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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 juin 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
portant création de l’établissement public du commerce
et de l’industrie de la collectivité de Corse
PAR M. Jean Moulliere
Député
——
Voir les numéros :
Sénat : 552, 644, 645 et T.A. 131 (2024‑2025).
Assemblée nationale : 1486.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION............................................ 5
Commentaire des articles du projet de loi
Article 4 Dispositions transitoires et modalités d’entrée en vigueur
Le projet de loi portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse est un texte attendu de longue date par les élus corses ainsi que par les personnels des ports et aéroports de l’île. Il s’inscrit dans la droite ligne du processus de renforcement de l’autonomie de la Corse qui s’est traduit par la création d’une collectivité unique en 2018. Il répond également à l’ambition portée par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) sur la réforme des chambres consulaires de l’île. Son adoption définitive rapide est désormais indispensable pour sécuriser la gestion et l’exploitation publiques des infrastructures portuaires et aéroportuaires corses, alors que les concessions aéroportuaires et la concession du port de commerce de Bastia, concédées par la collectivité de Corse à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse échoient au 31 décembre prochain. La création d’un nouvel établissement public du commerce et de l’industrie (EPCI) de Corse en lieu et place de l’actuelle CCI doit y pourvoir en permettant de réattribuer ces concessions sans mise en concurrence, conformément à la dérogation prévue au sein du code de la commande publique pour le régime dit de quasi-régie.
Face à ce constat, sans ignorer l’attente imposée aux élus comme aux personnels et les tensions apparues avec l’État sur le sujet, votre rapporteur considère que ce projet de loi apporte une réponse efficace et consensuelle. La création d’un nouvel EPCI de Corse, dont le conseil d’administration sera majoritairement composé d’élus, permettra en effet de sécuriser au plan juridique le régime de quasi-régie, et, par suite, la possibilité de déroger aux obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par le code de la commande publique. Dans le même temps, les dispositions transitoires prévues au sein du texte, les garanties offertes aux personnels sur leur situation, et le maintien d’une architecture du dialogue social efficace, articulée autour d’un conseil social et économique (CSE) central et de plusieurs CSE d’établissements, ont permis de dégager un véritable consensus. Lors des auditions, l’ensemble des parties prenantes, des syndicats aux exécutifs de la collectivité de Corse et de la CCI de Corse, s’est ainsi prononcé en faveur d’une adoption rapide et conforme de ce projet de loi, afin de permettre au Gouvernement d’avancer sur les textes d’application nécessaires et de stabiliser la base sur laquelle des discussions budgétaires pourront se tenir à l’automne.
Dans cette perspective, votre rapporteur soutient l’adoption conforme du présent projet de loi devant l’Assemblée nationale. Il restera vigilant, toutefois, vis-à-vis de l’adoption des textes réglementaires nécessaires à son application.
*
* *
La commission a adopté le projet de loi portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse sans modification à l’issue de son examen le lundi 30 juin 2025.
Commentaire des articles du projet de loi
Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 1er crée en lieu et place de la CCI de Corse un nouvel établissement public sui generis qui reprend l’ensemble de ses missions. Il place celui-ci sous la tutelle de la collectivité de Corse. Il prévoit enfin la participation majoritaire des élus de Corse au sein de son conseil d’administration, de sorte à caractériser une relation de quasi-régie entre la collectivité de Corse et le nouvel EPCI, condition nécessaire à l’attribution des concessions portuaires et aéroportuaires arrivant à échéance à la fin de l’année 2025 à ce dernier sans satisfaire aux mesures habituelles de publicité et de mise en concurrence exigées par le droit ordinaire de la commande publique.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a précisé que ressortaient de la compétence du nouvel EPCI de Corse la sécurité et la sûreté des équipements, notamment portuaires et aéroportuaires. Il a également prévu le maintien de l’architecture de dialogue social actuellement existante au sein de la CCI de Corse, composée d’un CSE central et de plusieurs CSE d’établissement, en lieu et place du comité social territorial envisagé par le Gouvernement. Enfin, plusieurs modifications fonctionnelles ont été insérées par le Sénat, qu’il s’agisse de la présence obligatoire des représentants du personnel au conseil d’administration de l’EPCI de Corse avec une voix consultative, de la possibilité pour le président du conseil exécutif de Corse d’assurer lui-même la présidence du nouvel EPCI, s’il ne désigne pas un membre du conseil exécutif pour exercer cette fonction et de la faculté, pour la collectivité de Corse de désigner, pour siéger au conseil d’administration du nouvel établissement public, en sus des conseillers à l’assemblée de Corse, des membres du conseil exécutif de Corse.
Position de la commission
La commission a adopté l’article 1er sans modification.
La collectivité de Corse est propriétaire des infrastructures portuaires ([1]) et aéroportuaires de l’île depuis 2004, en application de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse et des conventions signées en application de ces dispositions.
La collectivité de Corse
La collectivité de Corse est une collectivité à statut particulier (article 72 de la Constitution).
Depuis 2018, la collectivité de Corse est une collectivité unique, à la suite de la fusion de la collectivité territoriale de Corse et des deux conseils départementaux. Elle dispose en conséquence de compétences élargies.
Les organes de la collectivité comprennent :
- l’Assemblée de Corse et son président (63 membres)
- le conseil exécutif de Corse et son président (11 membres)
- le conseil économique, social, environnemental et culturel de Corse (63 membres)
La collectivité de Corse comptabilisait, au 31 décembre 2023, 4 520 agents, dont 88 % de fonctionnaires et 12 % de contractuels de droit privé permanents ou non permanents.
Elle a confié cette gestion, dans la continuité des choix de l’État, à la CCI de Corse, à compter du 1er janvier 2006, pour une durée de 15 ans.
Les concessions aéroportuaires corses permettent d’assurer une desserte aérienne de l’île. Pour l’année 2025, ces infrastructures représentent 136 lignes, assurées par 17 compagnies aériennes qui permettent de desservir 11 pays. Le trafic aérien évalué en 2024 était de plus de 4 millions de voyageurs pour un chiffre d’affaires de 73,4 millions d’euros.
Concessions aéroportuaires corses
|
Trafic 2024 (passagers) |
Effectifs 2024 |
Chiffre d’affaires (M€) |
Investissements réalisés en 2024 (M€) |
Fin de concession |
Ajaccio |
1 605 212 |
237 |
26 |
4,9 |
31/12/2025 |
Bastia |
1 490 617 |
242 |
25 |
7,3 |
31/12/2025 |
Calvi |
400 226 |
91 |
9,2 |
0,9 |
31/12/2025 |
Figari |
877 070 |
149 |
13,2 |
5,2 |
31/12/2025 |
Total |
4 373 125 |
719 |
73,4 |
18,3 |
X |
Source : Réponses écrites de la CCI de Corse
Les concessions portuaires, pour leur part, ont connu un trafic en 2024 d’un niveau comparable, avec 3,9 millions de passagers, pour un chiffre d’affaires de 26,1 millions d’euros.
Concessions portuaires corses
|
Trafic 2024 (passagers) |
Effectifs 2024 |
Chiffre d’affaires (M€) |
Investissements réalisés en 2024 (M€) |
Fin de concession |
Ajaccio |
914 137 |
90 |
11,2 |
1,5 |
31/12/2043 |
Bastia |
2 137 759 |
75 |
9,7 |
2,1 |
31/12/2025 |
Bonifacio |
249 738 |
8 |
1,3 |
0,2 |
27/09/2036 |
Île-Rousse |
406 163 |
6 |
1,6 |
0,9 |
31/12/2027 |
Porto-Vecchio |
184 086 |
7 |
1,4 |
0,5 |
15/04/2032 |
Propriano |
105 529 |
3 |
0,9 |
0,7 |
31/07/2029 |
Total |
3 997 412 |
189 |
26,1 |
5,9 |
X |
Réponses écrites de la CCI de Corse
En 2025, la desserte maritime de la Corse se caractérise par l’existence de 27 lignes reliant la Corse avec le continent et l’Italie, sur lesquelles interviennent 5 compagnies maritimes.
Au total, les concessions aéroportuaires et portuaires représentent, en 2024, un trafic de 8,4 millions de passagers, pour un chiffre d’affaires de 99,5 millions d’euros et un effectif de 908 salariés.
La CCI de Corse est l’opérateur historique de la gestion des concessions portuaires et aéroportuaires en Corse. Elle a exercé cette mission pour le compte de l’État depuis la fin des années 1950 pour les aéroports, et depuis le début du XXème siècle pour les ports.
Depuis 2005, cette gestion a été opérée pour la collectivité de Corse, dans le cadre du transfert de compétences prévu par la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, qui a entraîné le transfert de domanialité des principaux ports et aéroports. Les ports secondaires, quant à eux, ont été transférés à la collectivité de Corse par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République.
La CCI de Corse est actuellement titulaire de dix contrats de concession confiés par la collectivité de Corse pour la gestion des quatre aéroports (Ajaccio, Bastia, Calvi, Figari) et des six ports de commerce (Ajaccio, Bastia, Bonifacio, Île-Rousse, Porto-Vecchio, Propriano) que compte l’île. La CCI est par ailleurs également concessionnaire du port de plaisance et de pêche Tino Rossi à Ajaccio.
Les infrastructures portuaires et aéroportuaires de Corse sont exploitées dans le cadre de délégations de service public. La collectivité de Corse, en tant que propriétaire en est l’autorité concédante, et la CCI de Corse le concessionnaire.
Cette activité d’exploitation des ports et aéroports constitue la part essentielle des ressources de la CCI de Corse (92 % en 2023). Cette situation traduit, plus globalement, le positionnement particulier de la CCI de Corse vis-à-vis de la collectivité de Corse, pour laquelle elle opère, en pratique, plus de 95 % de ses missions.
Les concessions aéroportuaires et la concession portuaire du port de commerce de Bastia, qui devaient initialement prendre fin le 31 décembre 2020, ont été prolongées une première fois en 2020 pour une durée de quatre ans, en raison des circonstances liées à l’épidémie de la Covid-19.
Une seconde prolongation de ces concessions est intervenue, ensuite, à la fin de l’année 2024, dans un contexte de tensions entre l’État et la collectivité de Corse, afin d’assurer la continuité de la gestion et du service public assuré par ces infrastructures. En effet, alors que la collectivité de Corse s’était prononcée en faveur de la mise en place d’un syndicat mixte ouvert, qui aurait rassemblé la collectivité de Corse et la CCI, les services de l’État ont manifesté de sérieux doutes sur la robustesse juridique de la solution retenue au regard du respect des exigences du droit européen.
Face à cette situation, et après un épisode de blocage des ports et aéroports de Corse en octobre 2024, une nouvelle prolongation pour une durée d’un an a été votée par l’Assemblée de Corse, dans l’attente de l’adoption d’un véhicule législatif permettant de sécuriser la gestion et l’exploitation de ces infrastructures grâce à la création d’un établissement public sui generis permettant de faire joueur la dérogation aux règles de la commande publique applicable pour les contrats « in house » qui concerne la quasi-régie. Cette solution a été approuvée par l’Assemblée de Corse dans une délibération adoptée le 28 mars dernier.
La gestion des ports et aéroports corses par la CCI a fait l’objet de rapports émanant de la chambre régionale des comptes et de la Cour des comptes.
