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N° 5038

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 février 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ([1])

sur l’impact de la crise de la covid-19 et les nouvelles mutations
du secteur des métiers d’excellence et métiers d’art

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Barbara Bessot Ballot et M. Philippe Huppé

Députés

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La mission d’information est composée de : Mme Anne-Laure Blin, présidente ; Mme Barbara Bessot Ballot et M. Philippe Huppé, co-rapporteurs.

 


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SOMMAIRE

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Pages

MOT DE LA PRÉSIDENTE

INTRODUCTION

LISTE DES PROPOSITIONS

I. Les mÉtiers d’art et d’excellence sont des acteurs traditionnels du rayonnement de la France dans le monde, qui bÉnÉficient d’une reconnaissance institutionnelle et lÉgislative unique en Europe

A. Une tradition artisanale d’excellence ancienne

1. Des corporations médiévales aux manufactures royales

2. Le formidable essor des métiers d’art français aux XVIème et XVIIème siècles

3. Le XVIIIème siècle, « moment de perfection de l’art français »

4. Malgré la disparition des corporations, la période post-révolutionnaire reste faste pour les métiers d’art

5. La marginalisation de certains savoir-faire artisanaux à l’ère de la mondialisation

B. Un poids économique majeur, mais difficilement quantifiable faute de statistiques précises :

1. Un poids économique majeur mais difficilement quantifiable

2. Un écosystème professionnel et un secteur économique très diversifiés

a. La diversité des statuts professionnels

b. Des entreprises aux caractéristiques très diversifiées, un secteur hétérogène

C. La prise en compte des intérêts des métiers d’art par les pouvoirs publics est ancienne, mais une véritable reconnaissance institutionnelle du secteur N’a été actée QUE depuis 2014 :

1. Dans les années 1970, les prémices d’une politique publique d’encouragement et de sauvegarde des métiers d’art

2. Une reconnaissance législative des artisans d’art accélérée à partir de 2014

3. Le volontarisme du ministère de la culture et de la communication en faveur des métiers d’art

4. Le rapport « France, Métiers d’excellence » remis en 2018 au Premier ministre : 22 propositions au service des métiers d’art et du patrimoine vivant

D. Des savoir-faire d’excellence qui participent au rayonnement de la France à l’international

1. Un rayonnement ancien, instrument du « soft power » français

2. Un modèle d’inspiration : les Trésors nationaux vivants japonais », à l’origine du dispositif « Maîtres d’art-élèves »

a. La politique japonaise en faveur du patrimoine culturel immatériel

b. Le modèle japonais a directement inspiré la création du titre de « Maître d’art » et du dispositif « Maître d’art - élèves » piloté par le ministre de la culture depuis 1994

3. Mais une concurrence internationale croissante sur la scène des métiers d’art :

E. Néanmoins, CERTAINS savoir-faire SONT menacés d’extinction

1. Certains savoir-faire ne sont plus enseignés et leur transmission repose sur la bonne volonté des quelques dépositaires encore vivants de ces « gestes » : vers une liste des métiers d’art en péril ?

2. Le vieillissement généralisé des artisans d’art et la difficile cession des ateliers

3. Le dispositif « Maître d’art - élèves » a néanmoins permis de sauver certains métiers d’art menacés de disparition

4. Les difficultés croissantes de certaines maisons à attirer et à fidéliser de la main d’œuvre très qualifiée, notamment dans les régions « périphériques »

II. Si les métiers d’art ont plutôt bien résisté aux confinements successifs, la crise de la covid-19 a mis en exergue les failles et les forces du secteur, tout en servant de catalyseur à certaines mutations de fond

A. LE SECTEUR DANS SON ENSEMBLE A plutôt BIEN résisté à la crise sanitaire, MAIS les impacts de la crise sont très inégaux selon les acteurs

