’ingérence d’une puissance étrangère qui cherche à mettre fin à la souveraineté française sur notre archipel. C’est bien là le cœur du sujet. C’est le seul territoire français habité ouvertement revendiqué par un pays voisin. Les autorités comoriennes l’assument, elles contestent la souveraineté française et instrumentalisent les flux migratoires pour déstabiliser notre département et en prendre le contrôle. L’Union européenne et l’Otan considèrent que l’asphyxie des infrastructures publiques et l’abus des règles et des lois du pays d’accueil à travers l’utilisation des flux migratoires relèvent de la catégorie des attaques hybrides. Mayotte est un cas d’école à cet égard.
L’Insee y a enregistré en 2023 10 280 naissances et a estimé le taux de fécondité à 4,5 enfants par femme, ce qui en fait le plus élevé de France. Nous ne pouvons toutefois pas parler de natalité française : 74 % des femmes accouchant à Mayotte sont étrangères et 67 % d’entre elles sont originaires des Comores.
Je vous demande de vous pencher sur les conséquences du droit du sol à Mayotte et sur leurs ramifications. Les enfants étrangers nés à Mayotte sont utilisés par leurs parents pour obtenir des titres de séjour, puis la nationalité française. Les parents d’un enfant né à Mayotte sont considérés comme inexpulsables jusqu’à ce que celui-ci ait atteint sa majorité. Pendant plus d’une décennie, les étrangers qui viennent faire ou mettre au monde un enfant à Mayotte sont donc inexpulsables et automatiquement régularisés. L’enfant est un visa, puis un passeport français pour sa famille et pour lui-même. Et si le premier enfant ne remplit pas les conditions administratives, en faire un deuxième garantit le succès de l’aventure migratoire.
Les statistiques de la préfecture traduisent cette réalité : sur la totalité des titres délivrés et renouvelés à Mayotte, 85 % sont liés à l’immigration familiale, 46 % concernent des parents d’enfants français, 37 % relèvent des liens privés et familiaux alors que ces proportions s’élèvent respectivement à 38 %, 5 % et 14 % des titres renouvelés et délivrés dans l’ensemble du territoire français. De facto, le droit du sol est à Mayotte le moteur même de la machine démographique et de l’explosion de la natalité. Pour être régularisé, il faut faire des enfants. En conséquence, la moitié de la population est étrangère.
Le manque de courage et de lucidité sur ce qui se joue dans notre département expose la souveraineté et l’intégrité territoriale de la France à un risque majeur. Notre géographie ne va pas changer. Mayotte reste à 500 kilomètres des côtes du Mozambique, donc à portée de bateau de la misère du continent africain que nous ne pouvons plus accueillir. Paris ne saurait continuer à lier le destin et le développement de Mayotte à l’hypothétique croissance économique d’un voisin qui a choisi l’indépendance. Les Comores demeurent hostiles et ne renoncent pas à réclamer Mayotte, bien au contraire.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Compte tenu de la gravité de la situation rappelée par tous les orateurs précédents, ce texte nous paraît insuffisant mais il constitue néanmoins un premier pas. La modification un peu timorée opérée par rapport au texte initial va dans le sens d’un durcissement des critères nécessaires pour acquérir la nationalité française : résidence régulière des deux parents, et non plus d’un seul ; durée de résidence régulière d’un an et non plus de trois mois.
Nous venons de l’entendre par la voix de Mme Youssouffa, dans la population mahoraise elle-même s’exprime un besoin croissant de changer cette législation. Face aux conséquences de l’application du droit du sol, ils ressentent une inquiétude grandissante quant à l’avenir de leur île. Leur message est clair : ils souhaitent protéger leur identité et leur territoire alors que l’insécurité grandit.
Même si la proposition de loi a été déposée avant le passage du cyclone Chido, nous devons également prendre en compte la situation catastrophique dans laquelle se trouve à présent Mayotte. Cet événement tragique a jeté une lumière inquiétante sur les vulnérabilités de cette région. La reconstruction et la stabilisation de ce département doivent être nos priorités, ce qui implique une gestion responsable de l’immigration. Il ne faut pas aggraver une situation déjà fragile. L’application du droit du sol favorise une immigration massive qui contribue à faire exploser la population de Mayotte dont la moitié, selon certaines estimations, pourrait être constituée d’étrangers, légaux ou illégaux. Cette dynamique met en péril l’équilibre social et entraîne des tensions entre les communautés. Notre responsabilité est de préserver cette cohésion sociale et la sécurité de nos concitoyens. Il est, par ailleurs, impératif de prendre en compte l’impact économique de cette situation sur nos comptes publics. Trop souvent, nous constatons que certaines personnes viennent accoucher sur notre sol, attirées par la perspective de bénéficier d’aides sociales.
La situation à Mayotte est un avertissement : elle fait réfléchir à ce qui pourrait se produire en métropole. Il est crucial d’envoyer un message clair face à ce phénomène mondial. Tous les pays du monde mettent en place des mesures pour éviter une submersion migratoire. Il est grand temps que la France réagisse sur l’ensemble de son territoire avant qu’il ne soit trop tard.
Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte, même si le groupe UDR souhaite aller plus loin en demandant la suppression du droit du sol à Mayotte.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Pour les habitants de Mayotte, encore sous les décombres, la précarité est gigantesque. Par solidarité, nous devons trouver des solutions pour les aider à surmonter le drame qu’ils vivent, des solutions efficaces et non des mesures qui, non seulement tournent le dos à l’histoire de notre nation et de notre République, mais seront inefficaces, compte tenu des immenses défis auxquels ils sont confrontés.
La présente proposition de loi vise à supprimer le droit du sol à Mayotte dans le but de lutter contre l’immigration clandestine, considérée comme étant à l’origine d’une déstabilisation économique, et de préserver l’environnement naturel de l’île. Elle ne mentionne même pas le fait que Mayotte demeure le département le plus pauvre de France : 74 % de sa population vivent sous le seuil de pauvreté, soit une proportion cinq fois plus élevée qu’en métropole. Le fait que, depuis le passage à la départementalisation, Mayotte n’ait jamais atteint le même niveau de vie que les autres territoires ultramarins ou hexagonaux n’est pas évoqué et rien n’est dit des différentes révoltes contre la vie chère ou des crises de l’eau qui, depuis 2011, se suivent et se ressemblent sans qu’aucune réponse politique à la hauteur ne soit apportée.
Ceux qui étaient en position d’apporter des solutions fuient à présent leurs responsabilités en désignant des boucs émissaires. Le droit du sol fait l’objet à Mayotte d’un régime dérogatoire restrictif spécifique : aux conditions énumérées à l’article 21-7 du code civil relatif au droit du sol, vient s’ajouter depuis la loi « asile et immigration » de septembre 2018 l’exigence pour une personne née dans ce département que l’un de ses deux parents ait résidé de manière régulière et ininterrompue sur le territoire national trois mois avant sa naissance. Ce délai, le texte que nous examinons souhaite le porter à un an. L’objectif est de dissuader les mères étrangères de venir donner la vie à Mayotte à des enfants français. C’est faire fi des raisons de la venue des migrants, des risques de naufrage, de noyade et de disparition auxquels ils s’exposent pour obtenir la chance d’une vie meilleure. Selon un rapport sénatorial de 2012, le nombre de décès lors de ces traversées, difficile à évaluer, se situerait entre 7 000 et 10 000 depuis 1995.
Depuis l’entrée en vigueur de ce régime dérogatoire, le nombre d’enfants nés à Mayotte de parents étrangers n’a pas diminué : ils représentent 16 % des naissances, ce qui était déjà le cas en 2012 selon l’Insee. Par ailleurs, allonger la durée de séjour ininterrompue sur le sol français du parent à un an avant la naissance de l’enfant n’aura pour conséquence que d’accroître le nombre de personnes en situation irrégulière à Mayotte. Créer de la clandestinité, c’est augmenter la précarité et risquer de générer davantage de tensions et d’insécurité, message que j’adresse également à M. Retailleau.
Tant que subsisteront des différences de développement au sein de l’archipel comorien et que perdureront des conflits poussant les populations africaines à s’exiler, l’immigration ne sera pas endiguée.
De plus, ces exigences spécifiques constituent une discrimination entre enfants nés sur le sol français, puisqu’ils n’auront pas les mêmes droits selon leur département de naissance. Rappelons ici que les règles spécifiques d’accès à la nationalité française à Mayotte ont fait l’objet d’une recommandation du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, après l’audition de la France dans le cadre de son sixième examen périodique sur l’effectivité de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Le droit du sol est, comme l’hospitalité, au fondement de notre République et même de notre nation puisque c’est en 1515 qu’ont été posés les premiers jalons du droit du sol, je le rappelle à ceux qui aiment à se réclamer de l’histoire. Nous voterons évidemment contre cette proposition de loi qui constitue un recul majeur.
