N° 928

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 février 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable (n° 766).

PAR M. Jean-Claude RAUX

Député

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

 Assemblée nationale : 766.


SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er Renforcement de la protection des captages d’eau

Article 2 Création d’une liste nationale de contrôle des métabolites de pesticides

Article 3 (nouveau) Augmentation de la taxe sur le chiffre d’affaires des fabricants de produits phytopharmaceutiques

examen en commission

liste des personnes auditionnées

 


   INTRODUCTION

La contamination des eaux destinées à la consommation humaine est un phénomène de plus en plus préoccupant. En 2023, par exemple, presque 17 millions de Françaises et de Français ont consommé au moins une fois au cours de l’année une eau contaminée aux pesticides ([1]). Cette pollution aux pesticides, aux engrais azotés minéraux, aux nitrates, et à leurs sous-produits après dégradation des molécules actives, les métabolites, persiste des années, voire des dizaines d’années dans la ressource en eau, et bien après l’interdiction de certaines substances. Selon les données obligatoires transmises par la France à la Commission européenne en 2019, lors du dernier rapportage prévu au titre de la directive 2000/60/CE, dite directive-cadre sur l’eau (DCE), seulement 45 % des eaux de surface et 70 % des eaux souterraines sont en bon état chimique.

Or, la qualité de l’eau distribuée au robinet du consommateur dépend d’une part de l’état de l’eau de la rivière ou de la nappe souterraine dans laquelle elle est prélevée, d’autre part des traitements effectués après le prélèvement. Il est donc nécessaire de préserver la qualité de la ressource en amont du prélèvement afin de réduire le degré de traitement nécessaire pour sa potabilisation. Sur la période 1980‑2024, 14 288 captages d’eau potable ont été fermés. La première cause d’abandon incombe à la dégradation de la qualité de la ressource en eau (32,1 % des cas). Parmi les captages abandonnés, 41 % le sont du fait de teneurs excessives en nitrates et/ou pesticides ([2]).

Même si toutes les conséquences ne sont pas connues, tant elles sont diffuses et protéiformes, le constat est bel et bien alarmant : alarmant dans sa dimension humaine et sanitaire, alarmant pour les milieux terrestres et aquatiques, alarmant dans sa dimension financière. En octobre 2024, une étude du collectif citoyen Avenir santé environnement démontre que des pesticides, dont certains interdits, sont présents dans l’organisme d’enfants de la plaine d’Aunis, près de La Rochelle, où se multiplient les cancers pédiatriques (15 cas depuis 2008). Les mêmes interrogations ont lieu à Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique) et dans six communes alentour, où 19 cas de cancers pédiatriques se sont déclarés entre 2015 et 2022. L’inquiétude porte également sur les risques avérés de maladie de Parkinson, sur les conséquences des perturbateurs endocriniens (en particulier pour les enfants jusqu’à 3 ans) mais également sur les « effets cocktails », c’est-à-dire les effets conjugués et méconnus des substances chimiques.

Les pollutions de l’eau potable conduisent à des gouffres financiers. En France, les coûts de traitement liés à la pollution de l’eau potable par les pesticides et les engrais azotés minéraux sont estimés entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an. Cette somme colossale consacrée à ne traiter que partiellement le problème pourrait servir à le prévenir. En parallèle, les fabricants de produits phytosanitaires engrangent des profits énormes. C’est à eux de payer la facture, non aux usagers du service de l’eau. Taxer l’industrie des pesticides, c’est aussi pouvoir accompagner les agricultrices et les agriculteurs dépendants des produits chimiques vers la transition agroécologique. Si rien n’est fait, le prix de notre eau au robinet pourrait doubler dans les prochaines années.

L’action publique en matière de protection des captages se heurte par ailleurs à deux limites fondamentales.

D’une part, le cadre juridique de protection demeure insuffisant et confus. Les périmètres de protection des captages ne sont pas systématiquement mis en œuvre ; les aires d’alimentation des captages (AAC) ne couvrent que 60 % des captages prioritaires et ne reposent que sur une démarche volontaire : les zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE), qui ne peuvent exister que si une AAC existe et qu’un préfet en prend l’initiative, ne sont pas systématiques, même pour les points de prélèvement sensibles. Il est donc nécessaire de renforcer le cadre législatif pour prévenir des pollutions diffuses sur la ressource en eau.

D’autre part, la recherche de métabolites de pesticides se heurte à des disparités territoriales importantes et à l’absence de liste socle, au niveau national, pour assurer cette recherche. Ainsi, selon un rapport de l’association « Générations futures » ([3]), 71 % des métabolites de pesticides à risque de contaminer les eaux souterraines ne font l’objet d’aucune surveillance. On ne peut pas trouver ce qu’on ne cherche pas. Les normes de potabilité sont parfois anachroniques et ne permettent pas du tout de prendre en compte les potentiels « effets cocktails ». Les recherches de pesticides ou de métabolites sont en outre limitées par les modalités de transmission des informations détenues par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), qui autorise les mises sur le marché des produits, aux agences régionales de santé (ARS), chargées du contrôle de la qualité de l’eau.

Une mission conduite conjointement par l’Inspection générale des affaires sociales, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable, portant sur la prévention et la maîtrise des risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l’eau destinée à la consommation humaine ([4]), pointait ainsi un « constat global d’échec » dans la politique de protection des captages. Le rapport de cette mission recommandait l’élaboration d’une liste socle de molécules au niveau national, dont le suivi serait obligatoire, et qu’ensuite chacune des ARS complèterait en tenant compte du contexte régional.

Sur l’ensemble de ces défis, la présente proposition de loi permet d’apporter quelques éléments de réponse à travers le renforcement des programmes d’action mis en œuvre dans les aires d’alimentation des captages, l’interdiction de l’usage de pesticides de synthèse et d’engrais azotés minéraux dans les aires d’alimentation des captages associés à des points de prélèvements sensibles et la définition d’une liste nationale de contrôle de la recherche de métabolites de pesticides, qui peut être complétée au regard des circonstances locales, et enfin l’amélioration de la transmission des informations entre les autorités compétentes.

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   EXAMEN DES ARTICLES

Adopté par la commission avec modification

 

Cet article renforce les programmes d’action qui peuvent être mis en œuvre par les autorités administratives compétentes dans les aires d’alimentation des captages (AAC), via l’instauration de plans d’actions obligatoires visant à préserver la qualité de l’eau. Il prévoit par ailleurs une interdiction de l’usage de pesticides de synthèse et d’engrais azotés minéraux dans les aires d’alimentation des captages associés à des points de prélèvements sensibles, à l’exception des produits de biocontrôle et de ceux autorisés en agriculture biologique.

  1.   UN ÉTAT DE POLLUTION DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION HUMAINE QUI APPARAÎT DE PLUS EN PLUS PROBLÉMATIQUE
    1.   DE PLUS EN PLUS DE CAPTAGES SONT FERMÉS EN RAISON DE POLLUTIONS DIFFUSES OU CONTINUENT D’ÊTRE EXPLOITÉS ALORS QU’ILS DÉPASSENT LES SEUILS MAXIMAUX RECOMMANDÉS DE POLLUTION

Notre pays a besoin de 31 milliards de m3 d’eau par an pour les différents usages pour lesquels elle est indispensable. Ces vingt dernières années, le volume d’eau douce renouvelable annuel a baissé de 14 %. Ainsi, la disponibilité de cette ressource est aujourd’hui de plus en plus remise en question sous l’effet du dérèglement climatique. Les ressources en eau douce sont par ailleurs menacées par différentes pollutions diffuses, ponctuelles ou émergentes. Selon les données obligatoires transmises par la France à la Commission européenne en 2019, lors du dernier rapportage prévu au titre de la directive 2000/60/CE, dite directive-cadre sur l’eau (DCE), seulement 45 % des eaux de surface et 70 % des eaux souterraines sont en bon état chimique.

Cette situation fait peser une menace directe sur l’eau prélevée par les captages d’eau destinée à la consommation humaine (EDCH). Les captages d’eau sont les ouvrages de prélèvement qui exploitent une ressource en eau, superficielle – rivière, lac – ou souterraine – nappe phréatique. L’eau prélevée – appelée eau brute – sert notamment à la production d’eau potable après une étape de purification. On compte actuellement environ 33 000 captages utilisés pour l’alimentation en eau potable en France, sur lesquels sont prélevés 18 millions de m3 d’eau par jour pour produire des EDCH. Deux tiers sont prélevés en eaux souterraines et un tiers en eaux superficielles.

En 2023, selon le ministère de la santé, qui publie ces informations à travers la base de données du système d’information des services Santé-Environnement Eau (SISE-Eau), seulement 74,7 % de la population est alimentée par de l’eau conforme en permanence aux limites de qualité pour les pesticides et leurs métabolites (0,1 microgramme par litre -« µg/l »- par molécule considérée pertinente et 0,5 µg/l pour la somme de substances pertinentes mesurées). Depuis 2020, grâce à l’amélioration de la surveillance, de nouvelles molécules, probablement présentes dans les eaux depuis de nombreuses années, ont pu être détectées, entraînant des dépassements de la limite de qualité et donc des eaux non conformes. Ce chiffre pourrait donc à l’avenir être encore revu à la baisse.

La qualité de l’eau distribuée au robinet du consommateur dépend ainsi d’une part de la qualité de l’eau de la rivière ou de la nappe souterraine dans laquelle l’eau est prélevée, d’autre part des traitements effectués après le prélèvement. Il est donc nécessaire de préserver la qualité de la ressource en amont du prélèvement afin de réduire le degré de traitement nécessaire pour sa potabilisation.

Or, la situation des captages ne cesse de se dégrader. L’eau produite à partir de nombreux captages fait ou pourrait faire l’objet de restrictions, voire d’interdiction de consommation, pour tout ou partie de la population d’un territoire, en raison notamment des taux de métabolites de pesticides. Sur la période 1980‑2024, près de 14 288 captages d’eau potable ont été fermés. Votre rapporteur souligne que la première cause d’abandon incombe à la dégradation de la qualité de la ressource en eau (32,1 % des situations). Parmi les captages abandonnés, 41 % le sont du fait de teneurs excessives en nitrates et/ou en pesticides. Selon la direction de l’eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, auditionnée par votre rapporteur, dès lors que l’on regarde l’ensemble des normes sanitaires concernant les eaux distribuées, près de 7 000 captages ont fait l’objet d’au moins un dépassement des normes maximales sur les 33 000 captages existants au cours des cinq dernières années.

Or, seuls les captages les plus affectés par des pollutions diffuses font l’objet, depuis 2009, d’un suivi national, qui n’entraîne d’ailleurs pas nécessairement d’actions correctives ou préventives. Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 2022-2027 répertorient ainsi 1 398 captages prioritaires, soit une augmentation de 24 % par rapport aux SDAGE précédents. Cette liste devrait encore être élargie lorsqu’un arrêté interministériel aura défini la méthode pour déterminer les points de prélèvement sensibles, conformément aux exigences de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

  1.   UN COÛT CROISSANT POUR LA SOCIÉTÉ

Les métabolites de pesticides que l’on retrouve dans l’eau posent un double problème de flux et de stock. Certaines molécules persistantes sont retrouvées de nombreuses années après que leur commercialisation ait été abandonnée, telle que l’atrazine (interdite en 2003 dans l’Union européenne et pourtant encore très présente dans l’eau destinée à la consommation humaine). À l’heure actuelle, environ 450 substances actives sont approuvées au sein de l’Union européenne dont 300 autorisées dans les produits phytopharmaceutiques commercialisés en France. Chaque substance active est susceptible de produire un nombre variable de produits de transformation, estimé entre 2 et 10 par substance active, dont une proportion indéfinie peut comporter un risque sanitaire pour le consommateur.

Après avoir été sanctionnée trois fois par la Cour de justice de l’Union européenne entre 2001 et 2014 pour non-respect de la directive « Nitrates », la France a de nouveau été rappelée à l’ordre par la Commission européenne pour « des quantités excessives de nitrates », plus de 50 mg/l, dans son eau potable en février 2023. La surface nationale des zones polluées (dites « vulnérables ») ne cesse de progresser, atteignant un taux de 73 % de la surface agricole utilisée (SAU) française. Une zone vulnérable est une partie du territoire où la pollution des eaux par le rejet direct ou indirect de nitrates d’origine agricole et d’autres composés azotés (dont la dégradation des engrais) susceptibles de se transformer en nitrates, menace à court terme la qualité des milieux aquatiques et plus particulièrement l’alimentation en eau potable. La Bretagne est classée zone vulnérable dans son intégralité depuis le début de l’application de la directive précitée en France, en 1994. L’ensemble du bassin Artois-Picardie a été classé vulnérable à son tour en 2021. Dans les bassins Seine-Normandie et Adour-Garonne, cette part atteint 90 %.

Face à ce constat d’insuffisance de la politique de protection des captages, une accélération de la mise en œuvre de plans et programmes d’action plus ambitieux est indispensable. Attendre fait subir à l’ensemble des financeurs et aux consommateurs d’eau une période de « double peine » consistant à payer en même temps les actions curatives devenues indispensables à court terme et les actions préventives nécessaires pour l’avenir. En effet, plus la qualité de l’eau brute prélevée est dégradée, plus les traitements sont coûteux, ce qui pose des problèmes à de nombreuses collectivités. On évalue le coût des traitements entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros pour les pesticides et engrais azotés minéraux. Cependant, ces chiffres sont très probablement sous-évalués, car ils n’ont pas été réactualisés depuis plus de dix ans et qu’ils ne prennent pas en compte les dépenses de santé induites par les maladies chroniques. Globalement le coût de la réparation serait trois fois supérieur au coût de la prévention. C’est pourquoi votre rapporteur estime nécessaire de faire davantage contribuer les fabricants de produits phytosanitaires, qui font déjà l’objet d’une taxe sur leur chiffre d’affaires, dont le taux est fixé à 0,9 % aujourd’hui.

  1.   LA RÉGLEMENTATION ACTUELLE AUTOUR DE LA PROTECTION DES CAPTAGES ET LES ÉVOLUTIONS PROPOSÉES
    1.   UNE PROTECTION JURIDIQUE ENCORE LACUNAIRE, QUI PEINE À PRODUIRE DES EFFETS

La protection des ressources en eau destinées à produire des EDCH relève de deux procédures distinctes et de quatre codes différents ([5]).

Le plus ancien des dispositifs réglementaires de protection des captages utilisés pour l’approvisionnement en eau potable est celui des périmètres de protection du captage (PPC) rendu obligatoire par la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution pour tous les nouveaux captages et étendu à l’ensemble des captages existants par la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, via l’article L. 1321-2 du code de la santé publique.