Interrogée sur ce sujet, la Direction générale des entreprises (DGE) indique, dans sa contribution, à l’appui de ces éléments, que la CCI de Corse, a su maintenir « dans un contexte insulaire aux fortes contraintes géographiques et logistiques […] un haut niveau de performance technique et opérationnelle de ces outils indispensables à la Corse, notamment en termes de croissance de passagers, mais également d’investissements et d’amélioration de la qualité et du confort des passagers. Elle relève, par ailleurs, que, « depuis le 1er janvier 2020, l’Union consulaire (transformation des deux CCI territoriales en CCI locales) a permis la mise en place d’un système aéroportuaire plus intégré, offrant à la Corse une meilleure visibilité et un effet de levier renforcé pour son rayonnement et son développement dans l’arc méditerranéen ».
Les auditions menées par votre rapporteur font également apparaître que la gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires par la CCI de Corse s’est distinguée par une grande capacité d’adaptation face aux crises. Lors de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et malgré des contraintes exceptionnelles, l’activité a ainsi été maintenue sur l’ensemble des plateformes. Afin de relancer le trafic, la CCI de Corse a d’ailleurs engagé dès 2020 un plan de relance et de reconnexion pour sortir de cette crise, ce qui s’est traduit par une reprise nettement plus rapide des liaisons aériennes en Corse que sur les autres aéroports français.
Si des progrès apparaissent possibles, à l’appui des recommandations formulées par les juridictions financières, force est néanmoins de constater que le nouvel EPCI de Corse bénéficiera de la compétence historique de la CCI et de l’appui des agences dédiées liées à la collectivité de Corse.
La création d’un nouvel EPCI en lieu et place de la CCI de Corse est la solution retenue afin de permettre le maintien d’une gestion et d’une exploitation publiques des ports et aéroports corses.
Le droit européen de la commande publique prévoit que la passation des contrats de concession est soumise, en principe, à une procédure de publicité et de mise en concurrence, sauf dispositions contraires.
Le code de la commande publique décline cette obligation en droit français.
L’article R. 3121-5 prévoit que les contrats de concession sont passés « dans le respect des règles de procédure prévues par les chapitres Ier à V du présent titre, sous réserve des règles particulières propres aux contrats de concession relevant du chapitre VI du présent titre ».
L’article R. 3121-6 prévoit, de façon classique, trois dérogations permettant de conclure de tels contrats sans publicité ni mise en concurrence préalable.
De telles procédures ne sont ainsi pas nécessaires :
– lorsque le contrat concerné « ne peut être confié qu'à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d'exclusivité » ;
– « lorsque aucune candidature ou aucune offre n'a été reçue ou lorsque seules des candidatures irrecevables au sens de l'article L. 3123-20 ou des offres inappropriées au sens de l'article L. 3124-4 ont été déposées, pour autant que les conditions initiales du contrat ne soient pas substantiellement modifiées et qu'un rapport soit communiqué à la Commission européenne si elle le demande » ;
– « en cas d'urgence résultant de l'impossibilité dans laquelle se trouve l'autorité concédante publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service concédé par son cocontractant ou de l'assurer elle-même, à la condition, d'une part, que la continuité du service soit justifiée par un motif d'intérêt général et, d'autre part, que la durée de ce nouveau contrat de concession n'excède pas celle requise pour mettre en œuvre une procédure de passation ».
Aucune de ces trois possibilités n’était mobilisable, en l’espèce, pour les concessions concernées.
Les contrats de concession conclus sous le régime de la quasi-régie entre un pouvoir adjudicateur et une personne morale de droit public ou de droit privé ne sont pas soumis aux règles du code de la commande publique relatives aux obligations de publicité et de mise en concurrence (article L. 3200-1 du code de la commande publique).
Afin de caractériser cette quasi-régie, l’article L. 3211-1 du même code prévoit plusieurs conditions :
– le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services ;
– la personne morale contrôlée réalise plus de 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées soit par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ;
– la personne morale contrôlée ne doit pas comporter de participation directe de capitaux privés au capital.
Cet article précise qu’un pouvoir adjudicateur est réputé exercer sur une personne morale un contrôle analogue à celui dont il dispose sur ses propres services, « s'il exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée. ».
Le seul lien de tutelle ne suffit toutefois pas à caractériser ce contrôle analogue à celui exercé par le pouvoir adjudicateur sur ses propres services (Conseil d’État, 27 juillet 2001, CAMIF, n° 218067).
Au regard de la nécessité de garantir la pérennité de la gestion et de l’exploitation publique des ports et aéroports de Corse, plusieurs possibilités ont été étudiées afin de sécuriser une gestion et une exploitation publique des ports et aéroports corses.
L’article 46 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) avait en effet qu’en Corse, « en raison de la mise en place de la collectivité unique depuis le 1er janvier 2018 », une étude technique devait être conduite « conjointement par la collectivité de Corse, l'État et les chambres consulaires afin de proposer un diagnostic, un audit, une assistance et un conseil en vue de l'évolution institutionnelle et statutaire des chambres consulaires de l'île ».
Cette étude, qui devait être remise au Parlement et au conseil exécutif de Corse au plus tard un an après la promulgation de la loi, a été réalisée par le cabinet EY qui a détaillé trois scénarios d’évolution possibles :
– le simple transfert à la collectivité de Corse de la tutelle exercée par l’État sur les chambres consulaires (scénario n° 1) ;
– la suppression des chambres consulaires (CCI et CMA) au profit de la création d’un nouvel établissement public sui generis dédié, placé sous le contrôle de la collectivité de Corse (scénario n° 2)
– la suppression des chambres consulaires (CCI et CMA) avec un exercice direct de leurs missions par la collectivité de Corse (scénario n° 3).
Après analyse technique, il apparaît que le transfert de la tutelle exercée par l’État sur la CCI de Corse n’était pas suffisant pour caractériser une quasi-régie et prétendre à la dérogation aux règles classiques de la commande publique (scénario n° 1).
Le scénario n° 3, pour sa part, permettait certes de satisfaire à cette condition, mais en sacrifiant « le mécanisme de participation de représentants élus des entreprises aux politiques publiques actuellement mises en œuvre par la CCIC » ce qui n’était pas souhaitable.
C’est la raison pour laquelle la solution technique prévue par le scénario n° 2, à savoir la création d’un nouvel EPCI de Corse en lieu et place de la CCI de Corse, a finalement recueilli les faveurs du Gouvernement et des parties prenantes.
L’EPCI de Corse possédera des caractéristiques qui le distingueront de façon significative du modèle habituel des chambres de commerce et d’industrie, qu’elles soient placées sous tutelle de l’État ou d’une collectivité territoriale.
L’article L. 710-1 du code de commerce prévoit en effet que les CCI se caractérisent par deux composantes fondamentales que sont, d’une part, la représentation des seuls intérêts des entreprises et, d’autre part, un rapport d’indépendance vis-à-vis des collectivités territoriales.
Ces deux éléments constitutifs disparaissent au sein du nouvel EPCI de Corse. La chambre de Corse sera ainsi le seul établissement qui ne sera pas entièrement dirigé par des membres élus représentant les entreprises ressortissantes de la chambre. Les représentants des professionnels y seront en effet minoritaires, tandis que la présidence du conseil d’administration sera confiée non plus à un chef d’entreprise mais au président du conseil exécutif de la collectivité de Corse.
Comme le résume la Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'Économie et des Finances dans sa contribution écrite, ce nouvel EPCI « n’est donc pas seulement sous la tutelle de la collectivité de Corse, il est contrôlé, voire dirigé par la collectivité. La nature de son fonctionnement, et une partie de ses missions, en sont totalement transformées : l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse ne sera pas une CCI, mais un établissement exerçant une grande partie des fonctions qui, sur le reste du territoire, sont exercées par les CCI ».
Cette hybridation est toutefois indispensable pour caractériser une relation de quasi-régie entre la collectivité de Corse et le nouvel EPCI créé.
Demandé par la collectivité de Corse et la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) de Corse, le rattachement au sein du nouvel EPCI de la CMA de Corse n’a pas été repris au sein du présent projet de loi pour des raisons tenant à la technicité de cette entreprise, plus complexe, ainsi qu’à l’urgence qui affectait le dépôt de ce texte. Il apparaissait en outre raisonnable, face à une transformation importante, de laisser le temps à la collectivité de Corse de pleinement intégrer le transfert à son profit de la tutelle du nouvel EPCI.
Parmi les difficultés techniques à traiter dans le cadre d’un tel rattachement figure, comme l’a indiqué la DGE à votre rapporteur dans sa contribution écrite, la question du « transfert des agents de la CMA, qui sont des agents de droit public sous statut, et des missions régaliennes exercées par la CMA (organisation des examens de conducteurs de taxi et de VTC, attribution des titres de maître artisan et de maître artisan d'art, ainsi que la validation de la qualification professionnelle artisanale…) » ce qui nécessite une analyse plus approfondie.
La DGE a indiqué toutefois que ce rattachement était envisagé par le Gouvernement et que des travaux en ce sens, pilotés par la Direction générale des collectivités locales et associant la DGE, « devraient débuter après la création du nouvel établissement public objet de ce PJL ».
Elle estime en effet que ce rattachement est un « enjeu important » dans la mesure où la CCI de Corse et la CMA de Corse « sont étroitement liées, notamment par la mutualisation des plateaux de formation (l’École Hôtelière associera les deux chambres, au sein du palais des congrès d’Ajaccio, à la rentrée 2025) [et] par des coopérations multiples et développées dans les différents domaines économiques (conventions avec les EPCI en particulier) ».
Le maintien de l’exploitation et de la gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires de la Corse répond à plusieurs impératifs :
– un impératif économique, au regard de l’importance, au sein de l’économie corse, du tourisme (39 % du PIB de la Corse). La CCI de Corse dispose par ailleurs d’une expérience de longue date dans ce domaine. Le transfert de la tutelle du nouvel établissement au profit de la collectivité de Corse permettra en outre des mutualisations utiles avec les autres agences à l’œuvre dans ce domaine. ;
– un impératif stratégique, afin de préserver ces infrastructures indispensables pour la vie de l’île. L’insularité crée en effet une dépendance plus forte qu’ailleurs vis-à-vis des points d’entrée et de sortie du territoire ;
– un impératif politique, au regard des craintes qui ont pu se manifester sur ce sujet, et du respect de la dynamique autonome à l’œuvre pour ce qui concerne la Corse. Un consensus large s’est exprimé en faveur de la solution proposée au sein du présent projet de loi, qui a fait l’objet d’un avis favorable de l’Assemblée de Corse et de la CCI de Corse lors de leurs consultations respectives.
Ces évolutions sont d’autant plus nécessaires, qu’elles sont attendues depuis 2019 et qu’elles procèdent de consultations engagées de longue date, notamment dans le cadre du processus de Beauvau.
L’article 1er du projet crée un nouvel établissement public sui generis, à savoir l’EPCI de Corse.
Il insère à cet effet une nouvelle section au sein du code général des collectivités territoriales composée de quatre nouveaux articles numérotés L. 4424-42 à L. 4424-45 qui définissent respectivement les missions du nouvel EPCI ainsi que sa composition et son fonctionnement (article L. 4424-42), ses ressources et obligations comptables (article L. 4424-43), ainsi que le statut de ses personnels et les modalités de sa gouvernance sociale (L. 4424-44). Un dernier article L. 4424-45 prévoit que les modalités d’application de cette nouvelle section devront être définies par décret en Conseil d’État.
