N° 2686
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mai 2024.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
sur la détention de la dette de l’État par des résidents étrangers
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Kévin MAUVIEUX,
rapporteur spécial
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SOMMAIRE
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Pages
RECOMMANDATIONs du rapporteur spÉcial
A. une part détenue par des non-résidents très forte et en augmentation tendancielle
B. Un taux de détention par des non-résidents parmi les plus élevés de l’OCDE
C. Une détention par les non-résidents variable selon les types de titres
D. Des données qui demeurent lacunaires
1. Les limites des sources disponibles
a. L’absence d’une vision complète et continue de l’identité des détenteurs de la dette
b. Les limites des données relatives aux flux de dette
c. Les limites des données relatives au stock de dette
2. Une insuffisance de données sur les autres composantes de la dette publique
A. Les raisons de l’attractivité de la dette publique française pour les investisseurs non-résidents
C. les vulnérabilités encourues
2. Des outils de protection insuffisants
a. Les sanctions économiques internationales
b. Les mécanismes financiers européens
III. les recommandations du rapporteur spécial
A. Améliorer la connaissance des détenteurs de la dette publique
B. sécuriser le financement de la dette publique
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES et dÉplacements effectuÉs par le rapporteur spécial
RECOMMANDATIONs du rapporteur spÉcial Pour améliorer la connaissance des détenteurs de la dette publique : – renforcer la coopération statistique internationale ; – renforcer les obligations de reporting des spécialistes en valeurs du Trésor auprès de l’Agence France Trésor ; – autoriser un suivi de l’identité des détenteurs de titres de dette émis par l’État, à l’instar de ce que prévoit le droit français pour les titres émis par les sociétés par actions, en modifiant le code de commerce et en complétant le droit européen ; – assurer un suivi plus fin de l’identité des détenteurs de la dette des collectivités territoriales et de la dette sociale.
Pour sécuriser le financement de la dette publique : – sensibiliser l’écosystème de la dette et nos concitoyens à l’enjeu de souveraineté qui s’attache à la détention de la dette par des non-résidents ; – mener une réflexion sur les moyens de favoriser l’acquisition de la dette française par les particuliers résidents, tant sur le marché primaire, à travers l’émission d’obligations qui leur seraient réservées, que sur le marché secondaire.
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La situation de plus en plus dramatique de nos finances publiques n’est pas un mystère. La France n’a jamais été aussi vulnérable sur le plan financier : le poids de la dette publique semble se stabiliser à un niveau très élevé – un peu plus de 110 % du PIB – tandis que le déficit structurel continuerait à excéder 4 % en 2024, plaçant la France parmi les pays européens dont la situation financière est la plus dégradée ([1]). La confirmation de l’évaluation du risque de la signature française par deux agences de notation fin avril 2024 a certainement constitué, à cet égard, un répit de courte durée.
Le volume de dette par rapport à notre production constitue certes un indicateur fondamental de la santé financière de notre État, mais non le seul. Le taux de refinancement, l’échéance et la nature des divers titres, la part de la dette consacrée à des dépenses d’investissement, constituent autant de facteurs permettant d’apprécier la soutenabilité de notre financement.
Parmi ces facteurs, il en est un dont l’importance semble, tant dans le débat public que parmi les spécialistes, singulièrement sous-estimée ; il s’agit de la part de la dette détenue par des non-résidents.
En effet, l’État se finance auprès d’investisseurs aux origines géographiques très variées : plus de 53 % de sa dette serait aujourd’hui détenue par des non-résidents, et 29 % par des non-résidents implantés hors zone euro. Cette variété s’est bien entendu accrue avec l’ouverture croissante des marchés financiers et la création et les élargissements de la zone euro. Elle présente l’atout de permettre une diversification du risque, bien que la réduction du taux de financement qu’elle permettrait soit plus incertaine.
Toutefois, il n’est pas contestable qu’elle fait également courir le risque d’une dépendance de la France à des investisseurs dont les intérêts ne sont pas nécessairement alignés avec nos intérêts souverains. Si, à court terme, il ne semble pas qu’un risque important soit encouru, il serait terriblement naïf de croire que des intérêts étrangers ne puissent, demain, se mobiliser sur le terrain de la dette pour exercer des pressions sur nos politiques, c’est-à-dire sur le destin que les Français choisissent de se donner par l’expression de leur vote. Lorsque les seules données disponibles, provenant notamment du FMI, laissent apparaître que la France verrait une partie de ses titres détenus par la Russie, dans le contexte que nous connaissons, la question est donc de savoir de manière rapide et précise qui détient actuellement les titres de notre dette publique.
N’ayons pas la mémoire courte. Qui aurait dit, avant 2020, que le fait de disposer, sur son territoire, d’une industrie pharmaceutique puissante, et d’une capacité de production de masques et de vaccins, revêtirait une importance stratégique et même vitale pour la sauvegarde de notre économie et la santé de nos concitoyens ? Qui aurait cru, avant la guerre en Ukraine, que nous serions amenés à construire en urgence des terminaux gaziers et à importer du gaz naturel liquéfié depuis l’autre rive de l’Atlantique, à relancer la construction de centrales nucléaires et à accélérer la rénovation du parc existant ? Qui avait anticipé que la France, jadis grenier de l’Europe, verrait sa souveraineté alimentaire décliner en raison d’une dépendance croissante aux importations ? Qui aurait cru, enfin, que l’opinion française pourrait être vulnérable à des entreprises de déstabilisation venues de l’étranger, qui portent atteinte à l’intégrité du débat public ?
L’ouverture croissante des économies et des marchés et l’avènement d’une société de l’information à une échelle mondialisée présentent des bénéfices ; mais elles accroissent aussi considérablement nos vulnérabilités, si l’on ne se dote pas de moyens de protection adéquats.
L’argent est le nerf de la guerre, dit-on, et la souveraineté financière est la condition de toutes les autres. Prenons garde, en nous finançant à l’aveugle, de confier les rênes de notre destin à nos ennemis. On dira que nous n’en avons pas ; que les investisseurs sont neutres, et uniquement guidés par des critères financiers. Pourtant, les menaces multiples qui pèsent aujourd’hui sur notre souveraineté, qui les avait prévues ? Pour citer un penseur, « c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez son ennemi, vous l’êtes ». Plus nous nous serons protégés sur le terrain financier, moins nous courrons le risque de voir nos intérêts attaqués.
« Gouverner, c’est prévoir », disait aussi le Président Thiers. C’est pour nous prémunir collectivement d’une myopie qu’on serait fondé à considérer rétrospectivement comme coupable, que le rapporteur spécial a souhaité s’emparer du sujet de la détention de la dette de l’État par des non-résidents. Il s’est attaché, au cours de ses travaux, à dresser un état des lieux des informations disponibles et du cadre juridique relatif à la détention de notre dette par ces acteurs, mais aussi à évaluer la sensibilité de ses interlocuteurs sur ce sujet.
Le critère du lieu de résidence des détenteurs a été préféré à celui de leur nationalité. C’est, en effet, ce critère qui figure dans les statistiques disponibles relatives à la dette.
Il ressort des travaux du rapporteur spécial un manque préoccupant d’informations sur les proportions de la détention de la dette de l’État par des non-résidents, mais aussi un manque de conscience du caractère crucial de cet enjeu.
Le rapporteur spécial formule six propositions afin d’améliorer la connaissance des détenteurs de la dette publique et de sécuriser son financement. Parmi celles-ci, il en est une qui lui paraît prioritaire : c’est d’autoriser l’État à accéder à l’identité des détenteurs de ses titres de dette, comme le peuvent déjà les sociétés par actions. Cette mesure, qui impliquerait une modification mineure du droit national, permettrait de prendre avec précision la mesure des risques encourus et d’envisager de regagner, si ces derniers étaient avérés, des marges de manœuvre réelles sur le plan financier.
Enfin, le rapporteur déplore l’opacité mise autour des rares informations existantes, ayant été envoyé d’institutions en institutions pour revenir vers l’institution centrale : Bercy.
I. Le constat : la dette de l’État est majoritairement détenue par des résidents étrangers mais les données disponibles sont lacunaires
Le premier constat, frappant, est celui d’une détention majoritaire de la dette de l’État par des non-résidents : à la fin de l’année 2023, ceux-ci en étaient détenteurs à hauteur de 53,2 %, d’après les chiffres de la Banque de France.
Ce niveau, très conséquent, a pu connaître des fluctuations au cours des vingt-cinq dernières années, mais l’examen des données conduit à conclure à son augmentation tendancielle.
La part des non-résidents est même beaucoup plus importante si l’on soustrait les montants détenus par la Banque de France au titre des opérations de politique monétaire. Elle s’élève en effet à 72 % au 30 juin 2023.
En termes comparés, la France apparaît, de plus, comme l’un des pays de l’OCDE dont la dette est le plus fortement détenue par des non-résidents.
A. une part détenue par des non-résidents très forte et en augmentation tendancielle
Selon les données de l’enquête réalisée sur une base trimestrielle par la Banque de France, les non-résidents sont détenteurs, à la fin de l’année 2023, de 53,2 % de la dette de l’État, ce qui les rend majoritaires.
Depuis la création de la zone euro en 1999, ce chiffre a connu une évolution contrastée, comme en atteste le graphique ci-dessous.
Détention par les non-résidents de la dette négociable de l’État
(en pourcentage)
Source : commission des finances d’après les données de la Banque de France.
La création de la zone euro a conduit à une explosion de la part des non-résidents parmi les détenteurs de la dette de l’État, puisque cette part est passée de 28 % en 1999 à plus de 70 % en 2010.
Plusieurs facteurs contribuent à expliquer cette phase de croissance initiale de la part des non-résidents :
– du point de vue des investisseurs en zone euro, les achats de titres de dette souveraine au sein de la zone revêtent, depuis la création de celle-ci en 1999, un caractère quasi‑domestique. Les acquisitions, par un investisseur situé dans un État membre de la zone euro, d’obligations souveraines émises par un autre État membre ne donnent en effet pas lieu à un risque de change – lequel demeure au contraire pour les investisseurs dont la devise domestique n’est pas l’euro. La demande des investisseurs non-résidents situés en zone euro pour la dette française a pu s’en trouver rehaussée, alors même que les investisseurs français étaient dans le même temps plus susceptibles d’avoir recours à des obligations souveraines d’autres pays membres ;
– cette période a coïncidé avec une forte croissance des émissions annuelles de dette de moyen et long termes de l’État (de 76,7 milliards d’euros en 1999 à 187,6 milliards d’euros en 2010), ce qui a contribué à l’approfondissement de la demande et à une diversification des investisseurs.
Cette période d’essor a été suivie d’une réduction progressive de la part des non-résidents, qui s’est étalée de 2010 à 2021, et qui résulte des politiques monétaires non conventionnelles menées par les banques centrales de l’Eurosystème depuis la crise des subprimes.
En 2020 et 2021, l’accentuation de la baisse de la part des non-résidents s’explique par le renforcement du programme d’achat dit PSPP ([2]) et par la mise en place d’un autre programme d’achat de titres par l’Eurosystème, le PEPP ([3]), en réponse à la crise pandémique.
Depuis la fin de l’année 2021, l’achèvement des politiques d’assouplissement quantitatif a entraîné une diminution de la part de la banque centrale, ce qui a augmenté mécaniquement la part des non-résidents.
Le diagramme ci-dessous illustre les parts respectives des obligataires résidents et non-résidents et précise la répartition des détenteurs résidents par type d’investisseur.
RÉpartition de la Détention de la dette négociable de l’État au 4e trimestre 2023 ([4]) ([5])
Source : Banque de France.