1. Des impacts très inégaux sur le secteur selon les caractéristiques des acteurs : taille, statut, modèle économique (dépendance aux salons, exportation etc.) et leur degré d’appropriation des outils numériques

a. L’impact général de la crise sanitaire sur le secteur

b. Les métiers d’art ont été inégalement affectés par la crise sanitaire

c. Des conditions de reprise assez inégales

2. Les dispositifs d’aide mis en place par les pouvoirs publics ont été considérablement utilisés par les métiers d’art

a. Un taux de recours globalement satisfaisant

b. Néanmoins, un traitement des demandes difficile en début de crise, en raison d’une mauvaise identification administrative du secteur

3. Un soutien indirect de l’État aux artisans d’art via les commandes publiques des manufactures nationales

4. Des actions complémentaires menées par le réseau des chambres consulaire des métiers et de l’artisanat

B. LA CRISE A MIS EN LUMIÈRE LES FAIBLESSES ET LES FORCES STRUCTURELLES DU SECTEUR

1. La crise a rendu davantage visibles les failles du secteur

a. La difficile identification administrative des métiers d’art : le serpent de mer des codes NAF

b. En sortie de crise, de nombreux métiers sont confrontés à de vives tensions de recrutement, qui obèrent leur capacité à répondre à la demande

c. Un insuffisant recours aux nouvelles technologies : quand « l’illectronisme » menace le développement et la survie d’une activité

2. La crise sanitaire a également mis en lumière les forces du secteur

a. Plus que jamais, la nécessité de rencontrer les artisans et les œuvres dans les foires et salons

b. Les valeurs des métiers d’art sont en phase avec les aspirations de nombreux citoyens : durabilité, consommation locale, retour aux belles matières.

c. La crise sanitaire a renforcé l’attention portée par les ménages français à l’aménagement de leurs intérieurs, ce qui a considérablement stimulé la demande adressée aux artisans d’art

3. La crise sert de catalyseur à certaines tendances de fond

a. Un secteur de plus en plus attractif

i. La crise amplifie les reconversions professionnelles dans le secteur.

ii. Le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris constitue une occasion unique de revaloriser les métiers d’art.

iii. Au sortir de la crise, des effectifs d’apprentis de plus en plus importants

b. Le recours croissant au numérique : production, communication, et canal de vente

c. La nécessité de s’emparer des enjeux durables et la revalorisation du « Fabriqué en France »

i. La revalorisation du « Fabriqué en France » profite aux métiers d’art et d’excellence

ii. La nécessité pour les métiers d’art et d’excellence de s’engager vers toujours plus de responsabilité sociale et environnementale

d. Un modèle d’insertion par les métiers d’art à la faveur de la crise migratoire : la Fabrique nomade.

III. Afin de garantir le rayonnement du secteur, les pouvoirs publics doivent renforcer leur soutien AUX MÉTIERS D’ART à travers un programme d’actions multidimensionnel

A. Construire une véritable politique publique en faveur des métiers d’art implique de pouvoir compter sur une tête de réseau aux pouvoirs consolidés et des relais nationaux et territoriaux puissants

1. La réorganisation de l’INMA doit être accélérée et achevée, afin de transformer l’INMA en véritable « bras armé » des métiers d’art

a. Une réorganisation de l’INMA toujours en cours

b. La mise en place d’un annuaire unique des métiers d’art géré par l’INMA

c. Donner davantage de visibilité et de légitimité au label « Entreprise du patrimoine vivant »

i. Le label EPV, un soutien stratégique à l’excellence des savoir-faire français

ii. Les réformes récentes du label ne font pas l’unanimité parmi les professionnels des métiers d’art

iii. Un label favorisant les « Industries du patrimoine vivant » au détriment des petits artisans ?

d. Renforcer la présence à l’international de l’INMA

e. Renforcer et pérenniser le financement public de l’INMA

2. Les établissements publics que sont la Manufacture de Sèvres et le Mobilier national doivent être des fers de lance de l’engagement de l’État au service des métiers d’art

a. Le nouveau rayonnement du Mobilier national

b. La nécessité pour l’État de continuer à soutenir la transformation de la Manufacture de Sèvres

c. À terme, un rapprochement des deux institutions ?

