N° 1190

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2024

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,

pour réformer l’accueil des gens du voyage

PAR M. Xavier ALBERTINI

Député

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction........................................................... 5

I. Les obligations des communes et établissements publics à fiscalité propre en matiere d’accueil des gens du voyage

II. Une proposition de loi pour renforcer la procédure administrative et les sanctions pénales en cas d’installations illicites de résidences mobiles

A. La proposition de loi initiale

B. Les modifications apportées par la Commission

Commentaire des articles

Article 1er  (Article 322-4-1 du code pénal) Renforcement de la procédure et des sanctions applicables au délit d’occupation sans titre en réunion d’un terrain en vue d’y établir son habitation, même de manière temporaire

1. Le droit existant

a. La création du délit d’occupation en réunion d’un terrain en vue d’y établir son habitation, même de manière temporaire, lorsque l’occupant n’a pas d’autorisation vise à limiter les installations illicites des gens du voyage

b. La loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 a apporté une modification substantielle à l’article 32241

2. Les modifications proposées

3. La position de la Commission

Article 2 (article 9s et 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage) Évolutions de la procédure administrative en cas de stationnement illicite de résidences mobiles

1. Le droit existant

a. Le maire peut interdire par arrêté le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires et terrains prévus à cet effet en application de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000

b. En cas de violation de cet arrêté, une procédure administrative spécifique permet au préfet de prononcer une mise en demeure d’évacuation et, le cas échéant, de procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles

2. Les modifications proposées

3. La position de la Commission

Article 2 bis (nouveau) (Article 9-1-1 [nouveau] de la loi  2000 614 du 5 juillet 2000) Facilitation du recours au juge des référés en cas de stationnement illicite de résidences mobiles

Article 3 (Article 322-3 du code pénal) Ajout d’une circonstance aggravante au délit de destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui

1. Le droit existant

2. Les modifications proposées

3. La position de la Commission

Article 4 (nouveau) (Article 1er de la loi ° 2000614 du 5 juillet 2000) Obligation de révision des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage

Article 5 (nouveau) Demande de rapport sur le respect des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage et leur financement

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 


 

Mesdames, Messieurs,

Nommer c’est reconnaître, c’est faire exister. Le terme de « gens du voyage » englobe plusieurs populations, qu’elles soient d’origine Rom telles que les Manouches, les Gitans, les Tsiganes, les Roms d’Europe de l’Est, ou non Rom comme les Yenniches.

La République reconnaît le mode de vie des gens du voyage et le protège. Depuis la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite « loi Besson », les villes de plus de 5 000 habitants sont tenues de prévoir des « conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet ».

Des lois structurantes ont fixé les grandes orientations relatives à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, afin de renforcer les garanties de ces derniers. En effet, après le vote de la loi du 31 mai 1990 précitée, la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite « Besson II », a créé le schéma départemental. Ce document de planification vient faciliter l’organisation de l’accueil des gens du voyage sur le territoire, en déterminant les responsabilités afférant à chaque commune et en répartissant, de manière équilibrée, les infrastructures à l’échelle départementale.

Les gens du voyage ont, par ailleurs, et à l’instar de l’ensemble des citoyens, des devoirs : respecter la législation en vigueur. Ainsi, la loi n° 2003‑239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a renforcé les sanctions en créant un délit d’installation illicite sur une propriété privée ou publique, en vue d’y établir une habitation, même temporaire (art. 322-4-1 du code pénal). Le fait de ne pouvoir justifier de l’autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage du terrain, est ainsi puni de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. En particulier, lorsque l’installation s’est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l’exception des véhicules destinés à l’habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale. De même, des peines complémentaires de suspension du permis de conduire ou de confiscation du ou des véhicules utilisés pour commettre l’infraction ont été prévues.

Nos élus locaux sont trop souvent confrontés à des individus, ou groupes d’individus, qui contournent la législation alors que les infrastructures d’accueil existent pourtant. Cela renforce le sentiment d’impunité et d’injustice chez beaucoup de nos concitoyens, témoins de tels agissements.

De plus les occupations illicites de terrain, récurrentes dans certains de nos territoires, en particulier en milieu urbain et péri-urbain, apportent désagrément, mobilisation excessive des forces de l’ordre et dépenses indues de remise en état des terrains en question.

Cette proposition de loi vise donc à renforcer les moyens juridiques à disposition des collectivités locales et des propriétaires privés face aux installations illicites, tout en veillant à maintenir l’équilibre entre le respect du mode de vie des gens du voyage, et le respect de la législation en vigueur.

*

*     *


I.   Les obligations des communes et établissements publics à fiscalité propre en matiere d’accueil des gens du voyage

● La loi  90-449 du 31 mai 1990 dit « Besson » tendant à la mise en œuvre du droit au logement faisait obligation à toute commune de plus de 5 000 habitants de prévoir les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet.

Par la suite, les obligations relatives à l’accueil des gens du voyage  ont été complétées et renforcées par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite « Besson II » ([1]), qui a fait l’objet de plusieurs modifications ultérieures et constitue le cadre juridique principal relatif aux obligations d’accueil des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Son article 1er prévoit la réalisation d’un schéma départemental d’accueil des gens du voyage (SDAGV) par le représentant de l’État dans le département et le président du conseil départemental, après avis de l’organe délibérant des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés et de la commission consultative départementale.

Ce schéma, auquel seules les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement, précise notamment :

 les secteurs géographiques d’implantation et les communes où doivent être réalisés des aires permanentes d’accueil, des terrains familiaux locatifs destinés à l’installation prolongée de résidences mobiles et des aires de grand passage, destinées à l’accueil des gens du voyage se déplaçant collectivement à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels, ainsi que la capacité et les périodes d’utilisation de ces aires ;

– la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage.

