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N° 1179
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaïsme (n° 962).
PAR M. Pascal LECAMP
Député
Voir le numéro : 962
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Pages
Article 2 ter (nouveau) Rapport sur la redistribution de la valeur créée par l’agrivoltaïsme
Liste des personnes auditionnÉes
La France s’est fixé l’objectif ambitieux de dépasser les cent gigawatts de production d’énergie solaire d’ici 2050, ce qui représente près de dix fois la capacité de production atteinte en 2023. Pour y parvenir, la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables du 10 mars 2023, dite loi « APER », facilite le déploiement du photovoltaïque sur tout le territoire, tout en encadrant l’implantation de panneaux solaires dans les espaces agricoles, pastoraux et forestiers. L’enjeu est en effet de concilier les objectifs de préservation de notre souveraineté alimentaire et d’autonomie énergétique.
La définition de l’agrivoltaïsme consacrée à l’article 54 de la loi APER traduit cette ambition en liant indissociablement les deux activités : est une installation agrivoltaïque toute « installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l'installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».
Cette loi n’est toutefois qu’un premier jalon et nécessite d’être complétée. Comme le relevaient les auteurs du rapport relatif à son application ([1]), elle présente notamment des lacunes relatives au partage de la valeur entre les territoires, ou entre les exploitants agricoles et les exploitants des installations photovoltaïques, que les textes réglementaires publiés depuis sa promulgation n’ont que partiellement résolues.
Si l’agrivoltaïsme représente assurément une opportunité exceptionnelle pour faire se rencontrer la défense de la souveraineté alimentaire et celle de la souveraineté énergétique, son développement se doit d’être maîtrisé et raisonné pour concilier ces enjeux et favoriser les conditions de son acceptabilité sociale. De même, la garantie d’un partage de la valeur objectif, transparent, et au service prioritaire du monde agricole apparaît indispensable pour permettre aux acteurs territoriaux de se saisir de ses potentialités.
Aujourd’hui, près de 70 % des agriculteurs ont déjà été démarchés pour accueillir une installation agrivoltaïque alors que les objectifs français de développement des énergies renouvelables visent environ 0,5 % de la surface agricole utile. Sans cadre équilibré et approprié, cette opportunité risque de se transformer en une source de crispations et de frustrations. Les tensions qui peuvent apparaître sont d’autant plus grandes que le projet agrivoltaïque peut parfois être fondé sur la promesse de revenus aux agriculteurs qui rendraient anecdotique le maintien d’une activité agricole.
Afin de prévenir au mieux ces éventuels conflits d’usage et l’essor d’une concurrence contre-productive, voire injuste, dans le déploiement des projets, et d’éviter que des parcs surdimensionnés ne suscitent des réactions de rejet de la part des collectivités territoriales et de leurs populations, la présente proposition de loi s’attache à compléter les dispositions qui encadrent l’agrivoltaïsme. Elle est le fruit de réflexions et de concertations entreprises durant plusieurs mois au sein d’un groupe de travail volontairement ouvert aux représentants des différents groupes politiques et aux représentants des différents intérêts professionnels et privés (organisations agricoles, développeurs d’énergies renouvelables, propriétaires terriens, professionnels du droit…).
L’article 1er A, introduit par la commission des affaires économiques, confie aux commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) la responsabilité de veiller à la juste répartition territoriale des installations agrivoltaïques.
L’article 1er propose un partage territorial de la valeur adapté à la nature agrivoltaïque des projets subventionnés. Ce partage est essentiel pour ne pas désolidariser les acteurs agricoles, alors que seuls quelques-uns parmi eux seront choisis pour développer un projet. Veiller à ce que ces projets assurent également des retombées collectives aidera en outre à leur acceptabilité sociale.
L’article 2, avec le même souci de garantir une répartition équilibrée et raisonnée des projets sur l’ensemble du territoire, fixe des limites, de puissance et d’occupation de la surface agricole utile, aux projets, tout en incitant les CDPENAF à moduler ces plafonds en fonction des spécificités territoriales.
L’article 2 bis prévoit également la compétence des CDPENAF pour fixer un plafond de puissance inférieur.
L’article 3 permet de combler un vide juridique laissé par la loi APER en instaurant un montage contractuel unique et adapté aux projets agrivoltaïques, dès lors que le propriétaire des terres n’est pas l’exploitant agricole. Ce montant contractuel garantit le maintien des protections dont bénéficie l’exploitant agricole à travers le statut du fermage.
L’article 4 instituait au profit des établissements publics de coopération intercommunale un droit de préemption sur les parcelles susceptibles d’accueillir un projet agrivoltaïque, dès lors que ces établissements sont compétents en matière d’urbanisme et souhaitent assurer l’exploitation d’installations agrivoltaïques. Il a toutefois été supprimé par la commission des affaires économiques.
Les articles 2 ter, 2 quater et 4 bis prévoient différents rapports du Gouvernement au Parlement sur le régime de l’agrivoltaïsme.
L’article 5, enfin, gage financièrement la proposition de loi pour la rendre recevable au regard de l’article 40 de la Constitution.
Article créé par la commission
Cet article confie aux commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers la mission de veiller à la répartition territoriale des projets agrivoltaïques afin de prévenir la concentration des installations.
Ce nouvel article 1er A, issu de l’amendement CE11 de M. David Taupiac, adopté par la commission contre l’avis du rapporteur, confie aux commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) la mission de « veiller à la répartition territoriale » des installations agrivoltaïques.
D’après l’article L. 111-31 du code de l’urbanisme, tout projet d’installations agrivoltaïques ne peut être autorisé que sur avis conforme de la CDPENAF territorialement compétente.
En l’état actuel du droit, une CDPENAF rend son avis en vérifiant si le projet répond à la définition de l’agrivoltaïsme donnée par l’article L. 314‑36 du code de l’énergie, selon laquelle « les modules [de l’installation] sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole », ainsi qu’aux critères et conditions précisés par le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024. Pour se faire, la CDPENAF vérifie, notamment, que le projet apporte à la parcelle agricole au moins l’un des services énumérés à l’article L. 314-36 et que ce projet garantit le maintien d’une production agricole significative et d’un revenu durable en découlant.
Le nouvel article L. 111-31-1 du code de l’urbanisme exige désormais que la CDPNAF s’assure également de la « juste » répartition territoriale des projets, afin, précise son exposé des motifs, de lutter contre la concentration des installations agrivoltaïques sur les plus grandes exploitations ou à proximité des postes source (pour réduire les distances de raccordement).
La CDPENAF aura ainsi la responsabilité de proposer une autre implantation pour un projet si elle estime que la répartition – géographique ou par tailles d’exploitations – des parcs agrivoltaïques existants ou prévus n’est pas équilibrée sur son territoire, ou de refuser ce projet.
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Article adopté avec modifications
L’article 1er vise à créer un dispositif de partage territorial de la valeur spécifique aux projets agrivoltaïques. Il impose aux porteurs de projets agrivoltaïques retenus dans le cadre d’un appel à projets organisé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de financer, sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale où ces installations seront implantées, des projets bénéficiant au renforcement de l’agriculture, à la transition agroécologique et aux plans alimentaires territoriaux. Il prévoit que ces contributions sont versées à un fonds géré par la chambre d’agriculture du département et leur utilisation décidée conjointement par des représentants du monde agricole et des représentants du département concerné et de ses communes et EPCI.
Le partage de la valeur créée par les installations de production d’énergie renouvelable avec leurs territoires d’implantation constitue l’un des principaux leviers pour faciliter l’acceptation des projets par les habitants et les communes concernés.
Les entreprises des secteurs de l’énergie contribuent déjà directement au budget des collectivités territoriales, en payant, à l’instar des entreprises des transports ferroviaires et des communications, et en sus des impôts locaux classiques, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), taxe créée par la loi de finances pour 2010 au profit des collectivités locales.
Le calcul et la répartition de l’IFER entre collectivités varient selon les filières technologiques.
L’IFER des installations de production d’électricité photovoltaïque est prévue par l’article 1519 F du code général des impôts.
N’y sont soumises que les installations dont la puissance installée est supérieure ou égale à 100 kilowatts (kW) – ce qui exonère les installations en autoconsommation individuelle des particuliers. Sont également exonérées les centrales en autoconsommation totale. Elle est versée chaque année, à raison de 8,51 € par kW de puissance installée pour les installations mises en service avant le 1er janvier 2021 (soit 8 510 € par mégawatt – MW) et de 3,54 € par kW (ou 3 542 € par MW) pour les installations postérieures (taux au 1er janvier 2025).
Les recettes sont, en règle générale, partagées à parts égales entre la commune d’implantation et le département dans lequel elle se situe. Toutefois, à partir du 1er janvier 2023, pour les implantations réalisées à compter de cette date, cette répartition se fait selon les quotités suivantes : 20 % en faveur des communes, 50 % en faveur des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’implantation et 30 % pour les départements.
Pour renforcer l’acceptabilité locale des projets d’installations d’énergie renouvelable, l’article 93 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à la production d’énergies renouvelables (dite loi APER), codifié à l’article L. 314-41 du code de l’énergie pour l’électricité ([2]), a créé un dispositif complémentaire de partage territorial de la valeur pour les projets retenus à l’issue, soit d’une procédure de mise en concurrence organisée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) afin de permettre l’atteinte des objectifs de développement des énergies renouvelables définis par la programmation pluriannuelle de l’énergie (voir l’article L. 311‑10 du même code), soit d’un appel à projets de production d’électricité utilisant des énergies renouvelables innovantes (voir l’article L. 314‑29 de ce code).
L’essentiel de ces contributions s’ajoutera aux recettes de l’IFER, mais ne sera plus simplement versé aux budgets des collectivités concernées, qui en disposent à leur gré : elles devront être affectées au financement de projets traitant de problématiques énergétiques ou environnementales, à savoir :
1° des projets portés par la commune ou par l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) d’implantation de l’installation en faveur de la transition énergétique, de la sauvegarde ou de la protection de la biodiversité ou de l’adaptation au changement climatique, tels que la rénovation énergétique, l’efficacité énergétique, la mobilité la moins consommatrice et la moins polluante ou des mesures en faveur des ménages afin de lutter contre la précarité énergétique ;
2° des projets de protection ou de sauvegarde de la biodiversité.
Les contributions aux deux catégories de projets pourront être réalisées par des versements à des fonds. Les contributions à la première catégorie pourront également prendre la forme d’une souscription au capital du projet par la commune ou l’EPCI, et les contributions à la deuxième catégorie celle de versements à l’Office français de la biodiversité (OFB). Dans ce cas, elles devront uniquement financer des actions s’inscrivant dans le cadre des plans nationaux d’action en faveur des espèces menacées. Les collectivités, les EPCI et l’OFB devront rendre compte chaque année des sommes reçues et de leur utilisation.
Ces contributions seront versées, en une seule fois, avant l’activation des contrats relatifs à l’obligation d’achat ou au complément de rémunération obtenus pour soutenir la nouvelle implantation, l’idée étant que cette somme soit amortie par l’énergéticien tout au long de l’exploitation de l’installation (à raison de quelques centimes dans le prix de vente du productible). Elles doivent être définies en fonction de la puissance installée.
L’article L. 314-41 encadre enfin la répartition des contributions versées entre les deux ensembles de projets et entre les collectivités bénéficiaires : 85 % du montant total versé par le porteur de projet sont destinés aux projets portés par la commune d’implantation, les 15 % restants revenant nécessairement à des projets de protection ou de sauvegarde de la biodiversité. La commune pourra rétrocéder une partie de la contribution à l’EPCI, mais au moins 80 % des sommes devront rester affectés à la commune.
Les modalités d’application de l’article L. 314-41, dont la fixation du seuil minimal de contribution et les modalités des fonds pouvant recevoir les contributions, doivent être définies par un décret pris après avis de la CRE.
Un projet de décret a été présenté au Conseil économique, social et environnemental en décembre 2023. Il ne concernait que l’électricité et se limitait aux centrales photovoltaïques au sol, aux installations agrivoltaïques, aux éoliennes terrestres et les installations hydrauliques soumises à autorisation. Il proposait, entre autres, de fixer le montant de la contribution à 17 500 € par MW installé, quel que soit le type d’énergie renouvelable considéré. Ce montant n’était pas formellement défini comme un seuil, mais le ministère observait que « les développeurs pourront toujours proposer plus s’ils le souhaitent » ([3]).
Plusieurs mécanismes de financement étaient prévus (1)
a. Financement des projets portés par la commune d’implantation ou l’intercommunalité
Quatre modalités de contribution étaient envisagées pour cette première catégorie de projets :
– le financement direct d’un projet porté par la commune, après avis du préfet de département ;
– le financement direct d’un projet porté par l’EPCI concerné, dans certaines limites, et après avis du préfet de département ;
– en l’absence de projets, une consignation, totale ou partielle, de la contribution auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sur décision du préfet de département. Il revenait également au préfet de décider de la déconsignation des sommes en faveur de la commune ou de l’EPCI et, au bout de 13 ans, le préfet pouvait ordonner leur déconsignation au profit de l’État ;
– une prise de participation au projet, en capital, par la commune ou l’EPCI d’implantation, cette participation ne pouvant excéder 50 % du capital total conformément au droit en vigueur.
b. Financement des projets en faveur de la biodiversité
Trois modalités de financement étaient prévues pour cette seconde catégorie de projets :
– un versement à l’OFB pour financer des actions dans le cadre des plans nationaux d’actions en faveur des espèces menacées ;
– un versement à un projet en faveur de la biodiversité porté par la commune ou l’EPCI d’implantation, une commune limitrophe ou son EPCI, le département ou une association agréée de protection de l’environnement, après avis du préfet de département dans tous les cas ;
– ou encore, en l’absence de projets, la consignation de la contribution, totale ou partielle, auprès de la CDC, sur décision du préfet de département. Au bout de 8 ans, le préfet pouvait ordonner la déconsignation des sommes au profit de l’OFB.
Enfin, une disposition spécifique était envisagée pour les installations agrivoltaïques : les projets financés pouvaient contribuer à la résilience agricole au changement climatique et étaient sélectionnés après avis de la chambre d’agriculture.
Aucun décret n’a pas encore été publié à ce jour. Mais la CRE indiquait à la mission sur l’application de la loi APER que les cahiers des charges pour les projets soumis à ses procédures de mise en concurrence prévoient déjà, souvent, l’allocation de montants supplémentaires à destination de mesures de développement territorial ou de « fonds biodiversité » ([4]).
Partager la valeur créée par un projet de production d’énergie constitue une réponse aux contraintes qu’il peut générer, ainsi qu’une forme de compensation pour les inconvénients que l’on anticipe.
L’impact paysager des futures installations est ainsi une préoccupation centrale pour les collectivités territoriales auditionnées par le rapporteur. Mais elles évoquent aussi les travaux de raccordement au réseau public qui seront nécessaires et la consommation d’espaces pour de nouveaux postes sources ou postes centralisateurs, dont les demandes pourraient se multiplier.
Quant aux agriculteurs, ils anticipent naturellement les contraintes que ces installations ajouteront aux travaux agricoles et la potentielle diminution de leurs rendements. Les services attendus de l’installation photovoltaïque et l’indemnité reçue des développeurs doivent compenser ces contraintes. Cependant, les auditions ont confirmé une autre préoccupation : celle que la richesse créée par ces installations puisse bénéficier plus largement au secteur agricole, à l’agriculture locale au moins, au-delà des seuls exploitants concernés. L’agrivoltaïsme est, en effet, également une source de revenus supplémentaires pour les agriculteurs, une opportunité de renforcer la viabilité de leurs entreprises à laquelle tous ne pourront accéder.
Pour répondre à ces enjeux d’ancrage territorial et d’acceptabilité sociale mais aussi de solidarité agricole, l’article 1er propose d’instaurer un dispositif de partage de la valeur avec le territoire d’implantation spécifique aux projets agrivoltaïques en introduisant une troisième catégorie de projets à financer, au bénéfice du renforcement et de l’adaptation de l’agriculture locale, vers lesquels 45 à 55 % des contributions des énergéticiens seraient orientées.
À cet effet, l’article 1er de la proposition de loi crée un nouvel article L. 341‑42 du code de l’énergie, qui s’inspire largement du dispositif de l’article L. 314‑41, mais pour y déroger en partie.
Il ne concerne que les projets :
a) répondant à la définition des installations agrivoltaïques donnée par l’article L. 314-36 du code de l’énergie. Celui-ci en pose les grands principes :
– il s’agit d’une installation de production d’électricité utilisant l’énergie solaire, dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ;
– cette installation doit apporter à la parcelle un service direct pour l’activité agricole (telle l’adaptation au changement climatique) et garantir le maintien d’une activité agricole principale et significative, ainsi qu’un revenu durable issu de cette activité ;
– enfin, cette installation doit être réversible.
Le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 ([5]) en précise les modalités (voir également le commentaire de l’article 2).
L’article 1er ne s’applique donc pas aux projets photovoltaïques au sol dits « compatibles avec une activité agricole, pastorale ou forestière » au sens de l’article L. 111-29 du code de l’urbanisme (projets qui ne peuvent être développés que sur des terrains considérés comme des friches et préalablement identifiés dans un document cadre départemental, pris sur proposition de la chambre d’agriculture territorialement compétente) ;
b) retenus dans les mêmes cadres procéduraux que ceux visés par l’article L. 314-41, à savoir les mises en concurrence organisées par la Commission de régulation de l’énergie pour la réalisation de la programmation pluriannuelle de l’énergie ou les appels à projets de production d’électricité utilisant des énergies renouvelables innovantes.
C’est en effet parce que leurs installations bénéficieront d’un soutien public (obligation d’achat à un tarif prédéfini ou complément de rémunération) pendant une vingtaine d’années que les développeurs peuvent être obligés par la loi de contribuer à des projets locaux. Les porteurs de projets non retenus ou ne sollicitant aucune aide publique peuvent également verser des contributions, comme cela se fait auprès de certaines chambres d’agriculture, mais toujours sur une base volontaire, et de manière non harmonisée au niveau national.
À l’instar de l’article L. 314-41, le nouvel article L. 314-42 conserve les catégories 1° et 2° des projets à financer, tout en ajoutant une troisième catégorie : les projets « visant à la structuration économique des filières agricoles mentionnées au 2° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, à l’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques ou à la transition agroécologique sur le territoire de l’établissement public de coopération intercommunale où sont implantées les installations agrivoltaïques ».
Ces projets photovoltaïques doivent ainsi contribuer à la résilience ou à la meilleure insertion économique d’une ou plusieurs exploitations agricoles situées sur le territoire de l’EPCI d’implantation.
Cette catégorie supplémentaire de projets n’impose pas d’augmenter l’enveloppe des contributions des énergéticiens. Cela dépendra des modalités qui seront arrêtées par le décret d’application prévu à la fin du nouvel article. Toutefois, il n’y a pas de raison pour que l’enveloppe envisagée soit supérieure à celle qui devrait être fixée pour les autres filières photovoltaïques – même si les développeurs conserveront la possibilité de décider d’aller au-delà de la contribution requise.
Il importe, en tout état de cause, que ces contributions ne menacent pas l’équilibre économique du projet – et ne pèsent excessivement sur le prix final de l’électricité, avertissent les énergéticiens. De même, si le soutien public couvre tout ou partie de la charge obligatoire, il est essentiel que le coût final pour l’État (via les charges de service public de l’énergie) reste maîtrisable.
Il reste, en revanche, que ces contributions obligatoires pourraient être cumulées avec les contributions ou « compensations volontaires » qu’un certain nombre de chambres d’agriculture ont d’ores et déjà négociées avec les énergéticiens, alimentant des fonds – tels leurs groupements d’utilisation de financement agricoles (GUFA) – qu’elles mobilisent pour financer des projets territoriaux de développement agricole.
La question de l’articulation du nouveau dispositif avec les éventuelles mesures de compensation collective agricole prévues par l’article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime se pose par ailleurs. L’article 54 de la loi APER a, en effet, étendu ce dispositif aux projets agrivoltaïques.
L’article L. 112-1-3 prévoit que les projets d’ouvrages ou d’aménagements qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des conséquences négatives importantes sur l’économie agricole, font l’objet d’une étude préalable comprenant notamment l’étude des effets du projet sur l’économie agricole du territoire concerné, les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet, ainsi que des mesures de compensation collective visant à consolider l’économie agricole du territoire. L’étude préalable et les mesures de compensation sont prises en charge par le maître d’ouvrage.
Le décret n° 2015-1190 du 31 août 2016 précise les modalités d’application de ces dispositifs. Il prévoit, entre autres, qu’en attendant leur utilisation, les sommes destinées au financement des mesures de compensation peuvent être consignées à la caisse des dépôts et consignations (article D. 112-1-22 du même code).
En revanche, ni le décret, ni l’article L. 112-1-3 de ce code ne définissent le type de mesures de compensation à mettre en œuvre. Rien ne s’opposerait, par conséquent, au fait de considérer que le dispositif de partage territorial de la valeur proposé par le présent article 1er est l’une des formes possibles de compensation collective. Dès lors, ce dispositif ne s’ajouterait pas auxdites mesures de compensation, mais pourrait représenter lui-même tout ou partie de ces mesures.
Le nouvel article L. 314-42 propose surtout une nouvelle répartition de l’enveloppe des contributions entre les catégories de projets et entre les bénéficiaires :
– la quotité minimale consacrée au financement des projets portés par la commune ou par l’EPCI d’implantation et mentionnés au 1° serait ramenée de 85 % à 35 % du montant total versé, avec au moins 25 % des sommes totales allouées à la commune (au lieu de 80 %) ;
– la quotité minimale allouée aux projets de protection ou de sauvegarde de la biodiversité (catégorie 2°) passerait de 15 % à 10 % de ce total ;
– enfin, les sommes versées en faveur de projets du secteur agricole (catégorie 3°) ne pourraient être inférieures à 45 % de ce même montant total.
La conjugaison de ces différents seuils signifie que les projets de la troisième catégorie pourraient mobiliser jusqu’à 55 % du total des contributions versées au titre d’une même installation agrivoltaïque.
Le reste du dispositif – les modalités de calcul des contributions et de leur utilisation – reprend exactement celles qui sont prévues par l’article L. 314-41 : les contributions peuvent notamment être réalisées par des versements à des fonds.
