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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 mars 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale afin de supprimer le vote par assis et levé,
PAR M. Sébastien Peytavie
Député
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Voir le numéro : 925.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION..................................................... 5
Commentaire de l’article unique
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a célébré, le mois dernier, son vingtième anniversaire.
Les promesses de cette loi, qui a redéfini nos politiques publiques à l’égard des personnes handicapées, étaient ambitieuses : elle actait l’accès des 12 millions de personnes handicapées que compte notre pays au droit commun tout en l’adaptant, lorsque cela était nécessaire, afin de garantir une égalité de traitement dans tous les domaines. Elle prévoyait également le droit à la scolarité en milieu dit « ordinaire » pour les enfants en situation de handicap ou encore des obligations et des objectifs majeurs pour l’accessibilité des bâtiments et des transports.
L’espoir suscité par cette loi est à la hauteur de la déception résultant du retard considérable accumulé par la France dans sa mise en œuvre, tant en matière d’accessibilité que d’inclusion. Je m’attacherai à en dresser un bilan complet dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi du 11 février 2005, dont je suis co-rapporteur pour la commission des affaires sociales avec notre collègue Christine Le Nabour.
Les bâtiments historiques de l’Assemblée nationale n’échappent malheureusement pas aux retards pris en matière d’accessibilité et d’inclusion, malgré des progrès récents notables. Avant la précédente législature, il n’existait pas de place dans l’hémicycle de notre assemblée accessible aux personnes à mobilité réduite. Il n’en existait pas, non plus, dans l’hémicycle du Congrès, à Versailles. Même si c’est désormais le cas, des progrès restent à accomplir pour que la Maison du peuple puisse accueillir toutes les personnes en situation de handicap. Des efforts ont été réalisés pour améliorer l’accessibilité des visites de l’institution, que ce soit :
– pour les personnes à mobilité réduite, avec l’ouverture récente d’un ascenseur pour accéder aux galeries de l’hémicycle ;
– pour les personnes malvoyantes, grâce au dispositif Virtuoz de guidage tactile et audio ;
– pour les personnes malentendantes, par le recrutement d’un guide conférencier maîtrisant la langue des signes et par des traductions disponibles sur tablette.
Pour autant, une partie significative des locaux n’est toujours pas accessible et l’accès de tous et toutes à notre Assemblée se heurte encore trop souvent à des normes patrimoniales.
Le Règlement de notre assemblée conserve également des dispositions pouvant nuire à l’inclusion des personnes à mobilité réduite : la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale afin de supprimer le vote par assis et levé, que votre rapporteur a déposé avec la Présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, vise à y remédier.
En effet, l’article 63 de notre Règlement dispose que les votes s’expriment soit :
– à main levée ;
– par assis et levé ;
– au scrutin public ordinaire ;
– au scrutin public à la tribune.
L’article 64 précise que le vote à main levée constitue le mode de votation de droit commun en toutes matières. C’est alors en cas de doute sur le résultat du vote à main levée qu’il est procédé au vote par assis et levé.
Le Règlement permet toutefois au Président de séance de directement procéder à un scrutin public ordinaire sans procéder au vote par assis et levé, lorsque la première épreuve à main levée est déclarée douteuse.
Le Président ne dispose toutefois pas de cette possibilité pour clôturer une phase de discussion : l’article 57 du Règlement ne prévoit pas que le vote par scrutin public puisse être demandé pour statuer sur une demande de clôture d’une phase de discussion. Seul le vote par assis et levé permet alors de trancher un doute résultant du vote à main levée.
En matière de peines disciplinaires, l’article 72 ne prévoit que le vote par assis et levé pour prononcer, sur proposition du Bureau, la censure simple et la censure avec exclusion temporaire à l’encontre d’un député, sans autre modalité de vote en cas de doute.
En pratique, le recours au scrutin public ordinaire est généralement privilégié en cas de doute sur le résultat d’un vote à main levée, sauf dans les deux cas où le Règlement ne prévoit pas d’alternative au vote par assis et levé.
Ainsi, l’application stricte ou sans discernement du Règlement de l’Assemblée peut priver les personnes dans l’incapacité de se lever de la possibilité de participer aux scrutins concernés.
Cette situation n’a rien de théorique : le 28 mai dernier, lorsque l’Assemblée a dû se prononcer sur la censure avec exclusion temporaire d’un député, votre rapporteur, qui était présent dans l’hémicycle, n’a pas pu prendre part au scrutin. Votre rapporteur tient également à souligner qu’il n’a pas, non plus, pu prendre part, à deux reprises, au scrutin dans le cadre de l’élection de la présidence de l’Assemblée, celui-ci s’étant vu opposer un refus que soit descendue l’urne située en haut des escaliers de la tribune.
La présente proposition de résolution est par ailleurs l’occasion de reconnaître que la rigidité des normes qui régissent notre fonctionnement est une rigidité excluante et empêchante à laquelle nous devons mettre fin.