Le nouvel article L. 4424-42 détaille les missions dévolues à l’EPCI de la collectivité de Corse. Il reprend à cet effet les dispositions prévues pour les chambres de commerce et d’industrie au sein de l’article L. 710-1 du code de commerce. Il mentionne deux missions complémentaires, actuellement mises en œuvre par la CCI de Corse et qui ont vocation à être assurées par la nouvelle structure, à savoir la délivrance de la carte professionnelle nécessaire pour exercer une activité commerciale ou artisanale ambulante (article L. 123-29 du code de commerce), et de celle nécessaire pour exercer des activités immobilières (article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce).
Ce même article fixe également les modalités de gouvernance du nouvel EPCI de Corse. Son conseil d’administration est présidé par un conseiller exécutif de Corse désigné par le président du conseil exécutif de cette collectivité. Il est composé des représentants de l’Assemblée de Corse, élus par celle-ci en son sein et des représentants des professionnels (entreprises) élus pour cinq ans selon les modalités ordinaires applicables aux CCI. Afin de satisfaire aux exigences du droit européen de la commande publique pour ce qui concerne la gestion « in house », c’est-à-dire la quasi-régie, le même article prévoit une présence majoritaire des élus au sein du conseil d’administration, ce qui caractérise le modèle particulier mis en œuvre au sein du nouvel EPCI. Il est également prévu que la gestion de l’EPCI créé soit assurée par un directeur nommé sur proposition du président de son conseil d’administration.
Le nouvel article L. 4424-43 détermine la nature des ressources perçues par le nouvel EPCI ainsi que les règles comptables et capacités juridiques habituelles pour un établissement public. Ses ressources, droits et obligations sont identiques à celles des autres CCI, telles que définies au sein de l’article L. 710-1 du code de commerce.
Le nouvel article L. 4424-44 fixe le principe d’un recrutement de son personnel par contrat de droit privé, dans les conditions prévues par le code du travail. Il prévoit en outre que doit se substituer au conseil social et économique central de la CCI de Corse et à ses déclinaisons au sein de ses établissements, un comité social territorial, exerçant les prérogatives des CSE précédents. Ce nouvel article détaille enfin l’organisation des instances de représentation des salariés au sein du CST nouvellement créé ([2]).
Enfin, le nouvel article L. 4424-45 prévoit que les modalités d’application de cette section seront définies par décret en Conseil d’État. Les dispositions réglementaires concernées sont :
– les attributions, l’organisation et le fonctionnement des organes dirigeants ;
– les modalités d’élection des représentants des entreprises au sein du conseil d’administration de l’établissement public ;
– les modalités d’exercice de certaines attributions de l’établissement public, notamment en matière de délivrance des cartes professionnelles ;
– les modalités de participation de l’établissement public au réseau national des chambres de commerce et d’industrie ;
– les règles budgétaires applicables à l’établissement public ;
– les modalités d’organisation et de fonctionnement du comité social territorial.
Ce nouvel article procède également aux adaptations nécessaires consécutives à la création du nouvel EPCI de la collectivité de Corse.
Lors de son examen en commission, l’article 1er a été modifié à la suite de l’adoption de quatre amendements (COM-1, COM-2, COM-3 et COM-4) portés par la rapporteure du texte, la sénatrice Olivia Richard.
Ces amendements ont procédé aux modifications suivantes :
– la liste des missions confiées au nouvel EPCI a été complétée afin de préciser que le nouvel EPCI a vocation, au titre de sa mission de gestion des équipements portuaires et aéroportuaires, à assurer « la sûreté et la sécurité de ces infrastructures » (COM-1). Cet amendement a permis de sécuriser cette mission actuellement mise en œuvre par la CCI de Corse ;
– la présence obligatoire des représentants du personnel au conseil d’administration de l’EPCI de Corse avec une voix consultative a été garantie au sein de la nouvelle architecture mise en place (COM-2) ;
– le comité social et territorial (CST) qui devait être mis en place lors de la création du nouvel EPCI a été remplacé par un comité social et économique (CSE), afin de préserver la structure de dialogue social actuellement en vigueur au sein de la CCI de Corse (COM-4). Seront donc maintenues les différentes instances de représentation du personnel qui existent déjà, à savoir un comité social et économique (CSE) central ainsi que quatre CSE d’établissement. Cette modification correspond à une demande formulée par les autorités de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse et les représentants du personnel de cet établissement ;
Un amendement COM-3 a, par ailleurs, procédé aux coordinations d’ordre juridique nécessaires.
Deux amendements n° 2 et n° 3 de la rapporteure, Mme Olivia Richard, ont été adoptés à l’article 1er lors de l’examen en séance publique devant le Sénat, avec un avis favorable du Gouvernement.
Ces amendements ont précisé, d’une part, que le président du conseil exécutif de Corse peut assurer lui-même la présidence du nouvel établissement, s’il ne désigne pas un membre du conseil exécutif pour exercer cette fonction (amendement n° 2) et, d’autre part, que la collectivité de Corse peut désigner, pour siéger au conseil d’administration du nouvel établissement public, en sus des conseillers à l’assemblée de Corse, des membres de son conseil exécutif (amendement n° 3).
La commission a adopté cet article sans modification.
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Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 2 prévoit l’intégration du nouvel établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité (EPCI) de Corse au sein du réseau national des chambres de commerce et d’industrie (CCI). Cet article permet ainsi à la fois de sécuriser le financement du nouvel EPCI, identique à celui des CCI régionales, et de le faire bénéficier des prestations proposées par CCI France. La participation des membres du nouvel EPCI de Corse au collège électoral des juges des tribunaux de commerce est également garantie au plan juridique, de façon équivalente aux dispositions en vigueur pour les membres des CCI.
Modifications apportées par le Sénat
L’article 2 n’a pas été modifié lors de son examen devant le Sénat.
Position de la commission
La commission a adopté l’article 2 sans modification.
La création de CCI France date de 2012. Cet établissement public a succédé à l’Assemblée permanente des chambres de commerce et d'industrie (APCCI) puis à l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI).
L’article L. 711-15 du code de commerce prévoit que CCI France, établissement public, est placé à la tête du réseau des CCI, qui rassemble ainsi les CCI de région, les CCI territoriales, les CCI locales, les CCI départementales d’Île-de-France, et, enfin, les groupements inter-consulaires que peuvent former plusieurs chambres de région ou territoriales entre elles.
Le réseau des CCI
Le réseau des CCI, au sens du code de commerce, est constitué de l’ensemble des établissements publics placés sous la tutelle du ministère chargé du commerce et organisé en réseau. Les CCI représentent au total 3,8 millions de professionnels ressortissants. Au total, le réseau comprend 99 établissements publics et 16 CCI sans personnalité morale.
Il est composé de la façon suivante :
– CCI France, sa tête de réseau, dont l’assemblée générale comprend l’ensemble des présidents de CCI, établissements sous tutelle de l’État mais aussi les 6 présidents des établissements publics consulaires, en majorité interprofessionnels, sous la tutelle des collectivités territoriales (Saint Martin, saint Barthélemy, Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna) ou de l’État (Saint Pierre et Miquelon) ;
– 13 CCI de région (dont celle de Corse) ;
– 85 CCI territoriales, établissements publics rattachés aux CCI de région, dont la circonscription correspond, en majorité mais pas obligatoirement, à celle du département ;
– 16 CCI locales (ou départementales en Île de France), établissements dépourvus de la personnalité morale, mais dirigés aussi par des élus, par délégation de la CCIR (c’est le cas, par exemple, des 2 CCIL de Corse).
L’organisation des CCI en réseau a été progressivement encouragée par le législateur :
– la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services a d’abord consolidé le niveau régional du réseau, en créant la notion de « rattachement des CCIT aux CCIR ».
– la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 dite loi Pacte, a ensuite renforcé le pilotage au niveau national et accompagné l’évolution du modèle économique des chambres.
Les données financières disponibles font état, pour l’année 2023, d’un résultat net de 130 millions d’euros (2,2 Mds d’euros de dépenses pour 2,4 Mds de ressources), pour un total de 11 300 ETP.
Source : réponses écrites de la DGE.
L’organe délibérant de CCI France « est constitué des présidents en exercice des chambres de commerce et d'industrie départementales d'Ile-de-France, des chambres de commerce et d'industrie territoriales, des chambres des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie, et des chambres de commerce et d'industrie de région ».
Son président est élu pour un mandat de cinq ans.
L’article L. 711-16 du code de commerce détaille les missions de CCI France, qui sont les suivantes :
– élaborer la stratégie nationale du réseau des chambres de commerce et d'industrie ;
– adopter les normes d'intervention pour les établissements membres du réseau et s'assure du respect de ces normes ;
– gérer les projets de portée nationale intéressant le réseau avec la possibilité d’en confier la maîtrise d'ouvrage à un autre établissement du réseau ;
– proposer aux chambres territoriales, départementales d'Île-de-France et de région des fonctions de soutien dans les domaines technique, juridique et financier, ainsi que dans celui de la communication institutionnelle ;
– passer, pour son propre compte ou pour celui de tout ou partie des chambres du réseau, des marchés ou des accords-cadres ;
– définir et assure le suivi de la mise en œuvre de la politique générale du réseau en matière de gestion des personnels des chambres. À cet égard, CCI France négocie et signe les accords nationaux en matière sociale applicables aux personnels des chambres qui sont soumis à un agrément. Elle peut aussi mettre en place un système d'intéressement aux résultats, un dispositif d'épargne volontaire et de retraite supplémentaire à cotisations définies et réparties entre l'employeur et l'agent ;
– diligenter ou mener des audits relatifs au fonctionnement des différentes chambres du réseau, dont les conclusions sont transmises à l'autorité compétente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ;
– coordonner les actions du réseau avec celles des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger ;
– constituer, à la demande des chambres du réseau, une instance de conciliation pour les différends opposant plusieurs chambres entre elles avant un recours en justice. Cette fonction de conciliation est exercée à titre gracieux.
Les ressources de CCI France reposent principalement, en plus de ses recettes propres et des subventions dont elle peut bénéficier, sur la taxe pour frais de chambre, prévue à l’article 1600 du code général des impôts.
Cette taxe est composée des deux contributions distinctes suivantes, qui portent sur les entreprises :
– la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE) ;
– la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE).
Son produit s’élevait en 2025 à 525 millions d’euros.
CCI France assure la répartition du produit auprès des CCI régionales après déduction d’une quote-part chargée de financer cet établissement public (environ 20 millions d’euros).
L’article L. 711-16 du code de commerce prévoit que cette répartition doit veiller à «la péréquation nécessaire entre les chambres de commerce et d'industrie, notamment pour tenir compte des particularités locales ».
Le montant de taxe pour frais de chambres versé par CCI France à la CCI de Corse était en 2024 de 3,5 millions d’euros, pour un montant perçu auprès des entreprises redevables domiciliées en Corse de 1,25 million environ.
La CCI de Corse présente plusieurs spécificités qui la distinguent des autres CCI, comme l’a rappelé, dans sa contribution écrite, l’intéressée.
Sa première spécificité tient à sa naissance. La CCI de Corse est ainsi de création récente au regard de l’apparition des autres CCI régionales.
La CCI de Corse est apparue en 2011, à la suite de l’adoption de la loi n° 2010-852 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, et à la publication du décret n° 2010-1184 du 8 octobre 2010 portant modification de la circonscription et changement de dénomination de la chambre de commerce et d'industrie de région de Provence-Alpes-Côte d'Azur - Corse et création de la chambre de commerce et d'industrie de Corse.