Ces périmètres sont principalement destinés à assurer la protection de la ressource prélevée contre des pollutions ponctuelles et accidentelles susceptibles de survenir dans le voisinage immédiat du captage, à assurer un contrôle des activités, notamment celles classées au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Dans certains cas, ils peuvent aussi comporter des dispositions pour se prémunir contre les pollutions diffuses menaçant directement le captage.

Sur la base d’une étude du contexte hydrogéologique (et/ou hydrologique) fournie par la collectivité, les périmètres de protection sont délimités après avis d’un hydrogéologue agréé en matière d’hygiène publique. La délimitation de ces périmètres et les prescriptions adoptées, afférentes aux différents périmètres, sont fixées après enquête publique dans un arrêté préfectoral de déclaration d’utilité publique (DUP). L’instruction administrative de cette procédure est assurée par les agences régionales de santé (ARS).

Différents périmètres de protection sont mis en place :

– le périmètre de protection immédiat (PPI) : il correspond à l’environnement proche du point d’eau. Il est acquis par la collectivité en pleine propriété, est clôturé et toute activité autre que celle de l’entretien de l’ouvrage y est interdite ;

– le périmètre de protection rapprochée (PPR) : il correspond à la zone qui influe le plus sur la qualité des eaux captées. Son but est de protéger le captage des risques de pollution de proximité. Les différentes activités peuvent être réglementées voire interdites dans ce périmètre ;

– le périmètre de protection éloignée (PPE) : ce périmètre est facultatif. Il peut renforcer la protection du captage, notamment contre des substances chimiques. Les activités ou les stockages à risque peuvent être réglementés à l’intérieur de ce périmètre.

En 2019, selon l’Office français de la biodiversité ([6]), seuls 76,5 % des captages actifs (représentant près de 85 % des débits autorisés) étaient protégés. 77 % des captages en eaux souterraines faisaient l’objet d’une protection, contre 64 % pour les captages en eaux de surface. La majorité des captages non protégés ou à abandonner se situaient dans le sud, le centre-ouest et le pourtour sud de l’Île‑de-France.

À partir de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « loi LEMA », la prise en compte des problématiques de pollutions diffuses s’est également traduite par la mise en place de mesures de protection sur un nouveau périmètre dénommé l’aire d’alimentation du captage (AAC).

Sous cette appellation sont alors considérées l’ensemble des surfaces contribuant à l’alimentation du captage ou, autrement dit, l’ensemble des surfaces où toute goutte d’eau tombée au sol est susceptible de parvenir jusqu’au captage, que ce soit par infiltration ou par ruissellement. En vertu de cette définition, la délimitation de l’AAC doit a minima inclure les différents niveaux de périmètres de protection et venir s’articuler avec les dispositifs de protection déjà existants de manière cohérente et complémentaire. Les personnes responsables de la production et de la distribution des eaux (PRPDE) peuvent ainsi engager des études pour délimiter les AAC, et réaliser un diagnostic territorial des enjeux environnementaux, sociaux et économiques, des filières et des acteurs, en complément du diagnostic territorial des pressions et émissions agricoles. À partir de ce diagnostic, un plan d’action pour reconquérir la qualité de l’eau peut être établi. Toutefois, la délimitation d’AAC et de plans de protection n’est pas obligatoire et donc de nombreux captages en sont dépourvus à l’heure actuelle, y compris lorsque ces captages sont associés à des points de prélèvement sensibles.

Si les actions volontaires visant à lutter contre les pollutions diffuses ne sont pas suffisantes ou si le taux de pollution dépasse le maximum réglementaire, les articles L. 211-3 du code de l’environnement et R. 114-1 à R. 114-10 du code rural et de la pêche maritime permettent au préfet de délimiter une zone soumise à contraintes environnementales (ZSCE) dans une AAC et d’établir sur cette zone un programme d’actions pour reconquérir la qualité de l’eau. Le programme d’action de la ZSCE a une durée de trois ans. Le préfet peut rendre obligatoires certaines mesures, dans les délais et les conditions qu’il fixe par arrêté. Il s’agit notamment de limiter ou d’interdire certaines occupations des sols et l’utilisation d’intrants de synthèse. Toutefois, là encore, selon une enquête de Chambres d’agriculture de France, réalisée en 2019, seulement un quart des plans d’action finalisés sur des AAC de captages prioritaires étaient mis en œuvre dans le cadre d’une ZSCE. L’outil de la ZSCE repose en effet sur une initiative du préfet et l’expérience montre qu’il n’est pas toujours enclin à le mobiliser, en particulier lorsque d’autres enjeux, notamment économiques, entrent en ligne de compte. Cela suppose par ailleurs qu’une AAC ait été préalablement mise en place à l’initiative d’une collectivité.

Plus récemment, la notion de « points de prélèvements sensibles » a été introduite au sein de l’article L. 211-11-1 du code de l’environnement, par l’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, qui transpose la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. L’article L. 211-11-1 prévoit ainsi que lorsque les résultats d’analyse de la qualité de l’eau issue d’un point de prélèvement font apparaître, pour les paramètres définis par arrêté des ministres chargés de l’environnement et de la santé, des niveaux excédant des seuils fixés par ce même arrêté, le point de prélèvement est regardé comme sensible. Dans sa stratégie Ecophyto 2030, le Gouvernement alors en exercice annonçait la publication de l’arrêté interministériel « courant 2024 ». Pourtant, en ce début d’année 2025, votre rapporteur constate que cet arrêté n’a toujours pas été publié. Certains SDAGE ont parfois pris les devants et ont défini leurs propres seuils pour les points de prélèvement « sensibles à la pollution diffuse », qui correspondent par exemple, pour le SDAGE Seine-Normandie, aux points dépassant le seuil de risque correspondant à 75 % de la norme pour l’alimentation en eau potable pour les pesticides, à savoir 0,08 μg/l pour un pesticide ou 0,4 μg/l pour la somme de ces pesticides, et à 40 mg/l pour les nitrates. Votre rapporteur considère toutefois essentiel de parvenir rapidement à une définition harmonisée au niveau national à travers la publication de cet arrêté.

Enfin, la légitimité des PRPDE à agir sur les AAC a été renforcée par la directive 2020/2184 précitée qui les oblige désormais à déployer des plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) pour garantir la qualité de l’eau de la ressource jusqu’au robinet du consommateur. Le PGSSE consiste en une approche globale visant à garantir en permanence la sécurité sanitaire des ECDH. Cette stratégie générale de gestion préventive et d’anticipation est promue par l’Organisation mondiale de la santé depuis 2004. Elle se traduira pour les collectivités par une obligation de mise en œuvre fixée au plus tard à juillet 2027, pour les captages, ou janvier 2029, pour la production et la distribution de l’eau. Cependant, ces plans n’impliqueront pas nécessairement la mise en œuvre d’AAC ou d’interdiction d’implantations ou d’activités à proximité des captages. En l’état actuel du droit, ils pourraient se révéler insuffisants.

  1.   LES APPORTS DE LA PROPOSITION DE LOI

Le présent article modifie d’abord les dispositions du 7° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement, qui prévoient que l’autorité administrative compétente peut encadrer par un programme d’actions, dans les aires d’alimentation des captages associées à des points de prélèvement sensibles (définis à l’article L. 211-11-1 du code de l’environnement), les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagements ou occupations du sol de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux. Il prévoit notamment que ces programmes d’action doivent nécessairement concerner les pratiques agricoles, en limitant ou interdisant, le cas échéant, certaines occupations des sols et l’utilisation d’intrants. Les modifications proposées consistent également à indiquer que le programme d’actions mis en œuvre devra se traduire par des obligations pour les acteurs concernés.

Le présent article modifie également le V de l’article L. 211-3 du code de l’environnement. Il dispose que lorsqu’une autorité administrative responsable de la production ou de la distribution d’eau prévoit la mise en place d’une aire d’alimentation des captages mais ne parvient pas à la définir, notamment autour des PPS, le préfet doit la délimiter lui-même.

Du sixième au huitième alinéas, le présent article prévoit enfin que, à l’intérieur des aires d’alimentation des captages associés à des points de prélèvement sensibles, il est interdit d’utiliser ou de faire utiliser des engrais azotés minéraux et les produits phytopharmaceutiques de synthèse mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime. L’interdiction ne s’applique toutefois pas aux produits de biocontrôle mentionnés à l’article L. 253-6 du même code et figurant sur la liste mentionnée au IV de l’article L. 253-7 dudit code et aux produits autorisés en agriculture biologique, au sens de l’article L. 641-13 du même code. Un délai de trois ans est laissé, à compter de la promulgation de la présente loi, pour la mise en œuvre de cette mesure.

  1.   les travaux de la commission

La commission a adopté un amendement CD22 de M. René Pilato (LFI-NFP) qui modifie l’article L. 511‑3 du code rural et de la pêche maritime en prévoyant que, lorsque les collectivités font appel à une chambre d’agriculture sur des projets relatifs à l’agriculture et à la protection de l’environnement, l’avis de cette dernière doit être appuyé par un conseiller en agriculture de conservation des sols.

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Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article prévoit un renforcement du contrôle de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine par l’intégration de la recherche de métabolites de pesticides inclus sur une liste nationale de contrôle, qui peut être complétée au regard des circonstances locales. Il accentue aussi la transmission des informations de l’ANSES auprès des ARS, chargées du contrôle de la qualité de l’eau.

  1.   LES SUBSTANCES POLLUANTES DES EAUX SOUFFRENT ENCORE D’UN DÉFAUT DE REPÉRAGE
    1.   LES CONTRÔLES OBLIGATOIRES EN MATIÈRE DE MÉTABOLITES DE PESTICIDES

Le suivi sanitaire de l’eau comprend à la fois la surveillance exercée par la personne responsable de la production et de la distribution de l’eau (PRPDE) et le contrôle sanitaire mis en œuvre par les agences régionales de santé (ARS).

Pour les PRPDE, la surveillance se traduit par une vérification régulière des mesures prises pour protéger la ressource utilisée, une vérification du fonctionnement des installations et la réalisation d’analyses effectuées en différents points en fonction des dangers identifiés dans le système de production et de distribution de l’eau. L’ensemble des informations ainsi collectées est consigné dans un fichier sanitaire, qui est le support du suivi de l’exploitation.

Le contrôle sanitaire mis en œuvre par les ARS comprend la réalisation d’un programme de prélèvements et d’analyses d’eau en différents points des installations de production et de distribution d’eau, l’expertise sanitaire des résultats d’analyses, l’inspection des installations de production et de distribution d’eau, la prise de décision relative aux mesures de l’administration (autorisations, gestion des non-conformités, etc.) et le contrôle de la surveillance exercée par la personne responsable de la production et distribution de l’eau.

La fréquence du contrôle sanitaire varie en fonction du volume d’eau distribué par les installations de production et du nombre de personnes alimentées par le réseau de distribution. Chaque année, le programme du contrôle sanitaire réalisé au niveau des captages des stations de production d’eau potable et au robinet du consommateur se traduit, pour la France entière, par la réalisation de plus de 325 000 prélèvements d’échantillons d’eau conduisant au recueil de plus de 18 millions de résultats analytiques.

Les prélèvements et les analyses portent, en application des dispositions de la directive européenne 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et du code de la santé publique, sur des paramètres microbiologiques, physico-chimiques ou radiologiques afin de s’assurer que les eaux sont conformes aux exigences de qualité réglementaires et ne présentent pas de risque pour la santé des consommateurs.

  1.   DES ANALYSES PLUS ÉTENDUES PAR LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE

La surveillance de l’état chimique des eaux est également assurée, au niveau territorial, par les agences de l’eau sur la base d’un réseau de stations réparties sur l’ensemble du territoire et représentatives des différents types de masses d’eau souterraines et de surface. Les modalités de la surveillance (éléments de qualité à surveiller, méthodes à utiliser, fréquence de prélèvement) sont définies par un arrêté pris en application de l’article R. 212-22 du code de l’environnement. Au niveau européen, la liste des substances dont la surveillance est obligatoire est révisée tous les six ans. Elle contient actuellement 18 substances actives pesticides (phytosanitaires et biocides) pour les eaux souterraines et 11 substances pour les eaux de surface, mais aucun métabolite. Les données recueillies par les États membres sont rapportées tous les six ans à la Commission européenne. L’arrêté du 26 avril 2022 établissant le programme de surveillance de l’état des eaux inclut plus de molécules que celles dont le suivi est imposé par la directive-cadre sur l’eau. Il prévoit le suivi de 21 pesticides au titre de l’état chimique dans les eaux de surface, auxquels s’ajoutent 12 pesticides polluants spécifiques de l’état écologique. Pour les eaux souterraines, l’arrêté impose le suivi de 50 pesticides ou métabolites une à deux fois par an sur les stations du réseau de surveillance. Les analyses chimiques doivent être réalisées par des laboratoires agréés. Les résultats d’analyses sont enregistrés dans les banques de données nationales, Ades pour les eaux souterraines, et Naïades pour les eaux superficielles.

Dans la pratique, les agences de l’eau peuvent suivre un nombre plus important de molécules, soit qu’elles aient pris l’initiative d’ajouter des molécules à celles prévues par la réglementation, soit que le laboratoire d’analyse avec lequel elles ont contractualisé en propose gracieusement d’autres. Sur l’ensemble des bassins, ce sont ainsi jusqu’à environ 650 molécules de pesticides et de métabolites qui bénéficient d’un suivi, soit une forte augmentation depuis le début des années 2000. Les agences réalisent également des campagnes de suivi des polluants émergents de toute nature (PFAS, médicaments, perturbateurs endocriniens, résidus d’explosifs, biocides, bromures). De fait, les listes de molécules surveillées dans les eaux brutes par les agences de l’eau sont plus larges que celles du contrôle sanitaire des ARS dans la plupart des régions. Cela permet d’assurer une veille des risques émergents (pesticides et métabolites nouvellement identifiés) ou potentiels (substances autorisées dont les ventes sont susceptibles d’évoluer).

En 2023, trois principales molécules sont à l’origine des dépassements de la limite de qualité et de non-conformités. Il s’agit du métabolite R. 471811 du chlorothalonil, et des métabolites de la chloridazone (chloridazone désphényl et chloridazone méthyl désphényl). L’amélioration de la surveillance a permis de mettre en évidence des molécules probablement présentes dans les eaux depuis de nombreuses années. Pour le métabolite chlorothalonil R. 471811, il convient toutefois de noter qu’à la suite d’une nouvelle expertise de l’Anses en avril 2024, tenant compte des dernières connaissances scientifiques, ce métabolite n’est plus considéré comme pertinent.