●  L’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil, des terrains familiaux locatifs et des aires de grand passage est désormais une compétence obligatoire des EPCI à fiscalité propre, quelle que soit la taille des communes les composant ([2]).

Pour faire suite à cette évolution, l’article 2 de la loi du 5 juillet 2000 tel que modifié par la loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites précise la répartition des obligations des communes et des EPCI eu égard au schéma départemental et l’article 9 en tire les conséquences en ce qui concerne les conditions nécessaires à l’interdiction du stationnement des résidences mobiles en dehors des aires et terrains prévus à cet effet.

Les obligations des communes et EPCI au titre du schéma départemental (article 2 de la loi du 5 juillet 2000)

Les communes remplissent leurs obligations :

– quand elles sont membres d’un établissement public de coopération intercommunale compétent, en accueillant sur leur territoire les aires et terrains prévus par le schéma départemental ;

– quand elles ne sont pas membres d’un établissement public de coopération intercommunale compétent, en créant, en aménageant, en entretenant et en assurant la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur leur territoire, ou en y contribuant financièrement pour des aires ou terrains situés hors de leur territoire. Elles peuvent, à cette fin, conclure une convention avec d’autres communes ou EPCI compétents.

L’EPCI compétent remplit ses obligations :

– en créant, en aménageant, en entretenant et en assurant la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur son territoire. Il peut retenir un terrain d’implantation pour une aire ou un terrain situé sur le territoire d’une commune membre autre que celle figurant au schéma départemental, à la condition qu’elle soit incluse dans le même secteur géographique d’implantation ;

– en contribuant au financement de la création, de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion d’aires ou de terrains situés hors de son territoire. Il peut, à cette fin, conclure une convention avec un ou plusieurs autres EPCI.

L’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales dispose par ailleurs que, par dérogation à l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 précitée, lorsqu’un EPCI est compétent en matière de réalisation d’aires d’accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, les maires des communes membres de celui-ci transfèrent au président de cet établissement leurs attributions dans ce domaine de compétences ([3]).

● Contrepartie des obligations d’accueil faites aux communes et aux EPCI, une réponse administrative et une réponse pénale spécifiques sont prévues en cas de stationnement illicite de résidences mobiles sur leur territoire.

L’article 9 de la loi  2000-614 du 5 juillet 2000 précitée, issu de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, a substitué à la procédure judiciaire une procédure administrative, moins complexe, permettant au préfet de département, sous certaines conditions ([4]), de mettre en demeure les occupants illicites de quitter les lieux et, le cas échéant, de procéder à leur évacuation forcée avec le concours de la force publique.

L’article 322-4-1 du code pénal réprime le fait de s’installer en réunion, en vue d’y établir une habitation, même temporaire, et sans être en mesure de justifier de l’autorisation du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain, notamment sur un terrain appartenant à une commune qui s’est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental ([5]).

II.    Une proposition de loi pour renforcer la procédure administrative et les sanctions pénales en cas d’installations illicites de résidences mobiles

A.   La proposition de loi initiale

La présente proposition de loi devrait constituer une incitation à se mettre en conformité pour les communes et EPCI qui n’ont pas mis en œuvre l’ensemble des prescriptions des schémas départementaux. Selon les données communiquées par l’Association des maires de France, en 2024, l’ensemble des aménagements prévus par le schéma n’ont été réalisés que dans onze départements.

D’une part, elle renforce les sanctions pénales en réponse aux installations illicites sur un terrain appartenant à une commune qui s’est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental (articles 1er et 3).

D’autre part, elle renforce la procédure administrative d’évacuation forcée (article 2).

Son article 1er modifie l’article 322‑4‑1 du code pénal relatif à l’infraction constituée par le fait de s’installer en vue d’y établir une habitation, même temporaire, sans autorisation sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée.

Il précise que l’occupant, pour démontrer la légalité de son occupation, devra pouvoir justifier de l’identité du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage du terrain. Il rehausse aussi le montant de l’amende forfaitaire délictuelle applicable depuis fin 2021 dans le ressort de certains tribunaux en matière d’installation illicite sur le terrain d’autrui. Enfin, il prévoit que la justice pourra procéder à la saisie de tous les véhicules qui par nature ne constituent pas l’habitation des occupants.

L’article 2 renforce la procédure administrative d’évacuation des résidences mobiles en cas de stationnement illicite, prévue à l’article 9 de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000. Il porte à 14 jours, au lieu de sept actuellement, la durée de validité de la mise en demeure à compter de sa notification aux occupants et prévoit également la compétence liée du préfet pour procéder à l’évacuation forcée après une mise en demeure non suivie d’effets.

L’article 3 complète l’article 322‑3 du code pénal qui énumère les circonstances conduisant à un aggravement de la peine prévue à l’article 322‑1 du même code sanctionnant la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui, pour y ajouter le fait d’occuper sans droit ni titre le terrain d’autrui.

B.   Les modifications apportées par la Commission

À l’article 1er, la Commission a supprimé la disposition du texte initial obligeant les occupants à justifier de l’identité du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage.

À l’article 2, la Commission a conditionné l’interdiction de stationnement des résidences mobiles en dehors de aires et terrains prévus à cet effet au respect d’une charte des droits fondamentaux, définie par décret.

Elle a aussi élargi la liste des motifs permettant au préfet, par arrêté, de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux au cas d’atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’environnement, et rendu applicable cette possibilité lorsque la procédure est mise en œuvre, conformément à l’article 9-1 de la loi du 5 juillet 2000, dans les « communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l’article 9 », soit les communes de moins de 5 000 habitants.