M. Sacha Houlié (NI). Votre proposition de loi présente au moins un intérêt : elle marque l’abandon temporaire de la révision constitutionnelle qui avait pour but de supprimer le droit du sol à Mayotte, ce qui aurait entaché la loi fondamentale en créant deux types de citoyens français.
Il ne faut pas se bercer d’illusions : l’abrogation du droit du sol à Mayotte ne saurait être sans conséquences pour le reste du territoire français. Comment croire par ailleurs, comme certains orateurs qui se sont exprimés ce matin, à l’efficacité d’une telle mesure ? La réforme de 2018 devrait faire réfléchir. Elle a introduit une exigence particulière pour acquérir la nationalité française à Mayotte : que l’un de ses parents ait résidé de manière régulière et ininterrompue sur le territoire national depuis plus de trois mois avant le jour de sa naissance. Si depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le nombre des acquisitions de la nationalité française a été divisé par trois, passant de 2 800 en 2018 à 799 en 2022, il y a dix fois plus de flux. C’est éclairant : l’accès à la nationalité n’est le motif principal des migrations.
Un reportage publié récemment par La Croix se penchait sur les raisons pour lesquelles les Comoriens rejoignent Mayotte : ils veulent échapper à la corruption qui les empêche de saisir la justice et de faire valoir leurs droits et au délabrement des services publics – système de santé inexistant, système éducatif paralysé – et pensent accéder à des niveaux de rémunération supérieurs. Même si Mayotte est le département le plus pauvre de la République, le revenu annuel moyen par habitant de 9 000 euros contre 700 aux Comores et 360 à Madagascar en fait le territoire le plus riche du canal du Mozambique.
Ce texte ne traite pas de certaines réalités : la pression à l’égard de l’archipel des Comores, le marché des fausses déclarations de naissance ou des fausses identités alimenté par certains Mahorais, la multiplication des déclarations frauduleuses de paternité, l’inefficacité du contrôle des frontières – absence de coordination entre les forces terrestres, maritimes et aériennes, absence de radars, absence d’implantation sur l’îlot Mtsamboro situé au nord de l’île. De multiples actions pourraient être mises en œuvre de façon très efficace avant de recourir à des solutions qui n’en sont pas.
Au fond, on pourrait s’amuser de cette proposition de loi qui n’est qu’un tigre de papier si elle ne comportait le danger de remettre en cause le droit du sol dans l’ensemble du territoire français. Ne l’oublions pas, toucher aux fondements de la République, c’est fragiliser la nation tout entière.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Tous les intervenants ou presque reconnaissent la spécificité de Mayotte et ce n’est déjà pas si mal de s’accorder sur ce point. Partant de chiffres parfois sous-estimés et délicats à interpréter, nous partageons le constat des grandes difficultés que connaît ce département : services publics embolisés, quadruplement de la population en vingt ans, attractivité forte.
Monsieur Gillet, vous reprochez au texte d’être trop mou et trop tiède. Mais vous savez bien – et ma réponse vaudra pour d’autres – que nous agissons dans un cadre limité. Certes, on peut toujours nourrir des ambitions de réforme constitutionnelle mais je ne suis pas sûr que nous soyons tous d’accord sur le fond. En outre, il faut que certaines conditions politiques soient réunies. Un projet ou une proposition de loi constitutionnelle doit d’abord être adopté dans des termes identiques par les deux assemblées, chose absolument impossible dans les circonstances actuelles. Au lieu d’agiter cette révision comme un chiffon rouge, nous préférons être pragmatiques. Notre texte ne prétend pas être l’alpha et l’oméga des politiques publiques mais il constitue un premier point d’entrée.
Vous avez évoqué, cher collègue Vincent Caure, la réponse à apporter aux Mahorais face à l’embolie des services publics qui pénalise l’ensemble de la population. Non seulement le logement est précaire et insalubre, voire illégal, mais les capacités d’accueil des enfants dans les écoles sont si restreintes qu’il faut organiser une double utilisation des locaux, sans temps mort – on n’en est pas aux trois-huit, mais presque. L’État se doit certes de réagir et d’apporter les moyens nécessaires mais il se doit aussi d’exercer une régulation afin d’assurer au plus grand nombre l’accès aux meilleurs services.
Monsieur Bernalicis, vous avez déjà évoqué l’intangibilité de nos principes fondamentaux. Sachez que je suis attaché autant que vous à l’État de droit. Pour cette proposition de loi, je me suis appuyé sur les décisions du Conseil constitutionnel. Je sais qu’il peut vous arriver de les contester, mais moi qui suis assez légaliste et qui aime ce cadre républicain, j’essaie de mettre mes pas dans ceux de cette institution comme dans ceux du Conseil d’État, qui, saisis des dispositions de la loi de 2018, ont tous les deux considéré qu’il existait des possibilités d’adaptation en matière de droit de la nationalité, lesquelles, rappelons-le, relèvent pleinement du champ couvert par l’article 73 de la Constitution.
Madame Capdevielle, je ne voudrais pas être maladroit, mais il semblerait qu’un nouveau point Godwin ait été trouvé avec Trump. Vous cherchez à disqualifier cette proposition du groupe DR en la comparant aux initiatives prises pour le nouveau président des États-Unis. Pour ma part, je laisse les « trumpettes » de la renommée à d’autres. Aucune filiation ne peut être établie entre notre proposition et ces projets. Cela fait des années que nous affirmons la nécessité de réguler davantage l’immigration et que nous appelons à la mise en œuvre de moyens complémentaires. Je rappelle d’ailleurs que nous avions dénoncé les insuffisances du projet de loi du gouvernement pour Mayotte, appelant clairement et fermement à la mise au point d’un deuxième étage de la fusée. C’est d’ailleurs cette voie qui semble être prise avec l’annonce du projet de loi programme de refondation « Mayotte debout », qui sera présenté dans quelques semaines.
Monsieur Hetzel, vous avez raison de mettre en avant le rôle des Comores. Cet État revendique l’appartenance à son territoire de Mayotte et l’a même inscrite dans sa constitution. Il ne se conforme pas aux règles du jeu international et ne respecte pas l’accord qu’il a signé avec la France en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Je crois qu’il faut en tirer les conséquences sur le plan diplomatique de manière beaucoup plus ferme que nous ne le faisons aujourd’hui. Les Comores ne sont toutefois pas le seul État en cause. Des filières très organisées d’immigration depuis l’Afrique australe et l’Afrique des Grands lacs se sont développées ces dernières années et leur dangerosité fait froid dans le dos.
Madame Voynet, vous connaissez la situation à Mayotte, vous qui avez été directrice de son agence régionale de santé (ARS). Mieux que d’autres, vous savez quelles sont les conséquences de cette immigration mal maîtrisée. Si celle-ci n’est pas la cause de tous les maux, elle accentue les difficultés dont souffre ce territoire. Je vous demanderai, par ailleurs, de ne pas faire parler les morts : Jacques Chirac a défendu des positions fermes, dont je me réjouis, mais Mayotte est dotée d’une singularité que même le Conseil constitutionnel a reconnue.
Il est vrai que cette île jouit d’une relative prospérité, même si elle est marquée par les pénuries en matière de logement, de santé, d’établissements scolaires : le revenu moyen par habitant, M. Houlié le rappelait, est de 9 000 euros par an, soit un montant dix à quinze fois plus élevé que dans les territoires voisins, ce qui constitue un facteur d’attractivité. Toutefois, il faut arrêter de dire qu’on ne peut rien modifier s’agissant de l’acquisition de la nationalité. Je crois qu’on peut aller plus loin et c’est ce que nous proposons à travers des solutions concrètes.
Je vous remercie, madame Brocard, de soutenir le groupe Droite républicaine dans sa démarche. Il ne m’a pas échappé que des questions pouvaient se poser s’agissant de la constitutionnalité de la condition liée à la résidence régulière des deux parents. La décision du Conseil constitutionnel a donné lieu à des interprétations parmi les juristes. Il nous faudra clarifier ce point d’ici à la séance et il n’est pas impossible que je propose une réécriture par voie d’amendement. Sachez que nous resterons vigilants.
Madame Moutchou, vous avez raison : Mayotte est à bout de souffle. Il faut que l’État renforce sa lutte contre l’immigration illégale en améliorant les moyens matériels, notamment les radars, et en menant une politique plus ferme, en particulier en exécutant mieux les obligations de quitter le territoire français (OQTF), même s’il mène déjà à bien des opérations de renvoi dans le pays d’origine.