Lors des auditions menées par le rapporteur, le syndicat des Jeunes agriculteurs a dit souhaiter, d’une part, que l’intégralité des contributions soit orientée vers les projets bénéficiant au secteur agricole, puisque les collectivités territoriales perçoivent déjà l’IFER, et, d’autre part, que la répartition entre projets soit régulée par les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) – qui vérifient par ailleurs le caractère agrivoltaïque du projet énergétique.
Chambres d’agriculture France et la FNSEA souhaitent aussi que la totalité des sommes versées au titre du dispositif de l’article 1er aille aux projets agricoles, de préférence collectifs et en lien avec les territoires d’implantation des projets.
Les énergéticiens disent également préférer soutenir des projets bénéficiant au monde agricole, voire aux exploitants eux-mêmes, mais leur premier enjeu est que les différents versements (fiscalité, IFER, partage de la valeur, etc.) ne pèsent pas excessivement sur l’équation économique du projet, ou ne se fassent au détriment de ce qu’ils peuvent offrir à l’exploitant. Ils considèrent par ailleurs que le dispositif doit s’appuyer sur des instances existantes plutôt que d’en créer de nouvelles pour gérer ces sommes.
La Coopération agricole réclame aussi que la totalité des contributions obligatoires bénéficie au monde agricole et s’inquiète que ces nouvelles charges ne viennent se rajouter à celles qui existent déjà, au détriment notamment de la prise en charge d’aménagements bénéficiant aux exploitants. Elle s’inquiète en outre du manque de précisions sur la façon dont ces sommes seront utilisées. Enfin, elle demande à être associée aux instances qui les géreront et que des bilans annuels soient établis.
La Coordination rurale, quant à elle, considère que le partage de la valeur doit avant tout profiter aux exploitants dont les conditions de travail sont affectées et aux propriétaires qui assument en principe les coûts de démantèlement à la fin.
De son côté, l’Association des maires de France rappelle que les projets agrivoltaïques ont aussi des répercussions sur leurs territoires. Les élus ne sont pas opposés à un partage différent des contributions, mais souhaiteraient que les collectivités soient systématiquement associées à la gestion de ces sommes – et plus largement à celle des « compensations volontaires » recueillies par les chambres d’agriculture –, afin notamment de pouvoir porter ensemble des projets à la croisée des intérêts agricoles et territoriaux, comme le développement de restaurations collectives responsables s’approvisionnant localement ou la promotion d’une alimentation saine. Intercommunalités de France préfèrerait pouvoir moduler l’IFER en fonction des conséquences des projets d’énergie renouvelable pour leurs territoires : il s’agirait de les exonérer s’ils participent à un projet de territoire très porteur, ou d’ajouter quelques centimes au tarif IFER s’ils doivent investir sur les réseaux – tarif que l’État est seul à fixer aujourd’hui.
Le ministère chargé de l’énergie a confirmé que le financement de projets favorisant la résilience de l’agriculture avait été étudié. Toutefois, il craint un éparpillement des sommes recueillies si l’on ajoute une troisième catégorie de projets à financer. Il rappelle que les cahiers des charges des appels à projets de la CRE peuvent déjà prévoir des contributions spécifiques à des projets de développement territoriaux. Enfin, ce ministère s’interroge sur l’exigence introduite par l’article 1er de la proposition de loi, selon laquelle les projets agricoles dont le financement serait requis devraient concerner le territoire des EPCI d’implantation des installations agrivoltaïques. En effet, en cas d’absence de tels projets agricoles, les sommes versées ne pourraient pas être employées et devraient être consignées.
À l’issue de ses travaux, le rapporteur a proposé de réécrire l’article 1er afin de prendre en compte plusieurs de ces observations et suggestions.
Son amendement CE69, adopté par la commission des affaires économiques, prévoit ainsi :
– que la totalité des contributions versées par les énergéticiens au titre du partage territorial de la valeur créée par les projets agrivoltaïques soit orientée vers des projets à vocation agricole ou des projets qui présentent des intérêts tant agricoles que territoriaux en s’inscrivant dans un projet alimentaire territorial ;
– que ces contributions se substituent aux éventuelles mesures de compensation collective agricole, prévues par l’article L. 112 1-3 du code rural et de la pêche maritime en cas de conséquences négatives importantes du projet agrivoltaïque sur l’économie agricole. Ces compensations resteraient dues par les projets non retenus dans un appel d’offres de la CRE ou qui ne solliciteraient aucun soutien public. Il vise aussi à permettre de substituer, au moins pour partie, ces contributions aux « compensations volontaires » versées par les énergéticiens à certaines chambres d’agriculture ;
– que les contributions soient versées à un fond géré par la chambre d’agriculture du département où sera implanté le projet. Un décret précisera les modalités d’organisation et de fonctionnement de ce fond, qui pourrait s’inscrire dans un groupement d’utilisation de financements agricoles (GUFA) que la chambre d’agriculture aurait déjà créé.
Il est, en tout état de cause, prévu que la gouvernance de ce fond réunisse des représentants du secteur agricole et des représentants des différents niveaux de collectivités, qui décideront ensemble de l’utilisation des sommes versées ; ces dernières bénéficieront, dans tous les cas, au territoire d’implantation du projet agrivoltaïque.
Il est enfin prévu que les chambres d’agriculture fassent un compte rendu annuel de l’utilisation de ces contributions.
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Article adopté avec modifications
L’article 2 complète la définition de l’agrivoltaïsme, donnée par l’article L. 314-36 du code de l’énergie, en fixant un plafond à la puissance installée d’une implantation agrivoltaïque dans une exploitation agricole, ainsi qu’une limite à la proportion de surface agricole utile utilisée pour l’implantation des panneaux photovoltaïques. Il prévoit enfin que les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers pourront moduler ces plafonds à la baisse.
Avant la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite loi APER), les implantations photovoltaïques sur terres agricoles, forestières ou pastorales exploitées n’étaient encadrées que par les règles relatives aux procédures applicables à n’importe quelle implantation photovoltaïque, d’un côté, et par celles prévues par le code de l’urbanisme, de l’autre. De fait, le droit préexistant n’offrait aucun véritable garde-fou face aux conflits d’usage et le développement du photovoltaïsme en zones agricoles, en dépit de ses externalités positives, pouvait devenir une menace pour la production agricole française et la souveraineté alimentaire de notre pays.
L’article 54 de la loi APER est venu définir un cadre juridique plus exigeant pour ces activités. Il a posé, en premier lieu, le principe fondamental de « [garder] la priorité donnée à la production alimentaire et [de s’assurer] de l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles » (article L. 100-4 du code de l’énergie).
Il a par ailleurs décliné aux articles L. 314-36 et suivants du code de l’énergie les grands principes du régime applicable aux installations agrivoltaïques, principes précisés par le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 – lui-même complété par l’arrêté du 5 juillet 2024 ([6]). Enfin, l’instruction technique DGPE/SDPE/2025‑93 du 18 février 2025 est venue expliciter les différents cas de figure et notions. Il convient toutefois de noter que ce nouveau régime législatif et réglementaire ne s’applique qu’aux projets agrivoltaïques dont la demande de permis ou la déclaration préalable a été déposée à compter du 9 mai 2024.
L’article L. 314-36 commence par définir ce qu’est, ou n’est pas, une installation agrivoltaïque : répond à cette définition l’installation de production d’électricité solaire située sur une parcelle agricole ([7]) où elle « [contribue] durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».
La première condition est qu’elle « apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants, en garantissant à un agriculteur actif ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique gérée par un établissement [d’enseignement agricole] une production agricole significative et un revenu durable en étant issu : 1° L'amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ; 2° L’adaptation au changement climatique ; 3° La protection contre les aléas ; 4° L’amélioration du bien-être animal. »
Le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 définit ces services (R. 314-110 à R. 314-113 du code de l’énergie), ainsi que les notions de parcelle agricole (R. 314-108) et de revenu durable (R. 314-117).
Il précise par ailleurs que la production agricole est considérée comme significative si la moyenne du rendement par hectare observé sur la parcelle est supérieure à 90 % (ou n’est pas inférieure de plus de 10 %) de la moyenne du rendement par hectare observé sur une zone témoin, ou un référentiel en faisant office (R. 314-114 à R.314-116) ; des indicateurs différents sont prévus pour les élevages.
Il peut toutefois être dérogé à l’obligation de se référer à la zone témoin dans les trois cas suivants :
– 1° Pour les installations dont le taux de couverture est inférieur à 40 % et dans le cas où l’exploitant justifie être dans l’incapacité technique de créer une zone témoin ; le préfet de département peut alors autoriser l’usage d’un référentiel local fondé sur les résultats agronomiques et les séries de données historiques disponibles. Cette dérogation est octroyée après avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ;
– 2° Pour les installations dont le taux de couverture est inférieur à 40 % et dans le cas où l’exploitant justifie de l’existence d’une installation agrivoltaïque similaire au niveau départemental et comportant une zone témoin ou de l’existence d’une installation agrivoltaïque similaire au niveau régional, comportant une zone témoin et connaissant des conditions pédoclimatiques équivalentes ;
– 3° Ou si l’installation utilise l’une des technologies agrivoltaïques éprouvées figurant sur la liste établie par arrêté des ministres chargés de l’énergie et l’agriculture, d’après des données fournies par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), en fonction du mode de culture ou d’élevage, du procédé technique photovoltaïque utilisé et de l’implantation géographique.
La production agricole doit, au surplus, rester l’activité principale de la parcelle et l’installation agrivoltaïque doit être réversible.
Le décret du 8 avril 2024 dispose que, pour garantir que la production agricole est l’activité principale, l’installation agrivoltaïque doit satisfaire les deux conditions cumulatives suivantes :
– la superficie qui n’est plus exploitable du fait de l’installation agrivoltaïque (en raison de son emprise au sol) n’excède pas 10 % de la superficie totale couverte par l’installation ;
– la hauteur de l’installation agrivoltaïque ainsi que l’espacement inter‑rangées permettent une exploitation normale et assurent notamment la circulation, la sécurité physique et l’abri des animaux ainsi que, si les parcelles sont mécanisables, le passage des engins agricoles.
En outre, le taux de couverture (de la parcelle) ([8]) ne doit pas excéder 40 % pour les installations de plus de 10 MW crête, qui ne sont pas inscrites sur la liste des technologies agrivoltaïques éprouvées (voir l’encadré précédent).
Quant à ces technologies, ladite liste doit fixer la valeur maximale du taux de couverture pour chaque technologie éprouvée et chaque situation culturale, afin de garantir que la production agricole reste l’activité principale de la parcelle. Cela signifie, concrètement, que le taux pourra être supérieur à 40 % et que les installations ne seront pas limitées en taille. Notons que les installations concernées sont par ailleurs exemptées de zone témoin (les références de comparaison étant fixées par l’arrêté), et soumises à des contrôles sur la production agricole et le revenu tous les 5 ans à compter de la sixième année après la mise en service.
À ce jour, toutefois, l’état des connaissances et des études ne permet pas encore d’arrêter cette liste des technologies éprouvées, ni leurs caractéristiques a fortiori. C’est le taux de couverture plafonné à 40 % qui sert alors de référence pour toute installation de plus de 10 MW crête. Cette installation pourra déroger à l’obligation de la zone témoin dans les conditions prévues et sera soumise à des contrôles sur la production agricole et le revenu la sixième année de sa mise en service, puis tous les trois ans.
Enfin, pour les installations d’une puissance installée inférieure ou égale à 10 MW crête, il n’y a, de fait, pas de limite en termes de taux de couverture. L’instruction précitée du 18 février 2025 précise tout de même que :
– les installations de moins de 10 MW crête mais présentant un taux de couverture supérieur ou égal à 40 % auront l’obligation de mettre en place une zone témoin sans possibilité de dérogation et seront soumises à des contrôles sur la production agricole et le revenu tous les ans à compter de la sixième année après la mise en service ;
– quant aux installations dont le taux de couverture est inférieur à 40 %, elles pourront déroger à la zone témoin si les conditions sont réunies. Elles seront par ailleurs soumises à des contrôles sur la production agricole et le revenu tous les trois ans à compter de la sixième année après la mise en service.
Relevons enfin que les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) sont obligatoirement saisies de tout projet agrivoltaïque et doivent désormais rendre un avis conforme. Lorsque la CDPENAF émet un avis défavorable, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme est tenue de le suivre, sauf si cet avis est illégal (pour défaut de motivation par exemple). Si son avis est favorable, l’autorité compétente peut encore refuser le permis de construire ou prendre une décision d’opposition à déclaration préalable lorsqu’elle estime disposer d’un motif légal de le faire.
En cas de manquement aux exigences du régime agrivoltaïque, puis d’absence de mise en conformité, les sanctions pourront être graduées, cette gradation allant d’une amende au retrait partiel ou total de l’autorisation d’exploiter. Si le retrait est définitif, le bénéficiaire de l’autorisation devra démanteler l’installation.
Le nouveau régime de l’agrivoltaïsme a ainsi défini un cadre juridique nettement plus exigeant que le droit antérieur à la loi APER, avec un accent fort mis sur la priorité à l’agriculture et sur la nécessité de préserver une activité agricole significative qui reste l’activité « principale » par rapport au futur usage énergétique des parcelles.
Pour s’en assurer, les CDPENAF et les services préfectoraux doivent apprécier de nombreux critères. Les personnes entendues par le rapporteur ont été nombreuses à souligner le sérieux de leurs évaluations, y compris sur des projets déposés avant la loi APER. Elles ont également salué l’importance du travail de pédagogie des commissions départementales et du partage des analyses qu’elles permettent sur des dossiers complexes et encore souvent inédits.
Néanmoins, même si l’Ademe est en train de construire la base de données qui servira à établir les caractéristiques compatibles avec le maintien d’une production agricole significative selon les technologiques agrivoltaïques utilisées, les conditions pédoclimatiques et les cultures ou activités mises en œuvre, l’état des connaissances ne permet pas encore de garantir que les projets actuellement proposés respectent les préoccupations du législateur de 2023. En attendant, les CDPENAF comme les services préfectoraux tâtonnent.
De leur côté, certains exploitants peuvent être tentés d’accepter des projets plus importants parce qu’ils sont susceptibles de leur apporter des financements et des loyers substantiels au regard des revenus qu’ils peinent à obtenir de leurs exploitations.
Certes, des revenus accessoires trop importants (au-delà de 100 000 € et de 50 % des revenus agricoles) peuvent faire basculer ces recettes dans un régime fiscal moins favorable. Par ailleurs, l’article 28 de la récente loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture plafonne les revenus commerciaux accessoires pour les groupements fonciers agricoles, les groupements fonciers ruraux et les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) notamment à 20 000 € (montant multiplié par le nombre d’associés pour les GAEC) et 40 % des recettes annuelles tirées de l’activité agricole. Il n’est cependant pas encore avéré que la nature des futures indemnités versées par les énergéticiens aux exploitants conduira à les soumettre à cette limite. Le Conseil supérieur des notaires voit dans cette relation contractuelle plutôt une prestation de service qu’une activité commerciale.
Faute de limites facilement objectivables, hormis un taux de couverture de la parcelle modérément contraignant et non systématique, nombre d’acteurs et de responsables publics craignent que des projets agrivoltaïques disproportionnés soient acceptés en dépit de la vigilance des CDPENAF et des services préfectoraux.
Les auteurs de la proposition de loi veulent éviter ces dérives, les menaces qu’elles représenteraient pour la production alimentaire nationale et le rejet de l’agrivoltaïsme qu’elles pourraient susciter.
Ils souhaitent en outre que le développement de l’agrivoltaïsme ne soit pas concentré sur quelques grands parcs, mais que les services et les revenus complémentaires qu’il peut apporter puissent bénéficier à un plus grand nombre d’agriculteurs, en particulier dans les territoires où l’activité agricole est la plus fragile.
Partant du constat qu’il est toujours moins compliqué de prévenir que de réparer, le présent article 2 propose d’introduire un plafond absolu dans la définition donnée par l’article L. 314-36 d’une installation agrivoltaïque : une installation agrivoltaïque ne devrait pas dépasser une puissance installée ([9]) de 5 mégawatts crête (MWc) ([10]) par exploitation agricole.
Cela n’interdirait pas d’associer plusieurs exploitations autour d’un même parc solaire, qui pourrait alors atteindre une puissance supérieure aux 5 MWc. Le plafond proposé pourrait même encourager – tout en les encadrant – de telles organisations, qui iraient dans le sens d’un développement mieux raisonné, et maîtrisé, de l’agrivoltaïsme.
Enfin, pour ne pas brider excessivement le développement de l’agrivoltaïsme alors que l’état des connaissances devrait s’enrichir et se consolider au fil du temps, l’article 2 prévoit une clause de revoyure : dans les cinq ans suivant la promulgation de la proposition de loi, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport évaluant les effets des mesures qu’elle aura introduites (le plafond de puissance, mais pas seulement), ajoutant le commentaire que « sur la base de ce rapport, le Parlement pourra décider de modifier, prolonger ou abroger les dispositions concernées ».
Le seuil proposé se traduira concrètement de façon différenciée selon les territoires, les activités agricoles et leurs besoins. Par exemple, bénéficiant d’un meilleur ensoleillement, le Sud offre un meilleur coefficient de charge (à 0,8 contre 0,3 dans le Nord) ; en conséquence de quoi, la puissance cible peut être obtenue avec une surface moindre.
Un parc solaire d’1 hectare (ha) sans les contraintes d’espacement imposées par la nature agrivoltaïque de l’installation présenterait une puissance variant entre 0,7 et 1,3 MWc. 1 MWc de puissance installée occuperait alors entre 0,8 et 1,4 ha, et 5 MWc entre 4 et 7 ha.
Mais les contraintes de l’agrivoltaïsme nécessitent un plus grand périmètre d’implantation. En se fondant sur un taux de couverture de la parcelle de 40 %, les services ministériels ont estimé que 5 MWc pourraient s’étendre sur une parcelle de 12 ha, en moyenne ; et si le taux de couverture est moindre, pour préserver l’activité agricole, le périmètre sera d’autant plus étendu : par exemple, à 20 % de couverture, un parc de 5 MWc devra s’étendre sur 25 ha. De leur côté, les syndicats estiment que 5 MWc oscilleraient entre 6,25 ha au Sud et 16,7 ha au nord.
Les acteurs auditionnés par le rapporteur ont exprimé des positions contrastées sur ce seuil.
Le syndicat des Jeunes agriculteurs est attaché à une limitation de la taille des projets pour « freiner les projets alibis, améliorer l’acceptation des projets et limiter l’accaparement par quelques agriculteurs de la valeur apportée par les projets en répartissant le potentiel de production entre un plus grand nombre d’agriculteurs ». Il considère que 5 MWc est une référence intéressante ; mais il défend avant tout le principe d’un plafonnement, qui pourrait être ajusté, à un niveau inférieur, au niveau départemental pour l’adapter aux spécificités locales. Il serait ouvert à un réhaussement du seuil à 10 MWc mais en l’associant à un second critère qui plafonnerait, par exploitation, la part de surface agricole utile (SAU) utilisée par l’installation agrivoltaïque, proposant un taux général de 30 % – il s’agit notamment de permettre le fauchage des terrains –, dont seraient toutefois exemptées les parcelles viticoles et arboricoles.
La Coordination rurale est, pour sa part, opposée à une limite aussi basse, voire à toute limite de taille lorsque le projet favorise la réinstallation d’un exploitant alors que 3 millions d’hectares de terres agricoles ou pastorales seraient délaissés aujourd’hui. Par exemple, selon ses calculs, 75 ha implantés en agrivoltaïsme seraient nécessaires pour vivre d’élevage sur les terres les plus ingrates.
La FNSEA défend la nécessité de donner la priorité à la production agricole. Mais elle s’interroge sur la taille critique nécessaire à la rentabilité d’une installation agrivoltaïque, sans laquelle elle ne se ferait pas. Elle constate que les tailles des projets déposés depuis la loi APER se sont nettement modérés, mais ils s’établiraient encore entre 8 et 13 MWc en moyenne dans le Sud et entre 12 et 18 à 20 MWc en moyenne dans le Nord de la France métropolitaine. La Fédération compte beaucoup sur l’Observatoire de l’agrivoltaïsme que l’Ademe est en train de construire, tout en reconnaissant qu’il a encore besoin de temps pour aboutir. Pour autant, une limite nationale globale reste inappropriée. La FNSEA demande que les plafonds, s’il doit en avoir, soient définis pour et par chaque territoire.
Les énergéticiens font observer que les petits parcs auraient une rentabilité plus fragile – et offriraient moins de revenus aux agriculteurs pour les contraintes qu’ils leur imposent. Certains assurent qu’à moins de 20 MWc (soit 40 à 50 ha), l’équilibre économique n’est pas garanti ; d’autres reconnaissent que cela dépend des situations. La Fédération nationale de la propriété rurale évoque plutôt un seuil de 12 à 15 MWc. En tout état de cause, un plafond à 5 MWc incitera les porteurs de projets à privilégier les territoires les plus ensoleillés et à s’installer à proximité des postes source pour réduire les coûts de raccordement, au détriment d’une répartition plus équilibrée entre les territoires. Il faudrait, au moins, que cette limitation des parcs soit déclinée par filières agricoles et par territoires.
Pour minimiser un peu la charge financière et la contrainte que représente le raccordement des nouvelles installations, la Coopération agricole suggère que l’on fasse évoluer la réglementation pour permettre aux projets de moins de 3 MWc de se raccorder directement sur les lignes HTA plutôt que sur des postes source. De manière générale, la Coopération agricole recommande aussi une « territorialisation » de la fixation des tailles maximales des installations, mais en se fondant sur l’analyse « au cas par cas » des CDPENAF.
Chambres d’agriculture France indique que son réseau a travaillé sur un cadre qui déclinerait le plafond par exploitation entre 5 et 20 MWc selon les zones. Elle suggère, quoi qu’il en soit, que la fixation de ce maximum soit laissée à l’appréciation des CDPENAF et des préfets plutôt que fixer une limite nationale absolue. Elle reconnaît toutefois que l’insuffisance actuelle des connaissances ne permet d’arrêter des valeurs définitives. Il est donc pertinent de prévoir qu’elles soient revues dans cinq ans.