La Commission a adopté l’article 3 sans modifications.

Elle a en outre adopté trois articles additionnels :

 un nouvel article 9-1-1 de la loi du 5 juillet 2000 précitée permet à tout propriétaire ou titulaire d’un droit réel d’usage sur un terrain public ou privé faisant l’objet d’une occupation en violation de l’arrêté prévu au I de l’article 9, de saisir le président du tribunal judiciaire aux fins d’ordonner, sur requête, en référé, l’évacuation forcée des résidences mobiles, la condition d’urgence étant présumée remplie (article 2 bis) ;

– un article modifiant les II et III de l’article 1er de la loi n° 2000614 du 5 juillet 2000. Les modifications permettent d’une part aux départements qui élaborent un nouveau schéma départemental d’accueil de s’appuyer, lors de la phase préparatoire, sur une évaluation révisée des aménagements existants et des besoins d’accueil par rapport à l’évaluation faite initialement lors de l’élaboration du premier schéma, et, d’autre part, les obligent à avoir révisé au moins une première fois leur schéma départemental avant le 31 décembre 2026. 

–un article introduisant une demande de rapport au Gouvernement sur le respect des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage et leur financement.


   Commentaire des articles

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article modifie l’article 32241 du code pénal relatif à l’infraction constituée par le fait de s’installer en vue d’y établir une habitation, même temporaire, sans autorisation sur un terrain appartenant à une commune lorsque celle-ci n’a pas satisfait à ses obligations en matière d’accueil des gens du voyage ou à une personne privée.

Il précise que l’occupant, pour démontrer la légalité de son occupation, devra pouvoir justifier de l’identité du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage du terrain. Il rehausse également le montant de l’amende forfaitaire délictuelle, actuellement expérimentée dans le ressort de certains tribunaux en matière d’installation illicite sur le terrain d’autrui. Enfin, il prévoit que la justice pourra procéder à la saisie de tous les véhicules qui par nature ne constituent pas l’habitation des occupants.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 32241 du code pénal a été modifié pour la dernière fois par la loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites. Celle-ci a alourdi la peine pour la commission du délit défini à l’article 32241 portant à un an d’emprisonnement et à 7 500 euros d’amende la peine maximale encourue. Elle a également introduit la possibilité d’avoir recours au mécanisme de l’amende forfaitaire délictuelle pour sanctionner le délit d’occupation sans autorisation d’un terrain appartenant à une commune ou une personne privée.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté des amendements identiques supprimant le deuxième alinéa de l’article. A ainsi été supprimée la précision apportée par la proposition de loi initiale visant à demander à l’occupant, pour prouver qu’il s’est légalement installé, sur un terrain de justifier de l’identité du propriétaire ou des personnes ayant le droit d’usage du terrain.

 

1.   Le droit existant

a.   La création du délit d’occupation en réunion d’un terrain en vue d’y établir son habitation, même de manière temporaire, lorsque l’occupant n’a pas d’autorisation vise à limiter les installations illicites des gens du voyage

L’article 322-4-1 du code pénal a été créé par l’article 53 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure. Le législateur a ainsi créé un délit spécifique dans le code pénal, à savoir l’occupation en réunion sans titre d’un terrain, en vue d’y établir une habitation, même de manière temporaire. L’article 322-4-1 figure au chapitre II du titre II du livre III du code pénal consacré aux destructions, dégradations et détériorations de biens. Jusqu’en 2018, le délit était puni d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

L’incrimination pénale de l’occupation d’un terrain sans titre « sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d’usage du terrain » exige la réunion de plusieurs éléments constitutifs et apparaît d’une portée plus limitée que la notion civiliste « d’occupation sans droit et sans titre ».

En premier lieu, l’infraction n’est commise qu’en cas d’une pluralité d’auteurs de l’infraction : seule l’occupation en réunion est réprimée pénalement.

Lorsque le terrain appartient à un particulier, le délit est constitué en cas d’absence d’autorisation du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage.

En cas d’occupation illicite d’un terrain appartenant à une commune, cette infraction peut être constituée dans deux hypothèses :

– soit la commune s’est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage s’agissant de la création, de l’aménagement et de l’entretien d’aires d’accueil ;

– soit la commune n’est pas inscrite au schéma départemental.

L’article 53 de la loi n° 2003‑239 a également ajouté des peines complémentaires pouvant être prononcées contre les auteurs du délit en introduisant l’article 322-15-1, prévoyant que les personnes physiques coupables de l’infraction prévue à l’article 322-4-1 encouraient les peines complémentaires suivantes :

– La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire ;

– La confiscation du ou des véhicules automobiles utilisés pour commettre l’infraction, à l’exception des véhicules destinés à l’habitation.

Cette dernière possibilité peut être précédée de la saisie des véhicules s’il y a une enquête de flagrance. En effet, comme l’ont précisé à votre rapporteur la Direction des affaires criminelles et des grâces et la Direction générale de la gendarmerie nationale, la saisie intervient au cours de la phase d’enquête, liée au délit d’installation illicite en réunion sur le terrain d’autrui. Les faits sont quasi-systématiquement constatés sous le régime de la flagrance (articles 53 à 67 du code de procédure pénale), qui permet la saisie d’autorité des biens en lien avec les faits, à l’initiative d’un officier de police judiciaire et sans assentiment des mis en cause. La confiscation, mesure définitive, peut être prononcée par une juridiction à l’issue du jugement, comme indiqué ci-dessus en application de l’article 322‑15‑1.

L’article 322-4-1 indique en effet en son dernier alinéa que : « Lorsque l’installation s’est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l’exception des véhicules destinés à l’habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale. »

Ces dispositions ont été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel qui a considéré que le législateur avait concilié les principes de protection de la propriété privée et de prévention des troubles à l’ordre public avec la liberté d’aller et venir, le respect de la vie privée et l’inviolabilité du domicile ([6]).