De plus, si l’on soustrait la part de la dette détenue par la Banque de France au titre des opérations de politique monétaire – la banque centrale étant un investisseur très atypique –, la part des non-résidents se révèle encore plus forte, puisqu’elle était de 72 % au 30 juin 2023.
Le tableau ci-dessous indique la part de la dette de l’État détenue par des non-résidents depuis 2014 et la part de cette dette détenue par des non-résidents hors montants détenus par la Banque de France au titre des opérations de politique monétaire, laissant apparaître une hausse conséquente, de plus de six points, de la part de non-résidents.
Détention par les non-résidents de la dette négociable de l’État
et impact de la politique monétaire
(en pourcentage)
Année |
Part des non-résidents |
Part des non-résidents |
Fin 2014 |
63,6 |
66,5 |
Fin 2015 |
61,9 |
67,6 |
Fin 2016 |
58,3 |
67,9 |
Fin 2017 |
54,6 |
67,6 |
Fin 2018 |
52,7 |
66,5 |
Fin 2019 |
53,6 |
67,1 |
Fin 2020 |
50,1 |
66,4 |
Fin 2021 |
47,9 |
66,9 |
Fin 2022 |
50,1 |
70,5 |
30 juin 2023 |
52,9 |
72,0 |
Calcul AFT
Source : rapport sur la dette publique annexé au PLF pour 2024.
B. Un taux de détention par des non-résidents parmi les plus élevés de l’OCDE
La part des non-résidents dans la dette de l’État français est également importante si on la compare à celle qui prévaut dans les autres pays de l’OCDE.
Le graphique ci-dessous montre la part de la dette de l’État détenue par des non-résidents au deuxième trimestre 2023 dans 24 pays de l’OCDE.
Part de la dette publique détenue par des non-résidents
au deuxiÈme trimestre 2023
Source : Fonds monétaire international.
La France figure en cinquième position, derrière quatre pays dont les populations sont bien moins importantes.
Au demeurant, l’importance relative de la part des investisseurs non-résidents dans la dette de l’État n’est pas, en France, un phénomène récent. Le graphique suivant illustre l’évolution, depuis 2013, de cette part dans sept pays de la zone euro.
Part de la dette publique détenue par des non-résidents depuis 2013
Source : Banque de France.
Là où un pays comme l’Italie a su maintenir une proportion raisonnable de non-résidents parmi les détenteurs de sa dette publique, laquelle a oscillé, entre 2013 et 2022, entre 30 et 40 %, pour descendre en-dessous de 30 % depuis cette date, la France figure parmi les pays recourant le plus massivement aux investisseurs extérieurs.
C’est également le cas si l’on examine la part de la dette publique détenue par des non-résidents après avoir soustrait les titres détenus par la banque centrale nationale, comme l’illustre le graphique suivant.
Part de la dette publique, après soustraction des titres détenus par la banque centrale nationale, détenue par des non-résidents depuis 2015
Source : Banque de France.
C. Une détention par les non-résidents variable selon les types de titres
Un examen plus fin révèle que la part des non-résidents varie selon le type de titres. Si les obligations assimilables du Trésor (OAT), qui sont des titres de dette à échéance de moyen et long terme – entre deux et cinquante ans – représentant 93 % de l’encours total de dette sont détenues à 51 % par des non-résidents, les bons du Trésor à taux fixe (BTF), qui sont des obligations de maturité initiale inférieure ou égale à un an, sont détenus dans une proportion bien plus importante par des non-résidents – plus de 81 % à la fin de l’année 2023.
Le tableau suivant présente, par type de titres, la part dans l’encours de la dette de l’État et la part détenue par des non-résidents à la fin de l’année 2023.
Détention par les non-résidents de la dette négociable de l’État
en fonction des titres
Type de titre |
Part de l’encours de dette négociable à fin 2023 |
Part des non‑résidents à fin 2023 |
Total dette négociable |
100 % |
53,2 % au T4 2023 |
BTF |
7 % |
81,1 % au T4 2023 |
Total OAT |
93 % |
51,0 % au T4 2023 |
OAT€i |
8,5 % |
32,8 % au T4 2023 |
OATi |
2,7 % |
20,8 % au T4 2023 |
OAT vertes |
2,6 % |
- |
Autres OAT |
79,2 % |
- |
Source : Agence France Trésor.
La forte détention de BTF par des non-résidents s’explique par le caractère extrêmement liquide de ces titres, qui en fait un instrument privilégié de placement des réserves de change pour les banques centrales. Ils sont également, pour cette raison, utilisés par les investisseurs comme collatéral dans le cadre de transactions sur des produits dérivés. De manière générale, ils jouent un rôle d’instrument monétaire de référence en euros.
De manière prévisible, parmi les OAT, celles indexées sur l’inflation française (OATi) et sur l’inflation en zone euro (OAT€i) attirent les non-résidents dans des proportions bien moindres ; à la fin de l’année 2023, les OATi étaient détenues à 20,8 % par des investisseurs non-résidents, et les OAT€i à 32,8 %. Ces deux types d’indexation sont susceptibles d’être utilisés par les banques françaises pour leurs besoins de couverture des livrets réglementés, dont la rémunération est partiellement indexée sur l’inflation française, en raison de la bonne corrélation historique entre les deux inflations. Toutefois, ces titres ayant vocation à rémunérer l’épargne indexée en France, les proportions des non-résidents semblent trop importantes.
D. Des données qui demeurent lacunaires
1. Les limites des sources disponibles
a. L’absence d’une vision complète et continue de l’identité des détenteurs de la dette
S’agissant de la nature des détenteurs de la dette publique, un fait important est à relever : l’État ne dispose pas d’une base de données recensant les détenteurs de ses titres de dette. En effet, si les sociétés par actions peuvent disposer d’un tel suivi « en continu » de l’identité des personnes qui détiennent leur capital, ce n’est pas le cas de l’État.
L’article L. 228-2 du code de commerce prévoit en effet, pour toute société par actions, un droit de demander à tout moment, à ses frais, les informations concernant les propriétaires de ses actions et des titres conférant le droit de vote dans ses assemblées d’actionnaires ([6]) ([7]).
Cette demande est faite auprès d’un dépositaire central ou d’intermédiaires exerçant l’activité de tenue de compte-conservation d’instruments financiers.
La notion de dépositaire central et celle de tenue de compte-conservation sont précisées dans les encadrés ci-dessous.
La notion de dépositaire central de titres
L’adjudication « au prix demandé » (ou « à la hollandaise ») est la technique privilégiée d’émission de la dette négociable de l’État depuis 1985. Elle consiste, selon un système d’enchères à prix
Un dépositaire central de titres est un organisme visant à simplifier et à sécuriser les transactions financières. En Europe, les principaux dépositaires centraux de titres sont les sociétés Euroclear et Clearstream.
La création des premiers dépositaires centraux a été justifiée par la nécessité de simplifier les transferts de titres et de permettre certaines opérations complexes dans un contexte où les instruments financiers circulaient sous la forme de certificats papier. Le développement des marchés financiers et l’augmentation des volumes de titres émis et échangés ont accru le temps et la manutention requis pour le transfert physique des titres, créant des tensions en termes de liquidité, et renforcé les risques d’erreurs de traitement, de pertes de titres et de mise en circulation de faux titres. L’émission de titres papier rendait également peu commodes certaines opérations telles que des restructurations de capital, qui peuvent comporter des fractionnements d’actions.
Dans un premier temps, les dépositaires centraux ont été chargés de centraliser l’ensemble des certificats en un seul lieu, de sorte que les mouvements physiques fussent supprimés ; les transactions se dénouaient alors par écritures comptables dans les livres du dépositaire central.
Une étape supplémentaire a été franchie avec la dématérialisation des titres : les titres financiers sont devenus émis, détenus et échangés de manière électronique. Les législations se sont adaptées pour autoriser, voire rendre obligatoire, la représentation des titres sous la forme d’enregistrements électroniques.
Dans ce contexte, les dépositaires centraux de titres ont trois fonctions :
– Assurer l’intégrité des émissions de titres, en veillant à ce que le nombre de titres inscrits dans le compte d’émission soit identique avec le nombre de titres en circulation, c’est-à-dire inscrits sur les comptes titres de ses participants. Il s’agit de s’assurer, pour chaque émission, qu’il n’y a ni création ni destruction indue de titres ;
– Assurer la tenue centralisée des comptes : les dépositaires centraux tiennent des comptes-titres ouverts, la plupart du temps, au nom d’intermédiaires financiers, majoritairement des teneurs de compte-conservateurs ;
– Permettre la circulation des instruments financiers en assurant l’exploitation d’un système de règlement-livraison de titres, qui permet la circulation effective des titres en créditant ou débitant les comptes-titres des participants.
Dans l’Union européenne, les activités des dépositaires centraux de titres (en anglais « Central securities depositories » ou CSD) sont encadrées par le règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres.
La tenue de compte-conservation
La « tenue de compte‑conservation » de titres financiers consiste à inscrire les titres sur le compte ouvert au nom de leur titulaire ; il ne s’agit pas d’un service d’investissement à proprement parler, mais d’un service dit « connexe » aux services d’investissement et qui requiert, en France, un agrément de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour les établissements de crédit et entreprises d’investissement qui souhaitent le fournir.
Les teneurs de compte-conservateurs fournissent également un certain nombre de services individualisés à leurs clients pour leur permettre d’exercer les droits attachés aux titres qu’ils détiennent comme, par exemple, la réception des rémunérations versées aux détenteurs (intérêts, dividendes, etc.) ou l’exercice du vote en assemblées générales.
Chaque intermédiaire a l’obligation de transmettre la demande d’informations au détenteur inscrit dans ses livres, ce qui permet de remonter la chaîne de conservation jusqu’aux propriétaires effectifs. Des délais de transmission des demandes d’informations et de communication des réponses, ainsi que la liste des informations concernées, sont fixés par décret :
– les demandes d’informations et leurs réponses doivent être communiquées sans délai ;
– les demandes d’informations doivent être transmises par chaque intermédiaire à l’intermédiaire suivant dans la chaîne de détention, au plus tard à la clôture du jour ouvrable de réception de la demande ;
– les réponses doivent être fournies par chaque intermédiaire au destinataire désigné dans la demande au plus tard dans le courant du jour ouvrable suivant immédiatement la date de réception de la demande ;
– les informations incluent le nom et l’adresse de l’actionnaire mais aussi, à la demande expresse de l’émetteur, sa nationalité.
Lorsque ces délais ne sont pas respectés ou lorsque les informations fournies sont incomplètes ou erronées, la société émettrice peut demander l’exécution de l’obligation de communication, sous astreinte, au président du tribunal statuant en référé.
Cependant, alors que les personnes morales émettrices d’obligations se voient reconnaître un droit équivalent à connaître l’identité de leurs créanciers, les personnes morales de droit public en sont expressément privées ([8]).
Il ne s’agirait d’ailleurs pas d’une exception française ; les personnes interrogées sur ce point par le rapporteur ont indiqué ne pas connaître de mécanisme permettant à un État de disposer de l’identité des détenteurs de sa dette.
Chercher à dresser un tableau des détenteurs de la dette française implique donc de recourir à des approximations à partir des données disponibles. Celles-ci sont de deux types :
– des données issues de certains types d’émissions de dette, à savoir celles recourant à un syndicat bancaire, dites « syndications », dans lesquelles l’émetteur est informé de l’identité des attributaires.