Il s’agit donc « de la dernière institution à avoir suivi le grand mouvement de décentralisation-déconcentration engagé depuis les années quatre-vingt, et longtemps les CCI départementales de Corse-du-Sud et de Haute-Corse ont connu un parcours parallèle et disjoint » ([3]) comme l’ont rappelé ses représentants.
Le décret n° 2019-885 du 22 août 2019 prévoit que le siège et la circonscription des deux chambres de commerce et d’industrie locale (CCIL) qui lui sont rattachées sont fixés de la façon suivante :
– le siège de la CCIL d’Ajaccio et de la Corse-du-Sud est situé à Ajaccio ;
– le siège de la CCIL de Bastia et de la Haute Corse est situé à Bastia.
Ces deux CCIL sont, par nature, dépourvues de la personnalité juridique. Elles sont issues de la fusion des deux anciennes CCI territoriales avec la CCI régionale de Corse, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2020.
Le siège de la CCI de Corse est fixé à Bastia.
La CCI de Corse se distingue des autres CCI de région de métropole par cinq caractéristiques cumulées :
– son format est celui d’une chambre d’industrie et de commerce régionale sans CCI territoriales. Seules des CCI locales lui sont ainsi rattachées. Ce schéma, qui date de 2020, vise à répondre au fait insulaire, marqué par la relative faiblesse du phénomène intercommunal. Il est jugé adapté à la collectivité unique que constitue la collectivité de Corse créée en 2018 ;
– son modèle est plus centralisé qu’au sein de la plupart des autres CCI, puisque c’est la chambre régionale qui exerce l’intégralité des missions qui lui sont dévolues par l’article L. 710-1 du code de commerce). La CCIC a par ailleurs internalisé les missions de sûreté exercées sur les aéroports depuis 2024 ;
– la CCI de Corse manifeste un engagement particulièrement important dans le domaine des transports et des échanges économiques, à travers la gestion, pour le compte de la collectivité de Corse, dans le cadre de délégation de service public, des ports et aéroports corses ([4]). Cette singularité « procède naturellement du fait insulaire et des liens cruciaux existant entre le tissu économique représenté par la CCI de Corse et les flux de passagers (tourisme 39 % du PIB) et de marchandises (import pour le commerce et le BTP, export pour l’agroalimentaire) » ([5]) ;
– son action est quasi exclusivement mise en œuvre pour le compte de la collectivité de Corse, soit dans le cadre des concessions précitées, soit en lien avec les politiques publiques portées par la collectivité (schéma régional de développement économique d'innovation et d'internationalisation). Cette dernière catégorie intègre les activités de formation professionnelle initiale et continue (schéma régional spécifique pour la Corse). En conséquence, les missions opérées par la CCI de Corse pour le compte de l’État ont un poids très faible (3,02 % des produits de la CCIC en 2024, à savoir la collecte de la TCCI) ;
– enfin, la CCI de Corse connaît un niveau de participation aux élections consulaires plus élevé qu’au sein des autres circonscriptions des CCI (en 2021, ce taux s’établissait en moyenne à 16,1 % contre 6,1 % au niveau national).
Les tribunaux de commerce sont des juridictions de premier degré compétents pour connaître « des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux, aux sociétés commerciales, ainsi qu’aux contestations portant sur les actes de commerce entre toutes personnes » (article L. 721-3 du code de commerce).
Les juges des tribunaux de commerce sont élus dans le ressort de la juridiction par un collège composé à la fois des membres élus des CCI et CMA, et des juges et anciens membres des tribunaux de commerce, « à la condition, pour ces derniers, qu'ils y aient exercé leurs fonctions pendant au moins six années » (même article L. 723-1).
Comme le relève l’étude d’impact du projet de loi, en conséquence, « la liste des membres du collège électoral des juges du tribunal de commerce est notamment établie sur la base de la liste des membres élus de la CCI relevant du ressort du tribunal de commerce (article R. 723-2 du même code) ».
Le remplacement de la CCI de Corse par un nouvel EPCI rend nécessaire une actualisation des dispositions concernées de sorte à maintenir les membres de ce dernier au sein du collège électoral des juges des tribunaux de commerce.
L’article 2 adapte la rédaction de plusieurs articles du code de commerce afin de tirer les conséquences de la création de l’EPCI de la collectivité de Corse en lieu et place de la CCI de Corse.
Les modifications effectuées dans cette perspective sont les suivantes :
– la mention du ressort de la collectivité territoriale de Corse est supprimée au sein de l’article L. 711-6 du code de commerce ;
– le nouvel EPCI de Corse est ajouté à la liste des établissements appartenant au réseau national des CCI, qui est définie à l’article L. 711-15 du même code ;
– il est précisé à l’article L. 712-6 qu’au sein du nouvel EPCI de Corse, la désignation du commissaire aux comptes est effectuée par son conseil d’administration ;
– enfin, l’article L. 723-1 est modifié pour intégrer les représentants des professionnels élus de l’EPCI au sein du collège électoral des juges des tribunaux de commerce.
L’intégration du nouvel EPCI de Corse au sein du réseau des CCI, via la présence au sein de l’organe exécutif de CCI France du président du nouvel EPCI de Corse, aura pour effet de :
– sécuriser le versement par CCI France de la part de la taxe pour frais de chambre précédemment attribuée à la CCI de Corse ; cette ressource est essentielle pour le nouvel EPCI, d’autant que les conditions actuellement en vigueur sont très favorables à la CCI de Corse ;
– permettre au nouvel EPCI de Corse de participer aux actions de mutualisation mises en œuvre au sein du réseau des CCI ainsi qu’à l’ensemble des prestations proposées par CCI France.
L’article 2 n’a pas été modifié lors de son examen devant le Sénat.
La commission a adopté cet article sans modification.
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Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 3 donne compétence au président du conseil d’administration du nouvel EPCI de Corse pour délivrer les cartes professionnelles relatives à l’exercice du commerce ambulant et des professions immobilières.
Modifications apportées par le Sénat
L’article 3 n’a pas été modifié lors de son examen devant le Sénat.
Position de la commission
La commission a adopté l’article 3 sans modification.
La loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce encadre l’exercice, par les personnes morales ou physiques, de manière habituelle, de toute activité consistant à se livrer ou à prêter son concours à toute opération portant sur les biens d’autrui dans certaines conditions.
Sont ainsi visées, à l’article 1er, les activités suivantes :
– l'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ;
– l'achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ;
– la cession d'un cheptel mort ou vif ;
– la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières ou de sociétés d'habitat participatif donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ;
– l'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;
– la gestion immobilière ;
– la vente de listes ou de fichiers relatifs à l'achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis, ou à la vente de fonds de commerce, à l'exclusion des publications par voie de presse ;
– la conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé régi par les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation ;
– l'exercice des fonctions de syndic de copropriété dans le cadre de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Son article 3 prévoit l’obligation pour toute personne morale physique exerçant cette activité, de disposer d’une carte professionnelle, délivrée « par le président de la chambre de commerce et d'industrie territoriale ou, dans les circonscriptions où il n'existe pas de chambre de commerce et d'industrie territoriale, par le président de la chambre de commerce et d'industrie de région ».
En Corse, cette carte professionnelle est donc actuellement délivrée par le président de la CCI de Corse. L’étude d’impact indique qu’ont été délivrées 550 cartes professionnelles en 2024, dont 354 cartes d’agents immobiliers et 196 cartes du commerçant ambulant.
Les prestations donnent lieu à une rémunération pour chaque acte, selon le barème fixé par l’arrêté du 10 février 2020 fixant le paiement dû en rémunération de procédures prévues par le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 applicables aux agents immobiliers, syndics et gestionnaires de biens.
Rémunération des actes de procédures prévuS par le décret n° 72-678
Carte professionnelle initiale ou avec nouvelles mentions d'activité (article 1er du décret précité) |
160 € |
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L’article 3 du projet de loi complète l’article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 afin de prévoir, qu’en Corse, la délivrance de la carte professionnelle nécessaire pour exercer les professions visées au sein de l’article est effectuée par le président du conseil d’administration de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse.
Les modalités de délivrance desdites cartes seront précisées par voie réglementaire, en modifiant le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce. L’article R. 123-208-2 du code de commerce sera également modifié pour ce qui concerne la carte professionnelle des commerçants ambulants.
L’article 3 n’a pas été modifié lors de son examen devant le Sénat.
La commission a adopté cet article sans modification.
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Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 4 prévoit les dispositions transitoires nécessaires à la mise en place de l’EPCI de Corse. Il fixe la date de sa création au 1er janvier 2026 et prévoit que les « biens, droits et les obligations » de la CCI de Corse lui sont transférés à titre gratuit. Il définit aussi les conditions de reprise du personnel de la CCI de Corse en son sein et l’architecture de la gouvernance sociale du nouvel EPCI. Il prévoit enfin un délai de quatre ans pour permettre aux acteurs du dialogue social de renégocier l’ensemble des conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au 31 décembre 2025 au sein de la CCI de Corse.
Modifications apportées par le Sénat
L’article 4 a été modifié lors de son examen en commission, à l’initiative de la rapporteure du texte, Mme Olivia Richard. Le délai de dix-huit mois fixé pour renégocier l’ensemble des conventions qui existaient au sein de la CCI de Corse a été supprimé car considéré comme trop restreint. Une solution de compromis a toutefois été adoptée en séance publique, à l’initiative du Gouvernement. Un délai de quatre ans a été fixé à cet effet.
Position de la commission
La commission a adopté l’article 4 sans modification.
La création d’un nouvel établissement public sui generis en lieu et place de la CCI de Corse rend nécessaires la mise en œuvre de mesures transitoires et la définition des modalités d’entrée en vigueur des dispositions présentes au sein du projet de loi.
L’article 34 de la Constitution et la jurisprudence administrative indiquent en effet qu’il appartient au législateur, lorsqu’il crée une nouvelle catégorie d’établissement public, de définir la date de création du nouvel établissement public.
La loi doit également définir à cet égard :
– les modalités de transfert à destination de ce nouvel établissement public des biens, personnels, droits et obligations de l’organe auquel il se substitue, à savoir la CCI de Corse ;
– les dispositions transitoires relatives à l’élection des représentants des professionnels au sein du conseil d’administration du nouvel établissement public et au sein du comité social territorial nouvellement créé ;
– les dispositions transitoires relatives à la conclusion de nouveaux accords collectifs pour le personnel du nouvel établissement public créé.
L’article 4 fixe les modalités d’entrée en vigueur du projet de loi et prévoit plusieurs dispositions transitoires permettant de garantir une installation juridique sécurisée du nouvel EPCI de Corse.
Il fixe, d’abord, au 1er janvier 2026 la date de création de ce nouvel établissement public.
Il prévoit, ensuite, que les « biens, droits et les obligations » de la CCI de Corse lui sont transférés, à titre gratuit. Ce transfert ne peut donc donner lieu au paiement « d’aucun impôt, droit ou taxe, ni d’aucune contribution ou frais perçus au profit du Trésor ».
Il détaille, en outre, les modalités de désignation de ses membres au sein de son conseil d’administration :
– le président de son conseil d’administration doit être désigné au plus tard à la date de sa création, c’est-à-dire au 1er janvier 2026 ;
– les membres représentants de l’Assemblée de Corse doivent également avoir été élus au plus tard à cette même date ;
– les représentants du personnel voient leur mandat prolongé jusqu’à l’organisation de nouvelles élections professionnelles. Pendant la période transitoire, ils siègent en tant que tels au sein du conseil d’administration.