Le délit défini à l’article 322-4-1 peut également être sanctionné par une ou plusieurs des peines complémentaires prévues à l’article 32215, telle que l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, l’interdiction d’exercer une fonction publique ou encore l’interdiction de détenir ou de porter une arme pour une durée de cinq ans au plus.

L’article 322-4-1 a été modifié à deux reprises depuis. L’article 150 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a procédé à une modification rédactionnelle.

b.   La loi  2018-957 du 7 novembre 2018 a apporté une modification substantielle à l’article 322‑4‑1

L’article 4 de la loi  2018-957 du 7 novembre 2018 a modifié l’article 322-4-1 du code pénal.

La peine prévue a été doublée, la commission du délit étant désormais punie d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

De plus, le délit a été inclus parmi ceux pouvant faire l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle (AFD).

L’AFD constitue une alternative au procès pénal, introduite par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle dans le code de procédure pénale (articles 495‑17 à 495‑25). La loi n° 2016‑1547 précitée a introduit ce mécanisme uniquement pour deux délits routiers : la conduite sans permis de conduire et la conduite sans assurance.

La procédure a été inspirée d’une procédure équivalente pour les contraventions.

Cette procédure permet de prononcer une sanction pénale en l’absence de procès. Il s’agit d’une procédure conduisant à une transaction valant sanction à l’égard du contrevenant. Le paiement de l’amende par celui-ci éteint l’action publique. Le montant de l’amende délictuelle ne peut pas excéder 3 000 euros. Certaines conditions excluent l’application d’un tel mécanisme. L’amende forfaitaire délictuelle ne peut être prononcée à l’encontre d’un mineur, ni ne peut s’appliquer à un délit s’il est commis concomitamment à d’autres délits qui ne font pas partie de ceux pouvant faire l’objet de la procédure d’AFD. La procédure n’est pas applicable non plus si le délit a été commis en situation de récidive légale, sauf disposition législative contraire.

Mettre en œuvre la procédure de l’amende forfaitaire alternativement à des poursuites et à un jugement constitue une faculté. Les délits concernés par cette procédure continuent à pouvoir être jugés conformément à la procédure de droit commun. Ce sont les procureurs de la République qui dans leur ressort apprécient l’opportunité de recourir à cette procédure.

Le prononcé d’une telle amende requiert l’accord préalable du contrevenant. Celui-ci doit accepter le constat fait par un agent ou un officier de police judiciaire. Le constat est donc fait sur place et ne peut concerner que des délits flagrants ; il ne peut par ailleurs pas être dressé si des actes d’investigation supplémentaires sont nécessaires ou que l’identité du contrevenant n’est pas clairement identifiée. Le paiement de l’amende peut être immédiat. Si le contrevenant accepte le constat mais ne règle pas l’amende, il a quarante-cinq jours pour le faire, l’amende lui étant adressée par voie postale. Si le paiement est réalisé soit au moment du constat soit dans les 15 jours suivant la réception du courrier, son montant est minoré. Au-delà de quarante-cinq jours le montant de l’amende est majoré. Lorsque les amendes forfaitaires, les amendes forfaitaires minorées et les amendes forfaitaires majorées s’appliquent à une personne morale, leur montant est quintuplé.

Le contrevenant a la possibilité de contester l’amende et son obligation de la payer à la réception du courrier dans un délai de 45 jours. La requête en exonération est examinée par le procureur de la République de Rennes qui peut la juger recevable et donc classer sans suite la procédure d’AFD, ou au contraire transmettre au parquet compétent la procédure, parquet qui lui donnera les suites qu’il estime nécessaire. La requête en exonération peut également être jugée irrecevable, auquel cas le justiciable dispose à nouveau d’un droit de recours.

Plusieurs lois promulguées depuis 2016 ont élargi le champ d’application de l’amende forfaitaire délictuelle.

Cette procédure a d’abord été étendue au délit déterminé à l’article 322‑4‑1 d’occupation illicite d’un terrain même temporaire en vue d’y installer son habitation par la loi  2018-957 du 7 novembre 2018, précitée.

Cette procédure a été élargie ensuite à six autres infractions en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et notamment à l’infraction d’usage de stupéfiants, mais aussi la vente d’alcool à des mineurs, l’occupation des parties communes d’immeubles collectifs, etc.

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 précitée a également abrogé l’article 495‑23 du code de procédure pénale, le paiement de l’AFD n’est plus assimilé à une condamnation définitive pour l’application des règles en matière de récidive délictuelle.

À l’occasion de sa décision sur la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 précitée, le Conseil constitutionnel a précisé que la procédure était conforme à la Constitution dès lors que l’exigence d’une bonne administration de la justice pouvait justifier des aménagements aux procédures pénales si toutefois la procédure ne porte que sur les délits les moins graves et ne met en œuvre que des amendes de faible montant. C’est pourquoi le Conseil Constitutionnel a précisé que l’AFD ne saurait, « sans méconnaître le principe d’égalité devant la justice, s’appliquer à des délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure à trois ans » ([7]).

La loi n°°2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a étendu l’application de l’AFD au délit d’abandon ou de dépôt illicite de déchets prévu au 4° du I de l’article L. 541‑46 du code de l’environnement.

À la suite de l’entrée en vigueur de ces différentes possibilités, le nombre d’AFD produites est passé de 144 en 2018 à près de 235 000 en 2021, et s’établissait pour le premier semestre 2022 à 145 000 ([8]). C’est en matière d’usage illicite de stupéfiant et de conduite de véhicule sans permis ou sans assurance que les plus grands nombre d’AFD ont été prononcés.