3. Des relais institutionnels des métiers d’art doivent irriguer les différents niveaux d’action de la puissance publique :

a. La nécessité de créer un groupe d’études métiers d’art à l’Assemblée nationale

b. Le besoin de désigner un chargé de mission métiers d’art au moins dans chaque région

c. Renforcer la visibilité des métiers d’art dans le réseau territorial des chambres consulaires des métiers et de l’artisanat

B. Afin de garantir la bonne santé et le rayonnement des métiers d’art français, il importe de concevoir une stratégie d’actions multidimensionnelle :

1. La fiscalité applicable aux professionnels des métiers d’art doit être harmonisée et gagner en visibilité

a. Harmonisation des taux de TVA applicables aux œuvres indépendamment du statut professionnel

b. Pérennisation et évolution du crédit d’impôts métiers d’art (CIMA)

c. Maintien des taxes affectées destinées au financement des comités professionnels de développement économique

2. Encourager les collectivités territoriales favorisant l’installation d’artisans d’art dans les centres-villes : la politique « Action Cœur de ville »

3. Encourager les mutations structurelles du secteur : transition écologique, relocalisation des savoir-faire en France, investissement dans les nouvelles technologies

a. Favoriser la relocalisation des savoir-faire en France

i. Stimuler l’artisanat de proximité

ii. Encourager au « Fabriqué en France »

iii. Accompagner la transition écologique des métiers d’art

4. Renforcer le rayonnement des métiers d’art français à l’international, avec notamment le soutien d’Atout France et de Business France

5. Face au risque avéré de la disparition prochaine de certains savoir-faire rares, il est plus que jamais nécessaire de relever le défi de la formation aux métiers d’art

a. Un système de formations éclaté et pluriel ne correspondant pas toujours aux besoins du marché

i. Un système de formations éclaté et pluriel

ii. Un secteur d’élection de l’apprentissage

iii. Un modèle parfois difficilement conciliable avec le modèle économique des métiers d’art ?

iv. L’inadaptation des référentiels de formation dans les formations publiques

v. La croissance des écoles de formation privées sur-mesure par les entreprises du luxe

vi. Les inquiétudes soulevées par la réforme du DN MADE : renforcer les heures de présence en atelier

vii. Augmenter la visibilité des formations en organisant la mise en réseau :

b. L’enjeu majeur des métiers d’art en extinction

i. Point de départ : liste des savoir-faire en péril

ii. Assouplir le fonctionnement du dispositif « Maître d’art-élèves » afin de permettre aux maîtres d’art de former plusieurs élèves dans leur vie

iii. Favoriser l’installation des jeunes artisans d’art sur le modèle des « jeunes agriculteurs »

c. Sensibiliser dès le collège les jeunes aux métiers d’art

6. Communiquer davantage sur les métiers d’art à destination du grand public :

a. Revalorisation des journées européennes des métiers d’art, trop peu connues du grand public

b. Promouvoir davantage le tourisme des savoir-faire

c. Organiser une campagne de communication « métiers d’art » d’envergure

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe :  liste complète des métiers et spécialités officiellement reconnus par l’arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d’art, en application de l’article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat

Liste des personnes auditionnÉes

Liste des personnes AYANT EXCLUSIVEMENT SOUMIS UNE CONTRIBUTION ÉCRITE


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   MOT DE LA PRÉSIDENTE

Élue dans un territoire qui peut s’enorgueillir de sa tradition d’artisanat d’art, c’est avec un grand honneur que j’ai présidé les travaux de la mission d’information sur l’impact de la crise de la covid-19 et les nouvelles mutations du secteur des métiers d’excellence et des métiers d’art.

Les artisans d’art font le rayonnement de la France. Héritiers de savoir-faire ancestraux, ils sont les gardiens des gestes rares et sont une vitrine pour la France et nos régions. S’inscrivant dans le temps long du travail artisanal, leur quête d’authenticité et de durabilité est résolument moderne.

La crise sanitaire a affecté toutes les entreprises et particulièrement les entreprises unipersonnelles et les très petites entreprises (TPE), qui composent l’essentiel du tissu économique des artisans d’art. Elle a exacerbé les forces et les faiblesses du secteur.

La question de la transmission de ces gestes minutieux aux nouvelles générations reste brûlante. Comment assurer la bonne transmission des gestes rares,