Ces données présentent certaines limites ; en particulier, elles ne renseignent que sur l’attributaire initial, sans rien dire des éventuelles cessions ultérieures de ces titres ; de plus, les syndications constituent un mode minoritaire d’émission de dette ;
– des données issues d’enquêtes sur le stock de dette. Deux organismes procèdent à de telles enquêtes, dont les résultats sont concordants : la Banque de France et le Fonds monétaire international.
b. Les limites des données relatives aux flux de dette
Lorsque l’État émet de la dette, il n’est, la plupart du temps, pas informé des attributaires effectifs de ses émissions en raison de la technique d’émission qui est privilégiée. En effet, il s’agit, dans la plupart des cas, d’une adjudication, qui met en relation l’État, non avec les acheteurs effectifs des obligations, mais avec les intermédiaires privilégiés que constituent les établissements spécialistes en valeurs du Trésor (SVT).
La technique de l’adjudication permet d’obtenir le meilleur prix pour l’État, de bénéficier d’une base d’investisseurs plus large et d’alléger la charge administrative liée aux émissions.
Pour certains titres, l’État recourt cependant à la technique de la syndication, qui le met en relation directe avec les détenteurs. Certaines des données concernant ces derniers sont rendues publiques, à travers un communiqué de presse émis par l’Agence France Trésor (AFT) à l’issue de chaque opération d’émission de dette par syndication. Ce communiqué précise les montants demandés et servis, le prix et le taux de rendement à l’émission et présente des données relatives à la nature et à l’origine géographique des investisseurs.
L’encadré suivant précise la nature et le fonctionnement des techniques d’émission que constituent l’adjudication et la syndication.
Les techniques d’émission de la dette de l’État
L’adjudication « au prix demandé » (ou « à la hollandaise ») est la technique privilégiée d’émission de la dette négociable de l’État depuis 1985. Elle consiste, selon un système d’enchères à prix multiples et à prix scellés, à mettre en concurrence les offres des différents spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) (1) souscripteurs en servant en priorité celles dont le prix est le plus élevé. Les montants émis sont ainsi adjugés à des prix multiples correspondant aux différentes offres retenues.
Des calendriers prévisionnels annuels, trimestriel et mensuel des adjudications, précisant leurs date et heure, sont publiés par l’AFT. L’Agence indique en outre, un jour ouvré avant chaque adjudication, le montant qu’elle entend émettre.
La syndication (ou « prise ferme »), technique minoritaire depuis 1985, est utilisée en particulier pour le lancement de titres innovants ou de très long terme, dont les segments de marché sont les moins profonds. Les SVT, réunis en syndicat, établissent un livre d’ordres permettant aux investisseurs de souscrire directement à l’opération. Selon le volume des ordres reçus au taux initialement proposé, l’AFT peut ajuster – et en particulier « resserrer » – le taux de rendement à l’émission. À la clôture du livre d’ordres, elle peut procéder à une allocation entre investisseurs en veillant à la diversité et à la qualité de la demande effectivement servie, afin de favoriser à la fois la liquidité du titre et sa détention à plus long terme par certains acteurs.
Les syndications ne sont pas soumises à un calendrier prévisionnel et peuvent être organisées par l’AFT lorsqu’elle l’estime le plus opportun.
Contrairement à l’adjudication, la syndication place les investisseurs en relation directe avec l’AFT. L’Agence dispose ainsi d’informations sur le profil des souscripteurs et sur les montants demandés et servis par chacun d’eux.
(1) Les spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) sont les contreparties privilégiées de l’AFT pour l’ensemble de ses activités sur les marchés. Ils conseillent et assistent l’agence sur sa politique d’émission et de gestion de la dette, et plus généralement sur toute question intéressant le bon fonctionnement des marchés. Ils ont la responsabilité de participer aux adjudications et aux syndications de dette, de placer les valeurs du Trésor et d’assurer la liquidité du marché secondaire. Leurs missions sont décrites dans une charte, mise en place en 2003.
Sélectionnés par le ministre de l’Économie, ils sont aujourd’hui au nombre de 15 : quatre établissements français, deux Allemands, trois Britanniques, cinq Nord-Américains et un japonais. Ils représentent la diversité des établissements actifs sur le marché des emprunts d’État français : grandes banques de réseau, établissements spécialisés, institutions d’origine française ou étrangère.
Source : commission des finances d’après l’AFT.
Il est donc possible de disposer des données relatives aux nouveaux acquéreurs de titres de dette à travers les résultats des émissions effectuées par syndication.
Cependant, ces données présentent d’importantes limites.
Tout d’abord, la syndication n’est utilisée que pour des titres spécifiques, qui représentent une part modeste des émissions. À la mi-mai 2024, l’AFT avait procédé à 14 syndications depuis 2019, pour un montant total servi de 77 milliards d’euros et une maturité moyenne pondérée à l’émission de 28,2 ans (dont deux syndications pour 16 milliards d’euros en 2024).
Ont ainsi été émises :
– huit obligations assimilables du Trésor (OAT) de long ou très long terme, présentant une maturité moyenne pondérée à l’émission de 31,6 ans, pour 49 milliards d’euros au total ;
– deux OAT vertes ([9]), deux OAT indexées sur l’inflation française, une OAT indexée sur l’inflation en zone euro et une OAT verte indexée sur l’inflation en zone euro, pour 28 milliards d’euros au total.
Les montants émis par syndication représentent donc une part largement minoritaire, de l’ordre de 5 %, du total des émissions nettes de dette de moyen et long termes de l’État.
Le tableau suivant indique les montants émis par voie de syndication et leur part dans les émissions à moyen et long termes par année depuis 2010.
Part des syndications dans les émissions de dette de moyen et long termes
(en milliards d’euros)
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
Émissions de dette à moyen et long terme nettes des rachats |
188,0 |
184,0 |
178,0 |
168,8 |
172,0 |
187,0 |
187,0 |
185,0 |
195,0 |
Montants émis par voie de syndication |
5 |
3 |
0 |
4,5 |
3,5 |
0 |
13 |
14 |
7,5 |
Part des syndications dans les émissions nettes à moyen et long termes |
3 % |
2 % |
0 % |
3 % |
2 % |
0 % |
7 % |
8 % |
4 % |
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Total 2019‑23 |
Total 2010‑23 |
Émissions de dette à moyen et long terme nettes des rachats |
200,0 |
260,0 |
260,0 |
260,0 |
270,0 |
1 250,0 |
2 894,8 |
Montants émis par voie de syndication |
7 |
15 |
19 |
12 |
8 |
61,0 |
111,5 |
Part des syndications dans les émissions nettes à moyen et long termes |
4 % |
6 % |
7 % |
5 % |
3 % |
5 % |
4 % |
Source : commission des finances d’après la documentation budgétaire et les données publiées par l’AFT.
Outre leur part modeste dans les émissions, plusieurs raisons s’opposent à ce que des conclusions quant à la détention de la dette de l’État soient établies sur le fondement des données issues des syndications :
– ces données sont relatives à un flux sur le marché primaire et non au stock de dette, dont la détention évolue constamment au gré des échanges sur le marché secondaire.
Les titres de dette française sont, en effet, des titres négociables. En réponse à une question parlementaire, le ministre de l’économie et des finances indiquait en mai 2021 : « on estime à 20 milliards d’euros (soit 1 % de la totalité de la dette) le montant moyen de titres changeant de détenteurs chaque jour, via de multiples canaux (transactions de gré à gré ou sur diverses plateformes multi-acteurs) » ([10]). Un biais lié au fait que certains acteurs privilégieraient l’achat d’obligations souveraines sur le marché secondaire plutôt qu’à l’émission ne peut, d’ailleurs, pas être exclu ;
– l’achat de titres de dette de l’État est parfois réalisé, pour le compte d’un investisseur, par une filiale ayant une implantation géographique différente. La participation à une syndication depuis l’Europe présente notamment l’avantage, pour une société-mère extra-européenne, de remédier aux difficultés liées au décalage horaire. Ce phénomène conduit à une surreprésentation des acquéreurs européens – et en particulier de la place de Londres – dans le cadre des syndications, sans que cet effet soit quantifiable, faute de disposer d’une liste publique des investisseurs ayant été servis à l’issue de chaque opération ;
– malgré le caractère moins intermédié de la syndication par rapport à l’adjudication, la localisation de l’acquéreur ne renseigne pas nécessairement sur la nationalité de l’investisseur final ;
– les caractéristiques distinctives des obligations émises par syndication (titres de long terme ou innovants) en font un échantillon peu représentatif de la dette de l’État dans son ensemble, étant entendu que le profil des investisseurs varie selon les caractéristiques des titres ;
– du fait du faible nombre de titres émis par syndication, le recours ou non à cette technique d’émission pour une souche donnée est susceptible de modifier significativement les résultats agrégés obtenus. En témoigne notamment la singularité des résultats obtenus ci-dessous s’agissant des OAT indexées sur l’inflation.
En dépit de ces fortes réserves, l’agrégation des données publiées par l’AFT relatives aux syndications qui se sont tenues depuis 2019 aboutit aux résultats présentés dans le graphique suivant.
Origine géographique des investisseurs servis
dans le cadre de l’ensemble des syndications depuis 2019
Source : commission des finances d’après les données publiées par l’AFT.
Il apparaît que les syndications intervenues au cours des cinq dernières années ont conduit à servir une minorité d’investisseurs résidents (21 %), mais une nette majorité d’investisseurs implantés dans la zone euro (60 %, France incluse). Les autres pays d’Europe ont concentré 33 % des montants attribués, dont 21 % des montants totaux pour le Royaume-Uni. Seuls 7 % des montants ont été acquis par des investisseurs implantés hors d’Europe.
Le graphique suivant retrace l’origine géographique des investisseurs servis dans le cadre des syndications d’OAT indexées depuis 2019.
Origine géographique des investisseurs servis
dans le cadre des syndications d’OAT indexées depuis 2019
Source : commission des finances d’après les données publiées par l’AFT.
On observe que les syndications d’OAT indexées ont conduit à servir une proportion beaucoup plus importantes d’investisseurs résidents, puisque la France a concentré 44 % des montants. La part totale des investisseurs implantés en zone euro est, quant à elle, comparable à celle mise en évidence pour l’ensemble des syndications (64 %).
Le graphique suivant identifie la nature des investisseurs servis dans le cadre des syndications, sur deux périodes, de 2010 à 2018 et de 2019 à 2024, et identifie, pour cette seconde période, les types d’investisseurs servis s’agissant des OAT hors OAT vertes et indexées et des OAT indexées.
Nature des investisseurs servis dans le cadre des syndications
(en pourcentage)
Source : commission des finances d’après les données publiées par l’AFT.
Bien que les résultats des syndications n’offrent que des informations limitées concernant la nationalité des attributaires, ils témoignent, néanmoins, de la bonne liquidité de la dette française et d’une demande forte, variée et internationale.
c. Les limites des données relatives au stock de dette
La principale source d’information concernant le stock de la dette publique est l’enquête menée par la Banque de France.
En outre, des données et des estimations sont également publiées par le Fonds monétaire international (FMI).
Les chiffres de la détention de la dette publiés par la Banque de France proviennent de la collecte statistique dite PROTIDE ([11]), qui est menée auprès des teneurs de compte-conservateurs, dans le cadre du règlement européen de 2012 sur les statistiques de détention de titres, dit SHS ([12]).
Cette collecte recense les titres détenus par les agents économiques résidents et non-résidents. Elle est utilisée pour l’élaboration des comptes nationaux financiers, des statistiques externes (bilan des institutions financières monétaires, balance des paiements et position extérieure de la France principalement) et de la base européenne sur les détentions de titre.
Dans le cadre de cette collecte, les teneurs de compte-conservateurs déclarent exhaustivement et titre par titre leur compte propre ainsi que les positions de leur clientèle, résidente comme non-résidente. Il s’agit donc de données de détention après échanges sur les marchés secondaires et non de données issues du marché primaire.