Chère collègue mahoraise, chère Estelle Youssouffa, je vous sais partisane d’une abrogation pure et simple du droit du sol à Mayotte, que le ministre Gérald Darmanin avait évoquée il y a un an, quasiment jour pour jour. Vous connaissez le rapport de force politique dans notre assemblée et au Sénat : cet objectif est hors d’atteinte à l’heure actuelle. Sans aller aussi loin que vous le souhaitez, il est possible de faire œuvre utile et de joindre le geste à la parole. Et je vous répondrai, madame Barèges, que notre proposition de loi n’a rien de timoré : nous allons aussi loin que nous l’autorise le cadre constitutionnel.
Madame Faucillon, vous ne pouvez pas dire que notre texte atteint les fondements de la nation et du pacte républicain, à moins que vous ne considériez que nos compatriotes mahorais, qui sont dans le dénuement le plus complet, doivent accueillir, pour reprendre la formule de Michel Rocard, toute la misère du monde ou du moins de l’océan Indien. Nous vous soumettons un texte mesuré, qui envoie un signal clair, mais qui encore une fois n’est pas l’alpha et l’oméga des politiques publiques. Évidemment, des débats plus compliqués seraient envisageables et nous en aurons. Pour l’heure, nous devons utiliser dans un esprit de responsabilité les pouvoirs que nous reconnaît la Constitution, à la lumière des décisions du Conseil constitutionnel.
M. le président Florent Boudié. Je précise que nous serons saisis dans quelques semaines d’un projet de loi portant sur Mayotte mais nous ne savons pas encore s’il sera examiné par une commission spéciale ou par les commissions permanentes concernées.
Je tiens à souligner que la condition exigeant la résidence régulière des deux parents suscite quelques interrogations. Qu’en sera-t-il concrètement de l’application de cette disposition ? Que fera-t-on lorsqu’un enfant n’a plus ses deux parents ? Sur le plan constitutionnel, comment respecter le principe d’égalité ? J’imagine que des ajustements seront proposés d’ici à la séance.
Avant l’article unique
Amendement CL17 de Mme Sophie Ricourt Vaginay
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Exiger une résidence régulière des deux parents, comme le fait la proposition de loi, nous paraît bien timide, compte tenu de l’ampleur du problème. L’UDR considère que des mesures fermes et pragmatiques doivent être appliquées immédiatement pour protéger nos compatriotes mahorais. C’est la raison pour laquelle nous proposons dans cet amendement des solutions pour tarir les flux migratoires incontrôlés qui mettent l’État français dans l’incapacité de structurer une société organisée.
Nous demandons dans un autre amendement l’abrogation du droit du sol à Mayotte, en prenant en compte les spécificités locales et les contraintes constitutionnelles, afin de restaurer l’équilibre démographique et social dont a besoin cette partie du territoire français.
L’article 73 de la Constitution nous permet d’adapter nos lois aux réalités des départements d’outre-mer et le Conseil constitutionnel lui-même, dans sa décision du 25 novembre 2022, a reconnu la nécessité d’agir face à des « flux migratoires exceptionnellement importants » à Mayotte. Il est donc non seulement possible mais urgent de le faire.
Nous resterons fermes et espérons que nos collègues de la droite dans son ensemble adopteront cet amendement qui propose, en attendant une réforme constitutionnelle, une expérimentation de dix ans portant sur une modification du droit du sol : l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte serait conditionnée à un délai de résidence continue sur le territoire national d’au moins cinq ans de leurs parents avant leur naissance et à une déclaration expresse de ceux-ci devant les autorités compétentes au moment de la naissance.
Le groupe UDR appelle de ses vœux des solutions pragmatiques et courageuses qui répondent à l’attente légitime du peuple français à Mayotte. Ne soyons pas frileux : ne laissons pas la République se contenter de réagir mollement face à des défis majeurs. L’heure est à l’action pour garantir justice et dignité aux Mahorais.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Mon avis sera défavorable. J’ai bien pris en compte les décisions du Conseil constitutionnel de 2018 et de 2022 mais nos possibilités d’action se situent dans un cadre contraint.
Par ailleurs, augmenter la condition de durée de résidence des parents d’un an à cinq ans va trop loin, compte tenu du fait qu’il existe une condition de séjour de cinq ans applicable à l’enfant. En outre, la condition selon laquelle les parents doivent réclamer dès la naissance le bénéfice de la nationalité française pour leur enfant apparaît difficilement compatible avec les mécanismes de déclaration prévus par l’article 21-11 du code civil, selon lesquels il revient notamment à l’enfant de demander la nationalité française à partir de ses 16 ans.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’État, en choisissant d’administrer Mayotte par ordonnances et dérogations, malgré la départementalisation, nous laisse à la marge de la République au nom de spécificités indéfinies mais fort pratiques. On ne peut pas s’asseoir sur les grands principes et utiliser notre insularité et notre éloignement pour transformer notre île en camp à migrants à coups de lois d’exception pour ensuite refuser, au nom de ces mêmes grands principes, une exception qui réglerait le problème migratoire à Mayotte.
Depuis que le cyclone a ravagé l’île, notre économie est par terre et plus aucune institution publique ne fonctionne normalement, mais nous voyons les flux migratoires s’accentuer. Le discours sur le différentiel économique et sur le mythe de la prospérité de Mayotte – territoire le plus pauvre de France – est battu en brèche par la réalité, que nient ceux qui soutiennent que l’obtention de papiers n’est pas le motif de l’immigration.
Mayotte connaît une situation d’explosion sociale. Hier, par exemple, nous avons vu des affrontements opposer des migrants africains aux forces de l’ordre qui tentaient de les protéger de la population, scandalisée par l’occupation des écoles par ces migrants. Plus rien ne fonctionne, l’eau n’a pas été rétablie et du riz est maigrement distribué aux uns et aux autres. Regardez donc les choses en face !
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Personne ne nie que la situation à Mayotte est compliquée. La question est de savoir comment y faire face. Nous pensons qu’il faut d’abord le faire en défendant des principes et notamment celui du respect du droit de sol. Il ne doit pas être remis en cause à Mayotte, même si, à notre avis, cela a déjà été fait. Nous avons déjà entendu les arguments du rapporteur dans la bouche d’autres personnes se référant, de manière fausse, à la situation d’autres pays ou même à l’Hexagone. Le Premier ministre a parlé d’un « sentiment de submersion » migratoire. Ce sentiment mènerait-il à un sentiment de suppression du droit du sol qui lui-même mènerait à la suppression effective du droit du sol dans l’Hexagone ?
Mayotte fait partie de la République française. Il ne faut donc pas y déroger, pas plus que dans l’ensemble des outre-mer, aux principes républicains. Il faut répondre aux enjeux spécifiques à Mayotte par des mesures spécifiques, en améliorant l’accès aux services de base – éducation, santé, eau potable. L’État doit être à la hauteur des promesses de la République, mais cela n’a jamais été le cas ni à Mayotte ni dans les outre-mer. Remettre en cause les principes dans un territoire de la République en raison de sa situation spécifique – dont on retrouve des caractéristiques en Guyane, par exemple – signifie que nous sommes en train de sortir de la République. Ce n’est pas ce que veulent les Mahorais.
M. Sacha Houlié (NI). Je me garderais bien de dire ce que veulent les Mahorais. Je me contenterai de formuler trois observations.
La suppression des titres de séjours territorialisés avait été promise, mais plus personne n’en parle alors qu’elle pourrait contribuer à la résolution de l’engorgement de l’immigration à Mayotte.
Le territoire mahorais est effectivement l’un des plus pauvres de la République mais également l’un des plus riches du canal du Mozambique, et il l’apparaît d’autant plus après les promesses faites par l’État de reconstruire les hôpitaux et les écoles. À cela s’ajoute la corruption endémique aux Comores et la pression exercée par le régime, soutenu par des dictatures comme la Russie et l’Iran. Ce n’est donc pas l’accès à la nationalité qui motive les passages. D’ailleurs, après la loi de 2018 réformant le droit du sol à Mayotte, il y a eu trois fois moins d’accès à la nationalité alors que les passages ont été multipliés par dix.
Cette proposition de loi est un tigre de papier : elle est non seulement dangereuse sur le plan des principes, mais elle serait en plus totalement inefficace.
La commission rejette l’amendement.