Afin d’y remédier, l’article unique de la proposition de résolution supprime, aux articles 57, 63, 64 et 72 du Règlement, les modalités de vote par assis et levé. Plus précisément :
– il prévoit que dans les cas de droit commun, en cas de doute sur un scrutin à main levée, il est directement procédé à un scrutin public ordinaire ;
– pour la clôture sur une phase de discussion, il est également procédé à un vote par scrutin public ordinaire en cas de doute sur le vote à main levée ;
– pour les sanctions disciplinaires que sont la censure simple et la censure avec exclusion temporaire, le vote à main levée devient la modalité de vote de droit commun – à la place du vote par assis et levé.
Votre rapporteur tient à saluer l’adoption unanime, par la commission des Lois, de cette proposition de résolution sans modification. Le vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2025 est ainsi l’occasion, pour l’Assemblée, de montrer l’exemple en allant vers des modalités de prise de décisions moins excluantes pour les personnes en situation de handicap.
Commentaire de l’article unique
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article supprime le vote par assis et levé afin de garantir le caractère inclusif des modes de votation et de ne pas exclure les personnes dans l’incapacité de se lever de la possibilité de participer aux scrutins.
Dernières modifications intervenues
L’article 57 du Règlement de l’Assemblée nationale a été modifié pour la dernière fois par la résolution n° 292 du 27 mai 2009 qui a réduit le temps de parole accordé à un orateur contre la clôture d’une phase de discussion de cinq à deux minutes.
L’article 63 du Règlement a été modifié à une seule reprise par la même résolution n° 292 du 27 mai 2009 qui a procédé à une modification d’ordre rédactionnel.
L’article 64 n’a pas fait l’objet de modifications depuis 1959.
L’article 72 a été créé par la résolution n° 437 du 28 novembre 2014 qui a réorganisé les sanctions disciplinaires et n’a pas fait l’objet de modifications ultérieures.
Position de la Commission
La Commission a adopté l’article unique sans modification.
Les modes de votation sont déterminés par le chapitre XIII du Règlement de l’Assemblée nationale (RAN).
● Conformément à l’article 27 de la Constitution, le vote est toujours personnel et les délégations de vote ne peuvent être effectuées pour les scrutins publics que dans les conditions fixées par l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique ([1]).
● L’article 63 du RAN dispose que les votes s’expriment soit :
– à main levée ;
– par assis et levé ;
– au scrutin public ordinaire ;
– au scrutin public à la tribune.
Depuis 2003, à la suite de la modification du dernier alinéa de l’article 65 du Règlement, la Conférence des présidents peut décider que le scrutin public, au lieu de se tenir à la tribune, se déroulera « dans les salles voisines de la salle des séances » où plusieurs postes de vote sont installés.
Le vote par scrutin public ordinaire a lieu par procédé électronique ou par bulletins papier (vote à l’urne) en cas de défaillance du système électronique. Lors d’un scrutin public à la tribune, le vote a lieu obligatoirement par bulletins. Tous les députés sont alors appelés nominalement et remettent leur bulletin à l’un des secrétaires désignés, qui le dépose dans une urne placée sur la tribune.
Les votes sont toujours publics, à l’exception des votes portant sur des nominations personnelles qui ont alors lieu à la tribune ou dans les salles voisines de la séance ([2]).
● Sauf pour les nominations personnelles, l’article 64 du RAN dispose que le vote à main levée constitue le mode de votation de droit commun en toutes matières.
Toutefois, en cas de doute sur le résultat du vote à main levée, il peut être procédé au vote par assis et levé et, si le doute persiste, le vote par scrutin public ordinaire est de droit ([3]).
En outre, en vertu du troisième alinéa de l’article 64, le président de séance dispose de la faculté de décider de procéder directement à un scrutin public ordinaire lorsque la première épreuve à main levée est déclarée douteuse.
Le recours au scrutin public ordinaire est également de droit dans plusieurs hypothèses :
– sur décision du président de séance, sur demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond ;
– sur demande écrite émanant personnellement soit du président d’un groupe, soit de son délégué.
Par ailleurs, les scrutins publics à la tribune ou dans les salons, sont de droit lorsque :
– la Constitution exige une majorité qualifiée ;
– lorsque la responsabilité du Gouvernement est engagée en application de l’article 49 de la Constitution ;
– lorsque le Gouvernement décide de soumettre au vote de l’Assemblée nationale une déclaration sur un sujet déterminé, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
Au cours de la XVIe législature, 4 105 scrutins publics ont eu lieu, dont 71 scrutins en forme solennelle et 4 034 en forme ordinaire.
● Le recours au scrutin public est toutefois exclu pour certaines décisions.
L’article 57 du RAN dispose ainsi que le vote par scrutin public ne peut être demandé pour statuer sur une demande de clôture d’une phase de discussion. En cas de doute sur le résultat du vote à main levée, l’Assemblée est nécessairement consultée par assis et levé ([4]).
De même, en matière de peines disciplinaires, l’article 72 prévoit que la censure simple et la censure avec exclusion temporaire, qui ne peuvent être prononcées à l’encontre d’un député que par l’Assemblée sur proposition du Bureau, le sont par assis et levé ([5]).