Si les représentants des élus locaux sont sensibles à l’impact paysager des grands parcs solaires, et s’ils comprennent les potentialités en termes d’aménagement du territoire et de soutien des filières d’une répartition territoriale des implantations agrivoltaïques davantage partagée, l’Association des maires de France s’interroge aussi sur le risque d’éparpillement des installations.
Enfin, plusieurs acteurs, dont la Confédération paysanne, alertent sur les possibles stratégies de contournement de la limite de puissance par exploitation – par exemple en scindant les exploitations afin de multiplier les possibilités d’implantation –, mais sans proposer de solution alternative. Le Conseil supérieur du notariat anticipe déjà les ententes, cessions et échanges de parcelles qui pourraient survenir dans cette perspective.
Le rapporteur est convaincu de la nécessité de définir des bornes lisibles et objectivables qui puissent aider les CDPENAF et les services préfectoraux dans leurs évaluations de la régularité des projets agrivoltaïques, et éviter ainsi des projets agrivoltaïques surdimensionnés, jusqu’à ce que l’on dispose des données suffisantes pour identifier les technologies agrivoltaïques éprouvées et les caractéristiques garantissant que la production agricole reste l’activité principale.
Les auditions menées ayant toutefois montré qu’un plafond à 5 MWc pouvait menacer l’équilibre économique de certains projets agrivoltaïques, ou les inciter à se concentrer autour des postes sources, au détriment d’une répartition territoriale plus équilibrée, le rapporteur a proposé un amendement CE71, adopté par la commission des affaires économiques, qui relève le plafond maximal de puissance installée à 10 MW crête par exploitant, mais en l’associant à un autre plafond, qui limite la parcelle agricole implantée à un maximum de 30 % de la surface agricole utile de l’exploitation. On considère, dans ce calcul, la surface déterminée par les limites maximales de l’installation solaire, sans prendre en considération la densité des panneaux ou leur surface projetée (leur taux de couverture).
Les parcelles viticoles ou arboricoles sont toutefois exemptées de cette dernière limite pour ne pas cantonner les services attendus des modules solaires (protection contre la grêle, le vent ou l’excès de soleil par exemple) à une partie seulement de ce type d’exploitations.
Les auditions ayant également démontré la grande diversité des attentes et des contraintes d’un territoire à l’autre, le même amendement permet aux CDPENAF de moduler à la baisse ces plafonds, pour leur département, en fonction des cultures, des procédés techniques et des implantations géographiques. Elles pourront s’appuyer pour ce faire sur les travaux déjà réalisés par les chambres d’agriculture, voire sur les chartes sur l’agrivoltaïsme que certaines chambres ont adoptées.
La commission a adopté un second amendement de son rapporteur (CE72) qui « décodifie » la disposition prévoyant la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement dans la mesure où elle n’aura qu’une seule application. Le principe d’un bilan cinq après l’adoption de la loi est maintenu, mais il n’est plus inscrit directement dans le code de l’énergie.
Cet amendement supprime par ailleurs la dernière phrase évoquant la possibilité que le Parlement décide de modifier les mesures votées sur la base de ce rapport. En vertu de la Constitution, la loi ne peut en effet rien imposer au Parlement. Toutefois, le législateur saura tirer les conséquences des résultats du rapport, et adapter les plafonds introduits par la proposition de loi si l’expérience en démontre la nécessité.
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Article créé par la commission
Cet article permet aux commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers de fixer des plafonds inférieurs à la puissance installée maximale définie par l’article 2 pour les projets agrivoltaïques, après analyse des caractéristiques locales.
Le nouvel article 2 bis, issu de l’amendement CE45 de M. Dominique Potier, adopté contre l’avis du rapporteur, permet à une commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) de définir, « après analyse de la situation locale et concertation avec les parties prenantes », un plafond inférieur à la puissance installée maximale fixée, pour les projets agrivoltaïques, par le III bis de l’article L. 314-36 du code de l’énergie, lui-même introduit par l’article 2 de la proposition de loi.
Cette décision pourra être justifiée par « les caractéristiques des terres concernées », à savoir notamment « leur valeur agronomique », « leur rôle en matière de biodiversité » ou encore « leur contribution aux équilibres territoriaux ». Il s’agit de prendre en compte les enjeux locaux, notamment en termes de protection des terres agricoles, et d’éviter la concentration excessive des futures implantations agrivoltaïques sur certains territoires.
En l’état actuel du droit, aucune limite n’est fixée quant à la puissance d’énergie fournie par une installation agrivoltaïque. L’article 2 de la proposition de loi prévoit un plafond national de puissance installée, qui peut déjà être revu à la baisse par chaque CDPENAF.
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Article créé par la commission
Cet article demande un rapport au Gouvernement sur les possibilités de redistribuer dans le monde agricole la valeur créée par l’agrivoltaïsme.
Introduit par l’amendement CE55 de M. Karim Benbrahim, adopté contre l’avis du rapporteur, l’article 2 ter prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans les six mois de la promulgation de la présente loi, un rapport formulant des préconisations pour « redistribuer dans le monde agricole la valeur créée par l’agrivoltaïsme ».
Ce rapport doit notamment faire des propositions pour rendre « redistributive » la fiscalité des revenus générés par les installations agrivoltaïques, et pour introduire une dose de progressivité en fonction de la puissance électrique produite.
Il s’agit, selon l’exposé des motifs de l’amendement, de compléter les leviers pour assurer un juste partage des revenus issus du développement de l’agrivoltaïsme au bénéfice des agriculteurs qui n’y auront pas accès et des exploitants dont les revenus seront plafonnés en raison de la limitation de la puissance des installations.
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Article créé par la commission
Cet article demande un rapport au Gouvernement étudiant l’effet du développement de l’agrivoltaïsme sur les prix du foncier agricole
Le présent article a été introduit par l’amendement CE56 de M. Karim Benbrahim, adopté par la commission des affaires économiques avec le soutien du rapporteur.
Il prévoit que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur l’évolution du prix du foncier agricole sous l’effet du développement de l’agrivoltaïsme.
Il doit également formuler des propositions pour limiter l’inflation du foncier agricole. À ce titre, l’opportunité d’introduire des « dispositifs de plafonnements financiers » devra être examinée.
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Article adopté avec modifications
Cet article vise à encadrer la contractualisation qui lie un propriétaire de terres agricoles non exploitant, un énergéticien porteur d’un projet agrivoltaïque et un exploitant agricole. La convention-cadre proposée s’impose comme un modèle de contractualisation unique et garant des protections offertes à l’exploitant agricole par le bail rural, dès lors que cet exploitant n’est pas le propriétaire des immeubles agricoles concernés par le projet agrivoltaïque.
La réécriture proposée par votre rapporteur et adoptée en commission permet d’améliorer la rédaction juridique du dispositif et d’adapter le bail rural aux obligations réciproques que la convention-cadre établit entre l’agriculteur et l’énergéticien.
Les porteurs de projets agrivoltaïques recherchent en priorité des terres exploitées directement par les propriétaires, afin d’éviter le recours à un schéma de contractualisation complexe et faisant intervenir différentes personnes. Lorsque le propriétaire est l’exploitant, le porteur de projet agrivoltaïque contracte généralement un bail emphytéotique avec ce propriétaire avant de nouer, de nouveau avec lui, un autre contrat pour la mise à disposition du foncier.
Ce dernier contrat prend la plupart du temps la forme de baux à long terme, avec négociation au préalable du projet agricole, assortis de contrats de prestations pour l’entretien sous les panneaux solaires ou autres installations.
Le recours à un contrat de location des immeubles à usage agricole en vue de leur exploitation par un tiers est néanmoins largement majoritaire aujourd’hui. Plus de 70 % de la surface agricole utile relève du statut du fermage ou du métayage, défini au titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime.
Or, l’organisation contractuelle et juridique des rapports entre le propriétaire non exploitant, l’exploitant agricole et le porteur de projet agrivoltaïque n’a pas été pensée par les dispositions législatives en vigueur (I). Pour pallier cette déficience, l’article 3 de cette proposition de loi prévoit l’instauration
d’une convention-cadre unique susceptible de garantir les protections de l’agriculteur sans empêcher le développement de l’agrivoltaïsme (II).
La loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables dite « APER » ([11]), qui définit et encadre l’agrivoltaïsme, n’a pas pris en compte la spécificité des situations de propriétaires non exploitants dans ses dispositions. Comme l’ont relevé les auteurs du rapport du 13 février 2024 sur l’application de cette loi APER ([12]), les questions des baux ruraux et du partage des revenus sont « des problématiques importantes [qui] ne sont pas encore résolues ». Ils ont alors invité le Gouvernement « à poursuivre les réflexions pour sécuriser l’articulation juridique entre déploiement de l’agrivoltaïsme et respect des règles du foncier agricole », notamment en prévision de modifications législatives indispensables à l’amélioration des outils existants.
Devant l’inadaptation des types de contrats existants (A), différents montages juridiques ont cours aujourd’hui sans qu’aucun n’apparaisse totalement satisfaisant (B).
Dans le cadre d’une mise à disposition à titre onéreux à un tiers de terres agricoles, les principaux outils demeurent les baux ruraux définis au livre IV du code rural et de la pêche maritime. Parmi eux, le statut du fermage (titre Ier de ce livre IV), qui est un statut d’ordre public (article L. 411-1 du même code), et le bail emphytéotique (défini au livre V), sont au cœur des montages juridiques exposés ci-dessous (cf. B). Néanmoins, aucun de ces types de contrat n’est a priori adapté pour permettre la convergence des intérêts de l’exploitant agricole et du porteur de projet agrivoltaïque.
Le bail rural, encadré par le statut du fermage, est défini comme « la mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter » (article L. 411-1). S’agissant d’un statut d’ordre public introduit à la fin de la Seconde guerre mondiale, il dispose d’un caractère impératif et dérogatoire au régime commun des contrats. La liberté contractuelle des deux parties s’en trouve limitée et encadrée, au regard notamment de la durée du bail (minimum de 9 ans), de l’encadrement du prix des loyers par les pouvoirs publics (articles L. 411‑11 à L. 411‑24), du renouvellement automatique du bail, de la reprise conditionnée du bien par le propriétaire, et de motifs de résiliation strictement définis (article L. 411‑31).
Ces limitations de la liberté contractuelle visent notamment à protéger l’agriculteur, en lui assurant la stabilité du foncier qu’il exploite.
En revanche, la rigidité du statut rend impossible la coexistence d’une activité agrivoltaïque dans le cadre de ce même bail. Les sous-locations sont en principe interdites, même en cas d’accord entre les deux parties prenantes au bail. Il n’est donc pas possible pour un fermier et un propriétaire de mettre à disposition d’un porteur de projet agrivoltaïque les terres agricoles à titre onéreux, dans le cadre du contrat de fermage. La seule alternative reste de rompre ce contrat avant de signer d’autres contrats.
De même, les garanties de liberté et de protection dont jouit l’exploitant agricole à travers le statut du fermage peuvent s’avérer être des repoussoirs pour le porteur de projet agrivoltaïque qui ne maîtriserait ni réellement le foncier, ni le type d’activité, ni la durée du bail. Le preneur bénéficie en effet, pendant toute la durée du bail, d’une liberté de jouissance et d’exploitation très étendues, en premier lieu en matière de travaux améliorant les conditions d’exploitation de l’espace loué et de choix du mode de culture, y compris en cours de bail (articles L.411-28 et L.411‑29). Le bailleur ne peut s’y opposer que s’il démontre que ces travaux et changements culturaux entraînent une dégradation du fonds agricole loué.
Or, la présence des installations agrivoltaïques implique nécessairement des choix de cultures et des modalités d’exploitation qui soient compatibles avec la présence de celles-ci : en pratique, les parties peuvent s’entendre y compris en présence d’un bail rural. Toutefois, en cas de difficultés d’exécution en cours de bail, l’ordre public du bail rural protège le preneur de toutes atteintes à sa liberté d’exploitation, et le porteur de projet agrivoltaïque ne peut donc pas se voir garantir le respect des engagements initiaux pris par le preneur à bail.
Le porteur de projet agrivoltaïque est donc tenté de recourir à d’autres formes de contrat.
Le bail emphytéotique n’est pas soumis au statut du fermage. Conformément à l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime, il s’agit d’une location consentie pour 18 à 99 ans à un prix modique, qui ne se prolonge pas par tacite reconduction, et confère un droit réel librement cessible au preneur. Celui-ci est souvent tenu contractuellement de procéder à des améliorations et des constructions. Toutes ces améliorations du fonds sont transmises au bailleur en fin de bail sans indemnité au preneur. Il doit être noté que le contentieux de ce bail exclu du statut du fermage reste soumis au tribunal paritaire des baux ruraux (article L. 491-1).
Ces caractéristiques assurent au porteur de projet agrivoltaïque la liberté et la prévisibilité qu’il recherche. Ceci explique que ce type de contrat se trouve parmi les plus utilisés pour les projets agrivoltaïques ou photovoltaïques qui se sont montés ces dernières années. Il ne règle en revanche pas la question de l’activité agricole. C’est pourquoi un autre type de contrat suit généralement la conclusion du bail emphytéotique entre le propriétaire et le porteur du projet.
Qu’il s’agisse du bail rural soumis au statut du fermage, ou du bail emphytéotique, chacun de ces outils de contractualisation est prévu pour régir les relations entre deux personnes : un bailleur et un preneur. Lorsque le propriétaire des terres n’est pas exploitant, la difficulté de l’organisation contractuelle réside dans la nécessité d’organiser les rapports entre trois personnes.
Les solutions proposées aujourd’hui par les énergéticiens (voir 1 ci-après) ou soumises au débat par le législateur (voir 2 ci-après) ne semblent pas totalement satisfaisantes, au regard notamment de la garantie de la sécurité économique et juridique du fermier.
Les deux premières solutions (présentées ci-après en a et b) ont en commun la contractualisation, dans un premier temps, d’un bail emphytéotique entre le propriétaire et le porteur de projet agrivoltaïque. Ce dernier, qui devient l’emphytéote, jouit ainsi d’un droit réel et de longue durée sur le foncier. Il lui est loisible de contractualiser dans un second temps avec l’exploitant agricole.
L’emphytéote propose à l’exploitant agricole un prêt à usage, ou commodat, qui permet de mettre à disposition de ce dernier, à titre gratuit, les immeubles à usage agricole. Sont incluses des clauses de « prestations de services » par lesquelles l’agriculteur est rémunéré pour des services qu’il rend (entretien de l’installation agrivoltaïque, par exemple).
Optimal en cas d’entente des trois parties, ce contrat pose néanmoins des questions majeures de transmission et de pérennité des clauses dans le temps impartis surtout pour l’exploitant agricole.
En effet, ce dernier ne bénéficie plus des protections offertes par le statut du fermage. Sa précarité est d’autant plus forte qu’il n’est pas protégé d’une rupture du contrat de manière unilatérale, en l’absence de règles d’ordre public : il peut donc être révoqué à tout moment pour être remplacé par un autre agriculteur.
Considérant toutefois que l’emphytéote est suffisamment incité à maintenir une activité agricole pour ne pas s’exposer aux sanctions prévues par le code de l’énergie et le code de l’urbanisme, la Coordination rurale a jugé ce modèle comme le plus satisfaisant lors des auditions menées par le rapporteur.
Néanmoins, le commodat n’est pas dénué de risque juridique. La rémunération de l’exploitant par l’emphytéote pourrait d’abord être perçue comme une « soulte » servant à le dédommager, ce qui pourrait priver le contrat de toute contrepartie réelle. En outre, les services rendus par l’agriculteur pourraient éventuellement être requalifiés comme une contrepartie « à titre onéreux ». La mise à disposition des terres n’étant plus « à titre gratuit », le prêt à usage pourrait être requalifié en bail à ferme.
Rien n’empêche qu’un bail rural soit conclu entre l’emphytéote et l’exploitant. Ce bail serait alors assorti d’un contrat de prestation de services pour l’entretien au sol des installations énergétiques.
Comme vu précédemment (cf. A. 1., ci-dessus), la liberté d’exploitation du preneur à bail rural peut desservir son bailleur. Le statut du fermage étant d’ordre public, aucune clause annexe au contrat ne peut faire peser sur l’agriculteur la menace d’une rupture de bail en cas de changement de culture (article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime), y compris si ces cultures sont incompatibles avec l’activité énergétique.
En outre, en cas de fin de bail par la volonté de l’exploitant (dans le cas d’un départ en retraite, par exemple), l’emphytéote doit retrouver un exploitant qui accepte les mêmes conditions de bail.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu’en cas de bail rural à long terme, solution plus avantageuse pour l’emphytéote, ce dernier peut demander un loyer majoré à l’exploitant. Cette augmentation du loyer peut paraître d’autant plus problématique que la rétribution positive de l’agriculteur par l’énergéticien n’est pas permise sans modification législative ou superposition d’autres contrats. L’énergéticien prend en effet ici la qualité de bailleur. À ce titre, c’est lui qui doit nécessairement percevoir un loyer.
Si la solution retenue devait assurer le maintien du bail rural coûte que coûte, le Conseil supérieur du notariat a toutefois indiqué au rapporteur privilégier cette solution à la suivante, afin d’éviter une division en volumes, jugée onéreuse et complexe.
Selon cette option, aujourd’hui proposée par des sociétés comme Sun’Agri ou TSE, une division en volume d’une même parcelle distingue la partie haute de la partie basse.
La première, la partie haute, est régie par un bail emphytéotique entre le propriétaire de la parcelle et le porteur du projet agrivoltaïque. Pour le volume « du-dessous », la partie basse, un bail rural est conclu entre le propriétaire et l’exploitant. En outre, est signée une convention d’exploitation entre le porteur de projet agrivoltaïque et l’exploitant qui permet à ce dernier de percevoir un « un soutien financier à l’activité agricole ». Le montant de ce soutien financier est généralement équivalent au loyer perçu par le propriétaire au titre du bail emphytéotique.
La liberté d’exploitation de l’agriculteur étant maintenue, il convient de relever que ce dernier ne s’exposerait qu’aux contraventions prévues dans la convention d’exploitation, mais ne risquerait pas de voir son bail rural résilié. En revanche, en cas de cession du bail rural, le responsable des installations agrivoltaïques voit la poursuite de son activité dépendre de la volonté du propriétaire de retrouver un exploitant prêt à accepter l’exploitation dans de telles conditions.
Par ailleurs, le travail préalable de délimitation en volume peut représenter un montage et un accompagnement onéreux qui va augmenter les coûts fixes du projet, et potentiellement grever sa rentabilité.
La proposition de loi du sénateur M. Franck Ménonville visant à créer un bail rural à clauses agrivoltaïques semble offrir une grande liberté contractuelle aux trois parties, tout en maintenant les différentes dispositions essentielles au statut du fermage. Lors des auditions, cette proposition a été à plusieurs reprises citée comme une solution intéressante, notamment par la FNSEA.
Cependant, le 4° de l’article 1er du texte introduit une nouvelle condition pouvant justifier la résiliation du bail rural par le bailleur, à savoir le non-respect par le preneur des nouvelles clauses créées. Cette nouvelle condition fragilise le statut du fermage. En comparaison, le statut de l’exploitant de l’installation agrivoltaïque reste relativement flou et sa précision est renvoyée à un décret. Le non-respect de ses obligations à l’encontre de l’exploitation agricole n’est toutefois pas abordé, ce qui rend sa position nettement plus favorable, a priori, que celle du fermier-métayer.
Dans le cadre d’un groupe de travail dédié au sujet de l’agrivoltaïsme, dont le rapporteur était membre, plusieurs spécialistes du droit rural ont mené une étude juridique sur « le champ contractuel des possibles » ([13]). Outre qu’elle propose un schéma contractuel innovant susceptible de concilier les intérêts des différentes parties prenantes au contrat, cette étude relève les insuffisances opérationnelles, ou théoriques, de plusieurs options. De l’aveu des auteurs, il serait toutefois possible de remédier à certaines de ces insuffisances grâce à l’intervention du législateur.
La solution finalement retenue par le rapporteur s’inspire des discussions de cette étude, ainsi que des options observées et proposées qui ont été précédemment présentées. Sans parvenir à instaurer un régime parfaitement tripartite et sécurisant pour tous, cette synthèse fait le choix en priorité de :
– proposer un modèle de convention-cadre unique, dans les situations où le propriétaire n’est pas l’exploitant ;
– sécuriser les intérêts économiques de l’agriculteur, en maintenant notamment le bail rural.
Rejoignant l’une des revendications des Jeunes agriculteurs, l’imposition d’un modèle unique de contractualisation a toutefois suscité certaines réserves chez la plupart des autres acteurs auditionnés, au nom de la nécessité d’adapter le droit à des situations différentes (Coordination rurale, FNSEA, Coopération agricole, représentants de la filière agrivoltaïque), ou de la défense de la liberté contractuelle et de la liberté d’association (Fédération nationale de la propriété privée rurale, Conseil supérieur du notariat, Association française de droit rural).
L’un des intérêts essentiels de la mesure réside pourtant dans son caractère obligatoire. Cette dérogation au droit contractuel commun paraît justifiée au même titre que le statut du fermage, qui est d’ordre public et qu’elle entend défendre et préserver.
Ce modèle unique de convention-cadre ne trouverait toutefois à s’appliquer que dans le cas où le propriétaire n’est pas l’exploitant et, plus précisément, dès lors que le projet agrivoltaïque doit être implanté « sur une parcelle agricole mise à disposition à titre onéreux par le propriétaire en vue de son exploitation pour y exercer une activité agricole » (alinéa 4 de l’article 3 de la proposition de loi). Elle s’adresse en outre aux seuls projets agrivoltaïques définis à l’article L. 314-36 du code de l’énergie (alinéa 4 de l’article 3 de la proposition de loi) et en maintient le caractère réversible par référence à l’article L. 111‑32 du code de l’urbanisme.