Article unique (articles L. 2493 et L. 2495 du code civil) : Restriction des conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte
Amendements de suppression CL1 de M. Marc Pena, CL2 de M. Ugo Bernalicis, CL14 de Mme Émeline K/Bidi et CL15 de Mme Dominique Voynet
Mme Colette Capdevielle (SOC). Cette proposition de loi souffre d’un problème de constitutionnalité et de conventionnalité.
L’article 73 de la Constitution permet l’adaptation des lois et règlements aux spécificités des départements d’outre-mer, mais, en touchant à l’accès à la nationalité, et donc à un des fondements de la République, vous le détournez de son esprit puisqu’il vise les services publics. Il me semble que vous n’avez pas pris toute la mesure des indications de la Défenseure des droits.
Cette proposition introduit une rupture d’égalité entre les enfants issus d’une famille monoparentale et ceux qui ont leurs deux parents. Elle porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, pourtant protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle viole l’article 3.1 de la Convention relative aux droits de l’enfant puisque le refus de donner la nationalité de leur pays natal au motif de l’irrégularité du séjour de leurs parents porte atteinte à l’intérêt supérieur des enfants concernés.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, je sais que vous êtes attaché au droit et à ses principes. C’est de celui de la preuve dont je souhaite vous parler. Comment une personne pourra-t-elle prouver que ses deux parents résidaient en France de façon régulière au moment de sa naissance alors que la demande de nationalité aura lieu plusieurs années après ? Cette preuve sera d’autant plus difficile pour ceux qui ont grandi dans un bidonville que le passage du cyclone a ravagé.
Cette proposition de loi risque donc de créer de nouvelles situations d’irrégularité alors que, selon vous, ces situations constituent le problème. Nous pensons que le problème est le sous-investissement dans tous les domaines et l’absence de l’État et de la République depuis que Mayotte est devenue française.
Mme Elsa Faucillon (GDR). On voit aujourd’hui fleurir des discours de dirigeants qui, n’ayant pas répondu aux exigences d’égalité, fuient leur responsabilité et vont chercher des boucs émissaires pour flatter un électorat sur des bases xénophobes. Ces discours ne répondent pas aux problèmes qui frappent les Mahorais.
Dire aux Mahorais, qui doivent faire face à des difficultés d’accès à l’eau, à la santé et aux autres services publics, qu’une réforme du droit du sol – principe fondamental de notre nation – améliorera leur quotidien revient à entretenir une illusion. Partout, nous voyons combien les mesures sécuritaires et les mesures de plus en plus restrictives quant à l’accès à un titre de séjour ne font que renforcer la clandestinité et donc la précarité. Le faire à Mayotte, où la précarité domine, c’est ajouter des maux aux maux et que dire de la proposition de certains collègues siégeant à droite de l’hémicycle de supprimer l’aide aux Comores ?
Mme Dominique Voynet (EcoS). Certains orateurs nous ont accusés de défendre des principes, comme si c’était déshonorant ou que c’était un luxe parisien. Je ne vais pas trancher ce débat, car je préfère parler de l’efficacité des mesures.
Monsieur le rapporteur, en quoi le durcissement des règles d’accès à la nationalité française peut-il régler les douloureux problèmes quotidiens des Mahorais ? Une grande partie des enfants nés à Mayotte ne sont pas français. Seront-ils, pour autant, moins nombreux ? Il y aurait, selon vous, environ 150 000 étrangers à Mayotte. Contrairement à ce qu’a dit Mme Moutchou, la moitié d’entre eux sont en situation régulière. En 2018, 2 900 demandes d’acquisition de la nationalité française ont été enregistrées contre 900 en 2022, après la loi Collomb.
Est-ce ainsi qu’on règle les problèmes ? Nous ne le pensons pas et proposons donc de supprimer l’article unique de cette proposition de loi de circonstances.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je ne reproche à personne de défendre les principes de la République et ceux qui me connaissent ne peuvent m’accuser de les brader. J’ajoute que nul n’a le monopole de la République. Certains, qui frappent à une porte, peuvent penser que la République, c’est eux. Certains membres de cette commission semblent très attachés au grand maître, mais la République, c’est chacun d’entre nous !
L’honneur de la République est de protéger les plus faibles. Or, aujourd’hui, les Mahorais qui, je le rappelle avec force, sont Français et dont l’histoire est un long combat pour le rattachement à la France, sont en difficulté. Les services publics ne fonctionnent pas. Ce n’est pas qu’une question de moyens : nous pourrions ouvrir des centaines de classes, encore faudrait-il des professeurs pour y enseigner. Il faut être réaliste : Mayotte a besoin de développement économique, notamment de construction d’infrastructures. Pendant trop longtemps, la République ne s’est pas suffisamment occupée de Mayotte. Je le disais déjà, avec René Dosière et Didier Quentin dans un rapport que nous avons rédigéen 2009. Nous y évoquions l’hôpital de Mamoudzou qui, avec 4 000 naissances par an à l’époque, était déjà la première maternité de France.
Invoquer les grands principes ne nous empêche pas d’encadrer davantage l’accès à la nationalité dans le respect de la Constitution. Je n’ai jamais dit que cette seule mesure résoudra toutes les difficultés, mais elle est un élément d’une politique plus globale qui vise à contenir l’immigration et à davantage de sécurité. Nous le devons à nos concitoyens.
Allez donc à Mayotte…
Mme Dominique Voynet (EcoS). Pas seulement pour vingt-quatre heures !
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je ne me sens pas visé par votre remarque puisque j’y suis déjà allé à plusieurs reprises, chaque fois pour une semaine ; cela m’a permis de bien prendre la température et le pouls de la population.
Avis défavorable aux amendements de suppression.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Mayotte est française depuis 1841 mais le droit du sol ne s’y appliquait pas jusqu’en 1993. Pour autant, la République n’a pas tremblé et le Conseil constitutionnel dormait sur ses deux oreilles, mais les flux migratoires n’étaient pas alors ceux que nous connaissons aujourd’hui.
Le visa Balladur a créé une frontière entre Mayotte, territoire français, et les Comores, territoire indépendant. Tous ceux qui réclament la libre circulation entre Mayotte et les Comores contestent à la fois l’appartenance de Mayotte à la France et l’indépendance des Comores.
Revenons aux grands principes. Ils ne sont pas appliqués à Mayotte depuis longtemps, qu’il s’agisse du droit d’accès à l’eau ou à l’éducation. Pourtant, cela n’empêche personne de dormir et je ne vous vois pas pousser de hauts cris au Conseil constitutionnel. La règle à Mayotte, c’est l’exception. Vous ne pouvez donc pas justifier votre opposition à des mesures prises pour sauver Mayotte par le refus de toute exception aux principes de la République.
M. Philippe Schreck (RN). Nous nous opposons à ces amendements, défendus par l’extrême gauche idéologue et par une partie de la gauche intellectuellement paresseuse. Faut-il revenir sur la gravité de la situation ? Le Premier ministre lui-même, récemment converti au constat d’évidence, l’a déjà décrite : une immigration incontrôlée plonge les Mahorais dans une vie quotidienne impossible. Nous avons d’ailleurs pu en prendre toute la mesure lors de l’examen du projet de loi d’urgence.
Les Mahorais ne sont pas xénophobes : ils aspirent simplement à vivre tranquillement et à pouvoir construire leurs projets parmi nous et avec nous, en France. La pression migratoire et démographique et l’ingérence des Comores rendent la suppression du droit du sol indispensable. Si rien n’est fait, le présent de Mayotte risque de devenir le futur proche du reste du territoire.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je voudrais répondre à Madame Youssouffa que, si les principes ont des exceptions, alors ce ne sont plus des principes. Pour nous, la République est d’abord une République sociale et ses principes n’ont de valeur que s’ils sont respectés, c’est-à-dire qu’ils doivent avoir une traduction concrète dans le quotidien des citoyennes et des citoyens. Or, à Mayotte et ailleurs dans les outre-mer, le principe de l’accès aux conditions de vie, voire de survie, comme l’eau potable, n’est pas respecté. C’est un scandale et nous ne cessons de réclamer des moyens supplémentaires. Nous cherchons à maintenir une cohérence d’ensemble alors que vous menez une politique à la découpe.
J’ajoute que cette proposition de loi risque d’amplifier le phénomène de fraude documentaire et de corruption.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Le droit français repose sur un équilibre entre des principes et leurs exceptions pour tenir compte de particularités. Sans ces exceptions, les seuls principes seraient discriminants. Ceux qui mettent en avant la défense des grands principes oublient que ceux-ci sont bafoués à Mayotte. Où est l’égalité quand les Mahorais eux-mêmes n’ont pas accès aux soins dans des conditions normales ? Où est l’égalité quand ils ne peuvent pas se promener en sécurité ?