L’article unique de la proposition de résolution supprime le vote par assis et levé et y substitue un autre mode de votation, lorsque cela n’est pas déjà prévu par le Règlement de l’Assemblée nationale.
Cette modification vise à garantir l’inclusion des personnes en situation de handicap afin que les modes de votation n’excluent plus les personnes dans l’incapacité de se lever de la possibilité de participer aux scrutins concernés. Elle pourra également inspirer nos collègues sénateurs, s’ils décident de modifier en ce sens leur propre Règlement.
Bien que le recours au scrutin public ordinaire soit généralement privilégié en cas de doute sur le résultat d’un vote à main levée, l’application sans discernement des dispositions actuelles de notre Règlement, de même que les situations où une alternative au vote par assis et levé n’est pas prévue, sont susceptibles d’engendrer des discriminations à l’égard des députés dans l’incapacité de se lever. Ce mode de votation en matière disciplinaire a par exemple déjà donné lieu à des difficultés en séance publique, notamment lors du vote sur la censure avec exclusion temporaire d’un député lors de la séance du 28 mai 2024 ([6]).
Ainsi, l’article unique de la proposition de résolution modifie, en premier lieu, l’article 57 du RAN afin de prévoir que le vote sur la clôture d’une phase de discussion a lieu, en cas de doute sur le résultat du vote à main levée, par scrutin public ordinaire. Il supprime, par conséquent, la disposition prévoyant la poursuite de la discussion lorsque le doute sur le résultat du vote subsistait, qui devient sans objet.
En deuxième lieu, l’article unique supprime le vote par assis et levé des modes de votation possibles listés à l’article 63 du RAN.
En troisième lieu, il prévoit à l’article 64 qu’en cas de doute sur le résultat d’un vote à main levée, il soit procédé à un scrutin public ordinaire.
En dernier lieu, l’article unique de la proposition de résolution prévoit que les votes prévus à l’article 72 du RAN sur les peines disciplinaires, proposées par le Bureau, de censure simple et de censure avec exclusion temporaire aient lieu à main levée.
La Commission a adopté l’article unique sans modification.
Lors de sa réunion du lundi 3 mars 2025, la Commission examine la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale afin de supprimer le vote par assis et levé (n° 925) (M. Sébastien Peytavie, rapporteur).
Présidence de Mme Pascale Bordes, vice-présidente.
Lien vidéo : https://assnat.fr/sUbdKm
M. Sébastien Peytavie, rapporteur. Nous avons célébré, le mois dernier, le vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi, dont les promesses étaient ambitieuses, a redéfini nos politiques publiques à l’égard des personnes handicapées. Elle actait en effet l’accès des 12 millions de personnes handicapées de notre pays au droit commun tout en adaptant celui-ci lorsque cela était nécessaire, dans le but de garantir une égalité de traitement dans tous les domaines. Elle garantissait également le droit à la scolarité en milieu dit « ordinaire » pour les enfants en situation de handicap et fixait des obligations et des objectifs majeurs pour l’accessibilité des bâtiments et des transports.
Mais la déception qu’a entraînée le retard considérable pris dans la mise en œuvre de cette loi, tant en matière d’accessibilité que d’inclusion, est à la mesure de l’espoir qu’elle avait suscité. Je m’attacherai à en dresser un bilan complet dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi du 11 février 2005, dont je suis co‑rapporteur avec ma collègue de la commission des affaires sociales Christine Le Nabour.
L’Assemblée nationale, ce vieux bâtiment du XVIIIe siècle, n’échappe malheureusement pas aux retards accumulés en matière d’accessibilité et d’inclusion, malgré des progrès notables. Jusqu’à la précédente législature, il n’existait pas de place dans l’hémicycle qui soit accessible aux personnes à mobilité réduite. Il n’en existait pas non plus dans l’hémicycle du Congrès, à Versailles. C’est aujourd’hui le cas – bien que le nombre de places demeure limité –, mais des progrès restent à accomplir pour que la maison du peuple ne soit pas excluante à l’égard des personnes en situation de handicap. Une partie significative des locaux n’est toujours pas accessible et nous nous heurtons encore bien souvent, lorsqu’il s’agit d’en garantir l’accès à tous, à des normes patrimoniales.
Notre institution n’est pas non plus exemplaire en matière d’emploi de personnes en situation de handicap : celles-ci ne représentent que 4,7 % du personnel, un taux en deçà de l’objectif légal de 6 % et de la moyenne de 6,89 % atteinte dans la fonction publique territoriale.
Le Règlement de notre assemblée conserve également des dispositions pouvant nuire à l’inclusion des personnes à mobilité réduite ; la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui a pour objet d’y remédier. En effet, son article 63 dispose que les votes s’expriment soit à main levée, soit par assis et levé, soit au scrutin public ordinaire, soit au scrutin public à la tribune. L’article 64 précise que le vote se fait normalement à main levée et que c’est en cas de doute quant au résultat qu’il est procédé au vote par assis et levé.