Enfin, la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) a élargi la possibilité de mettre en œuvre la procédure de l’AFD à un plus grand nombre de délits. Le choix a été fait non pas de viser des catégories générales de délits mais d’indiquer un à un dans la loi les délits qui pouvaient faire l’objet d’une telle procédure. L’ensemble des étapes de la discussion parlementaire a conduit à l’ajout de 22 délits et ensemble de délits classés par catégorie en ce qui concerne les infractions au transport routier.

En étendant la procédure de l’AFD au délit défini à l’article 322-4-1 du code pénal par la loi  2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, le législateur a fixé à 500 euros le montant de l’amende devant être payée par les occupants illicites. Le montant minoré est de 400 euros si l’occupant illicite s’acquitte de l’amende immédiatement ou dans les 15 jours suivant la réception du courrier, et le montant majoré est de 100 euros si l’amende est payée passé un délai de 45 jours. Contrairement à d’autres AFD, l’amende forfaitaire prévue pour l’article 322‑4‑1 n’est pas applicable en cas de récidive légale de la part des occupants.

Comme pour l’ensemble des AFD, le délit doit être constaté en flagrance et sur le lieu de l’installation. Les personnes occupantes sans titre si elles signent le procès-verbal qui conduit au prononcé de l’amende acceptent la matérialité des faits.

Les discussions parlementaires sur l’article de la proposition de loi modifiant l’article 322-4-1 du code pénal ont fait apparaitre que la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle sanctionnerait plus efficacement un tel délit, évitant une procédure juridictionnelle longue, le recours au juge étant toujours prévu si l’amende est contestée.

Selon les mots de la rapporteure au Sénat, Catherine Di Folco : « l’amende forfaitaire est une procédure simplifiée très utilisée en matière contraventionnelle, qui permet au justiciable de s’acquitter sur-le-champ, auprès de l’agent verbalisateur ou dans un court délai, d’une amende pénale fixe, en cas d’infraction flagrante. Cette procédure permet un meilleur recouvrement des amendes et de ne recourir au juge qu’en cas de contestation. » ([9]). Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure à l’Assemblée nationale, saisie du texte du Sénat, avait indiqué que la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle permettrait une sanction plus rapide du délit ([10]) .

La mise en œuvre de cette procédure pour le délit d’occupation illicite d’un terrain en vue d’établir une habitation même temporaire ne s’est pas faite dès la promulgation de la loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018. La mesure a été mise en œuvre dans le ressort de certains tribunaux judiciaires à partir d’octobre 2021. Actuellement, la procédure peut être utilisée dans le ressort de six tribunaux judiciaires et d’une Cour d’appel, à savoir Créteil, Foix, Lille, Marseille, Rennes, Reims et Chambéry. En juin 2024, les ministres de la justice et de l’intérieur ont demandé la prolongation de l’expérimentation

D’après les informations communiquées à votre rapporteur par la Direction des affaires criminelles et des grâces, 59 amendes forfaitaires avaient été prononcées en 2024, 3,4 % avaient été jugées irrégulières et 31 % ont donné lieu à une contestation.

2.   Les modifications proposées

Plusieurs modifications à l’article 322-4-1 sont proposées par l’article 1er.

Le 1° de l’article 1er de la proposition de loi vise à renforcer les obligations qui pèsent sur les occupants du terrain en prévoyant que l’occupant doit pouvoir justifier de l’identité du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage du terrain.

En l’état du droit, le délit est constitué si les occupants du terrain ne sont pas en mesure de justifier qu’ils ont l’autorisation de l’occuper et il ne leur est pas demandé explicitement de prouver l’identité du propriétaire du terrain ou des personnes à qui le propriétaire il a transféré le droit d’usage.

Dans les faits, actuellement, si les occupants sont amenés à comparaitre, ils peuvent, pour prouver la légalité de leur installation, produire une autorisation écrite, les juges ne pouvant accepter par exemple un simple accord oral. 

Il est probable que l’autorisation permette de connaitre l’identité du propriétaire ou de ses ayants droit mais en l’état du droit, il n’est pas exigé de l’occupant qu’il démontre l’identité du propriétaire.

Le 2° de l’article 1er vise à augmenter le montant de l’amende forfaitaire délictuelle. Le deuxième alinéa de l’article 322-4-1 est modifié pour fixer à 1 000 euros le montant de l’AFD, à 750 euros le montant minoré et à 1 500 euros le montant majoré. Le rehaussement de ces différents montants a un objectif dissuasif. Les montants seraient ainsi relevés par rapport à d’autres amendes forfaitaires délictuelles, comme celle prévue pour l’occupation en réunion des espaces communs des immeubles, le montant de l’amende étant de 200 euros (cf. article L. 272‑4 du code de la sécurité intérieure).

Enfin, le 3° de l’article 1er modifie le dernier alinéa de l’article 322-4-1 à propos de la saisie des véhicules. Il est proposé de préciser que seuls les véhicules qui constituent l’habitation par nature des gens du voyage installés illégalement ne peuvent pas être saisis. Pourraient toutefois être saisis les véhicules qui pourraient être considérés comme une habitation par transformation (véhicules annexes à l’habitation principale par exemple qui ne servent pas de chambres et lieux de vie). Une telle disposition ne contrevient pas au principe constitutionnel d’inviolabilité du domicile.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté trois amendements identiques de Messieurs Fournier (Écologiste et social), Fernandes (La France insoumise – NFP)et Jacobelli (Rassemblement national), contre l’avis du rapporteur, qui suppriment l’alinéa 2 de l’article. Ces amendements ont supprimé l’exigence, ajoutée par la proposition de loi initiale, de justification de l’identité du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain qui a donné l’autorisation. Cette exigence devait peser sur les occupants pour démontrer la légalité de leur installation même temporaire. Les auteurs des amendements ont estimé que cette exigence était trop forte, les gens du voyage s’installant parfois avec l’accord l’amiable du propriétaire ou de ses ayants droit, ils éprouveraient des difficultés à justifier de l’identité par écrit de ce dernier.

La Commission a, de plus, adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteur à l’alinéa 8.

 

 

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article modifie la procédure administrative d’évacuation des résidences mobiles prévue à l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 sur deux points. Il porte à quatorze jours, au lieu de sept actuellement, la durée pendant laquelle la mise en demeure reste applicable et substitue une compétence liée du préfet à la compétence discrétionnaire dont il dispose actuellement pour procéder à l’évacuation forcée si la mise en demeure n’est pas suivie d’effets.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites est venue clarifier, à l’article 9, les conditions nécessaires à l’interdiction du stationnement des résidences mobiles en dehors des aires et terrains prévus à cet effet, pour tenir compte du transfert de la compétence d’aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil, des terrains familiaux locatifs et des aires de grand passage vers les EPCI à fiscalité propre.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements et un sous-amendement. Ils visent, d’une part, à élargir la liste des motifs permettant au préfet, par arrêté, de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux au cas d’atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’environnement, et d’autre part, à conditionner l’interdiction de stationnement des résidences mobiles en dehors de aires et terrains prévus à cet effet au respect d’une charte des droits fondamentaux, définie par décret.

  1.   Le droit existant 

a.   Le maire peut interdire par arrêté le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires et terrains prévus à cet effet en application de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000

L’article 9 de la loi  2000-614 du 5 juillet 2000 permet au maire d’interdire par arrêté le stationnement des résidences mobiles sur le territoire de sa commune. Cette faculté est ouverte, sous conditions :

– au maire d’une commune membre d’un établissement public à fiscalité propre (EPCI) compétent lorsque cet EPCI soit s’est conformé à ses obligations, soit bénéficie d’un délai supplémentaire, soit dispose d’un emplacement provisoire agréé par le préfet, soit est doté d’un terrain sans qu’aucune des communes membres soit inscrite au schéma départemental, soit a décidé de contribuer au financement d’une telle aire sans y être tenu, soit, lorsque l’EPCI n’a pas satisfait à ses obligations, lorsque la commune est dotée de terrains conformes aux prescriptions du schéma départemental (I de l’article 9) ;

– au maire d’une commune qui n’est pas membre d’un EPCI compétent lorsque la commune soit satisfait à ses obligations, soit bénéficie d’un délai supplémentaire, soit dispose d’un emplacement provisoire agréé par le préfet, soit est dotée d’un terrain sans être inscrite au schéma départemental, soit a décidé de contribuer au financement d’une telle aire sans y être tenue (I bis de l’article 9).

Ce pouvoir de police appartient au président de l’EPCI lorsque la compétence et l’exercice des pouvoirs de police en matière de gens du voyage ont été transférés à l’EPCI.

b.   En cas de violation de cet arrêté, une procédure administrative spécifique permet au préfet de prononcer une mise en demeure d’évacuation et, le cas échéant, de procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles  

En cas de violation de l’arrêté prévu au I ou au I bis, le II de l’article 9 met en place une procédure administrative spécifique permettant au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux et, si cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet, de procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles.

La mise en demeure doit être demandée au préfet par le maire ([11]) , le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain occupé.

● Elle ne peut intervenir que si sont remplies deux conditions cumulatives ([12])  :

– Le stationnement doit être de nature à porter atteinte à l’ordre public (tranquillité, sécurité et salubrité publique) ;

– Le maire doit avoir pris un arrêté d’interdiction du stationnement des résidences mobiles sur le territoire de la commune, cet arrêté ne pouvant lui-même intervenir que si les conditions explicitées précédemment sont remplies ([13]).

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution de 24 heures au moins. Elle doit être affichée en mairie et sur les lieux, et être notifiée aux occupants. Le refus de ces derniers de recevoir cette notification n’empêche pas la poursuite de la procédure.

Les personnes destinataires de la mise en demeure ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain peuvent demander son annulation au tribunal administratif, dans le délai fixé par celle-ci. Le juge se prononce dans un délai de 48 heures ([14]). Le recours suspend l’exécution de la mise en demeure.

● Depuis la loi n° 2017-86 relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017, la mise en demeure du préfet continue de s’appliquer dans un délai de sept jours à compter de la notification aux occupants du terrain lorsqu’une même caravane ou un groupe de caravanes procèdent à un nouveau stationnement illicite :

– en violation du même arrêté d’interdiction de stationnement (sur la même commune ou la même intercommunalité lorsqu’elle est compétente) ;

– et portant sur la même atteinte à l’ordre public.

Lorsque ces conditions sont remplies, une seconde mise en demeure de quitter les lieux n’est pas nécessaire.

● Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effets dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions du II bis, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles.

Le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain peuvent s’opposer à cette évacuation forcée dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. Le préfet peut alors leur demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la salubrité, à la sécurité ou la tranquillité publiques.

● La procédure prévue au II peut aussi être mise en œuvre, avec les mêmes voies de recours, dans les communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l’article 9 à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain en vue de mettre fin au stationnement non autorisé de résidences mobiles de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques (article 9-1 de la loi  2000-614 du 5 juillet 2000).

2.   Les modifications proposées

Le 1° de l’article 2 modifie la procédure administrative prévue à l’article 9 de la loi  2000-614 du 5 juillet 2000 sur deux points :

– le a du 1° porte à quatorze jours, au lieu de sept, la durée pendant laquelle la mise en demeure reste applicable. Ce délai de quatorze jours, que M. Patrick Delabarre, co-président du groupe de travail de l’Association des maires de France sur les gens du voyage, considère comme « raisonnable », permet d’éviter une nouvelle procédure en cas de reconstitution du campement illicite dans un temps court. En l’état, le délai entre la décision du juge administratif en cas de recours et la caducité de la décision ne laisse que peu de temps au préfet pour mener la procédure à son terme avant la caducité de l’arrêté de mise en demeure.

– le b substitue une compétence liée du préfet à la compétence discrétionnaire dont il dispose actuellement pour procéder à l’évacuation forcée.

Enfin, le 2° de l’article procède à une modification rédactionnelle rendue nécessaire par le changement de dénomination des tribunaux de grande instance. Il remplace les mots « de grande instance » par le mot « judiciaire » au IV de l’article 9.

3.   La position de la Commission

La Commission des Lois a adopté cet article modifié par deux amendements et un sous-amendement.

 Par un amendement de Mme Bergantz (Les Démocrates) soutenu et sous-amendé par le rapporteur, elle a complété la liste des motifs permettant au préfet, par arrêté, de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, pour ajouter des motifs environnementaux. Pour justifier un tel arrêté, le stationnement illicite doit être de nature à porter une atteinte soit à l’ordre public, soit une atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’environnement du fait d’un préjudice écologique avéré ou aux vues de l’imminence de sa réalisation.

Cette modification s’applique aussi lorsque la procédure est mise en œuvre sur le fondement de l’article 9-1 de la loi du 5 juillet 2000, qui rend applicable la procédure de mise en demeure et d’évacuation prévue au II de l’article 9 aux « communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l’article 9 », soit les communes de moins de 5 000 habitants.

Logiquement, les obligations faites au propriétaire du terrain lorsque ce dernier fait à obstacle à l’exécution de la mise en demeure sont élargies : le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser non seulement l’atteinte à l’ordre public mais aussi l’atteinte à l’environnement d’une extrême gravité, mentionnée plus haut.

 Par ailleurs, par adoption d’un amendement de Mme Soudais (La France insoumise – NFP), l’interdiction de stationnement des résidences mobiles en dehors de aires et terrains prévus à cet effet, prévue au présent I de l’article 9, ne peut intervenir si ces aires ou terrains de l’EPCI ne respectent pas une charte des droits fondamentaux, définie par décret, visant à protéger et à assurer la dignité des gens du voyage. L’EPCI s’engage à en communiquer le contenu aux gens du voyage résidant sur les terrains aménagés à cet effet.

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L’article 2 bis, résultant de l’adoption d’un amendement de Mme Bergantz (Les Démocrates), créé un nouvel article 9-1-1, permettant à tout propriétaire ou titulaire d’un droit réel d’usage sur un terrain public ou privé faisant l’objet d’une occupation en violation de l’arrêté prévu au I de l’article 9 de saisir le président du tribunal judiciaire aux fins d’ordonner, sur requête, en référé de droit commun ou plus spécifiquement en référé à heure indiquée, l’évacuation forcée des résidences mobiles.

La condition d’urgence est alors présumée remplie.

La condition de célérité prévue à l’alinéa 2 de l’article 485 du même code pour le référé à heure indiquée, est par ailleurs présumée remplie dès lors que des branchements sauvages sur le réseau électrique sont constatés.

 

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Adopté par la Commission sans modification

 

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article se propose de modifier 322-3 du code pénal qui énumère les circonstances aggravant le délit de destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui défini à l’article 3221 du même code. L’article 3 ajoute, comme circonstance aggravante, le fait d’avoir commis cette destruction, dégradation ou détérioration au cours d’une installation sur un terrain constitutive de l’infraction prévue à l’article 32241 du code pénal.

       Dernières modifications législatives intervenues

Onze circonstances peuvent être à ce jour retenues qui aggravent la commission du délit défini à l’article 3221 du même code. En cas de circonstances aggravantes, le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. L’article 3223 a été modifié pour la dernière fois sur le fond par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Une circonstance aggravante a été ajoutée, une onzième circonstance aggravante a été ajoutée, à savoir : « Lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à la vaccination ».

       Modifications apportées par la Commission

La Commission n’a pas modifié cet article.

 

  1.   Le droit existant

L’article 322-3 du code pénal s’insère dans un chapitre consacré à la répression des destructions, dégradations et détériorations de biens au sein du livre III du code pénal consacré aux crimes et délits contre les biens. Il énumère l’ensemble des circonstances qui aggravent la commission du délit de destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui sans violence aux personnes défini à l’article 322-1 du même code.

Ce délit est puni de deux d’emprisonnement et de 3 000 euros d’amende. Le délit n’est pas constitué si le dommage peut être considéré comme léger. Il doit être commis intentionnellement.

L’article 322‑3 du code pénal détermine l’ensemble des circonstances aggravant le délit défini à l’article 322-1. Ces circonstances aggravantes sont au nombre de onze aujourd’hui. Commis dans l’une des circonstances énumérées à l’article 322‑3, le délit de destruction, dégradation ou détérioration du bien d’autrui est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

2.   Les modifications proposées

L’article 3 vise à modifier l’article 322‑3 du code pénal pour ajouter une nouvelle circonstance aggravante (5° bis de l’article) : lorsque les faits de destruction, dégradation ou détérioration sont commis au cours d’une installation sur un terrain constitutive de l’infraction prévue à l’article 32241 du code pénal. Les peines encourues seraient alors de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Cette circonstance pourrait notamment s’ajouter à l’une des autres circonstances prévues à l’article 322‑3. Dans ce cas, la peine pourrait être portée à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende comme le prévoit le dernier alinéa de l’article 322‑3.

Aggraver les sanctions en cas de destruction ou de dégradation des biens d’autrui répond à un constat et une attente, les destructions pouvant être importantes sur des terrains occupés illicitement, même de manière temporaire. Il s’agit parfois de terrains et d’installations appartenant à des entreprises pour lesquels le coût des réparations et de la remise en état sont très importants.

L’effet serait plus dissuasif pour les personnes s’installant en connaissance de cause sur le terrain appartenant à une commune ou à toute autre personne sans autorisation et qui commettraient des destructions ou dégradations.

3.   La position de la Commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

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L’article 4 résulte d’un amendement portant article additionnel de votre rapporteur. Il modifie l’article 1er de la loi n° 2000614 du 5 juillet 2000 précitée relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Il vise à renforcer les obligations des départements qui ne se seraient pas soumis aux dispositions de l’article 1er de la loi et notamment à l’obligation de réviser à intervalle régulier le schéma départemental d’accueil des gens du voyage.

Le II de l’article 1er est modifié pour permettre aux départements qui vont réviser à l’avenir leur schéma, selon la même procédure que celle prévue lors de l’élaboration du premier schéma, de s’appuyer sur une évaluation révisée des besoins et de l’offre existante en terme d’accueil. Cela leur permettra de s’appuyer sur le diagnostic réalisé pour le premier schéma et de l’actualiser.

Le III du même article est complété par une disposition visant à obliger tous les départements à avoir révisé une première fois leur schéma départemental d’accueil au plus tard le 31 décembre 2026. Si aujourd’hui, tous les départements ont élaboré un premier schéma, parfois seulement récemment, tous n’ont pas engagé leur révision passé une période de six ans comme la loi les y oblige. Or, des schémas trop anciens ne sont plus adaptés à la réalité du terrain et n’intègrent pas les dernières modifications législatives et réglementaires, notamment par exemple sur les terrains locatifs familiaux.

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L’article 5, issu de l’amendement n° CL56 de M. Fernandes (La France insoumise –NFP) et plusieurs de ses collègues, adopté avec un avis favorable de votre rapporteur, introduit une demande de rapport au Gouvernement afin que ce dernier informe, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Parlement sur le respect des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage et sur le financement des mesures devant être mises en œuvre.

 


   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 26 mars 2025, la Commission examine la proposition de loi pour réformer l’accueil des gens du voyage (n° 906) (M. Xavier Albertini, rapporteur).

Lien vidéo :

 

 

 

 

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi pour réformer l’accueil des gens du voyage (n° 906) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


Personnes entendues

   M. Julien Morino-Ros, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)

   M. Éric Ferri, sous-directeur des polices administratives

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

   M. Florentin Berthéas, chef du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique

   M. Patrick Delebarre, maire de Bondues, co-président du groupe de travail « Gens du voyage » de l’AMF

   M. Philippe Buisson, maire de Libourne, co-président du groupe de travail « Gens du voyage » de l’AMF

   M. Charles Abadie, chargé de mission sécurité

   Mme Charlotte de Fontaines, responsable des relations avec le Parlement

   M. Dominique Raimbourg, président

Association nationale des gens du voyage citoyens (ANGVC)

   M. William Acker, délégué général

Association sociale nationale internationale tzigane (ASNIT)

   M. Désiré Vermeersch, président

Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tziganes et les Gens du voyage (FNASAT)

   M. Stéphane Lévêque, directeur

Association protestante des amis des Tziganes (APATZI)

   M. Jean-Arnold de Clermont, président

   Mme Nathalie Leenhardt, chargée de mission


([1])  Plus précisément, l’article 1er désigne comme destinataires des obligations des communes les « personnes dites gens du voyage et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires d’accueil ou des terrains prévus à cet effet ». N’entrent pas dans cette catégorie les personnes occupant sans titre une parcelle du domaine public dans des abris de fortune ou des caravanes délabrées qui ne peuvent plus être déplacées : Conseil d’Etat, 17 janvier 2014, n° 369671.

([2]) Cette compétence résulte de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([3])  À savoir la possibilité d’interdire en dehors des aires d’accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles et la possibilité de saisir le préfet de département pour qu’il mette en demeure les occupants de quitter les lieux.

([4]) Voir le commentaire de l’article 2.

([5]) Cet article vise aussi de façon plus générale le fait de s’établir dans les mêmes conditions sur un terrain appartenant à tout autre propriétaire.  

([6]) DC2003-467 DC du 13 mars 2003 – Loi sur la sécurité intérieure

([7]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019‑778 DC du 21 mars 2019.

([8]) Données du rapport sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (n°343), n° 436.

([9])  Rapport n° 44 (2017-2018) de Mme Catherine Di Folco , fait au nom de la commission des lois, déposé le 25 octobre 2017.

([10]) Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites (n°346), n° 819.

([11]) Ou, lorsque la compétence et l’exercice des pouvoirs de police en matière de gens du voyage ont été transférés à l’EPCI, par le président de l’EPCI.

([12])  Si les conditions prévues pour la mise en demeure ne sont pas remplies, d’autres voies de droit existent: le référé mesure utiles (L. 521-3 CJA) ou le tribunal judiciaire pour une personne publique ; le tribunal judiciaire pour une personne privée.

([13]) Voir sur ce point la première partie du présent rapport. Pour les autres communes, celles notamment qui n’ont pas satisfait à leurs obligations, l’interdiction du stationnement des gens du voyage ne peut être à portée générale et absolue.

 

([14]) Ce délai était de 72 h avant la loi n° 2017-86 relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017.