À cette collecte s’ajoutent des sources complémentaires utilisées pour estimer certaines rubriques et compléter ou valider les informations issues de la collecte, à savoir :
– les données sur les organismes de placement collectif produites par la Banque de France ;
– les statistiques d’émissions de titres résidents, provenant de la Banque de France ;
– les données sur le portefeuille de titres des institutions financières monétaires ([13]) et des entreprises d’investissement, provenant de la collecte dite RUBA ([14]), qui est mutualisée entre la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;
– les données de détention de titres partagées entre pays européens.
Des statistiques sont établies tous les trimestres. En mars 2024, la Banque de France a collecté des informations auprès de 179 déclarants. Son enquête est exhaustive s’agissant des teneurs de compte-conservateurs résidents.
Cependant, cette collecte ne permet pas de distinguer de manière fine l’origine géographique des détenteurs. En effet, les enquêtes sur la détention des titres français par les non-résidents ne permettent d’appréhender au mieux que la première contrepartie, qui peut être un intermédiaire financier dont la nationalité diffère de celle de l’investisseur final. La chaîne de conservation peut même impliquer plusieurs intermédiaires financiers.
Le FMI coordonne un partage d’informations entre ses membres, l’enquête coordonnée sur les investissements de portefeuille (Coordinated Portfolio Investment Survey, CPIS), qui donne lieu à une publication deux fois par an. Cette enquête indique, pour les titres émis dans chaque pays, y compris les titres de dette, leur pays de détention.
Toutefois, les données issues de cette enquête présentent des limites importantes :
– tout d’abord, la plupart des pays ne précisent pas les données de détention par secteur. Si on sait, par exemple, que les Japonais détiennent environ 179 milliards de dollars de titres de dette français, on ne connaît pas, dans ce montant, la part de titres émis par le secteur public ;
– quelques pays ne participent pas à l’enquête (Émirats Arabes Unis, Îles Vierges Britanniques, Qatar, Taïwan) ou y participent de façon incomplète (Îles Caïman, Koweït).
De plus, le FMI publie une base de données intitulée Sovereign Debt Investor Base for Advanced Economies, qui indique, pour chaque pays, la part des principaux groupes de détenteurs de la dette publique : banque centrale résidente, banques résidentes, investisseurs non-bancaires résidents, secteur officiel non-résident, banques non-résidentes et investisseurs non-bancaires non-résidents ([15]).
Cette base, qui est actualisée tous les trimestres, couvre un champ un peu plus large que les données de la Banque de France puisqu’elle concerne la dette de l’ensemble des administrations publiques françaises, et non la seule dette de l’État.
Le graphique suivant montre l’évolution de la répartition de la dette publique française depuis 2004, par types de détenteurs.
Évolution de la rÉpartition de la dette publique française par type de dÉtenteurs depuis 2004
Source : FMI.
Le secteur officiel non-résident recouvre principalement les banques centrales hors zone euro, mais également les fonds souverains, les institutions internationales et les banques publiques.
Les limites inhérentes à ces données sont, ici encore, manifestes. En particulier, les données sont agrégées par grandes catégories d’investisseurs, sans que le détail par pays d’implantation soit connu.
2. Une insuffisance de données sur les autres composantes de la dette publique
Même si cela excède le cadre du présent rapport, il est indispensable de relever l’insuffisance de données concernant spécifiquement les détenteurs de la dette des collectivités territoriales et de la dette sociale ([16]).
II. Cette situation traduit une forte demande pour la dette française mais n’est pas exempte de risques
A. Les raisons de l’attractivité de la dette publique française pour les investisseurs non-résidents
La forte part d’investisseurs non-résidents parmi les détenteurs de la dette publique témoigne de l’attractivité de celle-ci à l’échelle mondiale.
La Banque de France a d’ailleurs souligné, au cours de son audition, que les investisseurs non-résidents ont toujours représenté une part importante des détentions de titres gouvernementaux européens, titres français compris.
Plusieurs facteurs expliquent cette attractivité :
– l’excellente liquidité des titres de dette français, qui s’explique par une forte demande mais aussi par le volume de la dette publique, qui implique une certaine profondeur de marché ;
– la présence de la dette française dans les grands indices internationaux - la dette française représente, par exemple, 23,8 % de l’indice obligataire Bloomberg Euro Government Index - si bien qu’il y a une détention structurelle de dette française par les investisseurs non-résidents ;
– la diversité de l’offre de produits, qui contient des titres atypiques tels que des obligations vertes et des titres indexés sur l’inflation.
Il convient également de mentionner le positionnement de la dette française au sein de la zone euro ; celle-ci présente en effet, parmi les principaux émetteurs souverains européens, un couple rendement-risque intéressant : elle est considérée comme presque aussi sûre que la dette allemande et plus sûre que la dette italienne, avec un rendement intermédiaire, et des volumes de dette importants ; cela constitue un atout dans le cadre d’un portefeuille d’investissement.
B. Une diversification des investisseurs qui présente des avantages du point de vue du financement de l’État MAIS RELATIVISÉS PAR LE RApPORTEUR
La présence d’investisseurs non-résidents présente, au demeurant, des avantages puisqu’elle permettrait de réduire le coût de la dette et de sécuriser les émissions.
Interrogée sur ce point par le rapporteur, l’Agence France Trésor a indiqué : « la mission de l’Agence France Trésor est d’émettre aux meilleures conditions de sécurité et au coût le plus faible pour le contribuable. À cet égard, la diversité à la fois en termes de répartition géographique des investisseurs et de types d’investisseurs est primordiale. D’une part, du point de vue de la sécurité des émissions, la diversification de la base des investisseurs permet de mieux se prémunir contre un choc qui frapperait une zone géographique ou un type d’investisseur en particulier. D’autre part, en sélectionnant les investisseurs selon le critère du prix, l’AFT garantit le financement au coût le plus faible : limiter la base des investisseurs qui peuvent accéder à la dette française en se tournant uniquement vers des investisseurs domestiques reviendrait à restreindre l’offre et à en renchérir le coût ».
L’Agence France Trésor a également souligné que, « de manière générale, le risque principal pour un émetteur est d’avoir une base d’investisseurs insuffisamment diversifiée, avec un impact négatif à la fois sur le financement et la sécurité des opérations ».
Selon elle, un niveau élevé de détention par des résidents de la dette publique pourrait, à l’inverse, entraîner certains risques, puisqu’elle renforcerait le lien entre risque souverain et risque bancaire et qu’elle contraindrait le financement des administrations publiques par la capacité d’épargne domestique.
Le rapporteur émet un doute sérieux sur le réel impact sur le coût de la dette de cette part de résidents étrangers. En effet, ce qui fait baisser le prix sur un marché, c’est la présence d’une offre bien plus importante qu’une demande. Or, dans les faits, les taux de couverture sont excellents, ce qui remet en cause, selon le rapporteur, cette nécessité de résidents étrangers.
C. les vulnérabilités encourues
Toutefois, si la diversité des investisseurs présente des avantages, il serait naïf de penser qu’elle ne comporte pas de risques. Dans un contexte où notre souveraineté est fragilisée sur de nombreux fronts, le financement de la dette revêt un caractère crucial et ne peut être mis de côté.
Bien que les uns comme les autres poursuivent, pour l’essentiel, leur intérêt financier, les investisseurs résidents et non-résidents ne sont pas dans la même situation vis-à-vis du pays dont ils détiennent des titres de dette.
Les investisseurs résidents présentent, en effet, une plus grande stabilité que les non-résidents. Ils sont moins susceptibles de chercher à vendre leurs titres en cas de crise ou d’incertitudes économiques, pour plusieurs raisons : ils connaissent mieux les forces et les faiblesses réelles de l’État et de l’économie concernés, et sont donc moins enclins à suivre des tendances de marché irrationnelles ; ils ne sont pas soumis à un risque de change ; enfin, leurs intérêts sont plus intimement liés à la bonne santé financière de leur État de résidence.
Ils sont également plus « captifs » : en cas de crise, l’État dispose d’un réel pouvoir coercitif à leur égard, grâce à sa capacité à modifier la réglementation financière et la fiscalité.
De plus, il faut rappeler qu’au cours des dix dernières années, certains États ont été victimes des agissements d’investisseurs hostiles. Cela a été le cas, en 2014, de l’Argentine qui, subissant la pression de deux fonds de spéculation – parfois nommés « fonds vautours » –, a dû se déclarer en défaut de paiement partiel, mais aussi, le 15 octobre 2014, des États-Unis, qui ont essuyé un épisode de « krach éclair » (en anglais « flash crash ») sur leur dette ([17]).
Certes, il s’agissait, dans le premier cas, d’un État dont les finances publiques sont extrêmement vulnérables et, dans le second, d’un épisode très bref au caractère exceptionnel.
Toutefois, rien ne dit que la dette française conserve, à l’avenir, la confiance des marchés, au vu de la situation toujours plus dégradée de ses finances publiques. S’agissant des États-Unis, cet épisode, même bref et limité dans le temps, doit nous interpeller : les titres de dette américaine sont les actifs les plus liquides au monde, ce qui devrait leur garantir une demande constante ; et le volume considérable de la dette américaine devrait la protéger contre de telles attaques. Cela n’a pourtant pas été le cas.
Du reste, analysant la crise de la dette grecque à partir de 2009, l’économiste Daniel Cohen écrivait ainsi ([18]) : « les crises de dette ne sont pas toujours des crises de solvabilité, mais peuvent être des crises de confiance autoréalisatrices ». Selon lui, alors que « la faible taille de la Grèce aurait permis un traitement chirurgical rapide » et qu’« en échange d’un plan d’assainissement, un crédit bon marché aurait rapidement résolu la crise », les marchés financiers ont fait croître le taux d’intérêt de la dette grecque, créant « une prophétie autoréalisatrice » : les taux d’intérêt s’élevant, le poids de la dette a augmenté, et avec lui le risque de défaut, ce qui a à nouveau poussé les taux à la hausse.
À la lumière de cette analyse, il est légitime de s’interroger sur ce qu’il serait advenu de la dette grecque si elle avait été plus largement détenue par des résidents. Il est extrêmement probable que ces derniers n’auraient pas cédé à la panique qui s’est emparée des marchés, et que la Grèce aurait ainsi pu éviter les ajustements structurels dont les effets sur son économie et son tissu social ont été dévastateurs.
Dans le cas où une restructuration ne peut être évitée, la vulnérabilité créée par un fort taux de détention par des non-résidents est encore plus grande. Cette vulnérabilité a d’ailleurs été reconnue de manière transpartisane. Le député Laurent Saint-Martin soulignait ainsi, dans son rapport de 2017 sur la dette ([19]) : « dans le cas d’une situation d’insolvabilité, la restructuration de la dette d’un État ou son rééchelonnement peut conduire à des sanctions ou des mesures de rétorsion de la part des États dont certains des créanciers de l’État emprunteur sont des ressortissants. Le défaut d’un État affaiblit incontestablement sa position diplomatique. Le recours aux prêts des institutions internationales s’accompagne en général de conditions qui contraignent en outre la souveraineté des États membres ».
En 2021, M. Éric Bocquet et Mme Sylvie Vermeillet écrivaient également, dans leur rapport sur l’avenir des dettes publiques ([20]) : « la détention de titres de dette par des non-résidents peut aussi présenter des risques, en cas de nécessité de renégocier la dette […]. L’endettement peut constituer une vraie menace pour la souveraineté des États ».