L’article 4 précise, également, les conditions dans lesquelles le personnel de la CCI de Corse est transféré au sein du nouvel EPCI. Ce transfert s’effectue ainsi à la date de création du nouvel EPCI. Les personnels de droit privé conservent le bénéfice de leur contrat dans les conditions prévues à l’article L. 1224-1 du code travail. Les agents de droit public se voient proposer, pour leur part, la possibilité soit de conserver leur statut, soit d’opter pour un contrat de droit privé. Dans ce dernier cas, l’article 4 précise que ledit contrat de droit privé doit alors reprendre « les éléments essentiels du statut dont l’agent est titulaire, en particulier en ce qui concerne la rémunération ».
Enfin, cet article organise la transition entre la CCI de Corse et le nouvel EPCI selon les modalités suivantes :
– le comité social et économique (CSE) de la CCI de Corse, les quatre comités d’établissement afférents et, la commission paritaire régionale compétente sont maintenus en fonction jusqu’à la constitution d’un comité social territorial, qui doit intervenir au plus tard six mois après la publication de la loi. Les membres de ces instances poursuivent en conséquence leur mandat pendant cette période et jusqu’à la désignation des représentants du personnel dans le cadre de nouvelles élections ;
– le patrimoine du CSE central et des CSE d’établissement de la CCI est dévolu au CST du nouvel EPCI de Corse ;
– les effets des conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au sein de la CCI de Corse au 31 décembre 2025 sont prolongés jusqu’à l’entrée en vigueur des conventions, accords ou engagements unilatéraux qui leur sont substitués ou à défaut jusqu’au 30 juin 2027.
L’article 4 a été modifié par trois amendements de la rapporteure, Mme Olivia Richard, lors de son examen en commission.
Un premier amendement COM-5 a modifié de façon significative les modalités de présence des élus consulaires de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse au sein du conseil d’administration du nouvel établissement public.
Dans sa version initiale, l’article 4 prévoyait la possibilité pour les quarante représentants des professionnels membres de la CCI Corse de siéger, entre le 1er janvier 2026 et le prochain renouvellement des CCI régionales (prévu en novembre 2026), au conseil d’administration du nouvel établissement public.
Cette possibilité présentait toutefois une difficulté pratique évidente en raison de la nécessité d’assurer qu’une majorité de membres de l’Assemblée de Corse siège au sein de ce conseil d’administration, de sorte à ce que le renouvellement des concessions puisse être effectué selon les règles applicables à la quasi-régie. Il aurait donc été nécessaire de nommer 41 membres de l’Assemblée de Corse a minima, ce qui faisait courir un risque évident quant au bon fonctionnement de cet organe pendant la période de transition, cette assemblée en comprenant soixante-trois au total.
Face à ce constat, cet amendement a modifié la rédaction de l’article 4 afin de prévoir qu’avant la date de création de l’établissement, fixée au 1er janvier 2026, l’assemblée générale de la CCI de Corse désignera en son sein les vingt membres qui seront appelés à siéger, jusqu’au renouvellement électoral consulaire de novembre 2026, au sein du conseil d’administration du nouvel établissement. Les vingt autres représentants élus des professionnels de la CCI de Corse auront vocation à suppléer les titulaires, et pourront siéger au conseil d’administration du nouvel établissement avec voix délibérative en cas d’absence du membre titulaire.
Un second amendement COM-7 a modifié les conditions dans lesquelles, « les conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au sein de la chambre de commerce et d’industrie de Corse au 31 décembre 2025 » continuent de produire leurs effets. Cet amendement a supprimé la date butoir initialement prévue, fixée au 30 juin 2027.
Un troisième amendement COM-6 a procédé à une coordination juridique.
Lors de son examen en séance publique, un amendement n° 1 du Gouvernement, adopté avec un avis favorable de la rapporteure, Mme Olivia Richard, a modifié l’article 4 afin de revenir sur l’amendement COM-7 et de prévoir une date butoir pour la renégociation des conventions, accords et engagements unilatéraux en vigueur au 31 décembre 2025.
Un délai de quatre ans à compter de la création du nouvel EPCI est ainsi fixé pour effectuer pour actualiser les différentes conventions, accords, et engagements unilatéraux concernés.
La commission a adopté cet article sans modification.
Lors de sa réunion du lundi 30 juin 2025, la Commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse (n° 1486) (M. Jean Moulliere, rapporteur).
Lien vidéo : https://assnat.fr/2Na4Yb
M. le président Florent Boudié. Le projet de loi portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie (EPCI) de la collectivité de Corse, qui sera examiné en séance publique à partir de jeudi prochain, a été déposé le 28 avril dernier et adopté par le Sénat le 2 juin.
La mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse avait pu se rendre compte, lors de son déplacement dans l’île en février, de l’importance des enjeux relatifs aux infrastructures portuaires et aéroportuaires actuellement gérées par la CCI – chambre de commerce et d’industrie – de Corse, dont le présent projet de loi vise à redéfinir l’architecture pour la mettre en conformité avec le droit européen.
M. Jean Moulliere, rapporteur. Je me réjouis de vous retrouver pour examiner ce texte. Court – il comprend quatre articles – et technique, il est attendu de longue date par les élus corses et participe du renforcement de l’autonomie de la Corse, après la création d’une collectivité unique en 2018. Il s’inscrit également dans le cadre de la réforme des chambres consulaires de l’île prévue par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises de 2019, dite « loi Pacte ».
Son examen répond à une certaine urgence, puisque les concessions des quatre aéroports corses et du port de commerce de Bastia prendront fin le 31 décembre prochain. La création d’un nouvel EPCI de Corse, en lieu et place de la chambre de commerce et d’industrie, doit permettre de maintenir la gestion et l’exploitation de ces infrastructures, stratégiques pour l’île de Beauté, dans le giron public. J’ai eu l’occasion de percevoir, au cours des auditions que j’ai menées, combien les élus et personnels corses sont mobilisés sur ce sujet et à quel point ils souhaitent que le texte soit adopté rapidement.
Je tiens d’abord à rappeler la genèse du projet de loi, que le président Boudié connaît bien, puisque la gestion des ports et aéroports faisait partie des sujets traités dans le rapport d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse qu’il a remis le mois dernier.
Cette gestion a été historiquement assurée par la chambre de commerce et d’industrie de Corse, d’abord pour le compte de l’État, puis, à partir de 2005, pour la collectivité de Corse, lorsque la propriété de ces infrastructures lui a été transférée. Les aéroports et les ports sont critiques pour la Corse, en raison du caractère insulaire de cette dernière et du poids considérable du tourisme dans son économie – il représente près de 39 % du PIB de l’île. Ils sont aussi au cœur des enjeux de continuité territoriale, qui font l’objet d’une dotation financière spécifique versée par l’État. Enfin, ces infrastructures sont essentielles en matière d’emploi et de sécurité, d’où la nécessité d’inscrire leur gestion et exploitation dans une logique d’intérêt général.
Après avoir été prolongées à deux reprises – en 2020 puis en 2024 –, les concessions accordées par la collectivité de Corse à la CCI en 2005 arrivent à échéance à la fin de l’année. Sans intervention du législateur, elles devront être remises en concurrence avant cette date, conformément au droit de la commande publique européen. Dans ces conditions, et après des tensions entre l’État et les acteurs corses, une voie de sortie s’est dessinée, à savoir la création d’un nouvel établissement public placé sous la tutelle de la collectivité de Corse. C’est cette solution que reprend le présent projet de loi en créant un nouvel EPCI sui generis, qui permettra de remplir les critères d’une quasi-régie et, en conséquence, d’attribuer à cet établissement les concessions historiquement gérées par la CCI de Corse sans avoir à les mettre en concurrence.
Pour mémoire, la création d’un nouvel EPCI correspondait au scénario intermédiaire parmi les pistes explorées par le cabinet EY dans le cadre de l’étude de la réforme des chambres consulaires qui lui avait été confiée en application de l’article 46 de la loi Pacte. Cette option est de toute évidence la meilleure, puisqu’elle permet de retenir la solution la plus robuste sur le plan juridique – dans la mesure où un simple transfert de la tutelle exercée par l’État sur la CCI vers la collectivité de Corse n’aurait pas permis de satisfaire aux conditions exigées pour une quasi-régie –, sans sacrifier le dialogue social. Cette solution a d’ailleurs recueilli l’assentiment de l’ensemble des parties prenantes – CCI, collectivité de Corse, ensemble des syndicats –, comme je l’ai constaté lors des auditions.
L’article 1er du projet de loi détaille les modalités de fonctionnement du nouvel EPCI de Corse. Il précise ses missions, son modèle, ses ressources ainsi que la gouvernance de son conseil d’administration et de ses instances de dialogue social. Plusieurs points méritent d’être relevés.
D’abord, les élus seront majoritaires au sein du conseil d’administration du nouvel EPCI. Ce point est essentiel, en ce qu’il sécurise la relation de quasi-régie unissant la collectivité de Corse au nouvel EPCI. Le modèle retenu différera donc de celui des chambres de commerce et d’industrie, au sein desquelles les représentants des professionnels sont majoritaires.
Ensuite, le mode de financement de ce nouvel EPCI sera identique à celui des chambres de commerce et d’industrie et reposera donc sur les recettes issues de ses activités et sur la taxe pour frais de chambre, répartie par CCI France selon un principe de péréquation.
Enfin, l’article 1er a été complété par le Sénat à la demande des syndicats et des dirigeants de la CCI de Corse et de la collectivité de Corse. Parmi ces modifications figurent notamment la réaffirmation de la compétence du nouvel EPCI en matière de sécurité et de sûreté des équipements, notamment portuaires et aéroportuaires ; le maintien de l’architecture actuelle de dialogue social, composée d’un CSE – comité social et économique – central et de plusieurs CSE d’établissement ; et la possibilité, pour les représentants des personnels, d’être présents avec voix consultative au sein du conseil d’administration du nouvel EPCI. Il est également précisé que la présidence du nouvel établissement sera exercée par le président du conseil exécutif de Corse ou par un conseiller qu’il aura désigné. Des membres de ce conseil exécutif pourront en outre siéger au sein du conseil d’administration, en plus des élus de l’Assemblée de Corse.
Les articles 2 et 3 n’ont pas été modifiés par le Sénat. Ils sont assez techniques, puisqu’ils prévoient des mesures d’adaptation permettant d’intégrer l’EPCI au sein du réseau national des CCI et habilitent son président à délivrer les cartes professionnelles nécessaires à l’exercice des activités immobilières et de commerce ou d’artisanat ambulant.
L’article 4 détaille les dispositions transitoires nécessaires à l’installation du nouvel EPCI. Il fixe la date de sa création au 1er janvier 2026 et prévoit que les biens, droits et obligations de la CCI de Corse lui sont transférés à titre gratuit. L’article définit aussi les conditions de reprise du personnel de la CCI par le nouvel EPCI et la gouvernance sociale de ce dernier. Il prévoit enfin un délai de quatre ans pour permettre aux acteurs du dialogue social de renégocier l’ensemble des conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au 31 décembre 2025 au sein de la CCI de Corse. Ces dispositions, comme les précédentes, font consensus auprès des acteurs auditionnés. Le délai de quatre ans prévu pour renégocier les accords apparaît suffisant et les modalités de transfert des personnels ainsi que la possibilité qui leur est offerte d’opter en faveur soit d’un contrat de droit privé, soit du maintien du statut pour les agents publics qui le souhaiteraient, semblent équilibrées.
