N° 1944

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 mai 2019

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

ET À LA DÉCENTRALISATION

 

 

 

SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, d’orientation des mobilités    (n° 1831).

 

 

PAR Mme Monica MICHEL

 

Députée

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Voir les numéros :

                           Sénat : 157 rect., 347, 350, 368, 369 et T.A. n° 84 (2018-2019).

     Assemblée nationale : 1831

                         

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Les collectivitÉs territoriales sont les principaux acteurs dÉsignÉs par la lom pour rÉpondre aux nouveaux enjeux de la mobilitÉ

II. LE TEXTE adoptÉ par le sénat

1. Les dispositions du Titre Ier A relatif à la programmation des investissements de l'État dans les transports

 ARTICLE 1er A (nouveau) - Programmation financière et rapport annexé prévoyant les investissements de l'État dans les systèmes de transports pour la période 2019-2037

2. Les dispositions du Titre Ier relatif à la gouvernance des mobilités

 ARTICLE 1er  Compétence d’organisation de la mobilité

a. Droit en vigueur

b. Le droit proposé

c. Modifications apportées par le Sénat

 ARTICLE 1er bis  Possibilité pour Île-de-France Mobilités d’avoir recours à la déclaration de projet prévue par le code de l’urbanisme

 ARTICLE 2 Versement mobilité

a. Le droit en vigueur

b. Le droit proposé

c. Modifications apportées par le Sénat

 ARTICLE 2 bis (nouveau) Attribution d’une fraction de TICPE au financement des services de mobilité

 ARTICLE 3 Habilitation à créer par ordonnance un établissement public local remplaçant le SYTRAL

 ARTICLE 4 Rôle de chef de file de la région et comité des partenaires

 ARTICLE 5 Substitution des plans de déplacements urbains par les plans de mobilité

 ARTICLE 6 Services de mobilité solidaire et aides individuelles à la mobilité

 ARTICLE 7 – Mesures en faveur des personnes handicapées ou à mobilité réduite et de leurs accompagnateurs

 ARTICLE 7 bis Remise par les régions d’un rapport d’étape sur la mise en œuvre des schémas directeurs d’accessibilité-agenda d’accessibilité programmée de tous les services de transports publics existants sur son territoire

 ARTICLE 8 – Application outre-mer des modifications apportées à la gouvernance

 ARTICLE 8 bis (nouveau) Inclure l’objectif d’atténuer les contraintes de l’insularité et de l’éloignement au sein de la  politique nationale de continuité territoriale outre-mer.

3. Les dispositions du Titre II relatif à la révolution des nouvelles mobilités

 ARTICLE 10Collecte et ouverture des données facilitant les déplacements des personnes handicapées ou à mobilité réduite

 ARTICLE 15Dispositions en faveur des mobilités partagées

 ARTICLE 15 bis B (nouveau) Dérogations à la vitesse maximale autorisée

 ARTICLE 15 bis (nouveau) Tarification de stationnement solidaire

 ARTICLE 15 ter (nouveau) Possibilité pour les EPCI et EPT d’IDF d’instituer une redevance de stationnement

4. Les dispositions du Titre III relatif au développement des mobilités propres et actives

 ARTICLE 21Dérogations aux règles relatives à la circulation des engins de déplacement personnel

 ARTICLE 22 bis (nouveau) Schéma national et itinéraires régionaux de véloroutes

 ARTICLE 25 bis A (nouveau) – Inscrire le déploiement de points d’avitaillement GNV/bioGNV, de manière complémentaire à la mobilité électrique dans  les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET)

 ARTICLE 27Plans d’action de lutte contre la pollution de l’air

 ARTICLE 28Zones à faibles émissions

 ARTICLE 28 bis (nouveau) Mutualisation des flottes de véhicules propres

5. Les dispositions du Titre V relatif à la simplification et aux mesures diverses

 Article 46 bis (nouveau)   Transfert de la gestion de certaines lignes du réseau ferré national à des collectivités locales, en particulier des régions.

liste des amendements proposÉs

liste des personnes entendues par la rapporteure pour avis

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

 


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   INTRODUCTION

 

La Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (DCTD) a décidé de se saisir pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, d'orientation des mobilités (LOM) qui fait l’objet d’un examen au fond au sein de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (M. Bruno Millienne, Mme Bérangère Couillard, Mme Bérangère Abba, Mme Zivka Park et M. Jean‑Luc Fugit, rapporteurs).