2. Des outils de protection insuffisants
Face aux risques que présente le fort taux de détention de sa dette par des non-résidents, l’État n’est pas totalement démuni et dispose de certains outils de protection. Ils sont, cependant, bien insuffisants.
a. Les sanctions économiques internationales
Interrogée par le rapporteur sur la question de savoir s’il existait des dispositifs juridiques permettant d’empêcher une entité étrangère potentiellement hostile d’acquérir des titres de dette française, la Banque de France a indiqué que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dans le cadre de ses missions de vérification, et elle-même, dans son rôle de teneur de compte des établissements de crédit, surveillent la bonne application des éventuelles sanctions décidées dans un cadre national ou international. Ces sanctions peuvent, en effet, inclure des mesures de filtrage de flux financiers.
Dans ce cadre, une entité étrangère potentiellement hostile serait empêchée d’agir si des mesures restrictives applicables en France avaient été décidées par les autorités compétentes nationales ou internationales. Ainsi, de fait, des investisseurs de deux nations actuellement sous sanction, l’Iran et la Russie, subissent une interdiction d’acquérir de titres de dette publique française.
Ce type de sanctions économiques peut être décidé à trois échelons :
– par le Conseil de sécurité des Nations Unies, dont la France est un membre permanent ;
– par l’Union européenne, via des règlements ou des décisions prises dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) ;
– par la France, à travers des mesures de gel national des avoirs prises en application du code monétaire et financier ([21]).
Cependant, outre que des sanctions dans le cadre des Nations Unies et de l’Union européenne ne peuvent être prises qu’avec l’accord de certains de nos partenaires, ces sanctions doivent poursuivre des fins bien définies, à savoir :
– la facilitation du règlement politique des conflits ;
– la lutte contre le financement du terrorisme ;
– la lutte contre l’utilisation et la prolifération des armes chimiques ;
– la lutte contre les cyberattaques qui menacent l’Union ou ses États membres ;
– la lutte contre les violations graves des droits de l’homme.
Les sanctions prises dans un cadre strictement national, en particulier, ne peuvent s’inscrire que dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
La France ne dispose donc pas d’outils qui lui permettraient de prendre des contremesures appropriées en cas d’attaque sur sa dette publique mettant en péril sa souveraineté financière.
b. Les mécanismes financiers européens
Des outils de protection financiers ont également été élaborés dans le cadre de la zone euro depuis la crise des dettes souveraines intervenue à partir de 2010.
Le plus important est le mécanisme européen de stabilité (MES), entré en vigueur en 2012, et qui vise à préserver la stabilité financière de la zone euro en aidant les États membres de la zone euro en difficulté financière. Il consiste en un fonds commun de créances, mobilisable en cas de défaillance d’un pays, afin d’éviter la propagation de la crise à toute la zone.
Le MES peut octroyer un prêt à un pays en difficulté à des taux d’intérêts en dessous des taux du marché, accorder des prêts permettant de recapitaliser des établissements financiers, ou encore acheter les obligations des États bénéficiaires.
Plus récemment, en juillet 2022, la Banque centrale européenne a créé l’instrument de protection de la transmission (IPT), qui vise à améliorer la transmission de la politique monétaire dans la zone euro. Il permet à la BCE d’acheter, sans limite, des titres de dette émis par un État confronté à une dégradation de ses conditions de financement non justifiée par ses fondamentaux économiques. Cette hausse de la demande entraînerait, de manière mécanique, une baisse des taux d’intérêt. Cet instrument a succédé au programme d’achat d’actifs de la BCE, créé en 2014. La mobilisation de l’IPT afin de soutenir les finances d’un État est conditionnée au respect de quatre critères : le respect du cadre budgétaire communautaire, l’absence de déséquilibres macroéconomiques graves, une dette publique viable et des politiques macroéconomiques saines et durables.
Ces mécanismes financiers pourraient incontestablement protéger la France d’une attaque contre sa dette publique sur les marchés. Toutefois, ils ne pourraient être mobilisés qu’avec l’accord de nos partenaires européens. De plus, s’agissant de l’IPT, il n’est pas certain que les conditions fixées pour son déclenchement, notamment le respect du cadre budgétaire communautaire et la viabilité de la dette publique, permettent son application à la France.
III. les recommandations du rapporteur spécial
Face aux risques que constituent le fort taux de détention de la dette de l’État par des non-résidents et le caractère insuffisant des outils de protection existants, le rapporteur formule plusieurs propositions afin de renforcer la souveraineté financière de notre pays.
A. Améliorer la connaissance des détenteurs de la dette publique
La première série de propositions vise à améliorer la connaissance des détenteurs de la dette publique.
L’État n’a pas une connaissance suffisante de ses créanciers. Les données disponibles sont parcellaires et ne permettent pas de cerner dans quelle mesure des créanciers potentiellement hostiles pourraient exercer une action déstabilisatrice.
Plusieurs remèdes sont possibles.
Le premier est de renforcer la coopération statistique internationale, à travers des échanges de statistiques et le renforcement de la participation à des bases communes telles que la base CPIS du FMI.
Un deuxième remède, plus vigoureux, consisterait à renforcer les obligations de reporting des spécialistes en valeurs du Trésor vers l’Agence France Trésor.
Cependant, le remède le plus efficace consisterait à autoriser un suivi de l’identité des détenteurs de titres de dette émis par l’État, comme c’est déjà possible pour les actions, c’est-à-dire permettre une traçabilité des bons et obligations souverains.
Il s’agirait, en pratique, de modifier l’article L. 228-2 du code de commerce, afin de conférer aux personnes morales de droit public le droit d’obtenir l’identification des détenteurs des titres de dette qu’elles ont émis, comme le peuvent déjà les entreprises. L’objectif serait que la France puisse connaître au jour le jour qui achète et vend sa dette, et qui la détient, afin de mieux cerner des risques potentiels liés au type d’investisseurs et à leur identité, voire d’orienter le placement des nouveaux titres de dette, à leur émission, vers des types d’investisseurs plus sûrs (par exemple, des résidents, notamment des particuliers).
Néanmoins, il faut avoir à l’esprit que la portée de cette modification pourrait être moindre qu’attendu. En effet, elle ne s’appliquerait qu’aux personnes morales de droit français. Le droit que détiennent les sociétés par actions d’identifier leurs actionnaires tient sa force d’être prévu au niveau européen, ce qui signifie qu’il contraint directement l’ensemble des actionnaires et des intermédiaires soumis au droit européen, mais aussi, de manière indirecte, les actionnaires et intermédiaires implantés hors de l’Union européenne, en vertu de la force extraterritoriale du droit européen.
La modification de la norme française aurait également, par nature, un effet extraterritorial, mais celui-ci serait probablement d’une force inférieure à celui de la norme européenne.
Une solution complémentaire consisterait ainsi, pour la France, à soutenir à l’échelle communautaire la création, pour les personnes morales de droit public, et en priorité les États, d’un droit à connaître l’identité de leurs créanciers – droit dont l’effectivité se verrait ainsi nettement renforcée par son caractère communautaire.
Sur ce sujet, il convient de distinguer le droit, pour l’État, de connaître l’identité de ses créanciers, de la publicité qui serait donnée à ces informations. La confidentialité de l’identité des créanciers vis-à-vis de l’État ne se confond pas, en effet, avec la confidentialité opposable à tous. Divulguer l’identité de tous les détenteurs de la dette de l’État pourrait détourner de la dette française certains investisseurs attachés à la confidentialité de leurs opérations, et dégrader les conditions de financement de l’État.
Du reste, en l’état du droit, une telle publicité serait contraire au secret protégé par la loi visant à garantir le crédit public ; l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration prévoit, en effet, que ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte au crédit public.
Enfin, de manière générale, le rapporteur estime qu’un suivi plus fin devrait être assuré concernant l’identité des détenteurs de la dette des collectivités territoriales et de la dette sociale, sur lesquels les informations disponibles semblent encore plus lacunaires que celles concernant la dette de l’État.
Ces propositions seraient susceptibles de recueillir un large assentiment, comme en témoignent les rapports parlementaires publiés à ce sujet. Le rapport d’information des sénateurs Éric Bocquet et Sylvie Vermeillet proposait, en effet, de « construire de nouveaux outils de suivi des détenteurs de la dette publique, résidents et non-résidents » ([22]). Celui du député Nicolas Sansu ([23]) soulignait : « cela pose un problème démocratique de ne pas savoir quels sont les détenteurs finaux de la dette publique », et suggérait la création d’un « cadastre de la dette ». Le rapport de M. le rapporteur général Laurent Saint-Martin ([24]) relevait, quant à lui, qu’ « une part importante d’investisseurs non-résidents dans la dette négociable est […] un risque pour la souveraineté de l’État en cas de défaut » et que « la question de l’identité des détenteurs de la dette française n’[était] donc pas sans intérêt ».
B. sécuriser le financement de la dette publique
Au-delà de la nécessaire amélioration de la connaissance des détenteurs de la dette publique, comment sécuriser le financement de l’État ? L’enjeu consiste, en effet, non seulement à améliorer la connaissance de la position détenue par les non-résidents, mais aussi à pouvoir réagir, en cas de déséquilibre, en réorientant le placement de la dette.
Une première étape, indispensable, consiste à mener un travail politique afin de sensibiliser l’écosystème de la dette (administration, agence spécialisée, spécialistes en valeurs du Trésor) et nos concitoyens à l’enjeu de souveraineté qui s’attache à la détention de la dette par des non-résidents. Bien que plusieurs rapports parlementaires aient d’ores et déjà souligné ce point, et les risques de dépendance et de déstabilisation qui y sont liés, ils demeurent singulièrement sous-estimés parmi les spécialistes et l’opinion.
Ensuite, il convient de mener une réflexion sur les moyens de favoriser l’acquisition de la dette française par les particuliers résidents.
Aujourd’hui, aucune mesure n’est mise en œuvre pour favoriser la détention de la dette par certains types d’acteurs plutôt que d’autres : l’État est neutre.
Des expériences ont pourtant eu lieu par le passé afin de favoriser la détention de la dette de l’État par des particuliers résidents.
Ainsi, en 1993, dans le cadre de la relance économique conduite par le gouvernement d’Édouard Balladur, un emprunt a été lancé par l’État auprès des particuliers. Les titres proposés, d’une maturité de quatre ans, ont rencontré une demande très soutenue, puisque 110 milliards de francs ont été collectés auprès de 1,4 million d’épargnants. Malheureusement, ce programme s’était révélé coûteux pour l’État en raison des commissions de placement réglées aux intermédiaires financiers, qui ont atteint 850 millions de francs, et des réductions d’impôt offertes, qui ont entraîné une perte de 2,2 milliards de francs de recettes fiscales.
Par la suite, en 1994, un programme réservé aux particuliers a été lancé, leur permettant d’acheter auprès des principaux réseaux bancaires des OAT au prix de la dernière adjudication, plus une commission de 2 % reversée à la banque. Ces OAT d’une maturité de dix ans, bien que dépourvues d’avantage fiscal, ont réussi à attirer beaucoup d’épargnants français en raison du taux élevé proposé, autour de 7 %. Cependant, la baisse des taux d’intérêt et donc du rendement de ces titres les a rendus moins attractifs au fil des années. Par conséquent, les montants collectés dans le cadre de ce programme n’ont cessé de baisser, ce qui a entraîné sa suppression en 2005.
Le rapporteur estime qu’une réflexion devrait être menée sur l’émission de nouvelles souches d’obligations d’État réservée aux particuliers résidents, qui tire les leçons de ces expériences
De plus, depuis 1994, des OAT sont placées auprès des particuliers par l’intermédiaire des réseaux bancaires (OAT dites Alphandéry). À compter de 2006, le marché secondaire des OAT pour les particuliers a été rénové par l’AFT, Euronext et les spécialistes en valeurs du Trésor, afin de permettre « aux investisseurs individuels d’acheter et de vendre des OAT aussi simplement qu’une action, avec les mêmes garanties de transparence, de liquidité et d’information, et ceci au même titre que les professionnels » ([25]).