Je remercie l’ensemble des acteurs auditionnés pour leur disponibilité et la qualité de nos échanges. Je tiens aussi à rappeler à quel point le texte qui nous est soumis est désormais consensuel : depuis l’avis du Conseil d’État, qui a conduit le gouvernement à modifier son texte, jusqu’à son examen devant le Sénat, toutes les revendications des acteurs locaux qui relevaient de la loi ont été satisfaites. L’enjeu concerne désormais le calendrier : les parties prenantes ont besoin d’une base légale robuste – que leur offre ce texte –, afin d’avancer, en lien avec le gouvernement, sur l’élaboration des textes d’application. Le Parlement devra rester vigilant sur ce point.
Dans cette perspective, je soutiens l’adoption du texte en des termes conformes à ceux retenus par le Sénat.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Stéphane Rambaud (RN). Ce projet de loi, fruit d’une longue attente des élus corses, répond à la nécessité de sécuriser juridiquement la gestion des ports et aéroports de l’île. Il marque une étape dans le processus institutionnel de la Corse. L’État semble enfin reconnaître la spécificité de l’île et la nécessité de maintenir un pilotage local des infrastructures vitales pour son développement économique. Nous saluons donc l’ambition du texte, qui vise à consolider leur gestion publique, par la collectivité de Corse, dans un cadre d’une quasi-régie qui permettra d’éviter une mise en concurrence qui aurait fragilisé l’avenir de ces équipements stratégiques.
Nous comprenons également l’attachement des acteurs locaux, élus comme salariés, à cette réforme : les ports et aéroports corses accueillent plus de 8 millions de passagers par an, engrangent près de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et représentent des centaines d’emplois locaux. Ce sont des infrastructures vitales, autant pour la desserte de l’île que pour son économie, qui dépend largement du tourisme.
Cependant, si le projet de loi va dans le bon sens, il n’est pas sans soulever quelques interrogations. Une évolution institutionnelle conduisant à confier à un établissement public nouveau le pilotage direct d’infrastructures stratégiques, sous l’autorité exclusive de la collectivité de Corse, ne mériterait-elle pas d’être davantage encadrée, afin de garantir l’équilibre entre les différentes parties prenantes, tant dans leur représentation que s’agissant des pouvoirs dont ils disposent ? Le fait que son conseil d’administration soit essentiellement composé d’élus territoriaux, sans véritable place pour les représentants du tissu économique local, ne risque-t-il pas de rompre avec l’équilibre que garantissent ailleurs les chambres consulaires ?
Dès lors, nous appelons à la vigilance, pour que cette nouvelle gouvernance ne dérive pas vers un système fermé, opaque, réservé à quelques initiés. Des garde-fous solides doivent être prévus, notamment un contrôle strict du respect des règles relatives à la transparence de la vie publique et une évaluation régulière de la gestion de cet établissement – par la chambre régionale des comptes, par exemple.
Ce texte doit servir la Corse et les Corses. La Corse a besoin de liberté, non de verrouillage ; de justice, non de passe-droits ; d’un développement au service de tous, non au profit de quelques-uns.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je profite de l’examen de ce texte pour saluer la décision de l’Assemblée de Corse qui, la semaine dernière, à l’initiative de sa présidente autonomiste Marie-Antoinette Maupertuis, a été la première région française à reconnaître l’État de Palestine. J’espère que cette décision très courageuse servira d’exemple et encouragera la France à faire de même, comme Emmanuel Macron s’y était engagé pour le 17 juin. Par cette motion, l’Assemblée demande aussi à la France de cesser toute livraison d’armes et refuse que les bases situées en Corse ou en Sardaigne soient utilisées pour mener des interventions contraires au droit international.
Le projet de loi soumis à notre examen acte la création d’un établissement public de la collectivité de Corse qui se substituerait à la CCI et s’inscrit dans une dynamique d’approfondissement démocratique des institutions corses. Il témoigne de la volonté affichée, tant par le gouvernement que par les autorités de l’île, d’accompagner la Corse vers une nouvelle page institutionnelle qui, nous l’espérons, tournera le dos aux logiques centralisatrices et aux injonctions technocratiques pour laisser place à plus d’autonomie, de démocratie locale et de co-construction avec les citoyens.
Dans cette perspective, le maintien d’une gestion publique directe des ports et aéroports grâce à un dispositif de quasi-régie est un signal encourageant. Il est vital de soustraire les infrastructures stratégiques aux griffes du marché et de la mise en concurrence pour continuer à servir l’intérêt général et à répondre aux besoins spécifiques de la Corse, territoire insulaire. Le soutien de l’Assemblée de Corse et du comité social et économique central de la CCI de Corse montre qu’un consensus local existe. Il faut s’en réjouir.
Mais nous devons rester lucides : ce texte n’est qu’un jalon, un élément d’un processus plus vaste. Notre vigilance sera totale, car cette évolution institutionnelle, dont l’amorce suscite l’espoir, ne doit pas être détournée ni freinée. Il ne saurait être question d’une décentralisation à moitié, d’un transfert de responsabilités sans moyens et encore moins d’une réforme vidée de toute ambition démocratique réelle.
À ce titre, nous nous interrogeons sur le choix de renvoyer à un texte ultérieur le sort des missions assurées par la chambre de métiers et de l’artisanat (CMA). Pourquoi un tel découpage ? Ne risque-t-il pas d’introduire de l’instabilité, de la confusion, voire des blocages ? Nous attendons aussi des garanties fermes en matière d’accompagnement budgétaire du nouvel établissement public, pour que la collectivité de Corse ne se retrouve pas face à une montagne de responsabilités sans moyens pour les assumer.
Ce texte peut être un pas vers une Corse davantage maîtresse de son destin, à condition que le gouvernement respecte ses engagements, qu’il cesse de mépriser les dynamiques locales et qu’il œuvre sincèrement à la démocratisation des institutions territoriales. Nous serons donc vigilants, exigeants et fidèles à nos principes : le service public, la démocratie réelle et l’intérêt général.
M. Vincent Caure (EPR). C’est un texte stratégique pour l’avenir de la Corse que nous examinons. Adopté en première lecture au Sénat le 2 juin dernier, il résulte d’un travail conjoint des services de l’État et de ceux de la collectivité de Corse, dont l’Assemblée avait émis un avis favorable le 28 mars 2025.
Le projet de loi vise à créer, au 1er janvier 2026, un établissement public du commerce et de l’industrie, placé sous la tutelle de la collectivité de Corse, en lieu et place de l’actuelle chambre de commerce et d’industrie. Il s’inscrit dans la continuité de la loi Pacte de 2019, dont l’article 46 prévoyait cette évolution institutionnelle et statutaire des chambres consulaires de l’île, mais aussi dans la prolongation du processus de Beauvau commencé en 2022 en vue d’accorder davantage d’autonomie à l’île de Beauté, processus qui s’était aussi traduit par le discours du président de la République devant l’Assemblée de Corse le 28 septembre 2023.
Il s’agit de répondre à une réalité concrète : les contrats de gestion des ports et aéroports de l’île, confiés depuis plus de vingt ans à la chambre de commerce et d’industrie, arrivent à échéance à la fin de cette année. La collectivité de Corse est, depuis la loi du 22 janvier 2002, propriétaire des infrastructures portuaires et aéroportuaires de l’île, dont elle a, dans un souci de continuité, concédé la gestion à la CCI de Corse en 2005 et 2006, pour une durée de quinze ans. La gestion des principaux aéroports, ports de commerce et ports de pêche de l’île représente plus de 90 % des activités de la chambre, ce qui constitue une spécificité par rapport aux autres CCI du réseau français. Ces infrastructures revêtent en outre un caractère absolument stratégique, puisqu’environ 40 % du PIB insulaire est lié au tourisme et que 95 % des produits agricoles et alimentaires consommés dans l’île sont issus de l’importation et transitent nécessairement par ces ports et ces aéroports, qui sont véritablement les portes d’entrée de l’île. Sans ce texte, la Corse serait contrainte de mettre en concurrence la gestion de ces infrastructures, au risque de voir des opérateurs extérieurs, parfois peu soucieux des intérêts locaux, prendre la main sur des leviers essentiels pour l’avenir insulaire.
Dans ce contexte, et au regard de la dimension stratégique des ports et aéroports pour le développement du territoire et la vie quotidienne de ses habitants, cette évolution normative est particulièrement attendue. Créer un établissement public placé sous la tutelle de la collectivité de Corse revient à faire le choix de l’efficacité et de la proximité. Ce nouvel établissement reprendra l’ensemble des missions de la CCI, intégrera ses agents et assurera la gestion publique des ports et aéroports, tout en garantissant la maîtrise locale de ces infrastructures.
C’est donc un texte au service de la Corse et des Corses qui nous est présenté, et que notre groupe votera, puisqu’il fait l’objet d’un large consensus, qu’il résulte d’un long processus politique et qu’il revêt une dimension stratégique pour la Corse.
M. Jacques Oberti (SOC). Nous le savons, le dialogue politique et institutionnel entre l’État et la Corse est aussi exigeant que complexe, d’autant que nous sommes à l’orée d’une évolution constitutionnelle très attendue dans l’île mais qui peine à se concrétiser. Dans ce contexte, la possibilité de traduire dans la loi une évolution à la fois positive pour le territoire et largement consensuelle est une occasion bienvenue, qu’il nous fait saisir.
L’article 46 de la loi Pacte pose le principe d’une évolution institutionnelle et statutaire des chambres consulaires de l’île, dans le cadre de d’un processus global de transfert de compétences de l’État vers la collectivité de Corse. Le présent projet de loi doit permettre de respecter cette promesse, mais aussi de traduire un principe auquel mon groupe est fortement attaché : celui de la maîtrise publique des infrastructures stratégiques, dont les ports et les aéroports font partie. C’est d’ailleurs au cours de l’examen du projet de loi Pacte que notre groupe avait combattu la privatisation d’Aéroports de Paris et lancé pour la première fois un référendum d’initiative partagée qui, s’il n’a pas abouti, aura atteint son objectif six ans plus tard, dans un monde profondément transformé – une telle proposition paraîtrait désormais absurde. C’est dans le même esprit que ma collègue Marie-Noëlle Battistel a conduit avec Philippe Bolo une mission d’information consacrée aux modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques.
L’impératif de la maîtrise publique de telles infrastructures justifie le caractère hybride, voire quelque peu exotique, de l’établissement public qui nous est proposé : si nous sommes attachés à l’autonomie des chambres consulaires et à la place des représentants des professionnels dans leur gouvernance, la situation particulière de la CCI de Corse et le poids des infrastructures portuaires et aéroportuaires dans son activité nous semblent justifier une telle dérogation.
Nous nous satisfaisons également des apports du Sénat, qui doivent permettre une juste représentation du personnel, tant dans la gouvernance que dans les instances de dialogue social interne. Enfin, nous serons vigilants, lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, à ce que tous les engagements pris en matière de financement de cet établissement soient bien tenus – l’histoire des compensations des transferts de compétences de l’État appelle, en la matière, à la prudence.
Si le projet de loi n’est pas parfait, son ergonomie générale convient à notre groupe, par ailleurs conscient de la nécessité d’un aboutissement rapide, au 1er janvier 2026. Aussi voterons-nous contre tous les amendements déposés, pour permettre l’adoption d’un texte conforme à celui issu des travaux du Sénat.