Le Règlement permet au président de séance de procéder directement à un scrutin public ordinaire sans procéder au vote par assis et levé lorsque la première épreuve à main levée est déclarée douteuse. Il ne dispose toutefois pas de cette possibilité pour clore une phase de discussion. L’article 57 dispose en effet que le vote par scrutin public ne peut être demandé pour statuer sur la demande de clôture d’une phase de discussion ; seul le vote par assis et levé permet alors de lever un doute. Il en va de même en matière de peines disciplinaires : l’article 72 prévoit ainsi que la censure simple et la censure avec exclusion temporaire, qui sont prononcées à l’encontre d’un député par l’Assemblée sur proposition du bureau, le sont par assis et levé.
En pratique, le recours au scrutin public ordinaire est généralement privilégié en cas de doute sur le résultat d’un vote à main levée, sauf dans les deux cas où le Règlement ne prévoit pas d’alternative au vote par assis et levé.
Ainsi, l’application stricte ou sans discernement du Règlement de l’Assemblée peut priver de la possibilité de participer à un scrutin les personnes qui se trouvent dans l’incapacité de se lever. Cette situation n’a rien de théorique : le 28 mai dernier, lorsque l’Assemblée a dû se prononcer sur la censure avec exclusion temporaire d’un député, j’étais présent dans l’hémicycle mais n’ai pas pu prendre part au scrutin. De façon assez absurde, je n’ai pas non plus pu voter à deux reprises lors de l’élection de la présidente de l’Assemblée le 18 juillet dernier, parce que l’on refusait de descendre l’urne située en haut des escaliers.
Cette proposition de résolution est l’occasion de reconnaître que la rigidité des normes qui régissent notre fonctionnement est excluante, empêchante, et que nous devons y mettre fin.
Afin d’y remédier, l’article unique de la proposition de résolution supprime, aux quatre articles du Règlement que je viens d’évoquer, les modalités de vote par assis et levé. Plus précisément, il prévoit que dans les cas de droit commun, si un scrutin à main levée est déclaré douteux, il est directement procédé à un scrutin public ordinaire. Il prévoit la même chose pour la clôture d’une phase de discussion. Pour les sanctions disciplinaires que sont la censure simple et la censure avec exclusion temporaire, le vote à main levée devient la modalité de vote de droit commun, à la place du vote par assis et levé.
Je tiens à remercier la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun‑Pivet, d’avoir signé avec moi cette proposition de résolution. Le vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2025 est l’occasion pour notre Assemblée de montrer l’exemple en allant vers des modalités de prise de décision moins excluantes. Je forme le vœu que ce texte puisse inspirer nos collègues sénateurs à l’occasion de l’examen en séance publique, le 8 avril prochain, de la proposition de résolution tendant à renforcer les moyens de contrôle des sénateurs, conforter les droits des groupes politiques, et portant diverses mesures de clarification et de simplification, qui vise à modifier le Règlement du Sénat.
Mme Pascale Bordes, présidente. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir fait état des rigidités encore présentes dans notre Règlement et des situations d’exclusion auxquelles il convient de remédier.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Emeric Salmon (RN). Merci de m’accueillir dans votre commission.
J’espère que cette proposition de résolution recueillera l’unanimité des voix. La prise en compte de la situation de handicap est en effet indispensable et l’Assemblée nationale ne doit pas échapper à cette obligation. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, des efforts ont été faits depuis juin 2022 : une place a été aménagée pour vous et des boutons de vote en braille ont été installés pour notre collègue José Beaurain, qui bénéficie également d’une tolérance s’agissant de son temps de parole, puisqu’il lit en braille. Ce sont des sujets auxquels l’ensemble de la représentation nationale doit toujours rester sensible et j’espère que la proposition de résolution ne fera pas débat.
Ne serait-il pas possible d’introduire, à l’article 12 du Règlement ou après cet article, la possibilité pour le bureau, lors de sa constitution, de prendre toute disposition visant à tenir compte d’un handicap quel qu’il soit, sans qu’il soit nécessaire de modifier à nouveau le Règlement pour cela ni de faire la liste de tous les handicaps ? Cela permettrait à tout député d’exercer son rôle quel que soit son éventuel handicap.
Je vous remercie pour votre proposition, monsieur le rapporteur, à laquelle notre groupe est évidemment favorable.
M. Jean Terlier (EPR). Cette proposition de résolution bienvenue met en lumière la contradiction à laquelle nous avons été confrontés durant les Jeux paralympiques : alors que nous glorifiions nos athlètes, nous constations malheureusement la persistance des problèmes d’accessibilité dont souffrent les personnes en situation de handicap. Il faut avouer qu’en dépit d’évolutions constantes, l’Assemblée nationale n’est pas encore tout à fait à la hauteur de l’idéal d’égalité que nous avons gravé au fronton de la République. Nous sommes toutes et tous concernés. C’est pourquoi je vous remercie, monsieur le rapporteur, de nous donner l’occasion de faire évoluer le Règlement de notre assemblée.