Les recherches de pesticides ou de métabolites souffrent toutefois d’une transmission insuffisante des informations détenues par l’Anses, qui autorise les mises sur le marché des produits, aux ARS, chargées du contrôle de la qualité de l’eau. Votre rapporteur note cependant que les moyens humains que l’Anses affecte aux travaux d’expertise sur les pesticides, au sein de l’unité d’évaluation des risques liés à l’eau, sont limités à environ 1,5 ETP. Pour les expertises externes, l’Anses s’appuie sur 3 à 4 experts rapporteurs toxicologues pour l’ensemble des travaux (en complément des experts membres de ses collectifs). Un seul ETP est affecté aux travaux de recherche sur les métabolites de pesticides au laboratoire d’hydrologie de Nancy.

Cette insuffisance de moyens se traduit aussi par de fortes disparités entre les territoires, s’agissant du contrôle par les ARS. Si le choix de laisser aux ARS le soin d’élaborer la liste des molécules à suivre au titre du contrôle sanitaire se justifie compte tenu de la diversité des systèmes agricoles, une mission conduite conjointement par l’Inspection générale des affaires sociales, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable, portant sur la prévention et la maîtrise des risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l’eau destinée à la consommation humaine ([7]), recommandait l’élaboration d’une liste socle de molécules au niveau national, dont le suivi serait obligatoire, et qu’ensuite chacune des ARS la complète en tenant compte du contexte local. En outre, la mise à disposition et l’utilisation par les ARS des informations produites par les agences de l’eau ou les PRPDE peut être améliorée. Il s’agit pour les ARS d’actualiser plus rapidement cette liste et d’y intégrer de nouvelles molécules détectées au-delà du seuil réglementaire par avenant aux marchés d’analyse du contrôle sanitaire.

  1.   LA CRÉATION D’UNE LISTE NATIONALE DE CONTRÔLE PAR LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI

Le présent article prévoit de modifier l’article L. 1321-5 du code de la santé publique en insérant l’obligation de créer une liste nationale de contrôle de la présence de métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine. Cette liste serait établie par le ministre chargé de la santé, auquel il conviendrait certainement d’associer l’Anses et les agences de l’eau.

L’introduction de cette obligation inclut également le contrôle de la présence de métabolites de pesticides dont la recherche est justifiée au regard des circonstances locales d’utilisation et des quantités vendues de produits phytopharmaceutiques dans le département, ainsi que des informations obtenues dans le cadre de la réalisation des missions de l’Anses. Ces critères, a priori cumulatifs, pourraient être évalués de manière indépendante puisque chacun d’entre eux constitue un motif de vigilance.

  1.   les travaux de la commission

La commission a adopté quatre amendements modifiant l’article 2. Elle a d’abord adopté un amendement CD3 de M. Fabrice Barrusseau (SOC) qui vise à garantir une révision annuelle de la liste nationale de contrôle de la présence de métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine. Elle a ensuite adopté un amendement CD10 de M. Olivier Serva (LIOT) qui prévoit l’établissement d’une liste spécifique des molécules et métabolites de pesticide à rechercher pour les départements, régions et collectivités d’outre-mer. Elle a également adopté un amendement CD29 de M. René Pilato (LFI-NFP), qui permet de considérer les critères justifiant d’une recherche locale plus poussée de certains métabolites de pesticide de manière alternative plutôt que cumulative, afin d’en élargir le champ.

Enfin, la commission a adopté un amendement CD30 de M. Fabrice Barrusseau (SOC) qui supprime le critère des informations obtenues par l’Anses, dans le cadre de ses analyses, pour justifier d’une recherche locale plus approfondie. Ce dernier amendement avait vocation à compléter un autre amendement, CD2, qui a été rejeté par la commission, dont l’objectif était de transférer la responsabilité de l’élaboration de la liste à l’Anses plutôt qu’au ministère de la santé. Votre rapporteur déposera un amendement de coordination en séance.

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Créé par la commission

 

L’article 3, créé par votre commission, vise à augmenter le taux appliqué de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques redevable par les détenteurs d’une autorisation de mise sur le marché (AAM) sur leur chiffre d’affaires des ventes de produits réalisés en France.

  1.   La taxe actuelle est fixée à un montant très inférieur au plafond

Créée par la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, la taxe instituée à l’article L.253-8-2 du code rural et de la pêche maritime au titre des produits phytopharmaceutiques est à déclarer et payer auprès de la direction générale des finances publiques. Cette taxe était jusqu’en 2021 déclarée annuellement auprès de l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). Le taux actuel de la taxe, établi par le Gouvernement, est de 0,9 % depuis l’arrêté du 27 février 2020 fixant le taux de la taxe sur la vente de produits phytopharmaceutiques. Son rendement prévisionnel pour l’année 2025 est évalué à 4,179 millions d’euros, soit un montant bien faible au regard des 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires de l’industrie phytopharmaceutique.

  1.   le dispositif adopté par la commission

Le présent article, issu d’un amendement CD16 de Mme Julie Laernoes (EcoS) et plusieurs de ses collègues, vise à augmenter le taux de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques dont sont redevables les détenteurs d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) sur leur chiffre d’affaires des ventes de produits réalisés en France.

Il modifie à cette fin le IV de l’article L. 253‑8‑2 du code rural et de la pêche maritime en remplaçant le plafond, fixé actuellement à 3,5 %, pour le transformer en plancher. Compte tenu de la taxation actuelle à 0,9 %, cela représente une augmentation de 2,6 % de la taxe.

Il est toutefois précisé que cette augmentation du taux ne concerne pas les produits de biocontrôle figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 253‑5 du même code.


   examen en commission

Lors de sa réunion du mardi 11 février 2025, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Raux, la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable (n° 766).

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable, que le groupe Écologiste et social a inscrite à l’ordre du jour de sa journée réservée du 20 février prochain.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. L’Aisne, l’Oise, le Calvados, la Seine-Maritime, le Pas-de-Calais, la Somme, les Ardennes, l’Aude, le Gard, la Vienne, la Gironde, l’Hérault, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres, la Nièvre : ces noms résonnent comme ceux de territoires familiers, mais ils ont un autre point commun, alarmant : ils font partie des quarante départements les plus touchés par les pollutions de l’eau.

Combien de fois avons-nous fait le vœu pieux de reconquérir la qualité de l’eau, répété notre volonté de protéger ce bien commun ? Pourtant, aucun territoire n’est épargné. La réalité est implacable. Chlorothalonil R471811, ESA-métolachlore, chloridazone desphényl, 1,4-dioxane, acide trifluoroacétique (TFA)… Derrière tous ces noms complexes se cache une vérité simple : la protection de la qualité de l’eau est un échec global, selon le rapport de la mission conduite conjointement par trois inspections ministérielles. Nous sommes déjà, à bien des égards, dans une impasse et nous allons droit dans le mur. Un conseiller départemental divers droite de Loire-Atlantique résumait ainsi la situation : « Si on ne fait rien, comme l’amiante, ça va nous exploser à la figure. »

Si nous voulons regarder la vérité en face, nous savons que des mesures urgentes s’imposent à nous de façon absolue. En 2023, près de 17 millions de Français ont consommé au moins une fois une eau contaminée par des pesticides– et il ne s’agit pas seulement d’aujourd’hui : ces substances toxiques persistent pendant des décennies et nous trouvons encore des traces de produits interdits depuis des années, à l’instar des métabolites de l’atrazine.

L’impact de ces pollutions sur la santé publique est incontestable. De nombreuses études scientifiques ont mis en évidence les liens entre l’exposition chronique aux pesticides et l’augmentation des cancers, des maladies neurologiques, des troubles hormonaux et des problèmes de fertilité. Si les études sanitaires manquent sur les effets de la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l’eau consommée, il ne fait nul doute que les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées sont particulièrement vulnérables.

Il ne s’agit donc pas d’un enjeu simplement environnemental ou économique, mais d’une crise sanitaire majeure que nous ne pouvons plus ignorer. Préserver la qualité de l’eau, c’est d’abord protéger notre santé et celle des générations futures.

Nous ne sommes pas sur la bonne voie, comme le montre le rapport d’évaluation de la directive-cadre sur l’eau rendu par la Commission européenne après six années de mesures et de surveillance. Malgré l’arsenal mis en place, il apparaît que l’objectif fixé ne sera pas atteint par les États membres. Seules 26,8 % des eaux de surface et 69 % des eaux souterraines sont en bon état chimique. Il est donc nécessaire de préserver la qualité de la ressource en amont du prélèvement afin de réduire le niveau de traitement nécessaire pour sa potabilisation.

La situation des captages d’eau potable ne cesse de se dégrader. Ainsi, depuis 1980, près de 14 300 captages ont été fermés, principalement en raison de pollutions excessives. Plus d’un tiers était contaminé par des pesticides et des nitrates. La dépollution des captages restants est extrêmement coûteuse : le coût du traitement de l’eau potable contaminée par des pesticides et des engrais azotés est ainsi estimé entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an – une somme engloutie pour ne traiter qu’une partie du problème, alors qu’elle aurait déjà pu servir à le prévenir. Or cette dépense va inexorablement s’accroître à mesure de la découverte de nouvelles molécules. Comme nous sommes de plus en plus souvent incapables de traiter l’eau polluée avec les techniques à notre disposition, nous devons faire appel à des technologies encore plus onéreuses.

Je vous le dis clairement, la pollution de l’eau empoisonne nos finances publiques et celles de nos collectivités. In fine, ce sont les usagers du service public qui paient la facture. Nous sommes face un mur d’investissements – pour le présent, s’agissant des mesures curatives inévitables pour dépolluer l’eau, et pour le futur, car il faudra un accompagnement agricole pour prévenir les contaminations à venir. Je refuse que les plus petites collectivités et les territoires ruraux soient demain les premières victimes de notre inertie, de notre inaction ou de notre lâcheté. Cela doit changer. Les élus locaux nous alertent. Nous serons moralement responsables de la dégradation silencieuse et peut-être inexorable de notre patrimoine commun.

Puisque le constat est unanime, nous ne pouvons nous en contenter. Nous devons agir. Mais l’action publique se heurte à deux limites fondamentales.

Premièrement, le cadre juridique est lacunaire et confus. Les périmètres de protection des captages ne sont pas systématiquement instaurés. Les aires d’alimentation des captages (AAC) ne couvrent que 60 % des captages prioritaires, et beaucoup n’ont toujours pas de programme d’actions. Quant aux zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE), elles ne peuvent exister que si une AAC a été délimitée et si un préfet en prend l’initiative ; elles ne sont donc pas systématiques, et parfois pas ou peu contraignantes. Or, nous le constatons, les démarches volontaires ne suffisent plus.

L’article 1er propose donc un saut qualitatif. Il instaure des programmes d’actions obligatoires visant à préserver la qualité de l’eau dans les AAC, et interdit l’usage des pesticides de synthèse et des engrais azotés minéraux dans les AAC associées à des points de prélèvement sensibles. L’arrêté qui définira ces derniers doit d’ailleurs être publié de toute urgence.

Un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi est évidemment prévu pour laisser aux agriculteurs le temps de s’adapter à ces dispositions et de s’engager dans des dispositifs d’accompagnement. Je le dis ici avec force, ces mesures doivent être mises en place avec eux, jamais contre eux.

Il n’y a pas un modèle unique d’aide et d’accompagnement de l’agriculture. Les dispositifs, nombreux, sont souvent insuffisants et parfois complexes : paiement pour services environnementaux, mesures agroenvironnementales et climatiques, filières à bas niveau d’intrants, conversion à l’agriculture biologique, action foncière… Je fais confiance aux acteurs de terrain pour être les meilleurs alliés de la transition agroécologique. Si l’action est insuffisante, c’est par manque de décisions politiques appropriées, mais aussi de moyens humains et financiers.

La seconde difficulté majeure est que nous naviguons un peu à l’aveugle pour détecter les métabolites de pesticides. On ne trouve pas ce qu’on ne cherche pas ! D’ailleurs, cherche-t-on correctement ?

Pour les eaux destinées à la consommation humaine, la France ne dispose toujours pas, au niveau national, d’une liste socle des métabolites, ce qui entraîne de grandes disparités territoriales. Je me refuse à ce que certains territoires soient laissés pour compte.

Selon un rapport de l’association Générations futures, 71 % des métabolites de pesticides à risque pour les eaux ne sont même pas contrôlés. Cela signifie que nous ignorons probablement l’ampleur réelle du problème.

Vous le savez, les limites de qualité réglementaires sont anachroniques et ne résultent pas de considérations sanitaires. En outre, elles ne permettent pas de prendre en compte les potentiels effets cocktail ; or s’il s’agit là d’une question fondamentale pour garantir la santé publique.

Bien que cela ne soit pas l’objet de cette proposition de loi, j’en appelle à une refonte des conditions d’autorisation de mise sur le marché des produits. Les principes de précaution et d’indépendance doivent être des mètres étalons. Il ne faut pas que nous regrettions et payions demain ce que nous avons autorisé hier sans toujours savoir ce que nous faisions.

La direction générale de la santé et les agences régionales de santé (ARS) se sont positionnées en faveur de l’élaboration, au niveau national, d’une liste socle des métabolites, ainsi que le propose l’article 2 du présent texte, qui prévoit aussi la possibilité d’adaptations locales tenant compte des réalités du terrain.

Dans mes échanges avec les différents groupes de notre assemblée, j’ai pu observer un intérêt partagé pour ce sujet. Les différents amendements déposés méritent un débat de qualité. De même, la protection de la qualité de l’eau mérite des actes, du pragmatisme et du courage politique, comme l’a dit récemment Thierry Burlot, le président du Cercle français de l’eau.

Nous avons aujourd’hui une responsabilité collective et morale, mais si nous ne votons pas ce texte, nous aurons demain une responsabilité individuelle : nous devrons expliquer à nos concitoyens pourquoi l’eau du robinet n’est plus disponible ou consommable.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Sébastien Humbert (RN). Cette proposition de loi, plutôt à charge, se trompe de cible. On y lit en filigrane que la responsabilité de la pollution des eaux souterraines incomberait spécifiquement aux activités agricoles. Or, dans les faits, les agriculteurs ont réalisé de nombreux efforts, dans le cadre notamment des plans Écophyto, pour réduire leurs externalités négatives sur la qualité des eaux. Il convient par ailleurs de réaffirmer et d’appliquer un principe clair : pas d’interdiction de produit phytosanitaire sans solution de substitution. Ainsi, entre 2000 et 2020, la présence de polluants dans les eaux de notre pays a diminué en moyenne de 50 %.

Vouloir régler le problème de la pollution de l’eau potable en n’agissant qu’en amont de son traitement tout en laissant penser que l’eau distribuée aux consommateurs serait affectée par une concentration élevée de produits toxiques, cela ne correspond pas à la réalité.