Aussi le rapporteur juge-t-il qu’il serait intéressant de stimuler l’acquisition d’obligations d’État par les particuliers, sur le marché secondaire également.
Lors de sa réunion de 21 heures 30, le mardi 28 mai 2024, la commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial des crédits de la mission Engagements financiers de l’État, sur son rapport d’information sur la détention de la dette de l’État par des résidents étrangers.
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. La situation de plus en plus dramatique de nos finances publiques n’est pas un mystère. Avec une dette de plus de 110 % du PIB et un déficit structurel supérieur à 4 % cette année, la France n’a jamais été aussi vulnérable sur le plan financier.
Mais le ratio dette sur PIB n’est pas le seul indicateur pertinent de la soutenabilité du financement public. Il en est un dont l’importance me semble largement sous-estimée : la part de la dette détenue par des non-résidents.
En effet, l’État se finance auprès d’investisseurs aux origines géographiques très variées : plus de 53 % de sa dette serait aujourd’hui détenue par des non-résidents, et 29 % par des non-résidents implantés hors zone euro. Cette variété s’est bien entendu accentuée avec l’ouverture croissante des marchés financiers et la création de la zone euro.
Elle permet certes de diversifier le risque et, dit-on, de réduire le taux de financement. Mais elle nous expose à un autre risque : celui d’une dépendance vis-à-vis d’investisseurs dont les intérêts ne rencontrent pas nos intérêts souverains. Si, à court terme, il ne semble pas que le danger soit grand, il serait terriblement naïf de croire que des intérêts étrangers ne pourront venir demain sur le terrain de la dette pour exercer des pressions sur nos politiques, c’est-à-dire sur le destin que les Français choisissent de se donner par l’expression de leur vote.
Monsieur le ministre, vous disiez que détenir une part de la dette d’un pays ne permettait pas d’agir sur ses choix politiques, que l’on ne doit rien à ses créanciers. Vous avez pourtant joué avec l’idée opposée à propos du Rassemblement national et de son crédit russe.
À ceux qui seraient sceptiques, je rappelle que l’idée de souveraineté reprend, depuis plusieurs années, la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre, et ce à l’occasion de crises : crise sanitaire du covid, crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, crise agricole… Chaque fois, nous concluons que nous sommes forcés de reconquérir notre souveraineté sous ses diverses formes – sanitaire, énergétique, alimentaire – et, chaque fois, on s’aperçoit que la pente est raide. Or la souveraineté financière est le nerf de toutes les souverainetés. N’attendons pas une crise pour nous préoccuper de préserver nos marges de manœuvre financières.
La part des non-résidents parmi les détenteurs de la dette de l’État est en augmentation tendancielle : de 53 % aujourd’hui, elle n’était que de 28 % lors de la création de la zone euro. De plus, si l’on soustrait la part de la dette détenue par la Banque de France au titre des opérations de politique monétaire, la part des non-résidents se révèle encore plus forte, de 72 % – l’un des taux les plus élevés des pays de l’OCDE.
Cependant, les données disponibles sont lacunaires. Car l’État se finance, globalement, à l’aveugle. Il ne sait pas, lors des émissions de dette, qui en sont les attributaires, en raison de la technique majoritaire d’émission, l’adjudication. De plus, l’État s’est privé de la possibilité de connaître en temps réel les détenteurs de sa dette : l’article L. 228-2 du code de commerce en empêche expressément les personnes publiques, alors qu’il y autorise toutes les sociétés par actions.
En conséquence, les seules données disponibles résultent des enquêtes menées par la Banque de France et le Fonds monétaire international, mais leurs résultats sont parcellaires. Les données sur les autres composantes de la dette publique – dette des collectivités territoriales et dette sociale – sont encore moins complètes.
Certes, une forte part d’investisseurs non-résidents traduit une forte demande pour la dette de l’État. Cette attractivité est notamment liée à l’excellente liquidité des titres de dette français et à la présence de la dette de l’État dans les grands indices internationaux. Cette diversification présenterait d’ailleurs des avantages du point de vue du financement de l’État, puisqu’elle crée une concurrence qui réduirait le coût de financement. C’est, en tout cas, l’idée que défend l’Agence France Trésor, responsable des émissions pour l’État.
Mais il faut relativiser cet impact. Ce qui fait baisser le prix sur un marché, c’est une offre bien plus importante qu’une demande. Or, dans les faits, les taux de couverture sont excellents.
De plus, la diversité des investisseurs présente des risques. Tout d’abord, les investisseurs résidents sont plus stables, puisqu’ils connaissent mieux le pays concerné et que leurs intérêts lui sont plus intimement liés ; ils sont également plus captifs, puisqu’en cas de crise, l’État dispose d’un pouvoir coercitif à leur égard. Ensuite, il faut rappeler que les crises de dette ne sont pas toujours des crises de solvabilité, mais peuvent être des crises de confiance autoréalisatrices. C’est ce qui est malheureusement arrivé à la Grèce, et l’on peut s’interroger sur ce qu’il serait advenu de la dette grecque si elle avait été plus largement détenue par des résidents, beaucoup moins susceptibles de céder à des mouvements de panique.
Enfin, lorsqu’une restructuration ne peut être évitée, la vulnérabilité que crée un fort taux de détention par des non-résidents est encore plus grande. Pour citer le député Laurent Saint-Martin – et non un membre du Rassemblement national –, « dans le cas d’une situation d’insolvabilité, la restructuration de la dette d’un État ou son rééchelonnement peut conduire à des sanctions ou à des mesures de rétorsion de la part des États dont certains des créanciers de l’État emprunteur sont des ressortissants ».
Face à ces risques, les outils de protection existants sont très insuffisants. Dans le cadre des Nations unies ou de l’Union européenne, les sanctions économiques ne peuvent être activées qu’avec l’accord de nos partenaires ; au niveau national, elles ne peuvent l’être que pour lutter contre le terrorisme. Les mécanismes financiers européens, comme le Mécanisme européen de stabilité ou l’Instrument de protection de la transmission, appellent eux aussi une décision partagée avec nos partenaires.
Je formule donc deux séries de recommandations.
Tout d’abord, il faut améliorer la connaissance des détenteurs de la dette publique par trois mesures : renforcer la coopération statistique internationale grâce à des échanges de données et à une plus grande participation aux travaux du FMI – qui nous a indiqué que ces derniers n’étaient pas faciles avec tous les pays ; renforcer les obligations de reporting des spécialistes en valeurs du Trésor vis-à-vis de l’Agence France Trésor ; et surtout, modifier l’article L. 228-2 du code de commerce pour autoriser le suivi de l’identité des détenteurs de titres de dette émis par l’État, comme c’est déjà possible pour les actions. Cela ne signifierait pas que ces données seraient rendues publiques, mais seulement que l’État disposerait d’un tableau retraçant l’identité des personnes qui détiennent sa dette. Il faudrait aussi un suivi plus fin de l’identité des détenteurs de la dette des collectivités territoriales et de la dette sociale. Je précise que, dans tous les cas, ce serait la nationalité et non l’identité elle-même qui serait indiquée, de façon à repérer l’implantation géographique des détenteurs de la dette française.
Ensuite, il nous faut sécuriser le financement de la dette publique, et ce en deux étapes. La première consiste à mener un travail politique afin de sensibiliser l’écosystème de la dette et nos concitoyens à l’enjeu de souveraineté qui s’attache à la détention de la dette par des non-résidents. C’est peut-être pour des raisons financières que les résidents n’achètent pas notre dette, mais peut-être aussi faute d’être informés de la possibilité d’en détenir des titres. Deuxièmement, il faut mener une réflexion sur les moyens de favoriser l’acquisition de la dette française par les particuliers résidents, sur le marché primaire comme secondaire.
Monsieur le ministre, comment justifiez-vous la stratégie d’endettement française, aveugle à la provenance des investisseurs ? D’autres pays européens, comme l’Italie, parviennent à maintenir une proportion raisonnable de non-résidents parmi leurs créanciers.
Pourquoi l’État se prive-t-il de la faculté de connaître l’identité de ses créanciers alors qu’il accorde ce droit aux sociétés par actions ?
N’y aurait-il pas un intérêt à favoriser la détention de notre dette publique par des particuliers résidents, tant pour ces particuliers que pour le financement à long terme de l’État ? Le groupe LIOT partage cette préoccupation, puisqu’il a inscrit une proposition de loi en ce sens à l’ordre du jour de sa prochaine journée réservée.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Tout d’abord, il est hasardeux de comparer la dette de l’État à celle du Rassemblement national : dans le second cas, à la différence du premier, la diversification des créanciers potentiels faisait singulièrement défaut…
Nous nous sommes fixé un cap de soutenabilité de nos finances publiques et de la souveraineté de la France. L’atteindre suppose de poursuivre les réformes d’ampleur engagées pour parvenir au plein-emploi et accélérer la réindustrialisation et la transition écologique. C’est ce cap qui nous a permis d’afficher un bilan économique solide sur le front de la croissance, de l’attractivité, de la réindustrialisation, du reflux de l’inflation et de la création d’emplois. Maîtriser nos finances publiques pour rétablir nos comptes sans pénaliser la croissance, c’est cette boussole qui nous permettra de tenir l’objectif de réduction du déficit public sous les 3 %. La maîtrise de nos dépenses publiques est indispensable pour garantir le financement de nos priorités et pour faire face aux crises, comme ces dernières années.
Nous avons une stratégie de financement claire : l’État, par l’intermédiaire de l’Agence France Trésor, doit émettre la dette au meilleur coût pour le contribuable et dans les meilleures conditions de sécurité. La stratégie d’émission repose sur les principes de régularité et de prévisibilité, sur un marché structuré de la dette d’État animé par des professionnels, les spécialistes en valeurs du Trésor. Ces principes doivent permettre de susciter une demande dynamique.
La diversification de nos investisseurs est un atout considérable. Elle nous permet de nous financer à moindre coût, grâce à leur mise en concurrence, et dans les meilleures conditions de sécurité puisqu’elle nous prémunit contre un choc économique qui frapperait une zone géographique ou un investisseur en particulier.
En ce qui concerne la répartition par zone géographique, les trois quarts environ de la dette sont détenus par des Français ou par des investisseurs en zone euro : des investisseurs domestiques, pour un premier quart ; l’Eurosystème par l’intermédiaire de la Banque de France, pour un deuxième quart ; des investisseurs de la zone euro, pour un troisième quart. Le dernier quart est prêté par des investisseurs européens hors zone euro, Suisses et Britanniques notamment, ou du reste du monde. Cette diversité traduit la confiance dans le crédit de la France.
En ce qui concerne les types d’investisseurs, il peut s’agir d’assureurs, de banques – qui commercialisent par exemple le livret A –, de banques centrales ou de fonds de pension dans les pays où la retraite se fait par capitalisation, comme chez nos voisins néerlandais. Cette diversité est, là encore, une marque de confiance dans notre crédit, ainsi que dans les qualités techniques de la dette française. En témoigne, par exemple, la plus forte détention par les investisseurs français des obligations indexées, reflet des besoins de l’épargne réglementée française qui protège en partie contre l’inflation.
Ainsi, la distinction entre investisseurs domestiques et non domestiques ne fournit pas une grille de lecture pertinente. Un nombre limité d’investisseurs est plus risqué qu’un grand nombre, que les investisseurs soient domestiques ou non. S’il fallait restreindre volontairement le recours à un certain type d’investisseurs, le taux d’intérêt en serait mécaniquement plus élevé, de sorte que la charge d’intérêts augmenterait.