Le maintien du bail rural est, quant à lui, plutôt bien accueilli par la grande majorité des personnes auditionnées. Comme l’indiquaient déjà en 2020 les députés MM. Jean Terlier et Antoine Savignat à l’occasion du rapport d’information sur le régime juridique des baux ruraux, les acteurs du monde agricole demeurent en grande majorité très attachés au statut du fermage. Tous, cependant, ne sont pas opposés à le voir évoluer et se moderniser, afin de faciliter le développement de nouvelles activités économiques, à l’instar des positions défendues par la FNSEA et les représentants de la filière agrivoltaïque, lors des auditions.
Plus précisément, la disposition proposée dans le texte reprend le modèle de division des volumes de la parcelle (alinéa 5), et renvoie aux dispositions du bail rural le soin d’encadrer la relation contractuelle relative au volume « du-dessous » (alinéa 6). Ainsi, le fermier jouit d’une liberté d’exploitation, dans la mesure où son exploitation n’empiète pas sur les volumes qui ne lui appartiennent pas et sur lesquels il ne jouit d’aucun droit réel, ce qui comprend l’espace « du-dessus » où se tiendront les panneaux solaires ou autres installations.
Par ailleurs, le dispositif ainsi créé n’instaure pas de nouvelles conditions de résiliation au bail rural. Au contraire, le texte prévoit que « la fin de la relation contractuelle définie [sur les volumes « du-dessus »], ou l’expiration de la convention-cadre, sont sans incidence sur la poursuite du bail rural (…) » (alinéa 17).
S’agissant des volumes « du-dessus », ceux-ci sont régis par les dispositions applicables aux baux emphytéotiques. L’emphytéote, dans ce cadre, jouit d’un droit réel sur les espaces « du-dessus » où sont ses installations, et verse un loyer au bailleur.
Pour ne pas se contenter de superposer deux contrats de droit réels sans les coordonner, le texte prévoit en outre des dispositions législatives nouvelles qui régissent la relation entre le porteur de projet agrivoltaïque et l’agriculteur, d’une part, ainsi que la fin des différentes relations contractuelles, d’autre part.
Les alinéas 8 à 13 encadrent la relation de l’agriculteur et de l’énergéticien, en prévoyant la conclusion de cahiers de charges et la définition de servitudes qui s’imposeraient aux deux parties. L’alinéa 8, notamment, prévoit le versement d’une rémunération à l’agriculteur par le porteur de projet agrivoltaïque en contrepartie du respect des obligations contenues dans le cahier des charges.
Le non-respect des obligations fixées à l’une ou à l’autre des parties les engage financièrement, sans aller jusqu’à la possibilité de résilier le bail rural (alinéa 13). En revanche, l’atteinte grave et durable du porteur de projet agrivoltaïque au sol et aux cultures est susceptible de conduire à la résiliation de son contrat.
Enfin, les cessions et résiliations des différents contrats qui coexistent sont encadrées.
En se fondant sur des outils existants (statut du fermage, bail emphytéotique), la convention-cadre ainsi proposée ne manque pas d’instaurer un certain nombre de dérogations au régime de ces outils qui mériterait d’être précisées. C’est le cas notamment du plafonnement du loyer versé par le porteur du projet agrivoltaïque au bailleur (alinéa 7), ou de l’interdiction de cession à titre onéreux de ce bail (alinéa 18). Ces dérogations mériteraient d’être explicitées, ou atténuées, afin de ne pas créer de confusion dans l’appréciation de la norme qui prévaut. Il en est de même avec le statut des clauses du cahier des charges au regard de la liberté d’exploitation du preneur à bail rural.
Par ailleurs, l’obligation du propriétaire de retrouver un exploitant dans un délai d’un an (alinéa 15) pourrait entrer en contradiction avec les dispositions des articles L. 111-32 du code l’urbanisme et R. 314-109 du code de l’énergie relatifs aux installations agrivoltaïques qui exigent le maintien d’une activité agricole et autorisent un délai de « vacance » pendant dix-huit mois. Une coordination des délais serait préférable.
S’agissant de la mise à disposition du sol, celle-ci mériterait d’être précisée, au regard notamment du sort fait à la partie des installations agrivoltaïques qui y sont nécessairement attachées.
Enfin, des précisions pourraient utilement être apportées sur la nature des contributions perçues par l’agriculteur, et la nature des services qu’il rend, notamment au regard de la définition relativement stricte des missions que peuvent accomplir les sociétés civiles que sont les groupements d’exploitation en commun (Gaec).
La commission a adopté l’amendement CE73 de réécriture de l’article 3 présenté par votre rapporteur.
Cet amendement permet d’améliorer la rédaction juridique du dispositif et d’ajouter au bail rural des clauses agrivoltaïques qui clarifient la nature des obligations réciproques qui fondent la relation entre l’exploitant agricole et l’exploitant agrivoltaïque. Ces dispositions sont inspirées de la proposition visant à créer un bail rural à clauses agrivoltaïques de loi du sénateur Franck Ménonville.
Sont maintenus les éléments essentiels de la convention-cadre relatifs à la division en volume de la parcelle agricole, à l’encadrement du partage de la valeur et à l’interdiction de cession à titre onéreux des droits qu’elle permet.
Le caractère obligatoire et unique de cette convention-cadre est affirmé dès lors que le propriétaire n’est pas l’exploitant agricole.
Enfin, la nature des obligations pouvant incomber à l’exploitant agricole, qui peut notamment être chargé de l’entretien des installations photovoltaïques, est précisée et définie comme accessoire à l’activité agricole.
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Article supprimé
L’article 4 de la proposition de loi instituait un droit de préemption au profit des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), afin d’assurer un développement de l’agrivoltaïsme adapté aux circonstances locales. Il affirmait également le rôle des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) dans la prévention de la spéculation foncière pouvant être causée par des projets agrivoltaïques.
Cet article a été supprimé par la commission.
En garantissant que tout projet agrivoltaïque fournisse un revenu durable pour l’agriculteur et maintienne une production significative sur la parcelle ([14]), le législateur a préservé la vocation agricole des terres concernées. Toutefois, il demeure un risque que le développement de l’agrivoltaïsme entraîne une hausse du prix du foncier dans les espaces où des projets voient le jour, rendant plus difficile l’accès au foncier agricole, notamment pour les jeunes entrants.
En effet, le prix à l’hectare est positivement corrélé avec le potentiel de revenu que peut espérer tirer l’agriculteur de la parcelle ([15]). Cet effet mécanique sur les prix devrait être accentué par des comportements spéculatifs, profitant de la hausse de la demande de ces terres pour stimuler l’offre.
Cette tension sur le foncier agricole aggraverait une tendance déjà à l’œuvre, observée notamment par la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSafer) : d’après elle, en 2023 ([16]), le prix agricole des terres et prés libres ou loués non bâtis a augmenté de plus de 1,4 % par rapport à l’année précédente. Or, cette évolution accompagne, voire alimente, une mise en concurrence de l’usage agricole des terres avec d’autres activités. La même étude souligne à ce titre qu’en 2023, plus de 15 000 hectares de terres agricoles ont été détournés de leur usage.
Le droit de préemption, qui permet à son titulaire de se porter acquéreur en priorité en cas d’aliénation d’un bien, est conféré par le législateur à des personnes publiques ou de droit privé exerçant des missions d’intérêt général afin de mener des politiques d’aménagement diverses. Moyen d’acquisition d’un bien plus conciliant que l’expropriation car ne pouvant s’exercer que si le propriétaire a manifesté sa volonté de céder son bien, il permet de faire primer l’intérêt général si l’acquisition par la voie amiable n’aboutit pas.
Depuis leur institution en 1960 par la loi d’orientation agricole ([17]), les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) sont les principaux préempteurs en zone rurale. Les Safer, qui œuvrent « prioritairement à la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers » (article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime), agissent principalement pour favoriser l’installation des agriculteurs et faciliter la transmission des exploitations agricoles. À ce titre, la lutte contre la spéculation foncière, définie au 5° de l’article L. 143‑2 du même code, est cardinale car elle permet un prix d’acquisition attractif pour les agriculteurs qui s’installent. Pour y parvenir, la Safer peut, dans les conditions fixées par l’article L. 143-10 de ce code, préempter au prix et selon les conditions qu’elle décide.
En sus du droit de préemption des Safer, le statut du fermage instaure un droit de préemption au profit du preneur, conformément à l’article L. 412‑1 du code rural et de la pêche maritime. De nature contractuelle, ce droit de préemption exercé par un particulier sert à la fois son intérêt privé et l’intérêt général, en favorisant l’installation et le maintien des agriculteurs.
Par ailleurs, ce droit de préemption ne peut pas être exercé « s’il a été fait usage des droits de préemption établis par les textes en vigueur, notamment au profit de l’État, des collectivités publiques et des établissements publics » (article L. 412‑4). Or, le code de l’urbanisme prévoit sept droits de préemption afin de réaliser des opérations et des actions d’aménagement ou de constituer des réserves foncières. Outre le droit de préemption urbain (articles L. 211-1
à L. 211-7), celui dans les zones d’aménagement différé (articles L. 212-1
à L. 212-5), celui des fonds de commerce (articles L. 214-1 à L. 214-3), ainsi que celui en faveur des jardins familiaux (article L. 216-1), deux autres régimes de préemption ont été créés au cours des six dernières années : l’un vise à préserver les ressources en eau ; l’autre à prévenir les risques naturels liés au dérèglement climatique dans les espaces naturels sensibles.
Outre les appels à projet pour financer des projets liés aux énergies renouvelables (voir commentaire de l’article 1), la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (APER) et son décret d’application ont mis en place des procédures de concertation des acteurs locaux et des porteurs de projet, afin d’évaluer au mieux la pertinence de leur implantation.
En outre, les projets d’installation agrivoltaïque sont désormais soumis à l’avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers (CDPENAF). Lorsque l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation d’une installation agrivoltaïque, elle en informe le maire de la commune et le président de l’établissement public de coopération intercommunale concernés.
Dans le contexte actuel où la souveraineté alimentaire et la souveraineté énergétique sont essentielles au développement économique, le déploiement des installations agrivoltaïques ne peut pas se faire au détriment de l’agriculture. Afin de renforcer cette régulation du foncier agricole et de mieux organiser le portage de projets par des collectivités publiques ainsi que le partage de la valeur sur le territoire, l’article 4 de la proposition de loi introduit un droit de préemption nouveau au profit des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière d’agrivoltaïsme.
Ce nouveau droit serait exercé dans le cadre des missions dévolues aux EPCI par l’article L. 2 224-32 du code général des collectivités territoriales. Cet article prévoit qu’ils sont compétents pour « aménager, exploiter, faire aménager et faire exploiter » toute nouvelle installation utilisant des énergies renouvelables, y compris les installations agrivoltaïques.
En précisant que le nouveau droit de préemption créé pourrait être mobilisé sans préjudice de l’exercice des droits de préemption des Safer (article L. 143-1) et du fermier d’un bail rural en fermage (article L. 412-1), les auteurs de ce texte ont souhaité souligner l’indépendance de ce droit de préemption par rapport à ceux déjà en vigueur. Par ailleurs, la proposition de loi met l’accent sur l’importance de la coopération entre les acteurs des territoires, en prévoyant que la collectivité qui préempte transmette au préfet de département un document motivant la décision de préemption.
Par ailleurs, le 1° de l’article 4 de cette proposition de loi complète le cinquième objectif poursuivi par les Safer dans l’exercice de leur droit de préemption, à savoir la lutte contre la spéculation foncière. Il est précisé que la Safer peut préempter un bien afin de lutter contre la spéculation foncière qui peut notamment résulter « du développement d’installations agrivoltaïques ».
Il ressort toutefois des auditions une quasi-unanimité contre l’introduction d’un nouveau droit de préemption (organisations professionnelles agricoles, Chambres d’agriculture France, Fédération nationale de la propriété privée rurale, la Coopération agricole, le Conseil supérieur du notariat, l’association française de droit rural) à l’exception des associations d’élus locaux, qui ont de même questionné l’organisation et l’utilisation de ce droit. En effet, quoique poursuivant des objectifs louables, la multiplication des droits de préemption peut être perçue comme un vecteur de complexité et de confusion, surtout lorsqu’ils se retrouvent mis en concurrence sur de mêmes parcelles (en l’occurrence, ici, les parcelles agricoles en concurrence avec les Safer). Or, le législateur a récemment introduit deux nouveaux droits de préemption s’exerçant principalement dans les espaces ruraux, l’un dans les espaces naturels sensibles (article L. 215-1 du code de l’urbanisme), l’autre pour préserver les ressources en eau (article L. 218-1 du même code).
Les différents acteurs auditionnés ont également souligné que ce nouveau droit de préemption faisait peser un risque de pertes importantes sur l’exploitant si des investissements avaient été engagés avant son application.
La commission a supprimé cet article. Cinq amendements identiques de suppression (CE6, CE17, CE35, CE 51 et CE58) avaient été déposés par vos collègues issus de différents groupes politiques : M. David Taupiac (LIOT), M. Jean-Pierre Vigier (DR), Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP), M. Sébastien Humbert (RN) et M. Thibault Bazin (DR).
Article créé par la commission
Cet article demande au Gouvernement un rapport un rapport visant à connaître le partage de la valeur ajoutée entre l’ensemble des parties prenantes de la production agrivoltaïque, dans la diversité de ses modèles de développement en termes de taille de projets et de système de production agronomique garantissant l’objectif de souveraineté alimentaire sur la parcelle concernée et plus largement sur le territoire.
Ce nouvel article, introduit après l’adoption par la commission de l’amendement CE68 de M. Dominique Potier, demande au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement visant à connaître le partage de la valeur ajoutée entre l’ensemble des parties prenantes de la production agrivoltaïque, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi. Cette évaluation devra prendre en compte la diversité de ses modèles de développement en termes de taille de projets et de système de production agronomique garantissant l’objectif de souveraineté alimentaire sur la parcelle concernée et plus largement sur le territoire.
Lors de la discussion de cet amendement, MM. Dominique Potier et Karim Benbrahim, ainsi que votre rapporteur, ont exprimé la volonté de proposer, en vue de l’examen de la proposition de loi en séance, une modification de l’intitulé de ce rapport afin qu’il puisse être fusionné avec celui créé à l’article 2 ter.
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L’article 5 gage financièrement les dispositions de la proposition de loi, afin qu’elle puisse être recevable en application de l’article 40 de la Constitution.
Au cours de sa réunion du mercredi 26 mars 2025 à 9 heures 30, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaisme (n° 962) (M. Pascal Lecamp, rapporteur).
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Le développement des énergies renouvelables, y compris photovoltaïques, est encouragé et connaît un essor important dans notre pays. Toutefois, l’agrivoltaïsme soulève des questions complexes relatives au maintien des activités agricoles : c’est l’objet de cette proposition de loi. Elle entend créer un dispositif de partage territorial de la valeur spécifique aux projets agrivoltaïques, compléter la définition de l’agrivoltaïsme en limitant la puissance installée dans les exploitations agricoles, élaborer un modèle unique de convention-cadre pour organiser les relations entre propriétaires des parcelles agricoles, exploitants agricoles et porteurs de projets d’installations agrivoltaïques, et doter les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’un droit de préemption sur les biens immobiliers agricoles pour y développer des projets de cette nature.
Cette proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour des séances des 1er et 2 avril, après cinq autres textes ; nous espérons avoir le temps de l’examiner.
Sept amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, car ils ne présentaient pas de lien avec le texte – ils concernaient certaines procédures d’autorisation administrative, traitaient des conséquences de l’agrivoltaïsme sur la qualité des aliments ou visaient l’interdiction de toute installation photovoltaïque, entre autres exemples –, et un au titre de son article 40. La commission reste donc saisie de soixante-et-un amendements.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Il me semble important de rappeler la genèse de ce texte, avant de dire quelques mots de l’agrivoltaïsme et de détailler les dispositions qu’il contient.
Cette proposition de loi est « transpartisane », un terme que nous avons souvent à la bouche depuis que l’Assemblée est entrée dans une configuration complexe, en 2022. Pour avoir passé un tiers de ma vie en Scandinavie, je sais que les notions de consensus et de compromis vont à l’encontre des habitudes politiques françaises : si l’on invoque souvent la logique transpartisane, on la pratique assez peu.
Ce texte fait exception : il est le fruit d’un long travail transpartisan lancé en décembre 2023. À l’époque, le Gouvernement avait organisé une consultation publique sur un décret relatif à l’agrivoltaïsme qui traduisait mal la volonté du législateur et mettait au jour les insuffisances du cadre en la matière. Notre collègue Dominique Potier et moi-même nous sommes exprimés conjointement sur le sujet et avons rapidement pris langue avec M. Jean-Luc Fugit, président du Conseil supérieur de l’énergie. Nous avons alors constitué un groupe de réflexion dont la composition a fluctué, dissolution oblige. Je remercie tous nos collègues et anciens collègues qui y ont contribué : M. Luc Lamirault, Mmes Lise Magnier, Lisa Belluco, Marie Pochon et Mathilde Hignet, MM. André Chassaigne et Julien Dive, Mme Sandrine Le Feur et MM. Pascal Lavergne, Stéphane Travert, Loïc Kervran et Benoît Biteau.
Sous mon impulsion – j’étais en quelque sorte le « secrétaire général » de ce groupe de travail –, nous avons auditionné des professionnels de la filière, des syndicats agricoles, des collectivités territoriales et le directeur de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), étudié des propositions et consulté des juristes.
Le texte que nous avons déposé le 13 février 2025 n’est pas celui que j’aurais écrit seul et je sais que c’est également le cas pour mes collègues cosignataires. C’est la beauté et la magie du travail transpartisan : un compromis long, douloureux et sans raccourci, mais qui permet d’avancer ensemble.
Qu’est-ce que l’agrivoltaïsme ? Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? A-t-on besoin d’une loi sur le sujet ? Si nous avons élaboré ce texte, c’est parce que, dès l’adoption de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi « Aper », il a paru évident qu’elle se contentait de définir l’agrivoltaïsme sans lui donner d’orientations ni le doter des outils nécessaires à son fonctionnement.
Je le dis clairement : l’agrivoltaïsme est une occasion exceptionnelle de faire converger la défense de la souveraineté énergétique et la défense de la souveraineté alimentaire. Il peut aussi, il est vrai, les mettre en concurrence. Les panneaux solaires installés sur les cultures peuvent créer de l’ombrage pour les moutons, protéger contre la grêle et le soleil, diminuer le stress hydrique, mais aussi priver les cultures des photons dont elles ont besoin, comme le rappelle souvent notre collègue Jean-Luc Fugit.
Notre responsabilité était donc la suivante : trouver un chemin de passage pour verdir le mix énergétique sans déséquilibrer le secteur agricole. C’est un chemin de crête. Pour y parvenir, il a fallu appréhender un secteur extrêmement opaque, en plein développement, qui s’apparente à une bulle. Premier constat : selon une étude de l’Ifop présentée au Salon de l’agriculture, plus de 70 % des agriculteurs ont déjà été démarchés pour accueillir un projet agrivoltaïque, alors que les objectifs de développement des énergies renouvelables de la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) visent environ 0,3 % de la surface agricole utile (SAU), c’est-à-dire de soixante mille à quatre-vingt-dix mille hectares de panneaux photovoltaïques au maximum d’ici 2050. Le décalage est immense : le mirage s’installe au gré des propositions de revenus mirifiques faites aux agriculteurs, qui se solderont, pour beaucoup, par de la déception et de la frustration.
Deuxième constat : les préfets n’ont que très peu d’outils pour prioriser les projets. La loi Aper leur demande d’évaluer les services rendus par l’agrivoltaïsme à l’agriculture, mais ces derniers ne pourront être attestés que dans le futur ; il est donc complexe de les anticiper à la date d’octroi du permis de construire. De fait, très peu de permis sont accordés.
Troisième constat : les conditions promises aux propriétaires et aux agriculteurs, de mille à dix mille euros par an et par hectare, sont souvent un « miroir aux alouettes ». Elles sont revues à la baisse une fois que les parties sont engagées, ce qui constitue une nouvelle source de frustration. Elles reposent, de surcroît, sur des montages contractuels baroques, puisque le bail rural est incompatible avec l’installation de panneaux détenus par un énergéticien. La loi Aper n’a pas traité ce problème, alors que les surfaces louées à des exploitants représentent 70 % des terres ; nos collègues Henri Alfandari, Éric Bothorel, Maxime Laisney et Nicolas Meizonnet l’ont relevé dans leur rapport (n° 2200) sur l’application de la loi Aper.
Quatrième constat : les tensions territoriales commencent à monter, alors que nous n’en sommes qu’aux prémices – ici, un « projet alibi » pré-loi Aper ou un mégaprojet de 120 hectares ; là, deux voisins jaloux et des riverains inquiets de l’impact paysager ; ailleurs, un milliardaire parisien qui rachète une ferme pour y mettre quelques moutons et un syndicat qui dénonce l’inflation foncière. Des associations anti-agrivoltaïques voient le jour, comme Les Prés survoltés dans ma circonscription. Tous ces exemples existent dans mon département et certainement aussi dans les vôtres.
Cinquième constat : la science a avancé moins vite que la structuration économique du secteur. L’Inrae et l’Agence de la transition écologique (Ademe) balbutient, tandis que près d’un agriculteur sur sept est déjà engagé dans un projet agrivoltaïque.
J’en viens au contenu de la proposition de loi et aux amendements que j’ai déposés en tant que rapporteur, dans un dialogue constant avec vous et en pesant chacune de vos propositions.
L’article 1er vise à instaurer un partage territorial et agricole de la valeur agrivoltaïque. Sachant qu’il y aura quelques élus et beaucoup de déçus, il paraît important d’assurer un retour vers l’ensemble de la filière agricole, pour favoriser la cohésion entre les acteurs et l’acceptabilité des projets. Nous avons rapidement acté l’idée d’un fonds, abondé par les énergéticiens, qui financerait des projets agricoles locaux et associerait plusieurs acteurs du territoire : collectivités, chambres d’agriculture, etc. Je proposerai une réécriture de cet article 1er destinée à renforcer l’opérationnalité du dispositif et à éviter l’émiettement ; elle s’inspire des propositions de plusieurs d’entre vous, avec la volonté de trouver un consensus. L’objectif est que l’agrivoltaïsme produise des bénéfices concrets sur le terrain, une fois la poussière retombée.