La France et ses collectivités se sont dotées de solutions de dépollution. Au sein des unités de traitement de l’eau, des technologies recourant au charbon actif permettent même de capter certains polluants éternels, tels que les substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (PFAS), par absorption. Plutôt que de stigmatiser indirectement une profession, il serait plus logique d’accompagner plus efficacement les collectivités en les aidant à moderniser leurs unités de traitement de l’eau potable.

J’ajoute que la sécurité de l’eau distribuée aux Français est garantie et fait d’ailleurs l’objet d’un suivi régulier. Pour préserver ce niveau de qualité dans les aires de captage d’eau les plus sensibles, de nombreux agriculteurs ont fait le choix, pour une rémunération moindre, de s’astreindre à des mesures agroenvironnementales et climatiques au cahier des charges strict.

Au demeurant, ce texte ne traite pas du risque potentiel majeur – mais non mesuré – lié à l’implantation des énergies dites renouvelables. Les projets éoliens et photovoltaïques se multiplient, y compris dans le périmètre des AAC, emportant des risques d’infiltration de matières et substances toxiques et un danger encore plus élevé en cas de détérioration de ces matériels. Le principe de précaution devrait être la norme, en l’absence de littérature scientifique sur le sujet. Nous souhaitons d’ailleurs que le gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l’impact environnemental des énergies renouvelables sur la ressource en eau en France. Je regrette que mon amendement en ce sens ait été injustement déclaré irrecevable, alors qu’une telle étude apparaît indispensable.

Si l’article 1er s’apparente à un règlement de comptes idéologique à l’encontre de nos agriculteurs, l’article 2 peut trouver une forme d’utilité, dans la mesure où il prévoit un renforcement du contrôle de la qualité de l’eau par une recherche plus poussée. Il convient toutefois que ces données soient largement partagées avec les décideurs locaux ; c’est pourquoi nous proposons qu’elles soient transmises aux observatoires de l’eau existant à l’échelle départementale ou régionale.

Je note enfin que vous avez omis d’auditionner les représentants des professions agricoles. Cela montre tout votre parti pris et votre démarche politicienne et sectaire.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il devient urgent de préserver la qualité de l’eau potable. En effet, un rapport interministériel réalisé conjointement par l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux fait état d’un bilan alarmant. Publié en juin 2024, il souligne l’échec global des actions visant à préserver des pesticides l’eau destinée à la consommation. Il préconise d’interdire en urgence l’usage de ces substances dans les aires de captage d’eaux souterraines les plus polluées. Alors que les gouvernements successifs ont toujours refusé de prendre des mesures coercitives, ce rapport d’inspection signe l’échec des politiques d’accompagnement.

Dans le bassin Seine-Normandie, 378 captages ont été identifiés comme prioritaires car soumis à des pollutions, mais seulement dix ont fait l’objet de mesures contraignantes. Buvons, braves gens, et acceptons la pollution de nos corps ! Rappelons que la pollution de l’eau contribue à la multiplication des cancers, qui affectent de plus en plus les plus jeunes de nos concitoyens.

La contamination de certaines nappes date de 1993, lorsque des embouteilleurs comme Nestlé ont commencé à utiliser des traitements non conformes – ce qu’ils ont fait jusqu’en 2024, année où le scandale a éclaté. J’ai déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur cette tromperie du consommateur, qui a bénéficié de la complicité de l’État. Le scandale est toujours en cours.

En 2020, la Cour des comptes soulignait l’échec des plans Écophyto, malgré la mobilisation de fonds publics importants, et appelait l’État à influer sur les modes de production des filières.

On se heurte au même constat d’échec dans la lutte contre les nitrates. La Bretagne, entièrement classée zone vulnérable en 1994, l’est toujours aujourd’hui. En 2021, l’ensemble du bassin Artois-Picardie a fait l’objet du même classement. Telle une maladie contagieuse, la surface nationale de zones polluées ne cesse de progresser. Ainsi, 43 % des eaux du robinet contiennent des PFAS.

Selon la grande enquête du Monde parue il y a un mois, 12 milliards d’euros par an seront nécessaires pour dépolluer les eaux des PFAS et autres TFA en France. Le coût de ces traitements se répercutera uniquement sur la facture des usagers, car nous attendons depuis des années que le gouvernement engage une réforme visant à appliquer le principe pollueur-payeur.

Notre devoir de législateur est de faire en sorte que, par la loi, l’État garantisse la sécurité sanitaire à chacun d’entre nous. Jusqu’à quand allons-nous accepter que nos corps, constitués à 65 % d’eau, soient pollués ? Les recherches sur la corrélation possible entre la pollution de l’eau et notre état de santé sont toujours soigneusement évitées, d’autant que les ressources financières et humaines qui y sont consacrées se tarissent. D’aucuns ont même tenté de supprimer l’Office français de la biodiversité dans le cadre du budget pour 2025. Heureusement, le droit de grève existe. Les intérêts privés ne doivent pas passer avant la santé publique. Ensemble, faisons mieux !

M. Fabrice Barusseau (SOC). L’eau douce est une ressource très rare sur la planète – moins de 3 % de la totalité de l’eau, dont moins de 1 % potentiellement potable. Il y a là un défi majeur pour l’humanité, et bien évidemment pour la France.

En 2020, l’Union européenne a publié une directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Ce texte va dans le bon sens mais ne suffit pas. Notre législation nationale doit avancer de son côté, en intégrant notamment dans notre système la culture du risque et de la prévention, ce qui nous permettra d’assurer une gestion résiliente de la ressource en eau.

Un rapport interministériel, commandé le 20 novembre 2023, a été remis en juin 2024 mais est à ce jour resté sans réponse. Il nous éclaire cependant quant à l’état inquiétant de la ressource et propose différentes solutions à mettre en œuvre rapidement.

Nous devons pérenniser notre eau potable, la préserver le plus longtemps possible. Ce travail commence maintenant. Il nous faut anticiper les enjeux locaux avant d’être davantage touchés par des enjeux supranationaux de gestion de la ressource. Si nous ne protégeons pas la qualité de nos zones de captage, alors nous serons dépendants en eau.

La question de la protection de la ressource en eau n’est pas seulement un sujet de consommateur, d’utilisateur ou de gestionnaire de ressources : c’est aussi un enjeu environnemental.

Nous devons avoir une approche globale de la question, c’est-à-dire prendre en compte l’ensemble des pratiques, des usages, et donc des acteurs. Dans cet écosystème, le rôle du monde agricole est particulièrement important. Les agriculteurs sont au plus près des zones de captage et ce sont eux qui, parfois, en s’interdisant d’utiliser certains produits en dépit de leurs avantages économiques, agissent pour le maintien ou le développement d’une eau potable de qualité. Mais ils sont aussi tiraillés entre nécessité écologique et besoins économiques. Afin de garantir une eau potable sans intrants, nous devons leur permettre d’opérer une transition et faciliter leur prise de décision.

Enfin, la protection de notre ressource en eau potable ne saurait être efficiente sans l’action des agences et opérateurs de l’État. Ainsi, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui garantit notre sécurité sanitaire et alimentaire, mène des analyses indépendantes sur tout notre territoire. Ce n’est pas le moment de limiter ses moyens d’action.

Nous ferons donc face, dans les années à venir, à un défi collectif : celui de préserver la quantité et la qualité de l’eau douce à disposition de la population. C’est pourquoi nous soutiendrons cette proposition de loi, avec quelques amendements visant à l’améliorer.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Le rapport interministériel relatif à la présence de pesticides dans l’eau destinée à la consommation humaine dresse un constat préoccupant de la qualité de l’eau, pointant d’importants dépassements de seuils de composés nocifs dans de nombreux territoires. Ainsi, 30 % des eaux souterraines sont affectées par la présence de résidus de pesticides et une teneur trop élevée en nitrates. Un certain nombre de ces produits ont des effets dans le développement de cancers, de la maladie de Parkinson, de troubles neurologiques ou de perturbations hormonales.

La préservation de la qualité de l’eau reste une urgence, un enjeu prioritaire de santé publique. Le groupe Droite républicaine, présidé par Laurent Wauquiez, se réjouit que ce texte nous donne l’occasion d’évoquer cette question à l’Assemblée nationale. Si nous partageons l’objectif d’une meilleure protection de notre ressource en eau, nous avons quelques réserves s’agissant de la méthode retenue.

Selon l’exposé des motifs, les agriculteurs ont été progressivement rendus dépendants du recours à des produits phytosanitaires. Vous avez raison, ce ne sont pas nos agriculteurs qui ont fait le choix du mode de production intensif que l’augmentation démographique leur a progressivement imposé au siècle dernier afin que tout le monde puisse se nourrir. Ils n’ont fait qu’utiliser des produits autorisés par les autorités compétentes, françaises et européennes. Ils ne sont pas responsables des décisions qui ont été prises, et ils n’ont pas à payer aujourd’hui le prix de l’inconséquence collective d’hier. Or, si vous rappelez, dans votre exposé des motifs, la nécessité d’accompagner nos agriculteurs dans la mise en œuvre de pratiques plus saines, et si vous y évoquez des mécanismes visant à compenser les pertes liées à l’abandon des produits phytosanitaires, rien de cela ne se retrouve dans votre texte, qui se borne à interdire ces produits sans aucune discussion.

Vous l’avez compris, nous défendons nos agriculteurs, et nous pensons que la pollution de l’eau connaît bien d’autres causes que l’activité agricole. Nous ne pouvons donc pas soutenir votre texte en l’état.

Mme Julie Laernoes (EcoS). L’eau est le premier besoin vital de l’être humain. Pourtant, nous ne pouvons plus garantir à chaque citoyen français une eau potable, exempte de substances nocives. Pesticides, nitrates, perturbateurs endocriniens, PFAS : ces polluants invisibles mais bien réels se retrouvent de plus en plus dans nos verres, menaçant directement notre santé.

Les faits sont alarmants. En 2015, 96 % de la population était alimentée par une eau conforme aux limites de qualité applicables aux pesticides. En 2023, ce pourcentage est tombé à 74 % – 20 points en huit ans. Chaque année, en France, plus de 100 captages d’eau ferment en raison de la pollution.

Les scientifiques alertent depuis des années sur les conséquences sanitaires de cette contamination de l’eau, qui constitue un facteur aggravant de nombreuses maladies chroniques. Certains pesticides encore présents dans nos nappes malgré leur interdiction sont classés cancérigènes probables. Les auteurs d’un article récent sur l’origine des cancers indiquent que le nombre de cancers du sein a augmenté entre 1990 et 2023, passant de 29 934 à 61 214 cas, et que le risque de contracter la maladie a augmenté de plus de 50 % en trois décennies. Ils se demandent « Pourquoi moi ? Pourquoi nous ? » et invoquent des causes environnementales.

Dans ces conditions, comment accepter que notre eau, source de vie, devienne un facteur de risque pour notre santé ? Cette situation est extrêmement inquiétante et nécessite des actions concrètes et immédiates. Nous ne pouvons pas attendre que la situation devienne irréversible ; sinon, comme pour l’amiante, elle nous explosera à la figure.

En outre, le changement climatique accentue les tensions sur la ressource en eau, rendant sa protection encore plus cruciale.

Au-delà des conséquences sanitaires, cette pollution a aussi un coût économique considérable. Décontaminer l’eau devient de plus en plus cher pour les collectivités, qui font face à un mur d’investissements. Plus encore, cette pollution a un coût en matière de santé publique, du fait des dépenses liées au traitement des maladies chroniques provoquées par l’exposition aux substances nocives.

Le groupe Écologiste et social remercie Jean-Claude Raux d’avoir pris la mesure de cet enjeu. Cette proposition de loi prévoit des mesures fortes pour mieux prévenir la pollution, renforcer les contrôles, interdire les substances les plus dangereuses avant qu’elles ne contaminent durablement nos ressources. C’est une question de précaution, de bon sens, mais surtout de santé publique, qui mérite que nous dépassions nos clivages. C’est ce qu’ont réussi à faire l’ensemble des conseillers départementaux de Loire-Atlantique, qui ont adopté à l’unanimité un vœu en faveur de l’interdiction des pesticides sur les aires d’alimentation des captages. Faisons de même cet après-midi en soutenant avec force et conviction cette proposition de loi visant à garantir à chaque citoyen une eau potable sûre et sans danger.

M. Xavier Roseren (HOR). L’eau que nous buvons fait l’objet d’une étroite surveillance : chaque année, en France, plus de 320 000 prélèvements sont réalisés et 10,5 millions d’analyses effectuées par les autorités sanitaires. Les normes en vigueur garantissent la qualité de l’eau, puisque les taux de non-conformité sont globalement faibles et relativement stables ces dernières années, mais la surveillance et le contrôle des eaux brutes ou distribuées révèlent des concentrations élevées de pesticides et de métabolites. Si nous ne faisons rien, la contamination de l’eau potable par les pesticides ne fera que s’aggraver. La réduction des volumes d’eau dans certaines régions provoquera inévitablement une hausse de la concentration des intrants. Il est donc impératif de préserver ou de restaurer nos écosystèmes en investissant aujourd’hui dans la qualité de l’eau, afin de protéger notre santé, l’environnement, mais aussi de réduire, à long terme, les coûts liés à la dépollution.

Cependant, cela ne peut se faire qu’avec les agriculteurs, et non contre eux. Nous devons les associer pleinement à ce processus et les accompagner dans l’adoption de pratiques à faibles intrants sur les aires d’alimentation des captages. C’est le sens de la politique menée par le gouvernement, notamment dans le cadre du plan « eau ». Ce dernier prévoit en effet une adaptation de l’usage de produits phytopharmaceutiques sur les AAC de manière proportionnée et concertée.

Si le groupe Horizons et indépendants soutient évidemment l’objectif affiché par la présente proposition de loi, il n’est pas favorable à l’interdiction stricte fixée à l’article 1er. Il nous semble en effet nécessaire de respecter la trajectoire fixée dans la stratégie Écophyto 2030, négociée avec le monde agricole et dans laquelle les agriculteurs sont déjà largement engagés. Nous préférons une approche de réduction captage par captage.

Par ailleurs, si nous ne nous opposons pas à la définition d’une liste nationale de contrôle de la présence de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine, nous souhaitons que cette liste puisse ensuite être complétée en tenant compte du contexte régional. Nous aimerions qu’elle soit fixée par arrêté plutôt que par décret, car cette solution offre plus de souplesse.

Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et indépendants réserve son vote, qui dépendra de l’évolution du texte lors des débats en commission et en séance publique.

M. Olivier Serva (LIOT). L’accès à une eau propre, potable et directement consommable devrait être acquis de longue date sur le territoire français. Il s’agit d’un besoin élémentaire. Pourtant, de trop nombreux Français n’ont pas ou plus accès à ce service. C’est le cas d’une grande partie des Ultramarins. Aux Antilles, à Mayotte, en Guyane, à La Réunion, l’eau est intermittente et bien souvent contaminée.