Dans ce contexte, serait-il souhaitable de diffuser des données plus détaillées concernant la détention de notre dette ? Les données existent déjà ; le FMI et la Banque de France fournissent ces informations. Faut-il aller plus loin ? Si nous limitions l’attractivité de notre dette, nous réduirions le nombre d’investisseurs auxquels nous pouvons nous adresser et nous rendrions la dette plus chère pour les Français, alors qu’elle pèse déjà lourdement sur nos finances publiques, comme vous l’avez dit. De ce point de vue, votre propos est contradictoire. L’argent supplémentaire dépensé en charge de la dette pour restreindre le nombre d’investisseurs pourrait utilement trouver à s’employer ailleurs, par exemple pour financer nos priorités.
Cette diversité est-elle un risque pour la souveraineté de la France ? Tout d’abord, je le répète, les investisseurs agissent pour les épargnants dont ils collectent l’épargne et pour gérer les réserves de change au niveau de la banque centrale. Ce ne sont pas les pays qui prêtent directement à la France, ce sont des épargnants. Ensuite, acheter un titre de dette, c’est prêter à la France ; cela ne confère aucun droit particulier sur la politique menée par le Gouvernement. La détention d’un titre de dette ou d’une obligation ne donne qu’un droit : celui d’être remboursé. Il ne s’agit pas d’une action, qui est, elle, un titre de propriété. Vous confondez action et obligation. A contrario, une dette détenue en trop grande proportion par des résidents présenterait des risques : si la dépendance est trop grande entre les banques domestiques et l’État, un choc du secteur bancaire pourrait se répercuter sur ce dernier ou, inversement, les difficultés de l’État pourraient rejaillir sur le secteur bancaire.
Notre stratégie a prouvé sa résilience lors des chocs que nous avons subis ces dernières années. La répartition de notre dette témoigne de la confiance que nous accordent les épargnants en France, dans la zone euro et dans le reste du monde, ainsi que l’attractivité de notre pays. N’avoir qu’un seul prêteur présente un risque de dépendance ; en avoir beaucoup est un atout. Cette confiance est une force qui permet de financer la dette à moindre coût pour les Françaises et les Français. Cette force doit demeurer ; nous nous y employons.
Pour inciter les résidents à acquérir de la dette souveraine – ce qu’ils peuvent déjà faire –, vous devrez, par exemple, créer un avantage fiscal, ce qui augmentera le coût de la dette : en fait, c’est le contribuable qui paiera. Et là où il y a un système avantageux et utile, vous aggraverez les finances publiques tout en restreignant le champ des investisseurs potentiels. D’ailleurs, en évoquant une « proportion raisonnable » de non-résidents parmi les créanciers, vous montrez que vous ignorez quelle part serait adéquate. Notre stratégie est la bonne : elle a démontré son efficacité ces dernières années.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Vous semblez balayer cet élément d’un revers de main. Pourtant, même si la diversité est un atout, les Français sont préoccupés par le niveau et la charge de la dette, et s’inquiètent de ce qu’elle est détenue pour plus de la moitié par des non-résidents. La question mérite donc d’être posée.
La Banque centrale européenne (BCE), qui détient 25 % de la dette française, se désengage-t-elle du marché obligataire souverain ?
Comment voyez-vous la typologie des futurs détenteurs de la dette française ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Loin de balayer ce débat d’un revers de main, je tente de montrer qu’une dette détenue uniquement par les résidents est probablement un piège. Si une crise frappait la France, l’État devrait à la fois sauver des acteurs bancaires et financiers affaiblis et les solliciter pour lever sa dette. Nous n’aurions pas diversifié nos risques.
Par ailleurs, selon le principe de concurrence, plus les investisseurs intéressés sont nombreux, plus le coût de la dette baisse – c’est mécanique. À l’inverse, plus la base d’investisseurs est étroite, plus il faudra augmenter les taux d’intérêt. À la fin, c’est le contribuable qui paie.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Ou plutôt les Français, car cette augmentation pèse sur le pouvoir d’achat de tous.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. En effet, cela se répercutera dans les dépenses de notre budget.
Troisième élément, les détenteurs de la dette n’ont aucune prise sur nous. Une crise de la dette, ce ne sont pas les détenteurs d’OAT qui dictent à un État quelles politiques publiques faire, c’est l’État qui n’arrive plus à placer sa dette – ce qui s’est passé en Grèce. Je comprends cette question, mais je pense que c’est vraiment un faux débat.
La Banque centrale européenne a arrêté ses achats d’actifs : son bilan se réduit progressivement, et sa politique monétaire évolue.
S’agissant de la typologie des futurs détenteurs, l’exercice de projection est difficile, mais il est certain que plus ils seront variés, mieux nous nous porterons – en cela, nous avons un point de désaccord avec le rapporteur spécial. Continuer à avoir des investisseurs diversifiés, par leurs profils institutionnels ou leurs origines géographiques, est la meilleure garantie pour traverser les crises et se refinancer aux meilleurs taux.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur le rapporteur spécial, avant d’entendre votre parallèle avec la dette du Rassemblement national, je ne comprenais pas votre obsession à prouver que notre pays était dépendant des détenteurs de la dette. Autant que vous, je tiens à la souveraineté de mon pays. Quand on n’a qu’un créancier, on dépend de lui ; mais lorsque des dizaines de millions d’acteurs détiennent la dette, on est indépendant.
Supposons, pour alimenter votre fantasme, que des États belliqueux détiennent la dette de la France et qu’ils souhaitent la faire plier. Quels pourraient être leurs leviers ? Évidemment, ils ne nous diraient pas de ne pas rembourser la dette. Éventuellement, ils pourraient arrêter de souscrire à de nouveaux emprunts. Mais il n’y a pas de risque sur la dette telle qu’elle est, d’autant que, Jean-Philippe Tanguy lui-même l’a dit, la demande de dette française est plus importante que l’offre. Ce fantasme ne correspond donc pas à la réalité.
Admettons tout de même qu’il y ait un vrai risque et examinons vos recommandations. Améliorer la connaissance des détenteurs : cela n’éloigne pas le danger ; ça ne sert donc à rien. Sensibiliser l’écosystème et mener une réflexion : je ne vois pas là de solution concrète. Vos propositions, c’est de la flûte !
Le ministre délégué l’a dit, une dette franco-française, fût-elle possible, coûterait très cher – ce n’est pas ce que nous voulons. Aujourd’hui, il n’y a pas de risque. Votre démonstration ne m’a pas convaincu mais je vous remercie pour votre travail.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je souscris en tout point à l’intervention du rapporteur général.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Le rapporteur général intervenait également pour le groupe Renaissance. Nous poursuivons donc les interventions des orateurs des groupes.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Chacun peut avoir une opinion sur l’opportunité d’une dette détenue par ses résidents nationaux : c’est un choix politique. La souveraineté peut avoir un coût, mais les exemples du Japon et de la Suisse montrent qu’il est possible d’avoir le beurre et l’argent du beurre dans ce domaine.
Il y a quelque chose d’anormal, pour des gens qui croient au marché, à considérer comme sans importance de ne pas connaître la nature des créanciers. Or le dieu Marché est lié à la déesse Information. Toute la théorie libérale repose sur la libre circulation de l’information : si elle n’est pas fiable et accessible à tous, les acteurs ne peuvent pas faire librement leurs choix. C’est Walras qui le dit, monsieur le rapporteur général – la Macronie est en péril si vous ne connaissez pas votre propre dogme.
Que la France, en particulier le ministre délégué chargé des comptes publics, ne soit pas capable de déterminer qui possède la dette ne vous pose aucun problème. Vous prétendez qu’on en sait assez. Or je pense que c’est une information qu’aimeraient avoir de nombreux députés, quelles que soient leurs opinions politiques. Peut-être que les Français n’ont pas envie d’envoyer plusieurs milliards de leurs impôts vers des pays amis ou non, en tout cas qu’ils n’aiment pas, par exemple les pays du Golfe ou certaines dictatures. Refuser qu’ils le sachent, en renvoyant à des éléments spécieux n’est pas acceptable. Qu’on ne puisse pas avoir ce débat sans se faire insulter est surréaliste : oui, on veut connaître la nationalité des détenteurs de la dette.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La dette de la Finlande est détenue à plus de 60 % par des non-résidents, comme celles de la Belgique, de l’Allemagne, de la Norvège ou de l’Autriche. Peut-être notre argument sur la diversification n’est-il pas complètement inutile dans les stratégies de placement : on peut avoir besoin des autres pour éviter de refinancer la dette à un coût trop élevé. Celle-ci change de main quasiment tous les jours puisque ce sont des titres. La Banque de France et le Fonds monétaire international (FMI) publient régulièrement certaines données relatives à la dette.
Au fond, pourquoi cette obsession à vouloir disposer d’informations sur la détention ? Vous pensez peut-être qu’un épargnant habitant de l’autre côté de la frontière a un pouvoir sur notre politique économique. Il n’en a aucun. Le rapporteur général l’a dit, des souscripteurs multiples, d’horizons et de profils différents, voilà ce qui permet de diversifier les risques et de n’avoir aucun lien de dépendance. Personne ne nous a dicté notre politique économique, qui nous a permis de recréer massivement des emplois et de réindustrialiser le pays. Dans cette France qui réussit – que vous n’aimez pas –, que feriez-vous d’une telle information ?
Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Après avoir dit que l’encours de la dette augmentait chaque année et que nous étions obligés de contracter une dette assise sur l’inflation, vous expliquez que diversifier la dette permet d’obtenir des taux d’emprunt plus avantageux, par la mise en concurrence. Pourquoi n’y parvenez-vous pas ?
Vous ne pouvez pas dire que l’on ne doit rien aux créanciers de la dette. Ces créanciers sont guidés par les agences de notation et les marchés financiers, que vous tentez toujours de rassurer. C’est ce besoin que vous avez invoqué pour justifier la réforme des retraites ou celle de l’assurance chômage – le Président de la République lui-même l’a dit.
Non, nous ne sommes pas indépendants : dans le cadre d’un marché globalisé qui répond à des exigences de rentabilité du capital, ce sont les marchés qui décident et nous mettent en coupe réglée. Leur conception est d’ailleurs à géométrie variable : on ne les entend pas quand on baisse les impôts, mais beaucoup plus lorsqu’on augmente ces derniers pour les plus riches.
La dette est-elle remboursable ? L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), alerte sur le fait que le ratio dette sur PIB risque d’empirer en raison de vos politiques austéritaires.
L’Allemagne s’est comportée durement envers la Grèce, car la Deutsche Bank était le premier créancier de la dette grecque. Vous ne pouvez donc pas dire que les États n’ont pas d’intérêts à protéger leurs épargnants et leurs investisseurs. À la limite, il faudrait que les créanciers soient des milliardaires qui, au lieu de payer des impôts, achèteraient la dette française, que nous rembourserions avec des intérêts.
Il serait aussi bon de pouvoir négocier avec les États européens sur cette question, car on demande beaucoup à la France : dans la réforme du marché de l’électricité, elle s’est complètement fait avoir, et elle va porter tout le poids de l’Europe de la défense.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La seule exigence des investisseurs est celle que vous pourriez fixer si vous prêtiez de l’argent : être remboursé. Si vous avez souscrit un prêt auprès de votre banque, vous devez le rembourser, mais on ne vous tord pas le bras pour vous dire comment le faire. Si cet engagement n’est pas honoré, personne ne prête plus. C’est un principe sain et c’est pourquoi chacun essaie de rembourser les prêts qu’il a contractés.
Quant à la contradiction entre l’encours de la dette et la stratégie de diversification, rappelons que l’accumulation des crises a conduit à augmenter la taille de notre dette. Cela implique de trouver davantage de financements sur les marchés.