M. Hendrik Davi (EcoS). Je me félicite à mon tour que l’Assemblée de Corse ait reconnu l’État de Palestine. Espérons que le président de la République suivra rapidement cet exemple.
Le projet de loi soumis à notre examen s’inscrit dans le cadre d’un transfert de compétences de l’État vers la collectivité de Corse. L’enjeu est de permettre à la collectivité, grâce au nouvel établissement public, de conserver le contrôle des infrastructures essentielles que sont les ports et aéroports de l’île. Cette solution évitera la mise en concurrence avec des multinationales qui gèrent déjà des sociétés aéroportuaires, notamment à Nice ou à Paris. Il faut s’en réjouir et notre groupe votera évidemment pour ce texte.
Il y a cependant de quoi s’étonner : comment un gouvernement macroniste, champion du monde toutes catégories de la privatisation, a-t-il pu accepter et même défendre cette initiative ? La réponse est double : le texte résulte à la fois de la détermination sans faille des élus insulaires et, surtout, d’un mouvement social aussi puissant que rapide. En octobre 2024, face au risque de privatisation et d’accaparement des infrastructures par des multinationales, les travailleurs de la CCI décident de bloquer tous les ports et aéroports de l’île. En vingt-trois heures, le gouvernement cède. Ce texte est donc la preuve que, lorsque les travailleurs s’organisent et se battent pour défendre leurs intérêts, ils peuvent obtenir des victoires conséquentes et rapides.
Pourquoi ce qui est bon pour la Corse ne le serait-il pas pour l’Hexagone ? Le contrôle public des infrastructures essentielles en quasi-régie ou en régie gagnerait à être généralisé à l’échelle nationale, a fortiori dans un contexte mondial si incertain. En cela aussi, la France devrait s’inspirer de la Corse.
Enfin, reconnaissons que l’histoire de la CCI a été entachée de très nombreuses affaires de détournement de fonds, d’escroquerie et de favoritisme. Ce week-end encore, un article du Monde consacré à la mafia dans l’île mentionnait cette institution à deux reprises. La question se pose donc de savoir ce que le gouvernement compte faire pour veiller à ce que les affaires passées ne se reproduisent plus et à ce que la gestion publique sous la tutelle de la collectivité de Corse soit synonyme de transparence et de probité renforcée.
M. Philippe Latombe (Dem). Ce texte constitue une réponse pragmatique, juridiquement solide et politiquement mûre, à un enjeu important pour l’île : la gestion de ses équipements portuaires et aéroportuaires. Il concrétise un long dialogue entre l’État et la collectivité de Corse, entamé dès l’instauration de la collectivité unique en 2018 puis approfondi par la loi Pacte et les échanges conduits dans le cadre du processus de Beauvau.
La création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse est cohérente avec l’autonomie déjà reconnue à la collectivité. Elle permet d’adapter les outils institutionnels à la réalité d’un territoire aux besoins spécifiques, sans remettre en cause l’unité de la République. Le projet de loi répond dès lors à une double exigence : garantir la continuité du service public et sécuriser juridiquement la gestion d’infrastructures stratégiques pour l’économie insulaire. La relation de quasi-régie permettra d’éviter le recours à la mise en concurrence à l’échéance des concessions actuelles, tout en assurant le maintien des missions d’intérêt général actuellement assurées par la CCI de Corse – une avancée nécessaire alors que près de 95 % des produits agricoles et alimentaires consommés sur l’île sont importés.
Nous saluons les garanties apportées à l’issue des travaux du Sénat : gouvernance équilibrée entre élus de l’Assemblée de Corse et représentants des milieux économiques, intégration de l’EPCI dans le réseau national des CCI, continuité des droits pour les personnels, participation des représentants consulaires au nouveau conseil d’administration jusqu’à la fin de leur mandat.
Parce qu’il permet une adaptation institutionnelle pleinement justifiée par l’histoire, la géographie et les attentes exprimées localement tout en respectant les principes de notre droit, ce texte constitue une avancée à la fois responsable et respectueuse de l’intérêt du territoire corse. Fidèle à ses valeurs et favorable à une plus grande autonomie des territoires, notre groupe votera donc en faveur de ce projet.
M. Michel Castellani (LIOT). En tant que député de la Corse, je tiens à souligner l’importance des infrastructures portuaires et aéroportuaires : pour nous, elles sont véritablement des portes ouvertes sur le reste du monde, car nous n’avons pas d’autre solution que de prendre l’avion ou le bateau pour échanger.
Je tiens aussi à souligner le sérieux de la CCI de Corse. Il y a certes eu des problèmes en Corse du Sud, mais pas dans la CCI de Haute-Corse. Les deux chambres sont désormais unifiées, le siège est situé à Bastia et je me dois de témoigner du professionnalisme de la CCI et de la rigueur dont elle fait preuve dans sa gestion.
Fruit d’un dialogue tripartite et d’un long travail de concertation entre la collectivité de Corse, l’État et la CCI, ce texte a été voté à l’unanimité par l’Assemblée de Corse. Il va dans le sens d’une autonomie plus large de la Corse, en lui octroyant les compétences que nous appelons de nos vœux et qui lui apporteraient une plus grande efficacité sur les plans économique, social et culturel. Nous souhaitons aller au bout de cette démarche constitutionnelle.
Placer la CCI sous la tutelle de la collectivité de Corse rend possible la mobilisation de l’exception de quasi-régie, qui dispense de la mise en concurrence et de la publicité préalable. Cette disposition constitue un progrès notable tant cette question revient de façon récurrente à chaque renouvellement de concession.
Je voulais déposer des amendements, visant notamment à m’assurer que la localisation du siège de cet établissement ne conforte pas une polarisation croissante éloignée de Bastia, mais je m’en suis abstenu puisque nous recherchons une adoption conforme. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera ce texte.
M. Jean Moulliere, rapporteur. Il est important de parvenir à une adoption conforme, dans cette commission puis en séance publique, afin d’accélérer le processus – notamment la parution des textes réglementaires. Une adoption conforme permettra en outre de préparer la discussion budgétaire qui interviendra lors de l’examen par le Parlement du projet de loi de finances, dans le cadre d’un dialogue continu entre la collectivité de Corse, le nouvel EPCI, l’État et le Gouvernement.
Monsieur Rambaud, contrairement au fonctionnement d’une CCI, dans un système de quasi-régie le droit européen prévoit la présence d’une majorité d’élus au conseil d’administration, faute de quoi la mise en concurrence deviendrait obligatoire. De plus, le préfet continuera de contrôler la légalité des actes qui seront pris par la collectivité de Corse dans le cadre de ses relations avec cet établissement public. Enfin, la chambre régionale des comptes de Corse aura la possibilité de contrôler les comptes du nouvel EPCI en fonction de son programme de travail.
Madame Cathala, le choix de ne pas intégrer la CMA a été évoqué à plusieurs reprises dans les auditions que j’ai menées. Il résulte de l’urgence de la situation : au 31 décembre 2025, les accords prennent fin et la mise en concurrence qui s’ensuivrait permettrait à des concessionnaires privés de prendre position pour la gestion des ports et des aéroports. L’intégration de la chambre des métiers et de l’artisanat soulève des difficultés juridiques et sera donc traitée dans un second texte – le sujet est à l’étude, bien que je n’aie pas connaissance d’un calendrier précis.
Grâce à l’adoption conforme du présent texte, les élus corses pourront faire progresser leurs discussions avec l’État et le gouvernement, qui portent notamment sur une compensation potentielle ; je vous renvoie à cet égard à l’examen du prochain projet de loi de finances.
Monsieur Davi, vous vous interrogez sur la possibilité de reproduire ce modèle dans l’Hexagone, en confiant aux services publics les concessions des ports et des aéroports. La situation de la Corse est particulière : son économie repose fortement sur le tourisme et ses ports et ses aéroports sont ses seules entrées. La situation dans l’Hexagone est très différente et les concessions privées ne me semblent pas poser problème.
Comme l’a rappelé M. Castellani, ce projet de loi a été élaboré avec les élus corses et adopté à l’unanimité par l’assemblée de Corse. Malgré l’instabilité politique nationale et la menace d’une motion de censure, nous avons cette semaine l’occasion d’accéder enfin à la demande des élus corses et des Corses en le votant.
M. le président Florent Boudié. Nombre d’entre vous ont, à juste titre, insisté sur l’importance économique des infrastructures maritimes et portuaires pour le tourisme et les enjeux de continuité territoriale. Toutefois je rappelle que, chaque année, 73 000 personnes prennent l’avion pour aller sur le continent pour des raisons médicales, soit 11 % du total des passagers résidents.
Cela répond en partie à votre question, monsieur Davi, consistant à savoir pourquoi ce gouvernement a souhaité une maîtrise publique aussi organisée. L’enjeu n’est pas simplement économique et touristique : il est vital pour de nombreux Corses, en particulier pour les étudiants qui n’ont pas d’autre choix, s’ils veulent prolonger leurs études, que d’emprunter ces infrastructures.
Article 1er (art. L. 4251-18, L. 4424-13, L. 4424-42 à L. 4424-45 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales, art. L. 132-7 du code de l’urbanisme) : Création d’un établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse en remplacement de la CCI de Corse
Amendement CL2 de M. Ugo Bernalicis
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer un établissement public administratif (Epa) plutôt qu’un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic). En effet, le Conseil d’État a rendu un avis dans lequel il « estime que l’attribution de la qualification d’Epic à l’établissement public de commerce et d’industrie de Corse créerait, à cet égard, une discordance, source de confusion ». Le Conseil d’État souligne d’ailleurs, au demeurant, que le statut d’Epic n’est pas en l’espèce de nature à apporter une souplesse de gestion particulière, puisque le nouvel établissement public demeurera en tout état de cause soumis au droit de la commande publique, à l’instar d’un établissement public administratif, et ne recrutera à l’avenir que des salariés de droit privé, comme les autres CCI.
Lors de la saisine rectificative, le Conseil d’État a proposé de ne pas retenir ces dispositions et a suggéré la création d’un établissement public administratif.
M. Jean Moulliere, rapporteur. Permettez-moi de dissiper toute confusion : le nom « établissement public du commerce et de l’industrie de Corse » a été choisi par analogie avec les chambres de commerce et d’industrie. Comme l’a rappelé le ministre Rebsamen lors de l’examen du texte au Sénat, le nouvel EPCI de Corse ne sera ni un établissement public administratif ni un établissement public industriel et commercial, mais un établissement public sui generis créé spécialement pour la Corse. Cette solution laisse en effet une plus grande liberté aux acteurs locaux pour définir sa nature exacte.
En outre, d’après l’avis du Conseil d’État que vous avez cité, la détermination de la nature de cet établissement public ne relève pas de la compétence du législateur. Les syndicats et les acteurs sont, par ailleurs, satisfaits de la rédaction actuelle et plaident pour une adoption conforme. Il ne me semble donc pas opportun de préempter ce débat à la place des acteurs locaux.
Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL6 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement vise à systématiser le contrôle par la chambre régionale des comptes des marchés et concessions conclus par le futur établissement public pour sa mission en lien avec les ports et les aéroports. C’est nécessaire, parce que l’histoire de la CCI est entachée de plusieurs affaires de détournement de fonds, d’escroquerie et de favoritisme, en particulier dans le cadre de l’attribution des marchés publics. Rappelons qu’un président de CCI a été assassiné en 2012 et que, au cours des vingt-cinq dernières années, trois présidents ont été condamnés et ont dû démissionner, tandis qu’un autre a démissionné en dénonçant des pressions mafieuses.