Chez moi, en Guadeloupe, nous connaissons trop bien le problème de la pollution aux pesticides. La contamination au chlordécone est l’un des plus grands scandales sanitaires de notre époque ; or il ne trouve à ce stade pour seule réponse que des moyens insuffisants et une certaine indifférence de la part de l’Hexagone. Ce problème est cependant loin d’être le seul : nous sommes également surexposés au glyphosate, entre autres pesticides dangereux pour la santé et l’environnement.

Je ne minimise pas les difficultés rencontrées dans l’Hexagone. Partout, la pollution aux métabolites gagne du terrain et constitue un problème sanitaire et environnemental évident.

Deux questions se posent pour les pouvoirs publics : il faut d’abord éviter que la situation, déjà critique dans certains territoires, continue d’empirer, puis s’interroger sur le financement de la dépollution.

Vous proposez de répondre à la première question en systématisant la délimitation d’aires d’alimentation des captages et en mettant partout en place des programmes d’actions visant à limiter, puis interdire l’épandage de pesticides. Si nous partageons votre volonté de limiter l’exposition de nos concitoyens à ce type de pollution, nous appelons votre attention sur plusieurs points.

Tout d’abord, il nous paraît essentiel de ne pas opposer les agriculteurs au reste des citoyens. Les dispositions visant à restreindre l’usage des pesticides doivent s’accompagner de mesures compensatoires : c’est la condition de leur acceptation par les agriculteurs.

En outre, le gouvernement doit enfin publier l’arrêté définissant les points de prélèvement sensibles d’eau afin que nous puissions concentrer nos efforts sur ces zones les plus à risque.

L’article 2, qui renforce le contrôle de la qualité des eaux et établit une liste nationale de contrôle, va dans le bon sens. Il serait toutefois nécessaire que cette liste tienne compte des spécificités locales, notamment de celles des territoires ultramarins – je pense en particulier à la molécule chlordécone.

Vous l’aurez compris, nous serons constructifs sur ce sujet essentiel de santé publique.

M. Jean-Victor Castor (GDR). Ce texte est bienvenu.

Après Olivier Serva, qui a évoqué le scandale du chlordécone aux Antilles, j’appellerai votre attention sur la situation particulière de la Guyane, dont les fleuves sont pollués au mercure du fait de l’orpaillage illégal qui sévit depuis plus de quarante ans. Des milliers de familles sont concernées. Jusqu’à présent, l’État régalien ne parvient pas à éradiquer ce fléau et se contente, dans le cadre de sa nouvelle doctrine, de contenir le phénomène. En toute conscience, il capitule donc devant une activité illégale et accepte que nos populations soient intoxiquées au mercure. Je rappelle que la plupart des captages d’eau de mon département se font sur des fleuves pollués. Nous sommes donc très loin des préoccupations de l’Hexagone. La situation est extrêmement dangereuse pour la population et l’État ne prend aucune disposition, ne serait-ce que pour évaluer le niveau du risque.

Si le groupe GDR est très satisfait de cette proposition de loi, il n’empêche que la question de l’éradication de l’orpaillage illégal et de l’arrêt immédiat de toute activité utilisant du mercure en Guyane devra être traitée au plus haut niveau de l’État, qui devra aussi instituer tout un dispositif de suivi médical des populations, de réparation – autant qu’il soit possible s’agissant de telles contaminations – et d’organisation de la vie sur les territoires concernés.

Je rappelle enfin qu’en raison d’infrastructures routières insuffisantes, la Guyane dépend essentiellement des fleuves. Aussi la population de mon département est-elle aussi victime d’une situation de sous-aménagement.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). En France, la disponibilité de la ressource en eau a diminué de 15 % en vingt ans. Parallèlement, la demande d’eau augmentera de 40 % dans les vingt prochaines années, notamment dans le secteur agricole, à cause du dérèglement climatique.

Ces phénomènes dégraderont fortement la qualité de l’eau disponible, avec une concentration accrue de pesticides et de polluants. Selon le bilan de septembre 2024 du ministère de la santé, dans 16 % des unités de distribution françaises d’eau potable, les seuils de qualité sont dépassés, à cause des pesticides et des métabolites. Ainsi, 17 millions de nos concitoyens ont été exposés à une eau qui n’était pas conforme.

Par-delà les appartenances partisanes, nous sommes tous concernés. La contamination de 45 % des eaux de surface et de 70 % des eaux souterraines est un désastre environnemental.

Le présent texte vise le point de départ du petit cycle de l’eau, soit les zones de captage. Il tend à mieux les délimiter et surtout à y interdire certains pesticides et engrais. Nous partageons cet objectif de privilégier une eau saine dès le captage. Toutefois, nous nous interrogeons sur la méthode. Les agriculteurs sont au cœur de ce débat, mais nous ne savons pas combien d’entre eux seraient concernés par l’interdiction prévue, puisqu’il n’y a pas d’étude d’impact dans une proposition de loi. Nous aurons donc beaucoup de questions à vous poser, dans l’optique de parvenir d’ici à la séance publique à une position commune. Nous définirons notre vote selon le résultat de ces discussions.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Monsieur Humbert, ce texte n’est pas à charge, il n’est pas sectaire. Bien au contraire, il traduit une demande très largement partagée de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, des acteurs de l’eau et de nombreux acteurs locaux, et reprend les conclusions et les préconisations, très claires, du rapport interministériel que vous auriez pu lire.

Personne ne prétend que le monde agricole est responsable de l’ensemble des pollutions. Toutefois, c’est un fait, sur les 14 000 points de captage fermés ces quarante dernières années, plus d’un tiers l’a été à cause de pesticides et de nitrates.

Vous évoquez une diminution de 50 % des polluants dans l’eau potable. Je n’ai trouvé ce chiffre nulle part et je vous invite à vous intéresser de plus près à la littérature scientifique sur ce point. Vous préconisez la fuite en avant, de faire comme si de rien n’était, sans tenir compte des signaux d’alerte et des réalités scientifiques.

Monsieur Pilato, effectivement, il est urgent de mieux préserver l’eau potable, au vu des enjeux sanitaires et de l’échec global des politiques en la matière.

Vous rappelez que ce sont avant tout les usagers qui payent le coût de la dépollution, car le principe pollueur payeur n’est que peu appliqué : le produit annuel de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques – 4 millions – et celui de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) – 188 millions – sont d’ordre symbolique au regard du coût global de la dépollution. Le gouvernement avait d’ailleurs tenté d’augmenter le taux de cette dernière l’an dernier, au profit des agences de l’eau, mais il y a renoncé. En outre, il nous faut appliquer sans faillir le principe de précaution.

Monsieur Barusseau, oui, nous avons besoin d’anticiper. Parmi les cinq ou dix molécules les plus présentes dans l’eau, nous en retrouvons certaines qui sont interdites depuis plus de vingt ans. Même en agissant dès aujourd’hui, il faudra des années, voire des décennies pour éliminer certaines molécules telles que les métabolites du chlorothalonil ou le TFA.

Comme vous le dites, les agriculteurs sont tiraillés entre nécessité écologique et besoins économiques. Inversons donc la logique : plutôt que de passer par la contrainte et l'interdiction, il faut parvenir à valoriser la protection de l’eau potable, à la rémunérer. Elle doit devenir un atout pour les exploitations agricoles, plutôt qu’un handicap.

Vous rappelez avec raison l’importance des agences, notamment pour les contrôles. Nous avons besoin de l’Anses, des ARS et de l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

Monsieur Taite, vous avez raison de parler de l’inconséquence collective d’hier. Toutefois nous disposons désormais des connaissances nécessaires pour préserver la ressource.

Les mécanismes de compensation et d’accompagnement que vous réclamez n’ont pu être intégrés au présent texte – que j’ai dû réduire à sa plus simple expression car il sera examiné lors d’une journée d’initiative parlementaire – mais ils existent, même s’ils doivent être améliorés. Il y a un ensemble complexe de possibilités, comme les paiements pour services environnementaux ou les obligations réelles environnementales, avec différents intervenants. Je compte que nous parviendrons à renforcer ces dispositifs dans un autre texte. Des expériences montrent que cela peut fonctionner, que nous pouvons avancer main dans la main avec le monde agricole.

Madame Laernoes, vous avez raison, il ne faut pas attendre que la situation devienne irréversible. Si nous avons moins d’eau demain, la concentration des molécules y sera plus importante et il sera de plus en plus difficile de dépolluer l’eau potable.

Le Cercle français de l’eau estime les besoins d’investissements dans la politique de l’eau à 13 milliards d’euros par an, et le coût de la dépollution de l’eau à 5 milliards par an. On sait que certaines usines de traitement de la région parisienne sont des investissements à 1 milliard. Certaines collectivités sont capables de se les payer, mais je crains que les territoires ruraux ne puissent assumer ces tarifs prohibitifs et que les disparités entre territoires ne s’accroissent.

Monsieur Roseren, vous avez rappelé que l’eau est heureusement le mieux contrôlé de tous les biens de consommation. Je pense que chaque euro consacré à la prévention est un euro bien investi. Quant au plan « eau », lancé en 2023, je regrette ses lacunes concernant les captages. Nous attendons la feuille de route gouvernementale dans les prochaines semaines. Vous comptez sur la stratégie Écophyto 2030, mais les précédents plans Écophyto sont loin d’avoir atteint leurs objectifs. En revanche, c’est effectivement par un arrêté plutôt que par un décret qu’il faudra fixer la liste des pesticides contrôlés. Cette liste sera ainsi plus précise et plus facile à actualiser.

Messieurs Serva et Castor, la question prend effectivement un tour extrême en outre-mer. L’intermittence de l’approvisionnement en eau est un problème auquel la France hexagonale n’est pas encore confrontée. La pollution aux chlordécone ou au mercure et le suivi médical des personnes exposées sont des questions essentielles, même si elles ne sont pas abordées dans ce texte.

Merci, Monsieur Cazeneuve, pour vos mots justes et forts. Quel que soit le bord politique, nous partageons le même objectif, même si nous divergeons parfois sur les moyens. L’interdiction de produits phytosanitaires que nous proposons ne concernerait que les points de prélèvement sensibles. En tout cas, à un moment ou un autre, il faudra changer de braquet, si nous voulons obtenir des résultats.

 

Article 1er : Renforcement de la protection des captages d’eau

Amendement de suppression CD7 de M. Sébastien Humbert

M. Sébastien Humbert (RN). Les agriculteurs font déjà l’objet de nombreuses attaques de la part d’activistes écolos. Cet article les stigmatise encore, en laissant entendre que ce sont eux les pollueurs, les seuls responsables de la pollution des zones de captages d’eau potable. Or, aucun représentant de la profession agricole n’ayant été auditionné, il n’est pas possible de dresser un bilan précis de l’empreinte de l’agriculture sur la pollution des sols en France.

Les agriculteurs français sont déjà sensibilisés à la question, à travers les plans Écophyto, et sont bien plus vertueux que les agriculteurs de nombreux pays exportateurs de produits agricoles. La concentration des polluants dans l’eau de notre pays ne cesse de diminuer, ce qui traduit leurs efforts. D’après les statistiques du gouvernement, l’utilisation de l’azote a diminué de 61 % et celle du phosphore de 53 %.

Enfin, par principe, aucun intrant ne doit être interdit tant qu’il n’existe pas de produit de substitution.

Nous demandons donc la suppression de l’article.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Avis défavorable. Vos allégations sont bien peu scientifiques et vont contre le sens de l’histoire. La qualité des captages ne cesse de se dégrader ; 14 000 points de captage ont dû être fermés ces quarante dernières années. Si l’agriculture n’est pas la seule cause de pollution de l’eau, elle explique 33 % de ces fermetures.

Nous ne cherchons pas à stigmatiser les agriculteurs et les agricultrices, mais au contraire à les protéger, eux comme toute la population. La pollution résulte aussi de pratiques agricoles qui placent l’exportation avant la qualité des aliments, et qui servent les profits de l’agro-industrie avant la qualité de vie.

Pour que le monde agricole protège l’eau potable, il faudra l’accompagner techniquement et financièrement et valoriser les services qu’il rend.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Monsieur Humbert, il est irresponsable d’opposer les agriculteurs au reste de la population. Les agriculteurs aussi se soucient d’avoir accès à une eau réellement potable, non contaminée par les pesticides ou d’autres substances.

L’eau captée dans le principal point de captage de Seine-et-Marne, à Annet-sur-Marne, est polluée par le dégivrant des avions de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Imaginez quels effets peut avoir la consommation de cette eau à long terme ! Supprimer l’article reviendrait tout simplement à proposer l’empoisonnement des Seine-et-Marnais.

M. René Pilato (LFI-NFP). 43 % des eaux du robinet contiennent des PFAS. Une vallée des lymphomes est apparue en Charente. Et ce n’est pas en pompant les eaux souterraines que nous échapperons au problème : les scientifiques l’ont montré, les nappes phréatiques et les cours d’eau s’alimentent mutuellement.

Nous ne stigmatisons pas les agriculteurs : ils sont les premières victimes des produits qu’ils utilisent. Nous sommes faits à 65 % d’eau ; 99 % des personnes sont contaminées aux PFAS. Votre amendement est irresponsable.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Chers collègues du Rassemblement national, les molécules potentiellement nocives sont de plus en plus nombreuses dans l’eau potable, comme en attestent les chiffres publiés par les ministères et les organismes scientifiques. Si vous disposez de chiffres attestant du contraire, il serait intéressant de les verser au débat public. J’aimerais bien vivre dans votre monde, où la pollution n’existe pas.

Les chiffres de l’ARS sont alarmants. Dans les Hauts-de-France, 60 % de la population – soit 3,5 millions de personnes – consomment une eau non conforme. Un rapport interministériel pointe l’inefficacité de la législation actuelle.

Puisque le temps est aux économies, rappelons qu’il est beaucoup plus coûteux de dépolluer l’eau que d’accompagner les agriculteurs et les agricultrices vers la sortie des pesticides. Notre société a besoin d’apaisement. L’heure est au dialogue pour remédier au problème grave auquel nous sommes tous confrontés, celui de ne plus avoir confiance dans la qualité de l’eau qui sort de notre robinet, car nous savons qu’elle peut causer des maladies chroniques.

M. Fabrice Barusseau (SOC). Je sais bien que la mode est à la caricature, mais le sujet est grave. Soyons sérieux : nous n’avons jamais fermé autant de points de captage. La liste des molécules dont la présence dans l’eau est établie s’allonge à chaque fois que nous en testons une nouvelle – les chimistes sont follement inventifs.

Il s’agit également d’un problème économique : je vous assure que les producteurs d’eau potable se font des nœuds au cerveau pour traiter l’eau. Ils y parviennent en partie, mais en dépensant des millions d’euros, si bien que le coût de l’eau potable risque d’augmenter considérablement pour nos concitoyens.

Cessons d’opposer systématiquement les agriculteurs et l’écologie : ils doivent en devenir les premiers acteurs. Améliorons ce texte, qui est perfectible, plutôt que de céder aux caricatures et de le supprimer.

M. Jean-Michel Brard (HOR). Je m’inquiète du projet de supprimer cet article, qui pourtant me paraît fondé.

À côté des périmètres de captage, qui doivent être sécurisés, il faut aussi traiter la question des fleuves. La Loire fournit 70 % de l’eau potable de la Loire-Atlantique. Si les usines ne pouvaient plus traiter ses eaux, la situation serait gravissime. L’osmose n’est qu’une solution imparfaite : elle multiplie le coût par deux, et seulement 50 % du concentrat d’eau osmosé peut être recyclé. Quoi qu’il en soit, pour une métropole comme Nantes, les investissements seront colossaux.

Il sera indispensable de travailler avec les agriculteurs et les chambres d'agriculture, comme nous le faisons depuis une dizaine d’années en Loire-Atlantique. Comment les agriculteurs pourront-ils s’adapter aux mesures prévues à cet article ? Les solutions et les outils devront être différents dans chaque périmètre de captage et nous devons commencer à les élaborer avec l’ensemble des syndicats agricoles.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Nous ne voterons pas non plus l’amendement de suppression, car cette proposition de loi a tout son sens. Toutefois, en l’état, le texte préoccupe les agriculteurs car ils risquent d’en être les victimes indirectes. Ils sont pourtant les premiers à vouloir participer à la solution. Amendons-le, pour mieux associer le monde agricole.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Monsieur Humbert, vouloir supprimer cet article, c’est nier le problème de la pollution de l’eau – ou faire de la mauvaise politique, en opposant artificiellement ceux qui seraient pour ou contre l’agriculture.

Notre discussion va porter sur la méthode. Les alinéas 7 et 8 de l’article 1er prévoient l’interdiction pure et dure des produits phytopharmaceutiques et des engrais azotés sur les aires de captage, sans mesure d’accompagnement des agriculteurs. Comment pourrions-nous leur imposer une telle contrainte, alors qu’au vu de la diversité des situations, les modèles et les technologies nécessaires seront à chaque fois différents ?

À l’exception du Rassemblement national, nous partageons tous le même objectif. Nous devons avoir un débat précis sur les interdictions, les incitations, les plans d’actions, sans être mous ni renvoyer vaguement à des décrets. La responsabilité de ces transformations ne peut pas peser sur les seuls agriculteurs.

M. Sébastien Humbert (RN). Ne caricaturez pas mes propos. Vous n’envisagez que l’amont, la pollution agricole, en oubliant l’aval, le traitement de l’eau. Vous refusez d’aider les collectivités à moderniser leurs unités de production, alors que le charbon actif, notamment, permettrait d’éliminer certaines substances toxiques. Oui, le traitement a un coût, et il faut mieux l’accompagner.

Renoncez à votre logique de décroissance, à vos propositions de loi qui stigmatisent les uns et les autres. Vous demandez d’arrêter toute activité humaine pour protéger les ressources naturelles : non, ce qu’il faut, c’est trouver un équilibre.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. C’est un dialogue de sourds. Je ne sais pas d’où les collectivités sortiraient l’argent nécessaire au traitement de l’eau. Votre technosolutionnisme est une fuite en avant. Et puis, du point de vue de la souveraineté, vous êtes-vous demandé d’où est importé le charbon actif et quelles quantités sont utilisées tous les ans ?

M. Sébastien Humbert (RN). Nous avons fait une demande de rapport sur ce point.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. La question est déjà documentée. Nous ne pourrions pas assumer le coût, comme le sait M. Brard.

Autre exemple de vos nombreuses contradictions : si nous voulons mieux accompagner le monde agricole, nous aurons besoin des agences de l’eau. Or, dans votre contre-projet de budget, vous préconisez une baisse drastique de leur budget.

Monsieur Cazeneuve, l’interdiction proposée n’est pas « pure et dure ». Elle cible les périmètres de captage dits sensibles, soit les plus vulnérables.

Nous ne pouvons en rester à des dispositifs incitatifs. Des captages prioritaires, devant faire l’objet d’une protection particulière, ont été désignés depuis des années : les captages « Grenelle » en 2009, les captages « conférence gouvernementale » en 2014. Quinze ans plus tard, le rapport intergouvernemental, qui nous sert de boussole au vu de sa précision et de son objectivité, constate l’échec global de cette politique. Nous devons sortir de cette spirale de l’échec, en prévoyant les compensations nécessaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD33 de M. Jean-Claude Raux et sous-amendements CD35 et CD34 de M. Fabrice Barusseau ; amendement CD1 de M. Fabrice Barusseau (discussion commune)

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Mon amendement vise à réécrire l’article 1er. La délimitation d’une AAC et la définition d’un programme d’actions adapté aux réalités territoriales, en lien avec les acteurs concernés, deviendraient obligatoires pour tous les captages. Comme le souhaite le groupe socialiste, ce programme d’actions serait élaboré en lien avec l’agence de l’eau et viserait la transition vers les pratiques agroécologiques. Ainsi, nous apporterions une pierre indispensable à l’édifice de la préservation d’une eau de qualité et nous éviterions que de nouveaux captages soient menacés.

M. Fabrice Barusseau (SOC). Je retire l’amendement CD1 au profit de celui du rapporteur, sur lequel j’ai toutefois déposé deux sous-amendements. Le premier vise à exclure les produits de biocontrôle du champ des intrants pouvant être interdits dans les programmes d’actions. Le second tend à préciser que ces programmes devront être définis « dans une logique de contractualisation et en valorisant les services écosystémiques », pour favoriser l’association du monde agricole.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Avis favorable aux deux sous-amendements.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Si je comprends bien, cet amendement de réécriture vise à clarifier la présentation de l’interdiction, en créant un point supplémentaire dans l’article L. 211-3 du code de l’environnement, mais maintient l’interdiction elle-même – celle des produits phytosanitaires et des engrais azotés dans les zones de captage sensible, en dehors des zones dévolues à l’agriculture biologique.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Tout à fait.

M. Fabrice Barusseau (SOC). La réécriture permettra surtout d’associer étroitement tous les acteurs concernés – qui ne sont pas forcément des agriculteurs – et de les accompagner. Il ne s’agit pas simplement de leur imposer une interdiction : nous travaillerons avec eux, nous leur donnerons des perspectives pour l’évolution de leurs pratiques.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). On en reste donc au principe de l’interdiction. Notre groupe poursuit sa réflexion et arrêtera une position définitive d’ici l’examen du texte en séance, mais une interdiction pure et dure, pesant sur les seuls agriculteurs – car l’accompagnement en question n’est ni cranté, ni financé pour l’instant – nous poserait problème. Nous voterons donc contre l’amendement et les sous-amendements.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous soutenons quant à nous ces dispositions qui visent à inclure les agriculteurs dans la gouvernance, et contribueraient donc à l'avènement de la logique plus démocratique que nous appelons de nos vœux, où les décisions ne sont pas prises d’en haut mais avec ceux qui connaissent le terrain. Dès lors que les agriculteurs sont engagés dans une forme de contractualisation, il me paraît très judicieux de tenir compte de leur expérience.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Encore une fois, le caractère systématique de la mesure proposée nous gêne. Plutôt que d’imposer une interdiction sur tout le territoire sans tenir compte de la diversité des pratiques, il faudrait conduire un travail captage par captage, en le confiant à une instance locale qui réunirait les chambres d’agriculture, les représentants des collectivités territoriales et les acteurs du monde économique. En l’état, nous nous opposons à cet amendement et aux sous-amendements.

Mme Julie Laernoes (EcoS). J’entends que chacun s’accorde sur la nécessité de légiférer pour protéger la qualité de l’eau du robinet, mais que l’interdiction proposée suscite une certaine frilosité. Mon expérience de présidente d’un syndicat mixte de bassin-versant m’a montré que le fait que la réglementation ne prévoie aucune interdiction, même future, prive les élus locaux de tout levier politique dans le dialogue avec la chambre d’agriculture ou les représentants des exploitants, et cela même quand des plans d’actions ou des démarches de contractualisation existent. Dès lors que les plans d’actions reposent sur le seul volontariat, et en l’absence de tout horizon d’interdiction, les élus, qui sont pourtant garants de la qualité de l’eau et chargés de financer les opérations de dépollution, ne sont pas en mesure d’agir.

C’est en ce sens que l’interdiction est nécessaire. Il ne s'agit pas d’imposer quelque chose, mais de poser un principe pour inciter les élus locaux et les agriculteurs à travailler ensemble en vue d’une sortie progressive des pesticides dans les zones prioritaires.

Je soutiens donc bien évidemment la position du rapporteur.

M. Fabrice Barusseau (SOC). Les préfets ont déjà toute latitude pour créer des ZSCE, sur lesquelles des programmes volontaires peuvent s’appliquer pendant trois ans avant l’éventuelle entrée en vigueur d’actions obligatoires. En pratique, ils ne le font presque jamais.

Voilà des années que cette possibilité est offerte sans que les préfets s’en emparent. Si nous voulons être efficaces, il faut donc passer au stade supérieur, c'est-à-dire, malheureusement, à l’interdiction, mais toujours en accompagnant les agriculteurs dans la transition vers de nouvelles pratiques. Dans les zones concernées, ces derniers demandent d’ailleurs souvent davantage de moyens pour s’inscrire dans cette démarche. C’est ce que nous proposons de faire.

M. Jean-Michel Brard (HOR). Il faut probablement se fixer un objectif d’interdiction à terme, en effet, mais il me semble préférable pour l’heure de s’inscrire dans une démarche de dialogue, sans imposer une standardisation des méthodes et des interdictions alors que tous les captages sont différents.

Dans la Loire-Atlantique par exemple, où 70 % de l’eau du robinet provient de la Loire, il convient d’élargir le débat au-delà des seuls produits ciblés par le texte. Savons-nous, d’ailleurs, quel pourcentage du volume total d’eau utilisé les 14 000 captages actuellement fermés représentent ?

Nous devons également améliorer les moyens financiers apportés aux agriculteurs, de même que le cadre législatif, car nous n’avons actuellement pas les outils nécessaires pour les accompagner de façon pérenne.

Pour revenir d’un mot sur les échanges précédents, je crois que nous parvenons au bout de la capacité des usines à traiter l’eau en utilisant la méthode habituelle, à savoir le charbon actif. Nous ne savons pas, par exemple, gérer correctement le chlorothalonil : il faudrait, pour ce faire, utiliser des procédés d’osmose inverse qui impliquent des coûts énormes et trouveront eux-mêmes leur limite très rapidement. Nous serons donc prochainement confrontés à une incapacité technique. L’objectif d’interdiction à terme est donc pertinent, à condition toutefois de définir un calendrier de dialogue et d’accompagnement des agriculteurs.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Je ne m’oppose pas non plus à une interdiction à terme. Je préférerais cependant qu’on laisse aux préfets la possibilité de prendre la main, en lien avec le monde agricole et économique et les collectivités locales. Si une interdiction automatique est édictée, ils n’auront pas à travailler ensemble sur la question dans une instance adaptée. Faisons confiance aux territoires. Je n’ai rien contre une interdiction, nécessaire pour protéger l’environnement, mais elle ne doit pas être systématique ni trop rapide.

M. René Pilato (LFI-NFP). Notre écosystème, c’est la planète. Raisonner à l’échelle d’une zone de captage particulière ne serait pas adapté, ne serait-ce que parce que toutes sont alimentées par des eaux de pluie contenant des particules de plastique, lesquelles se retrouvent en bout de chaîne dans les poissons que nous consommons. Ce ne serait pas non plus cohérent avec notre rôle, qui est de fixer un cadre.

Quant à la rapidité avec laquelle nous devons agir, on peut tout de même considérer qu’alors que tous les sols sont pollués et que bon nombre de phénomènes commencent à échapper à notre contrôle, il est plus que temps de commencer à poser une interdiction. La contractualisation doit accompagner ce mouvement.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Encore une fois, il n’y a pas d’interdiction « pure et dure ». Seules seraient concernées les zones de prélèvement sensibles, dont environ 1 400 sont identifiées dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Nous attendons toujours la liste de ces points de prélèvement, qui devrait être définie par voie réglementaire – selon les prévisions, on en compterait 4 000, les interprétations les plus maximalistes allant jusqu’à 7 000. L'interdiction ne s’appliquerait par ailleurs que dans trois ans, ce qui laisse le temps d’adapter les dispositifs.

Nous ne pouvons pas continuer comme avant. Soixante ans après l’adoption de la loi sur l’eau, nous ne pouvons que constater notre relative impuissance et nos craintes restent fondées, tant sur le plan sanitaire que sur notre capacité à faire face aux enjeux financiers de demain. Il faut bien, à un moment, marquer le début d’une transition. De nombreuses instances existent déjà et la gouvernance de l’eau est bien établie. Je ne vois pas ce qu’une instance de plus apporterait, d’autant que l’interdiction proposée fait l’objet d’un consensus assez large parmi les collectivités et les acteurs de l’eau, qui attendent un signal et un cap clairs.

L’amendement CD1 est retiré.

La commission rejette successivement les sous-amendements et l’amendement CD33.

Amendement CD13 de M. Philippe Schreck

M. Philippe Schreck (RN). Actuellement, des programmes d’actions peuvent être déployés dans « les aires d’alimentation des captages associées à des points de prélèvement sensibles », c'est-à-dire dans les zones où les résultats d’analyse sont mauvais. Les alinéas 2 à 5 de l’article 1er visent à les rendre obligatoires dans toutes les AAC, qu’elles soient ou non associées à un point de prélèvement sensible.

Une telle mesure, qui ciblerait des zones immenses et mal délimitées, sans tenir compte des spécificités géographiques, paraît quelque peu irréaliste. Je propose donc de maintenir la législation en l’état, dans l’attente du renforcement du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE).

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. En l’absence d’arrêté préfectoral, 40 % des captages prioritaires ne sont pas couverts par une AAC et plus de 20 % d’entre eux ne bénéficient même pas d’un périmètre de protection. Le fait que la loi ne s’applique qu’avec difficulté ne signifie pas que nous devons revoir notre ambition à la baisse.

Quant aux PGSSE, ils ne verront pas le jour avant juillet 2027 et n’imposent nullement de définir des aires d’alimentation ou de protection, même si leur renforcement est une bonne chose.