M. Luc Geismar (Dem). Faut-il s’inquiéter qu’environ 53 % de la dette française soit détenue par des résidents étrangers ? La réponse est non, pour plusieurs raisons qui figurent dans le rapport.
Cette part a largement diminué depuis dix ans et témoigne de la forte attractivité de notre dette à l’échelle mondiale. La diversité des investisseurs non-résidents permet de sécuriser les émissions et de garantir des coûts de financement avantageux, même si l’internationalisation des financements de l’État présente quelques inconvénients, tels que le manque de transparence et l’agressivité des nombreuses stratégies développées par les investisseurs. Les avantages l’emportent toutefois sur les inconvénients.
Il est regrettable que le rapporteur spécial n’aborde pas les risques associés à la détention massive de la dette publique par des résidents nationaux. Basculer vers ce type de modèle ne renforcerait-il pas le lien entre risque souverain et risque bancaire ?
Pourquoi la charge de la dette devrait-elle augmenter jusqu’à 64 milliards d’ici à 2027 ? Le scénario d’évolution de la charge de la dette pourrait-il être revu à la baisse si les taux d’intérêt baissent plus que prévu et le ratio de la dette se stabilise ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La diversification et l’internationalisation de notre dette ont en effet pour avantages de meilleures performances et un rendement accru. Critiquer ce lien avec l’international me semble incompréhensible, comme se plaindre que 80 % du bordeaux soit exporté : sans cette dépendance à l’étranger, la viticulture est menacée.
La charge des intérêts de la dette croît mécaniquement en raison de l’augmentation du déficit public et des taux d’intérêt. Leur baisse jusqu’à un niveau proche de zéro pourrait modifier la trajectoire prévue mais, d’ici à 2027, cette charge devrait continuer de progresser. C’est pourquoi il faut ramener le déficit public sous la barre des 3 % d’ici à 2025.
M. Michel Castellani (LIOT). La vente d’un service ou d’un bien, comme le bordeaux, améliore le bilan du commerce extérieur ; le placement d’une obligation conduit à verser des intérêts, au détriment du marché financier intérieur.
Vous envisagez la diversification comme un atout ; nous proposons de l’enrichir, en y ajoutant une part plus importante du marché intérieur. Au-delà des considérations géopolitiques, il y a une réalité macroéconomique : l’intérêt bien compris d’un pays est que les intérêts versés par l’État s’insèrent dans le marché financier intérieur, où ils nourrissent la consommation, l’investissement, la croissance, donc les revenus financiers. Nous préconisons de créer un produit d’épargne, que souscriront les personnes physiques et morales françaises, en mandatant la Caisse de la dette publique pour acquérir un produit financier auprès de l’Agence France Trésor. Votre logique, celle de Bercy, et la nôtre, modeste, diffèrent, mais elles peuvent nourrir un débat dont j’espère voir émerger une proposition de loi.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pour réaliser ce que vous proposez, il faut en effet créer un produit d’épargne attractif. Les Français peuvent souscrire à la dette française ; renforcer l’investissement dans la dette publique coûtera plus cher. Dans la situation actuelle des finances publiques, pourquoi utiliser les ressources du contribuable à cette fin ? Orienter l’épargne vers des investissements productifs semble plutôt être la bonne stratégie.
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Je ne m’inquiète pas du fait que des résidents étrangers détiennent la dette française mais suis préoccupé que l’on ne connaisse pas ses détenteurs. En plein conflit entre la Russie et l’Ukraine, le ministre délégué ne peut pas affirmer que la France ne verse pas d’intérêts à des acteurs russes, faute de disposer du tableau de la détention de la dette par les non-résidents. Votre cartographie, parcellaire, rassemble des éléments issus des flux lors des adjudications. La dette circule ensuite très rapidement, comme de la monnaie, si bien que l’on ne sait pas où se trouve le détenteur du titre.
Lorsque la France émet des titres, certains pays qui ne sont pas nos amis laissent les spécialistes en valeur du Trésor (SVT) acquérir des titres puis les revendre sur le marché secondaire, par exemple à des Russes, qui en toucheront les intérêts. Les SVT, les financiers français, ont l’interdiction de travailler avec les pays sous embargo, comme la Russie. Cependant, une fois le titre sur le marché secondaire, il n’est plus contrôlé de la même façon, notamment lorsqu’il a été revendu à des étrangers.
Il est normal que le taux de détention par les non-résidents ait baissé lors des dix dernières années, car la Banque de France a mené une politique de quantitative easing (« assouplissement quantitatif »), rachetant de nombreux actifs. Il a commencé à augmenter dès que la Banque de France a cessé ses rachats de titres.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les flux financiers que vous décrivez n’existent que lorsque la France rembourse sa dette. Or ils transitent par Euroclear, qui garantit que notre pays ne verse pas un centime à la Russie.
La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de M. Kévin Mauvieux.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
et dÉplacements effectuÉs par le rapporteur spécial
Agence France Trésor
– M. Antoine Deruennes, directeur général
– M. Mathieu Marceau, chef de bureau
Banque de France :
– Mme Marie-Laure Barut Etherington, directrice adjointe de la Direction générale des statistiques, des études et de l’international ;
– M. Alexandre Gautier, Directeur général adjoint des opérations ;
– Mme Véronique Bensaid-Cohen, Conseillère parlementaire auprès du Gouverneur de la Banque de France ;
– M. Alexandre Levy, chargé de mission auprès de la conseillère parlementaire.
Euroclear France :
– M. Guillaume Eliet, directeur général ;
– M. Frédéric Germain, directeur des opérations.
Natixis * :
– Mme Stéphanie Paix, directeur général ;
– M. Mohamed Kallala, responsable des métiers de Natixis Corporate & Investment Banking.
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
DÉPLACEMENTS :
Lundi 11 mars 2024, mercredi 20 mars 2024 et jeudi 23 mai 2024 :
– Agence France Trésor
*
* *
([1]) Rapport annuel 2024 de la Cour des comptes sur la situation d’ensemble des finances publiques (à fin février 2024), mars 2024.
([2]) Il s’agit du Programme d’achat d’actifs du secteur public ou Public Sector Assets Purchase Programme (PSPP). Lancé en mars 2015, il a consisté en l’achat de titres obligataires d’émetteurs publics par les banques centrales.
([3]) Il s’agit du Programme d’achats d’urgence face à la pandémie ou Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP), lancé en mars 2020 afin de contrer les risques pesant sur les mécanismes de transmission de la politique monétaire et sur les perspectives économiques de la zone euro en raison de l’épidémie de Covid-19.
([4]) Les zones bleutées correspondent à la part de la dette détenue par des non-résidents.
Les zones d’une autre couleur que le bleu correspondent à la part de la dette détenue par des résidents.
([5]) OPCVM : organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
([6]) Ce dispositif découle de la transposition de la directive 2007/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 concernant l’exercice de certains droits des actionnaires des sociétés cotées.
([7]) Les sociétés par actions ont également la possibilité de tenir un registre nominatif de leurs actionnaires. C’est le cas de la société Michelin. Toutefois, ce choix implique une gestion lourde, sans garantir de manière parfaite la fiabilité des informations.
([8]) Le IV de l’article L. 228-2 du code de commerce prévoit : « Sauf clause contraire du contrat d’émission et nonobstant le silence des statuts, toute personne morale émettrice d’obligations ou de titres de créances négociables autre que les personnes morales de droit public a la faculté de demander l'identification des porteurs de ces titres ».
([9]) Une « obligation verte » est une obligation dont le produit de l’émission est utilisé exclusivement pour financer des projets verts. La France a émis sa première obligation verte en 2017. La quatrième obligation verte française a été émise le 16 janvier 2024.
Le cadre français des obligations vertes s’appuie sur les Green Bond Principles publiés par l’International Capital Market Association. Les fonds levés par le moyen des OAT vertes doivent être, consacrés au financement d’un ensemble de projets inscrits au budget de l’État et ayant un effet favorable sur l’environnement, en ce qu’ils contribuent à l’atténuation du changement climatique, à l’adaptation aux risques qui y sont liés, à la préservation de la biodiversité ou à la lutte contre la pollution.
En amont de chaque exercice, les différents ministères identifient au sein de leurs programmes budgétaires les lignes répondant à ces objectifs. Celles-ci sont présentées pour avis au Conseil d’évaluation des OAT vertes et soumises à la validation d’un comité de pilotage interministériel placé sous l’égide du Premier ministre.
Comptablement, les fonds levés sont traités comme ceux d’une OAT traditionnelle et gérés selon le principe d’universalité budgétaire. Les rapports d’allocation et de performance, établis chaque année sur la base du projet de loi de règlement, permettent de vérifier l’équivalence nominale entre cette ressource et les emplois qui lui sont associés.
Le document-cadre des OAT vertes françaises est disponible ici.
([10]) Question n° 33127 de M. José Evrard, député, au ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance.
([11]) PROduction de statistiques de TItres en Détention : https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/outils-statistiques/espace-declarants/reglementation-des-statistiques-de-detention-de-titres.
([12]) Il s’agit du règlement (UE) n° 1011/2012 de la Banque centrale européenne du 17 octobre 2012 concernant les statistiques sur les détentions de titres (en anglais Statistics on Holdings of Securities [SHS]).
([13]) Les institutions financières monétaires (IFM) sont les établissements de crédit et les OPCVM monétaires.
([14]) RUBA signifie « Reporting unifié des banques et assimilés ». Les données de cette collecte sont disponibles ici.
([15]) Cette base de données utilise plusieurs sources : les statistiques bancaires internationales de la Banque des règlements internationaux, des données produites par la Banque centrale européenne et Eurostat, les statistiques financières internationales du FMI, l’enquête coordonnée sur les investissements de portefeuille du FMI (CPIS), la composition par devise des réserves officielles de change du FMI et les statistiques trimestrielles de la dette extérieure du FMI et de la Banque mondiale.
([16]) Toutefois, concernant la dette portée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), certaines données concernant la répartition par zone géographique des acquéreurs des titres de dette à leur émission sont publiées par cette institution. Pour les titres émis en 2022 et en 2023, ces informations sont accessibles ici.
([17]) Au cours de la journée du 15 octobre 2014, le rendement du bon du Trésor américain à échéance 10 ans a varié de 37 points de base, ce qui représente une volatilité exceptionnelle pour cet titre extrêmement liquide considéré comme l’actif financier le moins risqué au monde.
Si les causes de ce krach éclair font encore l’objet de débats, la plus grande part de responsabilité a été attribuée aux pratiques de trading haute fréquence et algorithmique.
([18]) « La crise grecque. Leçons pour l’Europe », in Revue économique 2011/3 (vol. 62), p. 383-394 : https://www.cairn.info/revue-economique-2011-3-page-383.htm.
([19]) Rapport d’information relatif à la dette publique, présenté par M. Laurent Saint-Martin, 23 juin 2020, p. 43.
([20]) Rapport d'information n° 139 (2021-2022) de M. Éric Bocquet et Mme Sylvie Vermeillet, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 10 novembre 2021, p. 46.
([21]) Ce régime est prévu par les articles L. 562-1 et suivants du code monétaire et financier.
([22]) Rapport d'information n° 139 (2021-2022) de M. Éric Bocquet et Mme Sylvie Vermeillet, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 10 novembre 2021, p. 66.
([23]) Rapport n° 2738 de M. Nicolas Sansu sur la proposition de résolution européenne relative à la dette souveraine des États de la zone euro, enregistré le 22 avril 2015, p. 25.
([24]) Rapport d’information relatif à la dette publique, présenté par M. Laurent Saint-Martin, 23 juin 2020, p. 44.
([25]) AFT, communiqué de presse du 5 décembre 2005 : https://www.aft.gouv.fr/fr/publications/communiques-presse/20051205-marche-secondaire-oat.