La date est bien choisie : nous fêtons non seulement les vingt ans de la loi sur le handicap du 11 février 2005, mais aussi les cinquante ans d’un texte fondateur, la loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Le handicap concerne 12 millions de Françaises et de Français et leurs 8 millions d’aidants. Il nous faut donc avancer point par point, faire l’économie des discours convenus et lever chacune des barrières qui, au quotidien, empêchent encore des personnes en situation de handicap d’accéder à leurs droits et de participer pleinement à la vie de la société.
Le droit à la compensation du handicap est le premier droit des personnes handicapées ; il est inscrit dans notre corpus juridique. Le groupe Ensemble pour la République votera sans réserve en faveur de cette proposition de résolution, qui supprime le vote par assis et levé pour lui substituer un autre mode de votation lorsque cela n’est pas déjà prévu par le Règlement. Il est bienvenu que notre assemblée montre l’exemple ; c’est un pas de plus vers une société plus inclusive et solidaire.
M. Thomas Portes (LFI-NFP). « Les hommes naissent […] libres et égaux en droits » : c’est ce qu’affirme l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Pourtant, nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens sont encore exclus de cet universalisme républicain. Alors que près de 15 millions de Français se déclarent concernés par le handicap, celui-ci reste en tête des motifs de réclamation pour discrimination auprès de la Défenseure des droits.
Nous avons fêté le 11 février dernier le vingtième anniversaire de la loi de 2005, dont l’objectif essentiel était de favoriser l’accès à l’autonomie des personnes en situation de handicap ; or nous ne pouvons que constater que l’on est encore loin du compte. Alors que les textes internationaux nous rappellent que le handicap n’est pas une caractéristique individuelle mais qu’il est provoqué par l’inadaptation de l’environnement, notre société continue d’exclure les citoyens vivant avec un handicap. Des lois sont venues affaiblir les ambitions de 2005, comme la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Elan », qui a réduit à 20 % seulement le quota de logements neufs accessibles. Les sanctions à l’encontre des établissements qui ne remplissent pas leurs obligations sont insuffisantes : plus de la moitié des bâtiments restent inaccessibles. La prochaine revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ne permettra toujours pas d’atteindre le niveau du seuil de pauvreté.
Rappelons enfin que l’accès à la citoyenneté passe par une éducation de qualité. Or la précarité entretenue des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ne permet pas de rendre l’école publique réellement accessible. Un chiffre doit particulièrement nous alerter : une personne en situation de handicap sur trois n’est pas inscrite sur les listes électorales. Toutes les associations s’accordent à dire et à répéter qu’il n’adviendra jamais de société pleinement inclusive si nous ne faisons pas preuve de volontarisme politique.
Notre collègue Sébastien Peytavie nous propose une mesure simple. Elle consiste à supprimer de notre Règlement le vote par assis et levé qui, de fait, exclut toute personne n’ayant pas la capacité de se lever. C’est une proposition tellement simple que l’on est en droit de se demander pourquoi il aura fallu attendre 2025 pour en discuter et la voter. Certes utile, elle revêt aussi un caractère symbolique. Or, pour aboutir à une société réellement inclusive, nous ne pourrons pas nous contenter de symboles.
Nous voterons évidemment en faveur de cette proposition. Nous espérons cependant qu’elle ne sera pas le gage de bonne conscience qui invisibilisera les mesures restant à prendre : celles-ci sont indispensables pour bannir la ségrégation sociale à l’égard des personnes en situation de handicap, encore trop fréquente. Nous y veillerons.
Mme Marie-José Allemand (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés soutient bien entendu cette proposition de résolution.
La loi du 11 février 2005 avait une grande ambition : ériger en principe l’égalité des droits et l’accessibilité à la vie citoyenne des personnes en situation de handicap. Vingt ans après, malgré des avancées incontestables et significatives, de nombreux obstacles subsistent. Au quotidien, dans bien des situations, l’accessibilité et l’inclusion des personnes en situation de handicap reste entravée. Quelques chiffres suffisent à s’en convaincre. L’objectif de 100 % de logements adaptés au handicap dans les constructions collectives neuves a été réduit à 20 % en 2018. Au sein des 112 000 entreprises assujetties à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, ceux-ci représentent 3,6 % des effectifs, loin des 6 % imposés par la loi de 2005. L’inclusion scolaire a certes progressé, avec 470 000 élèves en situation de handicap accueillis en milieu ordinaire en 2024 – deux fois plus qu’il y a dix ans –, mais leurs conditions d’accueil restent très insatisfaisantes, du fait, notamment, des pénuries de personnel accompagnant. Vingt ans après, le handicap demeure vecteur d’inégalités et un long chemin reste à parcourir.
L’Assemblée nationale n’échappe pas à ces retards et certaines de nos règles ne sont plus adaptées. La suppression du vote par assis et levé relève du symbole, mais il y a des symboles qui comptent. Je crois nécessaire que l’Assemblée montre l’exemple en garantissant des modalités de vote qui n’excluent aucun de ses membres.