La tension démographique n’explique pas tout, mais elle joue un rôle dans cette équation. Je rappelle que la tradition républicaine de l’accueil est responsable. Nous devons faire face à des tentatives de déstabilisation de puissances étrangères, qui jouent précisément sur cette tradition d’accueil pour fragiliser le territoire. Selon vous, il faudrait faire avec cette situation et les tensions entre la population locale et les populations immigrées. Nous pensons que l’égalité et la justice exigent de durcir les conditions d’accès à la nationalité française.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Monsieur Bernalicis, en défendant tous les principes et rien que les principes, sans exception, vous remettez en cause la construction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui affirme que les principes d’égalité et de liberté s’exercent dans les « bornes » définies par la loi. C’est bien ce que nous faisons avec cette proposition de loi, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui admet des exceptions législatives aux principes pourvu que la proportionnalité soit respectée et que les spécificités d’un territoire soit prises en compte. Prendre en compte une situation particulière n’implique pas une rupture d’égalité quand cela favorise l’application concrète de l’égalité d’accès à des services publics.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL3 de M. Aurélien Taché et CL18 de Mme Brigitte Barèges, amendements CL6, CL7 et CL8 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’article 2493 du code civil, que cet amendement vise à abroger, crée une exception pour les enfants nés à Mayotte. Or la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose, en son article 1er, que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Il ne parle pas des Français ou des gens qui habitent à tel endroit car la République française considère qu’il y a une humanité, une et universelle. Elle donne donc des droits valables pour tous. C’est ce qui fait notre identité de Français, une identité internationaliste, ce qui est rare dans l’histoire des nations.
Comment pouvez-vous donc à la fois nous dire qu’il est normal de faire des exceptions au titre d’une situation particulière et que vous défendez la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Vous ne pouvez défendre que l’un ou l’autre. Nous défendons cette dernière et visons l’application concrète de ses principes, qui se traduit par l’accès aux services publics. Il faut commencer par les moyens et donc par les professeurs et les professionnels de santé. Alors peut-être serons-nous à la hauteur des principes que nous prétendons défendre.
M. Yoann Gillet (RN). L’amendement CL6 tend à abroger le droit du sol sur tout notre territoire. Le droit du sol est une anomalie et un danger qui menace notre pays. Rien qu’en 2023, 86 535 enfants nés en France de deux parents étrangers ont automatiquement obtenu la nationalité française, sans qu’aucun lien réel avec notre nation ne soit établi. Ce mécanisme juridique, à l’origine pensé pour simplifier l’intégration, s’est transformé en un appel d’air migratoire. Nous ne pouvons plus fermer les yeux.
La nationalité française est bien plus qu’un simple statut administratif : elle est un honneur, un engagement, une décision qui doit être réfléchie et assumée. En maintenant le droit du sol dans sa forme actuelle, nous diluons l’identité nationale et creusons des fractures sociales de plus en plus visibles. La France n’est pas une terre d’opportunisme. Elle est une communauté unie par son histoire, ses valeurs et ses devoirs. Il ne s’agit pas de fermer les portes, mais de restaurer du sens et de l’exigence à l’accès à notre nationalité. Supprimer le droit du sol, c’est rétablir des conditions justes et rigoureuses en mettant en avant la naturalisation volontaire, qui garantit un lien sincère et durable avec notre pays.
Les Français réclament une telle réforme : 65 % d’entre eux y sont favorables. L’heure est venue de prendre nos responsabilités et de prendre notre courage à deux mains pour oser défendre l’unité et l’identité de la France.
Avec l’amendement CL7 je propose la suppression du droit du sol à Mayotte. Notre responsabilité est de mettre fin à une situation intenable. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 1985, 12 % des habitants de Mayotte n’étaient pas natifs de l’île alors que cette proportion est aujourd’hui de 55 %. Cette statistique confirme que l’immigration y est massive et incontrôlée, encouragée par une législation obsolète et dévoyée, à commencer par le droit du sol qui est un véritable appel d’air migratoire. Des milliers de personnes affluent chaque année, non pas pour s’intégrer ou contribuer, mais pour profiter d’un système qui garantit à leurs futurs enfants la nationalité française. À cela s’ajoute la fraude massive des reconnaissances de paternité – des Mahorais reconnaissent des enfants étrangers contre de l’argent, permettant à ces derniers d’obtenir frauduleusement des papiers français –, que j’ai dénoncée dans mon rapport parlementaire. La nationalité française ne doit être ni un droit automatique ni un objet de marchandage. Elle est un honneur et une responsabilité et doit se mériter.
En 2023, 97 288 personnes ont acquis la nationalité française, tandis que notre pays a délivré 2,4 millions de visas, soit une augmentation de 40,4 % par rapport à 2022. Ces chiffres révèlent une réalité indéniable : la pression migratoire est croissante sur notre territoire. Face à cette situation, il est de notre devoir de parlementaires d’agir pour garantir la cohérence de nos politiques migratoires et préserver la valeur de la nationalité française.
La nationalité ne doit pas être une simple conséquence automatique de la naissance sur notre sol. Elle doit être un acte significatif, réfléchi et fondé sur un lien réel avec notre pays. C’est l’objectif l’amendement CL8, qui vise à conditionner l’acquisition de la nationalité française au titre du droit du sol à une résidence régulière et ininterrompue dans notre pays des deux parents depuis au moins deux ans. Ce critère mesuré et raisonnable vise à restaurer le sens de l’acquisition de la nationalité française en la liant à un engagement durable envers la République. Actuellement, un enfant né en France peut acquérir la nationalité française sans que ses parents aient démontré un quelconque engagement à long terme. Cette situation crée un décalage profond entre l’idéal républicain que nous défendons et la réalité migratoire actuelle.
Ces amendements répondent à une attente forte de nos concitoyens, qui demandent très majoritairement de la fermeté en matière migratoire.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Avis défavorable à tous ces amendements. Je rappelle qu’il y a un débat constitutionnel sur le sujet et que la position dominante parmi les juristes est qu’une révision de la Constitution est nécessaire.
Monsieur Léaument, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est un texte fondateur, certes, mais il a fallu attendre 1971 pour qu’une décision du Conseil constitutionnel lui donne valeur constitutionnelle en l’incluant, avec d’autres textes, dans le bloc de constitutionnalité. Les principes énoncés par ces textes doivent être conciliés entre eux et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne prime pas toujours sur les autres textes du bloc de constitutionnalité.
La proposition de loi prévoit une condition de résidence régulière des parents d’un an. Prévoir un délai plus long, comme y tend l’amendement CL8, ne me semble pas compatible avec la position du Conseil constitutionnel. Notre lecture de l’article 73 de la Constitution et des décisions du Conseil constitutionnel peut sembler restrictive, mais, si la proposition de loi est votée, cette mesure aura le mérite d’exister et d’envoyer un signal clair de la République à l’ensemble du territoire et aux Comores. Je souscris à tout ce qui a été dit sur cet État, qui ne joue pas le jeu et brave les règles du droit international. Il faut en tirer toutes les conséquences, diplomatiques et financières.
M. Vincent Caure (EPR). Je souscris aux propos de M. le rapporteur concernant l’amendement CL6 de M. Gillet. Il n’existe déjà pas de chemin clair pour modifier le droit du sol à Mayotte ; y porter atteinte sur l’ensemble du territoire national s’éloignerait de manière incommensurable de l’objet du texte.
Il est vrai qu’aucun principe de nature constitutionnelle – ni principe fondamental, ni disposition constitutionnelle – ne garantit le droit du sol. Néanmoins, nous toucherions là à un mode d’acquisition de la nationalité qui représente une constante dans l’histoire de notre République, sous tous les régimes, depuis le dix-neuvième siècle. On peut y toucher de manière marginale, mais ce n’est ni le lieu, ni le moment de le remettre en cause.
L’exposé sommaire de l’amendement, très succinct, ne précise pas les modalités d’obtention du droit à la nationalité par filiation : faudra-t-il remonter jusqu’aux parents, aux grands-parents ou plus loin dans la généalogie ?
Enfin, l’amendement aurait pour effet mathématique d’augmenter la part de la population étrangère à Mayotte, ce qui créera des enclaves de population étrangère, du moins tant que le problème de l’exécution des mesures d’éloignement n’aura pas été résolu.
Nous voterons contre tous ces amendements.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Nous avons rappelé les principes du bloc constitutionnel et cité la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je citerai aussi l’article 1er de la Constitution, selon lequel la République est une et indivisible.