Ces défaillances répétées soulèvent des interrogations. Les représentants actuels de la CCI ont fait part de leur détermination à instaurer une transparence renforcée. La collectivité de Corse est également engagée dans la lutte contre les pratiques mafieuses – ce dont nous nous réjouissons. Nous proposons d’accompagner ce vaste mouvement en confiant à la chambre régionale des comptes de Corse un contrôle permanent sur les marchés passés par ce nouvel établissement concernant les ports et les aéroports.
M. Jean Moulliere, rapporteur. Dans le cadre de mes travaux, j’ai auditionné le président de la chambre régionale des comptes de Corse, M. Philippe Sire, qui m’a présenté l’action et les nombreux rapports de la chambre régionale des comptes de Corse. Il m’a également fait part de la taille modeste de ses effectifs : vingt agents, dont sept magistrats, pour assurer la publication de plus d’une dizaine de rapports chaque année.
Dans ces conditions, prévoir un contrôle systématique des contrats de la commande publique pour sécuriser ce nouvel EPCI ne me semble pas pertinent pour trois raisons. Les activités de sécurité et de sûreté ont été internalisées au sein de la CCI de Corse depuis 2024, ce qui limite, d’abord, l’intérêt d’un tel contrôle systématique, qui serait probablement peu efficace. Il me semble préférable, en outre, de faire confiance à la chambre régionale des comptes et aux services de l’État pour contrôler les contrats les plus sensibles. Le contrôle effectué par la chambre régionale des comptes de Corse portant sur un périmètre de 2,6 milliards d’euros de crédits publics, cela implique, enfin, de rationaliser au maximum son action de contrôle.
Je doute, par ailleurs, du caractère réglementaire d’une telle modification, qui relève probablement davantage du domaine de la loi que d’un décret en Conseil d’État. Je vous rappelle également que l’adoption de cet amendement empêcherait, là encore, un vote conforme. Demande de retrait.
M. Hendrik Davi (EcoS). Je m’interroge sur votre réponse. Nous avons réellement besoin de contrôles, peut-être pas systématiques, mais qui ne sauraient être conditionnés par un manque d’effectifs. Parce qu’on ne peut se permettre de continuer de constater des détournements d’argent, la bonne réponse doit être une augmentation des effectifs plutôt qu’une limitation des contrôles.
Néanmoins, je souhaite une adoption conforme et je retire donc cet amendement.
M. Michel Castellani (LIOT). Nous partageons l’objectif de contrôle de M. Davi – vous n’avez pas idée du nombre de ministres de l’Intérieur que j’ai sollicité à sujet, en toute discrétion. Cet objectif s’inscrit dans le vaste mouvement corse vers plus d’honnêteté.
N’allez pas imaginer que la Corse, c’est le Chicago des années 1930 ! Je me dois de dire qu’une grande majorité de ses habitants sont des gens honnêtes, qui élèvent leurs enfants dans la droiture et payent leurs impôts.
L’amendement est retiré.
Amendement CL3 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement vise à donner un réel droit de vote aux représentants du personnel au sein du conseil d’administration de l’établissement public que crée le présent projet de loi. Le texte offre aux salariés un siège au sein du conseil d’administration avec voix consultative seulement. Autrement dit, les représentants du personnel pourront assister au conseil d’administration mais ne pourront pas peser sur les décisions de l’établissement. Or il ne faudrait pas oublier que si cet établissement public voit le jour, c’est grâce à l’engagement des salariés qui ont fait plier le gouvernement. Parce qu’ils sont indispensables, ces derniers doivent peser dans les décisions prises par le conseil d’administration et leurs représentants doivent siéger de plein droit et voter comme les autres membres. C’est le sens de cet amendement.
M. Jean Moulliere, rapporteur. Le projet de loi, qui garantit leur présence au conseil d’administration avec une voix consultative, convient aux parties prenantes de cette réforme, notamment les syndicats. Chacun reconnaît l’implication du personnel de la CCI de Corse et son caractère indispensable, sans qu’il soit nécessaire de modifier la composition du conseil d’administration du futur EPCI. Lors de leur audition, tous les syndicats ont salué la qualité du dialogue social et demandé le vote conforme de ce texte, estimant que toutes leurs demandes étaient satisfaites.
Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement CL1 de M. Ugo Bernalicis
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’amendement vise à donner aux représentants du personnel de cet établissement une voix délibérative au sein du conseil d’administration.
M. Jean Moulliere, rapporteur. Pour les raisons que je viens d’évoquer, je vous demande de le retirer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL5 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement vise à garantir que l’EPCI de Corse ne puisse participer au capital de sociétés qu’à la condition que les dirigeants et associés de ces entreprises n’aient pas fait l’objet de condamnations pour des faits d’atteinte à la probité, d’extorsion, d’escroquerie ou de détournements.
L’établissement public aura en effet la possibilité d’entrer au capital de sociétés concourant à ses missions. Toutefois ce levier, sans publicité ni mise en concurrence préalable, peut conduire à des dérives s’il n’est pas encadré. Des détournements de fonds et des problèmes de probité sont survenus par le passé ; dans le même temps, on constate en Corse une forte demande de transparence de la vie publique et comme l’a rappelé mon collègue Castellani, la société civile et les élus corses cherchent à lutter activement contre la corruption. La collectivité de Corse a notamment lancé une démarche importante depuis février 2025 en ce sens pour lutter contre les pratiques mafieuses.
Adopter cet amendement permettrait de garantir que de l’argent public ne finisse pas dans des sociétés potentiellement sous emprise.
M. Jean Moulliere, rapporteur. Vous avez raison de soulever cette question, qui n’a d’ailleurs pas été éludée par les acteurs que j’ai auditionnés : tout le monde est conscient qu’il y a eu, par le passé, quelques troubles de nature pénale – l’assassinat d’un président de CCI en fonction et la condamnation d’anciens présidents. Depuis, une importante prise de conscience a permis de réaliser des efforts en la matière.
Le préfet garde un œil sur ces structures et peut exercer son contrôle de légalité. La chambre régionale des comptes peut contrôler la CCI et la collectivité de Corse, même si ce n’est pas obligatoire et contrôlera à n’en pas douter cet EPCI.
En tout état de cause, la lutte contre la criminalité organisée et les mafias doit être forte et constante. Nous avons voté récemment en ce sens en adoptant le texte portant sur le narcotrafic. Cependant, comme l’a très bien dit Michel Castellani, la Corse a appris de ses erreurs et il ne me semble pas nécessaire de faire figurer cette précision dans le texte.
Demande de retrait.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous sommes conscients des nombreux progrès accomplis, mais la société civile corse est mobilisée pour aller plus loin.
Je retire cet amendement, mais je souhaiterais que le gouvernement se saisisse de la commission mixte paritaire (CMP) pour déposer un amendement semblable à celui-ci et au suivant.
M. le président Florent Boudié. Le gouvernement ne participe pas à la CMP. En revanche il peut déposer des amendements sur le texte qui en est issu, lors de son examen en séance publique. Toutefois, si nous parvenons à une adoption conforme, il n’y aura pas de CMP.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 1er non modifié.
Article 2 (art. L. 711-6, L. 711-15, L 712-6 et L. 723-1 du code de commerce) : Intégration de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse au sein du réseau national des chambres de commerce et d’industrie
La commission adopte l’article 2 non modifié.
Article 3 (art. 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce) : Délivrance de cartes professionnelles par le président du conseil d’administration de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse
La commission adopte l’article 3 non modifié.
Article 4 : Dispositions transitoires et modalités d’entrée en vigueur
Amendement CL4 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Les transferts de compétences cachent trop souvent des coupes budgétaires présentes ou à venir. Les exemples en la matière sont nombreux et ont contribué à dégrader les finances des collectivités locales.
Nous devons être vigilants pour éviter que la transformation de la CCI en établissement public sous tutelle de la collectivité de Corse ne conduise à sous-financer cette structure, induisant des restrictions au détriment du service public ou des personnels, qui pourraient voir leurs rémunérations ou leurs conditions de travail régresser à l’occasion de nouveaux accords ou de conventions passés dans un contexte d’austérité.
Cet amendement vise à instaurer une clause de mieux-disant pour les conventions et les accords qui seront négociés par les salariés de l’établissement public au cours des quatre prochaines années. En l’adoptant, nous interdirions que les négociations futures débouchent sur des accords de conventions ou des engagements moins avantageux pour les salariés.
M. Jean Moulliere, rapporteur. Nous devons respecter la liberté de négociation des partenaires sociaux. Aucun syndicat n’a émis de crainte s’agissant du sujet que vous évoquez ; à l’inverse, ils ont tous salué la qualité du dialogue social. Je ne doute pas de la capacité des syndicats corses à défendre leurs intérêts en la matière, le cas échéant.
Les garanties offertes par le texte sont solides et convaincantes pour les personnels. La présence de ces derniers au sein du conseil d’administration est assurée, avec une voix consultative. Les agents de droit public qui opteraient pour un statut de droit privé bénéficieront de la garantie que leur contrat privé conservera les éléments essentiels dont ils bénéficiaient précédemment, notamment en ce qui concerne leur rémunération.
Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 4 non modifié.
Elle adopte l’ensemble du projet de loi sans modification.
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse (n° 1486) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
M. Jérôme Filippini, préfet de Corse
M. Alexandre Patrou, secrétaire général pour les affaires corses.
M. Jean Dominici, président
M. Philippe Albertini, directeur général
M. Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse
M. Michel Gaudeau-Pacini, directeur général adjoint en charge des infrastructures, des transports et des bâtiments
M. Yannick Bertolucci, collaborateur au cabinet du Président
M. Philippe Sire, président
M. Olivier Hubac, sous-directeur des chambres consulaires
M. Thomas Fauconnier, sous-directeur de la Sous-direction des finances locales et de l'action économique (FLAE)
M. Yoann Blais, adjoint sous-directeur de la Sous-direction des finances locales et de l'action économique (FLAE)
M. Christophe de Vivie de Régie, chef de bureau des interventions économiques des collectivités locales
M. Damien Féraille, adjoint chef de bureau des interventions économiques des collectivités locales
M. Eugénie Vandenhove, attachée
M. Nicolas Repain-Beretti, délégué syndical
M. Richard Louzao, secrétaire national
M. Etienne Santucci, secrétaire national
M. Thierry Casolasco, DS STC CCI Corse
M. Vincent Royer, secrétaire général adjoint
M. Patrice Bossart, secrétaire général
M. Olivier Sigurani, représentant de la Confédération Générale du Travail
Mme Françoise Casanova, secrétaire générale
M. Jean Ottaviani, membre du bureau régional CFE CGC
M. Fabrice Ogliastro, représentant CFE CGC au CESCC de Corse
M. Joseph Paoli, délégué syndical CFE CGC Port CCI
([1]) Sont ici visés les ports d’Ajaccio et de Bastia.
([2]) Cet article prévoit, en particulier, la création de deux collèges en fonction de la nature des agents concernés (agents de droit privé ou agent de droit public).
([3]) Contribution écrite de la CCI de Corse.
([4]) Dans sa contribution écrite, la CCI de Corse indique que 88,5 % des effectifs sont engagés dans cette mission.
([5]) Contribution écrite de la CCI de Corse.