Je souhaite remercier notre collègue Sébastien Peytavie, qui, depuis son élection en juin 2022, a mis en lumière à plusieurs reprises le manque d’accessibilité de notre institution, nous forçant à prendre conscience du chemin qu’il reste à parcourir pour assurer la pleine égalité des personnes en situation de handicap.
La proposition de résolution contribue à cet objectif ; c’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés la soutiendra et la votera sans réserve.
Nous souhaitons aussi que l’Assemblée poursuive ce travail en faisant évoluer d’autres règles peu inclusives. Il serait par exemple souhaitable de modifier le vote à la tribune de l’hémicycle, auquel il est recouru notamment pour l’élection de notre président, afin que chaque député puisse déposer lui-même son bulletin dans l’urne.
M. Olivier Marleix (DR). Pour des yeux extérieurs, cette modification du Règlement de l’Assemblée n’est peut-être pas le Grand Soir. Pourtant, les exemples édifiants que vous avez donnés, monsieur le rapporteur, montrent que la suppression du vote par assis et levé – une initiative dont je ne sais pas si elle émane de la présidente de l’Assemblée ou de vous-même – est une mesure non seulement hautement symbolique, mais aussi pratique. Elle contribuera à lutter contre l’une des discriminations ordinaires qui persistent dans notre pays et nous empêchent de construire la société véritablement inclusive que nous devons aux personnes atteintes d’un handicap.
On peut regretter le décalage entre la puissance normative, y compris celle de la loi de 2005, et le manque de bon sens, de discernement et de simplicité dont on fait preuve lorsqu’il s’agit de trouver des solutions favorisant l’inclusion. Je ne peux m’empêcher de penser aux commerces que l’on a préféré condamner à la fermeture plutôt que de trouver des solutions dérogatoires. Notre société a d’abord besoin de plus d’humain. La preuve : dans ce temple de la démocratie où a été votée la loi de 2005, on avait oublié des évidences et l’on pratiquait des discriminations ordinaires.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette avancée utile.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je tiens moi aussi à remercier notre collègue Sébastien Peytavie pour sa proposition de résolution. Ne pouvant mieux que lui décrire les difficultés et les obstacles que rencontrent à l’Assemblée nationale les personnes en situation de handicap, j’étendrai le propos à la problématique générale des discriminations auxquelles elles sont confrontées.
Que nous soyons encore en train d’en débattre en 2025 montre le chemin qu’il reste à parcourir. Au fond, l’enjeu est de reconnaître et d’admettre l’existence sociale des personnes en situation de handicap. Le fait qu’en ce temple de la République, l’égalité des droits ne soit pas complète est révélateur. Le système de vote par assis et levé révèle que tout est pensé par les valides, qui seraient les seuls à même de prendre des décisions.
La loi de 2005 avait suscité beaucoup d’espoirs, mais a entraîné de nombreuses déceptions, notamment parce que certaines promesses n’ont pas été tenues. Même à Paris, une capitale qui devrait être à la pointe de l’accessibilité et de l’inclusion, le constat est accablant : obstacles partout, transports inadaptés, voirie impraticable, bâtiments publics difficilement accessibles. Et je n’évoque que ce qui concerne le handicap physique, alors qu’il y aurait beaucoup à dire sur le handicap mental. Trop souvent, c’est aux personnes en situation de handicap de contourner les obstacles, de quémander un accès, un droit, une place. C’est inadmissible, car l’égalité, ce n’est pas leur demander de faire des efforts supplémentaires ni d’accepter une injustice comme une fatalité ; c’est reconnaître qu’elles ont les mêmes droits et donc adapter nos règles, nos infrastructures et nos façons de penser afin qu’elles ne soient plus invisibilisées.
Le handicap est depuis plusieurs années le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discriminations ; selon son rapport annuel d’activité, il a ainsi représenté 21 % des saisines en 2023. Ce chiffre à lui seul est le reflet des obstacles qui entravent encore aujourd’hui le quotidien des personnes en situation de handicap pour accéder aux services publics, suivre une scolarité dans des conditions dignes ou simplement exercer une activité professionnelle. Refuser cette évidence, c’est perpétuer un système dans lequel certaines et certains doivent lutter pour obtenir ce qui est accordé aux autres naturellement. C’est nier le fait que nous sommes toutes et tous concernés aujourd’hui et demain, et ne pas prendre en compte les milliers de proches aidants familiaux. Pourtant, combien doivent encore se battre ? Combien sont encore empêchés d’accéder aux droits fondamentaux ? Combien même sont exclus des débats qui les concernent ? Cette proposition de résolution aurait-elle jamais vu le jour si elle n’avait été défendue par Sébastien Peytavie, lui-même en fauteuil ?
Comme le dit avec justesse l’athlète de tennis fauteuil et militante Pauline Déroulède : « Sauver des vies, c’est permis ! » Devenue paraplégique après un accident en 2018, elle incarne le combat quotidien contre les barrières invisibles. Il ne s’agit pas simplement de survivre, mais de vivre pleinement sans que des obstacles entravent ce droit fondamental. L’inclusion n’est pas un privilège accordé sous conditions, mais un droit garanti à toutes et à tous. Pour bâtir une société pleinement inclusive, il est essentiel de repenser nos institutions, nos lois, nos politiques, et d’éliminer les obstacles à l’égalité. La République, en effet, c’est l’égalité, ou ce n’est pas la République.