Le texte acte la division des principes censés s’appliquer sur l’ensemble du territoire, qu’il soit hexagonal ou ultramarin, en proposant une dérogation qui inspire jusqu’au Rassemblement national que vous prétendez combattre. S’il y a un danger de submersion, c’est plutôt un danger de submersion dérogatoire ! Le texte s’appliquerait à Mayotte, mais qu’est-ce qui empêcherait demain d’autres dérogations, et même l’abolition du droit du sol ? Par quoi serait-il remplacé ? Le droit du sang ? Ce concept nous est parfaitement étranger.
Mme Youssouffa a dit que les Comoriens venaient à Mayotte chercher des papiers. Ce raisonnement inverse les causes de l’immigration. En quoi cela les nourrit-il ? Ils ne cherchent pas davantage à obtenir la nationalité qu’à offrir une éducation à leurs enfants ; ils viennent simplement chercher de quoi manger, car leur pays d’origine est encore plus pauvre que le territoire mahorais. Le texte ne lutte pas contre les causes de la traversée, mais contre leurs effets ; or l’on ne guérit pas une maladie en luttant contre ses symptômes.
M. Yoann Gillet (RN). Si je comprends bien notre collègue macroniste, ce n’est ni le moment, ni le lieu pour agir. À quoi bon être parlementaire, si c’est pour ne rien faire ? C’est le véritable chaos là-bas : tout s’écroule, les services publics sont dépassés. Les Mahorais ne peuvent plus mettre leurs enfants à l’école car tous les établissements sont pleins. Il y a un hôpital que les Mahorais appellent « l’hôpital des étrangers » car ils n’arrivent plus à y mettre les pieds ; ils doivent aller à La Réunion ou en métropole pour se faire soigner. De son côté, la gauche nie la submersion migratoire, comme à son habitude.
Le rapporteur, lui, se cache derrière la prétendue inconstitutionnalité de notre proposition. Il ne lui appartient pas d’en juger ; c’est le rôle du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, si jamais le principe d’unité et d’indivisibilité de la République rendait impossible la suppression du droit du sol à Mayotte, rien dans les textes n’empêcherait les parlementaires de l’abolir sur l’ensemble du territoire national et de respecter ainsi la volonté des Français, qui souhaitent instaurer une politique migratoire ferme.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je soutiens l’amendement de mon collègue Aurélien Taché. Outre l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 1er de la Constitution, on peut citer le préambule de la Constitution de 1946 : « La France forme avec les peuples ou d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion », et celui de la Constitution de 1958 : « En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’outre-mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité, de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique » ; s’y ajoute le principe d’indivisibilité de la République issu de la Constitution de 1793.
La loi Collomb a créé une dérogation au droit du sol au sujet de laquelle mes collègues avaient saisi le Conseil constitutionnel. Le ministère de l’Intérieur assure que, depuis, le nombre d’obtentions de la nationalité a été divisé par trois à Mayotte, passant de 2 800 en 2018 à 799 en 2022. Si cela est vrai, en quoi cela améliore-t-il la situation sur l’île ? La situation là-bas est chaotique après l’abandon total de l’État, comme dans le reste des territoires d’outre-mer. Quels progrès cette mesure a-t-elle permis en matière d’accès à l’eau et aux services publics ou de droit à la santé et à l’éducation ?
Enfin, n’allez pas nous faire croire que la suppression du droit du sol s’appliquerait uniquement à Mayotte. L’article 81 de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, censuré par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier législatif, proposait de déroger au droit du sol à Mayotte, mais aussi en Guyane et à Saint-Martin. Il avait été voté par la minorité présidentielle et par le Rassemblement national.
La suppression du droit du sol a toujours figuré dans le programme de Jean-Marie Le Pen. Comme mon collègue Coulomme, j’estime que nous subissons une submersion dérogatoire, et surtout une submersion d’extrême droite.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Monsieur Coulomme, vous nous accusez de remettre en cause l’unité et l’indivisibilité de la République, mais la Constitution elle-même reconnaît la diversité, puisque les articles 73 et 74 et le titre XIII permettent d’adapter la loi pour prendre en compte les spécificités des territoires d’outre-mer. La lecture du Conseil constitutionnel va dans ce sens.
En outre, la nationalité française va de pair avec certains droits sociaux, car des allocations sont versées aux ressortissants français. En ce sens, l’acquisition de la nationalité française nourrit, dans les deux sens du terme, le flux migratoire. Je n’ai jamais prétendu que c’était le seul élément d’explication, mais il est bon de le rappeler.
Monsieur Gillet, vous faites croire à nos concitoyens qu’il est possible de modifier les institutions pour aller au-delà des dispositions actuelles, mais l’article 89 prévoit que toute révision de la Constitution doit être votée en termes identiques par les deux assemblées et soumise au référendum, ou bien adoptée en Congrès à la majorité des trois cinquièmes. Nous ne sommes pas en capacité politique de le faire actuellement, et c’est sans doute heureux. Quand on est légaliste, comme je le suis, on ne s’assoit pas sur les institutions.
Enfin, je rappelle que la constitution de 1793 n’a jamais été appliquée dans notre pays. C’était une pétition de principe qui instaurait une confusion des pouvoirs. Il est trop facile de se gargariser de textes qui n’ont pas été appliqués.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL9 de M. Yoann Gillet
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Avis défavorable. La durée de présence régulière des parents nécessaire pour l’obtention de la nationalité via le droit du sol est de trois mois actuellement. L’article 73 de la Constitution permet des adaptations locales et il me semble qu’une durée d’un an représente un point d’équilibre correct ; le doublement de ce délai me paraît juridiquement délicat, pour ne pas dire scabreux. Il ne faut pas lâcher la proie pour l’ombre. Je préfère un texte applicable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). M. Gillet propose de porter le délai de présence régulière des parents d’un à deux ans. Au fond, pour vous, celles et ceux qui obtiennent des papiers par le droit du sol ne sont pas complètement des Français, comme s’il existait des Français de papier. Ce concept, repris à Charles Maurras, vous place dans la continuité de l’extrême droite la plus classique et la plus détestable. Quand on vous entend parler de l’idéal républicain, on se pince en se disant que c’est un mauvais rêve, mais non : vous racontez bien n’importe quoi en rabâchant les poncifs de l’extrême droite, qui n’ont jamais fait que diviser le peuple français sans régler aucun problème.
M. le rapporteur a indiqué que le rôle du Conseil constitutionnel était de concilier les grands principes constitutionnels. Or, pour rendre son avis sur la loi de 2018, celui-ci ne s’est pas appuyé sur le principe d’égalité, ni sur le principe d’indivisibilité, mais sur l’article 73 de la Constitution, lequel permet des exceptions à ces principes. Je n’ai jamais été d’accord avec cette décision qui place l’article 73 de la Constitution au-dessus des principes. Nous avons argumenté en ce sens devant le Conseil constitutionnel et nous continuerons de le faire.
Par ailleurs, je suis pour une révision de la Constitution afin de passer à une VIe République.
M. Yoann Gillet (RN). Je n’accepte pas de leçons en responsabilité de la part de l’extrême gauche, encore moins venant d’un groupe qui compte des antisémites notoires.
M. Bernalicis nous accuse de faire la différence entre les Français, mais c’est précisément pour éviter d’avoir à le faire que nous devons protéger l’acquisition de la nationalité en garantissant que celle-ci est méritée, et non automatique. Le terroriste du pont Bir-Hakeim avait obtenu la nationalité automatiquement, par le droit du sol, alors qu’il ne la souhaitait pas. Voilà la réalité. J’assume de dire qu’il était un Français de papier et qu’il n’avait pas à être français, contrairement à ceux qui font la démarche de le devenir en prouvant, par leur attachement à nos valeurs et à notre culture, qu’ils aiment la France, quelles que soient leurs origines.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL24 de M. Philippe Gosselin
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à garantir la mention de la résidence régulière des deux parents sur l’acte de naissance de l’enfant.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). M. Gillet vient de nous traiter d’antisémites. Pourtant, ses propositions visent à supprimer le droit du sol, soit exactement ce qui a été fait par le régime de Vichy le 22 juillet 1940. La première loi de Vichy servit à remettre en cause les Français naturalisés, ceux que vous appelez, comme M. Maurras, les Français de papier. Vous pouvez nous traiter de tous les noms, mais nous sommes du côté de ceux qui résistaient au régime de Vichy ; vous êtes du côté de ceux qui ont fondé un parti avec des Waffen-SS, des collabos, des gens qui soutenaient ce type de mesure.
Un grand nombre d’électeurs du Rassemblement national, dont les ancêtres étaient polonais, belges, italiens ou espagnols, ne seraient pas français aujourd’hui sans les articles du code civil que vous proposez de supprimer. Ils feraient bien de vous écouter attentivement : en remettant en cause leur nationalité, vous voulez en faire des non-Français, comme Vichy l’a fait avec les juifs et avec les Italiens. Vingt millions de nos compatriotes seraient touchés par les mesures que vous voulez adopter. Vous êtes la honte de la République et nous vous battrons dans les urnes quand vos électeurs auront compris que vous les menacez.
M. le président Florent Boudié. Chers collègues, je ne consentirai jamais à la théâtralisation des débats politiques.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il arrive que certains de nos amendements soient jugés irrecevables ; c’est aussi le cas de certaines discussions.
La Défenseure des droits fait état de difficultés rencontrées par les parents des enfants nés à Mayotte pour faire inscrire sur l’acte de naissance de leur enfant la mention de la régularité de leur séjour, conformément à l’article 2495 du code civil. Elle s’appuie sur plusieurs exemples concrets de refus oraux réitérés. Il est essentiel de porter le droit à la connaissance des agents de l’état civil de Mayotte afin que celui-ci soit respecté.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Je souhaite revenir sur les propos de M. Léaument, qui défendait tout à l’heure le principe d’universalité. Si l’on pousse le raisonnement jusqu’au bout, pourquoi y a-t-il encore des visas pour autoriser quelqu’un à rentrer sur le territoire ? Pourquoi y a-t-il encore des règles, s’il faut accueillir tout le monde ? Vous voyez bien que c’est incohérent. Une nation a pour rôle de protéger les personnes qui la composent. Le principe d’universalité détruit le contrat social, à savoir : « Je paie l’impôt à condition d’avoir des services publics. »
Par ailleurs, vous parlez sans cesse de principes, mais que faites-vous de l’humain ? Il me semble que vous n’avez pas beaucoup d’humanité pour les personnes qui souffrent.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article unique modifié.
Après l’article unique
Amendement CL10 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte, plus d’un habitant sur deux n’est pas né sur le territoire national. La croissance démographique y est qualifiée d’exceptionnelle. L’Insee prévoit que, d’ici à 2050, cette dynamique se poursuivra avec des conséquences démographiques majeures pour notre pays.
Des pratiques frauduleuses en reconnaissance de paternité aggravent considérablement la situation. Des femmes étrangères en situation irrégulière, souvent originaires des Comores, parviennent à obtenir la reconnaissance de leur enfant par des ressortissants français ou étrangers en situation régulière en échange d’argent ou de services. Cela permet à l’enfant d’acquérir frauduleusement la nationalité française et à la mère d’obtenir un titre de séjour ainsi qu’une protection contre les mesures d’éloignement. Cette fraude pure et simple est facilitée par des lacunes législatives et des mesures répressives insuffisantes. Lors de mon déplacement à Mayotte en tant que rapporteur pour avis, j’ai constaté ce phénomène.
Les faits nous donnent raison : l’immigration de masse, qu’elle soit légale ou illégale, est dévastatrice. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement un rapport évaluant l’efficacité des mesures prises en matière de lutte contre ces fraudes.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Des dispositifs existent déjà pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses. Si l’officier d’état civil, grâce à un faisceau d’indices graves et convaincants, soupçonne une fraude lors de l’audition du parent, il doit saisir le procureur de la République. En outre, le procureur de la République peut demander a posteriori l’annulation de la reconnaissance de paternité si celle-ci présente un caractère frauduleux.
Néanmoins, le nombre de naissances est considérable à Mayotte : près de 10 300 en 2023. Les officiers d’état civil de Mamoudzou, où a lieu l’essentiel des naissances, sont submergés, de même que les magistrats du tribunal judiciaire. Sur ce point, je suis d’accord avec ceux de nos collègues qui réclament davantage de moyens pour ces services publics. Je tiens ce discours depuis que j’ai découvert, en 2008, la réalité concrète de la situation à Mayotte.
Compte tenu de ces difficultés, je ferai une exception à la jurisprudence de Jean-Jacques Urvoas qui, lorsqu’il était président de cette commission, avait décidé de limiter au maximum les demandes de rapport afin de ne pas multiplier les documents que l’on n’aurait plus le temps d’examiner, selon la formule « rapport sur rapport ne vaut ». Ce rapport-ci apporterait des éléments statistiques concrets qui nous permettraient d’y voir plus clair. Je m’en remets donc à votre sagesse.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je disais précédemment que l’extension des critères – un an, deux parents – allait augmenter les éléments de preuve à fournir à la préfecture pour obtenir la nationalité à l’âge de dix-huit ans, et donc la difficulté d’obtenir ces preuves, y compris pour les demandeurs de bonne foi dont les parents ont bien séjourné un an sur le territoire et qui y ont eux-mêmes vécu cinq ans. Ces personnes seront poussées à rechercher une reconnaissance de paternité frauduleuse en vue d’obtenir une nationalité à laquelle elles peuvent légitimement prétendre par ailleurs. Cela crée un terrain propice à la fraude, sans résoudre concrètement le problème.
Monsieur le rapporteur, vous dites demander des moyens supplémentaires pour Mayotte, mais je ne vous ai pas vu vous opposer aux gouvernements successifs sur ce point, ni mettre dans la balance votre vote sur les crédits des outre-mer. De plus, quand vos amis étaient au pouvoir, vous n’avez pas mis le paquet sur les investissements à Mayotte. Quand on ne voit passer que des textes répressifs qui jouent avec la liberté et les droits des gens, on finit par se poser des questions.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Nous avons voté la loi de programmation pour la justice, qui octroie à celle-ci davantage de moyens. Jusqu’à preuve du contraire, je ne vous ai pas vu sur la liste de ceux qui l’ont votée.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Florent Boudié. Je suis saisi d’une demande de scrutin public sur l’ensemble du texte.
Amendement CL16 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Par cet amendement je demande un rapport sur les conséquences de la loi relative aux droits des enfants, ses effets sur les flux migratoires et l’évolution du nombre de titres de séjour délivrés à Mayotte. Je me permets de relayer les mots du ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux, M. Thani Mohamed Soilihi, auquel on doit l’inclusion de la disposition restreignant le droit du sol à Mayotte par un amendement adopté par le Sénat : « La suppression du droit du sol n’est pas pour moi un sujet tabou, mais avant d’aller plus loin, faisons le bilan des dispositions déjà en place. »
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je suis favorable à l’évaluation des politiques publiques. Cela fait partie de nos pouvoirs constitutionnels : le Parlement ne fait pas que voter la loi, il évalue les politiques publiques et contrôle l’action du gouvernement.
Les chiffres de la direction des affaires civiles et du sceau indiquent une décrue de l’acquisition de la nationalité à Mayotte depuis la loi de 2018, laquelle s’applique depuis le 1er mars 2019. Néanmoins, à ce stade, nous sommes incapables d’établir un lien de causalité et, compte tenu des mécanismes prévus dans la loi – l’arrivée de l’enfant avant l’âge de 13 ans et la durée de résidence –, il faudrait attendre 2032 pour une évaluation complète.
Compte tenu des chiffres de l’immigration irrégulière et du fait que les naissances de parents étrangers représentent plus des trois quarts des 10 300 naissances de 2023 à Mayotte, il faut agir sans attendre. Je vous propose de nous retrouver pour évaluer les effets de ces mesures dans quelques années, car il est important que les parlementaires exercent leur droit de suite. Avis défavorable.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés votera l’amendement de Mme Voynet, qui nous ramène à notre rôle d’évaluation. Dans les débats, chacun y va de son chiffre et de sa réalité, mais nous n’avons aucun élément concret. Ce rapport est nécessaire pour légiférer en connaissance de cause toutes les dérogations appliquées à Mayotte, et non suivant les délires de certains et les fantasmes des autres.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL11 de M. Aurélien Taché
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). De nombreux droits sont dégradés à Mayotte, ce qui atteste le statut colonial de ce territoire dont la France n’a jamais voulu faire une partie pleine et entière de la République. C’est le cas du droit d’asile. La demande d’asile doit être déposée dans un délai de sept jours et le délai d’instruction est de seulement vingt et un jours, contre six mois sur le reste du territoire national. Il est déjà compliqué d’obtenir l’asile en métropole ; la difficulté est plus grande encore à Mayotte, qui est moins dotée en services publics et où n’est pas évident d’apporter les éléments de preuve. Si l’on voulait créer les conditions administratives nécessaires pour refouler les personnes, y compris lorsqu’elles sont dans leur bon droit, on ne s’y prendrait pas mieux. Cela crée des étrangers en situation irrégulière qui n’auraient pas existé s’ils avaient déposé leur demande ailleurs qu’à Mayotte. Nous souhaitons que les principes de la République soient respectés sur tout le territoire de la République.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Avis défavorable. Le rapport demande d’étudier un régime encore plus favorable que celui qui existe dans l’Hexagone en donnant la possibilité aux demandeurs d’asile de travailler immédiatement, alors qu’il faut attendre six mois dans l’Hexagone. C’est une rupture avec le principe d’égalité sur le territoire que vous prétendez défendre.
De manière plus pragmatique, près de 40 % de la population de Mayotte est au chômage et le PIB de l’île est issu à seulement 23 % de l’activité privée. Tout cela plaide pour un plan global de développement et de services publics. Toutefois, pour que ces moyens soient utiles, il faut que d’autres conditions soient remplies ; celles prévues par le texte en font partie. Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous demandons effectivement que les demandeurs d’asile puissent travailler immédiatement ; nous l’avions également demandé par voie d’amendement lors de l’examen de la loi « asile et immigration ». C’est une revendication de longue date. Si les gens n’ont pas l’autorisation de travailler, on ne peut pas déplorer ensuite qu’ils soient au chômage ! Le travail est un puissant facteur de stabilité et d’intégration dans la société. Oui, il y a un enjeu de développement à Mayotte. C’est pourquoi nous défendons un plan d’investissement complet. La catastrophe du cyclone Chido est le bon moment pour investir dans le tissu productif. Le projet de loi d’urgence pour Mayotte proposait de lutter contre la sous-traitance en cascade et d’octroyer les marchés publics en priorité aux entreprises mahoraises. C’est le moment de donner cette possibilité concrète à des gens qui sont prêts à travailler sur place.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL12 de M. Aurélien Taché
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Cet amendement d’appel a pour objectif d’aborder de nouveau les conditions d’attribution des titres de séjour, en particulier des titres de séjour territorialisés.
Par solidarité avec Mayotte, on pourrait prendre en charge dans l’Hexagone un certain nombre de personnes qui voudraient bien y venir pour s’intégrer à la société française. Mais cela n’est pas possible.
Ce sujet ne relevant pas formellement du même code que celui dont la modification est proposée, il est difficile d’engager une discussion car les amendements sont irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. Il s’agit pourtant du même sujet. C’est la raison pour laquelle cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement. En effet, on ne peut pas aborder l’immigration à Mayotte sans parler du titre de séjour territorialisé. Nous restons opposés à ce dernier car il empêche d’être solidaire avec Mayotte.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Comme vous le reconnaissez, cette proposition ne traite pas du titre de séjour territorialisé et l’on considérerait que les amendements portant sur ce dernier n’ont pas un lien suffisant avec le texte dont nous discutons.
Je constate d’ailleurs que vos propos contredisent les déclarations de victoire après la censure par le Conseil constitutionnel d’une large partie du fameux projet de loi pour contrôler l’immigration puisque, comme nous, vous regrettez désormais l’interprétation qui est faite de l’article 45 de la Constitution. C’est une avancée inespérée, qui a d’autant plus de valeur qu’elle vient de vous.
Il ne faut pas renforcer l’attractivité du séjour à Mayotte, car il y a déjà suffisamment de problèmes. En 2022, 42 128 étrangers disposaient d’un titre de séjour, soit au moins 13 % de la population estimée de l’île. Cette proportion est deux fois supérieure à celle constatée en Guyane, tandis qu’elle est de 1,5 % à La Réunion et de 3,5 % en Guadeloupe. Compte tenu de la situation de Mayotte, il ne faut pas ajouter des difficultés aux difficultés. Je m’oppose à ce que sous-tend votre demande de rapport.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL13 de M. Aurélien Taché
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). L’amendement demande la remise d’un rapport sur l’assouplissement des conditions de délivrance des titres de séjour à Mayotte. Ces derniers devraient permettre aux personnes de se rendre sur l’ensemble du territoire national.
S’agissant de la censure par le Conseil constitutionnel, vous nous avez sans doute mal écoutés. Nous avons toujours dit qu’il s’agissait d’une certaine manière d’une victoire à la Pyrrhus et qu’il fallait rester vigilant. Nous continuons à nous opposer aux mesures censurées – d’autant qu’une bonne partie du bloc gouvernemental s’accorde désormais pour s’en prendre à l’aide médicale de l’État (AME).
En obligeant les gens à rester à Mayotte alors qu’on ne peut pas les expulser, on organise une crise de l’accueil. Il n’y a pas de crise liée aux flux migratoires.
Notre position est d’une radicalité totale : les gens qui sont venus à Mayotte sont des êtres humains et, comme tels, ils sont protégés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous ne considérerons jamais que ces personnes sont un stock ou un flux. Il faut les accueillir dignement.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Vous me donnerez acte de n’avoir jamais évoqué l’immigration comme une affaire de flux ou de stock. Pour autant, il y a bien une crise de l’accueil, et c’est pour cela qu’il faut maîtriser les mouvements de population.
L’amendement sous-entend que même des étrangers en situation irrégulière devraient pouvoir circuler librement sur le territoire national. Cela reviendrait à donner une prime à l’illégalité et entraînerait un effet de pompe aspirante qui ne se limiterait pas à Mayotte – avec des conséquences en cascade, notamment à La Réunion.
N’ajoutons pas des difficultés aux difficultés. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Florent Boudié. J’ai reçu une demande de scrutin de députés représentant au moins 10 % de la commission sur l’ensemble du texte, en application de l’article 44, alinéa 2 du Règlement. Je constate que les députés demandeurs sont effectivement présents, je vais donc procéder à l’appel nominal des membres de la commission pour recueillir votre vote.
Votent pour :
M. Xavier Albertini, Mme Anne Bergantz, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Maud Bregeon, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, M. Vincent Caure, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Patrick Hetzel, M. Sébastien Huyghe, M. Philippe Latombe, M. Roland Lescure, Mme Pauline Levasseur, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, M. Stéphane Mazars, M Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Jean Moulliere, Mme Naïma Moutchou, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Béatrice Roullaud, M. Philippe Schreck, M. Michaël Taverne et Mme Caroline Yadan.
Votent contre :
Mme Marie-José Allemand, Mme Léa Balage El Mariky, M. Ugo Bernalicis, Mme Colette Capdevielle, Mme Gabrielle Cathala, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Florence Herouin-Léautey, M. Jérémie Iordanoff, M. Bastien Lachaud, M. Antoine Léaument, Mme Élisa Martin, Mme Danièle Obono, M. Thomas Portes, M. Hervé Saulignac, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Andrée Taurinya, M. Roger Vicot et Mme Dominique Voynet.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 55
Nombre de suffrages exprimés : 55
Majorité absolue : 28
Pour l’adoption de la proposition de loi : 34
Contre l’adoption de la proposition de loi : 21
Abstention : 0
La commission adopte donc l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte (n° 693) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
Mme Flavie le Tallec, sous-directrice du droit civil
Mme Delphine Thouillon, cheffe du bureau de la nationalité
Mme Karima Djemali, adjointe à la cheffe de bureau
Mme Estelle Brestovski, adjointe à la cheffe de bureau
Contribution écrite
([1]) Article 18 du code civil
([2]) Article 19-3 du code civil
([3]) Articles 19 et 19-1 du code civil
([4]) INSEE, Acquisitions de la nationalité française, 2024.
([5]) La population de Mayotte à l’horizon 2050, INSEE analyses, 2020.
([6]) INED, Mayotte : plus d’un adulte sur deux n’est pas né sur l’île, Population et Sociétés, n° 560, novembre 2018
([7]) Agence régionale de santé, Panorama Statistique de la Santé à Mayotte 2023
([8]) La société de Mayotte en pleine mutation, INSEE Analyses, n° 12, mars 2017.
([9]) Rapport au Parlement sur les étrangers en France en 2022, Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.
([10]) Évaluation de la prise en charge des mineurs à Mayotte, IGJ, IGAS, IGA, IGAE, IGESR, IGF, janvier 2022, p70
([11]) Ibid, p73
([12]) Rapport au Parlement sur les étrangers en France en 2022, Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.
([13]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 2932 du 8 mars 2006 de M. Didier Quentin sur la situation de l’immigration à Mayotte,
([14]) Avis n° 384925 du 5 juin 2018 sur la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d’acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers
([15]) Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile
effectif et une intégration réussie
([16]) Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024
([17]) Amendement CL1769.