L’article 3 répond à un problème technique. Dans le modèle contractuel qui a majoritairement cours en matière d’agrivoltaïsme, le bail rural est d’abord cassé ; après quoi, le propriétaire foncier signe un bail emphytéotique avec l’énergéticien et met la terre à disposition du fermier. Il en découle une précarisation de l’agriculteur, une rupture du lien avec le propriétaire et un renoncement aux protections du fermage. Ce montage, qui s’arrange avec les régimes des différents contrats, court aussi le risque d’être annulé par le juge.
Nous avons donc proposé un modèle assez ambitieux, inspiré des pratiques des développeurs ; il établit une distinction entre les surfaces au sol et les volumes occupés par les panneaux en hauteur, ce qui permet de conserver le bail rural sur la partie cultivée par l’agriculteur. Cette solution répond à une demande forte du secteur agricole, mais elle bénéficiera aussi aux porteurs de projets énergétiques, puisqu’elle sécurisera juridiquement les montages contractuels. Elle clarifiera les conditions de coexistence et de coactivité, même temporaires, sur une même parcelle.
Nous avons par ailleurs intégré un élément assez politique qui participe de la lutte contre l’inflation foncière et de l’équité dans la relation : le propriétaire terrien ne devra pas toucher une rente plus importante que celle de l’exploitant agricole. C’est un point fort du texte.
Pour tenir compte des retours du ministère de l’agriculture, des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ou encore de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), je proposerai plusieurs modifications visant à rééquilibrer le modèle pour intégrer l’existence, même temporaire, des installations agrivoltaïques dans la relation entre le propriétaire et le fermier. L’amendement que je vous soumettrai sécurise davantage les rapports entre les parties et rend la mesure opérationnelle et obligatoire. Il s’agit d’accompagner un secteur nouveau et d’adapter notre droit à la réalité pour le rendre innovant, utile et protecteur.
L’article 4 répond à l’ambition de partager la valeur et de lutter contre la spéculation, puisqu’il permet à l’EPCI de procéder à l’achat quand la Safer et le fermier s’y refusent. Ce sujet a suscité de nombreux commentaires, nous en reparlerons.
J’en termine par l’article 2, qui ne manquera pas de soulever des débats. Deux points méritent d’être rappelés en préambule. Aucune ferme n’a besoin, pour ses cultures, de plusieurs dizaines d’hectares de panneaux photovoltaïques. La manne agrivoltaïque n’étant pas illimitée, plus les projets seront gros, moins ils seront nombreux et plus nombreux seront les agriculteurs privés de cet apport technique et financier. En fixant une taille limite, nous remettons l’agriculture, avec toute son importance, au milieu du village et nous offrons un outil objectif, pouvant être visé par les préfets.
Certains ont assimilé le seuil de 5 mégawatts-crête (MWc) à un moratoire – nous en reparlerons. J’ai entendu les réactions des uns et des autres et je proposerai de faire évoluer ce seuil qui posait des difficultés pour le raccordement. Soyons clairs : le seuil de 5 MWc devait orienter les développeurs vers des projets collectifs auxquels participeraient un maximum d’agriculteurs et je reste convaincu que c’est la vision que nous devons défendre. Je connais, dans ma circonscription, des projets qui associent plusieurs agriculteurs et quelques communes autour d’un énergéticien. Que l’agrivoltaïsme profite au plus grand nombre d’agriculteurs et qu’il contribue à la production alimentaire tout en améliorant le mix énergétique, tel est notre objectif.
Je remercie encore tous ceux qui ont contribué à ce travail depuis un an. Vos amendements témoignent d’une volonté d’avancer. Nous avons quelques heures pour trouver le chemin : je serai à votre écoute pour y parvenir, et j’espère que nous voterons ce texte tous ensemble.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.
M. Patrice Martin (RN). Alors que la France traverse une crise agricole profonde et que nos paysans peinent à vivre de leur travail, voilà qu’on leur propose une illusion : l’agrivoltaïsme. Derrière les beaux discours se cache une réalité bien plus sombre : loin d’être un soutien pour le monde agricole, cette pratique organise un lent glissement de notre modèle agricole vers une logique de rente énergétique. On nous « vend » l’agrivoltaïsme comme une synergie entre production agricole et énergie solaire ; la réalité, ce sont des hectares entiers de terres agricoles accaparés pour produire une énergie intermittente, non pilotable, à l’aide de panneaux chinois fabriqués dans des conditions environnementales désastreuses. Rappelons que les dernières entreprises françaises à opérer dans ce domaine (Photowatt, Systovi et Recom Sillia) n’ont pas pu concurrencer la production chinoise et ont fini par fermer.
La proposition de loi impose, dans son article 2, une limite arbitraire de 5 MWc par exploitation. Ce seuil, totalement déconnecté des réalités agricoles et territoriales, pénalisera encore une fois les territoires ruraux et peu denses.
Comme si cela ne suffisait pas, l’article 4 accorde un droit de préemption sur le foncier agricole aux EPCI, structures intercommunales qui n’ont pourtant pas de compétence agricole. Ce droit s’entrechoquera avec d’autres mécanismes juridiques en vigueur et plongera les territoires dans une insécurité majeure.
Le plus grave réside dans la logique que dessine cette proposition de loi. Comment croire un seul instant qu’un agriculteur continuera à produire s’il gagne dix fois plus en louant ses terres à un énergéticien ? Alors que le revenu énergétique est garanti, stable et prévisible, le revenu agricole est incertain, aléatoire et précaire. Demain, nous aurons une France couverte de panneaux solaires, privée de sa capacité à nourrir sa population et toujours plus dépendante des importations alimentaires. Ne nous laissons pas piéger : l’agrivoltaïsme n’est pas une solution pour notre agriculture, c’est un contournement, un prétexte vert contraire à la vocation agricole ; il masque un abandon de souveraineté et un glissement vers une logique spéculative qui éloigne les agriculteurs de leur mission première, nourrir la France.
Fidèle à sa vision d’une France souveraine et indépendante, fidèle à son engagement de renforcer la souveraineté agricole et énergétique de notre pays, le Rassemblement national réaffirme son attachement à l’agriculture française, à son foncier et à ses paysans. Nous refusons de brader nos terres au nom d’une écologie de façade et d’être complices d’un texte qui va à l’encontre des intérêts des agriculteurs et de notre nation.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je prends acte de votre opposition frontale à l’agrivoltaïsme. Il est utile de rappeler le contexte : le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers ne traite pas des dispositions de l’article 93 de la loi Aper. Pour y remédier, nous proposons un encadrement qui permettra à la fois de développer la filière agrivoltaïque et de protéger les agriculteurs. Même en adoptant votre point de vue, on peut considérer que ce texte est un moindre mal par rapport à l’ouverture totale qui est actuellement possible.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je tiens à remercier notre collègue Pascal Lecamp pour son travail. Le groupe Ensemble pour la République est attaché à la définition de l’agrivoltaïsme qui figure dans la loi Aper : l’agrivoltaïsme, ce ne sont pas des serres ou des hangars à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques, c’est un outil mis au service de l’agriculture pour la rendre plus résiliente, notamment face aux aléas climatiques. Il peut nous aider à atteindre l’objectif de la PPE actuellement en discussion : tripler la production photovoltaïque globale d’ici 2030 et la quintupler d’ici 2035. Son développement contribuera à décarboner notre économie et renforcer notre souveraineté énergétique.
Depuis la loi de 2023, un décret en Conseil d’État et un arrêté ont été pris pour préciser les conditions de développement de l’agrivoltaïsme ; ils ont été complétés par une note d’instruction adressée aux chambres d’agriculture et aux préfets quelques semaines avant le Salon de l’agriculture. Nous pourrions donc estimer que l’agrivoltaïsme est bien encadré par la loi et les textes réglementaires.
En réalité, ces derniers omettent la question centrale du partage de la valeur entre l’agriculteur et le producteur d’énergie. Dès 2020, le rapport intitulé « L’agriculture face au défi de la production d’énergie » et que j’avais réalisé pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques soulignait la nécessité d’imaginer des relations contractuelles équilibrées entre l’agriculteur et l’énergéticien pour ce type de projets. Nous pouvons donc nous féliciter que des députés de différents groupes se soient réunis autour de notre collègue Pascal Lecamp pour imaginer un nouveau régime juridique, qui figure dans l’article 3 ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai cosigné cette proposition de loi. Ce cadre juridique est essentiel pour garantir une répartition équitable des bénéfices et assurer la pérennité des exploitations agricoles.
En revanche, les autres articles de la proposition de loi soulèvent des difficultés et suscitent des réserves de la part des acteurs agricoles et des professionnels des énergies renouvelables. Notre groupe s’était opposé à ce que le texte soit inscrit à l’ordre du jour de la semaine transpartisane du 30 mars, afin que nous puissions le retravailler ; puisqu’il en a été décidé autrement, il convient de l’examiner aujourd’hui en commission.
Le groupe Ensemble pour la République est opposé à l’article 1er car il n’offre pas suffisamment de garanties. Nous sommes également très réservés à l’égard du seuil de puissance fixé par l’article 2 : trop bas, il met en péril la viabilité des projets. Ceux-ci risquent de se concentrer autour des postes-sources, ce qui en privera des exploitations potentiellement intéressées. Enfin, nous souhaitons supprimer l’article 4 qui crée un nouveau droit de préemption pour les EPCI, sans que l’on comprenne comment il s’articulera avec les droits de préemption qui existent déjà au bénéfice des Safer et des collectivités.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je proposerai une réécriture générale de l’article 1er qui fléchera la totalité des contributions versées par les énergéticiens vers des projets agricoles territoriaux.
S’agissant de l’article 2, je proposerai de relever le seuil à 10 MWc, en y associant notamment un plafond, suggéré par les Jeunes Agriculteurs, qui limitera la parcelle agricole implantée à 30 % de la SAU.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je souhaite remercier le rapporteur pour son travail transpartisan et respectueux des points de vue de chacun. Le groupe La France insoumise souhaite que l’ensemble des surfaces artificialisées et des toitures disponibles soient dotées d’installations photovoltaïques avant d’envisager d’installer des panneaux sur des surfaces agricoles. En effet, l’agrivoltaïsme risque de renforcer les difficultés d’accès au foncier agricole, qui constituent déjà un frein majeur à l’installation en agriculture. Il risque d’enchérir le prix des terres, sachant que le loyer des surfaces consacrées à l’agrivoltaïsme peut être dix fois supérieur à celui des terres agricoles. Le déploiement non maîtrisé de l’agrivoltaïsme pourrait donc être un frein au renouvellement des générations.
La vocation des terres agricoles et des agriculteurs est avant tout de produire de l’alimentation. L’agrivoltaïsme peut représenter une entrave pour les agriculteurs qui souhaiteraient changer de production. Il serait imprudent d’ouvrir la voie à son essor, alors que nous ne disposons pas du recul suffisant pour évaluer son impact sur la production agricole. L’enjeu de la souveraineté alimentaire est aussi crucial que celui de la souveraineté énergétique. Sans terres agricoles, nous ne pourrons pas nourrir notre population.
Par ailleurs, il est possible d’atteindre l’objectif de 100 % d’énergies renouvelables en 2050 sans toucher aux terres agricoles. Selon le scénario M0 de Réseau de transport d’électricité (RTE), le parc photovoltaïque devra atteindre 208 gigawatts (GW) en 2050. Or, l’Ademe évalue le gisement photovoltaïque lié aux seules toitures à 364 GW.
La loi Aper donne une définition de l’agrivoltaïsme dont l’application, fixée par décret, laisse craindre un développement non raisonné au détriment de la production alimentaire, incompatible avec l’objectif de souveraineté alimentaire et avec le cœur de métier des agriculteurs. Nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas eu la sagesse de l’encadrer : c’est pourquoi cette proposition de loi est nécessaire.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le texte prévoit une clause de revoyure à cinq ans, échéance à laquelle nous aurons davantage de visibilité et pourrons réorienter l’usage de l’agrivoltaïsme sur les terres agricoles.
L’encadrement que nous proposons entend accompagner le développement de la filière pour éviter la formation de « bulles foncières » et d’écarts de loyer trop importants entre les terrains équipés en agrivoltaïsme et les autres.
M. Dominique Potier (SOC). Je salue la persévérance et le travail transpartisan de notre collègue Pascal Lecamp, grâce auquel nous avons accompli ce que le Gouvernement s’était refusé à faire. Lorsque nous avons abordé l’agrivoltaïsme dans le cadre du projet de loi Aper, j’ai fait adopter à l’unanimité un amendement demandant au Gouvernement de régler plusieurs questions : le statut du fermage, la performance agronomique et le développement de la biomasse, la protection durable des sols et la lutte contre les effets spéculatifs. Le décret d’application limite simplement la part de parcelles couvertes par l’agrivoltaïsme. Sous la pression des énergéticiens, un taux de couverture maximum de 40 % a été retenu, alors que toutes les études scientifiques et le bon sens paysan démontrent qu’il est incompatible, hormis dans certains contextes particuliers, avec le critère de 10 % de perte de rendement au maximum par hectare équipé d’agrivoltaïsme. C’est la porte ouverte à un agrivoltaïsme de façade et à une perspective que nous avons radicalement condamnée dans le cadre de la loi Aper : le développement du photovoltaïque sur des sols agricoles.
La proposition de loi s’efforce de corriger ce mauvais décret. Elle ne correspond pas à la version idéale qu’auraient voulue les socialistes, mais elle est le fruit d’un compromis et vise à introduire de la régulation. Plusieurs points nous tiennent à cœur : planifier et implanter l’agrivoltaïsme au bon endroit ; associer agronomie, production alimentaire et production d’énergie ; partager la valeur entre les paysans. Dans la configuration actuelle, 1 % des agriculteurs capteraient, sur 0,2 % des terres, une manne totalement injuste qui provoquerait de la spéculation foncière et empêcherait le renouvellement des générations. Ce serait un échec.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Notre première motivation est le partage de la valeur. Un maximum d’agriculteurs doit bénéficier de l’innovation technologique que constitue l’agrivoltaïsme pour répondre aux enjeux agroécologiques et climatiques. Puisque tout le monde ne pourra pas être équipé, il faut trouver un système de redistribution qui profite à l’agriculture. J’espère que la nouvelle rédaction de l’article 1er vous satisfera.
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Nous pouvons tous nous réjouir que l’agrivoltaïsme soit doté d’un cadre législatif clair, avancée importante pour soutenir cette filière prometteuse. Son développement nécessite de trouver un équilibre délicat entre la préservation des terres agricoles et la production d’énergies renouvelables. Il est crucial de faire confiance aux acteurs locaux pour juger les projets au cas par cas, et de s’assurer que la valeur produite sera équitablement partagée, notamment avec les agriculteurs.
Je connais votre engagement et votre volonté d’encadrer au mieux cette filière, monsieur le rapporteur ; mais avec les députés de la Droite républicaine, nous pensons que cette proposition de loi intervient trop tôt. En effet, le Parlement a adopté, il y a à peine deux ans, la loi Aper qui établit un cadre pour l’agrivoltaïsme. Ce cadre entre actuellement en vigueur et les premiers projets émergent seulement aujourd’hui.
Premièrement, il est essentiel de préserver une stabilité législative avant d’envisager des mesures plus contraignantes. L’agrivoltaïsme doit être maintenu hors du mécanisme de partage territorial de la valeur prévu par la loi Aper, qui n’est pas adapté aux enjeux agricoles de cette filière. Il est important de laisser les projets se déployer et de donner aux acteurs locaux le temps de les adapter aux réalités du terrain.
Deuxièmement, la limitation uniforme de la puissance installée ne nous semble pas une bonne solution. La complémentarité entre les productions alimentaire et énergétique doit être pensée localement, en concertation avec les acteurs locaux. Imposer une limite nationale pourrait freiner la filière plutôt que l’encadrer efficacement.
Troisièmement, l’octroi d’un droit de préemption des terres agricoles aux EPCI pour les projets agrivoltaïques nous paraît inapproprié. Ce mécanisme ne garantit pas la réalisation de ces projets et pourrait aboutir à des terres agricoles sans activité, ce qui irait à l’encontre des objectifs de la proposition de loi. Pour toutes ces raisons, les députés de la Droite républicaine ne la voteront pas en l’état.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le texte ne restera pas en l’état à l’issue de nos débats. Vous appelez à faire confiance aux acteurs locaux. La nouvelle rédaction de l’article 1er prévoit justement une territorialisation et nous nous appuierons sur les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). En outre, les contributions versées par les énergéticiens seront ciblées à 100 % vers les projets agricoles des territoires où sont installés les panneaux agrivoltaïques, ce qui assurera une redistribution des recettes « en circuit court » vers les voisins.
Vous estimez que le texte intervient trop tôt, or il est prévu une clause de revoyure à cinq ans. Nous préférons prévenir plutôt que guérir, car le démantèlement de ces équipements est compliqué.
M. Benoît Biteau (EcoS). Je tiens à mon tour à saluer le climat dans lequel le rapporteur Pascal Lecamp a conduit les discussions.
Soyons vigilants à ce que les difficultés économiques de l’agriculture ne motivent pas un détournement de son rôle fondamental : produire notre alimentation. Cela étant dit, nous avons plusieurs équations à résoudre : sortir des énergies fossiles pour avancer vers des énergies renouvelables ; ne pas mettre en concurrence la souveraineté alimentaire et la production d’énergie ; plus spécifiquement, dans la formation politique à laquelle j’appartiens, concilier les attentes des membres de la commission « Énergie » et de la commission « Agriculture et ruralité ».
Les énergies renouvelables ne doivent pas se développer plus rapidement sur les terres agricoles que sur les surfaces déjà artificialisées, pour ne pas entretenir une concurrence foncière ni susciter un effet d’aubaine qui conduirait à privilégier la production énergétique au détriment de la souveraineté alimentaire. Il faudra y être extrêmement attentif. Les aides publiques, en particulier, devront encourager l’implantation du photovoltaïque sur des zones déjà artificialisées.
La crise agricole impose un partage de la valeur, pour que la spéculation pratiquée par certains propriétaires fonciers grâce à la production d’énergie bénéficie au monde agricole. Cependant l’installation, dans des proportions raisonnables, de panneaux photovoltaïques peut apporter des solutions à certains problèmes (gel, canicule) de cultures touchées par le dérèglement climatique. Nous devons donc envisager des implantations « gagnant-gagnant » pour l’agriculture, la souveraineté alimentaire et la production d’énergie, en veillant à ce que les photons, indispensables à la photosynthèse, ne soient pas tous captés par les panneaux photovoltaïques.
Afin de résoudre ces équations complexes et de trouver un équilibre entre la densité des panneaux et la préservation de la production agricole, j’ai choisi la science pour boussole, en particulier le travail remarquable de monsieur Christian Dupraz à l’Inrae de Montpellier.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je vous remercie de chercher des solutions « gagnant-gagnant » permettant d’atteindre un certain équilibre. Nous sommes tous conscients que l’agrivoltaïsme n’est pas la solution aux problèmes de revenu des agriculteurs. Pour éviter tout effet d’aubaine, cette proposition de loi apporte les corrections nécessaires.
Gardons à l’esprit que l’agrivoltaïsme est une innovation agricole qui doit rester au service de l’agriculture. Partout où elle peut constituer un atout, elle doit être développée ; partout où son impact serait négatif, elle ne doit surtout pas l’être. Sur cette base, nous pourrons lancer des projets agrivoltaïques.
Mme Louise Morel (Dem). Cette proposition de loi a fait l’objet de débats en dehors de l’Assemblée et je veux croire que les nombreux courriers que nous avons reçus prouvent qu’elle n’est pas cosmétique.
Tous les députés soutenant ce texte, issus de partis et de territoires différents, partagent le même constat : l’agrivoltaïsme se développe de manière erratique, d’excellents projets côtoyant des projets aux préoccupations agricoles très secondaires. Le corps préfectoral, bien qu’il loue le travail des CDPENAF, manque d’outils juridiques pour faire le tri.
La loi Aper de 2023 a permis de définir l’agrivoltaïsme. Malheureusement, cette définition, qui a été précisée par le décret et l’instruction technique d’application qui ont suivi, n’a réglé ni la question contractuelle, ni celle de l’aménagement du territoire, ni encore celle du partage de la valeur. Dans le contexte de spéculation qui prospère sur le terrain, ces questions sont centrales et ne peuvent attendre. Il est préférable de réguler et d’orienter maintenant plutôt que de tenter de réparer les dégâts ultérieurement ; autrement dit, mieux vaut prévenir que guérir.
Permettez-moi de saluer le travail de notre collègue Pascal Lecamp sur cette proposition de loi, qui permet de maximiser le nombre d’agriculteurs qui bénéficieront de l’intérêt agronomique et économique de l’agrivoltaïsme, d’éviter la tentation du gigantisme et d’ouvrir la voie à un développement progressif de la filière. Le groupe Les Démocrates soutient toutes les intentions de ce texte transpartisan.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je n’aurais pu faire une meilleure synthèse !
M. Henri Alfandari (HOR). Comme plusieurs d’entre nous, monsieur le rapporteur, vous venez d’une zone intermédiaire accueillant des éleveurs et je comprends votre intention de protéger les exploitants agricoles d’intérêts économiques contraires aux leurs, qui les détourneraient de leur mission de protection des sols.
Cependant, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Comme notre collègue Benoît Biteau le souhaitait, un décret encadre fortement l’agrivoltaïsme, en particulier les technologies utilisées et les surfaces de couverture. J’étais corapporteur de la loi Aper ; à titre personnel, j’étais totalement opposé à l’existence d’une deuxième planification, puisque la plupart des installations seront implantées dans des zones N et A et concerneront essentiellement des agriculteurs.
Ce texte soulève une autre difficulté : vous entendez inscrire dans la loi des bornes chiffrées, qui seront particulièrement rigides, au lieu de laisser cet aspect être régi au niveau réglementaire, ce qui permettrait de corriger les éventuelles erreurs que nous pourrions commettre. Le groupe Horizons et Indépendants votera contre ce texte.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. J’aurais préféré que le groupe Horizons et Indépendants décide d’attendre la fin de l’examen du texte pour se prononcer, mais j’espère pouvoir le faire changer d’avis. J’ai déposé un amendement proposant une nouvelle rédaction de l’article 2, qui devrait satisfaire vos attentes.