Ce projet loi a donné lieu à lieu à une importante concertation. Les Assises de la mobilité, engagées à l'été 2017 par le Premier ministre et qui se sont achevées en décembre 2017, ont permis de rassembler plusieurs centaines d'élus, d'opérateurs, d'entreprises dont de nombreuses startups, d'experts et de citoyens dans les groupes de travail nationaux et dans les ateliers territoriaux qui ont eu lieu en régions.

Le projet de loi a été déposé le 26 novembre 2018 devant le Sénat. À la suite d'un examen en première lecture par le Sénat du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, le Gouvernement a souhaité que le projet de loi d'orientation des mobilités reprenne les dispositions concernant le secteur des transports ferroviaires. Il s'agit des articles 19 à 23 du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français qui sont devenus les articles 46 à 50 du projet de loi d'orientation des mobilités.

Ce projet de loi, qui comportait donc 50 articles avant son examen en commission par le Sénat,  en comporte désormais 102 à l’issue de son adoption en première lecture par la Haute assemblée, suite à la lettre rectificative déposée par le Gouvernement. Le texte se compose de cinq titres dont un (le Titre IV qui établit la programmation des investissements de l'État dans les transports et comprend un rapport annexé qui décline cette stratégie et définissant les montants des dépenses de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France pour sa mise en œuvre) a été déplacé au début de texte à l’initiative du rapporteur de la commission  de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.

Le titre Ier du projet de loi fait évoluer l'organisation territoriale des mobilités en renforçant, dans la continuité de la loi NOTRe, le rôle des régions et des intercommunalités, en améliorant la coordination des acteurs et en facilitant l'émergence des nouvelles mobilités.

Il donne, par ailleurs, la priorité à l'amélioration de la mobilité des publics les plus fragiles. Il ouvre la voie à un développement important de services de mobilité à caractère social, afin d'améliorer notamment l'accès à l'emploi et à la formation. Il permet de favoriser la mobilité des personnes handicapées ou encore de personnes éprouvant des difficultés en matière de mobilités, comme les jeunes et les personnes âgées. Il s'attache enfin à impliquer davantage les entreprises et les usagers dans les politiques de mobilité et à mieux les associer aux décisions prises par les autorités organisatrices de la mobilité.

Le titre II a pour ambition d'orienter l'innovation pour que les nouvelles solutions de mobilité profitent aussi, et avant tout, aux publics fragiles et aux territoires enclavés. Il aborde successivement la problématique de l'ouverture des données de mobilité et du développement des services d'information sur les déplacements, des véhicules autonomes, de l'expérimentation, de la régulation des nouvelles formes de mobilité et du développement de la mobilité partagée comme le covoiturage.

Le titre III prévoit des mesures pour réduire l'impact de la mobilité sur l'environnement et la santé publique, conformément aux engagements internationaux pris par la France et pour répondre à l'urgence sanitaire liée à la pollution de l'air. Ces mesures s'inscrivent dans la mise en œuvre du Plan Climat qui prévoit la fin de la vente des voitures émettant des gaz à effet de serre en 2040 et la neutralité carbone de la mobilité en 2050.

Le titre IV, qui comportait un unique article 30 a été transféré en début de texte et est donc devenu le titre Ier A qui comprend les articles 1er A à 1er E. Il établit la programmation des investissements de l'État dans les transports, fixe la stratégie d'investissement de l'État dans les systèmes de transports pour les dix prochaines années,  en détermine les objectifs et précise les programmes prioritaires d'investissement qui seront mis en œuvre. Un rapport déclinant cette stratégie et définissant les montants des dépenses de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France pour sa mise en œuvre est annexé au projet de loi.

Enfin, le titre V comporte des mesures diverses et de simplification dans les domaines de la sécurité des mobilités, de la compétitivité du transport de fret maritime et fluvial et des réseaux d'infrastructures, ainsi que diverses mesures relatives à la dissolution de la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers, au protocole d'accord du 4 octobre 2017 signé par les partenaires sociaux de la branche du transport routier, au développement de la négociation collective au sein de la branche ferroviaire, à la suppression de l'obligation pour les drones d'emport d'un dispositif de signalement sonore et à la suppression de sur‑transpositions de directives européennes en droit français et le projet de loi d'orientation des mobilités.

