N° 1583

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juin 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT,


visant à renforcer les prérogatives des officiers de l’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés,

 

 

PAR M. Éric MICHOUX

Député

——

 

 

 


Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1008.

               Sénat : 190 (2023-2024), 333 (2024-2025), 334 (2024-2025), et TA n° 59 (2024-2025).

 


SOMMAIRE

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Pages

 

Introduction................................................ 5

Commentaire des articles

Article 1er A (art. 63 du code civil) Information de l’officier de l’état civil permettant d’apprécier la régularité du séjour des futurs époux sur le territoire français

Article 1er B (art. 175-2 du code civil) Renforcement des prérogatives du procureur de la République en cas de saisine par l’officier de l’état civil sur la validité d’un mariage

Article 1er (art. 143-1 du code civil [nouveau]) Interdiction pour une personne séjournant de façon irrégulière sur le territoire national de contracter un mariage

Compte rendu des débats

Personnes entendues

Contribution écrite

 


Mesdames, Messieurs,

Le mariage civil est une institution républicaine, créatrice de droits et de devoirs pour les époux ([1]).

Les maires, en leur qualité d’officier de l’état civil, ont l’obligation de s’assurer que la finalité de cette institution est respectée par les époux. À ce titre, le code civil leur confie la mission de contrôler la validité du consentement des futurs époux, c’est-à-dire la réalité de leur intention matrimoniale commune, aux fins de prévenir les mariages frauduleux.

Or, l’état du droit ne permet pas aux maires d’exercer pleinement cette mission, comme l’ont mis en exergue plusieurs édiles dans une tribune collective :

« L’article 63 du code civil nous confie explicitement la mission de vérifier la réalité du consentement des futurs époux. Il ne s'agit pas d'une simple formalité administrative : c'est une mesure de protection fondamentale contre les mariages forcés, les mariages blancs, les unions de complaisance ou d'intérêt. Cela impose un contrôle rigoureux, exigeant à la fois discernement, rigueur et outils juridiques adaptés. Or, ce contrôle est aujourd'hui vidé de sa substance par un cadre juridique inadapté et un défaut manifeste de moyens concrets à notre disposition.

En réalité, lorsqu'un doute sérieux existe, les maires n'ont quasiment aucun levier opérationnel pour suspendre ou refuser la procédure. Le système actuel impose la tenue du mariage, même lorsqu'il apparaît manifestement instrumentalisé. Ce mécanisme automatique neutralise notre capacité d'agir et vide de sens notre mission. Il nous relègue au rang de simples « caisses d'enregistrement » d'un acte potentiellement frauduleux. Et si nous osons exercer notre vigilance, voire notre droit d'alerte, nous nous exposons à des poursuites, à des rappels à l'ordre, voire à des sanctions administratives, comme si nous avions outrepassé notre rôle au lieu de l'exercer loyalement » ([2]).

Certains maires se retrouvent ainsi dans la situation « ubuesque », pour reprendre le mot même du président de la République, de devoir célébrer un mariage qu’ils savent frauduleux car destiné exclusivement à régulariser le séjour de l’époux étranger.

Les courageux maires qui refusent un tel diktat en paient le prix fort. Tel est le cas de Stéphane Wilmotte, maire UDI de la ville d’Hautmont, qui a été attaqué en justice et a subi de multiples pressions et menaces pour n’avoir fait que son devoir : refuser de marier un imam salafiste algérien sous le coup d’un arrêté d’expulsion du territoire français et dont la mosquée avait été fermée pour apologie du terrorisme.

Si l’ampleur du phénomène des mariages frauduleux est mal connue, faute malheureusement d’être documentée par l’administration, celui-ci n’est certainement pas marginal, au regard du nombre élevé de mariages entre un(e) Français(e) et une personne de nationalité étrangère (32 740 mariages en 2024) et de l’explosion du nombre d’immigrés clandestins sur notre territoire national. Selon les données communiquées à votre rapporteur, le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME) a parallèlement augmenté de 40 % depuis 2015, tandis que le nombre d’OQTF délivrées est passé de 79 000 en 2015 à 129 000 en 2024.

En 2024, environ 700 personnes ont ainsi été mises en cause pénalement au titre des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui répriment les mariages contractés « aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française » ([3]).

Les remontées des élus de terrain recueillies par votre rapporteur sont par ailleurs unanimes : les mariages impliquant des époux étrangers en situation irrégulière sont de plus en plus fréquents.

Il y a donc urgence à agir, pour protéger nos maires.

La situation actuelle contribue en effet à décrédibiliser les institutions et à nourrir la défiance des citoyens à l’égard de la puissance publique.

Comment justifier auprès de nos concitoyens, que le maire, garant de l’ordre républicain dans sa commune, soit contraint de marier des personnes qui sont sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français ?

Au surplus, ces situations démoralisent les maires. Ceux qui y sont confrontés hésitent en effet souvent à se représenter dans leurs fonctions, comme l’a souligné le représentant de l’association des maires de France auditionné par votre rapporteur.

La présente proposition de loi, adoptée par le Sénat, est issue d’une initiative du sénateur Stéphane Demilly, du groupe Union centriste.

Lors de son dépôt, elle contenait un article unique dont l’objet est simple : interdire aux personnes de nationalité étrangère qui se trouvent en situation irrégulière sur notre territoire de contracter un mariage (article 1er).

Son objectif est tout aussi limpide : mettre fin au détournement du mariage comme outil de régularisation, au mépris de notre droit des étrangers.

En adoptant une telle interdiction, la France rejoindrait d’autres pays européens, tels que l’Angleterre, le Danemark et la Suisse, qui subordonnent la célébration du mariage à la preuve d’un titre de séjour régulier de l’époux étranger.

Lors de son examen au Sénat, la proposition de loi a été enrichie de deux dispositions opportunes :

  d’une part, obliger l’époux étranger à transmettre à l’officier de l’état civil tout élément lui permettant d’apprécier sa situation au regard de son droit au séjour (article 1er A) ;

  d’autre part, renforcer les prérogatives du procureur de la République, notamment en allongeant d’un à deux mois le délai de l’enquête pour prouver l’absence d’intention matrimoniale des époux (article 1er B) ;

Cette proposition de loi est soutenue par l’association des maires de France (AMF) et l’association des maires ruraux de France (AMRF).

Elle est également attendue par nos concitoyens, puisque 73 % d’entre eux sont favorables à l’interdiction pour les personnes en situation irrégulière de contracter un mariage, selon un récent sondage ([4]).

Son adoption constituerait un signal fort pour restaurer l’autorité de l’État, et protéger nos maires, qui ne seraient plus contraints d’être « les complices involontaires d’un système de détournement du droit » ([5]).

 

 

 

 

 


   Commentaire des articles

Adopté par la commission sans modification

 

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée une obligation pour les futurs époux de nationalité étrangère de fournir à l’officier de l’état civil tout élément permettant d’apprécier la régularité de leur séjour sur le territoire français.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 35 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a précisé les conditions qui justifient que l’officier de l’état civil demande à s’entretenir individuellement avec chacun des futurs époux préalablement à la publication des bans.

  Position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

  1.   L’État du droit

● L’article 63 du code civil fixe la liste des documents que les futurs époux doivent transmettre à l’officier de l’état civil en vue de leur mariage. La publication des bans ou la célébration du mariage en cas de dispense de publication des bans ([6])  est ainsi subordonnée à la remise par chacun des futurs époux des indications ou pièces suivantes :

– les pièces exigées par les articles 70 ou 71 du code civil, c’est-à-dire l’extrait d’acte de naissance avec indication de la filiation ou, en cas d’impossibilité de se procurer cet acte, un acte de notoriété réalisé par un notaire ou, à l’étranger, par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises compétentes ;

– la justification de l’identité au moyen d’une pièce délivrée par une autorité publique ;

– l’indication des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins, sauf lorsque le mariage doit être célébré par une autorité étrangère ;

– en cas de curatelle ou de tutelle, la justification que la personne chargée de la mesure de protection a été informée du projet du mariage du majeur qu’elle assiste ou représente, conformément aux dispositions de l’article 460 du code civil.

L’autre condition préalable à la publication des bans et à la célébration du mariage, en vertu de l’article 63 du code civil, est la réalisation par l’officier de l’état civil d’une audition des futurs époux.

Cette audition n’est toutefois pas requise si l’officier de l’état civil estime, au regard des pièces fournies, que le mariage n’est pas susceptible d’être remis en cause pour défaut de consentement sur le fondement des articles 146 ([7]) et 180 ([8]) du code civil.

Si l’audition des futurs époux est en principe commune, l’officier de l’état civil doit cependant s’entretenir individuellement avec chacun des deux époux « lorsqu’il a des raisons de craindre (…) que le mariage envisagé soit susceptible d’être annulé » pour défaut de consentement.

Une telle appréciation de l’officier de l’état civil peut résulter des pièces du dossier fourni par les futurs époux, des éléments recueillis au cours de l’audition commune, ou encore « des éléments circonstanciés extérieurs reçus, dès lors qu’ils ne sont pas anonymes », en application de l’article 63 du code civil.

● Au regard des documents fournis par les époux et des auditions auxquelles il a procédé, l’officier de l’état civil peut estimer qu’il existe des « indices sérieux » laissant présumer que le mariage n’est pas valide pour défaut de consentement. En vertu d’une jurisprudence constante, une telle absence de consentement est par exemple caractérisée lorsque le mariage est envisagé dans un but autre que matrimonial ([9]).

Dans une telle hypothèse, l’officier de l’état civil doit saisir le procureur de la République en application de l’article 175-2 du code civil ([10]). Il appartient alors à celui-ci, le cas échéant après une enquête d’une durée maximale d’un mois renouvelable une fois, de laisser procéder au mariage ou de s’opposer à sa célébration ([11]).

● Il résulte de ce qui précède que l’officier de l’état civil ne dispose d’aucune information sur le droit au séjour du futur époux étranger sur le territoire national.

Les pièces requises par l’article 63 du code civil étant strictement limitatives, l’officier de l’état civil ne peut en effet exiger d’un futur époux étranger la preuve de la régularité de son séjour. Il ne peut pas non plus rechercher lui-même une telle information, en sollicitant par exemple les services de l’État ([12]).

Faute de disposer d’informations à ce sujet, l’officier de l’état civil n’est donc pas en mesure de mettre en avant l’irrégularité du séjour d’un futur époux étranger au titre des « indices sérieux » sur l’absence de validité du mariage lorsqu’il saisit le procureur de la République en application de l’article 175-2 du code civil.

Au demeurant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel interdit de considérer que l’irrégularité du séjour constitue à elle seule un « indice sérieux » de l’absence de validité du mariage au titre de l’article 175-2 précité. Le Conseil constitutionnel a en effet jugé que « le législateur, en estimant que le fait pour un étranger de ne pouvoir justifier de la régularité de son séjour constituerait dans tous les cas un indice sérieux de l’absence de consentement, a porté atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage » ([13]).

  1.   Le dispositif proposÉ par le sÉnat

● Issu de l’amendement n° 10 du rapporteur de la commission des Lois du Sénat M. Stéphane Le Rudulier, adopté en séance publique avec l’avis favorable du Gouvernement, le présent article instaure une obligation pour le futur époux de nationalité étrangère de transmettre à l’officier de l’état civil tout élément permettant d’apprécier la régularité de son séjour sur le territoire français.

● Il convient de relever que l’amendement adopté par le Sénat insère cette nouvelle obligation à l’avant-dernier alinéa de l’article 63 du code civil, et non au 1° dudit article qui liste les pièces ou indications dont la transmission subordonne la publication des bans et par voie de conséquence la célébration du mariage.

En conséquence, la transmission des éléments sur la régularité du séjour du futur époux n’est pas, aux termes de la rédaction adoptée par le Sénat, une condition préalable à la publication des bans, comme l’a souligné l’auteur de l’amendement lui-même : « la démonstration de la régularité du séjour serait dissociée de la fourniture des pièces qui subordonnent la célébration du mariage, le nouvel alinéa de l’article 63 du code civil étant volontairement exclu de l’énumération par le 1° du même article 63 » ([14]).

Ce choix de ne pas subordonner la célébration du mariage à la production de pièces justifiant la régularité du séjour de l’époux étranger s’explique par la volonté de respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel précitée ([15]).

● Le dispositif proposé par le Sénat permet en revanche à l’officier de l’état civil d’inclure ces éléments au titre des « indices sérieux » sur l’absence de validité du mariage dans sa saisine au procureur de la République fondée sur l’article 175-2 du code civil.

Ainsi que le met en exergue l’auteur de l’amendement, « cette pièce justificative supplémentaire ne serait qu’un des éléments constitutifs d’un faisceau d’indices permettant à l’officier de l’état civil de présumer qu’il fait face à un mariage arrangé ou simulé » ([16]).

Une telle possibilité de tenir compte de l’irrégularité du séjour de l’époux dans le cadre d’un faisceau d’indices convergents est en effet admise par le Conseil constitutionnel, qui a jugé que « le caractère irrégulier du séjour d’un étranger peut constituer dans certaines circonstances, rapproché d’autres éléments, un indice sérieux laissant présumer que le mariage est envisagé dans un but autre que l’union matrimoniale » ([17]).

  1.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

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Adopté par la commission sans modification

 

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit qu’à défaut de réponse du procureur de la République dans le délai de quinze jours à compter de sa saisine par l’officier de l’état civil, ledit procureur est réputé avoir décidé un sursis de deux mois à la célébration du mariage.

Il porte en outre d’un à deux mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée, la durée maximale du sursis à la célébration du mariage prononcé par le procureur de la République, dans l’attente des résultats de l’enquête que celui-ci a diligentée.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 35 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a rendu obligatoire la saisine du procureur de la République par l’officier de l’état civil, lorsqu’il existe selon ce dernier des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé.

Cet article a également inclus les entretiens individuels avec les futurs époux au titre des éléments susceptibles d’être pris en compte par l’officier de l’état civil pour justifier des indices sérieux d’absence de validité du mariage.

  Position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

  1.   L’État du droit

● En application de l’article 175-2 du code civil, l’officier de l’état civil a l’obligation de saisir sans délai le procureur de la République lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 ([18]) ou 180 ([19]) du même code pour absence de consentement. Il informe les intéressés de cette saisine.

Dans les quinze jours de sa saisine, le procureur est tenu de prendre une des trois décisions suivantes : (i) laisser procéder au mariage ; (ii) faire opposition à celui-ci ; ou (iii) décider de surseoir à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder. Sa décision motivée est notifiée à l’officier de l’état civil et aux intéressés.

L’enquête diligentée par le procureur de la République en cas de sursis à la célébration du mariage a pour objet de caractériser l’absence d’intention matrimoniale des futurs époux. En application de la jurisprudence, la charge de la preuve repose en effet sur celui qui conteste la validité du mariage.

Comme le rappelle une circulaire du ministère de la Justice, « lorsque le ministère public entend (…) surseoir ou faire opposition à la célébration du mariage (…) il lui revient de démontrer que le projet de mariage (…) est dépourvu de volonté matrimoniale. Ainsi, il doit établir que le consentement a été donné non dans l'objectif d'être engagé dans les véritables liens qui découlent du mariage, mais seulement afin d'en obtenir un ou plusieurs effets secondaires ; par exemple un titre de séjour, la nationalité française (…) » ([20]).

Le sursis à la célébration du mariage ne peut excéder une durée d’un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. À l’expiration du délai de sursis, le procureur décide s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’oppose à sa célébration, sur le fondement de l’article 146 ou de l’article 180 du code civil.

En l’absence d’opposition du procureur de la République, l’officier de l’état civil est tenu de célébrer le mariage, et ce quels que soient ses doutes personnels sur la validité dudit mariage ([21]).

● Les prérogatives du procureur de la République s’exercent sous le contrôle du juge judiciaire.

La décision de sursis ou son renouvellement est en effet susceptible d’être contestée par l’un ou l’autre des futurs époux devant le président du tribunal judiciaire, qui statue dans les dix jours. En cas d’appel, la cour d’appel doit se prononcer dans le même délai.

Le tribunal judiciaire est également compétent pour connaître d’un recours de la décision du procureur de s’opposer au mariage. Dans le cadre d’une telle demande, le tribunal doit également statuer dans le délai de dix jours ([22]). Selon les données communiquées à votre rapporteur, 343 demandes en mainlevée de l’opposition du procureur à la célébration du mariage ont été introduites devant les tribunaux judiciaires en 2023.

  1.   Le dispositif proposÉ par le sÉnat

L’article 1er B est issu de deux amendements identiques ([23]), adoptés en séance publique au Sénat avec un avis favorable de la commission des Lois et un avis de sagesse du Gouvernement.

Il porte la durée maximale du sursis à la célébration du mariage d’un mois à deux mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée, afin de donner davantage de temps pour mener l’enquête diligentée par le procureur de la République.

Le présent article prévoit en outre qu’à défaut de réponse du procureur de la République dans le délai de quinze jours à compter de sa saisine par l’officier de l’état civil, celui-ci est réputé avoir décidé un sursis à la célébration du mariage pour une durée de deux mois.

Il en résulte que quinze jours après la saisine de l’officier de l’état civil, le sursis de deux mois à la célébration du mariage est de plein droit, sauf décision contraire du procureur de la République.

  1.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

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Adopté par la commission sans modification

 

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er crée un nouvel article 143-1 au sein du code civil qui interdit à une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national de contracter un mariage.

  Dernières modifications législatives intervenues

Néant.

  Position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

  1.   L’État du droit
    1.   Le mariage avec un conjoint de nationalité française est de nature à faciliter la régularisation et la naturalisation de l’époux étranger

● Le mariage ne confère pas par lui-même un droit au séjour aux étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire national. La carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », prévue à l’article L. 423-1 du CESEDA, ne peut en effet être attribuée à une personne étrangère mariée à un ressortissant français lorsque celle-ci n’est pas en mesure de justifier de son entrée régulière sur le territoire français ([24]).

Le mariage ne fait pas non plus obstacle en tant que tel à la mise en œuvre d’une obligation de quitter le territoire (OQTF). Aux termes de l’article L. 631-2 du CESEDA, une personne de nationalité étrangère doit être mariée depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française pour échapper à toute mesure d’expulsion du territoire français.

● Cependant, le mariage avec un conjoint de nationalité française est de nature à faciliter la régularisation du droit au séjour de l’époux étranger.

S’agissant d’une personne entrée régulièrement sur le territoire français mais qui s’y serait maintenue irrégulièrement, celle-ci bénéficie de la carte « vie privée et familiale » d’une durée d’un an ([25]), dès lors qu’elle justifie d’une vie commune et effective de six mois en France avec son conjoint.

Quant à une personne entrée irrégulièrement sur le territoire national, elle peut facilement régulariser sa situation une fois mariée, en obtenant un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) dans son pays.

À l’expiration de la carte « vie privée et familiale » ou de la VLS-TS, le conjoint d’une personne de nationalité française peut demander l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle « vie privée et familiale » d’une durée de deux ans ([26]).

Enfin, l’étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français peut se voir délivrer une carte de résident d’une durée de dix ans, à condition notamment qu'il séjourne régulièrement en France depuis trois ans et que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage ([27]).

● Le mariage avec un conjoint de nationalité française est également de nature à faciliter la naturalisation de l’époux étranger.

Après quatre ans de mariage, le conjoint d’une personne de nationalité française peut en effet procéder à une « déclaration de nationalité », à condition notamment que « la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux » ([28]).

Il s’agit d’une procédure simplifiée par rapport à la procédure de droit commun, qui exige notamment une durée minimale de résidence sur le territoire français de cinq ans.

  1.   Un mariage contracté afin d’obtenir un titre de séjour ou d’acquérir la nationalité française est nul et répréhensible

● En l’état de la jurisprudence, un mariage contracté en vue de l’obtention d’un titre de séjour est nul pour défaut de consentement, en l’absence de toute intention matrimoniale réelle ([29]).

Comme le résume une circulaire du ministère de la justice, « à chaque fois que les époux se sont prêtés à la cérémonie en vue d'atteindre un effet étranger ou secondaire au mariage, avec l'intention de se soustraire aux autres conséquences légales, le consentement au mariage exigé par l'article 146 du code civil fait défaut et leur mariage est nul, faute de véritable intention matrimoniale. La notion de mariage simulé peut donc s'entendre de tout mariage que ne repose pas sur une volonté libre et éclairée de vouloir se prendre pour mari et femme, qu'il ait été conclu exclusivement à des fins migratoires ou pour obtenir un avantage (…) » ([30]).

● Sur le plan répressif, l’article L. 823-11 du CESEDA punit de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amendement « le fait, pour toute personne, de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française » ([31]). En 2024, environ 700 personnes ont été mises en cause sur le fondement de ces dispositions, selon le service statistique ministériel de la sécurité intérieure ([32]).

Au surplus, lorsqu’il a été établi que le mariage a été contracté dans le but exclusif d’obtenir un titre de séjour, il appartient au préfet de « faire échec à cette fraude et de refuser à l’intéressé, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la carte de résident » ([33]).

  1.   En l’état du droit, ni l’officier de l’état civil ni le procureur de la République ne peuvent s’opposer à la célébration d’un mariage au seul motif que l’époux étranger est en situation irrégulière sur le territoire français

L’officier de l’état civil n’a pas le pouvoir de s’opposer lui-même à un mariage, pour défaut du consentement, comme le rappelle la circulaire du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés : « le maire qui refuse de célébrer un mariage alors que le parquet n'a pas fait connaître de décision d'opposition ou de sursis à mariage commet une voie de fait et s'expose à une condamnation à des dommages et intérêts » ([34]).

En application des articles 432-1 et 432-7 du code pénal, un officier de l’état civil qui s’opposerait de façon illégale à la célébration d’un mariage encourrait une peine de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ainsi qu’une peine complémentaire d’inéligibilité.

En cas d’« indices sérieux » laissant présumer l’absence de validité du mariage, l’état civil ne peut que saisir le procureur de la République, qui seul a le pouvoir de s’opposer au mariage sur le fondement de l’article 175-2 du code civil.

● Cependant, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le procureur de la République ne peut s’opposer au mariage au seul motif que le futur époux se trouverait en situation irrégulière sur le territoire national.

Dans une décision du 20 novembre 2003, le Conseil a en effet retenu que la préservation de la liberté matrimoniale, qui a valeur constitutionnelle ([35]) et conventionnelle ([36]), interdit de conditionner la célébration d’un mariage à la régularité du séjour sur le territoire français d’un époux de nationalité étrangère : « le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la déclaration de 1789, s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé » ([37]).

Le Conseil constitutionnel a, sur ce fondement, censuré une disposition de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 ([38]), qui faisait de l’absence de justification de la régularité du séjour un « indice sérieux » d’absence de validité du mariage au titre de l’article 175-2 du code civil.

Il a également censuré une autre disposition de cette loi, qui prévoyait que l’officier de l’état civil informait immédiatement le préfet de la situation irrégulière du futur époux, au motif qu’un tel signalement était de « nature à dissuader les intéressés de se marier ; qu’ainsi, [ces dispositions] portent atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage » ([39]).

● Le Conseil constitutionnel rappelle toutefois que la liberté du mariage « ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage dès lors que, dans l’exercice de cette compétence, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » ([40])

Le Conseil a précisé à ce titre que « la liberté du mariage […] ne fait pas obstacle à ce que le législateur prenne des mesures de prévention ou de lutte contre les mariages contractés à des fins étrangères à l’union matrimoniale » ([41]).

  1.   Le dispositif proposÉ par le sÉnat

● L’article 1er crée un article 143-1 au sein du code civil, aux termes duquel « le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national ».

Ce nouvel article s’insère ainsi dans le chapitre Ier relatif aux « qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage » du titre V du livre Ier du code civil.

La régularité du séjour sur le territoire national du futur époux étranger constitue ainsi une nouvelle condition pour être en capacité juridique de contracter un mariage, au même titre que la majorité des époux ([42]), l’absence de situation de polygamie ([43]) ou encore l’absence de liens de consanguinité entre les époux ([44]).

 

 

 

● Il sera relevé que d’autres pays européens, tels que la Suisse, le Danemark et l’Angleterre, subordonnent la célébration du mariage au caractère régulier du séjour du futur époux de nationalité étrangère, tandis que les Pays-Bas vérifient que les époux en situation irrégulière n’ont pas l’intention de s’établir sur le territoire national ([45]).

 

  Exemple des législations danoise et suisse

 

« Les législations danoise et suisse conditionnent la validité du mariage à la régularité du séjour des futurs époux selon des particularités et un cadre constitutionnel qui leur sont propres.

S’agissant de la législation danoise, l’article 11a de la loi sur la formation et la dissolution du mariage prévoit que le mariage ne peut être contracté que si chacune des parties a la nationalité danoise ou séjourne légalement au Danemark, sauf si des circonstances très particulières (par exemple, la durée du séjour de l'étranger au Danemark), justifient une telle union, auquel cas l'autorité, qui doit examiner les conditions du mariage, peut autoriser le mariage.

S’agissant de la législation suisse, la célébration du mariage est conditionnée à la preuve, par les futurs époux de nationalité étrangère, de la légalité de leur séjour en Suisse, ou, à défaut, à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue de la préparation du mariage. Selon l’article 98 du code civil suisse aliéna 4, les futurs époux de nationalité étrangère doivent en effet établir la légalité de leur séjour en Suisse au cours de la procédure préparatoire au mariage. Toutefois, les personnes en séjour irrégulier qui désirent se marier ont la possibilité de déposer une demande d’autorisation de séjour en vue de la préparation du mariage. Une telle autorisation est délivrée si les conditions suivantes sont remplies :

- absence d’indices que la personne requérante entend, par l’institution du mariage, invoquer abusivement les règles sur le regroupement familial ;

- la personne requérante doit remplir manifestement les conditions d’une admission en Suisse après son union.

À défaut de preuve du séjour légal, l’officier de l’état civil compétent fixe un délai raisonnable à la personne concernée pour produire les documents requis afin de régulariser la situation. Si au terme de ce délai, aucun document attestant de la légalité du séjour n’est produit ou que l’autorisation de séjour provisoire en vue du mariage est refusée, l’officier de l’état civil informe la personne concernée de son refus de célébrer le mariage et communique à l’autorité migratoire compétente l’identité et le domicile actuel de la personne concernée ».

Source : Direction des affaires civiles et du sceau, ministère de la Justice, réponse au questionnaire de votre rapporteur.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a validé à ce titre la possibilité pour les États membres d’obliger les ressortissants étrangers à fournir des informations relatives à la régularité de leur droit au séjour aux fins de lutter contre les mariages frauduleux : « Un État contractant peut légitimement subordonner le droit d’un étranger de se marier à des conditions raisonnables en vue de rechercher si le mariage envisagé est un mariage de complaisance et, le cas échéant, d’empêcher une telle union. (…) Pareil contrôle peut prendre la forme d’une obligation imposée aux ressortissants étrangers de signaler aux autorités leur projet de mariage et, si nécessaire, de fournir des informations relatives à leur situation au regard de la législation sur l’immigration et à l’authenticité de leur mariage » ([46]).

  1.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

 


   Compte rendu des débats

Lors de sa première réunion du lundi 16 juin 2025, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à renforcer les prérogatives des officiers de l’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés (n° 1008) (M. Éric Michoux, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/4pFkqA

M. le président Florent Boudié. Le groupe UDR a choisi d’inscrire une proposition de loi déposée par le sénateur Stéphane Demilly le 11 décembre 2023 et adoptée par le Sénat le 20 février 2025.

M. Éric Michoux, rapporteur. « Bon sens républicain », « œuvre utile pour protéger les maires », « nécessaire clarification », « proposition de loi simple et logique » : voilà quelques-unes des déclarations accueillant la proposition de loi que nous examinons, déclarations que j’ai entendues lors des auditions que j’ai menées auprès des représentants de maires, notamment l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et l’Association des maires ruraux de France (AMRF).

Je les ai également recueillies auprès de M. Stéphane Wilmotte, maire UDI de la ville d’Hautmont, dans le Nord, au courage duquel je tiens à rendre hommage. Ce maire a en effet été attaqué en justice et a subi pressions et menaces multiples pour n’avoir fait que son devoir en refusant de marier un imam salafiste algérien, dont la mosquée avait été fermée pour apologie du terrorisme et qui était sous le coup d’un arrêté d’expulsion du territoire français.

La proposition de loi a précisément pour but de mettre fin à une situation « ubuesque », selon le mot même du président de la République. En tant qu’élus, nous en connaissons malheureusement tous, de ces situations où le maire est contraint de procéder à un mariage qu’il sait pertinemment être frauduleux et destiné exclusivement à régulariser le séjour de l’époux étranger – des situations où le premier magistrat de la commune est contraint de se rendre complice d’un détournement de la loi orchestré par l’époux étranger.

J’en prendrai un seul exemple : ces derniers mois, dans ma circonscription, à Montpont-en-Bresse, une maire a été obligée de marier Danielle, de santé fragile après un AVC, avec Fadi, un Tunisien avec lequel elle a une différence d’âge de quarante-deux ans, qui fait l’objet d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui n’a pas de logement ni de travail et qui a fait la connaissance de Danielle sur Facebook, où il l’a immédiatement demandée en mariage. Cette maire a tout simplement été abandonnée par les pouvoirs publics. J’aurais également pu évoquer le cas de Robert Ménard, à Béziers, ou celui, encore plus récent, de Mme la maire LR de Bourg-lès-Valence, Marlène Mourier.

Contraindre les maires à célébrer de tels mariages revient à décrédibiliser les institutions, à démoraliser les élus de terrain et à nourrir la défiance des citoyens à l’égard de la puissance publique. Légitimement, en effet, nos concitoyens ne comprennent pas comment il est possible que le maire, garant de l’ordre républicain dans sa commune, doive marier des personnes qui sont sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français. Ces situations démoralisent les maires qui y sont confrontés, qui hésitent souvent à se représenter lorsqu’ils deviennent les complices involontaires d’un tel détournement de la loi. Ce n’est pas moi qui fais ce constat, mais les représentants des associations de maires eux-mêmes.

La proposition de loi du sénateur Stéphane Demilly, du groupe Union centriste, vise à remédier à cette situation pour protéger nos maires. Lors de son dépôt, elle contenait un article unique dont l’objet est simple : interdire aux personnes de nationalité étrangère qui se trouvent en situation irrégulière sur notre territoire de contracter un mariage. Son objectif est tout aussi simple : mettre fin au détournement du mariage comme outil de régularisation et protéger nos maires.

Lors de son examen au Sénat, la proposition de loi a été enrichie de deux dispositions bienvenues : d’une part, obliger l’époux étranger à transmettre à l’officier de l’état civil tout élément lui permettant d’apprécier sa situation au regard de son droit au séjour ; d’autre part, renforcer les prérogatives du procureur de la République, notamment en allongeant d’un à deux mois le délai de l’enquête pour prouver l’absence d’intention matrimoniale des époux.

Cette proposition de loi est transpartisane : déposée par un sénateur centriste, elle est soutenue par le ministre de la Justice et a été largement adoptée par le Sénat. J’espère que nos débats seront apaisés et constructifs, à la hauteur de l’enjeu soulevé par ce texte, car nos maires, qui sont en première ligne, le méritent.

M. Hervé de Lépinau (RN). La finalité d’une loi est d’être applicable et appliquée. À ce titre, les lois ne sauraient se contredire entre elles ni accorder à ceux qui les enfreignent les mêmes droits qu’à ceux qui les observent. En France, lorsqu’un étranger épouse une personne française, il peut bénéficier de facilités de séjour et obtenir la nationalité française au bout de quatre à cinq ans, selon les cas. Ce droit est aujourd’hui exploité à des fins migratoires par certains individus ne respectant pas nos lois, avec le soutien d’associations telles que la Cimade, l’Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour (Ardhis) ou Les Amoureux au ban public. De nombreuses personnes étrangères détournent ainsi la formalité du mariage pour se maintenir sur le territoire national.

Bien que ce phénomène reste difficile à quantifier précisément, les chiffres du ministère de la Justice indiquent un doublement du nombre des enquêtes pour mariage frauduleux entre 2017 et 2022, en très grande majorité lié à des suspicions de mariage dits blancs ou gris. En première ligne, les maires sont de plus en plus nombreux à devoir célébrer des mariages impliquant des étrangers en situation irrégulière, sous peine d’être poursuivis pour discrimination ou empêchement illégal d’appliquer la loi au sens des articles 432-1 et 432-7 du code pénal. Le maire de Béziers risque ainsi jusqu’à cinq ans de prison et une peine d’inéligibilité pour avoir refusé de marier un Algérien sous OQTF, pourtant signalé par ce même maire aux services de l’État, qui n’ont pas procédé à son expulsion.

Le Rassemblement national donne l’alerte depuis de nombreuses années en dénonçant cette situation kafkaïenne. En 2023, nous avions déposé, avec mes collègues Hélène Laporte et Christophe Bentz, une proposition de loi visant à lutter contre les mariages impliquant des étrangers en situation irrégulière. Le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrit parfaitement dans cette logique. Nous soutiendrons donc son adoption rapide afin de protéger les maires qui refusent de participer au dévoiement du mariage et de mettre un terme définitif à cette pompe aspirante de l’immigration irrégulière.

Mme Emmanuelle Hoffman (EPR). Le texte que nous examinons, issu de l’initiative du groupe Union centriste au Sénat, répond à une préoccupation réelle et largement partagée sur nos territoires : la difficulté que rencontrent de nombreux maires confrontés à des mariages impliquant des personnes en situation irrégulière et, parfois, à des soupçons de mariage simulé ou arrangé. Ce débat, relancé par des actualités récentes et la mobilisation d’élus locaux, traduit l’attente forte de nos concitoyens, mais aussi le désarroi de nombreux maires. Il n’est pas acceptable que ceux-ci se sentent abandonnés par le système lorsqu’ils souhaitent exercer leur vigilance.

Il était donc légitime que le Parlement se saisisse de cette question. Nous devons en effet garantir à la fois la protection de nos administrés, donner aux officiers d’état civil les moyens de détecter des situations problématiques et répondre à la demande d’accompagnement exprimée par les élus locaux. C’est dans cet esprit que nous saluons les avancées apportées par les articles 1er A et 1er B, qui permettent d’introduire davantage de souplesse et de discernement dans l’appréciation des situations. Ces mesures sont de nature à mieux protéger les personnes se trouvant en situation de vulnérabilité, tout en évitant de porter atteinte à la liberté matrimoniale, à laquelle nos concitoyens sont attachés. Certaines femmes sont encore contraintes d’accepter des mariages simulés ou arrangés.

En revanche, l’article 1er pose un problème majeur de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 20 novembre 2003, que « le respect de la liberté du mariage […] s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage l’intéressé ». Maintenir cet article exposerait donc la proposition de loi à une censure certaine. Sa suppression est donc, pour notre groupe, une condition indispensable à tout soutien au texte. Nous sommes favorables à des mesures qui protègent, mais nous refusons toute atteinte disproportionnée à la liberté matrimoniale. C’est ce juste équilibre que nous défendrons tout au long de l’examen de ce texte.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Avec ce texte, vous nous prouvez encore une fois que, malheureusement, les obsessions identitaires des droites, désormais unies dans leur diversité pour s’en prendre aux étrangers, n’ont plus de limites : après l’ignoble suppression du droit du sol à Mayotte présentée par le groupe de Laurent Wauquiez, ses anciens amis ciottistes et nouveaux alliés de Marine Le Pen s’attaquent désormais à ce qu’il y a de plus sacré : l’amour et le droit de former une famille.

De fait, cette loi dit qu’une personne, parce qu’elle est sans papiers à un moment donné – ce à quoi il peut y avoir de nombreuses bonnes raisons, comme le fait que les préfectures ne donnent pas les rendez-vous où ces papiers pourraient être délivrés –, serait indigne d’aimer et de fonder une famille, indigne d’un droit aussi élémentaire que celui de se marier. On savait, au moins depuis le mariage pour tous, que la droite ne respecte plus l’institution du mariage, mais vous passez maintenant un cap dans l’ignominie. Cette proposition transforme nos maires en agents de tri humain. Elle fait de l’état civil un poste-frontière, elle rompt avec l’universalité de la République – cette République qui ne classe pas les gens selon leur statut, mais qui les reconnaît tous comme égaux en dignité.

Ne soyons pas dupes : sous prétexte de lutter contre les mariages frauduleux – 406 seulement ont été signalés par le parquet en 2022, sur plus de 250 000 unions célébrées chaque année –, c’est l’amour qu’on suspecte. Les dispositions permettant de relever à deux mois renouvelables le sursis à la célébration du mariage sont particulièrement inquiétantes. Les étrangers sont déjà soumis à un contrôle très approfondi de leur vie intime dès lors qu’ils projettent de se marier avec une personne française : avec des visites à domicile, des auditions et des questions intrusives, leur vie est passée au peigne fin. Avec un tel texte, ces contrôles seront renforcés et étendus, et l’intrusion de l’administration dans la vie intime de nos concitoyens sera sans limites. On fait donc peser une suspicion généralisée sur les couples mixtes, sur les étrangers – or, chers collègues, pour sa robe, la mariée n’est pas obligée de choisir du blanc.

Ce texte est répugnant. Au nom de la liberté d’aimer, de la dignité humaine et de la République une et indivisible, le groupe La France Insoumise – Nouveau Front populaire s’y opposera de toutes ses forces.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Cette proposition de loi est une nouvelle dérive de la droite et de l’extrême droite, qui ont, cette fois, décidé de s’attaquer au mariage et, avec lui, à nos principes républicains et constitutionnels. Ce texte veut supprimer la possibilité pour les étrangers en situation irrégulière de se marier, ce qui est parfaitement contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à nos engagements internationaux. C’est, aussi, parfaitement inutile, le mariage n’empêchant pas plus le préfet de prononcer une OQTF qu’il ne permet à un étranger d’obtenir un titre de séjour ou d’acquérir la nationalité française dans l’immédiat.

Le texte veut également renforcer les contrôles sur les mariages frauduleux, mais c’est également inutile, car notre arsenal juridique permet déjà de lutter contre les mariages simulés ou arrangés. Lorsqu’un maire a un doute, il doit saisir le procureur de la République, à qui il revient de décider, après enquête, si le mariage doit avoir lieu. C’est précisément la procédure qui a été suivie, voilà quelques semaines, à Bourg-lès-Valence, dans la Drôme, et qui a conduit le procureur à valider une union. La maire a néanmoins décidé d’aller à l’encontre de la décision du procureur, donc de se placer dans l’illégalité. C’est une faute

Cette proposition de loi n’est donc qu’un énième faux-semblant. Sous prétexte de vouloir protéger les maires, vous remettez en cause une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle. Sous prétexte de renforcer la lutte contre les mariages frauduleux, vous généralisez le soupçon contre certains couples en fonction de leur origine, de leur statut ou de leur situation sociale. Ce qui est en jeu n’est pas seulement le droit au mariage, mais aussi notre conception d’une République qui ne tolère pas l’instrumentalisation de l’état civil pour servir des postures politiques ou des réflexes identitaires, une République qui ne réécrit pas le droit au fil des peurs et des fantasmes. C’est pourquoi nous nous opposerons fermement à ce texte.

Mme Émilie Bonnivard (DR). Ces derniers mois, plusieurs affaires ont mis en lumière l’absurdité et la schizophrénie de notre droit actuel. L’article 63 du code civil confie au maire la responsabilité de vérifier la réalité du consentement des futurs époux, afin d’empêcher les mariages forcés ou les mariages blancs ou gris, pratique frauduleuse destinée à régulariser par un faux mariage des personnes en situation irrégulière. Dans le même temps, les maires n’ont aucun levier, en cas de doute sérieux, pour suspendre ou refuser une union frauduleuse. Pire, ils peuvent même s’exposer à des sanctions judiciaires alors qu’ils n’ont fait qu’appliquer l’esprit de la loi avec discernement et intégrité. C’est totalement ubuesque. Cette situation aberrante crée une défiance légitime quant à la nécessaire cohérence de notre droit, une défiance envers notre justice et la colère des maires confrontés à des injonctions paradoxales et contraints, sous peine de sanctions, de valider des unions qu’ils savent illégales.

Cette proposition de loi du sénateur Demilly vise à mettre un terme à cette fragilité intrinsèque de notre droit en donnant réellement à nos maires et à notre justice les moyens de mieux identifier et contrôler, et d’éviter les détournements du mariage – droit fondamental qu’il ne s’agit pas de remettre en cause – à des fins de régularisation illégale. Elle vise également à interdire le mariage d’une personne sous OQTF.

Le préalable à une union dont le consentement est sincère devrait être, dans la majorité des cas, la régularité du séjour. Tout risque de recours abusif au mariage à des fins de régularisation serait ainsi tari.

J’indique à nos collègues opposés à ce texte qu’une tribune a été signée par des centaines de maires de sensibilités politiques très différentes, qui ne portent pas de jugement de valeur mais souhaitent simplement avoir les moyens d’appliquer notre droit. Vous leur dites aujourd’hui qu’ils doivent continuer à subir cette situation ubuesque s’ils exercent leur mandat avec probité. Il s’agit tout simplement de mettre en conformité notre arsenal législatif, de protéger nos maires et de faire respecter notre droit sans aucun jugement de valeur.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Nous allons examiner un texte aussi inutile que dangereux, qui propose de faire de la nationalité ou du titre de séjour une condition préalable au mariage – autrement dit, d’interdire le mariage aux personnes étrangères en situation irrégulière. C’est inconstitutionnel, discriminatoire et déjà retoqué à plusieurs reprises. Alors que le Conseil constitutionnel a déclaré que la liberté de se marier était une liberté fondamentale, ce texte revient par la fenêtre en donnant aux maires un pouvoir d’obstruction dont certains n’hésiteront pas à faire un outil de discrimination. Il y a ceux qui ont voulu le mariage pour tous et ceux qui, aujourd’hui, veulent le mariage contre certains.

J’ai grandi à Bègles, dont le maire, Noël Mamère, a désobéi pour unir deux hommes alors que c’était encore interdit. Ce faisant, il a fait grandir la République. Aujourd’hui, ceux-là mêmes qui l’accusaient alors proposent de restreindre ce droit, cette liberté.

Ce texte est xénophobe et liberticide. Il ne protège rien ni ne répond à aucune urgence. Il stigmatise et insinue que certains amours valent moins que d’autres. Rappelons que le mariage ne permet ni une régularisation automatique ni une protection contre l’expulsion. L’arsenal juridique pour lutter contre les mariages frauduleux existe déjà. Ce texte ne vise qu’à flatter vos réflexes identitaires et racistes, à semer la suspicion et à diviser. C’est une offensive contre la France diverse, ouverte et républicaine.

Si vous n’avez pas encore renoncé à votre colonne vertébrale républicaine, ne laissez pas inscrire dans la loi le soupçon d’aimer. Ce n’est pas une ligne du code civil que vous allez modifier, mais une ligne rouge que vous allez franchir.

Collègues centristes, l’histoire se souviendra de votre vote d’aujourd’hui.

M. Éric Martineau (Dem). La liberté matrimoniale est une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle, reconnue à tous ceux qui résident sur le territoire national, quelle que soit leur situation, et elle est dissociée du droit au séjour. Le code civil prévoit quatre limites à la liberté de mariage et il est en effet possible d’empêcher la célébration d’un mariage si un faisceau d’indices précis et concordants laisse présumer que l’intention des futurs époux est étrangère à l’union matrimoniale, mais la situation irrégulière de l’un des conjoints au regard du droit de séjour ne constitue pas, à elle seule, un motif suffisant pour prétendre à une nullité du mariage ou s’opposer à sa célébration. Cette jurisprudence est régulièrement réitérée par le Conseil constitutionnel depuis vingt ans.

Au-delà de ce constat, cependant, cette proposition de loi soulève un problème bien réel. Nous savons que les maires peuvent se retrouver dans l’embarras face à une situation dont ils ont le sentiment qu’elle s’apparente à un mariage arrangé ou simulé sans pouvoir s’opposer à la célébration du mariage sous peine de se voir infliger une peine de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, voire une peine d’inéligibilité. Il y a une question, peut-être même un paradoxe, entre l’interdiction de contracter un mariage dans le but d’obtenir un titre de séjour ou la nationalité française et l’impossibilité pour le maire de s’opposer à la célébration d’un mariage qui présente un tel risque. C’est pourquoi notre groupe est ouvert à une évolution de la loi pour mieux lutter contre les mariages simulés ou arrangés.

Rappelons tout de même que le mariage, s’il peut faciliter certaines démarches, ne donne pas un droit au séjour aux étrangers en situation irrégulière. Nous percevons les ambitions électoralistes d’un tel texte à l’approche des élections municipales, mais nous ne voulons pas mentir à nos concitoyens en leur faisant croire que nous pouvons aussi facilement régler cette situation – lutter contre les mariages arrangés ou simulés et mieux protéger les maires. Notre groupe reste fidèle à ses principes visant à garantir la constitutionnalité des textes que nous votons. En l’état, la proposition de loi porte une atteinte excessive à la liberté de mariage et le groupe Les Démocrates ne peut pas soutenir ce texte.

M. Jean Moulliere (HOR). En juin 2023 Stéphane Wilmotte, maire d’Hautmont, dans le Nord, fait le choix judicieux de ne pas célébrer le mariage d’une Française et d’un ressortissant algérien faisant l’objet d’une OQTF. En effet, ce ressortissant, président d’une mosquée de la ville, était considéré comme dangereux par les autorités et sa mosquée avait d’ailleurs été fermée pour apologie du terrorisme. C’était là une décision de bon sens de la part du maire, en première ligne pour lutter contre le développement d’un islam radical dans sa commune. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais le leader salafiste a décidé de déposer plainte et de traîner Stéphane Wilmotte devant la justice. Nous vivons chez les fous !

Force est de constater que les maires, lorsqu’ils prononcent le mariage, sont parfois confrontés à des situations ubuesques. Cette expérience douloureuse, qui s’est accompagnée de menaces de mort pour le maire d’Hautmont, doit nous faire réfléchir collectivement. Dans ces situations, nos concitoyens se demandent où est passé le bon sens. Nos maires craignent légitimement de faire l’objet de poursuites judiciaires, alors qu’ils avaient pour seul objectif de faire respecter la loi. Nous souscrivons à ces préoccupations : comment comprendre qu’une union soit célébrée alors qu’une obligation de quitter le territoire a été notifiée à un individu dangereux pour la société et le vivre ensemble ? L’État demande à ses maires de célébrer le mariage de personnes qu’il cherche lui-même à éloigner : il y a là une contradiction manifeste.

Dans ce contexte, le groupe Horizons et indépendants estime opportun de faire évoluer notre droit afin d’apporter du bon sens et de protéger nos maires. Tout en soutenant l’esprit de cette proposition de loi, nous notons toutefois que la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce sujet, désormais bien établie, semble rendre inconstitutionnelles ses dispositions, malgré les efforts de rédaction du Sénat. Nous travaillons donc, en vue de la séance publique, à une réécriture du dispositif afin de tendre vers davantage de constitutionnalité.

Mme Elsa Faucillon (GDR). La grand-messe réactionnaire de l’UDR se poursuit donc, avec une interdiction du mariage aux personnes en situation irrégulière. Décidément, l’extrême droite ne peut souffrir l’idée de formuler une seule proposition politique sans discriminer, sans ségréguer ni instiller le poison de la haine et de la division dans notre République. En fait, pour eux, l’étranger ne doit plus se soigner ni travailler, il ne peut pas circuler, il doit rester dans l’ombre et donner sa force de travail en silence. Vous proposez maintenant qu’on lui refuse le mariage dès lors qu’il est en situation irrégulière, alors même que, depuis plusieurs années, les services préfectoraux créent eux-mêmes de l’irrégularité à l’occasion du renouvellement des titres de séjour.

Outre qu’elle est indigne, cette mesure n’intéresse aucunement les Français. Les démêlés judiciaires de Robert Ménard ou de Mme Barèges sont un non-événement pour une grande majorité des citoyens. J’en profite d’ailleurs pour dire ma solidarité à Éva et à Mustapha, de Béziers, qui ont été humiliés le jour qui aurait dû être le plus beau de leur vie et qui sont encore séparés à cause d’un coup de com politique.

Cette proposition de loi vise à priver les personnes en situation irrégulière de la liberté de se marier. Pourtant, le séjour illégal n’est ni un délit ni un crime. L’autrice et le rapporteur de ce texte laissent entendre que tous les mariages entre des personnes irrégulièrement présentes sur le territoire et des Français sont des mariages blancs, arrangés ou, pire encore, de personnes dangereuses qui mettraient en péril les habitants des communes concernées. On est là au cœur des théories racistes qui font de l’étranger quelqu’un de fourbe, d’insincère : c’est une façon de déshumaniser les personnes et d’imposer l’idée que l’amour de certains vaut mieux que celui d’autres gens. Ces mesures sont contraires à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Nous voterons évidemment contre ce texte tout à fait abject.

Mme Brigitte Barèges (UDR). La proposition de loi déposée au Sénat et inscrite par notre groupe dans sa journée réservée est une initiative qui répond à une attente forte et légitime non seulement des élus locaux mais aussi des citoyens, qui nous ont élus pour garantir le respect de la loi sur tout le territoire national. Les maires, premiers représentants de l’État dans les communes, se trouvent souvent dans des situations difficiles qui les contraignent d’agir contre leur conscience et leur devoir, comme l’a montré le cas de M. Stéphane Wilmotte, maire d’Hautmont. Je peux aussi témoigner de ma propre expérience : il m’est arrivé, en vingt ans de mandat, d’avoir de gros doutes quand je mariais des personnes en situation irrégulière, qui parlaient, par exemple, deux langues différentes et ne se comprenaient pas – je pourrais vous citer énormément d’exemples. Malheureusement, les procureurs ne répondent pas toujours dans les délais, de sorte que nous sommes contraints de procéder aux mariages.

Cette proposition de loi vise à mettre fin à un détournement manifeste du mariage à des fins de régularisation au mépris de l’esprit et de la lettre de la loi. Il est essentiel de protéger les maires. Le problème des collègues qui nous font face est qu’ils n’ont jamais exercé de mandat local. Ils ne connaissent donc pas la situation et sont en permanence dans l’angélisme. Nous sommes obligés d’être complices, involontairement, des pratiques que je viens d’évoquer et nous subissons des pressions injustes et des menaces parce que nous voulons exercer nos fonctions avec intégrité.

Au-delà de sa dimension proprement juridique, ce texte apporte une réponse politique forte aux attentes des élus locaux, qui réclament des outils clairs et efficaces pour exercer leur mandat dans la sérénité. Il est urgent de leur redonner confiance, de renforcer leur rôle et de leur assurer une protection réelle face à des dérives qui fragilisent leur autorité et, par ricochet, la confiance des citoyens dans nos institutions.

M. le président Florent Boudié. M. Schreck a demandé à s’exprimer à propos du comptage des votes lors de l’examen de la précédente proposition de loi.

M. Philippe Schreck (RN). Un pur problème de comptage se pose, ce qui peut arriver : nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer les difficultés et l’inconfort causés par cette salle. Les amendements de suppression de l’article unique du texte précédent ont obtenu dix-neuf voix pour et dix-huit voix contre, mais il apparaît en réalité que dix-neuf collègues ont voté contre ces amendements : outre les quinze voix du groupe Rassemblement national, il y avait deux voix du groupe UDR et deux du groupe Les Républicains. Cette erreur de comptage a eu une conséquence : les amendements de suppression n’auraient pas dû être adoptés et la discussion du texte aurait donc dû se poursuivre. Le bureau de la commission doit se saisir de la situation : il est important de corriger cette erreur.

M. le président Florent Boudié. Je vous propose en effet que les membres du bureau de la commission se réunissent à l’issue de l’examen de la présente proposition de loi. Nous allons regarder d’ici là le nombre de collègues présents au moment du vote et nous aviserons ensuite, seul le bureau pouvant prendre une décision à ce sujet. Si une erreur a été commise, elle était en tout cas involontaire.

M. Éric Michoux, rapporteur. Globalement, deux familles d’idées s’opposent. Celle de M. Aurélien Taché et d’autres collègues de sa mouvance politique voit dans cette proposition de loi une volonté raciste ou anti-matrimoniale. Le texte, comme l’ont très bien dit Mme Bonnivard et M. Moulliere, a au contraire pour but de protéger les maires. Il ne s’agit pas de chercher à savoir qui éprouve des sentiments. J’ai évoqué tout à l’heure un cas qui s’est présenté dans ma circonscription : les époux avaient plus de quarante ans de différence d’âge – je ne sais pas quelle technique leur aurait permis de mettre en route une famille –, ne pouvaient pas signer et avaient même oublié leurs alliances. On pourrait divaguer sur une telle question, mais ce n’est pas ce que fait cette proposition de loi. Elle vise, je le redis, à aider les maires. Il a été question de décision historique : c’est tout à fait vrai. Les maires attendent l’adoption de ce texte, auxquels sont favorables 75 % des Français et même 95 % de ceux de droite, au sens large du terme.

Article 1er A (art. 63 du code civil) : Information de l’officier de l’état civil permettant d’apprécier la régularité du séjour des futurs époux sur le territoire français

Amendements de suppression CL1 de M. Paul Christophle, CL12 de Mme Elsa Faucillon, CL15 de M. Aurélien Taché et CL19 de Mme Léa Balage El Mariky

M. Paul Christophle (SOC). Cette proposition de loi tend à supprimer complètement la possibilité pour les personnes en situation irrégulière de se marier. Au fond, nous sommes d’accord : les mariages arrangés sont un détournement d’une institution, et nous nous opposons à tous les détournements d’institution. Seulement, en dehors des questions constitutionnelles, ce qui sous-tend cet article est complètement faux : le mariage, en lui-même, n’empêche nullement les préfets de prononcer une OQTF et ne donne pas droit à une régularisation ni à l’obtention automatique ou immédiate de la nationalité française. C’est pourquoi nous demandons de supprimer cette disposition.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Le Conseil constitutionnel a considéré dans une décision de 2003 que la liberté du mariage était une composante de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 et a estimé que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger ne pouvait faire obstacle à son mariage. Or vous voulez empêcher tout mariage d’une personne en situation irrégulière avec une personne de nationalité française – c’est donc la liberté des deux que vous voulez entraver.

Des règles relatives au contrôle de la validité des mariages existent, et elles sont censées s’appliquer à tous les couples, quelle que soit la nationalité des futurs conjoints. Pourtant, les réformes menées depuis 2003 pour renforcer les contrôles sur les mariages soupçonnés d’être dépourvus de véritable intention matrimoniale visent en particulier les couples franco-étrangers. Il y a, je le redis, une suspicion généralisée, qui ne cesse de se renforcer, comme l’a montré l’adoption de la loi « séparatisme ». La volonté de certains couples de se marier se transforme ainsi en une course d’obstacles. De telles mesures sont non seulement discriminantes mais aussi humiliantes pour beaucoup de couples, qui aspirent simplement à se marier dans notre République.

M. François Piquemal (LFI-NFP). Merci de m’accueillir dans votre commission. Je ne sais pas s’il en est ainsi tous les après-midi, mais ces textes proposés par l’extrême droite ne manquent pas de sel. La précédente proposition de loi tendait à faire en sorte que les politiques accusés de corruption ne soient pas rendus inéligibles et celle-ci vise à empêcher les gens en situation irrégulière de se marier avec un conjoint en situation régulière. L’extrême droite a visiblement un problème aussi bien avec l’honnêteté qu’avec l’amour.

De quoi est-il question ? De 0,01 % des mariages. Selon les chiffres disponibles, parmi les 240 000 mariages qui ont eu lieu en 2022, à peine une trentaine ont été considérés comme issus d’un arrangement. Contrairement à ce qui est dit, ce texte est donc très loin des problématiques des maires. Croyez-vous franchement que leur problème est de savoir s’ils auront le bon document qui prouve que les personnes souhaitant se marier sont consentantes ? C’est plutôt leur charge de travail, le manque de moyens matériels et humains, le fait qu’ils ont à gérer tout un tas de difficultés parce que le gouvernement fait des coupes budgétaires. Il ne faut pas se moquer du monde !

J’ai entendu dire que les citoyens attendaient ce texte. Mais ce qu’ils souhaitent, c’est surtout un peu plus de probité et d’intégrité de la part des élus – la précédente proposition de loi constitue donc un contresens – et des réponses à des questions centrales dans leur vie, comme la santé, l’emploi et l’éducation. À part à contribuer à la course à l’échalote de la xénophobie, je ne vois pas à quoi sert la proposition de loi. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous avez dit que cette proposition de loi visait à protéger les élus, mais elle ne le fera en rien. Par ailleurs, je ne connais pas beaucoup de maires condamnés pour avoir autorisé un mariage, même de personnes en situation irrégulière ; c’est le contraire qui se produit. Le parquet a obligé, notamment, le maire de Bourg-lès-Valence à marier comme il se doit un couple désireux d’exprimer ainsi son amour, de vivre ensemble celui-ci et de le sceller par une cérémonie. En réalité, vous ne protégez pas du tout les maires dans cette affaire : vous vous immiscez dans le sentiment humain le plus profond et le plus sincère qui soit, l’amour d’une personne pour une autre, afin de l’empêcher pour la seule raison que vous ne désirez pas voir des étrangers vivre en France de façon épanouie.

Vous avez bien tort d’agir ainsi : si vous accueilliez les personnes venues en France dans la clandestinité puisqu’elles fuient leur pays, au lieu de les parquer dans des endroits impossibles, si vous leur permettiez de travailler au lieu de les en empêcher, si vous les laissiez vivre leurs histoires d’amour au lieu de les rendre impossibles, non seulement vous honoreriez un peu mieux le serment républicain qui nous lie depuis des siècles, mais vous contribueriez sans doute à ce qu’il y ait moins de désordre dans la société. En allant aussi loin dans la suspicion que vous faites planer sur les étrangers, jusqu’à trouver leur amour suspect, vous salissez une certaine idée de la République et de la politique du lien.

M. Éric Michoux, rapporteur. Permettez-moi de rappeler l’objectif de cet article, issu d’un amendement du rapporteur de la commission des lois du Sénat, M. Stéphane Le Rudulier, adopté avec un avis favorable du gouvernement. Il s’agit de permettre à un officier d’état civil de disposer d’informations pour apprécier la régularité du séjour du futur époux étranger. Les maires ne disposent pas de ces informations. Elles ne sont pas exigées par les textes et surtout les maires ne peuvent pas les demander aux futurs époux étrangers. Selon la jurisprudence, ils ne peuvent pas non plus les rechercher en consultant les services de l’État. Le résultat est qu’un maire peut se retrouver à marier, parfois sans le savoir, une personne qui fait l’objet d’une OQTF.

Cela n’est pas acceptable car la situation irrégulière d’un des futurs époux peut évidemment être un indice sérieux d’un défaut d’intention matrimoniale, donc de la nullité du mariage. Priver le maire d’une information sur la régularité du séjour, c’est le priver de la capacité de remplir correctement son rôle de prévention des mariages frauduleux. Grâce à cet article, soit le maire aura la preuve de la régularité du séjour du futur époux étranger et sera donc rassuré sur ce point, soit il n’en aura pas la preuve et l’absence de justification de la situation régulière pourra fonder, avec d’autres indices, la saisine du procureur de la République. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, la jurisprudence du Conseil constitutionnel l’autorise parfaitement. Je renvoie ceux qui en douteraient au considérant 95 de la décision du 20 novembre 2003 : « Le caractère irrégulier du séjour d’un étranger peut constituer dans certaines circonstances, rapproché d’autres éléments, un indice sérieux laissant présumer que le mariage est envisagé dans un but autre que l’union matrimoniale. »

Pour l’ensemble de ces raisons, l’obligation de transmettre tout élément permettant d’apprécier la régularité du séjour des futurs époux étrangers sur le territoire national est particulièrement opportune. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Le rapporteur nous dit que les maires n’ont pas les moyens d’agir et Mme Barèges que nous n’avons peut-être pas célébré de mariages. Or j’ai été adjointe au maire du 18e arrondissement de Paris, où de nombreux mariages sont célébrés chaque jour. Ce que nous devons faire en tant qu’officiers d’état civil, c’est de vérifier que le consentement est libre et éclairé.

Par ailleurs, des éléments discriminatoires ont été introduits dans la loi : lorsque les époux sont étrangers, un entretien avec le maire ou un de ses adjoints est obligatoire, afin de détecter d’éventuelles intentions frauduleuses. Cela permet déjà de lutter contre ces situations.

Ne nous y trompons pas : cette proposition de loi ne vise pas à protéger les maires mais à discriminer des gens et à rendre leur vie impossible. Si vous avez un conjoint, un époux ou une épouse, l’aimeriez-vous moins, ne souhaiteriez-vous pas être ensemble s’il ou elle perdait son emploi ou se heurtait à une difficulté avec l’administration ? Bien sûr que non, et pourtant ces deux situations conduisent automatiquement à une production massive d’OQTF.

Si vous aviez un peu plus de relations en dehors de votre milieu, souvent fermé, si vous connaissiez des personnes étrangères, qui ont vécu en situation irrégulière ou sont issues d’un mariage mixte, vous comprendriez la violence que constituent déjà les entretiens actuels et les visites à domicile, durant lesquelles on vérifie si les slips sont bien dans la machine à laver et les brosses à dents dans le même pot. Voilà ce que font les agents de l’État pour vérifier si les gens s’aiment !

Nous sommes en train d’abîmer notre République avec cette proposition de loi. Chers collègues centristes, vous courez après le Rassemblement national. Vous feriez mieux de vous arrêter deux secondes pour vous regarder dans la glace.

M. Éric Michoux, rapporteur. Vous avez marié des gens. Grand bien vous fasse ! J’ai été maire pendant plus de vingt ans. Il s’agit de protéger les maires, qui sont exposés à des situations très anxiogènes. Libre à vous de voter contre cette proposition de loi quasiment transpartisane, que l’Association des maires de France et l’Association des maires ruraux de France soutiennent à fond, mais nous devrions protéger les maires – bientôt il n’y en aura plus.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 1er A non modifié.

Article 1er B (art. 175-2 du code civil) : Renforcement des prérogatives du procureur de la République en cas de saisine par l’officier de l’état civil sur la validité d’un mariage

Amendements de suppression CL2 de M. Paul Christophle, CL13 de Mme Elsa Faucillon, CL16 de M. François Piquemal et CL21 de Mme Léa Balage El Mariky

M. Paul Christophle (SOC). Cet article concerne la procédure qui peut être déclenchée, à la demande du maire, par le procureur de la République afin de réaliser une enquête. Le Sénat a souhaité modifier les délais en la matière et faire en sorte que le silence du procureur de la République ne vaille plus acceptation du mariage mais sursis à sa célébration. Il faudrait vraiment que le législateur limite autant que possible les cas dans lesquels le silence de l’administration vaut refus ou sursis à procéder : si elle est surchargée et ne répond pas aux demandes qui lui sont faites, des droits fondamentaux et des libertés peuvent se trouver rognés.

Par ailleurs, il ne s’agit pas d’enquêtes portant sur des organisations de narcotrafiquants mais sur deux personnes qui veulent se marier. Je ne suis donc pas sûr qu’on ait besoin de délais aussi longs pour établir les faits.

Enfin, je rappelle qu’un maire qui ne suivrait pas la décision prise par le procureur de la République – lequel, au terme de l’enquête, n’aurait vu aucune raison de s’opposer au mariage – se placerait dans l’illégalité. Dans ce domaine, en effet, le maire n’a pas de pouvoir d’appréciation : il est officier d’état civil et doit procéder au mariage. S’il s’y oppose, il risque cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Nous souhaitons supprimer cet article qui créerait des entraves supplémentaires pour des gens qui veulent simplement marquer, par leur mariage, leur union et leur amour. Certains d’entre vous ont souligné lors de la discussion générale que toutes ces dispositions étaient contraires à des exigences constitutionnelles. Or les mêmes ont parfois voté pour l’article précédent. Nous sommes des législateurs, et nous siégeons au sein de la commission des lois. On ne peut pas se livrer à des petits marchandages assez insidieux et pervers par lesquels on brade l’ensemble de nos valeurs pour maintenir au pouvoir des gens qui, grâce à des alliances, font du mal au pays. Vous continuez à glisser – je m’adresse bien sûr au bloc central – en généralisant les discriminations, les humiliations subies par les personnes étrangères. Les députés macronistes votent tranquillement en ce sens, peut-être dans l’espoir d’être sauvés par le Conseil constitutionnel, ce qui n’est pas très honorable.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Le procureur de la République peut déjà demander de surseoir à un mariage lorsqu’il estime que c’est nécessaire. Cet article établirait en la matière un délai totalement inédit. J’imagine pourtant que certains collègues se sont déjà mariés : ils savent donc ce que signifient la programmation d’un mariage et le moment dans la vie, le bonheur, que celui-ci doit représenter. Étendre la durée du sursis à la célébration du mariage serait tout simplement indigne. Vous ne cessez de nous dire, chers collègues, que vous voulez protéger les maires, mais alors pourquoi voulez-vous ajouter à leurs missions celle consistant à contrôler la régularité du séjour ? Laissez l’État et la justice faire leur travail. Enfin, quand j’entends dire que ce texte est d’abord tourné vers les maires plutôt que vers les Français, je me dis que nous ne légiférons pas pour les mêmes raisons. Nous proposons de supprimer l’article 1er B et nous espérons sincèrement que ce texte indigne sera rejeté dans son ensemble.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je vais tâcher de démontrer, une fois de plus, que cette proposition de loi est inutile. Le cadre légal actuel permet déjà au parquet de décider de surseoir à la célébration d’un mariage pendant un mois renouvelable une fois, soit deux mois, pour mener une enquête. C’est amplement suffisant dès lors que la saisine de l’officier d’état civil repose sur des indices sérieux de fraude : celle-ci peut déjà être manifeste dans de tels cas de figure. Augmenter d’un mois la durée du sursis au mariage reviendrait à alourdir inutilement la procédure. Vous ne traiterez pas la question de la lutte contre les mariages frauduleux, mais vous ajouterez un outil qui servira d’obstacle systématique à la liberté de se marier. Je finis, franchement, par être dégoûtée : votre vision de la nation est celle du sang ; vous souhaitez non seulement que des personnes ne puissent pas se marier, mais aussi et surtout que leurs enfants ne puissent pas être français et ne soient donc pas en mesure de vous concurrencer un jour dans vos circonscriptions, qu’ils pourraient gagner.

M. Éric Michoux, rapporteur. Lorsque le procureur décide de faire procéder à une enquête, c’est parce qu’il estime que les indices sérieux d’absence de validité du mariage avancés par l’officier de l’état civil sont susceptibles d’être probants. Ce n’est donc pas une décision arbitraire, qui pourrait viser n’importe quel projet de mariage.

Cependant, les délais actuels pour mener une telle enquête sont très courts : un mois, renouvelable une fois par décision motivée. Or certaines enquêtes peuvent être très complexes à mener et nécessitent davantage de temps, surtout au regard de la charge de travail des procureurs.

C’est la raison pour laquelle l’article 1er B porte un tel délai à deux mois, renouvelable une fois. Naturellement, pour les affaires les moins complexes, le procureur pourra clore son enquête sans aller jusqu’au terme de ce nouveau délai de deux mois.

Actuellement, si le procureur de la République ne répond pas dans le délai de quinze jours de sa saisine, il est tenu de laisser procéder au mariage. Or cette règle n’est pas satisfaisante, car cela revient à laisser célébrer des mariages sur lesquels pèsent de forts soupçons de fraude, et ce uniquement parce que le procureur n’a pas eu le temps de répondre au maire.

C’est la raison pour laquelle l’article 1er B inverse le principe : si le procureur n’a pas eu le temps de répondre au maire dans les quinze jours de sa saisine, il est réputé prononcer un sursis de deux mois qui lui permettra de diligenter une enquête. Naturellement, le procureur pourra procéder à la célébration du mariage avant l’expiration du délai de deux mois, s’il estime finalement qu’une telle enquête n’est pas nécessaire. C’est la deuxième innovation de cet article.

Au bout du compte, ces mesures de renforcement des prérogatives du procureur de la République permettront à celui-ci d’approfondir les enquêtes et donc de mieux prévenir les mariages frauduleux. Avis défavorable sur les amendements de suppression.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je me permets d’insister. Comme l’a fait remarquer Léa Balage El Mariky, le droit en vigueur permet déjà de surseoir à statuer à la célébration de mariages sur lesquels plane un doute, afin d’ouvrir une enquête.

François Piquemal a rappelé que ces mariages ne représentaient que 0,01 % des mariages célébrés. Je me demande donc pourquoi vous mobilisez vos propres députés dans le cadre d’une niche parlementaire – ce n’est pas rien, une niche parlementaire – pour si peu de cas qu’on peut, par ailleurs, régler. Je crois profondément que votre proposition de loi alimente des instincts racistes.

À partir du moment où on est conscient que ce n’est pas un véritable fléau, que les actes délictueux peuvent être déjà sanctionnés dans un cadre parfaitement légal, alors on peut passer à l’examen d’autres propositions de loi, peut-être plus importantes pour le pays.

Votre vision de la France est triste, terne, au fond très grise et presque morbide. L’amour est rendu hors-la-loi simplement parce que vous doutez de la sincérité de l’engagement d’une des deux parties, au prétexte que ses papiers ne sont pas en règle. Or, la France, c’est un pays de mémoires immigrées, dont la multitude fait notre richesse. Grâce à cette multitude, notre pays peut s’enorgueillir d’être l’un de ceux où les mariages mixtes sont les plus nombreux.

De nombreux mariages mixtes apparaîtraient actuellement sur vos radars alors même qu’ils devraient être considérés comme légaux. S’ils deviennent illégaux du fait de la situation irrégulière d’un des deux candidats au bonheur, c’est parce que toutes les dispositions que vous avez soutenues ces dernières années ont conduit à étendre le champ des personnes en situation irrégulière et ont rendu leur situation intenable et inhumaine.

M. Hervé de Lépinau (RN). Entre les menaces et les intimidations de l’extrême gauche, j’essaie de déceler quelques arguments. Celui du racisme revient sans arrêt.

J’invite les collègues de l’extrême gauche à faire un peu de droit comparé. Examinez la manière dont la question de la nationalité est traitée en Algérie, en Tunisie, au Maroc, dans les pays d’Afrique subsaharienne, en Asie, en Iran.

Puisque vous voyez du racisme partout je me permets d’évoquer ces pays auxquels vous êtes très attachés, courtisant la clientèle électorale qui en est issue. Par rapport à eux, la France est très libérale.

M. François Piquemal (LFI-NFP). L’extrême droite cultive une vision de la France très au rabais. Vos points de comparaison montrent d’ailleurs que, pour vous, moins il y a de libertés publiques, mieux c’est.

Plus jeune, je vivais en colocation avec un jeune couple dont une des personnes était en situation irrégulière. Ils étaient amoureux, ils voulaient se marier. Une dizaine de contrôles – longs entretiens, contrôle de chacune des pièces – ont été effectués à notre domicile pour vérifier s’ils étaient bien ensemble. Vous souhaiteriez que nos agents s’introduisent dans le lit des gens pour vérifier s’ils s’aiment vraiment. En gros, vous souhaitez faire du mariage un parcours de « Koh Lanta ».

Le fait que vous insinuiez que les personnes seraient insincères du fait de leur situation irrégulière est profondément raciste. En revanche, vous ne vous demandez pas si un politicien corrompu – il y en a au Rassemblement national – pourrait se marier sachant qu’il a déjà trompé des millions de personnes et qu’il pourrait berner son conjoint. Ne vous cachez pas derrière votre petit doigt : cette loi est raciste et, en réalité, vous l’assumez.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL23 de Mme Léa Balage El Mariky

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet amendement de rédaction globale vise à supprimer les atteintes que ce texte porte à la liberté fondamentale de se marier, tout en encadrant strictement le pouvoir de saisine par les maires du procureur de la République.

Certains maires, que vous présentez comme les victimes d’un système, assument ouvertement de refuser de célébrer ces mariages pour des raisons racistes. Avec cette proposition de loi, vous leur offrez un outil de discrimination supplémentaire et non pas un outil de protection. C’est véritablement de cela qu’il s’agit. Certains, plus discrets, l’utiliseront sans s’en faire l’écho sur les plateaux de télévision.

C’est inacceptable dans une République où les maires ont pour mission de garantir l’égalité de toutes et tous devant la loi. Le droit est clair : on ne peut s’opposer à un mariage au seul motif qu’une des personnes est en situation irrégulière. Or c’est ce que vous essayez de faire. Cet amendement de réécriture globale permettra de corriger le tir qui menace directement notre République.

M. Éric Michoux, rapporteur. Avis défavorable.

Sur le fait que la situation irrégulière de l’époux ne saurait constituer un indice de fraude, je ne reviendrai pas sur la situation à laquelle font face de trop nombreux maires, forcés de marier des époux qui n’ont rien à faire sur le territoire français et qui instrumentalisent l’institution du mariage à la seule fin d’obtenir un titre de séjour.

Quant à la possibilité de contester la saisine du procureur de la République par l’officier de l’état civil, elle est inutile car ce qui porte préjudice aux futurs époux, ce n’est pas la saisine en tant que telle, mais plutôt la décision de sursis ou d’opposition du procureur. Or ces deux décisions peuvent d’ores et déjà être contestées devant le tribunal judiciaire dans des délais très courts – dix jours.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Dès lors que vous vous êtes détaché de votre argumentaire, vous avez exprimé le fond de votre pensée, qui correspond à l’objet de cette proposition de loi et révèle la raison pour laquelle vous l’avez inscrite dans cette niche : empêcher des personnes qui sont soumises à une obligation de quitter le territoire de se marier.

Une personne peut faire l’objet d’une OQTF uniquement parce qu’elle a perdu son boulot ou parce que l’administration ne lui a pas fixé un rendez-vous à temps pour le renouvellement de son titre de séjour. Des centaines de personnes qui sont dans cette situation prennent rendez-vous dans nos permanences. Je suis convaincue que vous recevez tout autant de demandes dans la vôtre – cela dit, je ne suis pas certaine qu’elles viennent toquer à la permanence d’un élu du Rassemblement national : elles ne sont pas folles.

En réalité, ces personnes sont parfaitement intégrées, elles vivent en France depuis de nombreuses années, elles ont une vie sociale et familiale. Elles souhaitent simplement avoir une vie amoureuse en France. Avec ce texte, vous les empêcherez de la poursuivre. Vous auriez pu aller jusqu’au bout de votre démarche, en interdisant la conclusion des pacs – pactes civils de solidarité – ou même la vie conjugale. Heureusement, vous vous êtes arrêtés là – peut-être pour garder d’autres mesures en réserve pour 2027. Nous vous en empêcherons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL22 de Mme Léa Balage El Mariky

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet amendement d’appel républicain à destination du bloc central vise à supprimer la disposition instaurant un sursis automatique de deux mois en cas d’absence de décision du procureur de la République, saisi par l’officier d’état civil.

Cet amendement inverse la logique. En république, le principe est la liberté de mariage. L’intervention de l’État ne se justifie que pour prévenir les fraudes, non pour bloquer un mariage par défaut car le parquet tarderait à répondre, ainsi que vous le proposez. J’espère que les collègues du bloc central y seront sensibles.

M. Éric Michoux, rapporteur. Avis défavorable. Cette disposition permet de mettre un terme à la situation dans laquelle on laisse célébrer  des mariages signalés par le maire, donc potentiellement frauduleux, uniquement parce que le procureur de la République, probablement débordé de travail, n’a pas eu le temps de réagir dans le délai de quinze jours de sa saisine.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Pour justifier une telle disposition, il aurait fallu nous fournir des statistiques relatives aux mariages frauduleux constatés et condamnés au regard du nombre de saisines. Or vous en avez été incapable. Cela veut bien dire que votre proposition de loi ne vise pas à empêcher la célébration des mariages frauduleux mais bien celle de l’ensemble des mariages.

M. Éric Michoux, rapporteur. Vous parlez d’amour depuis tout à l’heure. En 2023, environ 700 personnes ont été mises en cause sur le fondement des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui répriment pénalement les mariages frauduleux, ce qui est beaucoup. Voilà les statistiques que vous réclamez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL24 de Mme Léa Balage El Mariky

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Amis macronistes, voici la dernière occasion de vous réveiller. Par cet amendement de repli, nous proposons de supprimer l’allongement de la durée du sursis à la célébration du mariage, qui passerait d’un à deux mois renouvelables. La célébration pourrait ainsi être bloquée durant quatre mois.

Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas précisé le nombre de signalements ou de mariages frauduleux. Vous ne disposez pas de cette statistique car elle n’existe pas ; elle est infinitésimale. Vous allez emmerder – je me permets d’utiliser ce terme vu toutes les horreurs qu’on entend depuis tout à l’heure – les gens pour rien et jeter le soupçon sur l’ensemble des personnes étrangères qui souhaitent se marier.

Enfin, avec cette proposition de loi, vous ne protégerez pas les élus qui célèbrent les mariages ; vous les mettrez plutôt sous pression. Les personnes qui sont dans leur bon droit et qui souhaitent se marier attendront légitimement beaucoup de leurs élus – notamment, qu’ils ne saisissent pas le procureur. Vous verrez : dans un ou deux ans, les élus locaux vous demanderont de revenir sur cette proposition, si tant est que le Conseil constitutionnel ne la censure pas.

M. Éric Michoux, rapporteur. Avis défavorable pour les raisons exposées précédemment. L’allongement de ce délai est nécessaire pour permettre au procureur d’approfondir certaines enquêtes qui peuvent être complexes.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). L’allongement de la durée risque d’aggraver la situation d’une personne qui fait l’objet d’une OQTF, bien qu’elle soit bien intégrée ; c’est ce que nous essayons, en vain, de vous expliquer.

Une personne peut faire l’objet d’une OQTF à la suite de la perte de son travail ou du non-renouvellement à temps de son titre de séjour. En allongeant le délai d’instruction, vous allongez la période de précarité administrative. Vous devriez y réfléchir à deux fois. Je ne m’adresse pas au rapporteur, qui semble convaincu par l’idée de faire la chasse aux étrangers, mais à celles et ceux qui croient flatter un électorat et se donnent un air responsable, tout en assumant de courir après de pareilles horreurs législatives. Votre texte, c’est le musée des horreurs.

L’image que vous voulez donner du pays ne sent pas bon. Après tout, comme il existe peu de cas, admettez que si votre proposition était adoptée, elle aurait peu d’incidence. Nous aurions donc satisfait les fantasmes sadiques de ceux qui, par névrose politique, courent après les étrangers qu’ils suspectent d’être tous en situation irrégulière.

Pensez aussi que d’autres écoutent nos débats. Les parlementaires qui passent leur temps à chercher une parcelle d’insincérité dans le moindre recoin de l’âme des individus ne donnent vraiment pas une belle image de notre pays.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er B non modifié.

Article 1er (art. 143-1 du code civil [nouveau]) : Interdiction pour une personne séjournant de façon irrégulière sur le territoire national de contracter un mariage

Amendements de suppression CL3 de M. Paul Christophle, CL14 de Mme Elsa Faucillon, CL17 de M. Aurélien Taché et CL20 de Mme Léa Balage El Mariky

M. Paul Christophle (SOC). Les arguments que nous développons sur les personnes étrangères ou en situation irrégulière ont visiblement peu d’effet sur vous, monsieur le rapporteur. Pourtant, chaque fois qu’on attaque les droits des étrangers, on réduit ceux des Français. Cela se vérifie dans ce texte : en empêchant un étranger en situation irrégulière de se marier, vous privez un Français d’exercer son propre droit. Je ne sais si vous l’aviez remarqué, mais votre proposition de loi revient à limiter l’accès à un droit fondamental – le mariage – pour les Français aussi.

Le présent article, qui fait obstacle au mariage des étrangers en situation irrégulière, est, soit dit en passant, inconstitutionnel. À tout le moins, vous auriez dû déposer une proposition de loi constitutionnelle. Savez-vous que le procureur de la République peut demander l’annulation d’un mariage lorsqu’il l’estime irrégulier, et ce dans un délai de trente ans ? Considérez-vous ce délai insuffisant pour l’administration ?

M. François Piquemal (LFI-NFP). Ce texte fait écho à notre histoire. Je suis député de Toulouse, ville dans laquelle se trouve un quartier appelé le Mirail, où se situe un grand château. Ce château est né du mariage blanc entre Louis et Jeanne. Louis rencontra Jeanne alors qu’il était marié. À l’époque, au XVIIIe siècle, il fallait faire attention aux conventions : il trouva donc un mari à Jeanne, Guillaume, à qui Louis promit un château en échange de ce mariage blanc. C’est pourquoi, en plein cœur du Mirail, se trouve le château du Barry. Il s’agissait de l’histoire de Jeanne du Barry et de Louis XV ; on peut donc dire qu’il existe une tradition française du mariage arrangé.

Heureusement, la Révolution française est passée par là et a consacré des droits individuels. Selon le Conseil constitutionnel, « le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé ». Le consentement libre et éclairé des personnes est ainsi pris en compte ; on considère que les personnes sont suffisamment émancipées pour choisir la personne avec laquelle elles partageront leur vie.

Vous voulez revenir sur ce principe, en vous en prenant aux personnes en situation irrégulière pour cacher votre racisme, flatter l’extrême droite et alimenter la course à la xénophobie. Voilà votre vrai visage. Mais nous le savions déjà.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). D’autres personnes illustres n’auraient pas eu le droit de se marier si cette proposition avait été appliquée entre 1945 et 1950 – pensez au père de Nicolas Sarkozy, qui était apatride.

En réalité, vous êtes en train d’abîmer l’histoire de France, celle à venir, celle que vos petits-enfants étudieront dans leurs livres d’histoire ou sur leur tablette. Vous êtes en train non seulement d’appauvrir la Franche, riche de sa diversité et de son histoire migratoire, mais également de fragiliser les familles. Nous les rencontrons, nous connaissons leurs parcours parfois chaotiques, nous savons qu’on peut se retrouver sous OQTF parce que le patron n’a pas prolongé le contrat ou parce que l’administration n’a pas renouvelé le titre de séjour.

L’article 1er porte le sceau de votre infamie. Le code civil est un beau livre, celui de l’émancipation, de la liberté. Il nous a permis de sortir d’une France catholique qui imposait aux femmes leurs droits et leurs devoirs. Chers amis du bloc central, si vous votez cet article, vous abîmerez le code civil.

M. Éric Michoux, rapporteur. Encore une fois, il s’agit de mettre fin à une situation parfaitement ubuesque, qui discrédite les institutions, démoralise les élus de terrain et nourrit la défiance des citoyens à l’égard de la puissance publique.

S’agissant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2003, chacun son rôle, chacun ses responsabilités : nous sommes le législateur, nous proposons des lois, le Conseil constitutionnel contrôle leur constitutionnalité. Je suis opposé à une forme d’autocensure du législateur qui s’interdirait de trouver des solutions à un problème majeur rencontré par les maires car il craindrait a priori de se faire censurer par le Conseil constitutionnel.

D’autant que cette décision date de 2003 : depuis, la situation a bien changé, avec une explosion du nombre de situations irrégulières sur notre territoire. À titre d’exemple, le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME) a augmenté de 40 % depuis 2015, et le nombre d’OQTF délivrées est passé de 79 000 en 2015 à 129 000 en 2024, selon les chiffres transmis par la direction générale des étrangers en France.

Je vous répondrai donc que si cette loi est adoptée, c’est au Conseil constitutionnel de prendre ses responsabilités.

Enfin, de nombreux pays européens, y compris dirigés par des gouvernements de gauche, prévoient déjà une telle mesure, en subordonnant le mariage d’un époux à la régularité de son séjour. C’est le cas par exemple au Danemark, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou encore en Suisse. Avis défavorable sur ces amendements.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Ni l’histoire de France, ni les principes républicains ne convainquent le rapporteur et ceux qui soutiennent la proposition de loi. Les situations personnelles et les histoires que nous relatons n’ont pas l’air de vous toucher plus que cela. L’idée que vous délivriez un message allant à l’encontre de l’intérêt même de la France, qui a montré son humanisme profond et son refus de l’obsession xénophobe qui parcourt le monde, non plus.

Reste alors peut-être un message de charité chrétienne pour vous convaincre : souvenez-vous que les sans-papiers les plus célèbres de l’histoire s’appelaient Jésus, Marie et Joseph, et qu’ils ont fui l’Égypte.

M. Olivier Marleix (DR). Jésus, Marie et Joseph n’ont pas fui l’Égypte. Des cours de remise à niveau seraient nécessaires pour certains de nos collègues.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 1er non modifié.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi non modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à renforcer les prérogatives des officiers de l’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés (n° 1008) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 

 


   Personnes entendues

 

 

   Mme Dominique Chappuit, maire de Rosoy, vice-présidente de l’AMRF en charge du programme Élus ruraux relais de l’égalité

   M. Guy Geoffroy, vice-président de l’AMF, maire de Combs-la-ville, président des maires de Seine-et-Marne

   Mme Judith Mwendo, responsable du département Action et Gestion communales

   Mme Charlotte de Fontaines, responsable des relations avec le Parlement

   M. Ludovic Guinamant, sous-directeur du séjour et du travail

   Mme Raphaëlle Wach cheffe de bureau

   Mme Anne-Sophie Verdalle, rédactrice

   Contribution écrite

 

 


([1]) L’article 212 du code civil dispose ainsi que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance », tandis que l’article 213 du même code prévoit que « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir ».

([2]) Nicolas Daragon (maire LR de Valence), Robert Ménard (maire de Béziers), Marlène Mourier (maire LR de Bourg-lès-Valence), Stéphane Wilmotte (maire UDI d’Hautmont), « Nous, maires, demandons l’interdiction des mariages d’étrangers en situation irrégulière ou sous OQTF », Le Figaro, 20 mai 2025.

([3]) Article L. 823-11 du CESEDA.

 

([4]) Sondage de l’institut CSA pour CNEWS, Europe 1 et JDD publié le 23 mai 2025.

([5]) Nicolas Daragon (maire LR de Valence), Robert Ménard (maire de Béziers), Marlène Mourier (maire LR de Bourg-lès-Valence), Stéphane Wilmotte (maire UDI d’Hautmont), « Nous, maires, demandons l’interdiction des mariages d’étrangers en situation irrégulière ou sous OQTF », Le Figaro, 20 mai 2025.              .

 

([6]) Une dispense de publication des bans peut être accordée « pour des causes graves » par le procureur de la République dans l'arrondissement duquel sera célébré le mariage, en application de l’article 169 du code civil.

([7]) Article 146 du code civil : « Il n'y a pas de mariage, lorsqu'il n'y a point de consentement ».

([8]) Article 180 du même code : « Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage ».

([9]) Cass. civ. 1ère, 12 novembre 1998, n° 96-19.701 ; Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2003, n° 01-12.574 : « Le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un but étranger à l’union matrimoniale ».

([10]) Article 175-2 du code civil, alinéa 1er : « Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition ou des entretiens individuels mentionnés à l'article 63, que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146 ou de l'article 180, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe les intéressés ».

([11]) Article 175-2 du code civil, alinéa 2 à 5 : « Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration, dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l'officier de l'état civil, aux intéressés. La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée. À l'expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l'officier de l'état civil s'il laisse procéder au mariage ou s'il s'oppose à sa célébration. L'un ou l'autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal judiciaire, qui statue dans les dix jours. La décision du président du tribunal judiciaire peut être déférée à la cour d'appel qui statue dans le même délai ».

([12]) Réponse du ministre de la justice à la question écrite n° 39197 de Jean Rigaud, JOAN 6 mai 1991, p. 1846 : « L’officier de l’état civil ne peut, sans commettre un détournement de procédure, procéder à des recherches en vue d’établir des éléments de délits relatifs au séjour des étrangers ».

([13])  Conseil constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003.

([14]) Amendement n° 10 de M. Stéphane Le Rudulier, exposé des motifs.

([15]) Conseil constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003.

([16]) Amendement n° 10 de M. Stéphane Le Rudulier, exposé des motifs.

([17])  Conseil constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 95.

([18]) Article 146 du code civil : « Il n'y a pas de mariage, lorsqu'il n'y a point de consentement ». 

([19]) Article 180 du même code : « Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage ».

([20])Ministère de la Justice, circulaire n° CIV/09/10 relative à la lutte contre les mariages simulés, 22 juin 2010.

([21]) Cass. civ. 1ère, 6 févr. 2007, n° 06-10.403 : « Mais attendu que si l'officier de l’état civil peut, sur le fondement de l'article 175-2 du code civil, saisir à nouveau le procureur de la République s'il a recueilli des indices nouveaux laissant présumer une absence de consentement au mariage, il ne peut pas, en ce cas, refuser de procéder à sa célébration à la date fixée, en l'absence d'opposition ou de décision de sursis du procureur de la République ».

([22]) Article 177 du code civil.

([23]) Amendements n° 11 de M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des Lois, et n° 6 rect. de Mme Valérie Boyer.

([24]) CAA Lyon, 1er avr. 2010, n° 09LY00633.

([25]) Article L. 423-2 du CESEDA.

([26]) Article L. 433-4 du CESEDA.

([27]) Article L. 423-6 du CESEDA.

([28]) Article 21-2 du code civil. Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France.

([29]) Cass. civ. 1ère, 1er juin 2011, n° 09-67.805. Voir aussi Cass. civ. 1ère, 6 juill. 2000, n° 98-10.462 : « Attendu qu'en épousant Mme Y..., M. X... avait poursuivi un but contraire à l'essence même du mariage, savoir obtenir un titre de séjour sur le territoire français sans intention de créer une famille et d'en assumer les charges (…) la cour d'appel a souverainement estimé que la démarche suivie par M. X... s'analysait en une absence de consentement au mariage ».

([30]) Ministère de la Justice, circulaire n° n° CIV/09/10 relative à la lutte contre les mariages simulés, 22 juin 2010.

([31]) Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger a dissimulé ses intentions à son conjoint, ainsi qu’en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins.

([32]) M. Stéphane Le Rudulier, Rapport sur la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire, commission des Lois, Sénat, 12 févr. 2025.

([33]) CE, avis 9 oct. 1992, Abihilali, rec. CE, 363.

([34]) Ministère de la justice, circulaire n° n° CIV/09/10 relative à la lutte contre les mariages simulés, 22 juin 2010.

([35]) Cons. constit., décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, décision n° 2006-542 DC du 9 novembre 2006, décisions n° 2012-260 et 2012-261 QPC du 22 juin 2012.

([36]) Article 12 de la convention européenne des droits de l’homme : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ».

([37]) Conseil constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003.

([38]) Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

([39]) Conseil constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003.

([40]) Cons. constit., décision n° 2012-261 QPC du 22 juin 2012.

([41]) Ibid.

([42]) Article 145 du code civil : « Le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus ».

([43]) Article 147 du même code : «On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier ».

([44]) Articles 160 à 163 du même code.

([45]) M. Stéphane Le Rudulier, Rapport sur la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire, commission des Lois, Sénat, 12 févr. 2025.

([46]) CEDH, affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni, n° 34848/07, 14 dec. 2010.