M. David Taupiac (LIOT). L’agrivoltaïsme, parce qu’il se situe au croisement de deux enjeux majeurs, celui de la souveraineté alimentaire et celui de la souveraineté énergétique, suscite autant d’engouement que de craintes. Il s’agit de trouver un équilibre permettant le développement de cette pratique, sans faire perdre aux terres agricoles leur fonction nourricière première.
La loi Aper a posé les premiers jalons du cadre législatif, instaurant des principes structurants tels que la compatibilité avec une activité agricole, la durée limitée et la réversibilité des projets ou encore la création de garanties financières pour le démantèlement. Mais le débat de fond n’a pas été tranché : quel type de projets agrivoltaïques souhaitons-nous développer, quelques grands projets au bénéfice des plus grandes exploitations ou une pluralité de petits projets répartis sur le territoire ? La présente proposition de loi tranche en faveur de la seconde option.
Nous partageons la philosophie de ce texte, bien que nous ne soyons pas d’accord avec l’ensemble de ses dispositions. Mes chers collègues, je vous demande de ne pas balayer d’un revers de main cette initiative nécessaire, à laquelle j’ai participé et qui soulève des questions essentielles.
La première est celle du partage de la valeur résultant de l’installation de projets agrivoltaïques. Mis à part les propriétaires des terres agricoles concernées, le monde agricole ne bénéficie pas des retombées financières de ces installations. Pour en favoriser l’acceptabilité, il me semble légitime de créer une contribution financière au profit des filières agricoles. Au-delà de ces retombées collectives, nous défendrons un amendement permettant aux exploitants agricoles non-propriétaires subissant des désagréments résultant de ces installations de percevoir des contreparties financières ou en nature.
La fixation d’un seuil de puissance est une mesure nécessaire pour permettre le développement d’une pluralité de projets. Vous proposez de fixer ce seuil à 5 MWc par exploitation agricole, ce qui est sans doute insuffisant pour atteindre le seuil de rentabilité et permettre une juste répartition territoriale. Nous proposerons, par amendement, de relever ce seuil à 10 MWc.
Nous avons des doutes quant au schéma contractuel proposé : permet-il réellement de procéder aux aménagements juridiques des baux ruraux autorisant l’installation de projets agrivoltaïques ? Certaines organisations professionnelles semblent en douter. Quant au droit de préemption octroyé aux établissements publics de coopération intercommunale, il pourrait concurrencer le travail de préservation des terres effectué par les Safer.
Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires soutient fortement l’initiative du rapporteur, qu’il remercie de son engagement, mais souhaite faire évoluer ce texte.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je tiens à vous remercier pour votre travail constant et votre participation active et constructive aux travaux préparatoires. Certes, nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais nous sommes parvenus à nous mettre d’accord sur une proposition de loi qui s’articule autour de trois points – le partage de la valeur, les retombées pour le monde agricole et le seuil de puissance – dont nous allons débattre.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Karim Benbrahim (SOC). Nous devons concilier trois objectifs dans ce texte : le partage de la valeur, la maîtrise du coût du foncier et la réalisation de l’impérative transition énergétique. Malheureusement, le levier que vous proposez d’utiliser dans l’article 2 ne permet pas d’atteindre simultanément ces trois objectifs.
Permettez-moi de partager avec vous quelques-unes de mes interrogations. Premièrement, en limitant les économies d’échelle, ne fait-on pas peser un risque sur le développement de projets contribuant à la transition énergétique ?
Deuxièmement, l’exclusion de certains territoires du développement de projets agrivoltaïques ne va-t-elle pas à l’encontre de l’objectif initial de partage de la valeur ?
Troisièmement, pourquoi choisir un seuil national, qui ne prend pas en considération les diversités régionales ? L’agriculture et la topographie ne sont pas les mêmes dans les Pays de la Loire, dans les Pyrénées ou dans la Beauce.
Enfin, l’article 2 n’introduit-il pas un risque de contournement de l’esprit même de la proposition de loi par un « saucissonnage » des exploitations allant à l’encontre de l’objectif initial de partage de la valeur ?
Monsieur le rapporteur, je souscris aux objectifs initiaux de votre proposition de loi, tout en soulignant la nécessité de réfléchir à d’autres leviers de régulation – comme de nouveaux dispositifs de maîtrise du coût du foncier ou une nouvelle fiscalité, à la fois redistributive et progressive en fonction de la taille des projets.
M. François Ruffin (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous avez fait un excellent travail pour encadrer l’agrivoltaïsme, mais une autre question se pose : d’où viennent les panneaux photovoltaïques ? Photowatt, la dernière usine française, vient de fermer ; toutes les usines allemandes, qui étaient pionnières, ferment tour à tour sous la déferlante de panneaux photovoltaïques chinois. Face à l’hyperproduction chinoise résultant d’un hyperinvestissement, que fait le Gouvernement français ? Il se croise les bras. Que fait l’Union européenne ? Elle ne bouge pas ; les faibles mesures antidumping et antisubventions qui avaient été instaurées prendront fin en juillet 2025.
L’agrivoltaïsme est un secteur d’avenir, dit-on, mais, en France comme en Europe, il n’est soutenu par aucune filière industrielle, alors qu’aux États-Unis, la filière agrivoltaïque est protégée grâce à l’Inflation Reduction Act. Hier encore, au sujet de la sidérurgie, j’ai entendu le Premier ministre François Bayrou critiquer des mesures protectionnistes, alors que c’est précisément ce dont nous avons besoin : sans mesures protectionnistes, nous sommes cuits !
Quant à la proposition de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen d’augmenter les taxes sur les chewing-gums, les bidets ou la viande de renne, elles ne sont absolument pas à la hauteur des secteurs que nous devons défendre.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je ne vais pas réagir maintenant à la densité et à la qualité des questions de monsieur Benbrahim : il faudrait une heure supplémentaire de débats.
Le partage de la valeur est le principal objectif de ce texte. Sachant que nous visons une couverture de 0,3 % de la SAU d’ici 2050 et que la France compte quatre cent mille exploitants agricoles, pour partager la valeur en « saucissonnant », comme vous le dites, il faudrait qu’un demi-hectare par exploitation soit concerné dans toute la France. Ce n’est pas réaliste, ne serait-ce qu’en raison des problèmes de raccordement.
Je ne crois guère à l’utilité de correctifs fiscaux et davantage à une redistribution locale au bénéfice des projets très visibles ; mais c’est un très long débat.
Monsieur Ruffin, vous avez raison : nous n’avons pas de filière de production de panneaux photovoltaïques. Compte tenu des relations internationales actuelles entre les États-Unis et la Chine, si nous développons et accompagnons une filière de manière raisonnée, elle pourrait devenir vertueuse et la France, exportatrice ; nous en avons les capacités. En tout état de cause, il ne faut pas provoquer une bulle spéculative, qui se dégonflerait rapidement et amènerait la filière à faire un tête-à-queue.
Avant l’article 1er
Amendement CE11 de M. David Taupiac
M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement vise à octroyer à la CDPENAF de nouvelles prérogatives en matière de répartition territoriale des projets, afin que le potentiel déploiement de l’agrivoltaïsme ne soit pas concentré aux abords des postes-sources ou dans les plus grosses exploitations, mais profite à un maximum d’agriculteurs.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Avis défavorable. Depuis l’adoption de la loi Aper, les projets d’agrivoltaïsme ne peuvent être autorisés qu’après un avis conforme de la CDPENAF. Toutefois, cette commission n’a pas une fonction de planification, mais de validation des projets.
Cependant, j’entends vos arguments ; nous avons ajouté à l’article 2 un dispositif de territorialisation des critères.
M. Dominique Potier (SOC). Je soutiens l’amendement de monsieur Taupiac, en raison du risque de fragmentation. Tous ceux qui veulent libéraliser le marché de l’agrivoltaïsme au seul profit de quelques-uns plaident pour une liberté locale – c’est-à-dire la liberté du loup dans la bergerie ; ce sont des partisans du libéralisme. Parce qu’ils ont plus de soleil, plus d’argent ou plus d’influence politique, certains départements, qui sont des superpuissances agricoles, peuvent accaparer les projets d’agrivoltaïsme en libéralisant leur installation.
Il faut donc une régulation nationale, s’imposant autant que possible en amont, les régulations a posteriori étant beaucoup plus difficiles à appliquer, comme l’expérience le montre. Cette régulation doit s’accompagner d’une planification qui soit davantage à la main des collectivités qu’elle ne l’est aujourd’hui.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Vous l’avez entendu lors des auditions des préfectures et des directions départementales des territoires : les CDPENAF peuvent inviter un développeur à modifier son projet, mais pas déplacer son implantation – comme on le ferait en jouant à « Richesses du monde »… Toutefois, mon avis défavorable ne remet pas en question la confiance que j’ai dans les CDPENAF, qui effectuent un très bon travail.
La commission adopte l’amendement.
Article 1er (art. L. 314-42 [nouveau] du code de l’énergie) : Définition d’un partage territorial de la valeur spécifique aux projets agrivoltaïques
Amendement de suppression CE14 de M. Jean-Pierre Vigier
M. Jean-Pierre Vigier (DR). L’amendement a pour but de s’assurer, en supprimant l’article 1er, que la valeur créée par les projets d’agrivoltaïsme profite avant tout aux exploitants agricoles plutôt qu’à d’autres acteurs tels que l’Office français de la biodiversité (OFB). Imposer un partage territorial de la valeur réduira mécaniquement la part destinée aux agriculteurs, sans augmenter l’enveloppe globale. Plutôt que de créer un cadre rigide, laissons les acteurs locaux – coopératives, chambres d’agriculture, partenariats – organiser un partage adapté aux réalités du terrain.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. En réponse aux demandes d’affectation de la totalité des contributions à des projets bénéficiant localement à l’agriculture, j’ai déposé l’amendement CE69 qui réécrit l’article 1er en ce sens. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Dominique Potier (SOC). L’article 1er, tel qu’il est rédigé, promeut l’idée suivante : les chambres d’agriculture et les communautés de communes s’entendent sur un programme agricole, accessible à l’ensemble des paysans et uniquement aux paysans. Il s’agit d’éviter le double piège d’un corporatisme à la main des seules chambres d’agriculture et d’un localisme à la main des communautés de communes. De leur dialogue fécond doit naître un programme d’intérêt général dans le cadre de la transition écologique.
Je suis donc surpris, monsieur le rapporteur, que vous souhaitiez réécrire l’article 1er ; il ne s’agit en aucun cas de nourrir les administrations territoriales ou consulaires, mais de cogérer un fonds d’intérêt général. Nous avons là une occasion d’engager un dialogue entre le monde paysan et les collectivités, dont nous aurons plus que jamais besoin.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Comme notre collègue Dominique Potier, je suis favorable au maintien de l’article 1er. En Gironde, durement frappée par la crise agricole, des EPCI organisent le partage de la valeur à l’échelle locale, compte tenu de leurs compétences en matière de développement économique.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous avons reçu ces trois EPCI de Gironde. Rassurez-vous, je suis défavorable à la suppression de cet article.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE7 de M. Jean-Luc Fugit, CE41 de M. Dominique Potier et CE69 de M. Pascal Lecamp (discussion commune)
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Considérant le lien existant entre l’agrivoltaïsme et l’activité agricole, cet amendement vise à faire financer par les producteurs d’installations agrivoltaïques, sur le territoire concerné, des projets spécifiquement liés à la structuration des filières agricoles, à l’adaptation de l’agriculture au changement climatique et à la transition agroécologique.
M. Dominique Potier (SOC). Les communautés de communes sont compétentes en matière d’environnement, d’assainissement, d’urbanisme et de développement économique : ce sont les entités les mieux à même de collaborer avec les chambres d’agriculture pour créer un fonds qui contribuerait à la réalisation d’économies d’énergie et d’eau, mais aussi au développement de l’agroécologie. Ce fonds serait accessible à l’ensemble des agriculteurs du territoire et non à 1 % d’entre eux, comme c’est le cas aujourd’hui.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’amendement de monsieur Fugit ne précise pas dans quel cadre les fonds envisagés géreraient les contributions des projets agrivoltaïques ; celui de monsieur Potier impose le recours à un fonds local administré par l’EPCI d’implantation, en accord avec la chambre d’agriculture départementale.
Avec mon amendement de réécriture, je propose la création d’un fonds départemental géré par la chambre d’agriculture, dont la gouvernance associe des représentants du monde agricole, du département, des communes et des intercommunalités, qui statuent ensemble sur l’utilisation des contributions au titre des projets agrivoltaïques.
Il n’est pas nécessaire de créer de nouvelles entités, puisque des fonds existent déjà. Le groupement d’utilisation de financements agricoles (Gufa) de Gironde, géré par la chambre d’agriculture et trois communautés de communes, en est un exemple.
Demande de retrait des deux premiers amendements au profit du mien, qui correspond davantage à notre volonté partagée de cibler exclusivement des projets agricoles.
M. Dominique Potier (SOC). Avec cet amendement, vous confiez la gestion des fonds aux chambres d’agriculture, qui dialogueront avec les parties prenantes de la commune ou du département – c’est assez flou. Il me semble préférable de considérer que l’unité de commandement d’un territoire est la communauté de communes, qui détient toutes les compétences nécessaires et qui concerne le monde agricole. De plus, je préfère un fonds cogéré à un fonds géré par les chambres d’agriculture.
Toutefois, la solution proposée par le rapporteur permet la péréquation du fonds, accessible à tous les paysans, ce qui répond à notre demande initiale.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je maintiens mon amendement, parce que je ne suis pas totalement convaincu par la réécriture proposée par le rapporteur.
M. Benoît Biteau (EcoS). Je suis contrarié par l’idée de confier les contributions financières des installations agrivoltaïques aux chambres d’agriculture et par l’absence d’assignation claire de ces fonds.
On parle de structuration agricole, mais nous devons veiller à ne pas perdre de vue l’objectif principal – à savoir, la volonté d’agir pour lutter contre le dérèglement climatique et ses conséquences sur la souveraineté alimentaire. Les fonds doivent financer des activités promouvant des logiques agricoles qui s’y attaquent directement.
Tel qu’il est rédigé, je crains que l’amendement du rapporteur ne détourne les fonds collectés pour l’agriculture vers des projets qui n’encouragent pas nécessairement des pratiques agricoles plus vertueuses. Prenons garde de ne pas utiliser des fonds issus d’énergies renouvelables pour soutenir des filières nettement moins vertueuses.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes favorables à la réécriture proposée par le rapporteur, qui inclut notamment les projets alimentaires territoriaux, qu’à la rédaction initiale de l’article 1er. Toutefois, afin de ne pas alimenter les tensions entre les agriculteurs pratiquant l’agrivoltaïsme et les autres, il nous paraît crucial que la structuration des filières agricoles soit encadrée, afin de promouvoir des projets bénéficiant à la majorité des exploitants du territoire concerné. Nous avons déposé un sous-amendement à l’amendement du rapporteur, afin d’y ajouter cette nuance, mais nous ignorons s’il sera recevable.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Madame Meunier, votre sous-amendement aurait pour conséquence un saupoudrage des financements. Il est préférable de cibler quelques projets apportant une aide concrète au développement du territoire, d’autant que les montants des contributions ne seront pas énormes – quelques dizaines de milliers d’euros.
Ma proposition de réécriture, qui me paraît suffisamment claire, cible avec précision des « projets visant à la structuration économique des filières agricoles (…), à la transition agroécologique ou s’inscrivant dans un projet alimentaire territorial ».
Les chambres d’agriculture gérant déjà des fonds, il est plus simple de ne pas créer de nouveaux outils ; cependant, la gouvernance de ces fonds spécifiques associera des représentants du monde agricole, des départements, des intercommunalités et des communes.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Le précise que le dépôt du sous-amendement évoqué par notre collègue Manon Meunier a été refusé en raison de son caractère tardif au vu de la discussion déjà engagée.
La commission rejette successivement les amendements CE7 et CE41.
Elle adopte l’amendement CE69 et l’article 1er est ainsi rédigé.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Article 2 (art. L. 314-36 du code de l’énergie) : Limitation de la puissance installée des parcs agrivoltaïques par exploitation
Amendement de suppression CE15 de M. Jean-Pierre Vigier
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Mon amendement a pour but de supprimer, avec l’article 2, l’introduction d’une limite nationale rigide à la puissance des projets agrivoltaïques. L’intention est peut-être louable, mais une telle mesure serait contre-productive. En limitant la puissance à 5 MWc ou 10 MWc, on restreindrait les projets aux seules zones proches des postes-sources, intensifiant ainsi la concurrence foncière au lieu de la limiter.
De plus, la valeur créée ne serait pas mieux répartie : elle se concentrerait sur quelques territoires au détriment des exploitants les plus éloignés du réseau électrique. Pire encore, une fois ces zones saturées, la filière marquerait un coup d’arrêt, freinant ainsi le développement de l’agrivoltaïsme et privant de nombreux agriculteurs d’une opportunité essentielle.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. J’ai entendu les mêmes alertes que vous concernant le plafond de 5 MWc. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement proposant de le relever à 10 MWc. Pour certains, ce ne sera pas suffisant ; pour d’autres, ce sera peut-être trop. Je reste ouvert à la discussion. À la demande des Jeunes Agriculteurs, j’y ai associé un second plafond qui limite la taille de la parcelle équipée en panneaux solaires à 30 % de la surface agricole utile de l’exploitation. La CDPENAF pourra abaisser ce plafond localement en se basant sur la doctrine de sa chambre d’agriculture – laquelle va de 1 MWc à 25 MWc, selon les départements.
Je suis convaincu que nous avons besoin de bornes pour éviter les projets surdimensionnés. C’est à nous de placer le curseur au bon endroit. Je n’ai pas de religion là-dessus. Ma décision est motivée par l’innovation que ces installations peuvent apporter au projet agricole. Par exemple, je suis conscient que le second plafond n’est pas nécessaire pour les exploitations viticoles et arboricoles, pour lesquelles les installations photovoltaïques constituent un apport bénéfique ; elles en sont donc totalement exemptées. Avis défavorable.
M. Dominique Potier (SOC). Je suis étonné que la Droite républicaine et le rapporteur ne fixent aucune contrainte pour les exploitations arboricoles et viticoles, qui représentent environ cent mille hectares au niveau national. Si l’on pousse à l’extrême la logique ultralibérale, un paysan seul en Occitanie pourrait ne faire que de l’agrivoltaïsme ! Il faut une régulation, par exemple 100 MWc ou 1 000 MWc.
Notre rapporteur a le courage d’ouvrir le débat et le groupe socialiste soutiendra la limite de 10 MWc. Cependant, deux points ne sont toujours pas réglés. Premièrement, le plafond est fixé par exploitation et non par exploitant ; ce serait la première fois que l’on ne tient pas compte de l’organisation des groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec). Cela crée une inégalité fondamentale. À l’inverse, je ne vois pas quels verrous sont prévus pour empêcher un rusé bien conseillé de fragmenter son exploitation artificiellement, juridiquement, pour lancer plusieurs projets de 10 MWc.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. La limite fixée à 5 MWc visait à encourager les projets collectifs. Toutefois, le statut du Gaec limiterait la possibilité d’exercer d’autres activités que l’activité agricole. Je suis d’accord pour débattre d’un plafond par exploitant plutôt que par exploitation, mais il faut avoir conscience que cela démultipliera la taille des installations. J’imagine que c’est pour cela que vous avez déposé un autre amendement qui vise à abaisser la limite à 2 MWc par exploitant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE63 de Mme Marie Pochon
M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement vise à étudier toutes les possibilités d’équiper les surfaces déjà artificialisées avant d’installer du photovoltaïque sur les surfaces agricoles.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. L’amendement est en partie satisfait par l’article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime, qui impose une étude préalable des impacts et des mesures d’évitement possibles des projets agrivoltaïques : « Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics et privés qui (…) sont susceptibles d’avoir des conséquences négatives importantes sur l’économie agricole, ainsi que les projets d’installations agrivoltaïques (…), font l’objet d’une étude préalable comprenant au minimum une description du projet, une analyse de l’état initial de l’économie agricole du territoire concerné, l’étude des effets du projet sur celle-ci, les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet. ». En outre, l’amendement ne dit pas quelles conséquences tirer de l’étude de faisabilité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE64 de M. Benoît Biteau
M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement vise à limiter l’agrivoltaïsme aux seules cultures pérennes. En effet, dans certains cas, comme l’arboriculture, la viticulture ou l’élevage en prairies permanentes, l’agrivoltaïsme permet de protéger les cultures du gel, de la canicule et des intempéries. Chercheur à l’Inrae et « père » de ce que l’on appelle aujourd’hui l’agrivoltaïsme, monsieur Christian Dupraz suggère très fortement de limiter le développement de ces projets aux cultures pérennes.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Effectivement, les externalités positives de l’agrivoltaïsme concerneront principalement les activités que vous citez, ainsi que l’élevage. Toutefois, votre liste est limitative et exclut d’autres cas dans lesquels l’agrivoltaïsme serait bénéfique, y compris l’élevage bovin. La semaine dernière, en audition, nous avons vu un projet agrivoltaïque associé une culture de myrtilles. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Benoît Biteau (EcoS). Je vous rassure, monsieur le rapporteur : l’élevage de tous les herbivores, y compris les bovins, est inclus dans la liste, et la myrtille est une culture pérenne. Le but de l’amendement est d’éviter les effets d’aubaine. L’agrivoltaïsme doit être une activité complémentaire de l’activité agricole, et non pas prendre le pas sur elle.
M. Dominique Potier (SOC). Je soutiens l’amendement de notre collègue Benoît Biteau. L’agrivoltaïsme ne devrait concerner que 0,2 % du territoire national ; il risque de se retrouver concentré dans les zones où les acteurs intéressés ont des bonnes relations, des postes-sources et de l’argent.