Au vu de la grande diversité de ces dispositions qui n’intéressent pas toutes très directement les collectivités territoriales, la DCTD a choisi de se saisir pour avis de l’article 1er A et du rapport qui lui est annexé ; de tous les articles du Titre Ier ; des articles 10, 15, 15 bis B, 15 bis et 15 ter du Titre II; des articles 21, 22 bis, 25 bis A, 27, 28 et 28 bis du Titre III; enfin, de l’article 46 bis du Titre V. Soit, au total, 24 articles ainsi que le rapport annexé.

 

D’une manière générale, votre rapporteure souligne l’importance et la qualité du travail de concertation mené par le Gouvernement dans le cadre de l’élaboration de ce texte. Les associations d’élus locaux y ont largement participé et leurs avis ont été pris en compte. Il convient de souligner l’exemplarité de la méthode déployée par la ministre, Mme Elisabeth Borne, qui a été saluée en préambule des différentes auditions conduites par votre rapporteure.

Dans le projet de loi, la gouvernance territoriale des mobilités et la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux autour du couple EPCI-Régions ont été conçues de manière souple en laissant la possibilité aux communes et aux communautés de communes d’exercer le rôle d’autorité organisatrice de la mobilité. Cette grande latitude d’action laissée aux collectivités territoriales doit être relevée car elle participe de la liberté laissée aux acteurs locaux de mettre en œuvre la meilleure organisation possible en fonction des particularités de chaque territoire.

 

 

 

 

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I.   Les collectivitÉs territoriales sont les principaux acteurs dÉsignÉs par la lom pour rÉpondre aux nouveaux enjeux de la mobilitÉ

Le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) est un texte très attendu qui a fait l’objet d’une phase de concertation inédite par son ampleur et sa durée. Les « Assises de la mobilité » ont permis à l’ensemble des acteurs de faire connaitre leurs attentes et de proposer leurs solutions pour répondre à l’enjeu majeur que constitue le passage du droit au transport pour tous, institutionnalisé par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (dite « loi LOTI ») en son article 2 [1], au droit à la mobilité.

Le droit au transport s'est principalement traduit par la recherche d'une couverture territoriale égalitaire des réseaux de transports collectifs. Le passage au droit à la mobilité, et plus généralement l’évolution sémantique qui voit la promotion des mobilités, qui peuvent être douces, actives ou partagées, au détriment de la notion traditionnelle de transports, se traduit par la prise en compte des notions d’accessibilité et d’intermodalité à côté de celle d’infrastructures de transport qui a longtemps été hégémonique.

Ce sont là tous les enjeux du débat devant notre assemblée qui mobilise trois commissions permanentes et la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Les premiers jalons de cette nouvelle organisation ont été posés par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 qui a transformé les autorités organisatrices de transport urbain (AOTU) en autorités organisatrice de la mobilité (AOM) et a fait de la région le chef de file de l’intermodalité et de la complémentarité entre les modes de transports. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015 a poursuivi, en transférant l'organisation des transports routiers non urbains réguliers, à la demande et scolaires du département à la région, les départements restant compétents pour organiser et financer le transport des élèves en situation de handicap.

L’ambition portée par ce texte en direction des collectivités territoriales peut se résumer dans le triptyque couverture de l’ensemble du territoire, ouverture des données sur les déplacements et la circulation et moins de voitures, ou autres véhicules,  émetteurs de polluants atmosphériques.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, on dénombre à ce jour 330 AOM ayant mis en place des services de transports en commun, accompagnés ou non d'autres services de mobilité. Parmi celles-ci :

- toutes les communautés d'agglomération, des communautés urbaines ou des métropoles, seules ou en groupement, ont mis en place un service de transport en commun ;

- une trentaine de communautés de communes a mis en place un service de transport en tant qu'AOM. Une quarantaine fait partie d'un syndicat qui dispose d'un réseau de transport ;

- une soixantaine de communes a mis en place un réseau de transport en commun sur sa commune.

Le texte entend renforcer le couple intercommunalité-région dans l'organisation des mobilités et prévoir un schéma de gouvernance permettant l'exercice de la compétence par l'une ou l'autre collectivité, en privilégiant l'échelon intercommunal selon le choix des communes.

Le mécanisme prévu par le texte porte sur les communautés de communes qui ne sont autorités organisatrices de la mobilité (AOM) que si cette compétence leur a été transférée par leurs communes membres. L’article 1er du projet de loi prévoyait qu’en l’absence de prise de compétence par les communes ou par les communautés de communes, la région exerce de plein droit la compétence d’autorité organisatrice de la mobilité sur ce territoire à compter du 1er janvier 2021. Le Sénat a décalé ce transfert de compétence au 1er juillet 2021 afin de mieux tenir compte des contraintes liées au renouvellement des exécutifs municipaux et intercommunaux à partir du mois de mars 2020.

Le projet de loi incite donc à ce que, sur les territoires des communes qui n’ont pas encore transféré la compétence à leur communauté de communes, la compétence soit attribuée, soit à l’intercommunalité soit à la région, dans un mécanisme de recherche de l’acteur le mieux à même d’exercer la compétence.

L’exercice effectif de la compétence et son contenu  relèveront toujours de la libre administration des collectivités. Le Sénat a opportunément introduit, à l’article 4, l’obligation pour la région de conclure un contrat opérationnel de mobilité avec les autres acteurs locaux concernés.

Le même article 4 prévoit également que la région est l’autorité organisatrice de la mobilité régionale et est donc compétente pour l’organisation des services d’intérêt régional.

Enfin, afin d'inciter à exercer directement la compétence à une échelle plus large que les communautés de communes, notamment en périphérie des grandes agglomérations ou métropoles à l'échelle des déplacements du quotidien, et pour mutualiser les moyens et les efforts de collectivités, le projet de loi privilégie les syndicats mixtes regroupant plusieurs intercommunalités pour exercer la compétence d'organisation de la mobilité, et ce par deux leviers :

- d'une part, il prévoit que la compétence d'AOM exercée par la région revienne à un syndicat mixte en cas de création ou d'extension de celui-ci ;

- d'autre part, il les autorise à réduire le versement mobilité dans les intercommunalités membres moins denses et/ou présentant un moindre dynamisme économique, afin de ne pas faire payer aux territoires périurbains les transports collectifs « lourds » mis en place dans les cœurs d'agglomération. Cette disposition apparait de nature à lever l'un des freins actuels au regroupement des intercommunalités à une échelle plus pertinente.

Le Titre II du projet de loi articule le droit français avec le droit européen applicable à l'ouverture des données nécessaires à l'information du voyageur via la création de services d'information multimodale. Il confie aux régions et aux métropoles la mission d'animer les démarches d'ouverture des données et à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) celle de contrôler la mise en œuvre de l'ouverture des données et de sanctionner d'éventuels manquements.

Les articles 9, 10 et 11 du projet de loi confient respectivement aux régions et aux métropoles la mission d'animer les démarches d'ouverture des données, aux autorités organisatrices de la mobilité la collecte et l’ouverture des données sur l'accessibilité des services réguliers de transport public par les personnes handicapées ou à mobilité réduite, et aux régions la mission de veiller à l'existence de services d'information multimodale.

Le détenteur effectif des données est, le plus souvent, l'opérateur de transport. Le projet de loi a toutefois, confié la responsabilité de l’ouverture de ces données aux collectivités en leur qualité d’autorités organisatrices de mobilité.

Ces missions entraineront nécessairement un coût pour les collectivités responsables, mais l’étude d’impact indique que le fait de pouvoir bénéficier d'applications permettra, en retour, une meilleure fréquentation des transports publics, une promotion des mobilités actives, ou une meilleure utilisation des infrastructures grâce aux mobilités collaboratives.

Il convient de rappeler que les métropoles et les plus grandes villes françaises ont été pionnières dans la mise en place de portails de données ouvertes. Rennes, avec son opérateur de transport, l'a fait dès 2010, Paris, Lyon, Toulouse ou Montpellier ont lancé les leurs en 2011. La majorité de ces portails comprend des interfaces de programmations applicatives qui permettent un accès très simple des données de mobilité notamment en temps réel. Ces plateformes couvrent un grand nombre de données souvent liées aux politiques de ville intelligente et les données de transport y sont souvent minoritaires. Plusieurs métropoles ont opté pour des plateformes communes avec leur région (Occitanie, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d'Azur) pour des raisons d'efficacité.

Les régions et les métropoles disposent donc des acquis et des compétences pour mener à bien l’ouverture des données, y compris les données en temps réel dont l’ouverture n’est pas obligatoire dans le Règlement mais que le Gouvernement a choisi d’ouvrir. Pour autant ces sujets complexes techniquement recèlent des enjeux très sensibles pour les collectivités, en ce qui concerne la connaissance ou non de la réutilisation qui peut être faite de leurs données et les conditions d’accès aux services de vente et de réservation, services numériques de billettique multimodale, qu’elles ont mis en place.

La qualité de l'air est un enjeu majeur de santé publique. Dans sa dernière estimation publiée le 21 juin 2016, l'Agence nationale de santé publique estime que la pollution atmosphérique est responsable en France de 48 000 décès par an, ce qui correspond à 9 % de la mortalité et à une perte d'espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser 2 ans. La pollution atmosphérique est la première cause de mortalité subie par les Français (troisième cause de mortalité derrière le tabac et l'alcool).

Face à cette situation et aux dispositions européennes relatives au respect des valeurs limites de polluants atmosphériques qui imposent à l'État une obligation de résultat comme l’a souligné le Conseil d’État [2], le projet de loi renforce les exigences en matière de zones à faibles émissions (ZFE).

L’étude d’impact du projet de loi relève que plus de 200 zones ont été instaurées avec succès chez nos voisins européens contre seulement 2 en France, et ce malgré l'instauration dans la loi de la compétence pour les autorités disposant du pouvoir de circulation d'abord via les zones d'actions prioritaires pour l'air (loi Grenelle II, article 182), puis via les zones à circulation restreinte. Ces zones constituent pourtant le principal levier de réduction à court terme des émissions de polluants liés au transport routier.

En réponse, le projet de loi remplace les zones à circulation restreinte par des zones à faibles émissions (ZFE), cette terminologie étant plus positive et cohérente avec le terme anglais de « low emission zone », et élargit le champ des territoires pouvant être inclus dans une ZFE au-delà des seuls territoires couverts par un plan de protection de l'atmosphère, puisqu'une ZFE pourra être mise en œuvre dans toute agglomération de plus de 100 000 habitants.

Par ailleurs, il prévoit l'obligation de mettre en place une ZFE avant le 31 décembre 2020 « lorsque les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 du code de l'environnement ne sont, au regard de critères définis par voie réglementaire, pas respectées de manière régulière sur le territoire de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ».

À ce jour, seules la ville de Paris et les métropoles de Grenoble et de Strasbourg ont mis en place des restrictions de circulation permanentes pour améliorer la qualité de l'air qui s'apparentent à des zones à circulation restreinte.

Mais la tendance s’accélère puisque quinze collectivités ou groupements de collectivités [3] ont signé, le 8 octobre 2018, un engagement avec l'État afin de déployer une ZFE avant la fin de l'année 2020 sur leur territoire. Cet engagement répond  de manière légèrement anticipée à l’obligation précitée.

Par ailleurs, douze collectivités supplémentaires ont réalisé ou sont en cours de réalisation d’études sur la mise en place de ZFE, que ce soit dans le cadre de l'appel à projets « Villes respirables en cinq ans » lancé en 2015 par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ou en réponse à l'appel à projets « zones à faibles émissions » lancé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) en juillet 2018.

Les collectivités territoriales sont donc les acteurs principaux des multiples enjeux portés par le présent projet de loi.

 

 


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II.   LE TEXTE adoptÉ par le sénat

1.   Les dispositions du Titre Ier A relatif à la programmation des investissements de l'État dans les transports

 ARTICLE 1er A (nouveau) - Programmation financière et rapport annexé prévoyant les investissements de l'État dans les systèmes de transports pour la période 2019-2037

Cet article, inséré par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat à l'initiative de son rapporteur, déplace au début du texte l'article 30 du présent projet de loi fixant la stratégie d'investissement de l'État dans les systèmes de transports pour les dix prochaines années et approuvant le rapport annexé au projet de loi qui en détaille les orientations, et précise l'objectif prioritaire de réduction des inégalités territoriales permettant le désenclavement des territoires.

Ce déplacement est motivé par l’idée que cet article est un élément structurant du texte en ce qu'il fixe la stratégie financière et opérationnelle du Gouvernement en matière d'infrastructures de transports sur notre territoire dans les dix prochaines années. Cet article reprend les dispositions de l'article 30 du présent projet de loi tout en y apportant quelques modifications.

La combinaison de cet article et du rapport annexé constituent le volet « programmation » de ce projet de loi, dont toutes les autres dispositions sont de type normatif.

Cette stratégie et cette programmation visent quatre objectifs :

1° Réduire les inégalités territoriales en renforçant l’accessibilité et la mobilité des différentes composantes du territoire ;

2° Améliorer la qualité et la sécurité des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux et en assurer la pérennité, renforcer les offres de déplacements du quotidien ;

3° Accélérer la transition énergétique, la diminution des émissions de gaz à effet de serre et la lutte contre la pollution et la congestion routière ;

4° Améliorer l’efficacité des transports de marchandises pour renforcer la compétitivité des territoires, en termes de mobilité quotidienne et notamment de fluidité du trafic routier, et des ports, et accélérer le report modal, sur l’ensemble du territoire national, notamment en engageant une politique ambitieuse et incitative pour le développement du transport fluvial.

Votre rapporteure propose de préciser que le report modal, qui est une nécessité absolue pour répondre aux objectifs de lutte contre la pollution et la congestion routière et de fluidité du trafic routier, doit tout autant s’appuyer sur le développement du transport ferroviaire que sur celui du transport fluvial, notamment via le ferroutage.

Proposition n° 1 : préciser que le report modal doit tout autant s’appuyer sur le développement du transport ferroviaire que sur celui du transport fluvial.

2.    Les dispositions du Titre Ier relatif à la gouvernance des mobilités

 ARTICLE 1er  Compétence d’organisation de la mobilité

Cet article clarifie la répartition de la compétence d'organisation de la mobilité et modifie les attributions liées à cette compétence.

a.   Droit en vigueur 

L'article L. 1231-1 du code des transports prévoit que, sur leur ressort territorial, les communes, leurs groupements, la métropole de Lyon et les syndicats mixtes de transport sont les autorités compétentes pour organiser la mobilité (AOM).

Les métropoles, la métropole de Lyon, les communautés urbaines et les communautés d'agglomération sont AOM de plein droit sur leur ressort territorial en lieu et place des communes membres, en vertu respectivement des articles L. 5217-2, L. 3641-1, L. 5215-20 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Hors du périmètre de ces intercommunalités, les communes sont donc AOM et exercent ou non cette compétence, le cas échéant en la transférant à la communauté de communes.

En application de l'article L. 1231-10 du code des transports, plusieurs AOM ont la possibilité de s'associer au sein d'un syndicat mixte de transport, sur un périmètre qu'elles définissent, afin de coordonner les services qu'elles organisent et de mettre en place un système d'information à l'intention des usagers et de tarification coordonnée permettant la délivrance de titres de transport uniques ou unifiés. Créés par la loi SRU, ces syndicats visent d'abord à permettre une coordination des politiques de mobilité définies par chaque AOM. Ils sont particulièrement utilisés dans les régions Nouvelle Aquitaine et Hauts‑de‑France.

L'article L. 1231-12 permet aux syndicats mixtes de transport d'instituer un versement destiné au financement des transports en commun (versement transport ou VT), dans les conditions prévues par l'article L. 5722-7 et L. 5722-7-1 du CGCT.

Il convient de distinguer l'attribution d'une compétence et son exercice effectif. D'après l'étude d'impact du projet de loi, dans le cadre du suivi des services mis en place par les AOM effectué par le CEREMA, 330 AOM ayant mis en place des services de transports en commun, accompagnés ou non d'autres services de mobilité, ont été recensées. P