Il est faux de dire que le texte ne tient pas compte des disparités géographiques. Le dispositif, en combinant AAC et programme d’actions, permettra au contraire de s’adapter aux réalités de terrain. C’est aux acteurs locaux qu’il reviendra de définir, en fonction de l’état des eaux, les objectifs et les actions à déployer pour protéger les captages. Il est vrai que certaines zones de captage sont étendues, mais la superficie moyenne d’une AAC est de 1 500 hectares.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD23 de M. Gabriel Amard

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Le dispositif proposé concerne les seules aires d’alimentation des captages d’eau « associées à des points de prélèvement sensibles, au sens de l’article L. 211-11-1 » du code de l'environnement, excluant de fait certaines zones, et ce alors que l’arrêté censé définir les points de prélèvement sensibles n’est toujours pas paru. Dans un souci de clarté, nous proposons de protéger de la pollution aux produits phytosanitaires et aux engrais azotés minéraux l’intégralité des quelque 1 150 aires d’alimentation et des 32 000 points de captage d’eau potable.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. L’article 1er vise à protéger en priorité les points de prélèvement sensibles, c'est-à-dire ceux où les risques de non-conformité sont avérés, ce qui constituerait déjà une avancée très significative. Dans une société idéale, c’est votre ambition qu’il faudrait avoir, mais, au vu des retards déjà accumulés dans la définition des AAC et de la nécessité d’accompagner le monde agricole, je ne suis pas certain qu’il soit possible de placer la barre si haut. Même si je partage et comprends tout à fait votre intention, j’émets donc une demande de retrait.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Interdire l’usage de tous les produits phytosanitaires et engrais azotés sur 20 % de la surface agricole française dans un délai de trois ans ne semble absolument pas réaliste.

L’amendement est retiré.

Amendement CD14 de M. Philippe Schreck

M. Philippe Schreck (RN). L’interdiction générale que vous entendez instituer dans les aires d’alimentation des captages associées à des points de prélèvement sensibles pose le problème de l’étendue des zones concernées, dont vous avez vous-même souligné qu’elles ne sont que partiellement délimitées par arrêté. Elle conduirait en outre à en chasser toutes les activités agricoles, même en l’absence de lien direct entre l’intrant utilisé et la pollution constatée.

Je propose de prévoir, en premier lieu, l’application de programmes de limitation ou de réduction, les interdictions que vous proposez n’intervenant qu’en cas d’échec, sous le pilotage des préfets.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Les zones concernées ne sont pas totalement inconnues : les Sdage permettent déjà de dénombrer au moins 1 400 captages sensibles. Dans celui de l’agence de l’eau Seine-Normandie, par exemple, sont concernés les points où les niveaux observés atteignent 75 % de la norme autorisée, c'est-à-dire où les seuils risquent d’être dépassés si rien n’est fait.

Votre amendement tend à en rester à la situation actuelle, qui n’est pas satisfaisante. Le rapport des inspections générales ministérielles a mis en exergue l’échec des programmes volontaires pour préserver la qualité de l’eau, non pas en raison d’un accompagnement inefficace, mais parce que la démarche reste limitée.

Nous devons conduire une action plus ambitieuse pour protéger les captages les plus vulnérables et les plus menacés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD11 de Mme Julie Lechanteux

Mme Julie Lechanteux (RN). Je propose de conditionner l’interdiction des engrais azotés minéraux et des produits phytopharmaceutiques de synthèse par l’existence de solutions alternatives validées par les chambres d’agriculture, afin de garantir la productivité des exploitations concernées. Une étude de l’Inrae montre que 70 % des 200 000 hectares d’aires d’alimentation des captages sont des surfaces agricoles. Une interdiction brutale mettrait en péril les exploitations et le revenu de nombreux agriculteurs déjà fragilisés par des coûts de production en hausse et par une concurrence déloyale.

Les agriculteurs sont engagés dans la transition écologique, mais nous ne pouvons pas leur imposer des pertes insoutenables. Il faut donc adopter une approche pragmatique et s’assurer, avant toute interdiction, que des solutions viables existent. Il est essentiel de préserver la qualité de l’eau, mais pas au détriment de ceux qui nous nourrissent.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. La démarche de coopération avec les acteurs locaux, notamment ceux du monde agricole, est déjà partie intégrante des programmes d’actions. Il me semble inacceptable de soumettre l’interdiction des produits phytopharmaceutiques à une garantie de rendement au détriment de la qualité de l’eau potable, donc de la santé des Français. Un accompagnement est certes nécessaire et toute interdiction devra être couplée à des mesures de compensation, qui ne seront pas toutes listées dans cette proposition de loi, mais nous devons progresser dans ce sens si nous ne voulons pas aller droit dans le mur.

Mme Julie Lechanteux (RN). Des solutions alternatives sont absolument indispensables : nous parlons de ceux qui nous nourrissent ! Si vous refusez de prendre soin des agriculteurs, si vous vous obstinez à les faire crouler sous les dettes, nous aurons peut-être de l’eau, mais nous n’aurons plus à manger. Il faut une solution.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Les solutions existent : cela s’appelle l’agriculture biologique. On peut tout à fait produire dans les secteurs les plus sensibles pour la ressource tout en préservant la qualité de l’eau potable, qui est la base de la vie. De nombreuses études montrent qu’on peut nourrir le monde avec des produits bio, ne vous en faites pas.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. L’agriculture peut évoluer et les exploitants continueront de produire. En revanche, nous devons dès aujourd’hui prendre soin de la ressource si nous voulons boire demain une eau du robinet conforme aux normes de qualité. Il est de notre responsabilité d’agir en ce sens, y compris pour préserver notre santé, préoccupation qui vous semble peut-être accessoire mais qui nous paraît essentielle.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je confirme qu’on peut tout à fait produire et nourrir en agriculture biologique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD21 de M. René Pilato

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Si l’on juge essentiel de préserver la qualité de l’eau potable, il faut protéger strictement les aires d’alimentation des captages. Il convient donc d’intervenir dès qu’un seuil est dépassé, plutôt que d’attendre, comme cela arrive pourtant fréquemment. En 2021 par exemple, 3,4 millions de Français ont bu de l’eau du robinet contenant plus de 0,1 microgramme par litre d’ESA-métolachlore, un métabolite d’une des substances herbicides les plus utilisées en France.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Je partage votre volonté d’agir efficacement contre les pollutions aux intrants, mais il existe aussi des pollutions diffuses ou accidentelles, qui n’ont pas d’impact de long terme. Il est vrai que le manque de réactivité actuel est problématique : entre l’émission d’une alerte et le moment où une substance est interdite, il peut s’écouler plus de dix ans. Prononcer des interdictions immédiates me semble toutefois compliqué. Je vous propose donc de modifier ou de retirer votre amendement.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous le maintenons, car il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent : l’interdiction ne s’appliquerait qu’aussi longtemps que les seuils sont dépassés.

M. Jean-Michel Brard (HOR). En fonction de la topographie et de la nature des sols, le délai observé avant l’arrivée des produits dans la nappe varie très fortement d’un captage à l’autre. Une telle disposition serait donc difficile à appliquer.

M. René Pilato (LFI-NFP). Quelle rédaction permettrait, selon le rapporteur, des prises de décision plus rapides ?

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Nous pourrons effectivement tenter de nous appuyer sur les derniers exemples concrets en date pour proposer des mesures de nature à raccourcir les processus. Nous aurons bientôt un cas d’école avec le flufénacet, dont nous savons depuis septembre dernier qu’il s’agit d’un perturbateur endocrinien : nous verrons bien combien de temps s’écoulera avant son interdiction.

Je confirme en tout cas que, dans ma commune, qui compte deux captages distants de 10 kilomètres, une des deux nappes réagit immédiatement aux pollutions tandis que, dans l’autre, les produits mettent près de vingt ans pour s’infiltrer, si bien qu’on y trouve toujours des substances interdites depuis belle lurette – d’où ma réticence quant à une mesure générale d’interdiction à effet immédiat.

L’amendement est retiré.

Amendement CD22 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Il s’agit de préciser que les chambres départementales d’agriculture seront consultées par les personnes publiques « avec l’appui d’un conseiller agriculture de conservation des sols », ce qui devrait réjouir tous ceux qui se soucient du sort des agriculteurs, puisqu’il s’agit d’accompagner ces derniers dans la transition. Cette proposition est issue du rapport d’information que j’ai eu l’honneur de rédiger avec notre ancien collègue Patrice Perrot.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD18 de M. Emmanuel Blairy

M. Emmanuel Blairy (RN). Merci au collègue qui a cru bon d’expliquer que l’eau est « la base de la vie » pour ses propos scientifiques presque venus des cieux.

Nous demandons un rapport sur les effets concrets des mesures qui seraient prises dans ce texte, pour permettre au législateur d’ajuster sa méthode si besoin. Le rapporteur a évoqué la nécessité d’accorder des compensations aux agriculteurs ; nous estimons pour notre part qu’ils doivent vivre du fruit de leur production, pas de compensations.

Les exploitants ont une vision de long terme et font leur métier avec bon sens. Cet amendement introduit une logique de responsabilité et d’efficacité. Je ne vois pas comment vous pourriez vous y opposer et j’imagine que vous émettrez un avis de sagesse.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Si j’étais convaincu de la sincérité de votre intention, je pourrais effectivement l’envisager, mais j’ai un léger doute.

Il n’est pas question d’opposer compensations et production : il existe déjà de très nombreux cas dans lesquels les agriculteurs contractualisent et perçoivent des aides, non pas pour remplacer leur activité, mais pour leur éviter de perdre de l’argent.

Il appartiendra au Parlement d’évaluer l’application de cette loi, comme pour tous les autres textes. Notre commission ne manquera certainement pas de le faire le cas échéant. Au risque de vous décevoir, je suis donc défavorable à votre amendement.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Depuis 2004, l’adoption d’une loi donne lieu à un rapport d’application au bout de six mois et à un rapport d’impact après trois ans. Demander un rapport supplémentaire au Gouvernement deux ans plus tard serait au mieux redondant, au pire inutile.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

Après l’article 1er

Amendement CD24 de M. Gabriel Amard

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Les ressources en eau douce, fragiles et épuisables, sont menacées par les forages – le chantier de la nouvelle ligne ferroviaire reliant Lyon à Turin draine près de 150 millions de mètres cubes d’eau par an – et par les fuites d’hydrocarbures. Nous souhaitons, conformément à la directive-cadre sur l’eau de 2000, interdire les travaux de recherche et d’exploitation de tous les types de forage à l’intérieur des aires d’alimentation des captages d’eau.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. J’ai un doute sur la rédaction de cet amendement car il pourrait aussi renvoyer aux forages d’eau. Demande de retrait en vue de sa réécriture.

L’amendement est retiré.


Amendement CD20 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Il s’agit d’adopter un moratoire sur le développement des fermes usines dans les aires d’alimentation de captages afin de diminuer la présence de nitrates. C’est un simple principe de précaution.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Je comprends bien votre intention. La pollution des eaux aux nitrates constitue un enjeu important, et d’ailleurs un objet de contentieux avec la Commission européenne. Toutefois, le programme d’actions permet d’encadrer ce type d’activités dans les AAC. En outre, je ne suis pas sûr que votre rédaction, qui renvoie à un arrêté et à la partie réglementaire du code de l’environnement, soit suffisamment robuste. Demande de retrait.

M. René Pilato (LFI-NFP). Comment la rendre plus robuste ?

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. La mention « à proximité des aires d’alimentation de captages » n’est pas suffisamment précise.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je maintiens l’amendement car j’aimerais que l’on prenne conscience qu’il est question des aires de captage et non de leur seule proximité.

M. Jean-Michel Brard (HOR). Cette précision est apportée par les arrêtés préfectoraux délimitant les périmètres de protection des AAC. Ils définissent les aires prioritaires, que l’on appelle le périmètre immédiat.

L’amendement est retiré.

 

Article 2 : Création d’une liste nationale de contrôle des métabolites de pesticides

Amendement CD8 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Les risques liés aux métabolites de produits phytopharmaceutiques varient selon les territoires. Il est temps de rompre avec une vision centralisée de l’écologie : les acteurs locaux sont les mieux placés pour adopter les solutions les plus pertinentes. Confier aux directions départementales la responsabilité d’établir la liste des métabolites à contrôler permettra une surveillance mieux ciblée, plus réactive et en phase avec les spécificités du terrain. Cette approche pragmatique renforcera non seulement la protection de nos concitoyens mais aussi la pertinence des contrôles.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Il ne s’agit pas tant d’écologie que de normes sanitaires. Ce sont les ARS qui opèrent la sélection des métabolites recherchés, en s’appuyant sur les circonstances locales. Votre amendement n’apporterait donc aucune avancée en la matière. De plus, la direction générale de la santé et les ARS soutiennent l’établissement d’une liste nationale socle pour le contrôle des métabolites, qui serait complétée en fonction des circonstances locales. Votre demande est satisfaite. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD3 de M. Fabrice Barusseau

M. Fabrice Barusseau (SOC). Les chimistes étant très inventifs, il est proposé de réactualiser chaque année la liste des métabolites à contrôler.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. L’actualisation de la liste est nécessaire pour correspondre à l’évolution des connaissances. Toutefois, une périodicité annuelle paraît courte dans la mesure où les ARS sont soumises à des marchés publics pour les analyses de l’eau – l’une d’entre elles nous a confié hier en audition qu’il lui fallait un an pour parvenir à contractualiser avec un laboratoire agréé. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD2 de M. Fabrice Barusseau

M. Fabrice Barusseau (SOC). Il s’agit de confier à l’Anses, et non au ministre, l’établissement de la liste des molécules à rechercher. L’Anses étant une agence indépendante, il paraît cohérent de lui attribuer cette responsabilité, qu’elle exercerait en lien étroit avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. L’Anses, qui est chargée des autorisations de mise sur le marché des produits, est la mieux à même de connaître les risques liés aux substances et à leur dégradation. Votre proposition renforce en outre le lien entre l’Anses et les ARS. Avis très favorable.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). L’Anses n’est pas indépendante : elle est sous la tutelle, entre autres, du ministère de la santé. Celui-ci déléguera sans doute le soin d’établir la liste à l’Anses ou aux ARS, et il me semble nécessaire de lui laisser un peu de flexibilité dans ce choix. C’est pourquoi la précision que vous souhaitez apporter ne me paraît pas souhaitable. En outre, il convient de faire référence au ministère de la santé et non au ministre.

M. Fabrice Barusseau (SOC). L’article 2 vise expressément le ministre.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Cela pourra être corrigé en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD10 de M. Olivier Serva

M. Olivier Serva (LIOT). Établir une liste nationale de contrôle est une bonne chose, mais je voudrais faire remarquer que les Antilles ont subi la molécule chlordécone, inconnue dans l’Hexagone. Établir la liste au niveau national conduira à oublier un drame – un scandale, puisque le produit, interdit en 1990, a été autorisé pour trois années supplémentaires et que désormais 90 % des hommes et des femmes de la Martinique et de la Guadeloupe sont contaminés, 30 % des terres et 30 % des eaux. C’est pourquoi je vous propose une liste territorialisée pour les Antilles, en y intégrant la possibilité de tester la chlordécone.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Merci pour cette proposition. Avis favorable.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Je m’abstiendrai sur cet amendement, non parce que je n’en partage pas l’objectif, mais parce qu’il me semble redondant avec le plan Chlordécone°IV qui prévoit un suivi très spécifique de la molécule dans les captages d’eau des territoires concernés. Je veux aussi souligner l’action que l’État et les collectivités territoriales mènent déjà sur place en la matière.

M. Olivier Serva (LIOT). Le plan Chlordécone°IV, qui vient tout juste de sortir, prévoit en effet diverses mesures mais la commissaire elle-même reconnaît que cela ne va pas assez loin ni assez vite. Ainsi, le barrage de Moreau, mis en service il y a à peu près un an en Guadeloupe pour irriguer des terres agricoles, a été mis à l’arrêt au bout de trois jours en raison de la présence de chlordécone, en dépit des contrôles de l’eau effectués. C’est un sujet important pour nous et les mesures en vigueur ne vont pas assez loin. C’est pourquoi je souhaite que vous adoptiez cet amendement.

M. Xavier Roseren (HOR). Il nous semble important d’établir une liste spécifique pour ces territoires. Nous sommes donc très favorables à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD29 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Il s’agit de transformer les critères cumulatifs en critères alternatifs.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. C’est une précision rédactionnelle utile pour renforcer la prise en compte des circonstances locales. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD30 de M. Fabrice Barusseau

M. Fabrice Barusseau (SOC). Cet amendement vise à confier à l’Anses la responsabilité d’établir la liste nationale de contrôle de la présence de métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CD31 de M. René Pilato tombe.

Amendement CD12 de Mme Julie Lechanteux

Mme Julie Lechanteux (RN). Il s’agit de produire un rapport annuel départemental sur la contamination des eaux par les métabolites de pesticides. Les données actuelles sont fragmentées, rendant difficile l’action des collectivités locales. Ce rapport permettrait de mieux documenter l’évolution de la contamination, d’en analyser les causes et d’adapter les politiques publiques. C’est aussi un enjeu de transparence : nos concitoyens doivent savoir si l’eau qu’ils consomment est polluée. En garantissant une information claire et accessible, nous renforçons leur confiance envers les pouvoirs publics.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. La surveillance des eaux destinées à la consommation humaine relève d’abord des PRPDE, les personnes responsables de la production et de la distribution de l’eau ; puis le contrôle sanitaire est effectué par les ARS. Tous les résultats d’analyse sont publiés. Cet amendement est satisfait, je ne vois pas en quoi il améliorerait le contrôle sanitaire. Avis défavorable.

Mme Julie Lechanteux (RN). Puisque les tests sont faits, rien n’empêche d’en rassembler les résultats au niveau du département et de les publier chaque année.

M. Jean-Michel Brard (HOR). La collectivité compétente a l’obligation de publier un rapport annuel. Agglomérer au niveau du département les résultats de plusieurs collectivités ferait courir le risque de ne pas avoir les mêmes analyses. Laissons cette obligation à la collectivité locale qui en a la compétence.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD6 de M. Sébastien Humbert

M. Sébastien Humbert (RN). Il est proposé que les données scientifiques collectées soient transmises aux observatoires de l’eau afin de renforcer le partage des ressources scientifiques avec les décideurs locaux.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Les observatoires de l’eau, installés au niveau des collectivités territoriales ou de leurs groupements, sont en possession des résultats des analyses effectuées dans le cadre du contrôle sanitaire. Il n’y a donc pas lieu de l’inscrire dans la loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

Article 3 (nouveau) : Augmentation de la taxe sur le chiffre d’affaires des fabricants de produits phytopharmaceutiques

Amendement CD16 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (EcoS). Cet amendement est un acte de justice sociale et environnementale. Alors que le coût de la dépollution de l’eau est estimé entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an au minimum, les fabricants de pesticides engrangent des milliards de profit, tout en contribuant à la destruction de nos ressources naturelles et à la mise en danger de notre santé. Il nous semble donc important de rehausser la taxe sur les produits phytopharmaceutiques. Celle-ci est actuellement fixée à 0,9 % de leur chiffre d’affaires, ce qui constitue une insulte à la santé publique et au bon état écologique des cours d’eau. Il est proposé de la porter à 3,5 %. Les coûts inhérents à la dépollution étant très élevés, il faut faire payer ceux qui polluent, notamment les fabricants de produits phytopharmaceutiques.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Je suis très favorable à cet amendement qui vise à faire contribuer davantage les industries, d’autant que cela reste modeste. Je regrette que, depuis 2020, le gouvernement n’ait pas augmenté le taux de la taxe, qui demeure à son niveau plancher, bien loin du plafond de 3,5 % prévu par la loi. Le rendement attendu serait de 4 millions, à comparer aux 2,5 milliards de chiffre d’affaires générés chaque année dans le territoire national. En outre, cette augmentation permettrait de renforcer les moyens de l’Anses.

M. Jean-Michel Brard (HOR). Je suis également favorable à cet amendement. En la matière, on parle souvent des agriculteurs mais on oublie systématiquement les prescripteurs. C’est une erreur : on devrait imposer à ces derniers de participer bien davantage au dialogue sur la qualité de l’eau. Il est parfaitement normal de les taxer.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 2 :

Amendement CD27 de Mme Ersilia Soudais

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Il s’agit de protéger nos concitoyens des conflits d’intérêts en garantissant l’indépendance de ceux qui conduisent les études scientifiques permettant de définir les seuils de pollution. J’ai en mémoire un fait scandaleux datant de 2023 : alors que l’Anses avait relevé qu’un tiers des captages d’eau dépassaient le seuil fixé pour le chlorothalonil, la seule réponse qui avait été apportée était un relèvement dudit seuil. Or l’étude avait été réalisée par Syngenta, une entreprise productrice de chlorothalonil qui y avait intérêt pour pouvoir continuer ses activités. Si l’on veut que chacun puisse consommer une eau potable, un tel conflit d’intérêts n’est plus envisageable.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Je m’interroge sur l’introduction de cet amendement dans la proposition de loi, qui concerne la protection des captages. J’appelle de mes vœux un texte plus large et plus ambitieux sur la réforme des modalités d’autorisation de mise sur le marché des produits. C’est une étape primordiale pour la qualité de l’eau. Demande de retrait, assortie d’une réelle volonté de travail transpartisan sur ce sujet.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). En l’état, nous le maintenons. S’il ne passe pas, nous réfléchirons à une réécriture.

M. Jean-Michel Brard (HOR). Le problème est réel, mais il est plus général que le présent texte. Il faut l’envisager au niveau de l’application de la réglementation et du fonctionnement même de l’Anses.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD28 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous aimerions plus de transparence de la part des autorités administratives effectuant des analyses de l’eau, qui ne publient qu’une partie de leurs résultats. Il me semble important d’afficher les résultats de tous les tests effectués sur les différentes molécules afin de sensibiliser nos concitoyens à la qualité de l’eau et de les inciter à se montrer plus respectueux de l’environnement.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Je vous rejoins sur la nécessité d’une meilleure information du public, réclamée par les autorités sanitaires elles-mêmes. Devons-nous en rester à un affichage en mairie ou opter pour une publication en ligne ? L’article L. 1321-9 du code de la santé publique dispose déjà que les données relatives à la qualité de l’eau distribuée font l’objet d’un affichage « et de toutes autres mesures de publicité appropriées ». Sagesse.

M. Jean-Michel Brard (HOR). La transparence doit être renforcée. Le standard de communication doit être imposé au niveau national et non défini par chacune des ARS, celles-ci faisant un peu ce qu’elles veulent en la matière, en particulier s’agissant des molécules qu’elles découvrent. Elles ne communiquent pas systématiquement les résultats, au moins aux collectivités. Je préférerais que la communication se fasse en deux temps : le premier en direction des collectivités, ce qui leur permettrait d’adapter leurs filières de traitement ; le deuxième en direction de la population, lorsque les structures sont en mesure de le faire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD5 de M. Sébastien Humbert

M. Sébastien Humbert (RN). L’installation d’éoliennes et de panneaux solaires est autorisée dans les aires d’alimentation des captages. De ce fait, les eaux qui s’infiltrent dans ces surfaces ou qui ruissellent peuvent être polluées. Aucune étude n’est réalisée sur l’impact de ces installations sur la ressource en eau alors qu’elles comprennent de nombreuses matières toxiques et dangereuses – huile, microparticules des pales, matières nocives provenant de la dégradation des équipements –, avec des risques non mesurés mais non négligeables d’infiltration dans les eaux souterraines ainsi que d’incendie. De plus, les éoliennes sont arrimées au sol par des socles de 1 500 tonnes de béton armé, artificialisant et polluant le sous-sol pour des centaines d’années.

Nous proposons donc d’interdire l’installation de tels équipements sur les aires d’alimentation des captages. Il s’agit d’un amendement de bon sens : en l’absence de documentation scientifique, il faut appliquer un principe de précaution. Je regrette par ailleurs que mon amendement demandant un rapport n’ait pas été accepté car nous avons besoin de connaître l’impact des énergies dites renouvelables sur la ressource en eau.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Voilà bien une des obsessions de votre groupe ! Si vous voulez appliquer un principe de précaution, faites-le d’abord sur les pesticides, qui sont l’objet de notre discussion et qui sont la principale source de pollution de l’eau. Au reste, une éolienne ne peut être construite dans le périmètre de protection d’un captage que si les études ont démontré que c’était sans risque. Avis défavorable.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Alors là, on frôle l’excellence. Je passe sur votre refus de diversifier le mix énergétique, qui condamne la France pour les prochaines années. Mais c’est bien la première fois, depuis le début de l’examen du texte, que l’on vous entend invoquer le principe de précaution ! À ce compte-là, il faudrait interdire toute utilisation de pesticides sur les terres agricoles françaises – car en la matière, il y a plus qu’un simple doute… Cet argument est en totale contradiction avec votre position sur le texte.

Vous semblez aussi ignorer que toute implantation d’éolienne ou de parc éolien est soumise à des autorisations très spécifiques, avec autorisation environnementale préalable et étude d’impact. Ce n’est pourtant pas faute d’en avoir parlé dans cette commission ! Et il faut y ajouter une multitude d’études qui s’intéressent aux conséquences des éoliennes sur notre écosystème et le vivant, et bien sûr sur l’eau.

Au-delà d’une bêtise crasse et d’une incohérence totale avec votre position sur le mix énergétique, votre discours sur la souveraineté est surtout révélateur d’un dogmatisme absurde.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Les propos de M. Cazeneuve illustrent brillamment ce que nous pensons tous, ici, des propos tenus par le collègue du Rassemblement national.

M. René Pilato (LFI-NFP). En général, invoquer le principe de précaution me semble plutôt raisonnable et sérieux ; c’est quand on en appelle au bon sens que je m’inquiète, car c’est l’ennemi de la raison. Regarder le soleil se lever, tourner, se coucher et en déduire qu’il tourne autour de la Terre, c’est du bon sens. Je vous invite donc à éviter le bon sens et à travailler avec sérieux, et surtout avec raison.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD25 de Mme Ersilia Soudais

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Les hydrogéologues sont essentiels pour assurer la qualité de l’eau potable. Or ces professionnels sont assez mal traités. Ils n’ont pas été augmentés depuis 2003 et réclament depuis longtemps une meilleure protection juridique face aux menaces dont ils font l’objet. Cet amendement demande un rapport sur leur situation.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Les hydrogéologues jouent un rôle fondamental dans la protection des captages et de la ressource en eau. Je ne vois pas d’objection à cet amendement d’appel.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Je rappelle que le texte sera présenté au cours d’une niche. Même s’il souscrit au fond, le groupe Écologiste et social votera donc contre cet amendement, dont l’adoption conduirait à ajouter un article dans le texte.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD26 de Mme Ersilia Soudais

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Malgré un périmètre de protection, le captage d’Annet-sur-Marne, le plus important de Seine-et-Marne, s’est récemment révélé pollué, du fait de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Il est donc important de réaliser une cartographie nationale de l’état et de l’usage des terres situées dans les périmètres de protection des points de captage, afin d’évaluer leur compatibilité avec la préservation d’une ressource en eau de qualité.

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Pour les raisons expliquées par ma collègue Laernoes, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

M. Jean-Claude Raux, rapporteur. Je remercie la très grande majorité de mes collègues pour nos échanges de qualité, grâce auxquels nous avons pu dépasser les clivages partisans sur plusieurs sujets. J’espère qu’ensemble, dans l’hémicycle, nous parviendrons à faire bouger les lignes, dans l’intérêt de nos territoires et des générations futures

 


   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Direction de l’eau et de la biodiversité

Mme Marie-Laure Métayer, adjointe à la directrice

M. Laurent Tellechea, adjoint à la sous-directrice de la protection et de la gestion de l’eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques

Audition conjointe

– Agence de l’eau Loire-Bretagne

M. Loïc Obled, directeur général

– Agence de l’eau Seine-Normandie

Mme Nathalie Evain-Bousquet, directrice du programme et des interventions

Direction générale de la santé

M. Grégory Emery, directeur général de la santé

Audition conjointe

– Agence régionale de santé Hauts-de-France

Mme le docteur Nathalie de Pouvourville, directrice de la sécurité sanitaire et de la santé environnementale

Mme Virginie Le Roux-Montaclair, sous-directrice de la santé environnementale

– Agence régionale de santé Pays-de-la-Loire

Mme Karen Burban-Evain, directrice de la santé publique et environnementale

Mme Valérie Vial, responsable du pôle eau destinée à la consommation humaine

 

 


([1]) Ministère de la santé et de l’accès aux soins, « Bilan de la qualité de l’eau au robinet du consommateur vis-à-vis des pesticides en France en 2023 », décembre 2024

([2]) Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, Service des données et études statistiques, « La pollution des eaux superficielles et souterraines en France - Synthèse des connaissances en 2024 », janvier 2025

([3]) https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2024/10/dossier-metabolites-iceberg-vf-online.pdf

([4]) https://agriculture.gouv.fr/prevenir-et-maitriser-les-risques-lies-la-presence-de-pesticides-et-de-leurs-metabolites-dans-leau

([5]) Le code général des collectivités territoriales, le code de la santé publique, le code de l’environnement et le code rural et de la pêche maritime

([6]) « Eau et milieux aquatiques, les chiffres clés – édition 2020 », OFB, décembre 2020.

([7]) https://agriculture.gouv.fr/prevenir-et-maitriser-les-risques-lies-la-presence-de-pesticides-et-de-leurs-metabolites-dans-leau