Par ailleurs, il faut que les études scientifiques progressent pour que nous sachions si l’agrivoltaïsme permet vraiment de maintenir 90 % de la production de biomasse ; c’est tout sauf un détail. Sinon, je parie que ceux qui auront installé des parcs photovoltaïques et dont les exploitations n’atteindront pas les 90 % attendus finiront par demander à changer la loi. Alors, nous aurons tout perdu.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. La liste proposée est trop restrictive et, surtout, sa rédaction n’interdit pas l’agrivoltaïsme dans les autres cas. L’amendement n’est pas complet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE71 de M. Pascal Lecamp, sous-amendements CE76 de Mme Mathilde Hignet, CE77 de Mme Mathilde Feld, CE79 de M. Julien Dive et CE80 de M. Benoît Biteau ; amendements CE18 de M. Jean-Pierre Vigier et CE8 de M. Jean-Luc Fugit ; amendements identiques CE19 de M. Jean-Pierre Vigier et CE23 de M. Julien Dive ; amendements identiques CE12 de M. David Taupiac et CE61 de M. Charles Fournier ; amendements CE28 de Mme Mathilde Feld, CE40 et CE25 de M. Dominique Potier, amendement CE62 de M. Benoît Biteau (discussion commune)
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Mon amendement fait la synthèse de plusieurs amendements proposés de part et d’autre en fixant une limite nationale par exploitation, tout en permettant une modulation territoriale. Il propose aussi de relever le plafond par exploitation de 5 MWc à 10 MWc au niveau national en y ajoutant un second plafond de 30 % de la surface agricole utile. Enfin, il permet aux CDPENAF d’ajuster ces limites à la baisse. Le président de la région Normandie a déjà exprimé son souhait de fixer une limite inférieure.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). En audition, le ministère de l’agriculture a indiqué qu’il était possible de produire de 0,5 MWc par hectare. Mon sous-amendement propose donc de revenir à la limite initiale de 5 MWc, soit dix hectares au maximum, pour limiter les grands projets agrivoltaïques au détriment des petites exploitations.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous souhaitons limiter la couverture d’une exploitation agricole par une installation agrivoltaïque à 20 % de la surface agricole utile. Plusieurs études, dont une de l’Inrae, observent une baisse de rendement agricole de 25 % pour un taux de couverture de 20 %. Si nous autorisons un taux plus élevé, les rendements diminueront fortement et les cultures risquent d’être abandonnées car non économiquement viables.
M. Julien Dive (DR). En 2018, j’avais conduit avec notre ancien collègue Bruno Duvergé une mission d’information relative aux freins à la transition énergétique. Nous avions relevé le retard considérable de la France en matière d’équipement photovoltaïque par rapport à d’autres pays, dont la Belgique et l’Allemagne, où l’ensoleillement n’est pourtant pas meilleur. Simplement, la volonté politique manquait. Depuis, nous avons adopté la loi Aper.
Je comprends que l’objet du texte soit d’éviter les dérives. Néanmoins, j’ai le sentiment que nous créons surtout des entraves au développement de l’agrivoltaïsme. Le rôle donné à la CDPENAF risque de créer des blocages supplémentaires et de tuer – ou, du moins de freiner de manière considérable – le développement des projets agrivoltaïques. Une régulation est compréhensible, mais la limite de 5 MWc est trop basse pour permettre des projets économiquement viables, tout comme celle de 10 MWc. Mon sous-amendement propose de la porter à 15 MWc pour la simple raison que les dossiers déposés en 2024 concernent des projets d’une puissance moyenne de 14 MWc.
M. Benoît Biteau (EcoS). Mon sous-amendement compile les arguments de nos collègues Mathilde Feld et Mathilde Hignet. Effectivement, relever le plafond à 10 MWc augmentera la présence de panneaux photovoltaïques dans le paysage. Il y a également l’argument scientifique : au-delà de 25 %, on constate un vrai décrochage de la production de biomasse. Je propose donc de limiter la production à 10 MWc et de limiter également le nombre de panneaux par parcelle. La production d’énergie ne doit pas prendre le pas sur la production agricole.
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Mon amendement vise à relever le plafond à 20 MWc. C’est un amendement de repli à ma proposition de suppression de l’article.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Nous considérons que le plafond de 5 MWc est trop bas. Mon amendement, identique au précédent, vise à le porter à 20 MWc, en cohérence avec la doctrine publiée en janvier 2024 par Chambres d’agriculture France et avec le dimensionnement moyen des projets préconisés dans de nombreux départements. Les installations agrivoltaïques sont des actifs d’infrastructure qui nécessitent un investissement conséquent de plusieurs millions d’euros, dont les coûts sont influencés par plusieurs facteurs comme la distance au poste source, la taille des projets et la technologie utilisée. Des projets de taille critique sont nécessaires pour amortir ces coûts fixes et bénéficier d’économies d’échelle. Le plafond de 5 MWc priverait les agriculteurs de certaines opportunités.
Un plafond de 20 MWc serait un point d’équilibre qui permettrait d’assurer un développement raisonné de la filière à l’échelle nationale tout en tenant compte des besoins agricoles de chaque territoire.
M. Julien Dive (DR). Mon argumentaire est peu ou prou identique. Actuellement, la moyenne des projets en cours d’instruction se situe autour de 15 MWc. Les dossiers varient entre 8 et 20 MWc selon la région, la technologie employée et la typologie de production. Restreindre la production à 5 ou 10 MWc tuerait les projets de développement agrivoltaïque.
M. David Taupiac (LIOT). Mon amendement propose aussi d’augmenter le plafond à 10 MWc pour prendre en compte la faisabilité technique et financière des projets, car un plafond à 5 MWc ne permet pas d’envisager des projets éloignés des postes-sources. L’amendement vise à éviter que ne se concentrent sur certains territoires de gros projets à l’impact paysager important et ne profitant qu’aux plus gros propriétaires fonciers.
M. Charles Fournier (EcoS). La rentabilité économique est possible quand le nombre de mégawatts-crête est supérieur au nombre de kilomètres de raccordement au poste source. Pour éviter que les projets ne se concentrent à proximité d’un de ces postes-sources et soient possibles pour des exploitants agricoles plus éloignés, le plafond de 10 MWc semble plus adapté.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CE28 va dans le même sens que celui de monsieur Fournier, à savoir partager les projets entre plusieurs exploitants en proposant de limiter la puissance à 2 MWc par exploitation. En outre, il prévoit que le taux de couverture d’une installation agrivoltaïque ne puisse excéder 20 % de la surface agricole utile d’une exploitation agricole.
M. Dominique Potier (SOC). Cette discussion d’amendements est la plus structurante de notre débat. Pour ma part, j’en ai déposé deux.
Le CE25 vise à remplacer le mot « exploitation » par le mot « exploitant ». L’argument de la non-recevabilité des Gaec ne tient pas une seconde. Il est insensé de penser qu’ils ne peuvent pas faire d’agrivoltaïsme ! Pour avoir été membre d’un Gaec pendant trente ans, je vous assure que tous les Gaec ont des activités de diversification, pour lesquelles ils créent parfois des sociétés anonymes ; c’est également le cas des coopératives d’utilisation du matériel agricole (Cuma). Nous nous sommes battus pour que les associés des Gaec soient éligibles aux aides à l’installation de la politique agricole commune (PAC) avec l’application de la « transparence Gaec » ; pourquoi seraient-ils discriminés ici ? Trois jeunes qui s’installent ensemble en polyculture-élevage sur une ferme de cent cinquante hectares auraient le droit de produire trois fois moins de mégawatts que l’exploitant de cinq cents hectares d’à côté : c’est proprement scandaleux ! Vous avez été mal informé, monsieur le rapporteur, et je vous demande de vous engager à clarifier le terme retenu, « exploitation » ou « exploitant », avant la séance publique.
Mon amendement CE40 propose d’abaisser le plafond à 2 MWc par exploitant. Cela doit permettre à un Gaec de quatre personnes de créer un parc de 8 MWc, ce qui est cohérent avec l’objectif de 10 MWc par exploitation que nous nous étions fixé.
M. Benoît Biteau (EcoS). Mon amendement a été déposé avant le sous-amendement à l’amendement du rapporteur. Dans le même esprit que celui de notre collègue Mathilde Feld, il vise à limiter à 25 % le taux de présence des panneaux photovoltaïques sur la surface agricole utile des parcelles équipées. Fions-nous à la science : elle a démontré qu’au-delà de cette limite, la production de biomasse décroche.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Mon objectif est de parvenir à un accord. Si nous adoptons des amendements qui abaissent la puissance de production maximale, nous risquons de perdre une partie du groupe ; si nous adoptons ceux qui proposent de l’augmenter à 20 MWc, nous perdrons l’autre partie. Je salue la volonté des premiers de passer de 5 MWc à 10 MWc et celle des seconds de passer de 20 MWc à 15 MWc. Il nous reste désormais à trancher entre 10 MWc et 15 MWc. Au vu des arguments exposés par chacun, je préfère mon amendement mais je suis prêt, si cela permet de débloquer la situation, à passer à 15 MWc, comme le propose le sous-amendement de monsieur Dive.
Monsieur Dive, vous parlez de « complexification » ; mais ces critères supplémentaires répondent à une demande quasi générale de territorialisation. Nous devons faire dans la dentelle, même s’il peut sembler plus simple de fixer un seul chiffre au niveau national.
Monsieur Potier, je m’engage à étudier pour la séance publique les moyens de remplacer la limite « par exploitation » par une limite « par exploitant ». J’y suis néanmoins défavorable car, si nous adoptons le sous-amendement de monsieur Dive, l’ouverture de l’agrivoltaïsme aux Gaec conduirait à des projets de taille très importante : cela irait contre l’idée même de la limitation. Je comprendrais mieux votre proposition si le plafond était moins élevé.
Si nous ne nous accordons pas sur un texte, la France y perdra, ainsi que la filière agrivoltaïque, les agriculteurs… et même les territoires, car les collectivités territoriales nous ont fait remonter un réel souci d’acceptabilité des installations.
Il faut trouver un chemin de crête. J’espère que nous pourrons, grâce aux efforts de tous, aller jusqu’au bout. Je m’en remets à votre sagesse.
M. Dominique Potier (SOC). Monsieur le rapporteur, on vous reconnaissait jusqu’à présent un rôle de conciliateur. Cet avis de sagesse à un sous-amendement de la Droite républicaine qui porte le plafond à 15 MWc, dont tous ceux qui ont travaillé durablement sur le texte n’avaient jamais parlé, est une surprise et même une trahison de l’accord tacite que nous avions passé autour d’un compromis raisonnable à 10 MWc.
Vous ne pouvez pas renvoyer à la séance publique, sans plus d’engagement, la question du rapport exploitants/exploitations. Je ne vois rien de choquant à ce que trois associés d’un Gaec créent ensemble un parc à 30 MWc si trois exploitants individuels ont le droit de faire la même chose en s’associant autour d’un même projet, en accord avec la CDPENAF et la chambre d’agriculture. Vous créez là une distorsion de concurrence et une inégalité structurelle.
Enfin, vous engagez-vous à vérifier qu’un exploitant ne pourra pas scinder sa société en trois pour faire trois projets ? Il ne faudrait pas qu’une même personne puisse produire 30 MWc à elle seule. Cela nous pend au nez.
M. Charles Fournier (EcoS). La solution de compromis ne pourrait-elle pas consister à fixer un double plafond, par exploitant et par projet ?
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Monsieur le rapporteur, je m’étonne que vous n’ayez pas pris la peine d’évoquer les amendements visant à porter le plafond à 20 MWc. Pourtant, si celui-ci est trop bas, on favorisera les projets situés autour des postes-sources et on privera nombre d’exploitants des avantages qu’offre l’agrivoltaïsme en matière de lutte contre les aléas climatiques. De fait, on parle beaucoup moins d’agriculture que d’énergie. Or, faut-il le rappeler, l’agrivoltaïsme a pour vocation première de protéger les cultures contre la grêle ou le stress hydrique ! Par ailleurs, votre amendement complexifie les choses, alors que le monde agricole nous réclame toujours plus de simplification.
Pour ces différentes raisons, notre proposition de fixer le plafond à 20 MWc apparaît comme un point d’équilibre pertinent.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je suis un peu surprise par le changement de pied du rapporteur, qui s’en remet à la sagesse de la commission sur le sous-amendement fixant le plafond à 15 MWc.
M. Benoît Biteau (EcoS). Notre collègue Jean-Luc Fugit, qui en appelle toujours à la science, devrait savoir que, si on limite insuffisamment le taux de présence des panneaux photovoltaïques, la production d’électricité concurrencera la production agricole. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas soutenir sa proposition. Par ailleurs, je ne vois pas en quoi un amendement qui fixe un plafond à 10 MWc et limite à 30 % de la surface agricole utile la parcelle délimitée par l’installation photovoltaïque est une solution de compromis : on ne respecte pas ce que dit la science !
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis très choqué par ce mot de « trahison » et préfère que l’on parle, comme madame Hignet, de « surprise ». Il n’y a aucune trahison : j’essaie de trouver une porte de sortie qui contente le plus grand nombre. Si la question du plafond est à ce point clivante, arrêtons-nous là et reprenons la discussion en séance publique.
Monsieur Fugit, la puissance moyenne des projets déposés est actuellement inférieure à 20 MWc, dans le Nord comme dans le Sud. Beaucoup des énergéticiens qui, il y a six mois ou un an, jugeaient impossible de concevoir des installations moins puissantes acceptent désormais de réaliser des projets de 10 MWc. Par ailleurs, Enedis et RTE ont débarqué dans ma circonscription, il y a un mois, en annonçant qu’ils avaient besoin de cinq hectares pour cinq postes-sources. De fait, ils en installent un peu partout, comme le veut le Gouvernement.
C’est pourquoi j’estime qu’un plafond de 20 MWc est trop élevé. Je suis, je le répète, partisan de le fixer à 10 MWc, mais je ne m’oppose pas à ce qu’il soit porté à 15 MWc si cela nous permet d’adopter un texte. Sinon, ce sera la jungle et j’en serai le premier désolé.
Votre accusation de « trahison » est insultante, monsieur Potier. Nous avons travaillé à ce texte pendant un an ; j’essaie simplement de trouver une porte de sortie, un consensus. C’est ainsi que l’on procède en démocratie – en tout cas, dans les démocraties du Nord. Tenons-nous-en donc au fond. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, soit ; ce n’est pas une raison pour tenir des propos quasi insultants.
La proposition de double plafond de monsieur Fournier me semble intéressante ; nous aurons le temps d’y travailler d’ici la séance publique. En ce qui concerne les Gaec, il convient de vérifier la compatibilité juridique d’une activité agrivoltaïque avec leur statut.
Nous avons déposé cette proposition de loi le 12 février et, comme par hasard, l’instruction ministérielle a été publiée juste avant le Salon de l’agriculture. Notre texte a donc eu le mérite de susciter le débat. Il ne s’agit pas de sanctionner la filière agrivoltaïque, au contraire : je veux qu’elle se développe sur le long terme. Les projets doivent donc voir le jour sans soulever trop d’oppositions. Ma circonscription se situe à vingt kilomètres de Sainte-Soline et elle est envahie d’éoliennes. Partout, différents groupes d’opposition se constituent, y compris contre l’agrivoltaïsme – je pense, par exemple, à l’association Les Prés survoltés. Il nous faut donc accompagner la filière pour que cette innovation technologique contribue à l’amélioration de l’agriculture et ne suscite pas le rejet.
Sans doute la meilleure solution est-elle, à ce jour, de voter pour mon amendement, qui, je le rappelle, comporte une clause de revoyure. Si, dans cinq ans, tous les voyants sont au vert et que le dispositif profite à l’agriculture tout en complétant le mix énergétique français, tout le monde aura gagné. En tout état de cause, nous verrons ce qu’il en sera à ce moment-là. Avançons ensemble de manière intelligente pour développer une filière forte, et des entreprises françaises envisageront peut-être de produire des panneaux photovoltaïques. En tout cas, ne favorisons pas des mégaprojets qui seraient dangereux tant pour la filière que pour l’agriculture.
Je souhaite que chacun fasse un effort pour que nous aboutissions à un texte. Si nous échouons, nous aurons été quelques-uns à y travailler pendant un an pour rien. Cela peut arriver ; je me consacrerai à d’autres projets. Mais, encore une fois, un encadrement est nécessaire, car la loi Aper et son décret d’application relatif à l’agrivoltaïsme ne sont pas suffisants. L’objectif de la programmation pluriannuelle de l'énergie est que la surface consacrée à l’agrivoltaïsme atteigne, d’ici 2050, cinquante mille à soixante-dix mille hectares, soit une croissance d’environ environ vingt hectares par an et par département. Sans encadrement, ce sera la jungle. Or c’est ce que nous voulons éviter.
La commission rejette successivement les sous-amendements CE76, CE77, CE79 et CE80.
Elle adopte l’amendement CE71.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendements CE72 de M. Pascal Lecamp et CE54 de M. Karim Benbrahim (discussion commune)
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Mon amendement est avant tout rédactionnel. Pour répondre par anticipation à l’amendement que monsieur Benbrahim va présenter, un délai de deux ans me paraît trop court pour pouvoir évaluer les effets de la loi : aucun panneau photovoltaïque n’ayant encore été posé, nous n’aurions pas le recul nécessaire. Néanmoins, je suis prêt à accepter une solution de compromis en séance publique – un délai de trois ans, par exemple.
M. Karim Benbrahim (SOC). L’amendement CE54 vise à remplacer le chiffre « 5 » par « 2 ». Toutefois, ce chiffre « 5 » apparaît à deux reprises dans l’article, la première fois pour fixer la puissance maximale des installations – c’était l’objet de la précédente discussion –, la seconde pour fixer l’échéance à laquelle le Gouvernement doit remettre un rapport d’évaluation de la loi. C’est cette échéance que je propose de ramener de cinq à deux ans.
En effet, l’article 2, dans sa rédaction actuelle, présente plusieurs risques. Le premier est lié à l’objectif même de la proposition de loi, à savoir le partage de la valeur : comme je l’ai indiqué en discussion générale, le texte risque d’exclure certains territoires. Il risque également de donner un coup de frein au développement de l’agrivoltaïsme, ce qui porterait atteinte à l’objectif de transition énergétique. Nous devons nous donner les moyens d’évaluer rapidement la loi pour la rectifier si nécessaire. De fait, il est probable que, dans deux ans, très peu de panneaux auront été installés. En revanche, des demandes seront en cours d’instruction, qui pourront servir de base à l’évaluation de la loi.
La commission adopte l’amendement CE72.
En conséquence, les amendements CE54, CE46 de M. Dominique Potier et CE29 de Mme Mathilde Hignet tombent.
La commission adopte l’article 2 modifié.
La réunion est suspendue de onze heures quarante-cinq à onze heures cinquante.
Après l’article 2
Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CE45 de M. Dominique Potier.
Amendement CE55 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Nos échanges ont montré que le plafonnement de la puissance des installations ne réglait pas tous les problèmes. En particulier, il ne garantit pas un juste partage de la valeur produite par l’agrivoltaïsme. Nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport explorant d’autres pistes pour redistribuer cette valeur, notamment celle d’une fiscalité progressive en fonction de la puissance électrique des installations.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je ne peux pas émettre un avis favorable. Comment envisager de redistribuer au monde agricole toute la valeur créée par une installation agrivoltaïque sans spolier les énergéticiens, qui réalisent les investissements ? Le risque est de décourager tout investissement dans ce secteur. Avis défavorable.
M. Karim Benbrahim (SOC). Ce n’est pas toute la valeur mais une partie seulement qui serait redistribuée par la fiscalité, comme c’est le cas dans tous les secteurs d’activité.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE56 de M. Karim Benbrahim et sous-amendement CE75 de M. Pascal Lecamp
M. Karim Benbrahim (SOC). L’un des objectifs de la proposition de loi étant de maîtriser l’inflation du coût du foncier liée au développement de projets agrivoltaïques, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant d’autres pistes de régulation que le plafonnement de la puissance, notamment des plafonnements financiers.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. J’ai moi-même évoqué le risque de création d’une bulle foncière. Je suis donc favorable à un rapport sur l’évolution du foncier agricole sous l’effet du développement de l’agrivoltaïsme. Toutefois, le délai de six mois prévu dans l’amendement ne me paraît pas réaliste. Je suis donc favorable à cet amendement, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, qui tend à porter ce délai à deux ans.
M. Dominique Potier (SOC). Je défends le délai de six mois car, plutôt qu’une analyse détaillée, il s’agit d’obtenir du Gouvernement une expertise « flash » à même d’éclairer les délibérations des CDPENAF dans les mois qui viennent.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je suis d’accord avec monsieur Potier : le délai de six mois permettrait de détecter rapidement une éventuelle augmentation significative des prix du foncier. Nous voterons donc contre le sous-amendement CE75.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Encore une fois, je partage votre préoccupation, mais n’oublions pas qu’à ce stade, aucun projet n’a encore été déposé. On ne peut pas percevoir une évolution du prix du foncier sur une période de six mois, à moins que ne survienne une crise importante. Il faut laisser au marché le temps d’évoluer. J’insiste donc sur la nécessité d’adopter mon sous-amendement si nous voulons mener des travaux sérieux.
Successivement, la commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.
Article 3 (art. L. 419-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Instauration d’une convention-cadre unique relative à l’articulation de l’activité agrivoltaïque et des baux ruraux
Amendements CE73 de M. Pascal Lecamp et CE4 de M. Julien Dive (discussion commune)
M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’amendement CE73, qui s’inspire des amendements de nos collègues Julien Dive et Jean-Pierre Vigier, tend à réécrire l’article 3.
En effet, la loi Aper ne prévoit rien concernant la relation contractuelle entre propriétaire, exploitant et énergéticien. Or plus de 70 % des terres sont louées pour être exploitées par des fermiers. Durant quinze mois, un groupe de travail s’est donc réuni pour élaborer un schéma contractuel opérationnel et protecteur pour l’agriculteur. Il a sollicité huit universitaires spécialistes du droit rural qui, sous la présidence de M. Benoît Grimonprez, ont soumis cinq types de contrat possibles, parmi lesquels a été retenue la proposition d’une convention-cadre obligatoire. Celle-ci organise la division en volume de la parcelle concernée ; la relation entre propriétaire et agriculteur y est régie par un bail rural à clauses agrivoltaïques et la relation entre propriétaire et énergéticien par un bail emphytéotique ; enfin, elle précise les obligations réciproques entre agriculteur et énergéticien pour créer les conditions de réussite du projet.