Nous voterons donc pour cette proposition de résolution.
Mme Anne Bergantz (Dem). Le Règlement de l’Assemblée nationale obéit à un principe clair : fixer un cadre qui garantisse à chaque député la possibilité d’exercer pleinement son mandat. Or la proposition de résolution que nous examinons met en lumière une limite à ce principe. Vingt ans après l’adoption de la loi de 2005, nous prenons tardivement conscience du fait que subordonner le pouvoir de vote d’un parlementaire à sa capacité à se lever peut se révéler discriminatoire. Comment justifier que des membres de notre assemblée soient exclus en raison d’une situation de handicap de l’une des modalités de délibération inscrites dans notre Règlement ?
En 2019, plus d’un million de Français utilisaient régulièrement un fauteuil roulant – un chiffre loin de résumer le sujet du handicap. Disons-le avec force : être en situation de handicap ne doit jamais devenir une entrave à la participation citoyenne ni à la possibilité de s’exprimer et de délibérer, à plus forte raison ici, à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi cette proposition de résolution, même si sa portée peut sembler symbolique, revêt une grande importance.
Nous devons acter le fait que notre société progresse en matière de reconnaissance des situations de handicap et donner l’exemple dans notre institution en supprimant le vote par assis et levé. Cela n’entravera ni le fonctionnement de notre assemblée ni la fluidité de nos débats, car cette procédure pourra aisément être remplacée par le recours au scrutin public ordinaire.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates soutiendra évidemment la révision du Règlement proposée et votera pour cette proposition de résolution.
Mme Naïma Moutchou (HOR). L’Assemblée nationale légifère souvent sur l’égalité des droits, mais elle n’est pas toujours à la hauteur de ses propres principes. C’est un fait, il faut l’assumer ; l’usage du vote par assis et levé en est une illustration. Depuis vingt ans, nous affirmons vouloir rendre la société accessible à tous, mais, dans les faits, cet objectif est encore loin d’être atteint. L’accessibilité reste un parcours d’obstacles parfois visibles, souvent insidieux. Combien d’enfants en situation de handicap commencent encore l’année scolaire sans accompagnant ? Combien de nos concitoyens renoncent encore à un emploi faute de pouvoir accéder à leur lieu de travail ? Combien se heurtent à des bâtiments inadaptés ou à des transports impraticables ?
Dans l’hémicycle, nous avons laissé perdurer une pratique qui, dans les faits, exclut des députés du processus parlementaire. Le vote par assis et levé leur impose soit de solliciter une exception, soit de renoncer à leur droit de vote. Mais une démocratie où l’on doit demander l’égalité n’est pas une démocratie exemplaire. On nous dira que c’est un détail, que l’Assemblée nationale a toujours fonctionné de cette manière, mais l’argument de l’habitude est l’ennemi du progrès. À chaque fois qu’une règle empêche la pleine participation d’un député, elle doit être changée. Quand il s’agit d’égalité, la question n’est pas de savoir si nous avons toujours fait ainsi mais si nous faisons bien. Supprimer le vote par assis et levé, ce n’est pas seulement corriger une imperfection, c’est réparer une anomalie. C’est refuser qu’un député soit réduit à son handicap dans l’exercice de son mandat, et c’est aussi adresser un message clair : l’inclusion ne se proclame pas, elle s’applique.
Notre collègue Sébastien Peytavie nous le rappelle avec force à chacune de ses prises de parole. Par sa présence et par son engagement, il nous oblige à regarder en face les contradictions de notre propre institution. Il mène ce combat avec une détermination qui force le respect et qui ne nous laisse pas indifférents. Je le remercie et salue son action, qui mérite notre reconnaissance.
Le groupe Horizons & indépendants votera évidemment en faveur de cette proposition de résolution – une avancée essentielle –, parce qu’un droit ne se quémande pas et parce que l’égalité ne doit jamais être une concession.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). La modification du Règlement de l’Assemblée que la présente proposition de résolution tend à opérer relève de l’évidence. Pourtant, il a fallu attendre 2025 pour que nous pensions à l’adopter, peut-être parce que notre assemblée n’est pas si représentative de la nation – elle n’est pas paritaire et ne reflète pas la diversité des communautés, ni des cultes. Notre assemblée est imparfaite, mais nous pouvons la changer. Par ce texte, monsieur le rapporteur, vous nous donnez les moyens de le faire rapidement – plutôt rapidement, si l’on considère que vous êtes élu depuis 2022. En France, quelque 600 000 personnes sont équipées d’un fauteuil roulant ; vous êtes le premier député dans ce cas. Les membres du groupe GDR voteront ce texte qui fait du bien.
Il nous oblige aussi à réfléchir à d’autres difficultés. Je pense à Mme Karine Lebon, députée d’outre-mer : lorsqu’elle était enceinte, ne pouvant prendre l’avion, elle devait demander à être placée en arrêt maladie pour avoir le droit de voter par procuration ; cela l’obligeait à arrêter également son travail en circonscription, alors que ce n’était pas nécessaire. L’entrée des femmes à l’Assemblée nationale ne date pas, elle, de 2022, mais nous devrons attendre encore quelques mois pour parfaire le toilettage du Règlement.
Mme Pascale Bordes, présidente. S’il en était besoin, l’ensemble des interventions montre combien notre système est perfectible ; les propositions de cette nature contribuent à le bonifier et à nous grandir.
M. Sébastien Peytavie, rapporteur. J’en ai parlé, la mission d’évaluation de la loi du 11 février 2005 est en cours ; en juillet, nous ferons des propositions d’amélioration.
La France a ratifié en 2010 la Convention de l’Organisation des Nations unies (ONU) relative aux droits des personnes handicapées, qui donne une tout autre définition du handicap : au-delà des considérations médicales, celui-ci est provoqué par un environnement inadapté.
Là est le cœur de la question. La loi Elan, par exemple, a remis en débat le besoin d’adapter les logements. À chaque demande d’amélioration de l’accessibilité, on nous oppose le coût. Mais le coût de l’accessibilité, c’est celui du respect des droits. Souvent, aussi, l’argument du patrimoine est avancé, ici comme dans ma circonscription de Dordogne, où se trouve par exemple la ville de Sarlat, pour empêcher des travaux.
Monsieur Marleix, vous avez évoqué le nombre des commerces obligés de fermer parce qu’ils ne s’étaient pas mis aux normes, mais il faudrait lui comparer le nombre de commerces dont les propriétaires ont bénéficié d’une dérogation parce qu’ils sont installés dans un bâtiment ancien, sans réfléchir aux modifications qu’ils pouvaient apporter, à défaut de mettre le bâtiment aux normes – parfois, à cause d’une seule petite marche, des personnes en situation de handicap en sont exclues. Il y a là quelque chose d’intolérable.
Si l’argument du coût peut s’entendre – et encore –, une modification de Règlement comme celle qui nous occupe ne coûte rien. On pourrait dresser la liste des améliorations qui n’ont pas été faites, alors qu’elles ne coûtent rien. En vingt ans, seuls 3 % des sites internet utiles aux Français ont été rendus accessibles. Toutes vos publications sur internet sont-elles accessibles à tous ? Aucune formation n’est dispensée aux nouveaux élus pour s’assurer qu’elles le soient. Combien de permanences de député, combien de sièges de parti politique sont accessibles ? Il ne faut pas nous étonner que si peu d’élus soient en situation de handicap : ainsi se fabrique l’exclusion – voilà où nous en sommes.
Vous l’avez dit, la proposition que je défends est simple et symbolique, mais son adoption enverrait un message fort. Je vous assure que le 18 juillet, quand je n’ai pas pu monter à la tribune pour voter, le message était pathétique. En circonscription, nombreux sont les élus à se désoler que l’endroit où l’on écrit la loi n’ait pas fait l’effort qu’eux-mêmes ont consenti en faveur des bâtiments publics, en particulier les petites mairies.
Le texte que nous examinons nous permet de nous rattraper, mais également de montrer que toutes les institutions peuvent faire de même, gratuitement, simplement en modifiant leur règlement. Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) ont donné l’exemple lors de la diffusion des hymnes, en demandant aux spectateurs de se lever, s’ils le pouvaient : tout le monde peut reprendre cette formule et gagnerait à le faire.
Je vous remercie pour votre soutien et vous invite, dans vos publications, au sein de vos partis, en circonscription, à promouvoir ce message. Les vingt ans de la loi de 2005 nous offrent l’occasion de nous interroger à nouveau sur ce qui fait société, de nous demander si nous voulons laisser de côté 12 millions de personnes – 16 % de la population –, ne pas leur donner accès aux mêmes droits que les autres sous prétexte de coût ou de difficulté.
Article unique (art. 57, 63, 64 et 72 du règlement de l’Assemblée nationale) : Suppression du vote par assis et levé
La commission adopte l’article unique non modifié.
L’ensemble de la proposition de résolution est ainsi adoptée.
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale afin de supprimer le vote par assis et levé (n° 925) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
([1]) L’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote énumère les cas suivants : maladie, accident ou événement familial grave empêchant le parlementaire de se déplacer ; mission temporaire confiée par le Gouvernement ; service militaire accompli en temps de paix ou en temps de guerre ; participation aux travaux des assemblées internationales en vertu d’une désignation faite par l’Assemblée nationale, en cas de session extraordinaire, absence de la métropole ; cas de force majeure appréciés par décision des bureaux des assemblées.
([2]) Article 63, alinéa 2 du RAN.
([3]) Le Règlement du Sénat prévoit des dispositions analogues, dans ses articles 53 et 54.
([4]) À rapprocher de l’article 38, alinéa 3 du Règlement du Sénat.
([5]) À rapprocher de l’article 96 du Règlement du Sénat.
([6]) Compte rendu de la deuxième séance du mardi 28 mai 2024.