Nous souhaitons qu’un contrat unique régisse l’ensemble des relations agrivoltaïques et sécurise l’agriculteur et l’investisseur. Nous avions commandé aux universitaires un contrat tripartite, mais le bail rural ne permet pas la signature d’un tel contrat.
M. Julien Dive (DR). L’amendement CE4 a pour objet de garantir la sécurité juridique des relations contractuelles liées à l’agrivoltaïsme, sachant qu’il est impossible de conclure un bail rural sur une parcelle agrivoltaïque.
La rigidité du régime juridique en vigueur soulève en effet plusieurs problèmes. D’abord, il est impossible d’imposer une méthode de culture garantissant l’intégrité des panneaux solaires. Ensuite, le bail rural ne peut pas être résilié si l’exploitant adopte des pratiques nuisibles à la centrale.
Par cet amendement, qui s’inspire d’une proposition de loi déposée au Sénat en juillet 2024, nous proposons d’adapter le cadre juridique en améliorant la convention agrivoltaïque, en supprimant la distinction inutile entre servitudes générales, particulières et réciproques, et en apportant des adaptations ciblées au statut du fermage afin qu’il puisse être utilisé pour encadrer des projets photovoltaïques.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Mon amendement diffère de celui de monsieur Dive sur un point : le caractère obligatoire de la convention-cadre. Je lui demande donc de bien vouloir retirer son amendement au profit du mien.
M. Dominique Potier (SOC). Je me réjouis que le rapporteur ait intégré les propositions du sénateur Franck Menonville, que nos collègues Julien Dive et Jean-Pierre Vigier ont défendues. Nous avons entendu les propos de Benoît Grimonprez sur cette question. Nous soutiendrons la synthèse proposée, qui est la meilleure possible. La loi sur le fermage de 1946, qui participe aux efforts de régulation en matière foncière, prévoit que le préfet fixe le taux de rendement du capital, ce qui pourrait constituer une piste pour assurer le partage de la valeur du foncier. On pourrait étendre aux parcs agrivoltaïques les prérogatives que le préfet détient concernant le blé, l’herbe et le tournesol.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Monsieur Dive, je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien.
Monsieur Potier, il faut donner des outils aux préfets pour leur permettre de décider s’ils doivent délivrer ou non un permis de construire pour les projets agrivoltaïques ; en effet, ils changent de poste tous les deux ans et disposent de peu d’informations en la matière. La proposition de loi constituera un outil supplémentaire.
La commission adopte l’amendement CE73 et l’article 3 est ainsi rédigé.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Article 4 (articles L. 143-2 et L. 412-5-1 du code rural et de la pêche maritime) : Introduction d’un droit de préemption spécifique aux EPCI pour le développement de projets agrivoltaïques
Amendements de suppression CE6 de M. David Taupiac, CE35 de Mme Mathilde Hignet et CE51 de M. Sébastien Humbert
M. David Taupiac (LIOT). L’article 4 vise à conférer aux établissements publics de coopération intercommunale un droit de préemption, ce qui pourrait, semble-t-il, entraver le droit de préemption de la Safer et, partant, nuire à sa capacité de préserver les terres agricoles. Je propose, par l’amendement CE6, de supprimer cet article.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je constate que ces amendements de suppression reflètent des positions assez partagées puisqu’ils émanent des groupes LIOT, LFI, DR et RN. Nous avons auditionné les intercommunalités et les communes, qui ont émis des réserves sur l’utilisation de cette nouvelle prérogative dans la mesure où elles disposent déjà d’un droit de préemption. Les Safer, quant à elles, aimeraient savoir qui aura priorité dans l’exercice de ce droit. Je défends le texte que nous avons écrit ensemble, mais j’ai pris note du fait – notamment à la lumière des auditions de la semaine dernière – qu’il a une portée très limitée au regard des dispositions existantes.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 4 est supprimé et l’amendement CE53 de M. Patrice Martin tombe.
Article 5 : Gage financier
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Cet article concerne le gage financier, qui est obligatoire dans une proposition de loi entraînant une perte de recettes.
La commission adopte l’article 5 non modifié.
Après l’article 5
Amendements CE10 de M. Jean-Luc Fugit et CE42 de M. Dominique Potier (discussion commune)
M. Jean-Luc Fugit (EPR). La loi Aper prévoit que l’ensemble des projets agrivoltaïques doivent faire l’objet d’une étude préalable. Le coût d’une telle étude, qui avoisine dix mille euros, freine le développement des petits projets. Or ces derniers contribuent aussi, à leur échelle, à aider la production agricole – je pense en particulier à l’arboriculture et au maraîchage. Ils participent au développement pérenne de la filière en favorisant la progression des connaissances et en multipliant les retours d’expérience en fonction des technologies, des cultures utilisées et des conditions climatiques étudiées. L’amendement CE10 vise à exempter de l’obligation de réalisation d’une étude préalable les projets de petite taille, c'est-à-dire ne dépassant pas 5 MWc, afin d’encourager leur développement. Cela ne s’oppose pas à ce que nous proposions, comme nous l’avons fait tout à l’heure, de porter la puissance maximale des projets à 20 MWc.
M. Dominique Potier (SOC). L’amendement CE42 vise, dans le même esprit, à alléger les dispositions relatives aux petits projets, qui peuvent être raccordés à des réseaux secondaires, mais en établissant la limite à 2 MWc.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Vos amendements visent à exempter les projets agrivoltaïques inférieurs ou égaux, respectivement, à 5 MWc et 2 MWc de l’étude agricole préalable prévue par l’article L. 112‑1-3 du code rural en cas de potentielles conséquences négatives du projet sur l’agriculture. Je comprends votre volonté de simplification mais ces dispositions me paraissent contraires au souci du législateur de protéger la vocation agricole des exploitations. Même si les projets considérés sont de petite taille, des dérives pourraient survenir. Demande de retrait, sinon avis défavorable
M. Dominique Potier (SOC). Je retire mon amendement compte tenu de la crainte exprimée par le rapporteur. Cela étant, nous aurions intérêt à alléger le coût des installations et projets de petite taille qui seront connectés au réseau électrique sans passer par de grands postes-sources. En effet, ces projets peuvent être pertinents pour des exploitations de taille modeste. Nous pourrions réfléchir à des dispositions en ce sens d’ici la séance.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Pour notre part, nous maintenons notre amendement. Je regrette que notre collègue Dominique Potier ait retiré le sien, car il était intéressant. Nous souhaitons faciliter la tâche du monde agricole en renforçant la simplification – alors que, je le rappelle, les dispositions qui ont été introduites à l’article 2 vont complexifier les projets. L’exemption que nous proposons me paraît assez juste. Je m’étonne que cet amendement ne recueille pas un consensus eu égard aux craintes que suscite, chez beaucoup d’entre vous, l’installation de grands projets. Pensez, mes chers collègues, aux demandes de simplification que formule régulièrement le monde agricole !
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous pourrions nous repencher en séance sur la question des tout petits projets, qui n’excèdent pas 2 MWc, en affirmant l’impératif du maintien de la vocation agricole par référence à la définition que l’Ademe donne de l’agrivoltaïsme.
L’amendement CE42 est retiré.
La commission rejette l’amendement CE10.
Amendement CE68 de M. Dominique Potier
M. Dominique Potier (SOC). L’un des principaux enjeux de l’agrivoltaïsme, en dehors du juste partage de la valeur, est la limitation des effets de bord sur le foncier : c’est pourquoi je proposais que le préfet puisse fixer le taux de rendement du capital.
Il serait également possible de socialiser les cent mille hectares qui serviront, à terme, à l’agrivoltaïsme. On envisage aujourd’hui de faire usage du droit de préemption pour protéger les captages ; de même, les collectivités territoriales pourraient appliquer ce droit pour partager la valeur du foncier.
Avec l’amendement CE68, je demande la remise d’un rapport sur le partage de la valeur ajoutée entre l’ensemble des parties prenantes de la production agrivoltaïque. En effet, la Commission de régulation de l’énergie, comme les autres organismes compétents, ne détaille pas les profits réalisés par le propriétaire, le fermier, les investisseurs, les transformateurs, les personnes en charge du transport, etc. ; personne ne sait, par exemple, combien gagnent les énergéticiens, qui promettent parfois des gains annuels de 3 000 ou 5 000 euros à l’hectare.
L’installation de grands parcs photovoltaïques présente avant tout l’avantage de réduire, proportionnellement, les coûts de raccordement. Si l’on avait privilégié une logique de planification et de partage à une logique marchande en installant des parcs sur de petites terres proches des postes-sources, on aurait beaucoup plus de valeur à répartir entre l’ensemble des paysans présents sur le territoire.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je ne partage pas votre présupposé idéologique : j’ai toujours refusé d’opposer les logiques marchande et planificatrice, car elles vont de pair. On peut mener des projets très structurants, reposant sur un modèle économique solide, tout en planifiant.
Je suis favorable à votre amendement, car on doit savoir comment s’opérera le partage de la valeur. Je note cependant que votre demande est en grande partie satisfaite par l’amendement CE55 de monsieur Benbrahim. Je vous propose, monsieur Potier et monsieur Benbrahim, de rédiger un amendement commun, regroupant vos deux demandes de rapport, auquel je donnerai un avis favorable en séance.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle que nous avons adopté l’amendement CE55, portant article additionnel après l’article 2, qui demande un rapport « formulant des préconisations permettant de redistribuer dans le monde agricole la valeur créée par l’agrivoltaïsme ».
M. Dominique Potier (SOC). Mon amendement permettrait d’apporter un éclairage sur les dispositions que nous avons votées à l’article 1er. Afin que le Gouvernement puisse déterminer, par décret, la juste part de la valeur qui peut être redistribuée à l’ensemble des paysans présents sur le territoire, il faut que la chaîne de valeur soit transparente. Tel est l’apport de cet amendement, en complément de l’étude de l’impact foncier visée par l’amendement de monsieur Benbrahim. Je propose que nous adoptions les deux amendements et que nous rédigions un amendement commun, en lien avec vous, monsieur le rapporteur, en vue de la séance.
M. Julien Dive (DR). Je regrette que nous n’ayons pas pu trouver de voie de passage sur cette proposition de loi malgré votre volonté, monsieur le rapporteur, de faire converger les positions – je m’y étais moi-même efforcé en déposant des sous-amendements à l’article 2.
L’article 1er entravera le développement du photovoltaïque. Plus grave, l’article 2 restreindra le plafond des modèles économiques. On régule le secteur alors que les dispositions de la loi Aper ne sont pas encore appliquées : très peu de projets ont été déposés depuis l’adoption du texte. En outre, on ne fait pas assez confiance aux chambres d’agriculture, qui ont élaboré une charte plafonnant à 20 MWc la puissance des installations photovoltaïques. Les chambres tiennent compte des spécificités départementales telles que les productions, les systèmes de culture, l’ensoleillement… Le plafond qui a été fixé par la commission me paraît trop bas.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Droite républicaine s’opposera à ce texte.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous estimons qu’il ne faut installer du photovoltaïque sur les terres agricoles qu’en dernier recours, une fois que les toitures et les terres artificialisées sont couvertes. Cela étant, l’agrivoltaïsme connaît un développement anarchique. Dans certains territoires, les projets se heurtent à une levée de boucliers des citoyens et des citoyennes en raison d’un manque de concertation et d’une inadéquation des projets aux besoins locaux. Nous soutiendrons votre proposition de loi, car elle institue un encadrement nécessaire et même si l’on peut regretter que le plafond soit passé de 5 à 10 MWc.
M. Benoît Biteau (EcoS). Nous devons encadrer le développement de l’agrivoltaïsme ; à cet égard, la proposition de loi va dans le bon sens. Néanmoins, je veillerai à ce que l’on se conforme strictement à ce que nous disent les scientifiques, s’agissant, par exemple, de la densité des panneaux ou du niveau de la production. On ne peut commettre d’erreur en la matière, car on engage l’avenir des générations futures. Je veux bien continuer à travailler avec vous, monsieur le rapporteur, à la condition que l’on ne franchisse pas certaines lignes rouges : je ne transigerai pas avec les éclairages de la science.
M. David Taupiac (LIOT). Nous avons abouti à un texte équilibré. Nous avions la volonté de garantir la faisabilité technique et l’équilibre financier des projets, eu égard, notamment, aux coûts de raccordement. Le plafond de 10 MWc me paraît un bon compromis. De même, je me félicite de la répartition territoriale de la valeur agrivoltaïque, qui profitera au plus grand nombre possible d’agriculteurs. Cela va dans le sens des discussions que nous avons eues lors des auditions et dans les territoires, en particulier avec les Jeunes Agriculteurs, qui souhaitent que l’agrivoltaïsme aide à l’installation des futurs paysans. Ces derniers bénéficieront d’un effet de levier. Alors que nous cherchons à renouveler les générations dans le monde agricole, cet appui sera déterminant. En outre, le fait de développer des projets plus petits favorisera leur intégration paysagère, à laquelle nos concitoyens sont particulièrement attachés. Dans mon département, où plus de cent cinquante projets ont été déposés – ce qui dépasse le potentiel estimé du territoire –, nous avons la volonté de sélectionner des projets vertueux, qui s’intègrent au mieux à leur environnement.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Monsieur Biteau, je tiens à vous rassurer : l’éclairage de la science est également fondamental à mes yeux. Je suis un fervent défenseur des valeurs scientifiques.
Monsieur Dive, je salue les efforts que vous avez engagés pour augmenter la puissance maximale des installations. Concernant la territorialisation, j’espère que les dispositions que nous avons introduites à l’article 2 conduiront les CDPENAF à solliciter les chambres d’agriculture et à tenir compte de leurs orientations.
Monsieur Taupiac, depuis le début de nos discussions, j’ai souhaité, tout comme vous, que nous parvenions à un texte équilibré qui assure le partage de la valeur. Cette proposition de loi n’est qu’un outil complémentaire destiné à encadrer le démarrage de l’agrivoltaïsme. Elle vise à ce que les projets soient aussi profitables pour l’agriculteur que pour le producteur d’électricité et elle répartit la valeur au sein du territoire.
Si l’on constate, au bout de cinq ans – délai qui sera peut-être ramené à trois ans en séance –, que les projets qui ont été développés sont vertueux, participent à la fois à l’amélioration de la production agricole et au renforcement de notre mix énergétique, il incombera au législateur d’en tirer les conséquences. Ce texte vise à prévenir plutôt qu’à guérir. Il accompagne l’expansion de l’agrivoltaïsme sans oublier le développement à long terme de la filière. Il place au centre l’agriculteur et l’agriculture et vise avant tout à ce que ces derniers retirent des bénéfices de l’agrivoltaïsme. Si, par un effet de ricochet, cela améliorait notre mix énergétique, nous aurions pleinement rempli notre mission de législateur.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
M. Pascal Lecamp, rapporteur. Ce texte doit beaucoup aux discussions que nous avons eues avec les Jeunes Agriculteurs et, en particulier, monsieur Maxime Buizard-Blondeau. La proposition de loi est très proche de leurs attentes s’agissant, par exemple, du plafond de 10 MWc, ce qui est de nature à rassurer les nouvelles générations d’agriculteurs.
Liste des personnes auditionnÉes
Par ordre chronologique
Jeunes agriculteurs *
M. Maxime Buizard-Blondeau, membre du bureau
M. Béranger Perrier, conseiller environnement et territoires
Coordination rurale *
M. Michel Le Pape, représentant
M. Jean-Luc Didier, représentant
Table ronde acteurs de la filière photovoltaïque :
Syndicat des énergies renouvelables (SER) *
M. Jules Nyssen, président
M. Alexandre Roesch, délégué général
Mme Élodie Saillard, responsable juridique et affaires institutionnelles
M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P, en charge des relations parlementaires
Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA) *
Mme Audrey Juillac, présidente
M. Hugues Trameau vice-président
Mme Diane Mouratouglou avocate
France Agrivoltaisme *
M. Thierry Vergnaud, co-président
M. Maxime Cumunel, délégué général
France renouvelables *
M. Michel Gioria, délégué général
M. Laurent Cayrel, directeur des relations institutionnelles
Mme Chloé Perradin, responsable affaires publiques et affaires juridiques
Enerplant - syndicat des professionnels de l’énergie solaire *
M. Guillaume Decaen, administrateur
M. David Gréau, délégué général
Chambres d’agriculture France *
M. Arnaud Deleste, membre du bureau
M. Arnaud Niesz, chargé de mission énergie
Mme Alix David, chargée de mission affaires publiques
M. Étienne Bertin, responsable affaires publiques
Table ronde des élus locaux :
Intercommunalités de France
M. Jean Révéreault, vice-président chargé des transitions écologiques
Association des maires de France (AMF)
M. Joël Balandraud, vice-président, maire d’Évron, président de la communauté de communes des Coëvrons
Conseil supérieur du notariat (CSN) *
Me François Devos, directeur des affaires juridiques, directeur de l’Institut des études juridiques (IEJ)
Me Guillaume Lorisson, notaire associé, président de la section droit rural et environnement de l’IEJ
Me Sandrine Besson, responsable du département droit rural et fiscalité agricole chez CrCridon Lyon
Camille Stoclin-Mille, directrice des affaires publiques du CSN
Françoise Peythieux, administrateur
Fédération nationale de la propriété privée rurale (FNPPR) *
M. Bruno Keller, président
M. Olivier de Schonen, vice-président
M. Hugues de la Celle, vice-président
Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
M. Louis de Redon, conseiller recherche, innovation, biomasse, énergie, filière forêt-bois et haies
M. Aurélien de la Noue, conseiller économie, industrie agroalimentaire, Égalim, foncier et outre-mer
M. Gaëtan Santos, conseiller chargée du parlement et des élus locaux
Mme Marie-Luce Campistron, adjointe au sous-directeur de la performance et valorisation des territoires (Direction générale de la performance économique – DGPE)
M. Florian Thomas, chef du bureau foncier (DGPE)
M. Baptiste Meunier, chef du bureau de la bioéconomie (DGPE)
Ministère de l’industrie et de l’énergie
Mme Violaine Tarizzo, conseillère énergies renouvelables et industrie de l’énergie
M. Jean Sevestre-Giraud, directeur adjoint de l’énergie (Direction générale de l’énergie et du climat – DGEC)
M. Paul Bougon, adjoint à la sous-directrice des énergies renouvelables et du système électrique (DGEC)
Mme Anne-Lou Roguet, cheffe du bureau des énergies renouvelables (DGEC)
Association française de droit rural (AfDR)
M. Jean-Baptiste Millard, vice-président, délégué général d’Agridées, Think tank
Mme Christine Lebel, vice-présidente, maître de conférences à l’Université de Franche-Comté
Confédération paysanne *
M. Nicolas Fortin, secrétaire national chargé de l’énergie
M. Philippe Revel, membre de la commission foncier, adhérent de la confédération paysanne de Corrèze
Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *
M. Olivier Dauger, administrateur FNSEA, référent sur les sujets énergie-climat
M. Jean-Louis Chandellier, directeur général adjoint et directeur du département entreprise et territoires
M. Xavier Jamet, directeur des affaires publiques
M. Romain Rousselot, chargé de mission politiques foncières
La Coopération agricole *
M. Ugo Batel, président du groupe de travail photovoltaïque
Mme Alexia Pestre, responsable énergie et transport
Mme Eugénie Debavelaere, chargée de mission affaires publiques et communication
Audition commune :
Préfecture de la Vienne
M. Thomas Ricard, sous-préfet de Montmorillon, chargé du dossier des énergies renouvelables dans la Vienne
M. Benoît Prévost-Revol, directeur départemental des territoires
Préfecture des Pyrénées-Atlantiques – Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM)
M. Fabien Menu, directeur
Préfecture du Vaucluse - Direction départementale des territoires (DDT)
M. Martelli Patrick, chef du pôle stratégie territoriale
Mme Emilia Chantre, cheffe adjointe au service économie agricole
Fédération nationale des SAFER (FNSAFER) *
M. Emmanuel Hyest, président
Mme Sabine Agofroy, chargée de relations publiques et internationales
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
([1]) Voir le rapport n° 2200 du 13 février 2024 sur l’application de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 de MM. Henri Alfandari, Éric Bothorel, Maxime Laisney et Nicolas Meizonnet.
([2]) Ainsi qu’à l’article L. 446-59 du code de l’énergie pour les projets de biogaz.
([3]) Voir le rapport n° 2200 du 13 février 2024 sur l’application de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 de MM. Henri Alfandari, Éric Bothorel, Maxime Laisney et Nicolas Meizonnet.
([4]) Rapport n° 2200 précité.
([5]) Décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers.
([6]) Décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers et arrêté du 5 juillet 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestier.
([7]) La parcelle est entendue comme un périmètre présentant les mêmes caractéristiques agricoles, et notamment la même activité, et délimité par les limites physiques d’une implantation continue de panneaux photovoltaïques. Elle ne coïncide pas avec l’exploitation.
([8]) Le taux de couverture est défini par l’article R. 314-119 du code de l’énergie comme le rapport entre la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques sur la parcelle dans des conditions normales d’utilisation et la surface de la parcelle agricole.
([9]) La puissance installée d’un moyen de production correspond à sa capacité à délivrer une quantité d’énergie par unité de temps.
([10]) La puissance-crête représente la puissance que peut délivrer un panneau solaire dans des conditions d’ensoleillement optimales. Elle varie en fonction des qualités intrinsèques du panneau solaire, de son exposition, mais aussi des conditions ordinaires d’ensoleillement de son territoire d’implantation.
([11]) Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
([12]) Rapport d’information sur l’application de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, présenté par les députés MM. Henri Alfandari, Éric Bothorel, Maxime Laisney et Nicolas Meizonnet.
([13]) « Agrivoltaïsme : le champ contractuel des possibles. Réflexions et proposition issues du groupe de travail sur la contractualisation de l’agrivoltaïsme » (18 octobre 2024), La Semaine juridique – notariale et immobilière, n° 42, par B. Grimonprez, S. de los Angeles, C. Levecq et co.
([14]) Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
([15]) Économie et Statistique n° 444–445, 2011; L. Lefebvre et C. Rouquette.
([17]) Loi n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole.