N° 2732

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2024.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DEs affaires ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 10 mai 2023,

sur la crise de l’Organisation des Nations Unies et les perspectives de réforme

et présenté par

M. Jean-Paul LECOQ et Mme Laurence VICHNIEVSKY,

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. L’ONU : une organisation interétatique polymorphe qui reflète la crise contemporaine du multilatéralisme

A. La fragmentation croissante de l’ordre international fragilise la cohésion du système onusien

1. Après la paralysie inhérente à la guerre froide, la « parenthèse enchantée » des années 1990 s’est progressivement refermée

a. Le renouveau des années 1990

b. Des crises difficilement surmontées

2. Organisation concurrencée, l’ONU est désormais le théâtre d’une fracture entre le Nord et le « Sud global »

a. Une centralité potentiellement remise en cause

b. De la confrontation Est-Ouest au(x) clivage(s) Nord-Sud

B. Une gouvernance institutionnelle complexe

1. Le rôle essentiel, bien que limité, de l’Assemblée générale et du Secrétariat

a. L’Assemblée générale : un forum mondial à l’influence croissante

i. Une montée en puissance progressive

ii. Une tribune mondiale désormais incontournable

iii. La revitalisation de l’Assemblée générale : un processus à approfondir

b. Le Secrétariat : un rôle administratif incarné par le secrétaire général, entre soumission à la logique interétatique et velléités d’action diplomatique

i. Le secrétaire général : le chef d’orchestre de l’administration onusienne

ii. Le secrétaire général exerce une influence réelle mais fragile

2. La pérennité du financement des organisations onusiennes confrontée à de multiples problématiques

a. Fondé sur des contributions obligatoires versées par les États, le financement du budget régulier de l’ONU et des opérations de maintien de la paix se heurte à une crise de liquidité

i. La structure de financement du budget régulier et des opérations de maintien de la paix

ii. L’aggravation des retards et arriérés de paiement se conjugue à un cadre budgétaire inadapté

b. La prédominance des contributions volontaires : un financement incontournable mais pernicieux, soulignant la nécessité d’une réforme

3. L’action salutaire des agences et institutions spécialisées de l’ONU en faveur du développement et de l’aide humanitaire

a. La diversité des institutions et organes onusiens

b. L’indispensable expertise du système onusien en matière de développement et d’action humanitaire

II. Préserver la paix et la sécurité internationales : un combat permanent à l’épreuve des conflits

A. Paralysé face aux crises majeures et soumis à de fortes critiques, le Conseil de sécurité exerce encore un rôle central en faveur de la paix

1. Parfois présentées comme le garde-fou du système onusien, la composition et les règles de fonctionnement du Conseil de sécurité sont aussi la cause de son inertie

a. Une instance imparfaitement représentative

b. Le privilège du veto : la botte (faussement) secrète des membres permanents

c. Des méthodes de travail confortant initialement la domination des cinq membres permanents, malgré l’influence croissante des dix membres non-permanents

2. Le double visage du Conseil de sécurité

a. Un blocage désormais structurel face aux crises majeures

b. Une activité globale encore soutenue, mais confrontée à un risque d’ineffectivité

i. Une capacité d’action centrée sur le renouvellement des opérations de maintien de la paix et des régimes de sanctions

ii. Des résolutions dont la portée et l’effectivité suscitent des interrogations

B. Les opérations de maintien de la paix : Un modèle aux succès inégaux qu’il convient de moderniser

1. La montée en puissance d’un outil dont le bilan s’avère contrasté

a. Initialement fondées sur des principes et des objectifs clairs, les OMP se sont multipliées depuis la fin de la Guerre froide

i. Un cadre hybride, entre « prêt-à-porter » et « sur-mesure »

ii. Marqué par une phase d’expansion inédite après la fin de la guerre froide, le nombre d’OMP a fortement diminué au cours de la dernière décennie

b. Des résultats ambivalents, entre succès manifestes et échecs patents

i. Des réussites saluées

ii. Des échecs d’une intensité variable et révélateurs de l’impuissance onusienne face aux conflits « ouverts » et « gelés » : les exemples du Rwanda et du Sahara occidental

2. Affectées par des fragilités structurelles, les opérations de maintien de la paix s’exposent à un risque d’enlisement

a. Des mandats mal calibrés, à l’épreuve d’un contexte local complexe

i. Le contenu des mandats

ii. Les relations avec les acteurs locaux

b. Des moyens inadaptés aux enjeux opérationnels

3. Réformer les OMP : entre vœu pieux et perspective crédible

a. La réforme des OMP : un serpent de mer onusien depuis près d’un quart de siècle

b. Se donner véritablement les moyens de ses ambitions

i. La commission de consolidation de la paix : un organe sous-exploité qu’il convient de revaloriser

ii. La centralisation du commandement militaire des opérations de paix depuis New York

iii. Le pilotage par l’évaluation des risques

c. Renforcer les partenariats avec l’ensemble des acteurs institutionnels

i. La coordination accrue avec les organisations régionales : l’exemple du partenariat avec l’Union africaine

ii. Renforcer les liens avec les États francophones

III. Le pacte pour l’avenir : le sommet de la dernière chance ?

A. L’improbable mais indispensable réforme du conseil de sécurité

1. Un processus de négociation opaque et sans issue à ce jour

a. Une réflexion approfondie au cours des années 1990 et 2000 mais entravée par la rigidité de la procédure de révision de la Charte

b. Une impasse génératrice de frustrations

2. Améliorer la représentativité du Conseil : l’incontournable élargissement

a. Les scénarios proposés

b. L’expression de rivalités interétatiques indépassables

3. Domestiquer le veto : une quête d’efficacité qui ne doit pas remettre en cause les fondements du Conseil de sécurité

B. Les défis mondiaux que l’ONU doit relever pour prévenir les conflits futurs

1. Accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable

a. Les objectifs du millénaire pour le développement

b. Les objectifs de développement durable

c. L’Agenda 2030 : une matrice commune à la galaxie onusienne pour accélérer la mise en œuvre des ODD en dépit des divergences

2. Promouvoir une véritable coopération scientifique pour réguler l’intelligence artificielle

a. L’intelligence artificielle, entre progrès et menaces

b. La prise en compte de l’IA par les Nations Unies

3. Reprendre les négociations relatives au désarmement

4. Réformer l’architecture financière mondiale

a. Un système dysfonctionnel qui ne répond plus aux besoins des pays en développement

b. Les réponses envisagées par l’ONU, à l’épreuve de l’influence croissante de la Chine

Propositions communes des rapporteurs

Propositions du rapporteur Jean-Paul Lecoq

Examen en commission

Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

Annexe n° 2 : Liste des abréviations et acronymes utilisés dans le rapport

Annexe  3 : Organigramme du système des nations unies


INTRODUCTION

Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) entre 1953 et 1961, Dag Hammarskjöld résuma la mission de celle-ci en ces termes : « l’ONU n’a pas été inventée pour emmener l’humanité au paradis mais pour lui éviter l’enfer ». Après l’échec de la Société des Nations établie par le traité de Versailles en 1919, la création de l’ONU procède de la volonté des vainqueurs de la seconde guerre mondiale de fonder une organisation universelle à laquelle tous les États ont vocation à appartenir, indépendamment de leur histoire, de leur taille ou de leur puissance. Signée le 26 juin 1945 à San Francisco, la Charte des Nations Unies consacre, dans son préambule, l’engagement des peuples à « préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances ».

L’ONU présente un double visage. Théâtre de la scène internationale, elle en est simultanément une actrice de premier plan, à travers les organes qui la structurent et les institutions et agences spécialisées qui s’y rattachent. Par essence dépendante des États qui la composent, elle dispose d’une capacité d’action internationalement reconnue dont les casques bleus représentent l’une des principales figures. Les missions des Nations Unies s’articulent autour de trois ambitions principales : garantir la paix et la sécurité, favoriser le développement économique, social et environnemental, et fournir une aide humanitaire aux populations touchées par la pauvreté et les conflits. La résurgence de conflits meurtriers au Moyen-Orient et à l’Est de l’Europe soulève aujourd’hui une interrogation unanime : où est l’ONU ?

Confrontées à des crises majeures et multiformes depuis le début de la guerre froide jusqu’à l’avènement d’un monde multipolaire, les Nations Unies peinent désormais à satisfaire les attentes dont elles font l’objet. Elles suscitent des critiques récurrentes tenant à l’imparfaite représentativité de leurs organes décisionnels, s’agissant en premier lieu du Conseil de sécurité, et de l’insuffisante efficacité de leur action, tiraillée par les divisions interétatiques. Stigmatisé pour son impuissance à prévenir ou résoudre les conflits, le multilatéralisme onusien serait progressivement devenu obsolète et inapte à répondre aux enjeux auxquels l’humanité est confrontée.

S’il n’est pas dénué de tout fondement, ce constat sévère doit être relativisé. La complexité de la gouvernance institutionnelle de l’ONU et les tensions géopolitiques croissantes qui s’expriment à l’échelle planétaire ne sont pas une fatalité. Les Nations Unies disposent des ressources pour remplir les missions qui leur incombent, dès lors que les États, en dépit des clivages qui les séparent, acceptent de renouer avec les idéaux poursuivis par la Charte. Des réformes audacieuses apparaissent également indispensables pour revitaliser l’ensemble du système onusien.

À l’issue d’une quarantaine d’entretiens conduits à Paris, Genève et New York, ce rapport formule quatorze propositions ([1]) destinées à atteindre cet objectif. Préparée depuis près de trois ans, l’organisation du Sommet de l’avenir en septembre 2024 constitue en ce sens une opportunité que la France doit saisir. Lucides sur la nature de la tâche qu’il convient d’accomplir, les rapporteurs partagent sincèrement le vœu prononcé par le général de Gaulle, lors de sa conférence de presse du 4 février 1965 : « Combien nous parait en effet souhaitable le salut d’une institution dans laquelle le monde a mis tant d’espoirs pour aider à la solidarité et au progrès de tous les hommes ! ».


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I.   L’ONU : une organisation interétatique polymorphe qui reflète la crise contemporaine du multilatéralisme

Fondée le 26 juin 1945 par la Charte signée à San Francisco à l’issue de la Conférence des Nations Unies pour l’Organisation internationale, l’ONU s’est structurée autour d’une mission prioritaire : préserver la paix et la sécurité, notamment grâce à la prévention des conflits. L’échec de la Société des Nations dans l’entre-deux guerres a servi de leçon aux États fondateurs. Écrite par les vainqueurs de la seconde guerre mondiale, la Charte des Nations Unies octroie ainsi une place prépondérante aux États-Unis et à l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) en tant que membres permanents du Conseil de sécurité, aux côtés de la Chine, du Royaume-Uni et de la France. Le rôle déterminant des grandes puissances au sein de l’ONU constitue la principale garantie de leur participation au fonctionnement des multiples instances, organes et agences qui composent l’architecture institutionnelle onusienne.

Si son activité au cours de la guerre froide fut logiquement – et largement – entravée par la confrontation entre les deux blocs occidental et soviétique, l’ONU est rapidement devenue une actrice incontournable des relations internationales, notamment dans le cadre de son travail effectué à l’occasion de l’indépendance des États africains autour des années 1960. Sa montée en puissance s’est concrétisée par le déploiement d’une action protéiforme afin de maintenir la paix, d’apporter une aide humanitaire aux populations en souffrance et de favoriser le développement économique et social à l’échelle mondiale.

Pour autant, les crises auxquelles les Nations Unies ont été confrontées révèlent la volatilité et la fragilité du multilatéralisme contemporain, miné par les tensions interétatiques croissantes et par une incapacité structurelle à y apporter des réponses partagées, crédibles et efficaces. Les nombreuses difficultés affectant l’activité du système onusien se conjuguent à la complexité de son organisation et à la rigidité de sa gouvernance, s’agissant aussi bien de ses organes principaux – tels que l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Secrétariat – que des dizaines d’institutions et d’agences qui leur sont rattachées.

A.   La fragmentation croissante de l’ordre international fragilise la cohésion du système onusien

La fin de l’ordre bipolaire hérité de la guerre froide a placé l’ONU au centre du jeu international, dans un contexte de rapprochement des grandes puissances face aux menaces sécuritaires induites par le terrorisme international et certains conflits régionaux. Cependant, le contournement de l’ONU à l’occasion de plusieurs graves crises sécuritaires et son impuissance face aux guerres déchirant le Moyen-Orient ont progressivement porté atteinte à son influence en tant qu’organisation internationale chargée de maintenir la paix dans le monde, dans un contexte marqué par la redéfinition des rapports de forces interétatiques.

1.   Après la paralysie inhérente à la guerre froide, la « parenthèse enchantée » des années 1990 s’est progressivement refermée

Prise en étau entre les États-Unis et l’URSS au cours de la guerre froide, l’ONU a exercé un rôle plus influent depuis les années 1990, à l’épreuve des crises sécuritaires, dont la multiplication et l’ampleur croissante ont fini par fragiliser son action.

a.   Le renouveau des années 1990

Entre 1945 et 1989, l’ONU fut reléguée au second plan de la scène internationale. La résolution des crises majeures dépendait essentiellement des relations bilatérales entre les États-Unis et l’URSS, fluctuant selon les moments de vives tensions ([2]) et les périodes de détente ([3]). Paradoxalement, de nombreux traités internationaux revêtant une importance majeure ont également été conclus sous l’égide de l’ONU au cours de cette période, à l’image du traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967, du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968, du traité sur la lune de 1979 ou de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.

Si la mobilisation de l’ONU s’est rapidement illustrée par le déploiement de plusieurs opérations de paix lors de la guerre de Corée en 1950, de la crise de Suez en 1956 ou du conflit au Congo en 1960, l’affrontement Est-Ouest a eu pour effet de « verrouiller » le fonctionnement des Nations Unies, entravé par les vetos successivement opposés par les États-Unis et l’URSS aux projets de résolution soumis à l’examen du Conseil de sécurité. En dépit de l’adoption de la résolution n° 242 ([4]) rappelant l’interdiction d’acquérir des territoires par la force à la suite de la guerre des six jours de juin 1967, l’ONU n’a pas été en mesure de mettre un terme au conflit israélo-palestinien. Paralysée par la rivalité américano-soviétique, elle se montra incapable d’œuvrer efficacement pour la paix lors de la guerre du Vietnam, du génocide cambodgien, de l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS ou encore de la guerre entre l’Iran et l’Irak.

La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 constitua un tournant historique, en contribuant à sortir l’ONU de sa léthargie grâce à la déconflictualisation provoquée par la fin de la guerre froide. Auditionnés par les rapporteurs, la journaliste Anne-Cécile Robert et l’essayiste Romuald Sciora identifient ce point de bascule comme l’amorce d’une « évolution majeure pour l’avenir de l’ONU, qui allait pouvoir élargir ses capacités d’action au point que son rôle se modifia radicalement au cours des années suivantes » ([5]).

Bien qu’il présente une dimension unipolaire compte tenu de l’incontestable hégémonie américaine à la fin du XXe siècle, l’avènement d’un nouvel ordre mondial s’est traduit par une « décennie faste », selon l’expression utilisée par l’ancien ambassadeur Jean-David Levitte lors de son audition. La forte activité du Conseil de sécurité entre 1990 et 2000 contraste avec son fonctionnement ralenti et irrégulier entre 1945 et 1989. Il a ainsi adopté autant de résolutions en une décennie que pendant toute la période de la guerre froide ([6]).

Nombre de résolutions adoptées par le conseil de sécurité
entre 1946 ET AVRIL 2024


Source : mission d’information, d’après les données publiées par l’Organisation des Nations Unies, mai 2024.

L’ONU a obtenu plusieurs succès importants au cours de la décennie 1990. Jean-David Levitte mentionne en ce sens l’autorisation d’une intervention militaire pour lutter contre l’invasion irakienne du Koweït ([7]) et la réussite des opérations de maintien de la paix mises en œuvre au Cambodge ([8]), puis dans la région africaine des Grands lacs ([9]), qui ont utilement permis d’aplanir les tensions et de prévenir la reprise des hostilités. En outre, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité deux résolutions ([10]) condamnant tous les actes de terrorisme en autorisant les États qui en sont victimes à recourir à la force pour combattre leurs auteurs, sur le fondement de la légitime défense individuelle ou collective.

De manière plus large, le multilatéralisme onusien a connu d’importants progrès jusqu’au milieu des années 2000. Lors de son audition, l’ancien ambassadeur Jean-Maurice Ripert a évoqué les « Quinze glorieuses des droits humains », au cours desquelles de nombreuses avancées ont été réalisées sous l’impulsion des Nations Unies. Prolongeant les succès normatifs déjà obtenus depuis la fin des années 1960, elles ont ainsi pris la forme d’accords internationaux de grande envergure à l’image de la signature de la convention internationale des droits de l’enfant le 20 novembre 1989, de la convention sur les armes chimiques le 13 janvier 1993, du traité d’interdiction complète des essais nucléaires le 24 septembre 1996 ou du statut de Rome créant la Cour pénale internationale le 17 juillet 1998. L’Assemblée générale de l’ONU exerça aussi une influence décisive en approuvant les objectifs du millénaire pour le développement le 8 septembre 2000 ([11]) et en adoptant la résolution relative à la responsabilité de protéger les populations civiles le 24 octobre 2005 ([12]).

Pour autant, l’apparition de crises sécuritaires majeures a progressivement nourri les interrogations sur la capacité d’action de l’ONU lorsque ses États membres, s’agissant en premier lieu des membres permanents du Conseil de sécurité, se divisent sur les moyens de résoudre les conflits.

b.   Des crises difficilement surmontées

L’éclatement de la Yougoslavie au milieu des années 1990 et la guerre menée par la Serbie au Kosovo esquissèrent les premières divergences stratégiques séparant, d’une part, les États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), et, d’autre part, la Chine et la Russie. Auditionné par les rapporteurs, l’ancien ambassadeur Alain Dejammet explique les raisons de la prudence affichée par l’ONU sur le conflit des Balkans : « [p]arce que les Occidentaux pressentaient, sans vouloir d’ailleurs pousser trop loin la négociation, que la Russie et la Chine mettraient leur veto au bombardement de Belgrade, l’ONU n’a pas franchi le pas de la guerre au Kosovo » ([13]).

Le Conseil de sécurité n’ayant pas autorisé le déploiement d’une intervention militaire contre le régime serbe de Slobodan Milosevic, les frappes aériennes de la coalition réalisées sous l’égide de l’OTAN ([14]) se sont donc affranchies du cadre onusien, ouvrant ainsi la voie à son contournement. Dans ce contexte, la décision prise en mars 2003 par les États-Unis et le Royaume-Uni d’envahir l’Irak afin de renverser le régime de Saddam Hussein a souligné de façon ambivalente les forces et les faiblesses de l’ONU.

D’une part, le refus d’avaliser l’intervention anglo-américaine a préservé l’ONU des critiques qu’elle aurait mécaniquement encourues si le Conseil de sécurité avait autorisé le recours à la force dans ces circonstances. Par ailleurs, les démarches diplomatiques entreprises en son sein par les États-Unis à compter de l’été 2002 dans le but de légitimer leur expédition révèlent implicitement l’autorité dont disposent les Nations Unies en tant que gardiennes de la paix et de la sécurité internationales. Représentant permanent de la France à l’ONU au moment de la seconde guerre du Golfe, Jean-Marc de La Sablière observe ainsi que « [l]es efforts que [les États-Unis] font pour démontrer, même si cela est peu convaincant, qu’ils respectent le droit témoignent de leur inconfort. C’est bien le signe que la Charte compte encore beaucoup » ([15]).

D’autre part, de façon encore plus flagrante qu’à l’occasion des frappes de l’OTAN sur Belgrade en 1999, l’impuissance de l’ONU à empêcher le déclenchement de la guerre en Irak a considérablement fragilisé le multilatéralisme pourtant érigé en principe cardinal des relations internationales depuis la fin de la guerre froide. Les réserves, sinon l’opposition, affichées par trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité ([16]) au projet anglo-américain n’ont pas permis de prévenir le conflit, dont les lourdes conséquences humanitaires, sécuritaires et géopolitiques ont abouti au désastre annoncé.

Pour autant, la crise irakienne de 2003 n’a pas mis à l’arrêt le Conseil de sécurité. Son activité s’est développée de manière relativement consensuelle jusqu’au début des années 2010. Dans ses mémoires, l’ancien ambassadeur Maurice Gourdault-Montagne souligne la résilience de l’ONU pour surmonter les dissensions passées, conformément à la position française : « Jacques Chirac lui-même était particulièrement attaché, au-delà de la décision américaine de l’emploi unilatéral de la force et des résultats rapides de cette entreprise, à ce que le Conseil de sécurité continue de fonctionner et de jouer un rôle stabilisateur dans la vie internationale » ([17]).

À l’issue des auditions conduites par les rapporteurs, il apparaît que la crise libyenne de 2011 constitue un véritable tournant dans l’histoire récente de l’ONU, dans le contexte singulier des révolutions du Printemps arabe. Adoptée par le Conseil de sécurité à l’initiative de la France, la résolution n° 1973 du 17 mars 2011 a autorisé le recours à la force afin de mettre un terme à la répression violente du régime libyen à l’encontre de ses opposants. Renonçant à opposer leur veto, la Chine et la Russie ont ensuite considéré que l’intervention militaire subséquemment diligentée avait outrepassé le mandat voté par le Conseil de sécurité, l’objectif de protection des populations civiles ayant incidemment conduit à renverser le régime du colonel Kadhafi.

Indépendamment du bien-fondé du choix opéré par le Conseil de sécurité lors de cette crise, l’aval donné par l’ONU à l’action menée en Libye cristallise encore les tensions aujourd’hui. Lors de leur audition, les représentants du centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ont récusé l’idée d’une quelconque dérive interventionniste en la matière : « dès lors que la résolution n° 1971 saisissait la Cour pénale internationale de la situation en Libye avec l’objectif de mettre en cause la responsabilité des principaux commanditaires des violences contre les civils perpétrées dans ce pays, il semblait difficile d’envisager que le dirigeant libyen reste au pouvoir à Tripoli. De ce point de vue, les critiques formulées contre l’action autorisée par l’ONU en Libye semblent davantage contester la logique intrinsèque des résolutions n° 1971 et n° 1973 qu’un outrepassement présumé du mandat » ([18]).

Quelle qu’en soit l’interprétation, le renversement du régime libyen a ensuite motivé le refus constant de la Russie et de la Chine de s’accorder avec les États-Unis, le Royaume-Uni et la France pour réprimer le régime de Bachar el-Assad dès le début de la guerre civile syrienne. En l’espèce, l’impuissance de l’ONU face aux massacres de civils illustre l’introuvable consensus des membres permanents. Ces clivages réactivent les débats habituels sur l’existence controversée d’un droit ou d’un devoir d’ingérence découlant de la responsabilité de protection des populations consacrée par l’Assemblée générale en 2005.

En dépit de l’approbation de l’intervention militaire en Libye par de nombreux États arabo-musulmans ([19]), l’idée selon laquelle le mandat délivré par le Conseil de sécurité avait été « détourné » par la coalition conduite par l’OTAN ([20]) a nourri le schéma narratif anti-occidental. Au risque de paralyser le fonctionnement du Conseil de sécurité face aux crises sécuritaires majeures, cette posture tend à refermer la parenthèse ouverte depuis le début des années 1990 qui avait pourtant réussi à surmonter, non sans difficulté, les clivages survenus à l’occasion des conflits en ex-Yougoslavie et en Irak.

Le CAPS déplore les conséquences qu’entraîne l’incapacité du Conseil de sécurité à répondre à la crise syrienne depuis 2012 : « Outre les violences contre les civils, le conflit en Syrie a permis le renouveau du terrorisme international autour de “l’État islamique”, le précédent d’un emploi répété d’armes chimiques sans redevabilité des responsabilités, et a constitué un précédent dont on peut penser qu’il a joué un rôle dans la décision de déclencher […] la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine » ([21]).

Auditionné par les rapporteurs, Jean-Marie Guéhenno, ancien secrétaire général-adjoint de l’ONU aux opérations de paix entre 2000 et 2008, résume à grands traits cette évolution : « dès la guerre du Kosovo en 1999, les premières fissures étaient apparues au sein du Conseil de sécurité. Elles s’approfondirent avec la guerre d’Irak en 2003. La non-intervention en Syrie, venant après une interprétation très large de la Responsabilité de protéger ([22]) en Libye (dont les résultats incertains ont encore affaibli la légitimité, déjà fragile), a achevé de jeter le doute sur le programme ambitieux de l’immédiat après-guerre froide » ([23]).

Fragilisée depuis plus d’une dizaine d’années, accusée d’impuissance face aux crises meurtrières qui se multiplient, l’Organisation des Nations Unies semble aujourd’hui plus que jamais « désunie ». Miroir des rivalités interétatiques, elle fait également l’objet d’une concurrence institutionnelle croissante, ce qui tend à remettre en cause sa place centrale sur la scène internationale.

2.   Organisation concurrencée, l’ONU est désormais le théâtre d’une fracture entre le Nord et le « Sud global »

Pivot de l’ordre international depuis sa création, l’ONU apparaît désormais concurrencée par l’émergence de nouvelles organisations à l’échelle régionale ou mondiale. Sa cohésion est également affaiblie par l’expression d’un clivage structurel tendant à opposer les États industrialisés aux pays émergents, symbole d’une ligne de fracture entre le Nord et le « Sud global ».

a.   Une centralité potentiellement remise en cause

Dès l’origine, la Charte des Nations Unies consacre la place centrale de l’ONU dans l’architecture institutionnelle internationale.

Article 103 de la Charte des Nations Unies

« En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. »

Cette supériorité hiérarchique inscrite dans le droit international depuis 1945 n’a pas freiné le développement de diverses initiatives visant à créer de nouveaux espaces pérennes d’échanges entre les États. Au-delà des organisations de coopération régionales structurées par une dynamique intégrative, ces forums de discussion portent essentiellement sur les enjeux économiques et financiers, à l’image du « Forum de Davos » ([24]), des BRICS ([25]), du G7 ([26]) ou du G20 ([27]). Ils privilégient des concertations pluri-thématiques entre un nombre plus restreint d’États, selon des critères de richesse ou d’affinités politiques.

Il en résulte une prolifération d’instances internationales au sein desquelles les États entretiennent des relations multilatérales, ce qui complexifie le cadre de la gouvernance mondiale au centre duquel figurait initialement l’ONU. Le directeur général du Forum pour la paix, créé en 2018, Justin Vaïsse, analyse ces évolutions institutionnelles dont l’ambition vise aussi à dépasser le strict cadre intergouvernemental : « Il existe des formes de régulation et de coordination multiples, selon deux axes : un axe horizontal et un axe vertical. L’axe horizontal correspond à des formes multiples de multilatéralisme et souvent de “minilatéralisme”, c’est-à-dire des coalitions d’États qui souhaitent travailler ensemble. Mais le Forum pour la paix s’attache surtout à l’axe vertical, que l’on appelait parfois le “polylatéralisme”, c’est-à-dire la coordination, pas simplement entre gouvernements mais aussi avec d’autres types d’acteurs. De telles coalitions sont ainsi conduites en matière de cybersécurité, de minéraux critiques, ou d’espace. Nous espérons ainsi obtenir de meilleurs résultats, qui permettent de contourner le blocage de l’ONU. » ([28]).

Jean-Marie Guéhenno constate l’influence croissante des acteurs privés sur la scène internationale, au regard de la puissance financière et du leadership technologique dont disposent certaines entreprises transnationales : « [l]’ONU est une organisation d’États dans un monde où les acteurs non-étatiques jouent un rôle important, certains étant même beaucoup plus puissants que les États. Ainsi, plusieurs entreprises sont plus puissantes qu’une centaine d’États des Nations Unies. À ce titre, l’ONU est confrontée à la difficulté d’intégrer ces acteurs dans la discussion sans en devenir le “faux-nez”. Par exemple, l’entreprise Microsoft a ouvert un bureau situé juste à côté des Nations Unies car elle mesure l’importance de la discussion multilatérale pour la gouvernance de l’économie des données, et donc pour elle-même. Ces entreprises sont dépositaires de connaissances techniques qu’il est nécessaire d’utiliser. Simultanément, certaines peuvent être tentées de manipuler l’ONU. » ([29]).

Indépendamment de l’efficacité concrète de ces nouvelles enceintes, leur développement au cours des dernières décennies a eu pour effet latent de concurrencer le système onusien au risque de le marginaliser, ainsi que l’observent Romuald Sciora et Anne-Cécile Robert : « […] Depuis le premier “G” en 1975 destiné à coordonner la réponse des pays industrialisés au premier choc pétrolier, les “G” n’ont cessé de s’élargir (20 pays en 2018) et d’étendre leur périmètre d’intervention : économie et finance, défense et sécurité, climat, migrations, aide au développement… Aucun sujet n’est potentiellement exclu. Si les “G” ne prennent effectivement pas de décisions normatives, leur influence est telle que le contenu de leurs discussions se traduit toujours concrètement. Dominés par les pays occidentaux, ils permettent à ceux-ci de faire entendre une petite musique qui leur est propre et finit par faire marcher en cadence une bonne partie de la planète. Ils permettent à leurs membres de s’affranchir des procédures onusiennes pour édicter des règles sans la moindre légitimité […].

« Les “G” traduisent à la fois la réalité d’une ONU perçue comme un “machin” peu maniable et l’arrogance de certains États. Les Occidentaux se laissent aller ici à une certaine schizophrénie, protestant de leur attachement à l’ONU tout en se précipitant dans les forums concurrents. » ([30]).

Le format plus réduit et plus ciblé de certaines organisations de coopération présente des avantages opérationnels face auxquels l’ONU ne peut rivaliser. Sur le plan militaire, Alain Dejammet s’interroge ainsi sur l’articulation entre le système onusien et l’OTAN : « [à] quoi bon l’ONU et son lourd appareil de négociation quand on a, sous les mains, à portée de bouton, l’OTAN, ses chaînes de commandement rodées, ses armes sophistiquées ? » ([31])

Auditionné par les rapporteurs, le professeur de droit à l’Université Paris Panthéon-Assas Julian Fernandez identifie une « dégradation du multilatéralisme de coopération, de sécurité collective, inclusif et universel, au profit d’un retour à un multilatéralisme de protection, d’alliances locales, exclusives et en compétition » ([32]). Selon lui, cette fragmentation du multilatéralisme – que l’ancien ambassadeur Hervé Ladsous qualifie de « polylatéralisme » – aboutit à « décentrer » l’ONU dans la résolution des crises sécuritaires, économiques et sociales, sous le poids d’une saturation politique ([33]), d’une inadaptation institutionnelle ([34]), d’une disqualification idéologique ([35]) et d’une fracturation géopolitique ([36]).

La lourdeur et la lenteur des processus de négociation onusiens, voire les doutes quant à leur portée concrète, alimentent les critiques adressées à l’ONU, bien qu’elles paraissent souvent convenues et excessives. Auditionné par les rapporteurs, l’ancien ambassadeur Gérard Araud observe qu’il est « aisé d’ironiser sur ce marché planétaire où se déversent, sans fin, platitudes et hypocrisies et où les flots toujours renouvelés de discours interminables ne débouchent, le plus souvent, que sur des déclarations insignifiantes, pleines de bons sentiments, et non appliquées. La rhétorique l’emporte souvent sur le fond » ([37]).

De manière plus générale, le CAPS estime que le contexte concurrentiel dans lequel évolue l’ONU est confronté à un risque réel et plurifactoriel d’effritement de la logique multilatérale : « [L]’appétence des États pour davantage d’engagement dans la coopération multilatérale est diminuée par trois facteurs :

« – le manque d’intérêt, dans une logique où certains États privilégient les gains relatifs sur les gains absolus que permet d’obtenir la coopération multilatérale (dit autrement, ces États privilégient le différentiel du bénéfice retiré par eux-mêmes par rapport à leurs compétiteurs, plutôt que la maximisation de ce bénéfice), dans une logique de jeu à somme nulle ;

« – le manque d’incitation, dans une logique où les puissances moyennes ou les plus petits États ne sont pas encouragés à jouer le jeu (respecter les règles, augmenter leurs contributions, accepter des compromis dans les négociations) dès lors qu’ils constatent que les États les plus importants, les plus susceptibles de faire la différence, ne le font pas forcément eux-mêmes ;

« – le manque de confiance, dans un contexte où l’efficacité du garant en dernier ressort que le multilatéralisme doit jouer est remise en question sur les différents volets du système (sécurité collective, défauts de paiement, règlement des différends commerciaux, etc.).

« Ces facteurs fragilisent l’ensemble du système multilatéral, et non uniquement l’ONU » ([38]).

Malgré ces évolutions, les rapporteurs considèrent que l’ONU demeure une actrice incontournable de la communauté internationale du fait de sa double universalité géographique et thématique qui lui confère en conséquence une double légitimité vis-à-vis des autres espaces multilatéraux. Sa stature historique et la forte médiatisation de ses actions lui procurent un prestige et une visibilité inégalés, s’agissant en premier lieu de ses missions pacificatrices. Les rapporteurs estiment cependant que le rôle de l’ONU face aux crises internationales devrait bénéficier d’une attention particulière dans le débat public, notamment en France.

Ainsi que l’évoquait le professeur Herman T. Salton lors de son audition, le rapporteur Jean-Paul Lecoq considère qu’il existe une différence évidente entre la légitimité juridique et la légitimité morale de l’ONU. La première découle des États, ce qui contraint de fait son action. Selon le rapporteur Jean-Paul Lecoq, l’Organisation des Nations Unies dispose cependant d’une autorité morale plus haute qu’aucun autre État : lorsqu’une crise éclate, les acteurs se tournent vers l’ONU et non pas vers un seul État, aussi puissant soit-il.

Lors des auditions conduites par les rapporteurs ([39]), il a été fait état d’un manque d’investissement, sinon d’intérêt, des milieux associatifs ([40]) et académiques français à l’égard de l’ONU. Alors que la recherche sur les questions onusiennes se développe à l’étranger, il conviendrait de favoriser les travaux scientifiques en la matière, dans le but de renforcer la pédagogie et la compréhension des enjeux qu’elles soulèvent, aussi bien pour les décideurs politiques que pour le grand public.

Proposition n° 1 : Stimuler la recherche scientifique française conduite par les acteurs institutionnels et associatifs sur les questions onusiennes.

À ce titre, le Gouvernement pourrait davantage expliciter l’action diplomatique qu’il conduit au sein des instances onusiennes, par exemple dans la perspective des sessions automnales de l’Assemblée générale. L’organisation d’un débat annuel au Parlement sur les orientations et priorités politiques défendues par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères à l’ONU constituerait un vecteur privilégié afin d’éclairer la représentation nationale sur les enjeux entourant l’action menée par la France aux Nations Unies.

Proposition n° 2 : Sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, organiser un débat annuel au Parlement sur l’action diplomatique de la France à l’ONU.

Malgré les mutations de l’ordre international depuis 1945, la singularité institutionnelle des Nations Unies n’a pas disparu. À ce jour, aucune alternative crédible à l’universalisme des Nations Unies n’a émergé, comme le rappelle à juste titre le CAPS : « Parce qu’elle est à la fois universelle dans sa composition et globale dans son champ de compétence, et à cause de la nature fondamentale de la Charte des Nations Unies notamment dans l’encadrement du recours à la force et dans l’architecture de sécurité collective, l’ONU reste l’organisation de référence. » ([41]).

L’articulation entre le travail collectivement accompli par les différentes instances multilatérales et l’action conduite par l’ONU constitue une priorité essentielle. Auditionnés par les rapporteurs, les représentants de la direction des Nations Unies et des organisations internationales (DNUOI) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ont rappelé la nécessité de préserver l’intégrité du système onusien, à l’épreuve de la concurrence à laquelle il est désormais soumis : « [n]ous sommes vigilants […] à ce que l’émergence de “clubs” restreints ne conduise pas à l’affaiblissement des Nations Unies. C’est le cas lorsque les membres de ces groupes prétendent redéfinir le cadre multilatéral car ils jugent que les Nations Unies ne servent pas leurs intérêts. Nous luttons contre ce discours pour qu’il n’emporte pas l’adhésion d’une majorité d’États. » ([42]).

Pour autant, face à l’insatisfaction des attentes exprimées par certains États et par une partie de la population mondiale, ce discours bénéficie d’une audience croissante. Il s’inscrit dans un contexte géopolitique marqué par l’apparition d’une nouvelle ligne de fracture entre, d’une part, le « Nord » assimilé à l’ensemble des États industrialisés, et, d’autre part, les grandes puissances émergentes catégorisées comme appartenant au « Sud global ».

b.   De la confrontation Est-Ouest au(x) clivage(s) Nord-Sud

Moins actrice que spectatrice, l’ONU est confrontée à la résurgence de conflits géopolitiques présentant une forme de bipolarité à la fois géographique et idéologique. D’une part, le « Nord » se caractériserait par le respect de l’État de droit et du libéralisme politique, économique et sociétal. D’autre part, le « Sud » regrouperait des régimes autoritaires cultivant un rejet croissant des valeurs occidentales. Les rapporteurs considèrent que cette interprétation n’est pas dénuée de caricatures au regard de la forte hétérogénéité des deux blocs. La Russie, la Chine et leurs alliés ne détiennent pas le monopole de l’illibéralisme et du nationalisme qui progressent dans les pays occidentaux. En outre, comme l’a souligné Pascal Boniface lors de son audition ([43]), le rapporteur Jean-Paul Lecoq estime que ce sont moins les principes promus par les Occidentaux qui sont remis en cause que la sélectivité de leur application dépendant de l’intérêt de ces derniers. Leur relatif attentisme vis-à-vis de la crise humanitaire à Gaza alimente ainsi les critiques quant à l’existence d’un « double standard » au terme duquel la défense des droits de l’Homme et la protection des populations civiles seraient à « géométrie variable », selon qu’il s’agisse de la situation en Ukraine ou en Palestine.

Jean-Marie Guéhenno relaie cette préoccupation : « […] la crise de Gaza affecte fortement l’image de l’Occident, dans la mesure où Israël partage un grand nombre de nos valeurs occidentales. Aux Nations Unies et dans une partie significative de l’opinion américaine – dont je peux prendre le pouls à l’université de Columbia où j’enseigne –, ce conflit est envisagé sous un prisme que l’on pourrait qualifier de “décolonial”. » ([44]).

Au-delà du conflit israélo-palestinien, Justin Vaïsse tente d’objectiver les raisons profondes de ce retour, encore incertain, à une forme de bipolarité. La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont aggravé les tensions économiques, sociales et environnementales à l’échelle planétaire, creusant ainsi les inégalités entre le Nord et le Sud : « […] Si le fossé géopolitique Est-Ouest s’accroît, en particulier entre Chine et États-Unis, le fossé Nord-Sud connaît également le même phénomène […] Ce fossé s’est considérablement accru au cours des cinq ou six dernières années : d’abord, en raison de la Covid et de ses répercussions sur la santé et l’économie ; ensuite, à cause de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sur la sécurité alimentaire et l’énergie, en particulier à cause de l’inflation et du resserrement de la politique monétaire qu’elle a suscitée en réaction. »

« Si l’on adopte le point de vue du Sud, de l’Équateur, du Népal ou de la Sierra Leone, ces éléments conjugués ont engendré des chocs majeurs. En quelques années, entre 2020 et 2024, l’Occident a dépensé à peu près 18 000 milliards de dollars pour le soutien massif aux économies – le “quoi qu’il en coûte” – quand ces pays n’avaient pas les moyens d’y parvenir. Ensuite, l’Occident a dépensé entre 100 et 300 milliards de dollars pour soutenir l’Ukraine, ce qui n’a jamais été réalisé pour les pays du Sud global, engendrant un effet d’éviction au détriment de l’aide au développement destinée à ces mêmes pays. »

« Enfin, à la suite de la guerre en Ukraine, l’Occident a parcouru le monde, et notamment l’Afrique, pour trouver le gaz qui lui faisait défaut depuis 2022, tout en donnant des leçons sur l’importance de la lutte contre le changement climatique et la nécessité de ne pas se reposer sur des énergies carbonées. » ([45]).

Le CAPS analyse les discours dénonçant l’existence d’un « deux poids, deux mesures » comme la propagation, à l’initiative de la Russie et de la Chine, de « l’idée d’un ordre multilatéral instrumentalisé par les pays occidentaux selon leurs intérêts » ([46]). Il observe également que « le risque est moins celui d’un “double standard” que d’un “zéro standard”, avec une contestation croissante du système juridique international : retraits de traités y compris en matière de sécurité ; fragilisation des organes de règlement des différends ; violations flagrantes des normes les plus fondamentales du droit international humanitaire (emploi d’armes chimiques, agression, attaques contre des travailleurs humanitaires…). » ([47]).

Le rapporteur Jean-Paul Lecoq considère que les critiques relatives au « double standard » ne doivent pas être balayées d’un revers de main au motif qu’elles seraient abusives ou qu’elles ne sauraient s’appliquer à la politique étrangère française dont la DNUOI défend l’équilibre : « La France est mobilisée sur l’ensemble des crises qui menacent la paix et la sécurité internationale et en particulier au Proche-Orient et en Ukraine. Au Conseil de sécurité, à l’Assemblée générale et au Conseil des droits de l’Homme, elle défend le respect de la Charte des Nations Unies et des principes du droit international : le droit à la légitime défense face aux agressions armées et aux attaques terroristes ; le respect du droit international et en particulier du droit international humanitaire par tous et en toute circonstance ; la condamnation et la non-reconnaissance de l’annexion illégale de territoires ou de la colonisation ; le soutien à l’action des mécanismes juridiques internationaux (Cour internationale de justice, Cour pénale internationale). »

« La France a voté en faveur des résolutions condamnant l’agression russe en Ukraine et appelant au respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale, ainsi que des résolutions appelant à œuvrer immédiatement en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza. Notre approche cohérente se retrouve aussi sur le plan humanitaire ; nous avons organisé des conférences de haut niveau respectivement sur l’Ukraine et sur Gaza. » ([48]).

Qu’elles soient légitimes ou injustes, pertinentes ou infondées, ces critiques attestent de l’antagonisme qui oppose deux grilles de lecture des enjeux géopolitiques. En outre, les reproches précités peuvent tout aussi bien être adressés à ceux qui les professent : si 141 États ont approuvé la résolution adoptée par l’Assemblée générale le 2 mars 2022 exigeant le retrait des troupes russes du territoire ukrainien ([49]), de nombreux pays émergents ont préféré ne pas prendre part au vote, à l’image de la Chine, de l’Inde et de l’Afrique du Sud. Le refus de réprouver l’agression russe en Ukraine semble moins motivé par des divergences d’interprétation du droit international que par le souci de manifester son hostilité à l’égard du consensus occidental pour condamner la Russie. Les professeurs de science politique Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien observent ainsi que « [l]e non-alignement d’une large partie du monde en développement face à la guerre en Ukraine tout comme la montée d’un sentiment anti-français en Afrique constituent d’indéniables indicateurs d’une contestation de plus en plus marquée de l’hégémonie occidentale » ([50]).

La montée en puissance des pays émergents contribue à redéfinir les rapports de force entre le Nord et le « Sud global », bien que cette expression ne permette pas de cerner avec acuité la diversité et la spécificité des situations propres aux pays qui s’y rattachent. Face à ces évolutions, l’ONU agit principalement en tant que caisse de résonance. Auditionné par les rapporteurs, l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine constate que « les institutions multilatérales ne peuvent que refléter, en le codifiant jusqu’à un certain point et en le corrigeant à la marge, le monde réel, avec ses rapports de force, sans les abolir » ([51]).

Cependant, les rapporteurs partagent l’appréciation formulée par Jean-Marie Guéhenno quant au rôle unique de l’ONU sur la scène internationale : « [l]’ONU est en crise comme les États qui la composent, mais elle reste un ciment utile, et au moment où les briques que sont les États s’effritent, ces derniers hésitent à se passer du ciment qui les relie encore » ([52]).

La complexité de l’organisation et du fonctionnement institutionnel de l’ONU constituent l’un des principaux défis auquel l’Organisation est confrontée, à l’heure où la multiplication des crises interroge l’efficacité et la crédibilité du système onusien.

  1.   Une gouvernance institutionnelle complexe

L’ONU se caractérise par une architecture particulièrement sophistiquée ([53]) au sein de laquelle l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Secrétariat forment la clef de voûte. À ces trois structures majeures ([54]) se rattachent de nombreux organes subsidiaires ainsi que plusieurs dizaines d’agences et d’institutions spécialisées bénéficiant d’une autonomie fonctionnelle et dont l’activité, croissante et protéiforme, illustre le dynamisme.

Malgré l’évolution de certaines pratiques et l’expression, certes timide, d’une volonté réformatrice, la gouvernance institutionnelle du système onusien demeure affectée par une relative inertie à laquelle se conjuguent des difficultés financières récurrentes.

1.   Le rôle essentiel, bien que limité, de l’Assemblée générale et du Secrétariat

Face à la division des membres permanents du Conseil de sécurité à l’épreuve des crises que représentent les guerres en Ukraine et à Gaza, le rôle dévolu aux cinq autres organes principaux par la Charte des Nations Unies fait l’objet d’une attention renouvelée. Lors de leurs déplacements à Genève et à New York, les rapporteurs ont perçu l’intérêt unanime que portent les représentations permanentes des États à l’égard de l’action, réelle ou potentielle, que ces différentes instances sont susceptibles de mener, afin de contribuer à la paix et à la sécurité internationales.

Si le Conseil de tutelle a suspendu ses activités depuis 1994 à l’issue de l’accession à l’indépendance des îles Palaos ([55]), la place qu’occupe la Cour internationale de justice (CIJ) ([56]) soulève de fortes attentes, dans un contexte où les États cherchent à légitimer leurs agissements au regard du droit international. Saisie par l’Afrique du Sud dans le cadre des opérations conduites par l’armée israélienne dans la bande de Gaza à la suite des attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023, la CIJ a ainsi rendu une ordonnance enjoignant à Israël de prendre des mesures conservatoires conformément à la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide ([57]). Une démarche similaire a également été initiée par l’Ukraine à l’encontre de la Russie, la CIJ s’étant alors reconnue compétente pour statuer sur cette requête ([58]) après avoir préalablement ordonné à la Russie de suspendre ses opérations militaires dès le début du conflit ([59]).

Dans sa contribution écrite remise aux rapporteurs à l’issue de son audition, Julian Fernandez, professeur de droit à l’Université Paris Panthéon-Assas, analyse l’évolution du rôle de la CIJ à la lumière de l’actualité récente : « de plus en plus de litiges renvoyant à des crises de haute intensité (Qatar contre Émirats arabes unis, Ukraine contre Russie, Afrique du Sud contre Israël, etc.) sont pendants devant la CIJ – et l’autorité morale de la Cour est parfois moins sollicitée pour trancher un différend juridique que pour disqualifier un rival politique » ([60]).

Bien qu’elle nourrisse les accusations d’instrumentalisation de l’office de la CIJ par les États qui la saisissent, cette pratique révèle les bénéfices que ces derniers souhaitent tirer des mécanismes juridictionnels de résolution des conflits, qu’ils agissent en tant que requérants ou défendeurs.

Autre organe principal des Nations Unies, le Conseil économique et social (ECOSOC) ([61]) est chargé d’examiner les questions économiques, sociales et environnementales ainsi que la mise en œuvre des objectifs de développement adoptés à l’échelle internationale. L’influence concrète qu’exerce l’ECOSOC sur la résolution des problématiques précitées apparaît particulièrement limitée : faiblement médiatisés, ses travaux sont relégués à l’arrière-plan des débats onusiens, les États privilégiant la tribune de l’Assemblée générale et les concertations menées dans d’autres structures de coopération internationale ou régionale pour exprimer leurs positions sur ces sujets.

L’ECOSOC ne saurait s’assimiler à une « coquille vide » eu égard à l’activité régulière de ses commissions et à sa mission de coordination des politiques mises en œuvre par les agences et institutions spécialisées de l’ONU. L’ECOSOC demeure l’une des seules institutions onusiennes à s’ouvrir aux autres acteurs non-étatiques, tels que les organisations non-gouvernementales agréées, les entreprises ou autres personnalités qualifiées. L’inclusion en son sein de cette « société civile internationale » témoigne de l’originalité de son fonctionnement ([62]). Néanmoins, cet organe semble aujourd’hui dévitalisé, doublement affaibli par le désinvestissement de la plupart des États et le manque de visibilité de son action.

À l’inverse, les auditions conduites par les rapporteurs ont souligné la sensibilité des enjeux qui entourent la place spécifique qu’occupent l’Assemblée générale et le Secrétariat dans le fonctionnement institutionnel des Nations Unies. Reposant sur deux logiques différentes, l’une interétatique, l’autre administrative, ces deux organes-clefs de l’ONU sont implicitement appréhendés comme un moyen de faire contrepoids au Conseil de sécurité, ce qui suscite autant d’espoirs légitimes que de frustrations prévisibles.

a.   L’Assemblée générale : un forum mondial à l’influence croissante

i.   Une montée en puissance progressive

Régie par les articles 9 à 22 de la Charte des Nations Unies ([63]), l’Assemblée générale constitue le seul organe principal dans lequel les 193 États membres de l’ONU sont tous représentés, chacun d’entre eux disposant d’une voix égale. Sous réserve des dispositions de l’article 12 de la Charte ([64]), l’Assemblée générale examine toute question relative à la paix et à la sécurité internationales ([65]), à la coopération en matière politique, économique, sociale et culturelle ainsi qu’à la protection des droits de l’Homme ([66]). Elle débat et vote des recommandations qui prennent la forme de résolutions adoptées à la majorité des deux-tiers ou à la majorité simple ([67]), conformément aux règles prévues par l’article 18 de la Charte.

Article 18 de la Charte des Nations Unies

« 1. Chaque membre de l’Assemblée générale dispose d’une voix. 

« 2. Les décisions de l’Assemblée générale sur les questions importantes sont prises à la majorité des deux-tiers des membres présents et votants. Sont considérées comme questions importantes : les recommandations relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’élection des membres non permanents du Conseil de sécurité, l’élection des membres du Conseil économique et social, l’élection des membres du Conseil de tutelle conformément au paragraphe 1, c, de l’Article 86, l’admission de nouveaux Membres dans l’Organisation, la suspension des droits et privilèges de Membres, l’exclusion de Membres, les questions relatives au fonctionnement du régime de tutelle et les questions budgétaires. 

« 3. Les décisions sur d’autres questions, y compris la détermination de nouvelles catégories de questions à trancher à la majorité des deux-tiers, sont prises à la majorité des membres présents et votants. »

Composée de six commissions ([68]), créatrice d’organes subsidiaires ([69]), de programmes ([70]) et d’agences spécialisées ([71]), l’Assemblée générale approuve le budget de l’ONU ([72]), procède à la nomination de son secrétaire général sur proposition de Conseil de sécurité ([73]) et à l’élection des membres des autres conseils et instances ([74]).

L’activité normative de l’Assemblée générale est particulièrement soutenue : entre 200 et 300 résolutions sont adoptées à l’occasion des sessions ordinaires et extraordinaires au cours desquelles elle se réunit chaque année. Outre l’approbation de rapports établis par les organismes qui lui sont rattachés et le vote de résolutions de nature administrative ou financière, elle émet des recommandations sur des sujets reflétant la diversité des questions relevant de son champ de compétence. Lors de sa 78e session ouverte en septembre 2023, elle a ainsi adopté 276 résolutions, s’agissant aussi bien de l’encadrement de l’usage des armes ([75]), que de l’égalité des genres ([76]), de l’expulsion des étrangers ([77]), des valeurs de l’olympisme ([78]) ou de l’accès à l’eau potable ([79]).

Cette production normative foisonnante soulève cependant plusieurs interrogations.

Premièrement, les décisions de l’Assemblée générale sont dépourvues d’un véritable effet contraignant, contrairement aux résolutions du Conseil de sécurité pour lesquelles l’article 25 de la Charte des Nations Unies précise que « [l]es Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions […] », indépendamment de la réalité de leur mise en œuvre. Pour autant, l’Assemblée générale a très tôt fait preuve d’un volontarisme la conduisant à affirmer ses positions sur la scène internationale, repoussant progressivement les limites dans lesquelles la Charte des Nations Unies avait circonscrit son action.

Ainsi, la résolution dite « Acheson » ([80]), adoptée le 3 novembre 1950 dans le contexte de la guerre de Corée, a étendu les compétences de l’Assemblée générale afin d’émettre des recommandations « dans tout cas où paraît exister une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression et où, du fait que l’unanimité n’a pas pu se réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité manque à s’acquitter de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales » ([81]). Palliant la carence à agir du Conseil de sécurité, c’est sur ce fondement que l’Assemblée générale a notamment condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie et exigé le retrait immédiat des forces russes ([82]).

S’écartant d’une lecture littérale des articles 11 et 12 de la Charte, cette approche audacieuse a été progressivement consacrée par la jurisprudence de la CIJ. La Cour a considéré que la compétence du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix était « principale » mais non « exclusive », entérinant ainsi les prérogatives que l’Assemblée s’était arrogées en la matière ([83]).

En outre, la jurisprudence de la CIJ a contribué à renforcer la portée des décisions prises par l’Assemblée générale. Dans son avis consultatif rendu le 16 octobre 1975 sur le Sahara occidental, la CIJ a estimé que la prise de position de l’Assemblée générale telle qu’exprimée par la résolution 1514 du 14 décembre 1960 ([84]) représentait l’expression de l’opinion des États. Elle s’apparentait donc à une règle coutumière devant figurer parmi les sources du droit international auxquelles se réfère l’article 38 du statut de la Cour. Réaffirmé par la résolution 3548 adoptée par l’Assemblée générale le 10 décembre 1975, le droit inaliénable à l’autodétermination des peuples constitue donc un principe auquel tous les États sont assujettis, conformément aux règles du droit international.

Cette situation aboutit à une forme de paradoxe : l’absence de sanction infligée à des États méconnaissant les résolutions adoptées par l’Assemblée générale s’accompagne de leur souci constant d’en revendiquer le respect, comme si l’autorité morale des décisions de l’Assemblée générale prévalait sur leur force juridique. Dès le milieu des années 1960, Inis Lothair Claude, professeur de science politique à l’Université d’Harvard, observait que « si les États peuvent agir en violation des résolutions de l’Assemblée générale, ils préfèrent ne pas les enfreindre ou du moins ne pas apparaître comme tels, regardant l’approbation collective comme une ressource importante et le désaccord collectif comme un sérieux handicap dans les relations internationales » ([85])

Deuxièmement, l’Assemblée générale a été à l’origine de l’adoption de textes majeurs tels que la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 ([86]), les pactes de 1966 sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et culturels ([87]), ou encore la reconnaissance du concept de « responsabilité de protéger » élaboré en 2005 ([88]), qui a ultérieurement servi de fondement aux opérations militaires diligentées en Libye sur autorisation préalable du Conseil de sécurité ([89]).

De façon moins explicite, les débats et résolutions votées par l’Assemblée générale ont, à plusieurs reprises, préfiguré la conclusion de plusieurs traités internationaux. À titre illustratif, le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires signé le 1er juillet 1968 a été encouragé ([90]) puis négocié ([91]) sous l’impulsion et la supervision constantes de l’Assemblée générale. Conclu le 20 septembre 2023, l’accord dit « BBNJ » relatif au droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine a bénéficié du rôle moteur de l’Assemblée générale qui a décidé, sur le fondement d’une résolution adoptée le 24 décembre 2017 ([92]), de convoquer une conférence intergouvernementale chargée d’élaborer un texte international en ce domaine.

Selon les rapporteurs, ces exemples soulignent le caractère potentiellement décisif de l’activité normative de l’Assemblée générale, en tant que facteur d’entraînement qu’il convient de saluer. Si la plupart des décisions qu’elle adopte chaque année souffrent d’une effectivité incertaine, nombre d’entre elles déploient leurs effets dans le droit international en proclamant des principes universels fondamentaux, ou en se concrétisant, à terme, par la signature d’accords multilatéraux de grande envergure.

ii.   Une tribune mondiale désormais incontournable

Qualifiée par l’ancien secrétaire général Ban Ki-Moon de « Parlement de tous les peuples » ([93]), l’Assemblée générale représente davantage un « Parlement de tous les États » en ce qu’elle offre à l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement une tribune incomparable. Auditionné par les rapporteurs, le professeur italien Herman T. Salton rappelle que « la plupart des États n’étant pas des démocraties qui choisissent leurs représentants à travers des élections libres ; conséquemment, les positions exprimées à l’Assemblée par un certain gouvernement ne représentent pas forcément celles de son peuple » ([94]).

 L’ouverture annuelle des sessions ordinaires par la « semaine de haut niveau » à la fin du mois de septembre leur fournit une opportunité privilégiée d’exprimer leurs priorités diplomatiques sur la scène internationale. Auditionné par les rapporteurs, Jean-Marc de La Sablière, ancien représentant permanent de la France à l’ONU entre 2002 et 2007, constate en ce sens que « [t]ous les ans, l’ouverture de la session de l’Assemblée générale en septembre est un moment fort de la vie internationale […]. Confinés pendant plusieurs jours dans les locaux du siège des Nations Unies, les chefs d’État et de gouvernement multiplient les contacts et les rencontres. L’ONU devient alors le centre du monde » ([95]).

Symboliquement, la configuration des lieux renforce la centralité et la solennité des discours prononcés à la tribune de l’Assemblée générale, ainsi que l’observent les professeurs de science politique Mélanie Albaret et Simon Tordjman : « La salle de l’Assemblée se distingue […] de celle du Conseil de sécurité, enfouie dans les sous-sols de l’édifice et impénétrable au regard extérieur […] L’architecture de l’Assemblée révèle un organe qui, dès l’origine, se donne à voir comme central et transparent » ([96]).

L’importante médiatisation de cet événement souligne l’ambivalence du rôle de l’Assemblée générale. D’une part, les discours et débats qui s’y déroulent peuvent revêtir un caractère parfois caricatural, incantatoire ou fastidieux, au risque d’alimenter la « réputation d’insignifiance » ([97]) de l’enceinte onusienne. D’autre part, bien qu’elles semblent souvent vaines et stéréotypées, les joutes oratoires à la tribune de l’Assemblée générale révèlent utilement la diversité des opinions et des intérêts défendus par les États, à rebours d’une lecture univoque, partielle et donc partiale, des problèmes internationaux.

À ce titre, l’Assemblée générale exerce une influence cruciale en tant qu’espace unique à l’échelle mondiale où chaque État expose ses revendications et tente de rallier à sa cause ses homologues, en cherchant à les convaincre du bien-fondé de son approche. Elle fournit aux États un levier diplomatique sans équivalent, ce qui permet de jauger les rapports de force à l’aune des confrontations dont elle est le théâtre ([98]), indépendamment de la puissance des États qui s’y expriment. Dès 1955, le secrétaire d’État américain John Foster Dulles rappelait en effet que « [l]’influence qu’exerce le jugement moral des nations représentées ici confère à l’Assemblée un pouvoir réel. Aucun pays ne s’expose à la légère à sa condamnation avec tout ce que cela implique » ([99]).

Dans cette perspective, et alors même que la France se présente comme le fer de lance du multilatéralisme ([100]), les rapporteurs regrettent l’absence du président de la République lors de l’ouverture de la 78e session de l’Assemblée générale en septembre 2023 ([101]). Loin d’être anecdotique, sa présence aurait rappelé l’intérêt réel qu’attache la France à la poursuite du dialogue multilatéral, à l’heure où la cohésion de la communauté internationale est plus que jamais fragilisée.

La participation du chef de l’État aux débats de l’Assemblée générale se révèle d’autant plus nécessaire qu’elle permet de réaffirmer la position historique de la France en tant que puissance libre et indépendante, ouverte aux échanges et cultivant sa singularité au sein du monde occidental. Hérité de la diplomatie gaullienne, ce positionnement stratégique n’est pas devenu obsolète au XXIe siècle : il favorise, au contraire, la crédibilité de la politique étrangère française, comme l’ont souligné de concert les représentants permanents aux Nations Unies des États rencontrés par les rapporteurs lors de leur déplacement à New York ([102]), ce que Jean-Marc de La Sablière résume en une formule pertinente : « la majorité des pays […] expriment, sans ambages, un besoin de France » ([103]).

Proposition n° 1 du rapporteur Jean-Paul Lecoq : Systématiser la participation du président de la République lors de l’ouverture annuelle des sessions de l’Assemblée générale.

Dans le prolongement de l’adoption de la résolution dite « Acheson » le 3 novembre 1950, l’Assemblée générale a adopté par consensus le 26 avril 2022 une résolution à l’initiative du Liechtenstein afin d’organiser un débat en son sein dès lors qu’un membre permanent du Conseil de sécurité fait usage de son droit de veto ([104]). L’automaticité et la réactivité de cette procédure – la réunion de l’Assemblée générale devant avoir lieu dans les dix jours qui suivent l’usage du veto – visent, selon le professeur Julian Fernandez auditionné par les rapporteurs, à « rendre plus coûteux politiquement, médiatiquement, le recours à ce privilège catégoriel » ([105]). L’État ayant posé son veto est incité à venir s’en expliquer devant l’Assemblée générale, celle-ci ayant préalablement invité le Conseil de sécurité à lui remettre en amont des débats un rapport spécial détaillant la chronologie des événements et la procédure d’examen du projet de résolution bloqué devant le Conseil.

Les rapporteurs approuvent la mise en œuvre de cette réforme que la direction des Nations Unies et des organisations internationales (DNUOI) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères a par ailleurs qualifiée « d’innovation positive » lors de son audition par les rapporteurs ([106]). Si elle ne remet pas en cause l’usage du veto que la Charte des Nations Unies garantit aux membres permanents ([107]), cette évolution s’inscrit dans un objectif louable de redevabilité, en invitant les membres permanents à justifier devant l’Assemblée générale, le cas échéant, leur volonté d’obstruction. Cette procédure les expose ainsi aux critiques que leur attitude peut légitimement soulever au sein de la communauté internationale, selon la logique éprouvée du « name and shame ».

Depuis l’entrée en vigueur de la résolution du 26 avril 2022, plusieurs débats ont ainsi été organisés à l’Assemblée générale, notamment à la suite des vetos posés par la Russie et la Chine contre le projet de résolution visant à durcir le régime de sanction contre la Corée du Nord ([108]), du veto russe opposé à deux projets de résolution visant, d’une part, à proroger le mécanisme de l’aide humanitaire transfrontière en Syrie ([109]) et, d’autre part, à encadrer l’usage des armes nucléaires et de destruction massive dans l’espace extra-atmosphérique ([110]) et du veto posé par les États-Unis empêchant l’adoption d’un projet de résolution présenté par l’Algérie recommandant l’admission de la Palestine comme État membre de l’ONU ([111]).

Pour autant, le renforcement de la fonction tribunicienne de l’Assemblée générale n’écarte pas la nécessité de « revitaliser » cet organe principal des Nations Unies, à l’épreuve d’un contexte géopolitique tendu.

iii.   La revitalisation de l’Assemblée générale : un processus à approfondir

Les conditions de révision de la Charte des Nations Unies fixées par ses articles 108 et 109 apparaissent particulièrement rigides.

Articles de la Charte des Nations Unies posant les conditions de sa modification

Article 108

« Les amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous les Membres des Nations Unies quand ils auront été adoptés à la majorité des deux-tiers des membres de l’Assemblée générale et ratifiés, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux-tiers des Membres de l’Organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité. 

Article 109

« Une conférence générale des Membres des Nations Unies, aux fins d’une révision de la présente Charte, pourra être réunie aux lieu et date qui seront fixés par un vote de l’Assemblée générale à la majorité des deux-tiers et par un vote de neuf quelconques des membres du Conseil de sécurité. Chaque Membre de l’Organisation disposera d’une voix à la conférence. 

« Toute modification à la présente Charte recommandée par la conférence à la majorité des deux-tiers prendra effet lorsqu’elle aura été ratifiée, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux-tiers des Membres des Nations Unies, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité. 

« Si cette conférence n’a pas été réunie avant la dixième session annuelle de l’Assemblée générale qui suivra l’entrée en vigueur de la présente Charte, une proposition en vue de la convoquer sera inscrite à l’ordre du jour de cette session, et la conférence sera réunie, s’il en est ainsi décidé par un vote de la majorité de l’Assemblée générale et par un vote de sept quelconques des membres du Conseil de sécurité. »

La difficulté de recueillir un large consensus parmi les États membres ne permet pas, à ce jour, d’envisager la mise en œuvre de réformes institutionnelles susceptibles de moderniser en profondeur le rôle et les fonctions de l’Assemblée générale dans l’architecture onusienne. En outre, les professeurs Franck Petitville et Simon Tordjman identifient l’existence d’une ligne de fracture interétatique sur ce sujet, évoquant ainsi « des dissensions entre d’un côté les États (notamment européens), avant tout soucieux d’améliorer l’efficacité procédurale de l’Assemblée, de l’autre le G77, engagé dans une démarche plus politique, visant à réaffirmer les pouvoirs de l’Assemblée face au Conseil » ([112]).

Malgré ces obstacles, l’Assemblée générale s’est assignée dès la fin de la guerre froide ([113]) un objectif de « revitalisation » de ses méthodes de travail, afin d’améliorer l’efficacité de son fonctionnement et de revaloriser son rôle institutionnel. Réitérée au milieu des années 2000, cette volonté réformatrice s’est concrétisée par la création d’un groupe de travail ad hoc sur la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale ([114]). Selon les documents portés à la connaissance des rapporteurs, plus de « 200 avancées concrètes » ont été mises en œuvre au cours des deux dernières décennies, dans le but principal de fluidifier les relations entre les organes onusiens et de simplifier les procédures. Bien que leur ampleur demeure plutôt modeste, elles témoignent cependant d’une prise de conscience des États quant aux potentialités dont dispose l’Assemblée générale pour développer son activité.

Revitalisation des travaux de l’Assemblée générale

Depuis la 60e session ouverte en 2005, l’Assemblée générale a créé le groupe de travail ad hoc sur la revitalisation de ses travaux. Son mandat consistait à étudier les moyens de renforcer encore le rôle, l’autorité, l’efficacité et l’efficience de l’Assemblée générale. Lors des sessions suivantes, plusieurs domaines ont fait l’objet d’études approfondies, notamment l’ordre du jour et les méthodes de travail de l’Assemblée, le rôle et l’autorité de l’Assemblée et de ses grandes commissions, la documentation, le bureau du président de l’Assemblée ainsi que la sélection et la nomination du secrétaire général et des autres chefs de secrétariat.

À titre d’exemples, les réformes suivantes ont ainsi été mises en œuvre :

– élections anticipées des membres non permanents du Conseil de sécurité et des membres de l’ECOSOC environ six mois avant que les membres élus n’assument leurs responsabilités ;

– dialogues interactifs informels avec les candidats à la présidence de l’Assemblée générale, contribuant ainsi à la transparence et à l’inclusivité du processus ;

– serment et code d’éthique applicables à la présidence de l’Assemblée générale ;

– disponibilité du règlement intérieur de l’Assemblée générale dans une version consolidée dans toutes les langues officielles, à la fois sur papier et en ligne ;


– tenue de réunions régulières des présidents de l’Assemblée générale avec le secrétaire général et les présidents du Conseil de sécurité et de l’ECOSOC, ainsi qu’avec les présidents des organes subsidiaires, et information des États Membres sur les résultats de ces réunions ;

– exposés périodiques du secrétaire général et des présidents de l’Assemblée générale aux États membres sur leurs activités récentes, y compris les voyages officiels ;

– poursuite de la coopération entre l’Assemblée générale et les Parlements nationaux et régionaux, notamment par l’intermédiaire de l’Union interparlementaire ;

– organisation de débats thématiques interactifs et inclusifs sur des questions d’actualité d’une importance cruciale ;

– présentation formelle et audition des candidats au poste de secrétaire général devant l’Assemblée générale.

Source : informations publiées sur le site internet de l’Organisation des Nations Unies.

Les rapporteurs se félicitent des progrès accomplis à l’initiative du groupe de travail, s’agissant notamment du renforcement des liens noués avec l’Union interparlementaire et de la transparence accrue de la procédure d’examen des candidatures à la fonction de secrétaire général. Cette démarche de revitalisation doit se prolonger au cours des prochaines années autour d’un objectif qu’il convient désormais d’assumer : la revalorisation du rôle de l’Assemblée générale implique de rationaliser sa production normative.

Il ne s’agit pas de restreindre ses capacités de débat ni de réduire son champ d’intervention mais de lutter contre les postures incantatoires qui peuvent affecter son activité et dont la répétition, année après année, porte préjudice à son image. À cet égard, la fixation par l’Assemblée générale d’un programme de travail pluriannuel permettrait de prioriser les thématiques dont elle aurait vocation à se saisir, dans le but de concentrer les discussions et l’élaboration de ses résolutions sur des sujets d’importance préalablement identifiés. Cette approche renforcerait la crédibilité et la portée des recommandations adoptées par l’Assemblée tout en réduisant les risques de dispersion ou de redondance qui fragilisent encore aujourd’hui son action.

Proposition n° 3 : Renforcer la planification et la rationalisation de la production normative de l’Assemblée générale par la mise en œuvre d’un programme de travail pluriannuel priorisant les sujets qu’elle a vocation à examiner.

b.   Le Secrétariat : un rôle administratif incarné par le secrétaire général, entre soumission à la logique interétatique et velléités d’action diplomatique

Régi par les articles 97 à 101 de la Charte des Nations Unies ([115]), le Secrétariat regroupe près de 37 000 fonctionnaires internationaux placés sous l’autorité d’un secrétaire général nommé par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité, pour un mandat de cinq ans renouvelable.

Personnifiant les Nations Unies, le secrétaire général fait l’objet d’une médiatisation importante bien que largement décorrélée des attributions qu’il exerce réellement. Si son influence n’est pas négligeable, son action correspond principalement à un rôle de gestionnaire des personnels de l’ONU aux fins de garantir la réussite opérationnelle des missions qui leur incombent. Ayant pour fonction d’exécuter les décisions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, le secrétaire général dispose néanmoins d’une capacité d’impulsion dont les contours dépendent autant des circonstances géopolitiques que de sa propre personnalité.

i.   Le secrétaire général : le chef d’orchestre de l’administration onusienne

Considéré comme « le plus haut fonctionnaire de l’Organisation » selon l’article 97 de la Charte des Nations Unies, le secrétaire général fait office de « chef de service » de l’ensemble des personnels du Secrétariat. La relation que ces derniers entretiennent avec les États présente une forme d’ambivalence.

En premier lieu, le choix du secrétaire général procède d’une nomination par l’Assemblée générale suivant la proposition émise par le Conseil de sécurité, les cinq membres permanents pouvant faire usage de leur droit de veto afin d’écarter un candidat. En outre, la nomination des fonctionnaires du Secrétariat, si elle repose prioritairement sur leurs « qualités de travail, de compétence et d’intégrité » ([116]), doit aussi se fonder sur une « base géographique aussi large que possible » ([117]). Il en découle une influence notable des États dans l’affectation des hauts fonctionnaires de l’Organisation, ce qui soulève des interrogations fréquentes quant aux garanties d’indépendance et de neutralité des fonctionnaires ainsi choisis, à rebours des principes pourtant énoncés par l’article 100 de la Charte.

Article 100 de la Charte des Nations Unies

« 1. Dans l’accomplissement de leurs devoirs, le secrétaire général et le personnel ne solliciteront ni n’accepteront d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autorité extérieure à l’Organisation. Ils s’abstiendront de tout acte incompatible avec leur situation de fonctionnaires internationaux et ne sont responsables qu’envers l’Organisation. 

« 2. Chaque Membre de l’Organisation s’engage à respecter le caractère exclusivement international des fonctions du Secrétaire général et du personnel et à ne pas chercher à les influencer dans l’exécution de leur tâche. »

Les États développent donc des stratégies afin de « placer » leurs ressortissants à des postes-clefs, notamment de secrétaire général-adjoint ou de directeur au sein du Secrétariat. Ainsi, le secrétariat général-adjoint en charge des opérations de maintien de la paix est confié sans interruption à un diplomate français depuis 1997.

Les auditions conduites par les rapporteurs ont fait apparaître la sensibilité de la répartition de ces postes entre les États ([118]). Compte tenu de son poids croissant, tant financier que diplomatique, la Chine pourrait à court ou moyen terme « revendiquer » l’obtention de fonctions importantes en faveur de ses ressortissants, témoignant ainsi de la forte concurrence à laquelle se livrent les États membres pour préserver voire accroître leur influence au sein des organes onusiens.

S’il paraît naturel que la répartition des postes respecte un certain équilibre géographique, la lutte acharnée qui s’opère en coulisses illustre les risques d’une politisation accrue des fonctionnaires internationaux, dont la dépendance à l’égard de leur propre pays peut légitimement susciter des craintes quant à la conciliation des intérêts de l’ONU avec ceux des États membres.

Au-delà de la nationalité des femmes et des hommes qui composent le Secrétariat, l’autonomie fonctionnelle dont ils disposent vis-à-vis de leurs portées respectives doit être relativisée. Lors de son audition, le professeur Herman T. Salton, lui-même ancien fonctionnaire onusien, a rappelé la réalité des rapports de forces géopolitiques auxquels le Secrétariat – et par conséquent le secrétaire général – demeurent assujettis : « [l]e Secrétariat doit satisfaire les souhaits des Big Five ([119]) avec plus d’empressement que ceux des autres États » ([120]). Ainsi, les marges de manœuvre dont bénéficie le secrétaire général afin d’accomplir ses missions dépendent essentiellement de la latitude que lui consentent en premier lieu les cinq membres permanents du Conseil de sécurité.

Pour autant, en tant que « chef de service » de l’ensemble des agents des Nations Unies, le secrétaire général peut imposer des réformes de structure susceptibles d’avoir un impact réel sur le travail accompli par les organes, programmes et agences de l’ONU. Nommé en 2016 et reconduit en 2021, António Guterres a exprimé dès le début de son mandat sa volonté de transformer l’ONU en une organisation « agile, efficace et privilégiant le résultat plutôt que la procédure, l’être humain plutôt que la bureaucratie » ([121]). La réforme de la gestion qu’il a impulsée a donné lieu à l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale ([122]) entérinant ses orientations ([123]).

Ces annonces se sont notamment traduites par une meilleure représentativité géographique et de genre au sein du Secrétariat, les nominations à des postes de responsabilité respectant dorénavant le principe de parité femme / homme. Cette évolution illustre la recherche d’exemplarité du Secrétariat dans sa gestion des ressources humaines, conformément aux orientations politiques promues en la matière par les Nations Unies.

évolution de la représentativité géographique et la répartition femme / homme au sein des personnels du secrétariat entre 2018 et 2022

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Source : rapport d’activité du secrétaire général des Nations Unies, 2023, p. 188.

Au-delà de ces ajustements « managériaux », António Guterres a également mis en place une réforme du système de développement des Nations Unies en créant en 2018 la fonction de « coordonnateur résident ». Nommés par le secrétaire général auxquels ils sont fonctionnellement rattachés, ses titulaires sont chargés de coordonner l’activité du personnel des agences, des fonds et des programmes onusiens sur le terrain. Ils facilitent la cohésion des politiques déployées par l’ensemble du système des Nations Unies au titre des objectifs de développement, ce qui renforce leur opérationnalité et leur efficience sur le territoire des États qui en bénéficient.

Lors de son audition, les représentants de la direction des Nations Unies et des organisations internationales (DNUOI) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ont estimé que le bilan de cette réforme organisationnelle s’avère positif. Ce constat est également partagé par les gouvernements des pays accueillant les coordonnateurs résidents : selon les résultats d’une enquête publiée par le Secrétariat, près de 90 % des gouvernements des 162 États et territoires d’accueil estiment que les coordonnateurs résidents font preuve d’un leadership renforcé et dirigent efficacement l’ensemble des équipes des Nations Unies déployées sur le terrain ([124]). Favoriser les remontées d’informations a ainsi pour effet, sinon pour objet, de mieux anticiper l’évolution du contexte politique, humanitaire et social et d’adapter, le cas échéant, les mandats sur le fondement desquels les Nations Unies agissent.

Par ailleurs, le renforcement des activités d’interprétariat au sein du Secrétariat apparaît souhaitable. La domination croissante de la langue anglaise sur le français méconnaît le principe d’universalité sur lequel reposent les Nations Unies, ce qui favorise incidemment la position des pays anglophones dans les processus de négociations. Lors de son audition, l’ancien ambassadeur Alain Dejammet a souligné la forte sensibilité de ce sujet au regard de la nécessaire promotion du multilinguisme ([125]). Il s’agirait ainsi de « muscler » les effectifs des traducteurs dont le rôle s’avère essentiel au bon fonctionnement des organes onusiens. Dans cet objectif, Alain Dejammet a ainsi mentionné la création d’un fonds international visant à soutenir les tâches de traduction afin de permettre une meilleure inclusivité des diplomates non-anglophones lors des réunions de travail organisées dans chacune des instances de l’ONU.

En sus de son rôle administratif à la tête du Secrétariat, le secrétaire général a également pour mission d’exécuter les décisions adoptées par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, ce qui le conduit à jouer un rôle diplomatique dont l’ampleur et l’influence se révèlent variables.

ii.   Le secrétaire général exerce une influence réelle mais fragile

Conformément à l’article 98 de la Charte des Nations Unies, l’Assemblée générale, et, le plus souvent, le Conseil de sécurité, confient au secrétaire général l’exécution des résolutions qu’ils adoptent, notamment dans le but de prévenir voire de résoudre les conflits qui menacent la paix et la sécurité internationales. Celui-ci a donc vocation à agir en tant que médiateur, afin de régler des litiges opposant des États, à l’image de son intervention dans le cadre du différend frontalier entre l’Iran et l’Irak ([126]) ou entre la Grèce et la République de Macédoine ([127]). Depuis septembre 2017, le secrétaire général peut utilement s’appuyer sur le Conseil consultatif de haut niveau sur la médiation chargé de lui prodiguer des conseils sur les initiatives destinées à résoudre les conflits ([128]).

Sans être spécifiquement mandaté par le Conseil de sécurité ou l’Assemblée générale, le secrétaire général peut également proposer ses bons offices aux États concernés, à l’instar de l’action menée par Kofi Annan qui aboutit à la conclusion du mémorandum d’accord de Bagdad du 23 février 1998, relatif au désarmement de l’Irak ([129]).

En outre, l’article 99 de la Charte des Nations Unies autorise le Secrétaire général à « attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Cette possibilité tranche avec l’impuissance qui caractérisait le secrétaire général de la Société des Nations (SDN), celui-ci ne disposant d’aucune prérogative similaire ([130]). Utilisée dès 1960 par Dag Hammarskjöld, cette faculté de saisine du Conseil de sécurité a été mise en œuvre en décembre 2023 par António Guterres pour mobiliser le Conseil de sécurité sur la situation sécuritaire au Proche-Orient.

Ces exemples illustrent le pouvoir d’impulsion qu’exerce le secrétaire général : son influence ne réside pas seulement dans la marge de manœuvre dont il dispose afin d’exécuter les décisions collectivement adoptées par les États membres, mais aussi dans sa capacité à utiliser ses fonctions et l’autorité qui s’y attache pour œuvrer efficacement en faveur de la paix.

L’obstacle que constituent l’inter-étatisme et les limites juridiques qui circonscrivent son action n’est donc pas infranchissable. Si les circonstances géopolitiques s’y prêtent, le secrétaire général peut donc jouer un rôle utile, dès lors qu’il dispose des qualités requises pour atteindre ses objectifs, ce que rappelle Jean-Marc de La Sablière : « [l]e secrétaire général n’a pas de pouvoir, autre que de conviction, sur les États membres. Il doit donc s’imposer par ses qualités morales, ses capacités de gestionnaire, ses talents de diplomate, la pertinence de ses propositions et son charisme » ([131]).

Les qualités précitées correspondent globalement à celles que la France évalue chez les candidats susceptibles de recueillir son soutien, comme le souligne la réponse ministérielle à la question écrite posée par M. Pierre Morel-À-L’Huissier en 2015 : « La France aborde la question du choix du Secrétaire général en considérant l’autorité politique et morale nécessaire, les grandes compétences exigées par cette fonction et la capacité à s’exprimer dans les langues de travail de l’organisation » ([132]).

Facteur de rayonnement de l’ONU, l’activisme du secrétaire général, salué à double reprise par la remise du Prix Nobel de la paix ([133]), peut également nourrir les critiques formulées par les États membres à son encontre. Préférant un « secrétaire » au détriment d’un « général », selon la formule attribuée à l’ancienne ambassadrice américaine aux Nations Unies Madeleine Albright, les États, notamment les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, demeurent soucieux de préserver leurs prérogatives. Auditionné par les rapporteurs, le consultant Arthur Bouteillis rappelle à ce titre que le secrétaire général peut faire office de « bouc émissaire » ([134]) cristallisant les récriminations des États, au point de faire barrage au renouvellement de son mandat, à l’image de l’éviction brutale de Boutros Boutros-Ghali en 1996.

Ces tensions institutionnelles sont inhérentes à la plupart des organisations internationales au sein desquelles se nouent des rapports de force entre, d’une part, les organes intergouvernementaux et, d’autre part, les instances extra-étatiques. Pour autant, l’assujettissement total du secrétaire général à la volonté des États membres les plus puissants peut gravement porter préjudice au bon fonctionnement de l’ONU. Face à ce risque de paralysie, des solutions existent afin de renforcer son autonomie, sans pour autant élargir inconsidérément ses prérogatives ni rogner celles du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale.

Si la légitimité du secrétaire général ne peut procéder que du choix opéré par les États membres, les rapporteurs approuvent la recommandation émise par l’ancien ambassadeur Alain Le Roy, membre de l’Association française des Nations Unies (AFNU) qu’ils ont auditionné, tendant à interdire le renouvellement de son mandat et allonger sa durée de cinq à sept ans. Déjà proposé par l’association Global Elders créée en 2007 autour de Nelson Mandela et réunissant des anciens diplomates et responsables politiques internationaux, le non-renouvellement du mandat - conjugué à l’augmentation de sa durée - pourrait sensiblement renforcer l’influence du secrétaire général, ainsi délivré des pressions que le Conseil de sécurité pourrait exercer à son encontre dans la perspective de son éventuelle reconduction.

En outre, cette réforme ne nécessiterait pas de réviser la Charte des Nations Unies, dont les stipulations ne mentionnent ni la durée ni le caractère renouvelable du mandat du secrétaire général.

Proposition n° 4 : Préciser le caractère non-renouvelable du mandat du secrétaire général et allonger sa durée de cinq à sept ans.

2.   La pérennité du financement des organisations onusiennes confrontée à de multiples problématiques

Les organes principaux et subsidiaires de l’ONU ainsi que les fonds, programmes, agences et institutions spécialisées qui y sont rattachés bénéficient de deux sources de financement étatique ([135]) : d’une part, les contributions obligatoires fondées sur un barème reflétant le poids économique et démographique des États membres et, d’autre part, les contributions volontaires, versées à la discrétion de ces derniers et représentant près des trois-quarts du budget de l’ensemble du système onusien. En 2022 ([136]), le montant total des financements atteignait près de 54 milliards de dollars ([137]).

En 2022, la France a versé environ 1,45 milliard de dollars en faveur de l’ensemble des organisations onusiennes. Elle se place au 8e rang des États financeurs, occupant la 6e place s’agissant des contributions obligatoires (652 millions de dollars) et la 10e s’agissant des contributions volontaires (801 millions de dollars). La France a renforcé sa position parmi les principaux financeurs au cours des dernières années, sa contribution totale augmentant de plus de 300 millions de dollars depuis 2019 ([138]).


Classement en 2022 des principaux États financeurs
du système onusien, en milliards de dollars

 

Rang

État

Montant total des contributions (Md$)

Montant des contributions obligatoires (Md$)

Montant des contributions volontaires (Md$)

1

États-Unis

18,10

3,10

14,99

2

Allemagne

6,84

0,80

6,03

3

Japon

2,71

1,10

1,62

4

Royaume-Uni

2,14

0,66

1,48

5

Chine

2,12

1,95

0,16

6

Canada

2,04

0,37

1,67

7

Pays-Bas

1,72

0,19

1,53

8

France

1,45

0,65

0,80

9

Norvège

1,34

0,10

1,25

10

Suède

1,13

0,12

1,01

20

Russie

0,38

0,32

0,06

-

Autres États

13,81

3,77

10,05

Total

53,76

13,14

40,64

Source : service économique et financier de la représentation permanente française à New York.

Selon la représentation permanente française à New York, la complexité du financement de l’ONU révèle ainsi « la diversité des missions de l’organisation, les priorités de ses mandats ainsi que l’enchevêtrement de ses structures » ([139]). Au-delà de l’imparfaite lisibilité comptable qui en résulte, les difficultés budgétaires croissantes et systémiques auxquelles sont confrontées les Nations Unies tendent aujourd’hui à mettre en péril leur fonctionnement, illustrant une nouvelle fois la crise du multilatéralisme contemporain.

a.   Fondé sur des contributions obligatoires versées par les États, le financement du budget régulier de l’ONU et des opérations de maintien de la paix se heurte à une crise de liquidité

i.   La structure de financement du budget régulier et des opérations de maintien de la paix

Débattu au sein de la Cinquième commission, le budget régulier de l’ONU est adopté par l’Assemblée générale à chaque fin d’année civile ([140]). Pour l’année 2024, son montant s’élève à près de 3,59 milliards de dollars, soit une hausse d’environ 200 millions de dollars par rapport à 2023.

Faisant l’objet d’un budget séparé, le financement des opérations de maintien de la paix (OMP) pour la période allant du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 correspond à un montant d’environ 5,5 milliards de dollars, soit une diminution de près d’un milliard de dollars par rapport à la période précédente en raison de la clôture de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).

Qu’il s’agisse du budget régulier ou des OMP, leur financement procède du versement par les États de contributions obligatoires ([141]), dont le calcul dépend d’un barème adopté par l’Assemblée générale pour une période triennale. Cette clef de répartition, prochainement renégociée à l’occasion des budgets 2025-2027, se fonde sur plusieurs critères censés refléter la puissance économique et démographique des États.

Les quotes-parts sont ainsi principalement déterminées par la capacité de paiement des États, c’est-à-dire leur produit national brut (PNB), corrigée de divers facteurs tels que la dette extérieure et la faiblesse du revenu par habitant. Les pays les plus pauvres bénéficient d’un plancher fixé à 0,01 % du budget régulier. Symétriquement, les États-Unis ont obtenu la fixation d’un plafond à 22 % ([142]), inchangé depuis vingt-cinq ans, ce qui s’apparente à un « rabais » leur permettant de réduire de plusieurs milliards de dollars le montant de la contribution obligatoire qu’ils devraient verser en l’absence d’un tel mécanisme.

Reposant sur un barème similaire, le système de financement des OMP exige cependant une participation accrue des cinq États membres permanents du Conseil de sécurité, compte tenu du rôle et des prérogatives particulières dont ils disposent afin de garantir la paix et la sécurité internationale.

Bien que le budget régulier de l’ONU s’inscrive dans une trajectoire relativement dynamique ([143]), le montant des contributions obligatoires versées par la France diminue progressivement ([144]) : la croissance économique fulgurante de la Chine, de l’Inde et de la plupart des pays émergents au cours des deux dernières décennies a eu pour effet de revaloriser leurs quotes-parts et de modifier les équilibres financiers préexistants. Sur la période 2022-2024, la France figure au 6e rang des États au titre des contributions obligatoires abondant le budget régulier de l’ONU et celui des OMP.


Classement des 6 principaux États financeurs au titre des contributions obligatoires qu’ils versent au budget régulier de l’ONU et à celui des OMP

 

Classement

État

Quote-part

Budget régulier

OMP

1

États-Unis

22 %

27 %

2

Chine

15 %

18,7 %

3

Japon

8 %

8 %

4

Allemagne

6 %

6 %

5

Royaume-Uni

4,4 %

5,4 %

6

France

4,3 %

5,3 %

-

Russie

1,7 % ([145])

2,6 % ([146])

-

Autres États

38,6 %

27 %

Source : service économique et financier de la représentation permanente française à New York.

ii.   L’aggravation des retards et arriérés de paiement se conjugue à un cadre budgétaire inadapté

Lors des débats budgétaires organisés en octobre 2023 par la Cinquième commission de l’Assemblée générale, le secrétaire général António Guterres a dénoncé les retards de paiement accumulés par certains États dans le versement de leur contribution obligatoire au budget régulier de l’ONU : « [l]a tendance à effectuer les paiements plus tard dans l’année commence à être très inquiétante, et engendre, comme vous pouvez l’imaginer, un problème de gestion extrêmement difficile ». ([147])  Ces retards affectent lourdement la trésorerie de l’Organisation au point d’entraîner une véritable crise de liquidités : à la fin du troisième trimestre 2023, seules 64 % des contributions mises en recouvrement ont été collectées, contre 71,9 % en 2022 et 82,7 % en 2021 ([148]).

La totalité du solde du fonds de roulement et certaines réserves ont été ponctionnées en urgence afin de garantir le paiement des dépenses courantes. Certaines économies, dérisoires au regard de l’importance des enjeux financiers, se sont cependant révélées indispensables à l’instar du gel des recrutements de personnels, du report de voyages internationaux, de la fermeture provisoire du siège de Genève lors des congés de fin d’année ([149]) ou, comme les rapporteurs l’ont constaté avec surprise lors de leur déplacement au Palais de Nations en mars 2024, de la mise à l’arrêt prolongé des appareils de chauffage et des escalators.

Ces difficultés budgétaires se sont récemment aggravées : au premier trimestre 2024, les arriérés de paiement atteignent un niveau historique de 859 millions de dollars ([150]). Les habituels retards de paiement imputables aux États-Unis se sont conjugués au versement tardif – et inhabituel – de la contribution obligatoire chinoise en 2023 ([151]), fragilisant encore davantage la capacité de l’ONU à assumer ses dépenses courantes. À ces retards s’ajoutent les arriérés de paiement pluriannuels susceptibles de priver les États fautifs de l’exercice de leur droit de vote à l’Assemblée générale, conformément à l’article 19 de la Charte des Nations Unies.

Article 19 de la Charte des Nations Unies

« Un Membre des Nations Unies en retard dans le paiement de sa contribution aux dépenses de l’Organisation ne peut participer au vote à l’Assemblée générale si le montant de ses arriérés est égal ou supérieur à la contribution due par lui pour les deux années complètes écoulées. L’Assemblée générale peut néanmoins autoriser ce Membre à participer au vote si elle constate que le manquement est dû à des circonstances indépendantes de sa volonté. »

Dans une lettre du secrétaire général publiée le 21 mars 2024 à l’attention du président de l’Assemblée générale ([152]), il ressort que six États accusent des arriérés de paiement relevant de l’article 19 de la Charte : l’Afghanistan, les Comores, l’Équateur, la Somalie, Sao Tomé-et-Principe et le Venezuela. Les montants concernés se limitent cependant à quelques dizaines ou centaines de milliers de dollars, ce qui apparaît négligeable eu égard au volume des contributions obligatoires versées avec retard par les deux premières puissances contributrices que sont les États-Unis et la Chine.

Sensibilisés par l’ensemble des personnes auditionnées aux conséquences concrètes qu’entraînent ces retards et arriérés de paiement, les rapporteurs considèrent que cette situation compromet directement l’exécution des mandats onusiens. Elle affecte durablement le fonctionnement de tous les organes politiques, administratifs et opérationnels des Nations Unies, en perturbant en conséquence l’accomplissement de leurs missions et la planification des opérations qui leur incombent.

Par ailleurs, comme le secrétaire général l’a rappelé ([153]), les règles budgétaires auxquelles sont assujetties les Nations Unies se caractérisent par une forme « d’absurdité ». Les crédits non-dépensés par l’Organisation à l’issue de chaque année civile ([154]) doivent en effet être intégralement reversés aux États membres. Ces sommes pourraient pourtant être utilement mises en réserve afin de pallier d’éventuelles difficultés de trésorerie au cours des exercices ultérieurs ([155]). António Guterres dénonce pertinemment le non-sens de cette contrainte au regard du retard avec lequel certains États s’acquittent de leurs obligations : « […] nous devons restituer l’argent que nous n’avons pas pu dépenser pendant l’année parce que nous ne l’avons pas reçu à temps » ([156]).

Lors de leur entretien avec les services de la représentation permanente française à New York, les rapporteurs ont discuté de l’opportunité de remettre en cause cette règle particulièrement rigide. À première vue, l’absence de restitution aux États des sommes non-dépensées par les Nations Unies peut sembler injuste à l’encontre de ceux qui ont versé la totalité de leur contribution dans les délais impartis. Pour autant, cette mesure sécuriserait utilement la trésorerie de l’Organisation tout en surmontant les difficultés qu’engendre le versement tardif des contributions. En outre, elle renforcerait la prévisibilité et l’échelonnement des dépenses engagées par les organes des Nations Unies, ainsi délivrés de la contrainte de dépenser précipitamment des sommes reçues tardivement.

Proposition n° 5 : Autoriser l’ONU à conserver le montant du solde inutilisé à la fin de chaque exercice budgétaire, afin de sécuriser sa trésorerie en cas de crise de liquidités ultérieure.

b.   La prédominance des contributions volontaires : un financement incontournable mais pernicieux, soulignant la nécessité d’une réforme

Représentant près de 75 % du budget total du système onusien, les contributions volontaires versées par les États visent à financer, à leur discrétion, l’activité de fonds, programmes, agences ou institutions spécialisées. Ces contributions peuvent être fléchées vers des projets spécifiques ou être librement mises à la disposition des organisations récipiendaires, ce qui leur offre le cas échéant davantage de souplesse dans la mise en œuvre de leurs actions.

Faisant l’objet d’un « développement anarchique » selon l’expression de Morgan Larhant ([157]), les contributions volontaires ont vu leur montant augmenter de près de 48 % entre 2019 et 2022, pour atteindre près de 40,64 milliards de dollars. Cette évolution illustre autant leur dynamisme que la place désormais centrale qu’elles occupent dans le financement de l’ensemble des agences et institutions rattachées aux Nations Unies.


Classement des principaux états financeurs au titre des contributions volontaires qu’ils versent à l’ensemble du système onusien

 

État

En 2022

En 2019

Rang

Montant des contributions volontaires (en milliards de dollars)

Rang

Montant des contributions volontaires en (milliards de dollars)

États-Unis

1

14,97

1

7,77

Allemagne

2

6,03

2

3,10

Canada

3

1,67

8

0,93

Japon

4

1,62

6

1,14

Pays-Bas

5

1,53

4

1,37

Royaume-Uni

6

1,48

3

2,77

Norvège

7

1,25

7

1,13

Suède

8

1,01

5

1,32

Suisse

9

0,92

11

0,55

France

10

0,80

14

0,37

Australie

11

0,66

16

0,31

Argentine

12

0,61

26

0,12

Italie

13

0,56

13

0,42

Danemark

14

0,54

9

0,66

Corée du Sud

15

0,49

15

0,37

Autres États

-

6,50

-

5,13

Total

-

40,64

-

27,46

       Source : service économique et financier de la représentation permanente française à New York.

La direction des Nations Unies et des organisations internationales (DNUOI) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères se félicite de la progression de la France du 14e au 10e rang des États contributeurs volontaires. Selon la DNUOI, le doublement du montant de ses contributions volontaires entre 2019 et 2022, passant de 371 millions à 801 millions de dollars, traduit « les priorités politiques de nos autorités » et « témoigne de notre solidarité avec la communauté internationale » ([158]).

Dans une réponse ministérielle publiée le 31 mars 2022, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères reconnaît en effet le fléchage de certaines contributions volontaires versées par la France au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH) : « Les contributions volontaires versées au HCDH par la France sont, pour partie, fléchées vers certains programmes : la France a contribué en 2021 au financement d’une diversité d’activités obligatoires du HCDH, en concourant, par exemple, aux dépenses de secrétariat liées au mandat de l’expert indépendant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre (à hauteur de 30 000 euros), au groupe de travail sur les détentions arbitraires (100 000 euros), au bureau régional pour le Moyen-Orient du HCDH à Beyrouth (150 000 euros), aux activités d’assistance technique à destination du Tchad (120 000 euros) ou encore au renforcement des moyens du HCDH pour suivre la situation en Biélorussie (50 000 euros) » ([159]).

Selon les informations communiquées aux rapporteurs, les principaux bénéficiaires des contributions volontaires versées par la France en 2022 sont le Programme alimentaire mondial (PAM), le fonds ONU SIDA (UNITAID) et le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR).

Classement des bénéficiaires des contributions volontaires
versées par la France en 2022

Institution onusienne récipiendaire

Montant versé, en millions de dollars

Programme alimentaire mondial (PAM)

169,6

Fonds ONU SIDA (UNITAID)

117,0

Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR)

99,2

Organisation mondiale de la santé (OMS)

72,3

Organes principaux et subsidiaires des Nations Unies

60,3

Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF)

43,7

Fonds international de développement agricole (FIDA)

36,5

Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA)

36,4

Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP)

27,9

Organisation internationale pour les migrations (OIM)

23,9

Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)

20,3

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)

19,3

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)

11,3

Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes)

11,2

Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)

9,4

Organisation internationale du Travail (OIT)

6,2

Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC)

4,0

Centre international de recherche sur le cancer (CIRC)

3,1

Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC)

2,9

Volontaires des Nations Unies (VNU)

2,2

Organisation mondiale du commerce (OMC)

2,1

Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS)

0,9

Autres

21,1

Total

800,7

Source : service économique et financier de la représentation permanente française à New York.

Les rapporteurs se félicitent de l’augmentation soutenue du montant des contributions volontaires versées par la France aux institutions onusiennes compte tenu des enjeux budgétaires auxquelles elles sont confrontées. Néanmoins, il convient d’analyser les effets de bord qu’engendre la prédominance désormais excessive de cette modalité de financement, au détriment des contributions obligatoires.

« À la main » des États, le versement des contributions volontaires ne procède, par essence, d’aucune clef de répartition préalablement définie. Les États sont donc libres de modifier d’une année sur l’autre le montant qu’ils choisissent de dépenser, leurs engagements financiers étant pleinement réversibles ([160]). Il en résulte une incertitude permanente quant au volume des contributions que les organisations s’attendent à percevoir, ce qui jette un doute sur la pérennité de leur financement et fragilise corrélativement leur planification budgétaire. Dans sa contribution écrite remise à l’issue de son audition, le centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères évoque également la concurrence à laquelle se livrent certaines agences afin de capter des contributions, au risque d’altérer la cohésion du système onusien auquel elles appartiennent.

Par ailleurs, un lien de dépendance tend progressivement à s’établir entre les plus gros contributeurs étatiques et les récipiendaires, notamment dans les cas où les fonds versés par les premiers font l’objet d’un fléchage spécifique qu’ils imposent aux seconds. Ces situations peuvent faire émerger des conflits d’intérêts préjudiciables au bon fonctionnement du système onusien. Ces dérives éventuelles ont déjà pu être documentées s’agissant des partenariats noués entre plusieurs organisations onusiennes et certains acteurs privés. Entendus par les rapporteurs, la journaliste Anne-Cécile Robert et l’essayiste Romuald Sciora déplorent ainsi « le douteux mélange des genres » que provoquent « les collusions peu transparentes entre le monde de l’entreprise et l’ONU ». Selon eux, « Les sociétés privées, tout en contribuant à résoudre des problèmes d’intérêt général, introduisent des préoccupations mercantiles dans les programmes et transforment les politiques publiques jusqu’à les détourner parfois de leur sens. En matière d’aide alimentaire, on sait par exemple que la Fondation Gates fait la promotion des organismes génétiquement modifiés dans la plus totale opacité pour les populations concernées » ([161]).

Suivant une logique similaire, le fléchage des contributions volontaires versées par les États pourrait ainsi être instrumentalisé et servir de levier afin d’influer sur les orientations des programmes et actions conduites sous l’égide des Nations Unies. Si aucun élément en ce sens n’a été porté à la connaissance des rapporteurs, une exigence accrue de transparence des financements s’avère indispensable afin d’objectiver la réalité de ces risques.

Dans cette perspective, les rapporteurs suggèrent de compléter la maquette budgétaire des indicateurs de performance du programme 105. Action de la France en Europe et dans le monde au sein de la mission Action extérieure de l’État. Figurant dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances, deux nouveaux indicateurs ont été introduits par la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 ([162]) visant à préciser, d’une part, la position de la France dans le classement mondial des contributeurs financiers des organisations internationales et, d’autre part, le montant des contributions volontaires versées par la France aux organisations internationales.

Le second indicateur de performance pourrait utilement mentionner la part, le volume et l’objet des contributions volontaires faisant l’objet d’un fléchage, ce qui renforcerait la transparence des choix opérés par le Gouvernement s’agissant du financement des organisations onusiennes.

Proposition n° 6 : Compléter l’indicateur de performance du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde relatif aux contributions volontaires versées par la France aux organisations internationales afin de faire apparaître la part, le montant et l’objet des contributions faisant l’objet d’un fléchage.

De manière plus générale, les rapporteurs estiment nécessaire d’améliorer la lisibilité et la consolidation de la comptabilité de l’ensemble des institutions relevant du système onusien. La complexité de son organisation et la dimension parcellaire des informations budgétaires accessibles au grand public ne facilitent pas la compréhension des enjeux entourant le financement des Nations Unies. Dans le cadre de son rapport d’audit financier publié en juillet 2023, le Comité des commissaires aux comptes de l’ONU a ainsi recommandé que l’administration onusienne présente « de manière appropriée, dans ses documents budgétaires, les informations relatives aux fonds reçus, à des fins de transparence » ([163]). Les rapporteurs partagent pleinement cette préconisation, dans un objectif légitime de redevabilité de l’action des Nations Unies, tant vis-à-vis des États membres que des citoyens.

Proposition n° 7 : Renforcer l’accessibilité, la consolidation et la transparence des bilans comptables des organisations onusiennes en détaillant précisément le montant et l’origine des financements dont elles bénéficient.

Enfin, une réflexion de grande envergure pourrait être initiée par la France afin d’envisager de nouvelles sources de financement de l’ONU. Aussi juridiquement complexe que politiquement périlleuse, la mise en place d’un système de ressources propres favoriserait l’autonomie d’action du système des Nations Unies et décuplerait potentiellement ses marges de manœuvre, selon l’assiette et le taux des prélèvements dont il bénéficierait.

Inspiré de la taxe de solidarité sur les billets d’avion proposée par les présidents Chirac et Lula et mise en place par neuf pays depuis 2005, le recours à un mécanisme fiscal international pour diversifier le financement des organisations onusiennes peut constituer une solution d’avenir ([164]), bien qu’elles ne semblent pas consensuelles aujourd’hui. Dans son ouvrage précité, Morgan Larhant rappelle que ces pistes « paraissent inconcevables en l’état actuel de l’Organisation, mais leurs promoteurs ne doivent pas pour autant être immédiatement classés dans la catégorie des doux rêveurs » ([165]).

Les rapporteurs sont tout à fait conscients de la sensibilité évidente de ce sujet comme de sa délicate concrétisation opérationnelle. Dans l’histoire des peuples, le consentement populaire à l’impôt et son recouvrement par l’administration étatique représentent des attributs essentiels de la souveraineté nationale. En outre, la plus-value d’une telle réforme doit être appréhendée avec prudence, ainsi que l’observe le CAPS dans la contribution écrite remise à l’issue de son audition : « la faible appétence des États pour des mécanismes de financements obligatoires d’une part, et l’effet de ciseau entre les besoins identifiés par les organisations internationales et les contributions budgétaires effectivement versées par les États d’autre part, soulignent que même un système de ressources propres ne suffirait pas à régler la faiblesse des ressources budgétaires – obligatoires ou même volontaires – sur lesquelles les organisations onusiennes peuvent s’appuyer pour financer leurs actions » ([166]).

Pour autant, le besoin de financement croissant qu’éprouve le système des Nations Unies pour mener à bien ses missions implique d’élargir sans tabou, mais aussi sans illusion, le champ de la réflexion.

Proposition n° 8 : Engager une réflexion sur la mise en place d’un mécanisme de ressources propres, par exemple inspiré de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dont le produit serait affecté au budget des organisations onusiennes.

3.   L’action salutaire des agences et institutions spécialisées de l’ONU en faveur du développement et de l’aide humanitaire

« L’ONU économique et sociale » ([167]) constitue une partie essentielle du spectre onusien s’agissant des actions de développement et d’aide humanitaire accomplies par l’ensemble des agences et institutions spécialisées.

Investie par les pays en voie de développement au moment de la décolonisation, l’ONU était devenue « une plateforme et un véhicule pour la construction de nouvelles perspectives de développement » ([168]). Au cœur de ce processus, les agences onusiennes ont consacré l’expertise, la technique et la modernisation comme les principaux vecteurs de l’amélioration du progrès humain. Selon le professeur David Sogge, « le “développement” était essentiellement un ensemble de problèmes techniques pouvant être résolus par des experts, médecins, ingénieurs […] C’était d’abord « un produit fini » pouvant être « livré » aux “sous-développés” » ([169]).

En 1994, le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement appelle à un changement de paradigme en mettant en relief le principe d’« insécurité humaine » relatif à une insécurité globale, mêlant préoccupations économiques, sociales et culturelles. Les secrétaires généraux Boutros Boutros-Ghali puis Kofi Annan décident alors d’orienter les actions de développement sur le renforcement du « multilatéralisme social » auquel contribuent les agences et institutions spécialisées onusiennes.

La déclaration du millénaire adoptée par l’Assemblée générale le 8 septembre 2000 ([170]), point de départ des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), devenus ensuite Objectifs de développement durable (ODD), vise précisément à la résolution des défis transversaux intégrant l’ensemble des problématiques économiques, sociales, environnementales et culturelles. Ce dédoublement du multilatéralisme onusien révèle en réalité un fonctionnement à deux vitesses. D’une part, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale incarneraient un multilatéralisme géopolitique, fréquemment bloqué par les rapports de force entre les États membres. D’autre part, une constellation d’agences et d’institutions spécialisées, collaborant étroitement avec des organisations non-gouvernementales, œuvreraient utilement en faveur des populations ([171]). Cette « deuxième ONU » a été décrite lors des auditions des rapporteurs comme relativement épargnée des clivages interétatiques, révélant, par contraste, la relative fluidité de son fonctionnement.

a.   La diversité des institutions et organes onusiens

Quatre grandes catégories d’institutions et d’organes rattachés aux Nations Unies peuvent être distinguées.

L’article 57 de la Charte des Nations Unies autorise le Conseil économique et social à conclure avec des institutions spécialisées des accords soumis à l’approbation de l’Assemblée générale ([172]). L’organisation des institutions spécialisées rattachées au système onusien se fonde sur des traités intergouvernementaux dont la plupart ont été signés concomitamment à la naissance de l’ONU. Certaines d’entre elles furent affiliées à la Société des Nations dès 1919, telle que l’Organisation internationale du Travail (OIT). D’autres organisations témoignent de la volonté précoce de coopération internationale sectorielle des États, à l’image de l’Union internationale des télécommunications créée en 1865 et de l’Union postale universelle mise en place en 1874. Le travail de ces institutions spécialisées est coordonné de manière intergouvernementale par le Conseil économique et social. Elles disposent d’un champ de compétence clairement délimité, à l’instar des questions sanitaires prises en charge par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou des problématiques liées à la protection de la culture et du patrimoine relevant de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

Le système des Nations Unies comprend une seconde catégorie d’organes constituée d’une quarantaine de Programmes et de Fonds directement rattachés à l’Assemblée générale ou au Conseil économique et social. Principal organe multilatéral de développement créé en 1965, le Programme des Nations Unies pour le développement s’est positionné comme l’acteur stratégique du développement au sein de l’ONU. Responsable devant l’Assemblée générale et disposant d’un budget de près de 5 milliards de dollars, le PNUD occupe une place privilégiée dans la chaîne de prise de décisions, coordonnant notamment l’action de toutes les agences onusiennes dans les pays en voie de développement.

La troisième catégorie d’organes onusiens correspond à des entités dont les statuts et missions présentent une forte hétérogénéité, tels que ONU-femmes dont le rôle consiste à promouvoir la parité et les droits des femmes en matière économique et sociale, ou le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés veillant à l’application de la convention de Genève sur les réfugiés et dont l’activité a plus que doublé au cours de la dernière décennie, illustrant les répercussions de la multiplication des crises sécuritaires sur la période ([173]).

Enfin, la famille des Nations Unies intègre également les institutions apparentées qui, si elles sont voisines des institutions spécialisées, jouissent d’une plus grande autonomie, à l’image de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui présentent un rapport annuel d’activité à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité. L’Organisation mondiale du commerce, tout en entretenant des relations privilégiées avec l’ONU, définit librement les règles applicables au commerce international telles que garanties par des mécanismes juridictionnels indépendants des organes onusiens.

b.   L’indispensable expertise du système onusien en matière de développement et d’action humanitaire

Les rapports d’activité des différents programmes et institutions de l’ONU permettent d’établir un état des lieux précis, quantifié et actualisé du développement humain à l’échelle mondiale. Depuis 2010, le rapport sur le développement humain du PNUD a affiné les critères d’évaluation de ces enjeux grâce à la mise en place d’indicateurs transversaux tels que l’indicateur de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI), les indices de développement ou d’inégalités de genre (IDG et IIG) et l’indice de pauvreté multidimensionnelle.

Le plan stratégique 2022-2025 du PNUD fixe des objectifs ambitieux de développement dans l’optique de l’Agenda 2030 fixé par le secrétaire général : faire sortir 100 millions de personnes de l’extrême pauvreté ([174]), favoriser l’accès de 500 millions de personnes à une énergie propre ou encore aider 800 millions de personnes à exercer leur droit de vote démocratique.

Le rapport d’activité du secrétaire général publié en 2023 rappelle l’augmentation des besoins humanitaires en 2022, provoquée par l’aggravation de crises en Afghanistan, en Éthiopie et en Somalie, et par le conflit entre l’Ukraine et la Russie. En 2022, le Secrétariat de l’ONU a coordonné des plans d’aide humanitaire en faveur de 216 millions de personnes vivant dans 69 pays, mobilisant près de 30 milliards de dollars. Si ce montant atteint un niveau historique, il s’avère toutefois 40 % inférieur aux besoins de financement, ces derniers s’élevant en 2022 à 52 milliards de dollars.

évolution de la demande d’aide humanitaire et des besoins de financement

Une image contenant texte, capture d’écran, Police, diagramme

Description générée automatiquement

         Source : rapport d’activité du secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies publié en 2023, p. 134.

Indépendamment des impératifs humanitaires sur les zones de conflit, l’action menée par les programmes onusiens reste assujettie aux contributions volontaires versées par les États membres, ce qui souligne la fragilité de leur structure de financement. À la suite des allégations portées par le gouvernement israélien à l’encontre de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ([175]), les annonces de suspension du versement des contributions en faveur de l’Office ont été dénoncées par seize directeurs d’agences et d’institutions onusiennes. Réunis au sein du Comité permanent inter-organisations ([176]), ils ont solennellement réaffirmé la nécessité de préserver les capacités d’action de l’UNRWA, à l’épreuve du drame humanitaire actuel dans la bande de Gaza ([177]).


Le rapport d’enquête du groupe d’examen indépendant chargé d’évaluer les moyens mis en œuvre par l’UNRWA pour garantir sa neutralité

Le 5 février 2024, le secrétaire général António Guterres a nommé Catherine Colonna à la tête d’un groupe d’examen indépendant chargé d’évaluer les moyens mis en œuvre par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) pour garantir sa neutralité.

Lors de la conférence de presse de présentation du rapport d’examen le 22 avril 2024, Catherine Colonna a analysé les défis politiques, administratifs et opérationnels qui entourent le respect du principe de neutralité auquel il est soumis. Le rapport Colonna a détaillé cinquante propositions.

S’agissant des relations qu’entretient l’UNRWA avec les donateurs, le rapport a souligné le préjudice provoqué par la suspension des contributions financières à l’UNRWA par certains pays donateurs et la nécessité de les impliquer plus fortement dans la gestion de l’Office ([178]). Le rapport a relevé l’étendue des missions de l’UNRWA et l’absence de conseil d’administration doté de fonctions exécutives, aboutissant à entraver les capacités décisionnelles de l’UNRWA.

L’insuffisance des concertations menées entre la direction et les personnels de l’UNRWA témoigne des défaillances de la gestion et du contrôle interne au sein de l’Office. Le rapport a relevé la situation inédite des personnels de l’UNRWA, composée à 90 % d’agents locaux, illustrant l’existence d’une grande proximité entre les bénéficiaires des services fournis par l’Office et les personnels qui y travaillent. S’agissant des manuels scolaires diffusés par l’UNRWA, le rapport a considéré que certains contenus comportent des biais politiques préjudiciables à la neutralité de l’Office et a recommandé le respect des principes définis par l’UNESCO en la matière.

Enfin, le rapport a conclu au caractère indispensable et essentiel de l’UNRWA pour assurer une aide humanitaire au peuple palestinien, ainsi que son développement humain, économique et social. Les conclusions du rapport ont été acceptées et reprises dans leur intégralité par le secrétaire général de l’ONU et par le commissaire général de l’UNRWA. Ils ont conjointement convenu de la nécessité d’établir un plan d’action pour garantir leur mise en œuvre, piloté par une unité rattachée au secrétariat général qui en assurera le suivi.

Le 7 mai 2024, la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a entendu à huis clos Mme. Catherine Colonna, afin d’échanger sur les conclusions de ce rapport. Le compte rendu de cette réunion (n° 54) est consultable sur le site web de l’Assemblée nationale. À la suite de la publication du rapport, l’Allemagne a annoncé le rétablissement du versement de ses contributions à l’UNRWA ([179]), ce qui illustre le rôle d’impulsion déterminant exercé en la matière par le secrétaire général.

Source : informations publiées sur le site de l’Organisation des Nations Unies.

 

Si les agences onusiennes jouent un rôle décisif dans le cadre des missions humanitaires et de développement qu’exerce l’ONU, elles suscitent également une attention croissante de la part des États membres les plus puissants, qui peuvent être tentées d’instrumentaliser leurs actions selon leurs propres intérêts.

Les agences font l’objet d’un investissement financier, humain et politique inégal de la part des États membres. Outre son rang de deuxième ou troisième contributeur financier de nombreuses institutions spécialisées et agences onusiennes ([180]), la Chine souhaite renforcer son influence en développant la présence de ses ressortissants au sein de leurs directions générales, à l’image de l’accès de Qu Dongyu à la tête de la FAO en 2019. La Chine a par ailleurs pu inscrire son projet de « nouvelles routes de la soie » relatif à la construction d’infrastructures de transports ferroviaires et maritimes transcontinentales à l’agenda des priorités de l’ONU. Bénéficiant du soutien de vingt-cinq agences onusiennes grâce à la conclusion d’un protocole d’accord signé en 2017, les « nouvelles routes de la soie » ont été également intégrées aux objectifs de développement durable de l’Agenda 2030. Si les agences et organismes onusiens peuvent être perçus comme des potentiels leviers d’influence au bénéfice des grandes puissances, c’est précisément parce que leur activité concrétise de manière visible l’action indispensable que mènent les Nations Unies en faveur des populations, notamment au sein des pays en développement.

La complexité de la gouvernance des Nations Unies met en relief les dissensions croissantes qui traversent la communauté internationale, s’agissant en premier lieu du rôle prioritaire assigné à l’ONU : prévenir les conflits et maintenir la paix, en dépit de la résurgence de crises sécuritaires majeures au cours de ces dernières années.

II.   Préserver la paix et la sécurité internationales : un combat permanent à l’épreuve des conflits

Le premier pilier sur lequel l’ONU fonde son action correspond au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pour atteindre cet objectif, l’article 1er de la Charte des Nations Unies impose de « prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix » ([181]).

Depuis 1945, cette mission incombe en premier lieu au Conseil de sécurité, institué comme une véritable « force de police » ([182]) de l’ONU composé de quinze États membres. Figure centrale de l’architecture onusienne, la structure originale et les prérogatives particulières de cet organe principal constituent une double exception aux principes fondamentaux proclamés par la Charte.

D’une part, l’existence d’une catégorie de membres permanents disposant chacun d’un droit de veto s’inscrit en contradiction avec l’exigence d’« égalité souveraine » de tous les États membres mentionnée à l’article 2. Pour paraphraser George Orwell, tous les États sont égaux mais certains le sont plus que d’autres ([183]). D’autre part, le Conseil de sécurité peut autoriser le recours à la force armée afin de garantir le respect de ses décisions ([184]), ce qui tempère l’interdiction de l’usage des armes ([185]) telle qu’elle peut découler de l’interprétation du paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte ([186]). La multiplication des opérations de maintien de la paix déployées sur les zones de conflit à l’initiative du Conseil de sécurité illustre le continuum qui unit l’action normative de celui-ci, par le biais de l’adoption de résolutions contraignantes revêtues d’une force exécutoire, et la mise en œuvre des interventions subséquemment diligentées sur le terrain.

En amont et en aval de cette chaîne, les critiques d’inefficience voire d’impuissance s’accumulent. Si elles peuvent paraître partiales voire excessives, elles témoignent cependant d’attentes croissantes et légitimes que l’ONU peine aujourd’hui à satisfaire, tiraillée par les divisions profondes qui fracturent la communauté internationale.

A.   Paralysé face aux crises majeures et soumis à de fortes critiques, le Conseil de sécurité exerce encore un rôle central en faveur de la paix

Appréhendé par l’ancien ambassadeur Gérard Araud comme un « compromis entre l’idéalisme qui a conduit à la création des Nations Unies et la réalité des rapports entre les États » ([187]), le Conseil de sécurité se voit conférer par les États membres « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales » ([188]), ces derniers étant tenus « d’accepter et d’appliquer ses décisions » ([189]).

Les textes adoptés par le Conseil de sécurité présentent un degré de normativité variable qui découle de la procédure par laquelle ils sont approuvés. Au sommet de la hiérarchie, les résolutions sont adoptées en séance publique par un vote à la majorité qualifiée ([190]). Revêtues d’une autorité moindre, des déclarations, notes ou lettres du président du Conseil de sécurité, dont chaque État membre assure mensuellement la fonction, peuvent également être adoptées par consensus.

Fruits du contexte historique de 1945, la composition et le fonctionnement du Conseil de sécurité sont régulièrement considérés comme le premier facteur de blocage de l’institution. Son activité reste pourtant essentielle, en dépit des entraves dont elle fait l’objet s’agissant des crises majeures et des interrogations relatives à son effectivité concrète.

1.   Parfois présentées comme le garde-fou du système onusien, la composition et les règles de fonctionnement du Conseil de sécurité sont aussi la cause de son inertie

Au fondement du système onusien, la faible représentativité du Conseil de sécurité se conjugue à des règles de fonctionnement favorisant le maintien d’un statu quo, malgré l’influence croissante qu’exercent désormais les membres non-permanents.

a.   Une instance imparfaitement représentative

Le Conseil de sécurité est composé de quinze États membres appartenant à deux catégories distinctes. D’une part, considérés comme les « vainqueurs » de la seconde guerre mondiale, les États-Unis, la Russie, la Chine ([191]), le Royaume-Uni et la France disposent depuis 1945 d’un siège de membre permanent. D’autre part, dix membres non-permanents sont élus par l’Assemblée générale pour un mandat de deux ans ([192]) selon une clef de répartition géographique définie en 1963 ([193]) lors de l’élargissement du Conseil de sécurité opéré par la révision de l’article 23 de la Charte des Nations Unies ([194]).

Répartition géographique des sièges occupés par les dix membres non-permanents

Zone géographique

Nombre de sièges

Afrique et Asie (incluant Proche et Moyen-Orient)

5

Amérique latine et Caraïbes

2

Europe occidentale et autres États

2

Europe orientale

1

En 2024, les dix États représentés en tant que membres non-permanents sont ceux figurant dans le tableau ci-après.

membres non-permanents siégeant actuellement au conseil de sécurité

État

Échéance du mandat

Équateur

31 décembre 2024

Japon

31 décembre 2024

Malte

31 décembre 2024

Mozambique

31 décembre 2024

Suisse

31 décembre 2024

Algérie

31 décembre 2025

Guyana

31 décembre 2025

République de Corée

31 décembre 2025

Sierra Leone

31 décembre 2025

Slovénie

31 décembre 2025

Si la réforme survenue en 1963 a favorisé un meilleur équilibre géographique au sein du Conseil de sécurité, celui-ci souffre d’une représentativité moindre que celle de l’Assemblée générale, organe plénier représentant de façon égale l’intégralité des 193 États membres de l’ONU, ou du Conseil économique social, composé de 54 États membres tous élus pour un mandat de trois ans.

Ce déficit de représentativité, régulièrement soulevé par les représentants permanents des États avec lesquels les rapporteurs se sont entretenus lors de leur déplacement à New York, est attesté par une statistique peu connue : à ce jour, 59 États, soit près d’un tiers des États membres de l’ONU, n’ont pas siégé, ne serait-ce qu’une seule fois, au Conseil de sécurité, n’étant jamais parvenus à être élus par leurs pairs en tant que membres non-permanents. Outre une quinzaine de micro-États dont le poids politique est par essence limité ([195]), plusieurs pays dont la puissance économique et démographique s’avère pourtant nettement supérieure n’ont jamais pu accéder à cette enceinte, à l’image d’Israël, de la République dominicaine, de l’Ouzbékistan, de la Serbie, de l’Afghanistan, de la Corée du Nord ou de la Mongolie.

Cette exclusion « de fait » de près d’un tiers des États membres de l’ONU s’explique en partie par les nombreuses tractations qui caractérisent le processus de désignation des membres non-permanents. Comme l’a expliqué l’ancien ambassadeur Gérard Araud lors de son audition, les stratégies déployées par les États candidats afin d’être élus confinent souvent à des formes de marchandages où chaque soutien se négocie en coulisses, impliquant, à certaines occasions, le recours à des arrangements douteux. Il en résulte in fine la présentation devant l’Assemblée générale d’un nombre de candidats égal à celui des postes à pourvoir pour chaque zone géographique, à l’exception des zones européennes pour lesquelles une élection en bonne et due forme départage systématiquement les postulants ([196]). À ce titre, les rapporteurs considèrent que l’échec que rencontre l’Europe pour s’accorder au préalable sur des candidatures consensuelles illustre la réalité de ses dissensions ([197]) et révèle l’impossibilité d’aboutir, du moins à court ou moyen terme, à une politique étrangère commune à l’échelle du continent.

En outre, la dichotomie entre membres permanents et non-permanents tend aujourd’hui à être remise en cause. Les privilèges exorbitants attribués aux « cinq grands » à la fin de la seconde guerre mondiale soulèvent un paradoxe : s’ils constituent l’une des raisons d’être de l’ONU – et sa condition d’existence en tant qu’organisation associant tous les États du monde dont les plus puissants d’entre eux –, ils nourrissent simultanément les procès en illégitimité du système onusien, dans un contexte géopolitique marqué par l’émergence de nouvelles grandes puissances, à l’image de l’Inde, du Brésil ou de l’Afrique du Sud. Les revendications qu’elles expriment, relayées avec détermination devant les rapporteurs lors de leur déplacement à New York, soulignent l’obsolescence des règles applicables à la composition du Conseil de sécurité.

Jalousée, la catégorie de membres permanents, apparaît plus que jamais comme un avantage indu au regard de l’évolution des rapports de forces internationaux depuis 1945, ainsi que l’observe l’ambassadeur de France au Vanuatu Jean-Baptiste Jeangène Vilmer : « [l]a permanence n’est plus la conséquence de la puissance, mais elle en est l’une des causes. Si aujourd’hui comme hier la permanence est un marqueur de puissance, c’est d’abord parce qu’elle symbolise l’inégalité des États : certains sont permanents, d’autres pas. C’est l’un des problèmes qui contribuent à la crise de légitimité du Conseil de sécurité […], mais c’est aussi l’une des raisons de sa puissance : le simple fait de faire partie d’un club fermé est un signe de puissance, qui attise à la fois les critiques et les envies – d’où le débat sur l’élargissement » ([198]).

Plus que la permanence du siège au Conseil de sécurité, c’est le droit de veto dont bénéficient les membres permanents qui concentre les critiques, à l’épreuve de son utilisation croissante depuis le début des années 2010.

b.   Le privilège du veto : la botte (faussement) secrète des membres permanents

L’article 27 de la Charte des Nations Unies détermine les règles applicables à l’adoption des résolutions par le Conseil de sécurité.

Article 27 de la Charte des Nations Unies

« 1. Chaque membre du Conseil de sécurité dispose d’une voix. 

« 2. Les décisions du Conseil de sécurité sur des questions de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf membres. 

« 3. Les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents, étant entendu que, dans les décisions prises aux termes du Chapitre VI et du paragraphe 3 de l’Article 52, une partie à un différend s’abstient de voter. »

Sur le fondement de l’article 27 de la Charte, les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France peuvent donc unilatéralement faire obstacle à l’adoption d’une résolution, quand bien même celle-ci aurait atteint le seuil de la majorité qualifiée, soit neuf voix.

La notion de « droit de veto » au bénéfice exclusif des membres permanents ne figure pas en tant que telle dans la Charte des Nations Unies. La pratique observée dès 1950 témoigne par ailleurs d’une forme d’émancipation du Conseil de sécurité à l’égard des dispositions qui régissent la procédure d’adoption de ses décisions telle qu’elle découle expressément de l’article 27.

D’une part, le paragraphe 3 de l’article 27 impose un vote favorable de tous les membres permanents afin d’adopter une résolution, ce qui signifie a contrario que l’abstention de l’un d’entre eux pourrait mettre en échec celle-ci. Pourtant, l’absence de participation d’un membre permanent, fréquente dès 1950 à l’occasion des résolutions portant sur la guerre de Corée, n’a jamais été considérée comme un moyen d’entraver l’adoption d’une résolution dès lors que le texte mis aux voix recueille au moins neuf votes favorables. À titre d’exemple, la résolution ([199]) autorisant le recours à la force pour protéger les populations civiles libyennes menacées par l’armée du colonel Kadhafi a été adoptée le 17 mars 2011 malgré la double abstention de la Russie et de la Chine ([200]).

Cette pratique, contraire à une lecture littérale de l’article 27 de la Charte qui exige un vote affirmatif de tous les membres permanents, a permis d’assouplir la procédure d’adoption des décisions et de préserver la capacité d’action du Conseil de sécurité. Les membres permanents peuvent ainsi exprimer leur désaccord en refusant d’apporter leur voix sans pour autant voter contre le projet de résolution, ce qui, le cas échéant, reviendrait à faire usage de leur veto et à bloquer unilatéralement un texte susceptible de recueillir l’approbation des quatorze autres membres.

D’autre part, le paragraphe 3 de l’article 27 impose également aux membres du Conseil de sécurité impliqués dans un différend faisant l’objet d’un projet de résolution de ne pas prendre part au vote. Si cette règle d’« abstention obligatoire » a pu être respectée jusqu’en 1960 ([201]), elle ne semble plus devoir s’appliquer aujourd’hui, comme le souligne le veto posé par la Russie au projet de résolution examiné par le Conseil de sécurité le 15 mars 2014 sur la situation en Ukraine.

Ces évolutions témoignent de l’émancipation des membres permanents vis-à-vis des prescriptions de la Charte : ils décident souverainement, selon leurs intérêts et les circonstances, de faire usage ou non de leur veto.

Cette pratique révèle l’impossibilité de contrôler le veto. Son usage peut même avoir pour objet d’entraver la mise en œuvre d’un jugement de la Cour internationale de justice, en violation du paragraphe 1er de l’article 94 de la Charte des Nations Unies qui précise que « [c]haque Membre des Nations Unies s’engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de Justice dans tout litige auquel il est partie ». Les États-Unis ont pourtant fait usage de leur veto à l’encontre d’un projet de résolution ([202]) examiné par le Conseil de sécurité visant à garantir l’exécution d’une décision de la CIJ les condamnant pour avoir soutenu militairement les rebelles « Contras » au Nicaragua ([203]). Chargé de garantir l’exécution des arrêts de la CIJ sur le fondement du paragraphe 2 de l’article 94 ([204]), le Conseil de sécurité se trouve ici dans l’incapacité d’accomplir sa mission, du fait de l’obstruction délibérée de l’un de ses membres permanents.

Ainsi que l’écrit le professeur Serge Sur auditionné par les rapporteurs, « l’existence de ce droit de veto au profit des membres permanents est à la fois l’image de leur privilège et celle de la paralysie du Conseil » ([205]).

Si elle se fonde juridiquement sur l’usage unilatéral et incontrôlé du veto, la paralysie du Conseil de sécurité ne fait que traduire la division de ses membres permanents face à la multiplication des crises soumises à leur examen et auxquelles ils sont directement ou non parties. Depuis 1946, le veto a été utilisé à 276 reprises : 77 % des vetos incombent à la Russie et aux États-Unis, la France n’en ayant fait usage que 16 fois entre 1956 et 1989 ([206]).

Proportion et nombre de vetos posés par les membres permanents du conseil de sécurité entre 1946 ET AVRIL 2024


Source : données publiées par l’Organisation des Nations Unies, mai 2024.

Depuis 1946, les projets de résolution entravés par le veto d’un membre permanent concernent majoritairement la situation au Proche et au Moyen-Orient. Soutiens fidèles de leur allié israélien, les États-Unis se sont ainsi opposés à la plupart des décisions susceptibles de contrevenir aux intérêts de l’État hébreu dans la région. Symétriquement, la Russie et, dans une moindre mesure, la Chine recourent régulièrement au veto afin de défendre les régimes syriens et iraniens en bloquant tout projet de résolution incriminant explicitement ou non l’action menée par leurs gouvernements.

Bien qu’elles soient habituelles, ces postures tendent à s’amplifier à la faveur des tensions géopolitiques ravivées à la suite des printemps arabes de 2011. De façon plus inquiétante, les blocages auxquels le Conseil de sécurité est également confronté se déplacent sur des thématiques qui suscitaient jusqu’à récemment un certain consensus parmi les membres permanents. Les vetos russes et chinois utilisés depuis 2022 pour faire obstacle à des résolutions sanctionnant la junte militaire au Mali ([207]) ou condamnant la prolifération d’armes nucléaires imputable au régime nord-coréen ([208]) confirment le clivage qui sépare d’une part, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, et d’autre part, la Russie et la Chine.

Le nombre croissant de vetos dont les membres États-Unis, la Russie et la Chine ont fait usage au cours des trois dernières décennies objective également ces antagonismes. Si seulement 12 vetos ont été dénombrés entre 1994 et 2003 puis 16 entre 2004 et 2013, la décennie 2014-2024 a été marquée par le recours à 47 vetos, ce qui illustre la forte progression de son usage par rapport aux périodes précédentes.

Usage du veto par la russie, les états-unis et la chine sur les projets de résolution examinés par le conseil de sécurité depuis 1990

Date

Projet de résolution

Sujet

Membre(s) permanent(s) ayant fait usage du veto

24 avril 2024

S/2024/302

Non-prolifération

Russie

18 avril 2024

S/2024/312

Admission de la Palestine comme État membre

États-Unis

28 mars 2024

S/2024/255

Non-prolifération : Corée du Nord

Russie

22 mars 2024

S/2024/239

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

Russie, Chine

20 février 2024

S/2024/174

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

8 décembre 2023

S/2023/970

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

25 octobre 2023

S/2023/792

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

Russie, Chine

18 octobre 2023

S/2023/773

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

30 août 2023

S/2023/638

Situation au Mali

Russie

11 juillet 2023

S/2023/506

Situation au Moyen-Orient

Russie

30 septembre 2022

S/2022/720

Maintien de la paix et de la sécurité en Ukraine

Russie

8 juillet 2022

S/2022/538

Situation au Moyen-Orient

Russie

26 mai 2022

S/2022/431

Non-prolifération : Corée du Nord

Russie, Chine

25 février 2022

S/2022/155

Maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine

Russie

13 décembre 2021

S/2021/990

Maintien de la paix et de la sécurité internationales

Russie

31 août 2020

S/2020/852

Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme

États-Unis

10 juillet 2020

S/2020/667

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

7 juillet 2020

S/2020/654

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

20 décembre 2019

S/2019/961

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

19 septembre 2019

S/2019/756

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

28 février 2019

S/2019/186

Situation au Venezuela

Russie, Chine

1er juin 2018

S/2018/516

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

10 avril 2018

S/2018/321

Situation au Moyen-Orient

Russie

26 février 2018

S/2018/156

Situation au Moyen-Orient

Russie

18 décembre 2017

S/2017/1060

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

17 novembre 2017

S/2017/970

Situation au Moyen-Orient

Russie

16 novembre 2017

S/2017/962

Situation au Moyen-Orient

Russie

24 octobre 2017

S/2017/884

Situation au Moyen-Orient

Russie

12 avril 2017

S/2017/315

Situation au Moyen-Orient

Russie

28 février 2017

S/2017/172

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

5 décembre 2016

S/2016/1026

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

8 octobre 2016

S/2016/846

Situation au Moyen-Orient

Russie

29 juillet 2015

S/2015/562

Maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine

Russie

8 juillet 2015

S/2015/508

Situation en Bosnie-Herzégovine

Russie

22 mai 2014

S/2014/348

Situation au Moyen-Orient : Syrie

Russie, Chine

15 mars 2014

S/2014/189

Maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine

Russie

19 juillet 2012

S/2012/538

Situation au Moyen-Orient : Syrie

Russie, Chine

4 février 2012

S/2012/77

Situation au Moyen-Orient : Syrie

Russie, Chine

4 octobre 2011

S/2011/612

Situation au Moyen-Orient

Russie

18 février 2011

S/2011/24

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

15 juin 2009

S/2009/310

Situation en Géorgie

Russie

11 juillet 2008

S/2008/447

Situation au Zimbabwe

Russie, Chine

12 janvier 2007

S/2007/14

Situation en Birmanie

Russie, Chine

11 novembre 2006

S/2006/878

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

13 juillet 2006

S/2006/508

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

5 octobre 2004

S/2004/783

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

21 avril 2004

S/2004/313

Situation en Bosnie-Herzégovine

Russie

25 mars 2004

S/2004/240

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

14 octobre 2003

S/2003/980

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

16 septembre 2003

S/2003/891

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

20 décembre 2002

S/2002/1385

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

30 juin 2002

S/2002/712

Situation en Bosnie-Herzégovine

États-Unis

14 au 15 décembre 2001

S/2001/1199

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

27 au 28 mars 2001

S/2001/270

Situation au Moyen-Orient

incluant la question palestinienne

États-Unis

25 février 1999

S/1999/201

Situation en Macédoine

Chine

21 mars 1997

S/1997/241

Situation dans les territoires arabes occupés

États-Unis

7 mars 1997

S/1997/199

Situation dans les territoires arabes occupés

États-Unis

10 janvier 1997

S/1997/18

Situation en Amérique centrale

Chine

17 mai 1995

S/1995/394

Situation dans les territoires arabes occupés

États-Unis

2 décembre 1994

S/1994/1358

Situation en Bosnie-Herzégovine

Russie

11 mai 1993

S/25693

Situation à Chypre

Russie

31 mai 1990

S/21326

Situation dans les territoires arabes occupés

États-Unis

17 janvier 1990

S/21084

Situation au Panama

États-Unis

Source : données publiées par l’Organisation des Nations Unies, mai 2024.

« [S]ouvent présenté comme la cause majeure de la passivité coupable des Nations Unies » ([209]) selon l’ancien ambassadeur Alain Dejammet lui aussi entendu, le veto est autant critiqué pour la dimension « aristocratique » qui s’y attache que pour son utilisation détournée, presque « déraisonnable », à laquelle les États-Unis et la Russie se livreraient sans vergogne, comme l’analyse le Professeur Julian Fernandez dans sa contribution écrite remise à l’issue de son audition : « Il est indéniable que le veto a tout, vu de loin, du coupable parfait pour celui qui recherche un responsable aux défaillances onusiennes. Il crée une asymétrie entre États puisqu’il vient protéger les membres permanents contre une mesure du Conseil qu’ils jugeraient contraire à leurs intérêts. Il est par excellence la faculté d’empêcher de faire. Pour ses critiques, le veto ne serait finalement utilisé que pour des mauvaises raisons : la défense d’intérêts personnels au détriment de ceux de l’humanité ou de la communauté internationale » ([210]).

Les rapporteurs considèrent que ces critiques sont assez largement justifiées. L’usage duopolistique du veto par les États-Unis et la Russie, notamment depuis la fin de la guerre froide, décrit un comportement qui a, selon l’expression de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, « beaucoup à voir avec leurs intérêts propres et peu avec la sécurité collective » ([211]).

Pour autant, les travaux ont également fait apparaître le caractère indépassable voire indispensable du droit de veto, perçu par Pascal Boniface, lors de son audition, comme un « mal nécessaire ».

Premièrement, à l’instar du privilège que représente le fait de détenir un siège permanent au Conseil de sécurité, le droit de veto constitue dès l’origine « l’assurance-vie » ([212]) des Nations Unies, ce que rappelle le professeur Serge Sur : « Imagine-t-on les États-Unis et l’URSS spécialement accepter à Yalta de subordonner leur conception de la sécurité et leurs intérêts nationaux à un organe international qu’ils ne maîtriseraient pas ? » ([213]).

Deuxièmement, si son usage provoque l’impuissance du Conseil à mettre fin à des conflits meurtriers, il peut a contrario contribuer à garantir le respect de la Charte des Nations Unies en s’opposant à des interventions armées contraires au droit international mais susceptibles d’être autorisées grâce à l’accord – certes improbable – des membres permanents. Si la France n’a finalement pas utilisé son veto lors de l’invasion anglo-américaine en Irak, la menace de son usage a permis d’éviter d’impliquer l’ONU dans la guerre menée par les États-Unis, quand bien même la position française n’a pas été en mesure de l’empêcher in fine.

Troisièmement, le veto peut indirectement protéger la paix. Le professeur Serge Sur estime ainsi que « si le Conseil permettait à une majorité d’autoriser le recours à la force contre un membre permanent ou contre l’un de ses alliés, on risquerait un conflit ouvert, voire généralisé » ([214]). L’échec de la Société des Nations, minée par les départs successifs des États visés par des décisions condamnant leurs guerres d’agression, démontre selon Alain Dejammet que, « pour regrettable que soit cette neutralisation du Conseil de sécurité, celle-ci pourtant peut se révéler moins dangereuse qu’une décision qui, prise à la majorité et mettant au ban une superpuissance, risquerait de la pousser, par esprit de revanche et de défi, à recourir aux armes » ([215]).

Attribut de puissance, le veto s’apparente aussi à un aveu de faiblesse, tant pour le Conseil de sécurité – confronté à son incapacité à résoudre les crises – que pour les États qui y ont recours, ainsi contraints de révéler leur isolement au sein du Conseil. Le veto américain contre l’admission de la Palestine en tant qu’État membre des Nations Unies ([216]), pourtant massivement approuvée par une résolution adoptée à l’Assemblée générale le 10 mai 2024 ([217]), en fournit une nouvelle illustration.

c.   Des méthodes de travail confortant initialement la domination des cinq membres permanents, malgré l’influence croissante des dix membres non-permanents

L’article 30 de la Charte des Nations Unies prévoit que le Conseil de sécurité fixe son règlement intérieur. Dès 1946, il a ainsi adopté un « règlement intérieur provisoire » ([218]) qui a fait l’objet de sept révisions, la dernière ayant été adoptée en 1982 ([219]). Si elle présente une dimension technique suscitant un faible intérêt médiatique, la codification des dispositions régissant le fonctionnement, l’organisation et la procédure d’examen et d’adoption des résolutions constitue un réel enjeu pour les États membres. C’est particulièrement le cas pour les membres non-permanents, dont les représentations diplomatiques sont par nature moins expérimentées que celles des membres permanents, complexifiant ainsi la maîtrise des règles et des usages qui encadrent le travail quotidien accompli par le Conseil de sécurité ([220]).

L’organisation non-gouvernementale Security Council Report rappelle le poids décisif de la pratique dans le fonctionnement du Conseil, ce qui conforte par ricochet la domination qu’exercent en son sein les membres permanents dont la présence continue leur attribue une « autorité naturelle » vis-à-vis de leurs homologues : « Bien que les méthodes de travail du Conseil de sécurité découlent de la Charte des Nations Unies et du Règlement intérieur provisoire, leur développement au fil des ans s’est largement fondé sur la pratique plutôt que sur des documents spécifiques. Au cours des 45 premières années d’existence du Conseil, le mode de fonctionnement du Conseil s’est transmis oralement d’une génération de diplomates à une autre » ([221]).

Pour autant, l’activité croissante du Conseil depuis la fin de la guerre froide a rendu nécessaire la formalisation de ses méthodes de travail, dans l’objectif légitime de renforcer la transparence de ses travaux et l’accessibilité de ses règles internes. C’est dans ce cadre qu’il a créé en juin 1993 le groupe de travail informel (GTI) sur la documentation et les autres questions de procédure avant de produire en 2002 le premier index rassemblant dans un document unique l’ensemble des pratiques régissant son fonctionnement. Ces évolutions ont abouti à l’élaboration par la présidence japonaise du Conseil, en juillet 2006, de la « Note 507 » ([222]), actualisée et complétée en août 2017 et en décembre 2019. La « Note 507 » entérine les pratiques relatives aux prérogatives dont dispose la présidence du Conseil ([223]), de la définition de l’ordre du jour, du format des réunions et consultations, des relations avec l’Assemblée générale et le Secrétariat, de l’organisation des débats, de l’élaboration et de l’examen des projets de résolution ou encore de la typologie des décisions que le Conseil peut adopter.

Face à la rigidité des conditions de révision de la Charte des Nations Unies et du règlement intérieur provisoire, cet effort de codification a facilité l’acculturation des membres non-permanents à l’ensemble des moyens et leviers qu’ils peuvent utiliser afin de déployer efficacement leur action diplomatique au sein du Conseil. À titre d’exemple, l’ouverture du Conseil vers l’extérieur s’est notamment développée grâce au recours à la formule « Arria », qui permet aux États membres d’auditionner des personnalités extérieures au système onusien.

Réunions du Conseil de sécurité selon la formule « Arria »

Lors de la présidence du Conseil par le Venezuela en mars 1992, son ambassadeur Diego Arria avait été sollicité par le père Jozo Zovko, un prêtre franciscain croate de Bosnie, qui souhaitait témoigner des violences commises en Bosnie-Herzégovine. N’étant ni membre du Secrétariat ni délégué d’un État membre, les formats de réunion existants ne lui permettaient pas d’être auditionné par le Conseil. Diego Arria a décidé de convier les membres du Conseil à rencontrer Jozo Zovko autour d’un café, dans le salon des délégués de l’ONU.

Ces réunions informelles selon le format dit « Arria » sont convoquées à l’initiative d’un ou de plusieurs membres du Conseil de sécurité afin d’auditionner divers acteurs, tels que des délégations de haut niveau d’États membres ne faisant pas partie du Conseil, des représentants d’acteurs non-étatiques ou de la société civile, ainsi que des chefs d’organisations internationales. La tenue de ces réunions ne nécessite pas l’accord de l’ensemble des membres du Conseil et certains d’entre eux peuvent décider de ne pas y participer. Ces réunions offrent un espace de dialogue particulièrement souple : en mars 2018, une réunion selon la formule « Arria » avait été rapidement organisée, après qu’un vote de procédure avait fait échouer un exposé du Conseil sur la situation des droits de l’homme en Syrie par le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme.

Les réunions organisées selon la formule « Arria » peuvent être publiques, autorisant la présence de représentants d’autres États membres ou de la société civile, ou être à huis clos et réservées aux seuls membres du Conseil. Depuis août 2016, la plupart des réunions publiques organisées selon la formule « Arria » sont disponibles en ligne sur « UN Web TV ». Les réunions ne font pas l’objet de procès-verbaux écrits, mais certains résumés ont été diffusés en tant que documents du Conseil à la demande de l’État organisateur.

Source : Security Council Report, Manuel du Conseil de sécurité de l’ONU, guide de l’utilisateur aux pratiques et aux procédures, 2021, pp. 37-38.

La fine connaissance de l’organisation des travaux du Conseil de sécurité contribue à renforcer l’influence qu’exercent les États en son sein, indépendamment de leur qualité de membre permanent ou non-permanent.

La présidence mensuelle du Conseil, assurée à tour de rôle par chacun de ses quinze membres, permet à son titulaire d’élaborer un programme de travail qui rythme l’ordre du jour des séances du Conseil. Si la présidence suppose une impartialité dans la conduite des débats, elle constitue également une opportunité de décliner les priorités de l’État qui en assure la charge, grâce à l’organisation d’évènements au niveau ministériel ou à l’audition de personnalités extérieures au Conseil. La dernière présidence française en janvier 2024 a notamment permis de mobiliser le Conseil aussi bien sur le conflit à Gaza – lors d’un débat ministériel qui s’est tenu en présence du ministre Stéphane Séjourné et du secrétaire général António Guterres – que sur la liberté de navigation en mer Rouge ou sur les risques nucléaires que font peser les combats russo-ukrainiens à proximité de la centrale de Zaporijjia ([224]).

De manière plus opérationnelle, les auditions conduites par les rapporteurs ont fait apparaître le caractère décisif d’une fonction pourtant peu médiatisée : celle qui incombe à l’État « rédacteur » d’un projet de résolution, désigné sous le vocable de « plume ». La direction des Nations Unies et des organisations internationales du ministère de l’Europe et des affaires étrangères estime que « ce rôle informel lui confère une certaine marge de manœuvre dans l’élaboration du texte et le choix de la date du vote » ([225]).

Les anciens ambassadeurs français à l’ONU auditionnés s’accordent à souligner la position stratégique qu’occupe la France en la matière ([226]), étant à l’initiative de près du quart des résolutions adoptées par le Conseil chaque année ([227]). Selon Gérard Araud, l’agilité et le savoir-faire diplomatique des membres de la représentation permanente française à New York ([228]) contrastent avec la lourdeur des circuits de validation interne propre à la délégation américaine ([229]) et l’attentisme habituel des représentations russe et chinoise ([230]). L’ambassadeur François Delattre, représentant permanent de la France entre 2014 et 2019, a souligné le rôle-clef exercé par la France en tant que « plume » afin de négocier l’adoption de deux résolutions visant à condamner le terrorisme international à la suite des attentats de Paris le 13 novembre 2015 ([231]) et à autoriser l’envoi d’observateurs de l’ONU à Alep pour superviser l’évacuation de la ville assiégée par le régime syrien ([232]).

Ainsi que l’observe l’ancienne cheffe du secrétariat du Conseil de sécurité Loraine Sievers, la primauté des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France en tant que « plumes » des projets de résolution « ne permet que peu de possibilités aux autres membres du Conseil, notamment les membres élus, d’initier des projets » ([233]).

Historiquement marginalisés dans le processus de rédaction des projets de résolution, les dix membres non-permanents exercent néanmoins une influence croissante en la matière, confortés par l’actualisation en août 2017 de la « Note 507 » qui rappelle que « tout membre du Conseil de sécurité peut être rédacteur » ([234]). Initiée par l’Algérie, l’adoption par le Conseil de sécurité le 25 mars 2024 de la résolution appelant à un cessez-le-feu à Gaza et à la libération des otages israéliens retenus par le Hamas ([235]) illustre pleinement ce rééquilibrage des rôles, certes timide, au profit des membres non-permanents.

Plus fondamentalement, la division entre les cinq membres permanents tend, par effet de miroir, à stimuler une forme de solidarité entre les dix membres non-permanents. Ces derniers cherchent fréquemment à mettre en place des coopérations destinées à compenser le poids et les privilèges statutaires dont jouissent les membres permanents. Selon Arthur Bouteillis, cette évolution démontre le degré de « maturité » ([236]) auquel parviennent progressivement les États élus au Conseil de sécurité, rejoignant ainsi l’analyse développée en ces termes par Loraine Sievers : « Depuis 2011, alors que les positions opposées prises par le P5 ([237])  bloquaient des initiatives du Conseil sur des questions importantes, les dix membres élus se sont davantage mobilisés. Ils ont commencé à prendre des positions coordonnées, y compris sur les méthodes de travail et sur la recherche en particulier d’un partage plus égal du pouvoir entre tous les membres du Conseil » ([238]).

Les rapporteurs estiment que la montée en puissance des membres non-permanents révèle les fortes attentes de la communauté internationale et des opinions publiques mondiales à l’égard du Conseil de sécurité, encore appréhendé comme l’organe clef des Nations Unies. Cependant, s’il parvient encore à adopter plusieurs dizaines de résolutions chaque année, son impuissance à prévenir ou résoudre les crises majeures se conjugue également aux incertitudes qui entourent la mise en œuvre de ses décisions, interrogeant ainsi l’utilité de son action.

2.   Le double visage du Conseil de sécurité

Devant les rapporteurs, les membres de la direction des Nations Unies et des organisations internationales (DNUOI) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ont réfuté le constat d’une « paralysie » du Conseil de sécurité. Néanmoins, ils admettent que les critiques liées à son manque d’efficacité s’expliquent par les « difficultés rencontrées pour réagir aux situations en Ukraine et au Proche-Orient » ([239]).

Entravée face aux crises majeures, l’activité du Conseil demeure encore relativement soutenue au regard du nombre de résolutions adoptées chaque année, même si leur portée concrète suscite parfois des doutes sérieux.

a.   Un blocage désormais structurel face aux crises majeures

La réapparition de divisions profondes depuis le début des années 2010 entre, d’une part, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, et d’autre part, la Russie et la Chine, a contribué à figer les positions des membres permanents au Conseil de sécurité. Le renversement du régime libyen consécutif à l’intervention militaire autorisée par le Conseil ([240]) constitue un point de bascule régulièrement identifié lors des auditions des rapporteurs.

Privilégiant alors l’abstention à l’utilisation du veto, la Chine et la Russie ont ensuite tiré les enseignements de cet épisode en durcissant considérablement leur stratégie diplomatique. Il en résulte une forme de passivité à l’épreuve des crises ultérieures, le Conseil ne parvenant plus à s’unir efficacement dès lors que la Russie et, dans une moindre mesure, la Chine suspectent les puissances occidentales d’utiliser les outils onusiens dans un but différent de celui pour lequel le Conseil est habilité à agir. Selon cette grille de lecture, les États-Unis et leurs alliés seraient ainsi moins soucieux de garantir la paix et la sécurité internationales, conformément à la Charte des Nations Unies, que de défendre habilement – et cyniquement – leurs intérêts. À l’inverse, la Russie est d’autant plus tentée de s’affranchir des règles du droit international qu’elle dispose des moyens juridiques, grâce au veto, de s’opposer aux sanctions que le Conseil serait susceptible de prendre à son encontre.

Gérard Araud observe ainsi que « [l]e Conseil de sécurité des Nations Unies est limité dans son action par la volonté déterminée des États-Unis, de la Russie et de la Chine de l’exclure du règlement de toute crise où leurs intérêts vitaux sont engagés. Ils veulent garder le contrôle du processus et refusent toute interférence qu’ils ne contrôlent pas. Conflit israélo-palestinien, Ukraine, Syrie (mais aussi Sri Lanka et Myanmar en d’autres temps) soit ne sont pas traités par le Conseil soit le sont de manière subsidiaire. Le Conseil continuera donc de s’occuper des conflits qui n’intéressent que marginalement les grandes puissances, ce qui ne signifie pas qu’ils n’ont aucune importance [...] » ([241]).

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 et la guerre à Gaza à la suite des attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 ont montré l’impuissance du Conseil de sécurité à surmonter ses divisions. Son bilan d’activité en 2023 ([242]) présente une certaine ambivalence : si ses membres ont participé à 271 séances publiques et 19 séances privées, cumulant un record historique de 554 heures de réunion ([243]), la conclusion de leurs échanges apparaît modeste. Cinquante résolutions ont été adoptées, soit le nombre le plus faible depuis 2013, dont quinze n’ont pu être adoptées à l’unanimité. Dix projets de résolution ont également été rejetés, nombre record depuis la guerre froide, en raison de l’usage du veto ou d’un nombre insuffisant de votes favorables.

Vote sur les projets de résolution soumis à l’examen du conseil de sécurité entre 2014 et 2023

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Source : Organisation des Nations Unies, division des affaires du Conseil de sécurité, 2024.

L’incapacité du Conseil de sécurité à œuvrer efficacement en faveur de la paix au Proche-Orient se mesure à l’aune des délais au terme desquels il est parvenu à adopter un texte : au dernier trimestre 2023, seules deux résolutions strictement humanitaires et de faible envergure ([244]), sans exigence de cessez-le-feu, ont été adoptées à l’issue de plusieurs semaines de débats infructueux et du rejet de quatre projets de résolution. La situation en Ukraine se résume quant à elle à une impasse totale, le Conseil de sécurité n’ayant adopté aucune décision en la matière depuis le début du conflit.

Comme précédemment analysé, les blocages affectant le Conseil de sécurité ne sont plus circonscrits à la guerre en Ukraine et à la situation au Moyen-Orient : ils s’expriment également sur des dossiers qui recueillaient antérieurement un relatif consensus, à l’instar des vetos russes s’opposant aux projets de résolution sanctionnant la junte militaire au Mali ([245]) ou condamnant la prolifération d’armes nucléaires imputable au régime nord-coréen ([246]). De façon encore plus symbolique, le choix de la Russie de s’opposer à une résolution visant à lutter contre le développement d’armes nucléaires dans l’espace extra-atmosphérique ([247]) illustre le haut niveau de conflictualité auquel le Conseil est confronté, au-delà des réponses apportées aux crises sécuritaires soumises à son examen.

b.   Une activité globale encore soutenue, mais confrontée à un risque d’ineffectivité

En nette diminution depuis 2016, le nombre de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité cinquante en 2023 souligne cependant le maintien d’une capacité à agir au titre des missions que lui attribuent les chapitres VI et VII de la Charte des Nations Unies, respectivement relatifs au règlement pacifique des différends ([248]) et aux actions, autorisant ou non le recours à la force, que le Conseil de sécurité peut diligenter en cas de menace contre la paix et la sécurité internationales ([249]).

i.   Une capacité d’action centrée sur le renouvellement des opérations de maintien de la paix et des régimes de sanctions

Incapable de dégager une position commune sur les conflits russo-ukrainien et israélo-palestinien, le Conseil de sécurité concentre majoritairement son activité sur la résolution des crises sécuritaires en Afrique qui représentent près de la moitié des décisions adoptées chaque année.

Répartition géographique de l’objet des résolutions adoptées par le conseil de sécurité entre 2013 et 2023.
Source : mission d’information, d’après les données publiées par l’Organisation des Nations Unies.

Sur les cinquante résolutions adoptées en 2023, trente-et-une concernent la prorogation des mandats d’opérations de maintien de la paix ([250]), de missions politiques, de bureaux d’appui à la consolidation de la paix et de groupes d’experts. Six résolutions sont relatives à l’application de régimes de sanctions visant spécifiquement des entités ou des individus représentant une menace pour la paix et la sécurité ([251]).

Au total, la moitié des résolutions adoptées par le Conseil s’inscrit dans le champ du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, essentiellement au titre du renouvellement des opérations de maintien de la paix et des régimes de sanctions.

Répartition géographique et thématique des résolutions adoptées par le conseil de sécurité en 2023 dans le cadre du chapitre vii

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Source : Organisation des Nations Unies, division des affaires du Conseil de sécurité, 2024.

La décision d’imposer et de renouveler des sanctions à l’encontre de gouvernements, d’entités infra-étatiques, de groupes non-gouvernementaux ou encore d’individus constitue l’une des prérogatives majeures du Conseil de sécurité, sur le fondement de l’article 41 de la Charte des Nations Unies.

Article 41 de la Charte des Nations Unies

« Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques. »

Le Conseil de sécurité a créé trente régimes de sanctions depuis 1966, principalement au cours des années 1990. Leur efficacité réelle est sujette à caution. Si certains d’entre eux ont été considérés comme des succès, tel l’embargo sur les armes visant le régime sud-africain au moment de l’apartheid ([252]), la multiplication de leur mise en œuvre a fait l’objet de fortes critiques au regard des conséquences humanitaires dont les populations des États concernés étaient les victimes, à l’image des souffrances endurées par le peuple irakien ([253]). Le meilleur ciblage des sanctions depuis les années 2000 permet de moduler et de préciser les mesures applicables, telles que le contrôle des échanges commerciaux et financiers, l’interdiction de voyage ou le gel des avoirs de certains individus, dans le but de garantir leur efficacité et de réduire les effets collatéraux indésirables qu’elles sont susceptibles d’engendrer.

Utilisé après la fin de la guerre froide de façon « imprudente et même inconséquente » ([254]), cet outil constitue, selon Jean-Marc de La Sablière, un moyen d’action essentiel du Conseil de sécurité afin de réprimer des comportements portant atteinte à la sécurité internationale : « Entre les recommandations du Conseil dont la mise en œuvre reste subordonnée à la bonne volonté des parties, et l’emploi de la force, décision extrême et lourde de conséquences, le Conseil doit pouvoir disposer d’un outil intermédiaire qui soit à la fois crédible, efficace et incontesté » ([255]).

En dépit du veto opposé le 30 août 2023 par la Russie au projet de résolution renouvelant les sanctions visant la junte militaire malienne depuis 2017, quatorze régimes de sanctions étaient applicables au 1er janvier 2024.

régimes de sanctions applicables au 1er janvier 2024

Résolution initiale du Conseil de sécurité

État, entités et/ou individus concernés

Résolution S/RES/661 du 6 août 1990

Irak

Résolution S/RES/733 du 23 janvier 1992

Chebabs somaliens

Résolution S/RES/1267 du 15 octobre 1999

Al-Qaida, État islamique en Irak et au Levant

Résolution S/RES/1493 du 28 juillet 2003

République démocratique du Congo

Résolution S/RES/1556 du 30 juillet 2004

Soudan

Résolution S/RES/1636 du 31 octobre 2005

Liban

Résolution S/RES/1718 du 14 octobre 2006

Corée du Nord

Résolution S/RES/1970 du 26 février 2011

Libye

Résolution S/RES/1988 du 17 juin 2011

Talibans afghans

Résolution S/RES/2048 du 18 mai 2012

Guinée-Bissau

Résolution S/RES/2127 du 5 décembre 2013

République centrafricaine

Résolution S/RES/2140 du 26 février 2014

Yémen

Résolution S/RES/2206 du 3 mars 2015

Sud-Soudan

Résolution S/RES/2653 du 21 octobre 2022

Haïti

Source : Organisation des Nations Unies, répertoire de la pratique du Conseil de sécurité.

Ces régimes de sanctions font l’objet d’une supervision régulière par des comités des sanctions ad hoc et autres groupes d’experts et de surveillance agissant en tant qu’organes subsidiaires créés par le Conseil de sécurité. Au 1er janvier 2024, 676 individus et 193 entités étaient visés par des sanctions prises par le Conseil de sécurité ([256]).

Les comités des sanctions créés par le Conseil de sécurité

Les États membres du Conseil de sécurité siègent dans les comités des sanctions, où sont notamment examinées les propositions de désignations, radiations, éventuelles notifications ou demandes d’exemptions et problématiques de mise en œuvre.

Certains comités de sanctions sont également dotés, aux termes des résolutions du Conseil, de panels d’experts – également appelés « groupes d’experts » ou « équipes de surveillance » selon les cas. Il s’agit là d’équipes de petite taille – entre quatre et dix personnes – composées de personnalités indépendantes nommées par le Secrétariat des Nations Unies et qui ont notamment la charge de remettre des rapports aux comités sur la mise en œuvre des sanctions et l’adaptation de celles‑ci aux objectifs recherchés.

Tous les comités de sanctions rendent compte publiquement de leurs activités au Conseil de sécurité au moins une fois par an.

Source : rapport d’information n° 1542 de Thibaut François et Christophe Weissberg au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, 19 juillet 2023, p. 22.

La sophistication progressive des mesures de sanctions et leur suivi par les organes subsidiaires créés par le Conseil de sécurité se heurtent néanmoins à la difficulté d’en vérifier la mise en œuvre concrète. À titre d’exemple, la complaisance affichée par la Russie et la Chine à l’égard du régime nord-coréen ne facilite pas l’application des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité depuis 2006 ([257]). En outre, la Cour de justice de l’Union européenne ([258]) et la Cour européenne des droits de l’Homme ([259]) exercent un contrôle très strict des actes pris par les États ou les institutions européennes afin de mettre en œuvre les sanctions individuelles adoptées par le Conseil de sécurité, dont les résolutions en la matière sont soumises au respect des droits fondamentaux et ne bénéficient donc d’aucune forme d’immunité juridictionnelle.

Plus généralement, le caractère contraignant et l’effectivité réelle des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité ne paraissent pas systématiquement garantis, au risque d’affaiblir lourdement le rôle qu’il exerce en tant que garant de la paix et de la sécurité internationales.

ii.   Des résolutions dont la portée et l’effectivité suscitent des interrogations

Comme précédemment analysé, la plupart des résolutions adoptées par l’Assemblée générale sont dépourvues de valeur contraignante. Elles produisent donc des effets concrets limités, en dépit de la valeur symbolique qui s’y attache. Établir un constat identique s’agissant de l’activité normative du Conseil de sécurité apparaît abusif. Cependant, les auditions effectuées par les rapporteurs, notamment lors de leurs déplacements à Genève et à New York, ont mis en exergue les doutes qui entourent, d’une part, la force juridique de ses décisions, et d’autre part, leur respect effectif sur le terrain.

Premièrement, seule la moitié des décisions adoptées par le Conseil de sécurité en 2023 relève du chapitre VII de la Charte des Nations Unies qui l’autorise à adopter des mesures contraignantes pouvant aller jusqu’au recours à la force pour accomplir ses missions. Si la portée juridique de ce type de résolutions semble évidente, la force contraignante des autres décisions votées par le Conseil n’est pas acquises, à l’instar des recommandations visant à prévenir les conflits relevant du chapitre VI de la Charte, malgré l’article 25 de celle-ci qui prévoit que les « États membres conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité ».

Dans son avis consultatif rendu le 21 juin 1971, la CIJ considère que le caractère contraignant des résolutions du Conseil de sécurité s’évalue au cas par cas, laissant entendre que certaines d’entre elles ne sauraient revêtir par principe une force obligatoire : « Il faut soigneusement analyser le libellé d’une résolution du Conseil de sécurité avant de pouvoir conclure à son effet obligatoire. Étant donné le caractère des pouvoirs découlant de l’article 25, il convient de déterminer dans chaque cas si ces pouvoirs ont été en fait exercés, compte tenu des termes de la résolution à interpréter, des débats qui ont précédé son adoption, des dispositions de la Charte invoquées et en général de tous les éléments qui pourraient aider à préciser les conséquences juridiques de la résolution du Conseil de sécurité » ([260]).

Requise par la jurisprudence de la CIJ, l’exégèse des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité se révèle délicate et peut donner lieu à des interprétations contradictoires sur l’appréciation de leur valeur juridique. Ainsi, la résolution votée à l’initiative de l’Algérie le 25 mars 2024 ([261]) appelant à un cessez-le-feu à Gaza et à la libération des otages israéliens a été immédiatement considérée par les États-Unis comme « non-contraignante », justifiant ainsi a posteriori le choix américain de s’abstenir au moment du vote, plutôt que d’y opposer le veto.

Dans une autre perspective, certaines résolutions adoptées par le Conseil témoignent parfois de prises de position générales sans référence à une situation ou à un différend international précis. Si les intentions poursuivies sont bien sûr louables et recueillent plus facilement un large consensus, à l’image de la résolution du 29 octobre 2021 visant à assurer la protection des enfants touchés par un conflit armé ([262]), les textes ainsi votés ne présentent pas de véritable dimension opérationnelle, ce qui affecte en conséquence leur valeur juridique. Regrettant cette tendance au « bavardage », l’ancien ambassadeur Alain Dejammet déplore la perte de sens qui en résulte : « La défaillance la plus grave des États membres [correspond à] cette inclination latente à rédiger des textes, des résolutions, sans se soucier de leur véritable poids. L’habitude a été prise, au fil des ans et des présidences successives du Conseil qui souhaitent laisser une trace de leur passage, de charger à ras bord les résolutions de mille préoccupations, aspirations diverses, hors d’état d’être satisfaites. Le résultat en est une accumulation d’injonctions dont la diversité et parfois la singularité rendent illusoire l’exécution. Le résultat en est que les textes ne paraissent pas applicables et finissent par être délaissés » ([263]).  

Les rapporteurs partagent cette analyse. Ces dérives peuvent apparaître anecdotiques et relativement banales dans les milieux diplomatiques, bien qu’il soit excessif d’en faire une généralité. Cependant, elles nourrissent les frustrations qu’expriment légitimement les opinions publiques mondiales face aux difficultés qu’éprouve l’ONU à agir efficacement en faveur de la paix et de la sécurité. Comme le rappelle Alain Dejammet, les solutions pour lutter contre ces tendances sont connues même si elles dépendent naturellement de la volonté des États et notamment de ceux chargés de rédiger les projets de résolution soumis à l’examen du Conseil : « La clef d’un retour des membres de l’ONU à un véritable respect de la Charte tiendrait dans la seule obligation qui compte : celle de prendre au sérieux les injonctions que nous nous donnons, de faire en sorte que le sens des mots soit pesé, que les conclusions de nos travaux soient réalistes, que nos décisions, rédigées en termes dénués d’emphase et d’ambiguïté, soient d’évidence susceptibles d’exécution, obligatoires”. Enfin l’ONU, redevenue efficace, serait-elle respectée pour ce qu’elle est : actrice de fond, de second plan peut-être, mais indispensable » ([264]).

Deuxièmement, au-delà des controverses relatives à la portée juridique des résolutions adoptées par le Conseil, le respect de leur mise en œuvre soulève d’autres interrogations. Entendu par les rapporteurs, le professeur Bertrand Badie souligne la difficulté de garantir le respect effectif des résolutions au regard de l’absence fréquente de mesures visant à sanctionner leur violation. Revêtues d’une indubitable force contraignante, de nombreuses résolutions adoptées par le Conseil de sécurité restent pourtant « lettre morte » en pratique, ce que le professeur Julian Fernandez résume en une formule : le Conseil est « une puissance de décision, il n’est pas une puissance d’exécution » ([265]).

Dans ses mémoires, Maurice Gourdault-Montagne, ancien conseiller diplomatique du président Jacques Chirac, rappelle ainsi la faible capacité du Conseil de sécurité à mettre en œuvre ses résolutions, notamment au Proche-Orient : « […] la résolution 1449 […] enjoignait aux Syriens de quitter le territoire libanais, ce qui n’eut finalement lieu, hélas, qu’après l’assassinat de Rafiq Hariri. La partie de la résolution qui concernait l’obligation faite aux milices de reverser leurs armes à l’État libanais n’eut, en revanche, pas de suite pratique » ([266]).

Autorisant la création d’une force multinationale de sécurité en Haïti, la résolution n° 2699 du 2 octobre 2023 ([267]) ne s’est pas encore concrétisée, plus de sept mois après son adoption par le Conseil de sécurité. La démission du premier ministre haïtien en mars 2024 a incité le Kenya à suspendre sa participation aux opérations, alors qu’il s’était engagé à mobiliser un millier de policiers afin de soutenir les autorités haïtiennes confrontées aux menaces des groupes armés.

Ces deux exemples soulignent l’enjeu crucial que représente la traduction concrète des résolutions adoptées par l’ONU, afin que celles-ci ne se réduisent pas à de simples « effets d’annonce » dénués d’utilité opérationnelle. Dans cette perspective, le déploiement des opérations de maintien de la paix sur les zones de conflit constitue une préoccupation majeure, au regard de la crédibilité de l’action menée par les Nations Unies pour garantir la sécurité internationale.

B.   Les opérations de maintien de la paix : Un modèle aux succès inégaux qu’il convient de moderniser

La remise en 1988 du prix Nobel de la paix aux forces de maintien de la paix des Nations Unies, couramment désignées sous l’appellation de « casques bleus », symbolise la place centrale qu’occupent les OMP dans la prévention et la résolution des conflits. Si l’ONU a envoyé ses premiers observateurs au Proche-Orient dès mai 1948 à la suite de la création de l’État d’Israël ([268]), la Force d’urgence des Nations Unies (FUNU), créée en novembre 1956 ([269]) afin de résoudre la crise de Suez, est considérée comme la première véritable OMP.

Soixante-et-onze ont été créées depuis lors, dont onze sont toujours en activité au 1er janvier 2024. La multiplication des OMP à la fin de la guerre froide semble attester de la réussite de ces missions, qui répondent à des principes communs mais dont les modalités s’adaptent à la spécificité de chaque situation. Pour autant, les échecs auxquels certaines d’entre elles ont été confrontées s’accompagnent d’une forme d’enlisement révélant aujourd’hui les faiblesses qui affectent leur fonctionnement. Face à ce constat, des pistes de réforme sont régulièrement avancées depuis une vingtaine d’années, afin de renforcer leur efficacité.

1.   La montée en puissance d’un outil dont le bilan s’avère contrasté

S’inscrivant dans un cadre juridique et opérationnel relativement souple, la multiplication des OMP depuis la fin des années 1980 présente des résultats ambivalents, entre utilité réelle et impuissance manifeste à atteindre les objectifs qui leur sont assignés.

a.   Initialement fondées sur des principes et des objectifs clairs, les OMP se sont multipliées depuis la fin de la Guerre froide

i.   Un cadre hybride, entre « prêt-à-porter » et « sur-mesure »

Adoptée par le Conseil de sécurité, la résolution créant – ou renouvelant – une OMP ne fait pas nécessairement référence aux dispositions du chapitre VI de la Charte des Nations Unies visant à prévenir pacifiquement les différends, ni à celles autorisant le recours à la force prévues par son chapitre VII. Dag Hammarskjöld, secrétaire général de l’ONU décédé en 1961 à la suite d’un accident d’avion lors d’une inspection de l’Opération des Nations Unies au Congo (ONUC), déclarait que les OMP se situaient à mi-chemin entre les deux chapitres précités, évoquant ainsi l’existence d’un « chapitre VI et demi ». Cependant, l’essentiel des OMP créées depuis les années 1990 s’inscrivent dans le cadre du chapitre VII, ce qui conforte l’autorité dont elles bénéficient sur le terrain.

Les OMP se fondent sur trois principes fondamentaux : le consentement des parties au conflit, l’impartialité de l’action accomplie par l’ONU et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense et de défense du mandat ([270]). Cette définition distingue les OMP des opérations coercitives visant à imposer ou rétablir la paix, telles que celles ayant été réalisées sous l’égide des Nations Unies ou avec leur autorisation lors de la guerre de Corée en 1950 et pour la libération du Koweït envahi par l’Irak en 1990. La déclaration présidentielle du Conseil de sécurité formulée le 3 mai 1994 ([271]) établit les critères déterminant le mandat des OMP susceptibles d’être mises en place :

– l’existence d’une situation dont l’évolution risque de compromettre la paix et la sécurité internationale ;

– l’application d’un cessez-le-feu et la capacité des parties engagées dans un processus de paix à s’accorder sur un règlement pacifique ;

– la capacité d’organisations régionales ou infrarégionales à apporter une aide au règlement pacifique du conflit ;

– la définition préalable d’un objectif politique clair susceptible de trouver son expression dans un mandat autorisant une OMP.

Le mandat fixé par le Conseil de sécurité définit les règles d’engagement applicables à l’ensemble des composantes civiles et militaires de l’OMP, s’agissant notamment du périmètre de leurs missions. Initialement centrées sur l’observation de la situation ([272]), elles se sont progressivement enrichies de tâches d’interposition visant à stabiliser la situation et à faciliter l’apaisement des tensions sur le terrain. Cette évolution a abouti au développement d’OMP qualifiées de « multidimensionnelles » ([273]). Répondant à des objectifs multiformes et particulièrement ambitieux, leurs contours ont été théorisés par la « doctrine Capstone » ([274]) que décline un document de synthèse publié en 2008 par le département des opérations de maintien de la paix (DOMP) du Secrétariat ([275]).

L’élargissement des tâches confiées aux OMP vise de façon générale à renforcer les structures institutionnelles d’États minés par les guerres régionales ou internes. Selon les cas d’espèce, diverses missions peuvent être assignées aux forces de maintien de paix ([276]), telles que :

– l’observation d’un cessez-le-feu ;

– l’action politique menée pour favoriser le dialogue entre les parties et la réconciliation nationale ;

– l’appui à des opérations de désarmement, de démobilisation mais aussi de réintégration d’éléments des forces rebelles dans une armée nationale structurée ;

– la réforme de la police et de la justice ;

– la protection des populations civiles ;

– le désarmement et le déminage ;

– la construction d’un État de droit, fondée notamment sur l’organisation, la surveillance voire la validation des processus électoraux.

La « doctrine Capstone » publiée en 2008 présente les principaux enjeux auxquelles sont confrontées les missions multidimensionnelles et le processus dans lequel elles ont vocation à s’inscrire. Investissant de manière active l’ensemble des leviers propres à la « consolidation » de la paix, elles vont désormais bien au-delà du rôle passif, voire attentiste, qui leur fut parfois reproché.

Fonctions essentielles d’une OMP multidimensionnelle

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Source : Organisation des Nations Unies, « doctrine Capstone », 2008, p. 25.

L’approche globalisante qui caractérise les mandats de ces OMP se conjugue à la multiplication du nombre de missions créées lors des années 1990, bien que cette tendance semble révolue depuis une décennie.

ii.   Marqué par une phase d’expansion inédite après la fin de la guerre froide, le nombre d’OMP a fortement diminué au cours de la dernière décennie

Le déverrouillage du Conseil de sécurité dans le contexte post-guerre froide a facilité l’adoption de résolutions créant de nouvelles OMP afin de répondre à la diversité des crises sécuritaires éclatant sur chaque continent. La phase de croissance enclenchée à la fin des années 1980 a atteint un pic en 1999, avec 33 OMP en activité à l’aube du XXIe siècle. Depuis cette date, le nombre d’OMP a été divisé par trois : seules 11 OMP sont encore actives au 1er janvier 2024.

Nombre d’OMP créées et en activité entre 1946 et 2024Source : mission d’information, d’après les données publiées par l’Organisation des Nations Unies, 2024.

Soixante OMP ont ainsi été créées et clôturées depuis 1946. Faisant généralement l’objet d’un renouvellement annuel, leur durée d’activité s’élève en moyenne à trois ans. Vingt-six d’entre elles concernaient le continent africain. Neuf se sont déroulées dans la zone caribéenne et d’Amérique centrale, huit dans la zone asiatique et pacifique, huit en Europe et sept au Moyen-Orient. Certaines missions ont été diligentées à plusieurs reprises dans le même État, à l’instar de la Somalie, de la Côte d’Ivoire ou d’Haïti.

Liste des omp créées depuis 1946 et clôturées au 1er janvier 2024

OMP

Date de création

Date de clôture

Afrique

Opération des Nations Unies au Congo

Juillet 1960

Juin 1964

Groupe d’Assistance des Nations Unies pour la période de transition en Namibie (GANUPT)

Avril 1989

Mars 1990

Mission de vérification des Nations Unies en Angola I (UNAVEM I)

Janvier 1989

Juin 1991

Mission de vérification des Nations Unies en Angola II (UNAVEM II)

Mai 1991

Février 1995

Mission de vérification des Nations Unies en Angola III (UNAVEM III)

Février 1995

Juin 1997

Opération des Nations Unies en Somalie I (ONUSOM I)

Avril 1992

Mars 1993

Opération des Nations Unies en Somalie II (ONUSOM II)

Mars 1993

Mars 1995

Opération des Nations Unies au Mozambique (ONUMOZ)

Décembre 1992

Décembre 1994

Mission d’observation des Nations Unies Ouganda-Rwanda (MONUOR)

Juin 1993

Septembre 1994

Mission d’observation des Nations Unies au Libéria (MONUL)

Septembre 1993

Septembre 1997

Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR)

Octobre 1993

Mars 1996

Groupe d’observateurs des Nations Unies pour la bande d’Aouzou, entre le Tchad et la Libye (GONUBA)

Mai 1994

Juin 1994

Mission d’observation des Nations Unies en Angola (MONUA)

Juin 1997

Février 1999

Mission des Nations Unies en République centrafricaine (MINURCA)

Mars 1998

Février 2000

Mission d’observation des Nations Unies en Sierra Leone I (MONUSIL I)

Juillet 1998

Octobre 1999

Mission d’observation des Nations Unies en Sierra Leone II (MONUSIL II)

Octobre 1999

Décembre 2005

Mission d’observation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC)

Novembre 1999

Juin 2010

Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE)

Juillet 2000

Juillet 2008

Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (MINUCI)

Mai 2003

Avril 2004

Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL)

Septembre 2003

Mars 2018

Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI)

Avril 2004

Juin 2017

Opération des Nations Unies au Burundi (ONUB)

Mai 2004

Décembre 2006

Mission des Nations Unies au Soudan

Mars 2005

Juillet 2011

Opération hybride Union africaine – Nations Unies au Darfour (MINUAD)

Juillet 2007

Décembre 2020

Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT)

Septembre 2007

Décembre 2010

Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA)

Avril 2013

Décembre 2023

Amérique centrale et Caraïbes

Mission du représentant du Secrétaire général en République dominicaine (DOMREP)

Mai 1965

Octobre 1966

Groupe d’observateurs des Nations Unies en Amérique centrale (ONUCA)

Novembre 1989

Janvier 1992

Mission d’observation des Nations Unies au Salvador (ONUSAL)

Mai 1991

Avril 1995

Mission des Nations Unies en Haïti (MINUHA)

Septembre 1993

Juin 1996

Mission d’appui des Nations Unies en Haïti (MANUH)

Juin 1996

Juillet 1997

Mission de vérification des Nations Unies au Guatemala (MINUGUA)

Janvier 1997

Mai 1997

Mission de transition des Nations Unies en Haïti (MITNUH)

Juillet 1997

Novembre 1997

Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH)

Juin 2004

Octobre 2017

Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH)

Octobre 2017

Octobre 2019

Asie et Pacifique

Force de sécurité des Nations Unies en Nouvelle Guinée occidentale (UNSF)

Octobre 1962

Avril 1963

Mission d’observation des Nations Unies pour l’Inde et le Pakistan (UNIPOM)

Septembre 1965

Mars 1966

Mission de bons offices des Nations Unies en Inde et au Pakistan (UNGOMAP)

Mai 1988

Mars 1990

Mission préparatoire des Nations Unies au Cambodge (MIPRENUC)

Octobre 1991

Mars 1992

Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC)

Février 1992

Septembre 1993

Mission d’observation des Nations Unies au Tadjikistan (MONUT)

Décembre 1994

Mai 2000

Mission d’appui des Nations Unies au Timor oriental (MANUTO)

Mai 2002

Mai 2005

Mission intégrée des Nations Unies au Timor-Leste (MINUT)

Août 2006

Décembre 2012

Europe

Force de protection des Nations Unies en Croatie, Bosnie-Herzégovine et Macédoine du Nord (FORPRONU)

Février 1992

Mars 1995

Mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG)

Août 1993

Juin 2009

Opération des Nations Unies pour le rétablissement de la confiance en Croatie (ONURC)

Mars 1995

Janvier 1996

Force de déploiement préventif des Nations Unies Macédoine du Nord (FORDEPRENU)

Mars 1995

Février 1999

Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH)

Décembre 1995

Décembre 2002

Administration transitoire des Nations Unies en Croatie pour la Slavonie orientale la Baranja et le Strem occidental (ATNUSO)

Janvier 1996

Janvier 1998

Groupe d’appui de la police des Nations Unies en Croatie (UNCPSG)

Janvier 1998

Octobre 1998

Moyen-Orient

Force d’urgence des Nations Unies en Égypte I (FUNU I)

Novembre 1956

Juin 1967

Force d’urgence des Nations Unies en Égypte II (FUNU II)

Octobre 1973

Juillet 1979

Groupe d’observation des Nations Unies au Liban (GONUL)

Juin 1958

Décembre 1958

Mission d’observation des Nations Unies au Yémen (MONUY)

Juin 1963

Décembre 1963

Groupe d’observateurs militaires des Nations Unies pour l’Iran et l’Irak (GOMNUII)

Août 1988

Février 1991

Mission d’observation des Nations Unies pour l’Irak et le Koweït (MONUIK)

Avril 1991

Octobre 2003

Mission de supervision des Nations Unies en République arabe syrienne (MISNUS)

Avril 2012

Août 2012

Source : mission d’information, d’après les données publiées par l’Organisation des Nations Unies, mai 2024.

À la suite de la clôture de la MINUSMA en décembre 2023, onze OMP sont encore en activité au 1er janvier 2024 ([277]).

OMP en activité au 1er janvier 2024

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Source : Organisation des Nations Unies, fiche d’information sur le maintien de la paix, 29 février 2024.

Représentant un budget de 5,5 milliards de dollars pour la période allant du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, les OMP mobilisent au total 72 255 agents dont 62 542 personnels en uniforme ([278]) issus de 121 États membres. Près de 750 soldats français sont déployés dans le cadre de quatre OMP ([279]), dont la majorité au Liban sous l’égide de la FINUL.

Panorama des 11 OMP en activité au 1er janvier 2024

OMP

Date de création

Personnels en activité

Total des pertes humaines depuis sa création

Budget, en millions de dollars

Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA)

Avril 2014

18 617

191

1 110

Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS)

Juillet 2011

18 125

137

1 200

Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abiyé au Soudan du Sud (FISNUA)

Juin 2011

3 400

55

281

Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO)

Juillet 2010

17 975

275

1 120

Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK)

Juin 1999

353

56

44

Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO)

Avril 1991

471

20

61

Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL)

Mars 1978

10 537

334

510

Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement sur le plateau du Golan (FNUOD)

Mai 1974

1 273

58

66

Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFYCIP)

Mars 1964

1 011

183

58

Groupe d’observateurs militaires des Nations Unies pour l’Inde et le Pakistan (GOMNUIP)

Janvier 1949

108

13

11

Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve à la suite de la guerre israélo-arabe (ONUST)

Mai 1948

385

52

37

Source : mission d’information, d’après les données publiées par l’Organisation des Nations Unies, février 2024.

Depuis 1948, près de 4 300 personnels de l’ONU, dont 115 Français, ont été tués dans le cadre des OMP. Ce bilan humain souligne les sacrifices et l’investissement constant de l’ensemble des organes des Nations Unies afin d’accomplir leurs missions au service de la paix et de la sécurité internationale.

Les travaux des rapporteurs ont souligné la difficulté de dresser un bilan objectif et exhaustif des OMP, ce que reconnaît le professeur Herman T. Salton : « [c]es opérations sont autant une incarnation qu’un outil du multilatéralisme, mais comme toutes les innovations, il s’agit d’un instrument aussi complexe que controversé qui attire à la fois les éloges et les critiques » ([280]).

Si elles ont bien sûr pu jouer un rôle dans l’évolution favorable de certaines situations ayant justifié leur création, l’appréciation précise de leur contribution à la résolution des conflits soulève des débats récurrents. À l’inverse, les récriminations dont elles font fréquemment l’objet peuvent apparaître abusives, tant l’échec des processus de maintien ou de consolidation de la paix présente, le plus souvent, une dimension plurifactorielle.

b.   Des résultats ambivalents, entre succès manifestes et échecs patents

i.   Des réussites saluées

Selon l’objectif qui leur était initialement assigné, plusieurs OMP sont considérées comme ayant rempli le mandat que leur a confié le Conseil de sécurité. Auditionnée par les rapporteurs, Alexandra Novosseloff ([281]) estime ainsi que la majorité des OMP ont été « des succès [et] ont évité la dislocation de certains États (comme la République démocratique du Congo et le Mali par exemple), ont accompagné des pays vers la stabilité (Côte d’Ivoire, Sierra Leone, Liberia, Cambodge), ont aidé à construire des États (Timor-Leste, Kosovo) » ([282]).

Si le déroulement des opérations conduites en République démocratique du Congo et au Mali s’est heurté à de nombreux obstacles ([283]) et à des défaillances majeures ([284]), plusieurs OMP sont considérées de façon consensuelle comme des « succès » probants.

À ce titre, M. Jean-David Levitte, ancien conseiller diplomatique des présidents de la République Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy et représentant permanent de la France à l’ONU entre 2000 et 2002, estime que la Mission préparatoire des Nations Unies au Cambodge (MIPRENUC) créée en octobre 1991 par le Conseil de sécurité, a utilement permis de concrétiser l’accord de paix signé à Paris le 23 octobre 1991. Celui-ci mit fin à la guerre civile consécutive à la prise de pouvoirs des Khmers rouges en 1975 puis à l’intervention militaire vietnamienne en 1978. Entre octobre 1991 et mars 1993, l’organisation d’élections démocratiques, le désarmement progressif des milices, le déminage des zones de conflit et le retour au Cambodge de centaines de milliers de réfugiés accueillis en Thaïlande ont constitué, selon Jean-David Levitte, l’une des plus grandes réussites obtenues par l’ONU dans le cadre de ses OMP.

Les OMP déployées au Mozambique (ONUMOZ) et en Côte d’Ivoire (ONUCI) sont aussi généralement appréhendées comme deux succès majeurs des Nations Unies : elles ont non seulement interrompu la guerre civile mais également accompagné le développement démocratique des deux États ([285]). Si leur durée diffère sensiblement – l’ONUMOZ ayant été opérationnelle entre décembre 1992 et décembre 1994 alors que l’activité de l’ONUCI s’est étendue d’avril 2004 à juin 2017 –, le respect du processus de paix et la tenue d’élections libres ont ouvert la voie à une sortie de crise durable. Au-delà des spécificités politiques et territoriales propres à chaque situation, Jean Marc de La Sablière énumère les principales conditions que les OMP doivent satisfaire pour garantir leur succès, c’est-à-dire « la disposition des parties à respecter les accords conclus, la qualité de ces accords mais aussi du mandat donné par le Conseil de sécurité, la détermination et l’unité des membres du Conseil, la coopération avec les pays de la région, le partenariat entre le Conseil de sécurité et le Secrétaire général et enfin les moyens mis à la disposition de la mission, ainsi que, le cas échéant, le soutien militaire extérieur dont elle peut disposer » ([286]).

Dans son discours prononcé devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 29 mars 2019, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean Yves Le Drian avait rappelé l’action salvatrice des casques bleus, qui témoigne, selon lui, du rôle unique qu’ils exercent sur les zones de conflit, là où aucun État n’aurait la volonté, la légitimité, ni les moyens pour accomplir, seul, cette mission : « Les Casques bleus s’engagent dans des situations et des zones dans lesquelles aucune nation ne serait prête à s’engager seule. Cet effort collectif, incarnation des valeurs du multilatéralisme et de la coopération, permet de sauver chaque année des milliers de vies » ([287]).

Les rapporteurs approuvent cette grille de lecture, à rebours des discours dépréciatifs portés à l’encontre des OMP et, de manière plus générale, de l’action pacificatrice de l’ONU. Pour autant, des constats d’échec peuvent également être établis, à la lumière des multiples opérations effectuées depuis le début des années 1990.

ii.   Des échecs d’une intensité variable et révélateurs de l’impuissance onusienne face aux conflits « ouverts » et « gelés » : les exemples du Rwanda et du Sahara occidental

Les échecs imputés aux OMP présentent une certaine hétérogénéité au regard de l’ampleur différente des drames qu’elles n’ont pas été en mesure de prévenir ou d’interrompre. Alain Dejammet identifie en ces termes, le principal reproche qui leur est adressé : « [L]es actions menées un peu partout en Afrique au titre du maintien de la paix ont souvent stabilisé une situation, fixé une ligne de démarcation, préservé tant bien que mal une zone tampon, mais n’ont pas réglé la crise. L’échec, accusa-t-on, fut cruel en ex-Yougoslavie et au Rwanda, où les opérations de maintien de la paix laissèrent se poursuivre les abominations » ([288]).

Il est possible de distinguer deux cas de figure : d’une part, les conflits « ouverts » dans lesquels les casques bleus sont déployés afin de s’interposer entre des belligérants encore impliqués dans des affrontements infraétatiques, sans qu’un cessez-le-feu ne soit effectivement mis en œuvre ([289]) et, d’autre part, les conflits « gelés » qui se caractérisent par un statu quo précaire et sans issue politique à court ou moyen terme.

La tragédie du génocide des Tutsis au Rwanda entre avril et juillet 1994, relève de la première catégorie. Créée avec réticence par le Conseil de sécurité en octobre 1993 ([290]) et clôturée en mars 1996, la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) constitue, selon Jean-Marc de La Sablière, « l’exemple à ne pas suivre » ([291]). Ne s’inscrivant pas dans le cadre du chapitre VII de la Charte, le mandat confié à la MINUAR, dépourvu de disposition relative à la protection des populations ou à la lutte contre les milices armées, n’était pas adapté à l’évolution de la situation. L’aggravation rapide des tensions ethniques a pris de court la MINUAR dont le sous-dimensionnement évident ([292]) l’a empêchée de prévenir les premiers massacres et de s’opposer au génocide ayant abouti à la mort de plus de 800 000 civils en une centaine de jours. Les divisions au sein du Conseil de sécurité et le manque de soutien des forces régionales favorisèrent l’échec de la MINUAR, se trouvant ainsi privée de la volonté et des moyens d’agir pour tenter de résoudre la crise.

Dans une perspective moins meurtrière, le conflit au Sahara occidental ([293])  qui oppose le Royaume du Maroc et la République arabe sahraouie démocratique proclamée par le Front Polisario en février 1976 ([294]) illustre l’impuissance des Nations Unies face à des confits dits « gelés ».

Créée en avril 1991 ([295]) dans le but, d’une part, de superviser l’accord de cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario et, d’autre part, d’organiser la tenue d’un référendum d’autodétermination à brève échéance, la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), toujours active à ce jour, n’a pas été en mesure d’atteindre les objectifs qui lui ont été assignés trois décennies plus tôt. Le rapporteur Jean-Paul Lecoq rappelle que la MINURSO est la seule OMP encore en activité dont le mandat est dépourvu de toute référence à la protection des droits humains, ce qui constitue une faille dans la légitimité du dispositif.

Outre la violation répétée du cessez-le-feu ([296]), aucun processus électoral n’a été mis en œuvre à ce jour. L’incapacité de la MINURSO à mener à bien sa mission se conjugue au non-respect du droit international tel qu’il résulte de la résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1975 ([297]), à la suite de l’avis consultatif rendu par la CIJ le 16 octobre 1975.

Sur le fondement de sa résolution 1514 du 14 décembre 1960 consacrant le droit inaliénable des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’Assemblée générale a ainsi rappelé la nécessité de « prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires, en consultation avec toutes les parties concernées et intéressées, pour faire en sorte que tous les Sahraouis originaires du territoire exercent pleinement et librement, sous la supervision de l’Organisation des Nations Unies, leur droit inaliénable à l’autodétermination » ([298]).

Considéré par la France comme « une base sérieuse et crédible des discussions » ([299]), le plan d’autonomie présenté par le Maroc en 2007 n’a semble-t-il fait l’objet d’aucune traduction concrète à ce jour, ce qui hypothèque les chances d’une « solution politique juste, durable et mutuellement acceptable au Sahara occidental » ([300]). Auditionné par les rapporteurs, Arthur Bouteillis observe que le dissensus persistant entre les parties au conflit, à l’image du refus qu’elles ont alternativement opposé aux onze premiers candidats au poste d’envoyé personnel du Secrétaire général proposé par ce dernier ([301]), affaiblit subséquemment l’autorité de la MINURSO. Les espoirs placés en elle semblent s’être dissipés, laissant la place à une forme d’indifférence, voire de crispation ([302]).

Les mandats de la MINURSO sont pourtant renouvelés chaque année par le Conseil de sécurité, sans véritable débat, ni réelle volonté d’apporter une réponse efficace aux difficultés auxquelles elle est confrontée.

Selon le rapporteur Jean-Paul Lecoq, le pourrissement de la situation constitue autant une faute qu’un danger. La méconnaissance du droit international prive la population sahraouie d’exprimer librement son choix depuis près d’un demi-siècle. L’ensemble des parties prenantes s’exposent à des risques accrus d’affrontements, la violence étant alors perçue comme le seul moyen de faire bouger les lignes. Outre la recrudescence d’incidents meurtriers dans la région de Guerguerat en 2020, la rupture du cessez-le-feu peut aboutir à des confrontations de plus grande envergure, au point de déstabiliser la région et de complexifier la prise en charge humanitaire des populations civiles victimes du conflit.

L’échec de la MINURSO révèle les failles des OMP dont les fragilités présentent aujourd’hui une dimension structurelle. Au-delà des spécificités propres à chaque OMP, il convient désormais de surmonter plusieurs défis aussi bien stratégiques qu’opérationnels.

2.   Affectées par des fragilités structurelles, les opérations de maintien de la paix s’exposent à un risque d’enlisement

Les onze OMP actuellement déployées font face à deux enjeux principaux : l’inadaptation des mandats sur le fondement desquels elles existent et l’insuffisance des moyens dont elles disposent afin d’accomplir leurs missions.

a.   Des mandats mal calibrés, à l’épreuve d’un contexte local complexe

i.   Le contenu des mandats

Lorsque le Conseil de sécurité autorise la création ou le renouvellement des OMP, le contenu de leur mandat fait l’objet de critiques souvent contradictoires.

Comme l’a souligné le général Vincent de Kytspotter ([303]) lors de son audition à New York, les mandats dits « arbres de Noël » inhérents aux missions multidimensionnelles des années 2000 revêtent souvent une dimension « fourre-tout » : ils poursuivent des ambitions multiformes et parfois démesurées compte tenu de la réalité de la situation politique sur la zone concernée et des moyens nécessairement limités dont dispose l’ONU. Si elle se justifie sur un plan théorique, la volonté de tout inclure dans ces mandats révèle en pratique une imparfaite définition des besoins dont découle une mauvaise hiérarchisation des priorités. Il en résulte un décalage croissant entre les attentes légitimes mais excessives qu’engendrent de telles missions et les résultats décevants mais prévisibles qu’elles obtiennent sur le terrain.

À l’inverse, l’incomplétude des mandats des OMP a nourri des critiques récurrentes adressées au Conseil de sécurité. L’absence de référence au chapitre VII de la Charte, les « oublis » quant à la préservation des droits de l’Homme ou à la mise en place de mécanismes politiques susceptibles de résoudre le conflit, illustrent le caractère lacunaire des ordres de mission assignés aux OMP, ainsi dépourvues de prérogatives qui auraient pourtant contribué à leur réussite opérationnelle. De manière plus générale, le secrétaire général-adjoint des Nations Unies chargé des opérations de la paix, Jean-Pierre Lacroix, a rappelé lors de son audition la nécessité d’adosser les OMP à des perspectives de résolution politique des conflits. Tiré de l’expérience, cet impératif implique la participation des forces onusiennes mobilisées à la facilitation d’un processus politique susceptible de garantir la bonne exécution de leurs missions.

L’élaboration des mandats se situe donc sur une ligne de crête, entre une exigence de « robustesse » et un besoin de clarification – et de priorisation – des objectifs que les forces des Nations Unies ont vocation à atteindre. Cet équilibre périlleux s’évalue notamment à la lumière des hésitations du Conseil de sécurité et du Secrétariat sur la portée de la notion de « protection des civils ». Déjà prégnantes lors de l’adoption de la résolution de l’Assemblée générale consacrant la « responsabilité de protéger » ([304]), les divergences idéologiques autour de ce concept ont été exacerbées à l’occasion de l’intervention militaire ayant conduit au renversement du régime libyen en 2011. Ces débats ont renforcé les incertitudes qui entourent le périmètre exact des OMP, alternativement accusées d’ingérence dans les affaires intérieures de l’État d’accueil ou d’impuissance face aux exactions frappant les populations.

Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien analysent en ces termes avec acuité les doutes que soulève le principe de protection des civils tel qu’il figure actuellement dans le mandat de plusieurs OMP : « Tout en reconnaissant qu’il n’existait pas de vision commune de la protection des civils au sein du système des Nations Unies, les documents stratégiques du Secrétariat assignent trois objectifs à cette mission : assurer la protection par le biais d’un processus politique, assurer la protection contre la violence physique et établir un environnement protecteur. Or aucune hiérarchie n’a jamais été établie entre ces trois objectifs.

De plus, le Secrétariat a soutenu que l’ensemble du programme de protection des civils – y compris la protection contre la violence physique – devait être mis en œuvre conformément aux principes du maintien de la paix : le consentement du gouvernement hôte et des principales parties au conflit, le besoin d’impartialité et le non-recours à la force sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat. Formulée en 2010, l’approche […] est restée inchangée jusqu’à aujourd’hui, et n’a jamais réussi à clarifier la nature du lien entre les dimensions politique, humanitaire et sécuritaire de la protection des civils. En particulier, elle s’est avérée incapable de préciser les conditions dans lesquelles l’autorisation de la force devrait être mise en pratique » ([305]).

Ces ambiguïtés fragilisent l’exécution des mandats sur le terrain. Lors de ses échanges avec les rapporteurs, Alexandra Novosseloff souligne ainsi la difficulté d’en interpréter le sens : « Chacun a souvent son avis sur la question sans comprendre le point de vue des uns et des autres, sans lire le texte des résolutions, et sans réel consensus sur la manière de faire (la MINUSMA a été un cas d’école de ce point de vue, certains – le gouvernement malien en premier – considérant qu’il revenait aux casques bleus de lutter contre le terrorisme). Comme les militaires ne sont pas entraînés sur la doctrine du maintien de la paix, ils interprètent leur mandat comme bon leur semble » ([306]).

Ces interrogations sur la portée du mandat des forces de maintien de la paix s’inscrivent également dans un contexte souvent tendu avec les acteurs locaux dont, en premier lieu, l’État accueillant l’OMP sur son territoire.

ii.   Les relations avec les acteurs locaux

La « doctrine Capstone » publiée par l’ONU en 2008 souligne la sensibilité de la relation qu’entretiennent les forces des Nations Unies avec les populations et les représentants de l’État hôte : « L’expérience montre, qu’au fil du temps, la légitimité apparente d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies tend à diminuer à mesure que la situation se normalise. Cette tendance sera renforcée si “l’empreinte” de la présence des Nations Unies et le comportement de son personnel deviennent une source de frustration pour la population. Par conséquent, les missions de maintien de la paix des Nations Unies doivent rester sensibles aux questions de souveraineté nationale » ([307]).

Le positionnement des forces onusiennes de maintien de la paix vis-à-vis du conflit se trouve, là encore, sur une ligne de crête : si la préservation de leur impartialité demeure au fondement de leur action, la réussite opérationnelle de leur mission dépend souvent des liens de coopération qu’elles parviennent à nouer avec les forces civiles ou militaires des États qui les accueillent. Les conséquences de ces évolutions peuvent s’avérer contre-productives, en forçant ainsi les contingents de l’ONU à endosser la responsabilité de pratiques rejetées par une partie de la population. Par le biais de propagandes et de campagnes de désinformation, leur instrumentalisation par d’autres États ou divers groupes criminels exacerbe les tensions. Cette situation peut conduire les Nations Unies à s’interroger sur l’opportunité de clôturer une OMP, indépendamment de l’état d’avancement de sa mission.

Auditionné par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Jean-Marie Guéhenno ([308]) illustre la complexité de cet équilibre à travers l’exemple de la MONUSCO : « Dans ce pays, le gouvernement espérait que l’ONU réglerait le problème de la sécurité mais l’ONU est devenue un alibi alors que les forces de sécurité congolaises ne sont pas forcément irréprochables. Aujourd’hui l’ONU est confrontée à un dilemme : lorsqu’elle doit s’en aller, elle laisse la place à des structures faibles. Nous l’observons en ce moment, avec les menaces qui pèsent sur la ville de Goma, dans l’Est de la RDC.

Nous constatons bien qu’il faut modifier la posture et, probablement, travailler beaucoup plus avec les forces nationales, ce qui pose un grave problème quand ces forces nationales commettent des abus sexuels et ou violations variées des droits humains. Le risque est ainsi de se compromettre gravement à travers ce soutien mais également de perdre ses capacités de médiateur, en étant devenu partie au conflit » ([309]).

Outre l’étendue de leur champ d’intervention et l’hostilité susceptible de se manifester à leur encontre, les OMP sont également confrontées à des moyens humains et logistiques souvent inadaptés à la réalité des enjeux opérationnels.

b.   Des moyens inadaptés aux enjeux opérationnels

Les forces de Nations Unies déployées dans le cadre des onze OMP encore en cours disposent de ressources humaines et matérielles très contraintes. Lors de son audition par les rapporteurs, Jean-Pierre Lacroix a relevé que le montant du budget affecté au maintien de la paix sur la période 2023-2024, soit pour rappel 5,5 milliards de dollars, était inférieur à celui de la police de New York. Cette comparaison frappante illustre les limites qui circonscrivent l’action des forces de maintien de la paix, dont les composantes militaires mais aussi civiles ([310]) sont constituées de troupes et personnels mis à disposition par les États membres.

Parmi les 121 États contributeurs, le Bangladesh, le Népal, le Rwanda et l’Inde fournissent les contingents de soldats les plus importants. La surreprésentation de pays émergents parmi les principaux contributeurs de troupes soulève plusieurs difficultés. D’une part, elle témoigne d’une forme de rente de situation particulièrement lucrative pour ces États qui perçoivent près de 1 500 dollars par mois pour chaque soldat participant à une OMP. Pour la plupart d’entre eux, cette somme excède très nettement le montant de la solde moyenne qu’ils versent habituellement à leurs militaires. Dans ses mémoires, Gérard Araud évoque le vif intérêt de ces États quant à la manne financière que représente leur contribution aux contingents de casques bleus : « [l]e représentant permanent du Bangladesh me disait […] que nous n’avions qu’à demander et son pays fournirait autant de Casques bleus que nécessaire. Il est vrai que, selon certains calculs, ce pays encaisse ainsi entre 100 et 200 millions de dollars chaque année » ([311]). D’autre part, l’envoi de militaires peu aguerris et insuffisamment équipés ([312]) complique l’exécution des OMP sur le terrain, dans un contexte où les menaces sécuritaires évoluent et s’amplifient, mêlant criminalité organisée et risques terroristes. La vétusté du matériel de guerre dont certaines troupes disposent contraste avec les moyens mobilisés par les groupes armés auxquels elles se confrontent, accentuant l’asymétrie des rapports de force sur le terrain. Ces défaillances logistiques peuvent aussi expliquer la passivité des casques bleus sur les zones de conflit, ainsi que l’observe Richard Gowan, directeur des questions onusiennes de l’organisation non-gouvernementale International Crisis Group :

« Dans de nombreux cas, la prudence des Casques bleus est exacerbée par la mauvaise qualité de leur équipement. Dans un cas en RDC, une unité indienne qui avait échoué à stopper des viols de masse se déroulant aux alentours de sa base, souffrait d’un manque de logistique militaire et de couverture téléphonique » ([313]).

En outre, il existe une forme de confusion entre les missions incombant aux forces de sécurité de l’État hôte et celles dont sont chargées les forces des Nations Unies ([314]), dont Jean-Marie Guéhenno observe qu’elles sont fréquemment « encouragées par le Conseil de sécurité à venir en appui à des États défaillants, voire à s’y substituer » ([315]).

La décision des États d’envoyer des troupes dans le cadre des OMP s’accompagne d’une dilution des responsabilités, ces derniers étant réticents à exposer la vie de leurs soldats dans des missions dont ils ne contrôlent pas la mise en œuvre. Alexandra Novosseloff considère ainsi que les « fournisseurs de contingents ne veulent pas prendre de risques car les terrains où les troupes sont déployées ne rentrent pas dans les intérêts stratégiques de ces États […] Jamais un État ne donne le contrôle total de ses soldats à l’ONU : ce sont toujours eux qui ont le dernier mot. Le problème est que le système onusien n’arrive pas à gérer la question du risque car il n’existe pas, comme à l’OTAN ou à l’UE, une chaîne de décision qui permet aux États de se sentir responsables de ce qu’ils mettent à disposition de l’ONU et des décisions qui peuvent être prises en leur nom. Les documents opérationnels (règles d’engagement, concept d’opérations) ne sont pas validés par les autorités politico-militaires des États contributeurs de troupes » ([316]).

L’engagement de contingents de diverses nationalités se heurte aussi à des problèmes concrets inhérents à la maîtrise incertaine de l’anglais ou du français, ce qui rend naturellement plus difficiles les relations des forces onusiennes avec certaines populations d’Afrique francophone ([317]).

Gérard Araud considère que l’ensemble de ces lacunes, erreurs ou défaillances affectent concrètement l’efficacité des OMP actuellement déployées : « Nous nous approchons du point de rupture où les mandats deviendront de plus en plus virtuels, ce qu’ils sont déjà en partie. Pour conclure, la manière dont les Forces de maintien de la paix remplissent leur mission est à leur image ; il ne faut pas trop attendre de contingents mal armés, mal équipés, souvent mal payés, envoyés dans des pays dont ils ne connaissent ni la langue ni les coutumes » ([318]).

Recueillant un large consensus, ces constats appellent à la mise en œuvre de réformes structurelles dont les grands principes ont été envisagés dès le début des années 2000.

3.   Réformer les OMP : entre vœu pieux et perspective crédible

Faisant l’objet de nombreuses réflexions depuis la montée en puissance des missions « multidimensionnelles » au cours des années 2000, la réforme des OMP implique principalement de consolider leur pilotage opérationnel et d’approfondir les partenariats noués avec l’ensemble des acteurs institutionnels mobilisés sur les zones de conflit.

a.   La réforme des OMP : un serpent de mer onusien depuis près d’un quart de siècle

La phase d’expansion des OMP dans les années 1990 a incité le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan à analyser leurs points faibles et à réfléchir à des pistes d’améliorations crédibles et réalistes. Ce travail de réflexion a débouché sur la remise du rapport du groupe d’étude présidé par Lakhdar Brahimi ([319]) en août 2000. La plupart de ses préconisations ont été entérinées par la « doctrine Capstone » publiée par le Secrétariat en 2008.

 

 

Plusieurs principes sont ainsi définis :

– garantir la clarté et la robustesse des mandats dès leur adoption par le Conseil de sécurité, afin d’affermir la dimension « crédible et dissuasive » des casques bleus, à rebours d’une « présence symbolique et non-menaçante » ([320]) ;

– envisager le maintien de la paix de façon globale, mêlant simultanément diplomatie préventive, interposition sur les théâtres d’opération, respect du cessez-le-feu, protection des populations civiles et consolidation politique de la paix ;

– renforcer l’engagement et la coopération du Conseil de sécurité, des États contributeurs, des États d’accueil et des organisations régionales ;

– professionnaliser les services du département des opérations de maintien de la paix du Secrétariat.

Poursuivant les mêmes objectifs, plusieurs rapports successifs réitérant des orientations similaires ont été publiés au cours des quinze dernières années, à l’instar du document de travail « Nouveaux horizons » présenté en juillet 2009 visant notamment à développer les logiques partenariales ([321]) et à mettre en place des indicateurs de performance, fondés sur l’évaluation des risques et des capacités susceptibles d’être déployées.

Les rapports remis au secrétaire général par José Ramos Horta en 2015 ([322])  et par le général Carlos Alberto dos Santos Cruz en 2017 ([323]) ont respectivement promu la participation des forces des Nations Unies à la recherche d’une solution politique pour résoudre les conflits et le renforcement de la sécurité et des prérogatives militaires des casques bleus.

Rapport remis par le général Carlos Alberto dos Santos Cruz au secrétaire général sur l’amélioration de la sécurité des casques bleus en décembre 2017

Le rapport identifie quatre axes principaux sur lesquels l’ONU et les États membres devraient concentrer leurs efforts pour réduire le nombre de victimes parmi les casques bleus engagés sur les zones de conflit :

– faire évoluer les mentalités, de telle sorte que le personnel ait véritablement conscience des risques auxquels il est exposé et dispose des moyens voulus pour prendre l’initiative de décourager, de prévenir et de contrer les attaques ;

– améliorer les capacités des missions et de leur personnel dans le but de garantir les moyens adaptés pour agir dans des zones où les risques sont très élevés ;

– faire en sorte que les OMP adaptent leur action en fonction des menaces auxquelles elles sont confrontées en évaluant la réalité de ces menaces dans le mandat initial afin de limiter l’exposition des casques bleus ;

– engager davantage les responsabilités des parties prenantes, afin que celles qui ont la possibilité d’agir pour prévenir les décès et des blessures s’acquittent de leurs obligations à cet égard.

Source : Organisation des Nations Unies.

Les recommandations formulées par l’ensemble de ces travaux ont contribué à l’élaboration de deux initiatives successives du secrétaire général António Guterres : l’Action pour le maintien de la paix (A4P) lancée en 2018 et l’A4P + mise en place en mars 2021. Ces initiatives s’appuient sur des thèmes transversaux tels que le rôle des femmes au sein des personnels onusiens, l’appui des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle (IA) et le contrôle et la redevabilité des OMP.

Priorités stratégiques des initiatives a4p ET a4p+

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Source : Organisation des Nations Unies, 2021.

Encore incertaine à ce jour, la traduction normative de ce processus devrait avoir lieu à l’occasion du Sommet du futur organisé par les Nations Unies en septembre 2024. La note d’orientation du « Nouvel agenda pour la paix » diffusée par le secrétaire général en juillet 2023 préfigure les évolutions des outils de maintien de la paix que déploie l’ONU en tant qu’actrice centrale de la sécurité internationale et de la résolution pacifique des différends.

Les auditions conduites par les rapporteurs ont fait apparaître la nécessité de renforcer le pilotage stratégique des OMP, aussi bien en amont qu’en aval de l’exécution de leurs missions.

b.   Se donner véritablement les moyens de ses ambitions

Au-delà des orientations générales préalablement analysées, les rapporteurs identifient trois leviers susceptibles d’améliorer l’efficacité des OMP : la revalorisation de la commission de consolidation de la paix, la centralisation du commandement des opérations militaires depuis New York et le développement de l’évaluation des risques auxquels les OMP sont confrontées.

i.   La commission de consolidation de la paix : un organe sous-exploité qu’il convient de revaloriser

En 2005, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont créé une instance de concertation multilatérale visant à prévenir l’apparition de conflits : la Commission de consolidation de la paix ([324]).

La Commission de consolidation de la paix (CCP)

La Commission de consolidation de la paix (CCP) est un organe consultatif intergouvernemental de l’ONU qui appuie les efforts de paix dans les pays touchés par un conflit. Elle constitue un apport essentiel à la capacité de la communauté internationale à agir dans le cadre du vaste agenda de la paix. Elle est composée de 31 États membres, élus au sein de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social. Les principaux pays contributeurs financiers et les principaux pays contributeurs de troupes y sont également membres.

Source : Organisation des Nations Unies.

Un Fonds pour la consolidation de la paix (FCP) a été également mis en œuvre afin d’allouer des subventions à des pays fragilisés par des conflits. Plus d’un milliard de dollars a ainsi été alloué à une quarantaine d’États depuis 2006.

L’objectif poursuivi par la CCP et le FCP est à la fois prophylactique et curatif : lutter contre la déliquescence d’un État et faciliter sa reconstruction lorsqu’il a été frappé par un conflit, en s’appuyant notamment sur le concours d’institutions financières internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Pour autant, le bilan de leur activité apparaît peu satisfaisant, en raison de la relégation de la CCP au second plan des institutions onusiennes et de son manque de coordination avec les États et les institutions précitées. Son statut de « demi-créature » ([325]) de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité explique en partie, selon Jean-Marc de La Sablière, le résultat « assez décevant » ([326]) de la CCP.

Les rapporteurs considèrent que la CCP et le FCP constituent pourtant des instruments potentiellement utiles à la concertation et à la prévention des crises. Ils doivent pouvoir s’affirmer comme de véritables leviers politiques et financiers en faveur des États en difficulté, grâce à l’identification préalable des situations susceptibles de dégénérer. Cette position est également partagée par la représentation permanente sud-africaine auditionnée à New York.

Le renforcement du rôle qu’exercent la CCP et le FCP semble avoir été enclenché au cours des dernières années, ainsi que l’indique le rapport d’activité du secrétaire général publié en 2023 : « En 2022, le Fonds pour la consolidation de la paix a approuvé un montant record de 231 millions de dollars pour l’appui à des projets de consolidation de la paix menés dans 37 pays. Plus d’un tiers de ces fonds ont permis de faciliter l’autonomisation des femmes et des jeunes. Le soutien régional ou transfrontalier et l’aide à la transition dans plus de 30 contextes fragiles et touchés par des conflits figurent également au nombre des priorités […]

« La Commission de consolidation de la paix a élargi son champ d’action géographique, devenant plus inclusive. Elle soutient désormais 14 pays et régions et, pour la première fois, elle a examiné les priorités du Soudan du Sud, du Timor-Leste et de l’Asie centrale. Près de 30 représentantes et représentants de la société civile ont assisté aux réunions de la Commission, ce qui constitue un nouveau record » ([327]).

Selon les rapporteurs, ces efforts doivent être intensifiés en revalorisant notamment la place qu’occupe la CCP au sein de l’architecture institutionnelle onusienne. Une réflexion pourrait ainsi être engagée sur la pertinence de la cotutelle actuellement opérée par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité sur la CCP.

ii.   La centralisation du commandement militaire des opérations de paix depuis New York

L’une des difficultés opérationnelles portées à la connaissance des rapporteurs concerne la chaîne de commandement militaire des OMP. L’autonomie d’action dont disposent les contingents sur le terrain apparaît en effet excessive. Le représentant spécial du secrétaire général (RSSG) et le commandant des forces jouissent d’une autorité décisionnelle particulièrement large qui se conjugue à la faiblesse des remontées d’informations à l’attention du secrétaire général et du Conseil de sécurité, dont le comité d’état-major militaire constitue l’un des organes subsidiaires. Ce comité n’exerce cependant aucune prérogative s’agissant de la direction et de la supervision des opérations de paix, cette mission relevant directement du Secrétariat.

Il en découle une certaine opacité quant à l’exécution opérationnelle des missions, ce qui ne permet pas au Conseil de sécurité d’être pleinement conscient de la réalité de la situation sécuritaire dans laquelle sont menées les OMP. Face à ces difficultés, les rapporteurs préconisent de renforcer le pilotage des opérations par la mise en place d’un commandement militaire unifié centralisant les remontées d’informations. Éclairée sur les enjeux concrets auxquels sont confrontées les forces onusiennes sur le terrain, cette structure consoliderait la dimension stratégique des OMP tout en évaluant plus précisément l’état d’avancement et le degré de performance de leurs missions.

Proposition n° 9 : Mettre en place un commandement militaire unifié assurant le pilotage centralisé des opérations militaires conduites dans le cadre du maintien de la paix.

iii.   Le pilotage par l’évaluation des risques

Dans son rapport d’audit sur les opérations de maintien de la paix publié en 2023, le Comité des commissaires aux comptes de l’ONU a souligné la nécessité de développer l’évaluation des risques afin de renforcer la planification stratégique des OMP. Le but est autant d’améliorer l’efficacité des missions conduites par les forces des Nations Unies – soit leur capacité à atteindre les objectifs fixés par les mandats sur la base desquels elles agissent – que l’efficience de leur organisation, en réduisant les coûts liés à des dépenses insuffisamment maîtrisées ([328]).

Extraits du rapport d’audit du Comité des commissaires aux comptes des Nations Unies sur les opérations de maintien de la paix 2021-2022

La gestion des risques peut aussi constituer un outil puissant au service de l’efficacité. L’efficacité des opérations de maintien de la paix réside dans leur capacité à s’acquitter de leur mandat et à contribuer à bâtir des solutions de paix durables. Les risques peuvent bien sûr nuire aux résultats de la mission en affectant les objectifs du mandat de manière directe, mais aussi de manière indirecte s’ils se traduisent par une baisse de la performance, une augmentation des coûts ou une perte de temps.

Si, par exemple, le risque de cyberattaque n’a pas été correctement estimé et atténué, il est facile d’imaginer comment sa matérialisation pourrait altérer profondément l’efficacité de la mission concernée. En amont, une approche fondée sur les risques peut favoriser l’élaboration de mandats plus solides. Un dispositif de gestion des risques mature pourrait par exemple être utilisé pour établir, pour chaque objectif d’un mandat, un aperçu des risques potentiels et des mesures requises pour les atténuer ou les surmonter.

Toute mesure, même imparfaite, allant dans ce sens pourrait s’avérer utile. Par exemple, le fait de savoir qu’une composante optionnelle d’une opération de maintien de la paix est susceptible de présenter des risques importants ou de nécessiter des mesures d’atténuation disproportionnées pourrait contribuer à éclairer la prise de décisions à ce sujet, notamment à l’occasion du renouvellement d’un mandat. En aval, l’établissement de rapports sur l’efficacité d’une mission peut également être facilité par une bonne gestion des risques. Un chef de mission pourrait facilement faire le lien entre les progrès réalisés et le niveau de risque en jeu et attribuer les résultats de manière plus objective. En cas d’incident, on pourrait établir les responsabilités en examinant si les risques pris se situaient dans une fourchette de tolérance prédéfinie.

Source : rapport d’audit du comité des Commissaires aux comptes des Nations Unies sur les opérations de maintien de la paix 2021-2022, 2023, pp. 63-64.

Les commissaires aux comptes de l’ONU en déduisent une série de préconisations visant à perfectionner le système de contrôle interne des opérations de maintien de la paix. Parmi ses recommandations, ils proposent notamment que le Secrétariat organise chaque année une « journée de la gestion des risques liés au maintien de la paix » ([329]), afin d’acculturer l’ensemble des personnels à cette problématique.

Les rapporteurs estiment que cette démarche va dans le bon sens. Elle permet de mieux anticiper les difficultés susceptibles de survenir sur le terrain, mais aussi de tirer le bilan de l’exécution de chaque opération de la paix, par la mise en place d’indicateurs de performance adaptés à ses spécificités. Ces retours d’expérience faciliteront l’ajustement des stratégies et des moyens qui seront ultérieurement déployés par les Nations Unies sur d’autres zones de conflit, améliorant ainsi l’efficacité de leur action.

Proposition n° 10 : Développer des dispositifs d’évaluation des risques dans le cadre du déploiement de chaque opération de maintien de la paix.

c.   Renforcer les partenariats avec l’ensemble des acteurs institutionnels

i.   La coordination accrue avec les organisations régionales : l’exemple du partenariat avec l’Union africaine

La réforme des OMP suppose d’éviter un fonctionnement « en silos » affaiblissant la coordination entre les parties prenantes à ces missions, qu’il s’agisse des États membres, notamment les contributeurs de troupes, ou des organisations régionales concernées par les conflits infra ou interétatiques menaçant la paix et la sécurité internationales.

Dès son adoption en 1945, le chapitre VIII de la Charte des Nations Unies a défini l’articulation entre les opérations de la paix menées sur le fondement de ses chapitres VI et VII et les actions similaires conduites en vertu d’accords régionaux.

Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies

Article 52

« 1. Aucune disposition de la présente Charte ne s’oppose à l’existence d’accords ou d’organismes régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies. 

« 2. Les Membres des Nations Unies qui concluent ces accords ou constituent ces organismes doivent faire tous leurs efforts pour régler d’une manière pacifique, par le moyen desdits accords ou organismes, les différends d’ordre local, avant de les soumettre au Conseil de sécurité. 

« 3. Le Conseil de sécurité encourage le développement du règlement pacifique des différends d’ordre local par le moyen de ces accords ou de ces organismes régionaux, soit sur l’initiative des États intéressés, soit sur renvoi du Conseil de sécurité. 

« 4. Le présent Article n’affecte en rien l’application des Articles 34 et 35. ([330]) »

Article 53

« 1. Le Conseil de sécurité utilise, s’il y a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l’application des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d’accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l’autorisation du Conseil de sécurité ; sont exceptées les mesures contre tout État ennemi au sens de la définition donnée au paragraphe 2 du présent Article, prévues en application de l’Article 107 ou dans les accords régionaux dirigés contre la reprise, par un tel État, d’une politique d’agression, jusqu’au moment où l’Organisation pourra, à la demande des gouvernements intéressés, être chargée de la tâche de prévenir toute nouvelle agression de la part d’un tel État. 

« 2. Le terme « État ennemi », employé au paragraphe 1 du présent Article, s’applique à tout État qui, au cours de la seconde guerre mondiale, a été l’ennemi de l’un quelconque des signataires de la présente Charte. »

Article 54

« Le Conseil de sécurité doit, en tout temps, être tenu pleinement au courant de toute action entreprise ou envisagée, en vertu d’accords régionaux ou par des organismes régionaux, pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. »

La coopération entre l’ONU et les organisations régionales afin de maintenir la paix s’est accélérée depuis la fin des années 1990, principalement en Afrique. Ainsi, des troupes envoyées sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont concouru aux OMP diligentées par l’ONU en Sierra Leone ([331]), au Libéria ([332]) et en Côte d’Ivoire ([333]). De façon encore plus structurée, une mission conjointe conduite par l’ONU et l’Union africaine (UA) a été mise en œuvre entre 2007 et 2020 dans le cadre de l’opération hybride ONU-UA au Darfour ([334]).

Cependant, la coordination entre les interventions effectuées par l’ONU et l’action menée par les organisations régionales africaines n’était régie par aucune règle de financement ou de coopération logistique véritablement opposable ([335]). Alexandra Novosseloff et Arthur Bouteillis estiment ainsi que « [c]es partenariats sont […] souvent le résultat d’improvisations et de négociations diplomatiques menant à des arrangements particuliers, ad hoc, plutôt qu’à des modèles bien définis » ([336]).

Face à la nécessité de bâtir un cadre partenarial solide, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité, le 21 décembre 2023, une résolution déterminant le cadre juridique et financier applicable à la coopération entre l’ONU et l’UA ([337]). La résolution établit les modalités du soutien humain, militaire, logistique et financier qu’apportera l’ONU aux opérations de paix menées par l’UA, sur la base d’un mandat adopté par le Conseil de sécurité. S’agissant des enjeux budgétaires, l’ONU pourra s’engager à prendre en charge jusqu’à 75 % du montant du budget annuel de ces opérations de paix.

S’il convient d’attendre les premières applications concrètes de cet accord, les rapporteurs considèrent que la complémentarité des actions accomplies par l’ONU et l’UA est un rouage essentiel de la prévention et de la résolution des conflits en Afrique.

D’une part, le renforcement de la coopération entre l’ONU et l’UA garantira la cohérence des réponses apportées aux crises sécuritaires, en identifiant, selon un principe militaire habituel, l’organisation « menante » et celle « concourante », pour chaque opération conduite sur le continent. D’autre part, la coordination des efforts entrepris par l’ONU et l’UA s’oppose aux accusations de « néo-colonialisme » parfois proférées à l’encontre des forces de Nations Unies, en dépit du consensus politique sur lequel se fonde par principe leur intervention. La recherche d’une plus grande proximité et d’une meilleure subsidiarité entre les organisations internationales et régionales vise également à favoriser un consensus rapide sur les moyens d’action ayant vocation à être utilisés.

Pour autant, la prise en charge financière des opérations de la paix de l’UA par l’ONU gagnerait à être précisée. La part de 75 % précitée ne constitue qu’un plafond, l’ONU étant libre d’apporter un concours financier moindre. Dès lors que le Conseil de sécurité endosse la mise en œuvre d’une opération africaine de paix (OAP), les rapporteurs considèrent que la participation de l’ONU doit être garantie à hauteur de 50 % du budget annuel de l’OAP, ce qui crédibiliserait les engagements énoncés dans la résolution du 21 décembre 2023.

Proposition n° 11 : Garantir la participation financière minimale de l’ONU à une opération de la paix conduite par l’Union africaine et approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU à hauteur de 50 % de son budget annuel.

De façon plus générale, cette réforme s’inscrit dans l’évolution déjà engagée des OMP, s’agissant aussi bien de la bannière sous laquelle les contingents de soldats interviennent que de la composition des personnels, civils ou militaires, qui participent aux opérations. À l’avenir, Jean-Marie Guéhenno considère ainsi que ces dernières « se combineront avec des forces nationales ou multinationales plus robustes. L’ère des opérations de maintien de la paix uniquement composées de casques bleus est probablement révolue, compte tenu des compétences spécifiques en matière de terrorisme ou de renseignement que les Nations Unies ne peuvent déployer. Pour de multiples raisons, nous nous dirigeons donc vers des opérations hybrides, qui rassembleront différents types de troupes » ([338]).

ii.   Renforcer les liens avec les États francophones

Dans cette perspective partenariale, les rapporteurs saluent le rôle essentiel qu’exerce la France afin de faciliter la coopération internationale dans le but de préserver la paix et la sécurité. Lors des échanges avec les rapporteurs, la direction des Nations Unies et des organisations internationales (DNUOI) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères a rappelé les initiatives prises par la France afin de contribuer à la formation de 10 000 casques bleus issus principalement de contingents des États francophones. La DNUOI a également fait état de la réalisation de cinquante-cinq actions de partenariat militaire opérationnel ([339]).

Depuis la parution en février 2019 d’un guide pratique ([340]) récapitulant le « mode d’emploi » des démarches administratives et opérationnelles que les États contributeurs doivent accomplir dans le cadre de leur participation à des OMP, la France a récemment renforcé sa communication à l’attention des États francophones.

L’action pédagogique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à l’attention des États francophones participants aux OMP

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères s’est engagé dans le développement de moyens pédagogiques pour exporter et développer la langue française dans les zones non francophones. Il s’agit principalement de la diffusion d’exemplaires de la méthode d’apprentissage du français en milieu spécifique de défense « En Avant ! ». Constituée d’une collection de trois tomes et distribuée aujourd’hui à hauteur de 25 000 exemplaires, cette méthode a été développée par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère de l’Europe et des affaires étrangères en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Préfacée du secrétaire général-adjoint de l’ONU, directeur des OMP, la méthode « En Avant ! » prépare notamment les États contributeurs aux OMP à intervenir en environnement francophone.

Source : projet annuel de performances de la mission « Action extérieure de l’État » annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Ces démarches sont d’autant plus nécessaires qu’elles viennent satisfaire un besoin d’information et de maîtrise des enjeux multiformes qui entourent la mise en œuvre des OMP. Lors de l’audition des représentants de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées, le Général Patrick Steiger a rappelé les demandes croissantes exprimées par de nombreux pays émergents afin de développer l’apprentissage de la langue française ([341]), perçu comme un moyen de renforcer les capacités opérationnelles des contingents qu’ils déploient au sein des forces des Nations Unies.

Maintes fois envisagée et annoncée, la réforme des OMP s’inscrit dans un horizon plus large qui interroge l’avenir du multilatéralisme. C’est dans cette perspective que la tenue en septembre 2024 du Sommet de l’avenir des Nations Unies revêt une importance cruciale.


III.   Le pacte pour l’avenir : le sommet de la dernière chance ?

Le secrétaire général António Guterres a présenté en 2021 un rapport prospectif intitulé « Notre programme commun », que l’Assemble générale des Nations Unies a favorablement accueilli ([342]). Ce document a constitué le support de larges consultations thématiques suivies de négociations intergouvernementales conduites depuis 2022, dans la perspective de l’organisation du Sommet de l’avenir les 22 et 23 septembre 2024 ([343]). Co-rédigé par les représentants permanents de la Namibie et de l’Allemagne ([344]), un avant-projet a été publié le 26 janvier 2024 afin de présenter les principaux engagements et orientations sur lesquels les États membres sont susceptibles de parvenir à un accord lors de ce Sommet.

Assumant une approche transversale et un haut niveau d’ambition, la négociation de ce Pacte pour l’avenir se structure autour de plusieurs sujets : l’accélération des ODD liés à l’Agenda 2030, la consolidation de la paix et de la sécurité internationales, le développement de la coopération scientifique s’agissant notamment de la régulation de l’IA, la protection des droits et des intérêts des générations futures, ainsi que la réforme de la gouvernance institutionnelle internationale.

La diversité de ces enjeux et les clivages géopolitiques qui les entourent soulignent l’envergure inédite de la démarche initiée par le secrétaire général. À l’occasion des auditions réalisées lors de leurs déplacements aux sièges de l’ONU à Genève et à New York, les rapporteurs ont néanmoins constaté que l’organisation du Sommet de l’avenir suscite des réactions mitigées. Les sentiments exprimés par les représentants permanents de grandes puissances émergentes, à l’instar du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud, se caractérisent par une forme de prudence, voire de pessimisme, quant à l’utilité réelle de ce Sommet. Des doutes subsistent sur la concrétisation des travaux préparatoires accomplis ces dernières années. La crainte de nouvelles promesses non-tenues se conjugue à une forme de lassitude vis-à-vis de la proclamation d’objectifs et de principes louables mais encore trop théoriques, au risque d’aboutir à un vaste exercice de communication sans lendemain.

Cependant, les auditions ont également révélé l’ampleur des attentes que le Sommet de l’avenir pourrait utilement satisfaire, en tant que moyen de stimuler le dialogue multilatéral pour impulser des réformes majeures désormais souhaitées par la majorité des États membres.

Au regard des défis que l’ONU doit relever, les rapporteurs privilégient la seconde grille de lecture, tout en restant lucides sur la difficulté de concrétiser les paroles en actes. Rarement revendiqué, le conservatisme n’en reste pas moins puissant. Cyniquement dissimulée derrière l’artifice de la réforme, la défense habile du statu quo implique ainsi de « tout changer pour que rien ne change », selon la formule de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans son roman Le Guépard ([345]). Qu’il s’agisse de l’évolution de la composition et du fonctionnement du Conseil de sécurité ou des réponses de l’ONU aux bouleversements environnementaux, scientifiques, financiers et sécuritaires qui traversent le monde contemporain, le Sommet de l’avenir organisé en septembre 2024 représente une occasion historique que la communauté internationale a vocation à saisir, à l’aube du 80e anniversaire des Nations Unies.

A.   L’improbable mais indispensable réforme du conseil de sécurité

Envisagée depuis plus de trente ans dans le double objectif de renforcer la représentativité et l’efficacité du Conseil de sécurité, la réforme de sa composition et l’encadrement du droit de veto se confrontent à des obstacles multiples qui semblent aujourd’hui difficilement franchissables.

1.   Un processus de négociation opaque et sans issue à ce jour

Inabouties, les tentatives de réformer le Conseil de sécurité se heurtent à la rigidité de la procédure de révision de la Charte des Nations Unies, ce qui engendre des frustrations croissantes.

  1.   Une réflexion approfondie au cours des années 1990 et 2000 mais entravée par la rigidité de la procédure de révision de la Charte

Dans le contexte de l’accès à l’indépendance de nombreux États africains à la suite du mouvement de décolonisation ([346]), un amendement à l’article 23 de la Charte des Nations Unies a été adopté le 17 décembre 1963 par l’Assemblée générale ([347]), afin d’étendre de six à dix le nombre de membres non-permanents siégeant au Conseil de sécurité, ce dernier étant composé de quinze membres depuis 1965.

L’inflation du nombre d’États admis aux Nations Unies depuis 1945 et l’avènement d’un ordre multipolaire après la guerre froide ont alimenté les débats quant à la recomposition du Conseil de sécurité. Dès 1992, l’Assemblée générale a ainsi suggéré de réfléchir à « une éventuelle révision de la composition du Conseil de sécurité ». ([348])

Ces réflexions se sont poursuivies par la création le 3 décembre 1993 d’un groupe de travail « à composition non-limitée chargé d’examiner la question de la représentation équitable au Conseil de sécurité et de l’augmentation du nombre de ses membres […] » ([349]). Le projet de résolution proposé par ce groupe de travail le 20 novembre 1998 rappelle la nécessité de mener des concertations sans précipitation, considérant en effet que la réforme « est d’une importance si fondamentale qu’elle ne se prête pas à l’établissement d’un calendrier précis » et qu’il « importe de laisser aux États membres suffisamment de temps pour y réfléchir, en vue de dégager des solutions quant à la question de savoir à quel accord général il est possible de parvenir » ([350]).

Le 23 novembre 1998, l’Assemblée générale a adopté par consensus une résolution qui convient de « n’adopter aucune résolution ou décision sur la question de la représentation équitable au Conseil de sécurité et de l’augmentation du nombre de ses membres […] sans le vote des deux tiers au moins des membres » ([351]). Cette position traduit la prudence de l’ensemble des États quant à la procédure d’adoption des recommandations susceptibles d’être votées par l’Assemblée générale en la matière. Une autolimitation est ainsi posée : alors que l’article 18 de la Charte des Nations Unies ([352]) n’exige aucune majorité qualifiée, l’expression d’une simple volonté de réformer le Conseil de sécurité doit être approuvée selon les mêmes formes qu’une révision de la Charte, soit la majorité des deux-tiers des États membres présents et votants.

Article 108 de la Charte des Nations Unies

« Les amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous les Membres des Nations Unies quand ils auront été adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée générale et ratifiés, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres de l’Organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité. »

La modification de la Charte repose sur un double critère cumulatif : l’obtention d’une majorité des deux-tiers des États et l’approbation des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Souhaitée par les grandes puissances dès la naissance de l’ONU, la rigidité de la procédure de révision complexifie considérablement la mise en œuvre d’une réforme du Conseil de sécurité, dont la composition est régie par l’article 23 de la Charte. Seuls trois amendements à la Charte ont été adoptés depuis 1945 ([353]), la dernière révision ayant eu lieu en 1971.

Depuis février 2009, le processus de négociation « IGN » ([354]) a pour but d’aboutir à un compromis entre les États. Initialement présidé par le représentant permanent de l’Afghanistan puis par celui de la Jamaïque, le processus est désormais mené par des « co-facilitateurs » désignés chaque année par l’Assemblée générale.

Quinze ans après son lancement, l’IGN n’a produit aucun résultat tangible, du moins à ce jour. Les auditions conduites par les rapporteurs ont fait apparaître les faiblesses structurelles du processus, qui se distingue par l’absence de texte sur la base duquel les négociations sont conduites. Aucun bilan faisant état de l’avancement des travaux n’est réalisé. Dépourvu de calendrier et d’objectif précis, l’IGN se caractérise par des discussions restées jusqu’à présent stériles, sans perspective crédible d’accord à court ou moyen terme.

Pour autant, des velléités de réforme se sont récemment exprimées. Dans son rapport Notre programme commun publié en 2021, le secrétaire général rappelle l’impératif de moderniser le Conseil de sécurité, en l’adaptant à l’évolution des réalités géopolitiques depuis 1945 : « Après des décennies de débat, la majorité des États membres reconnaissent aujourd’hui que le Conseil de sécurité pourrait être rendu plus représentatif des réalités du XXIe siècle, au moyen par exemple d’un élargissement de sa composition, qui viendrait notamment assurer une meilleure représentation de l’Afrique, et de procédures systématiques permettant à davantage de voix de s’y exprimer » ([355]).

L’avant-projet du Pacte pour l’avenir présenté en janvier 2024 mentionne le caractère « prioritaire » ([356]) de la réforme du Conseil de sécurité sans préciser, à ce stade, les contours d’un futur accord en la matière ([357]). L’impasse dans laquelle se trouve le processus engendre une impatience croissante de la part de plusieurs puissances émergentes, dont il convient désormais de prendre la mesure.

  1.   Une impasse génératrice de frustrations

Les réflexions autour de la réforme du Conseil de sécurité visent à articuler deux impératifs potentiellement antagonistes : d’une part, améliorer la représentativité du Conseil, présentée comme un gage de sa légitimité, et, d’autre part, préserver l’efficacité de son processus de décision. Ce dernier serait susceptible d’être complexifié, sinon entravé, par une augmentation excessive du nombre de ses membres.

Auditionné par les rapporteurs, le professeur Olivier de Frouville analyse la difficulté de concilier ces deux objectifs : « trop de légitimité risque de tuer l’efficacité, mais trop peu la tuera tout autant. Les tentatives portent par conséquent essentiellement sur des efforts tendant à donner plus de légitimité au Conseil : comment trouver un point d’équilibre aux termes duquel le Conseil renforcerait sa légitimité sans perdre son efficacité, voire en renforçant son efficacité ? Là est la grande difficulté de l’exercice.» ([358]).

L’inertie de l’IGN attise la frustration de puissances émergentes qui estiment, à juste titre, que le Conseil ne reflète plus la réalité des équilibres géopolitiques actuels. La sous-représentation des continents africain et asiatique, ainsi que l’absence d’États latino-américains parmi les membres permanents cristallisent les tensions. En janvier 2024, le secrétaire général António Guterres s’est publiquement interrogé sur le fait qu’aucun État africain ne soit membre permanent du Conseil ([359]), dans le sillage du communiqué concluant le quinzième sommet des BRICS ([360]) organisé à Johannesburg en août 2023 ([361]).

Les entretiens réalisés par les rapporteurs à New York avec les représentations permanentes brésilienne et indienne ont permis de mesurer leur exaspération à l’égard du processus de négociation.

L’ambassadrice Ruchira Kamboj a fermement exprimé le souhait de l’Inde de structurer la procédure sur la base d’un texte écrit, afin d’inciter l’ensemble des États, notamment les cinq membres permanents ([362]), à prendre position sur le sens et les modalités de la réforme. Dans cette optique, l’accord sur le format de l’élargissement doit précéder le choix des futurs membres permanents appelés à siéger au Conseil. La représentante permanente indienne a également évoqué une date butoir : les discussions devraient pouvoir s’achever à l’été 2026, soit deux ans après l’organisation du Sommet de l’avenir. Cette échéance pourrait être interprétée comme une forme d’ultimatum sans que les conséquences d’un éventuel échec n’aient été clairement envisagées.

De son côté, l’ambassadeur brésilien Norberto Moretti s’est prononcé lors de son audition en faveur d’une revue d’examen périodique de la Charte, afin de présenter l’état d’avancement du processus de réforme et de débattre chaque année de son évolution.

Ces prises de position exprimées avec franchise – et retenue – bouleversent l’approche avec laquelle les débats sur la réforme du Conseil de sécurité sont habituellement abordés. Longtemps considérée comme irréaliste car irréalisable, celle-ci s’apparente de plus en plus au seul moyen réaliste de garantir la crédibilité des Nations Unies ainsi que l’adhésion collective à leur fonctionnement, comme le souligne Jean-Marc de La Sablière : « L’idée fondamentale est donc que le Conseil de sécurité chargé de la gouvernance mondiale dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales ne peut exercer à terme cette responsabilité si sa composition s’éloigne trop de la réalité du monde. C’est sa crédibilité qui est en jeu. » ([363]).

En d’autres termes, le réalisme commande aujourd’hui de se préparer à une réforme du Conseil de sécurité afin d’éviter que le statu quo, progressivement devenu injustifié et intolérable pour de nombreux États, aboutisse in fine à contourner l’ONU, ce qui fragiliserait durablement son rôle. Selon les rapporteurs, une réforme structurelle du Conseil de sécurité serait moins chaotique qu’un bouleversement impromptu des règles du multilatéralisme qui serait susceptible d’aboutir à un éclatement des Nations Unies ainsi rejetées comme le symbole d’un ordre obsolète.

Dans cette optique, la réforme est l’une des solutions susceptibles d’éviter le chaos que constituerait la mise à l’écart de l’ONU, dont l’immutabilité entraînerait fatalement la chute. Comme l’a souligné l’ambassadeur François Delattre lors de son audition, l’intérêt de la France consiste précisément à accompagner une évolution légitime et attendue du Conseil de sécurité, afin de sauvegarder son influence et de pérenniser son positionnement diplomatique. Face à ces enjeux, Paul Gacem et Alexandra Novosseloff posent une question-clef à laquelle ils apportent une réponse : « Au fond, le Conseil de sécurité peut-il continuer en l’état ? Certains pourraient penser que les membres permanents actuels y ont intérêt. Ils prendraient toutefois le risque que le Conseil soit marginalisé ou contourné. » ([364]).

Moderniser la composition du Conseil de sécurité suppose cependant de déterminer les conditions de son élargissement, en identifiant explicitement les bénéficiaires de la réforme.

  1.   Améliorer la représentativité du Conseil : l’incontournable élargissement

Si plusieurs hypothèses d’élargissement sont envisagées, elles suscitent toutes de fortes oppositions, ce qui illustre la persistance de rivalités interétatiques irréconciliables.

  1.   Les scénarios proposés

Président de l’Assemblée générale lors de la session 1996-1997, le diplomate malaisien Ismaïl Razali a proposé en mars 1997 une réforme visant à élargir le Conseil de sécurité de quinze à vingt-quatre membres en étendant, d’une part, le nombre de membres permanents de cinq à dix et, d’autre part, le nombre de membres non-permanents de dix à quatorze. Parmi les nouveaux membres permanents, deux pays industrialisés – en l’espèce l’Allemagne et le Japon – et trois pays en développement seraient appelés à siéger, sans disposer du droit de veto. Les quatre nouveaux membres non-permanents seraient issus des continents africain, asiatique, latino-américain et d’Europe de l’Est.

En 2004, l’ancien premier ministre thaïlandais Anan Panyarachun a également proposé un plan d’élargissement décliné en deux options. La première correspond à l’ajout de six sièges de membres permanents – sans droit de veto – et de trois sièges de membres non-permanents. La seconde, plus originale, prévoit la création d’une catégorie intermédiaire de huit membres « semi-permanents » élus pour un mandat renouvelable de quatre ans ([365]). Cette dernière proposition a inspiré l’initiative franco-britannique présentée lors du sommet bilatéral du 27 mars 2009 : le Conseil pourrait être élargi à des membres semi-permanents siégeant pour une durée de dix à quinze ans, à l’issue de laquelle ils seraient susceptibles de devenir membres permanents à part entière.

Considérée comme insuffisante par les États candidats à un siège de membre permanent, cette proposition innovante a été rapidement rejetée. Depuis le milieu des années 2000, quatre groupes d’États promeuvent une réforme du Conseil dont chacun d’entre eux espère devenir le bénéficiaire.

Premièrement, le groupe dit « G4 » – composé de l’Allemagne, de l’Inde, du Japon et du Brésil – souhaite intégrer la catégorie des membres permanents dans laquelle deux États africains auraient également vocation à entrer. La réforme impliquerait aussi la création de quatre sièges de membres non-permanents, aboutissant à un nombre total de vingt-cinq membres. La France soutient activement la position du G4, dont la démarche apparaît à ce jour la plus crédible.

Deuxièmement, le groupe « Unis pour le consensus » ([366]), concurrent du G4 et regroupant notamment l’Argentine, le Mexique, le Pakistan, la Corée du Sud, l’Espagne, l’Italie et la Turquie, préconise l’élargissement de la catégorie des membres non-permanents de dix à vingt et l’adoption de la réforme par consensus.

Troisièmement, les États africains sont attachés au « consensus d’Ezulwini » ([367]) élaboré en 2005 concurremment au G4. Visant à préserver l’unité du continent africain, le consensus d’Ezulwini souhaite la création de trois sièges permanents assortis du droit de veto et de trois sièges non-permanents en faveur d’États africains, pour un total de vingt-six membres. Jugée maximaliste, cette position est constamment réitérée lors des débats sur la réforme du Conseil.

Enfin, un quatrième groupe dit « S5 » ([368]), devenu en 2013 « ACT » ([369]) réunit vingt-cinq États autour d’une réforme centrée sur les méthodes de travail du Conseil de sécurité, dans le but de renforcer les exigences de redevabilité, de transparence et d’ouverture de son fonctionnement.

Bien qu’elles présentent certains points communs, l’ensemble de ces propositions concurrentes témoignent surtout des rivalités persistantes entre des États appartenant à un même bloc régional, ces derniers privilégiant implicitement l’échec des négociations plutôt que de voir aboutir une réforme dont ils ne sortiraient pas « gagnants ». Le professeur Julian Fernandez en déduit logiquement une impasse dont la communauté internationale n’est pas en mesure de s’extraire à ce jour : « On peut alors disserter longuement sur les évolutions ou les révolutions nécessaires, mais il faut bien convenir qu’en l’état actuel des dissensions – sur la qualité des nouveaux membres, permanents ou non, sur leurs privilèges et surtout sur l’identité des bénéficiaires – avec des équilibres impossibles entre représentants du monde émergent, du monde arabe, de l’Afrique noire, du monde hispanique, toute réforme ambitieuse semble improbable à moins d’un chaos majeur. La Charte apparaît aujourd’hui comme un frozen statute , un totem, un texte intouchable politiquement. » ([370]).

Enracinées dans l’Histoire, les luttes d’influence interétatiques s’expriment à plusieurs niveaux.

  1.   L’expression de rivalités interétatiques indépassables

Les alliances de circonstance qui structurent les groupes « G4 » et « Unis pour le consensus » traduisent principalement le refus exprimé par les États candidats de voir des États voisins, parfois « adversaires », accéder à un statut de nouveau membre permanent du Conseil. Jean-Marc de La Sablière assimile cette attitude à celle des « premiers recalés à un concours » ([371]), dont le malheur réside autant dans leur propre échec que dans la réussite de leurs concurrents. Tous les continents sont concernés par ces rivalités mal dissimulées : la candidature de l’Allemagne est rejetée par l’Italie et dans une moindre mesure par l’Espagne ; l’Argentine et le Mexique s’opposent aux ambitions du Brésil ; le Pakistan tente de contrecarrer les exigences indiennes.

Abrités derrière le « consensus d’Ezulwini » promu par l’Union africaine, les États africains ne sont pas non plus en mesure de s’accorder sur l’identité des bénéficiaires de nouveaux sièges permanents. Les tensions entre l’Afrique du Sud et le Maroc se conjuguent à des ambitions concurremment exprimées par le Nigéria, l’Algérie ou l’Egypte.

En outre, ces divisions permettent aux actuels membres permanents de temporiser, bien que la France et le Royaume-Uni réaffirment leur soutien constant au G4. La Russie, la Chine et les États-Unis apparaissent peu enclins à élargir la composition du Conseil, même s’ils récusent toute posture d’obstruction en la matière. Les rivalités historiques entre la Chine et l’Inde – et surtout le Japon – ne contribuent pas à faciliter l’accord des grandes puissances sur les bénéficiaires de la réforme.

À l’épreuve de ces désaccords en apparence insurmontables, des réflexions sont régulièrement avancées s’agissant de l’attribution d’un siège de membre permanent à des organisations régionales, au premier rang desquelles figure bien sûr l’Union européenne (UE). L’accélération de la construction européenne depuis la signature du traité de Maastricht en 1992 est invoquée pour justifier l’octroi à l’UE d’un siège de membre permanent ([372]), comme si celle-ci avait naturellement vocation à devenir un État fédéral dans un horizon proche. En outre, l’article 34 paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne (TUE) prévoit déjà la coordination des États membres de l’UE avec la France.

Article 34 paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne (TUE)

« Conformément à l’article 24, paragraphe 3, les États membres représentés dans des organisations internationales ou des conférences internationales auxquelles tous les États membres ne participent pas tiennent ces derniers, ainsi que le haut représentant, informés de toute question présentant un intérêt commun. 

« Les États membres qui sont aussi membres du Conseil de sécurité des Nations unies se concerteront et tiendront les autres États membres ainsi que le haut représentant pleinement informés. Les États membres qui sont membres du Conseil de sécurité défendront, dans l’exercice de leurs fonctions, les positions et les intérêts de l’Union, sans préjudice des responsabilités qui leur incombent en vertu des dispositions de la charte des Nations unies. 

« Lorsque l’Union a défini une position sur un thème à l’ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies, les États membres qui y siègent demandent que le haut représentant soit invité à présenter la position de l’Union. »

Les auditions menées par les rapporteurs ont confirmé le caractère largement chimérique et inopportun de cette proposition. La Charte des Nations Unies ne reconnaît la qualité de membre qu’aux seuls États et non aux organisations internationales ou régionales ([373]), quel que soit leur degré d’intégration. En outre, cette perspective se heurterait à d’évidents obstacles pratiques et politiques.

D’une part, la lenteur du processus décisionnel des institutions européennes s’avèrerait incompatible avec la rapidité d’exécution qu’exige la participation aux travaux du Conseil de sécurité, régulièrement réuni en urgence pour répondre à des crises de haute intensité. D’autre part, et comme précédemment analysé s’agissant des tensions ayant émaillé l’élection des membres non-permanents en 2016, l’UE ne présente pas de véritable unité en matière de politique étrangère ([374]). Les divergences qui opposent ses États membres sur le conflit israélo-palestinien ou la guerre entre l’Ukraine et la Russie rendent tout à fait illusoire l’expression d’une position commune au Conseil de sécurité, sauf à réduire celle-ci à une abstention permanente.

Outre la perte d’influence de la France, il en résulterait un affaiblissement corrélatif de l’Europe elle-même, contrainte d’exposer ses divisions et de défendre une ligne illisible, à rebours des intérêts des États européens. Pour l’ensemble des raisons précitées, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a récemment rappelé son opposition à cette évolution : « [l]a question d’un siège européen n’est pas à l’ordre du jour. Un tel changement aurait pour effet de réduire le poids des États européens au sein du Conseil de sécurité, l’Union européenne ne disposant plus que d’une voix, alors que ses États membres occupent de deux à quatre sièges selon les années. Un siège européen serait, par ailleurs, incompatible avec la Charte des Nations unies, puisque seuls les États sont membres des Nations unies et peuvent, par conséquent, siéger au Conseil de sécurité. En outre, une configuration où plusieurs organisations régionales siégeraient au Conseil ne serait pas souhaitable, car elle favoriserait une logique de blocs et réduirait les marges de négociation. Enfin, il s’avèrerait impossible, en pratique, de prendre position, dans des délais souvent très brefs, sur les crises dont le Conseil de sécurité est saisi. » ([375]).

Si la perspective d’un siège « européen » au Conseil de sécurité doit être écartée, les rapporteurs estiment que la France pourrait utilement prendre une initiative lors du Sommet de l’avenir afin de promouvoir efficacement la réforme souhaitée par le G4. L’entretien réalisé avec la représentation permanente indienne à New York souligne la nécessité d’obtenir des progrès concrets à court terme pour faire aboutir le processus IGN d’ici 2026. Conformément à la position défendue dès 2018 par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ([376]), il convient désormais de soumettre à l’ensemble des États, dont les quatre autres membres permanents, un projet de réforme du Conseil de sécurité sur la base des propositions émises par le G4, en excluant l’octroi de nouveaux droits de veto ([377]).

Compte tenu de la durée du mandat des membres non-permanents – deux ans –, il serait pertinent de limiter à neuf le nombre de membres supplémentaires – soit six nouveaux membres permanents et trois nouveaux membres non-permanents –, afin de garantir l’accès à la présidence mensuelle du Conseil de sécurité à chacun de ses vingt-quatre membres.

Proposition n° 12 : Relancer le processus de réforme du Conseil de sécurité par le dépôt d’un texte reprenant les propositions du G4 en excluant l’octroi d’un droit de veto aux futurs membres permanents et en limitant l’élargissement à six nouveaux sièges permanents et trois nouveaux sièges non-permanents.

Au-delà des enjeux liés à la représentativité du Conseil, l’encadrement de l’usage du veto apparaît également essentiel.

  1.   Domestiquer le veto : une quête d’efficacité qui ne doit pas remettre en cause les fondements du Conseil de sécurité

Comme précédemment analysé, le veto présente un caractère paradoxal : il constitue le garde-fou historique du Conseil de sécurité – sans lequel les États-Unis, la Chine et la Russie refuseraient probablement d’y siéger ([378]) – mais aussi le signe visible de son archaïsme et de sa relative paralysie. En dépit d’une exigence croissante de redevabilité devant l’Assemblée générale ([379]), son usage répété par la Russie et les États-Unis illustre les limites du système conçu en 1945, ainsi que l’observe le professeur Olivier de Frouville : « Ce privilège du droit de veto est par essence incompatible avec toute forme de démocratie, représentative ou participative, puisqu’il accorde à un seul le droit de faire prévaloir ses intérêts contre ceux de tous, contre l’intérêt général. Tant que cette question ne sera pas réglée d’une manière ou d’une autre, le Conseil demeurera une institution d’une efficacité limitée et d’une légitimité douteuse, dépendant du bon plaisir des grandes puissances. » ([380]).

Dans le contexte de la crise syrienne et des vetos régulièrement opposés par la Russie depuis 2012, la France a proposé aux quatre autres membres permanents en 2013 de renoncer à utiliser le veto en cas d’atrocités de masse. Cette initiative a débouché sur une déclaration politique co-rédigée avec le Mexique lors de la 70e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, en 2015. Au 1er janvier 2024, 106 États membres soutiennent la déclaration franco-mexicaine, l’objectif étant d’atteindre le seuil des deux tiers de l’Assemblée générale – soit 129 États membres – correspondant à la majorité qualifiée requise pour réviser la Charte des Nations Unies. Cependant, aucun des quatre autres membres permanents ne s’est jusqu’à présent rallié à la proposition franco-mexicaine, ce qui tempère l’optimisme affiché lors de leur audition par les représentants de la direction des Nations Unies et des organisations internationales du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

La suspension de l’usage du veto en cas d’atrocités de masse soulève une réelle interrogation quant à la qualification des crimes soumis à l’examen du Conseil de sécurité, s’agissant notamment de leur ampleur ([381]) et des circonstances dans lesquelles ils ont été commis. Pour autant, le volontarisme de la France afin de circonscrire l’usage du veto est doublement salutaire. D’une part, il répond aux critiques légitimement formulées contre l’inaction du Conseil de sécurité dans le dossier syrien, en tentant de lever l’obstacle que constituerait à l’avenir l’utilisation abusive du veto dans des situations semblables. D’autre part, il témoigne de la prise de conscience par la France non seulement du pouvoir qu’elle détient en tant que membre permanent du Conseil, mais aussi de la responsabilité politique singulière que le droit de veto lui confère, afin de contribuer à la paix et à la sécurité internationales. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères explique ainsi les motivations sur lesquelles s’appuie la proposition française : « [Le veto] correspond au compromis trouvé pour que les membres permanents agissent pleinement pour la sécurité collective. Cette prérogative implique des devoirs. À l’inverse, son abus mine les fondements du pacte de 1945 accepté par tous à travers la Charte des Nations Unies. La proposition de la France a rencontré un écho positif parmi les membres des Nations Unies et la société civile internationale. » ([382]).

Les rapporteurs partagent la position exprimée par le professeur Julian Fernandez, qui estime que cette évolution « correspond à la posture de puissance d’équilibre et d’initiative que la France essaie de défendre » ([383]).

Si elle ne semble pas pouvoir se concrétiser à court terme, l’initiative franco-mexicaine ouvre la voie à des réflexions multiformes et ambitieuses sur la nécessité de « domestiquer » le veto sans qu’il soit pour autant réaliste – ni même opportun – d’envisager sa suppression. À titre illustratif, la représentante permanente américaine Linda Thomas-Greenfield a affirmé, le 8 septembre 2022, que « tout membre permanent qui use de son droit de veto pour défendre ses propres actions perd toute autorité morale et doit être tenu pour responsable » ([384]).

Plus récemment, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité organisée en février 2024, le ministre péruvien des relations extérieures a émis une proposition originale : au moins trois vetos simultanément opposés par les membres permanents seraient requis pour faire échec à un projet de résolution, dès lors que celui-ci a recueilli la majorité qualifiée nécessaire pour être adopté ([385]). Appréhendé de manière collective, l’usage du veto impliquerait donc un accord préalable entre trois membres permanents pour faire obstacle à un projet de résolution. Bien que les antagonismes séparant, d’une part, la Russie et la Chine, et d’autre part, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, rendent illusoire la proposition péruvienne, celle-ci nourrit utilement les débats dans la perspective du Sommet de l’avenir.

D’autres pistes d’amélioration peuvent être également envisagées. Si la CIJ exerce une mission juridictionnelle unique dans le système des Nations Unies, le respect effectif de ses décisions n’est pas acquis, dépendant par principe de la volonté des États parties au litige soumis à son examen. Les projets de résolution examinés par le Conseil de sécurité tendant à exécuter les arrêts rendus par la CIJ ([386]) peuvent en effet faire l’objet d’un veto, ce qui anéantit par conséquent leur portée concrète. Faisant directement obstacle à l’application du droit international tel qu’il découle de la jurisprudence de cette juridiction, les États-Unis ont ainsi opposé leur veto à l’encontre d’un projet de résolution ([387]) examiné par le Conseil de sécurité relatif à l’exécution d’une décision de la CIJ les condamnant pour avoir soutenu militairement les rebelles « Contras » au Nicaragua ([388]). De même, le veto américain contre le projet de résolution déposé par l’Algérie le 20 février 2024 visant notamment à garantir l’accès à une aide humanitaire en faveur de la population gazaouie ([389]) met en échec l’ordonnance conservatoire rendue le 26 janvier 2024 par cette cour à l’encontre d’Israël.

Selon le rapporteur Jean-Paul Lecoq, il conviendrait d’interdire l’usage du veto sur des projets de résolution visant à garantir l’exécution des arrêts rendus par la CIJ, que les membres permanents soient ou non parties au litige en question. Cette réforme permettrait de préserver la cohérence du système onusien et l’effectivité des décisions de la CIJ, « organe judiciaire principal des Nations Unies » ([390]).

Le rapporteur Jean-Paul Lecoq est pleinement conscient des faibles chances de succès de cette proposition. Pour autant, celle-ci revêt une dimension strictement délimitée et répond à la nécessité d’améliorer le fonctionnement des mécanismes de règlement juridictionnel des différends. Sans remettre en cause les fondements sur lesquels l’ONU s’est construite – le droit de veto des cinq membres permanents en étant la pierre angulaire depuis 1945 –, cette proposition favoriserait une meilleure articulation des compétences de la CIJ et du Conseil de sécurité, dans le but de garantir le respect effectif du droit international.

Proposition n° 2 du rapporteur Jean-Paul Lecoq : Interdire l’usage du veto sur les projets de résolution examinés par le Conseil de sécurité visant à faire exécuter une décision rendue par la CIJ.

Outre la réforme du Conseil de sécurité, de nombreux enjeux internationaux présentent également un caractère prioritaire dans la perspective du Sommet de l’avenir des 22 et 23 septembre 2024.

B.   Les défis mondiaux que l’ONU doit relever pour prévenir les conflits futurs

Lors de son entretien avec les rapporteurs, le secrétaire général António Guterres a insisté sur la dimension holistique des menaces contre la paix dans le monde. Les causes des affrontements infra ou interétatiques sont en effet multifactorielles : les rivalités territoriales, ethniques ou religieuses s’inscrivent dans un contexte global mêlant divers enjeux militaires, environnementaux, économiques ou sociaux.

La préservation de la sécurité « humaine » constitue une priorité des Nations Unies. L’objectif n’est plus seulement de gérer les conséquences dramatiques des conflits, mais aussi de prévenir leur apparition. Dans cette perspective, les ODD, la coopération scientifique, le désarmement et la réforme de l’architecture financière internationale représentent autant de leviers que l’ONU doit pouvoir actionner afin d’accomplir ses missions.

1.   Accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable

a.   Les objectifs du millénaire pour le développement

Le rapport du PNUD sur le développement humain publié en 1994 a constitué un premier pas décisif dans la définition du concept d’insécurité globale. La reconnaissance de la dimension mondiale des nouveaux risques climatiques, alimentaires, sanitaires et sociaux a guidé la démarche du secrétaire général Kofi Annan : lors du sommet pour le Millénaire des Nations unies du 6 au 8 septembre 2000, il a ainsi déterminé les premiers engagements de l’ONU en la matière, ultérieurement retranscrits en 2001 sous la forme des huit objectifs du millénaire pour le développement (OMD) :

réduire l’extrême pauvreté et la faim ;

assurer l’éducation primaire pour tous ;

promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ;

réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans ;

améliorer la santé maternelle ;

combattre le virus du SIDA, le paludisme et d’autres maladies ;

assurer un environnement durable ;

mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

La poursuite de ces objectifs implique l’engagement politique des États membres ainsi qu’un appareil statistique fiable, ce dont ne disposent pas tous les pays en voie de développement auxquels s’appliquent les OMD ([391]). Le cadre conceptuel des OMD s’insère en effet dans une grille de lecture Nord / Sud, à rebours d’une approche véritablement mondialisée des risques préalablement identifiés. Construits selon une logique planiste et technocratique, les OMD vont progressivement se transformer en objectifs de développement durable au tournant des années 2010.

b.   Les objectifs de développement durable

Les pays en voie de développement ciblés par les OMD enregistrent des résultats encourageants, s’agissant notamment de la généralisation du traitement contre le SIDA, de la hausse du taux net de scolarisation, de l’amélioration de l’accès aux services d’eau ou de la réduction de moitié de la pauvreté extrême. Toutefois, une analyse géographique des OMD démontre la persistance de foyers géographiques d’inégalités et de pauvreté, principalement en Afrique subsaharienne et au Sud du continent asiatique ([392]). En effet, la croissance économique de la Chine à la même époque ([393]) explique une part importante de la division par deux de l’extrême pauvreté dans le monde. En 2015, la situation demeure particulièrement difficile pour les pays les moins avancés. Enfin, le développement durable visé par l’OMD n° 7 a été largement ignoré puisque les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 50 % entre 1990 et 2011. Ainsi, si les OMD ont permis de mettre ces enjeux au centre de l’agenda international, ils ont davantage été un « instrument de réduction de la pauvreté plutôt qu’un instrument de développement » ([394]) et n’ont pas véritablement pris la mesure des défis que soulève le concept de développement durable.

La transition entre les OMD et les futurs objectifs de développement durable s’amorce dès 2012 lors de la conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio + 20). Fruit d’une évolution paradigmatique majeure, cette question est désormais appréhendée comme un enjeu planétaire au cœur des dynamiques de développement et dépasse le clivage habituel entre pays riches et pays pauvres. Le secrétaire général Ban Ki-Moon consacre ce changement dans son rapport préparatoire publié en 2013 ([395]) : « Il faudra pour l’après-2015 une vision et un cadre stratégique nouveaux. Le développement durable – auquel devront s’intégrer croissance économique, justice sociale, et gestion de l’environnement – doit devenir notre principe directeur mondial, notre modus operandi. » ([396]).

Composé de soixante-dix pays, le groupe de travail co-présidé par la Hongrie et le Kenya élabore une série de propositions que l’Assemblée générale adopte en septembre 2015 ([397]). Le programme de développement à l’horizon 2030 est ainsi articulé autour de dix-sept objectifs de développement durable – seize objectifs de résultats et un objectif de moyen – assortis de 169 cibles. Le développement durable est intégré dans la totalité des ODD.

Les résultats publiés dans le rapport d’activité du secrétaire général en 2023 font état de progrès significatifs pour la plupart des ODD, bien que la pandémie de Covid-19 ait eu un impact négatif notable pour certains d’entre eux.

évaluation de la performance réalisée pour chaque odd depuis 2000

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Source : rapport d’activité du secrétaire général des Nations Unies, 2023, pp. 48-49.

Selon Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien, la démarche qui soutient les ODD bénéficie d’un assez large consensus : « […] Les ODD ont été rendus possibles grâce à une convergence de valeurs sur deux questions. Tout d’abord, le développement durable a été unanimement accepté comme un projet d’envergure planétaire, et c’est là sans doute le principal succès politique de l’Agenda 2030. En proposant une approche à la fois économique, sociale et environnementale des enjeux, il fournissait un cadre intellectuel adéquat pour lutter contre la pauvreté. Un deuxième élément de consensus normatif s’est développé autour de l’idée que la pauvreté mondiale doit être éliminée et que, dans ce processus, personne ne doit être laissé de côté ”. » ([398]).

Le véritable tour de force des ODD réside dans leur positionnement stratégique au sein du système onusien, imprégnant l’intégralité du champ d’action dans lequel évoluent ses différentes agences et programmes ([399]).

c.   L’Agenda 2030 : une matrice commune à la galaxie onusienne pour accélérer la mise en œuvre des ODD en dépit des divergences

 

L’Assemblée générale accompagne la mise en œuvre des ODD grâce à un programme de financement crédible ([400]) et à un pilotage à la fois politique et méthodologique exigeant à l’ensemble des agences et programmes des Nations Unies de rendre compte de leurs progrès dans la réalisation des ODD. Depuis 2019, la France s’est ainsi dotée d’une feuille de route spécifique pour l’Agenda 2030 et d’un site internet dédié ([401]).

Si la méthodologie multiscalaire offre une vue d’ensemble des dix-sept objectifs, le suivi de l’Agenda 2030 se révèle complexe s’agissant du recueil et de l’exploitation statistique des données. Cependant, le suivi des ODD démontre que les négociations diplomatiques sur des enjeux relatifs à la protection de la biodiversité, à la réduction des inégalités de genre ou au réchauffement climatique présentent de réelles avancées. Les économistes Thomas Melonio et Laëtitia Tremel suggèrent la mise en place d’un mécanisme de révision des ODD pour éviter leur obsolescence et faciliter leur extension à l’horizon 2050, dans le but d’amortir le choc de la crise sanitaire de 2020-2021 et les derniers conflits géopolitiques ([402]).

La mutation du concept « d’insécurité » impulsée par les ODD révèle néanmoins des dissensions entre les États. Alors que le Conseil de sécurité a considéré le virus Ebola comme représentant une menace pour la paix et la sécurité internationales ([403]), la Russie a récemment opposé son veto à un projet de résolution examiné par le Conseil de sécurité évoquant les risques sécuritaires qu’entraînent les conséquences du changement climatique ([404]). Comme l’a souligné le professeur Bertrand Badie lors de son audition, la mise en œuvre des ODD permet d’élargir la réflexion sur l’aspect holistique des concepts de paix et de sécurité. Cependant, les ODD restent encore trop circonscrits à certaines instances spécifiques des Nations Unies. Cette nouvelle acception de la notion de sécurité aurait pour effet d’élargir le champ de compétence du Conseil de sécurité et de renforcer l’application des ODD, tout en imprégnant davantage la politique diplomatique des États.

De façon plus générale, Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien estiment que la fragmentation de l’ordre international se répercute également dans la manière de concevoir et d’atteindre les ODD : « Les décideurs mondiaux parlent tous le langage des valeurs universelles, mais leur utilisation de dialectes différents reflète des conflits idéologiques souvent fondamentaux. L’Agenda 2030 comporte donc une foule d’ambiguïtés et de formulations polysémiques qui masquent mal la multitude de clivages normatifs évacués trop facilement par la notion de biens publics. » ([405]).

Le développement d’une véritable coopération scientifique mondiale afin de maîtriser les potentialités de l’IA constitue l’un des principaux défis que les Nations Unies vont devoir relever au cours des prochaines années.

2.   Promouvoir une véritable coopération scientifique pour réguler l’intelligence artificielle

a.   L’intelligence artificielle, entre progrès et menaces

Selon l’UNESCO, l’IA peut se définir comme « des machines capables de reproduire certaines fonctionnalités de l’intelligence humaine, notamment sur certaines caractéristiques telles que la perception, l’apprentissage, le raisonnement, la résolution de problèmes, l’interaction linguistique et même la production d’un travail de création » ([406]). Présentant un caractère multidimensionnel, cette technologie a connu un tournant à partir de 2020, lorsque les grandes entreprises du numérique ont massivement investi dans l’IA générative, dont la particularité consiste à produire des images, des sons et des textes.

Vectrice de gains de productivité potentiellement majeurs, l’IA, tout comme les révolutions industrielles précédentes, va poser la question de la répartition de la richesse et de la diminution du temps de travail ([407]). En outre, les applications positives concernent un large spectre d’activités. Selon l’UNESCO, les perspectives d’utilisation de l’IA au service du développement durable concernent aussi bien la gestion de l’eau douce, des risques de catastrophes et des écosystèmes ([408]). Néanmoins, l’IA peut également faire l’objet d’utilisations malveillantes, à l’instar des procédés d’hyper-trucage manipulant des contenus audiovisuels. Elle s’apparente aussi à un puissant levier technologique susceptible de décupler les capacités militaires des États. Le 22 décembre 2023, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution reconnaissant les « enjeux de taille et les vives inquiétudes que soulève […] l’utilisation de nouvelles applications technologiques dans le domaine militaire, y compris celles liées à l’intelligence artificielle et à l’autonomie des systèmes d’armes » ([409]). La question des « robots-tueurs » a ainsi été débattue dans le cadre de la conférence sur l’interdiction des systèmes d’armes autonomes les 29 et 30 avril 2024, qui s’est tenue au siège de l’ONU à Vienne.

L’encadrement de l’IA à l’échelle internationale doit s’accompagner d’une réflexion éthique au regard des critères et des valeurs sur lesquels reposent les systèmes algorithmiques. Le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme Volker Türk a récemment exprimé ses inquiétudes quant aux effets potentiels de l’IA s’agissant de l’amplification des préjugés ethniques ou sexuels à l’encontre des groupes minoritaires ([410]). Cette réflexion éthique doit également être menée à l’échelle nationale, afin de structurer les positions de la France sur la scène internationale.

Le développement fulgurant de l’IA accentue également les fractures numériques à l’échelle mondiale, au risque de creuser les inégalités économiques au détriment des pays en développement. Le secrétaire général des Nations Unies António Guterres considère ainsi que « l’IA doit profiter à tous, y compris au tiers de l’humanité qui se trouve encore hors ligne » ([411]). La captation par des acteurs privés, parfois plus puissants que les États, de milliards de données personnelles interroge la pertinence des règles applicables à la protection des droits fondamentaux à travers le monde, s’agissant aussi bien des libertés démocratiques que des droits des consommateurs. La dimension universelle et transversale de l’IA souligne le rôle clef que peuvent exercer les Nations Unies afin de maîtriser son expansion. Le système onusien a ainsi vocation à définir des principes cardinaux censés inspirer les futures réglementations adoptées par les organisations régionales et les gouvernements nationaux.

b.   La prise en compte de l’IA par les Nations Unies

Depuis 2021, l’UNESCO est devenu un acteur central de la coopération scientifique internationale pour la régulation de l’IA grâce à la création de l’Observatoire mondial de l’éthique et de la gouvernance de celle-ci. Cette instance a pour mission de fournir des informations et des ressources sur l’éthique de l’IA en rassemblant des connaissances, des études de cas, des bonnes pratiques et des recherches de pointe d’experts du monde entier.

En outre, les organes principaux de l’ONU se mobilisent activement sur ces enjeux. Pour la première fois, le Conseil de sécurité a consacré une réunion ([412]) aux conséquences de l’IA sur la paix et la sécurité internationales. À cette occasion, la Chine et les Émirats arabes unis ont exprimé leur refus d’instituer un cadre de régulation à l’échelle internationale, arguant des spécificités propres au développement de chaque État. Le Conseil de sécurité a également tenu une nouvelle séance selon le format « Arria » ([413]) consacrée à l’impact de l’IA sur les discours de haine, la désinformation et les fausses informations.

Le 26 octobre 2023, le secrétaire général des Nations Unies a annoncé la création d’un nouvel organisme consultatif sur l’IA, afin de mettre en place une gouvernance internationale en la matière. L’objectif poursuivi consiste à bâtir un consensus scientifique mondial sur les risques et les défis de l’IA dans la perspective de l’Agenda 2030.

Enfin, l’Assemblée générale a adopté à l’unanimité, le 21 mars 2024, une résolution inédite exclusivement consacrée à l’IA. Excluant les applications militaires, le texte prévoit la promotion de systèmes « sûrs, sécurisés et dignes de confiance » qui visent également à garantir un développement durable pour tous ([414]).

Résolution sur l’IA adoptée par l’Assemblée générale le 21 mars 2024

En adoptant à l’unanimité la résolution intitulée « Saisir les possibilités offertes par des systèmes d’intelligence artificielle sûrs, sécurisés et dignes de confiance pour le développement durable », l’Assemblée générale se déclare résolue à favoriser des systèmes d’IA répondant aux objectifs de l’Agenda 2030. Elle encourage à cette fin les États membres et les parties prenantes à contribuer à l’élaboration de principes et cadres juridiques permettant de régir la gouvernance de tels systèmes. 

Considérant que les données représentent un enjeu fondamental pour la mise au point des systèmes d’IA, l’Assemblée souligne qu’une gestion juste, inclusive, responsable et efficace de celles-ci et des biens publics numériques est essentielle pour mettre le potentiel de cette technologie au service du développement durable. Améliorant la productivité, cette technologie pourrait entraîner des perturbations sur le marché du travail mais aussi accélérer la lutte contre la pauvreté et contribuer à un monde plus sûr. 


Auteurs de cette résolution, les États-Unis ont reconnu que l’IA pose une « menace existentielle universelle » pour l’humanité. Les contenus ainsi générés, tels que les « deep fake » menacent en effet de saper l’intégrité des débats politiques alors que la moitié de l’humanité prendra part à des élections au cours de l’année 2024. 

Source : Organisation des Nations Unies.

Le Sommet de l’avenir constitue une réelle opportunité de débattre d’un encadrement normatif de l’IA au niveau international, alors que l’Union européenne a définitivement adopté le 21 mai 2024 le règlement sur l’IA, dont le projet avait été présenté par la Commission européenne trois ans plus tôt.

3.   Reprendre les négociations relatives au désarmement

Dès 1992, le premier Agenda pour la paix, présenté par le secrétaire général Boutros Boutros-Ghali formulait des recommandations relatives au renforcement de la diplomatie préventive et des efforts tendant au maintien, au rétablissement et à la consolidation de la paix. La guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien, les conflits armés au Sahel et la crise humanitaire au Soudan, ont souligné l’aggravation des risques qui menacent la sécurité collective. Surtout, ces crises illustrent la nécessité d’amorcer la reprise des négociations dans le domaine de la prévention des conflits, ce qui a notamment trait au désarmement et la non-prolifération nucléaire.

  1.   La Conférence du désarmement : revivifier une instance désormais à l’arrêt

 Les enjeux relatifs au désarmement constituent une part importante de l’activité normative de l’Assemblée générale depuis la création de l’ONU : un cinquième des résolutions de l’Assemblée générale traitent des questions de désarmement au sens large, incluant les armes conventionnelles et les armes de destruction massive.

L’article 11 de la Charte des Nations Unies donne à l’Assemblée générale la compétence d’examiner « les principes régissant le désarmement et la réglementation des armements ». La première résolution adoptée par l’Assemblée générale en 1946 a autorisé la création d’une commission chargée d’étudier les problèmes soulevés par la découverte de l’énergie atomique ([415]). Depuis, les discussions sur le désarmement dans le système onusien se sont structurées autour de trois organes principaux : la première commission de l’Assemblée générale, responsable du désarmement et de la sécurité internationale, la Commission du désarmement créée en 1952 ([416]) et la Conférence du désarmement mise en place en 1979. L’architecture institutionnelle du désarmement onusien comprend également le Bureau des affaires de désarmement, l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNDIR), ainsi que les trois Centres régionaux des Nations Unies pour la paix et le désarmement.

Composée de soixante-cinq États, la Conférence du désarmement est une instance de négociation multilatérale permanente, issue d’une première session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies qui s’est tenue en 1978. Siégeant à Genève dans la salle historique de la Société des Nations, la Conférence du désarmement devait parachever les précédents processus de négociation en la matière. Forte d’importants résultats obtenus dans les années 1990, s’agissant notamment de l’adoption de la convention sur l’interdiction des armes chimiques en 1992 et du traité d’interdiction complète des essais nucléaires ouvert à signatures depuis 1996, l’activité de la Conférence s’est ensuite heurtée à de multiples blocages l’empêchant même d’adopter un quelconque programme de travail ([417]). La prise de décisions en son sein reposant sur le consensus, la crise du multilatéralisme explique l’incapacité de la Conférence à agir efficacement en faveur du désarmement. Lors de son audition à Genève, l’ambassadrice Camille Petit, représentante permanente de la France à la Conférence, a rappelé l’obstruction constante de la Russie, mue par une défiance croissante à l’égard des observateurs internationaux chargés de superviser le respect des obligations souscrites par les États.

Cependant, la mobilisation du secrétaire général António Guterres a permis de réinscrire ces enjeux à l’agenda diplomatique onusien. Le 25 février 2019, son discours prononcé dans l’enceinte de la Conférence sur le désarmement ([418]) incitait les membres de la Conférence à relancer les négociations multilatérales, à rebours de la multiplication d’accords bilatéraux parcellaires. Sur la base d’un programme intitulé « Assurer notre avenir commun », l’Agenda pour le désarmement proposé par le secrétaire général s’insère dans les ODD approuvés par l’Assemblée générale. Pour autant, aucune avancée concrète n’a été véritablement enregistrée : si le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) est entré en vigueur le 22 janvier 2021 ([419]), aucun des cinq membres permanents du Conseil de sécurité ne l’a signé. Ces derniers disposent de l’arme nucléaire et se sentent uniquement redevables du Traité de non-prolifération, dont ils sont tous les cinq États parties ([420]).

Dans sa contribution à l’Agenda pour la paix, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères justifie ainsi la position française : « La France promeut un agenda positif sur le désarmement nucléaire fondé sur la réaffirmation de l’autorité et de la primauté du traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ; sur une mobilisation continue en faveur de la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement (FMCT) et, dans l’attente de sa conclusion, la mise en œuvre d’un moratoire sur la production de ces matières ; sur des efforts en faveur de la vérification du désarmement nucléaire ainsi que sur la définition et la mise en œuvre de mesures concrètes de réduction des risques stratégiques. »

« Celles-ci doivent être entendues, en complément et en appui aux autres mesures de désarmement entreprises dans le cadre du TNP, comme l’ensemble des dispositifs destinés à éviter le risque d’emploi de l’arme, y compris les dialogues entre États dotés d’une part, et entre États dotés et États non dotés d’autre part. En outre, la France a rappelé son attachement aux garanties de sécurité – positives et négatives – octroyées par les États dotés et dont le respect est impératif et s’impose à chacun d’entre eux. Elle plaide également pour une transparence de tous les États dotés sur leur doctrine et leurs arsenaux nucléaires. »

« Ces éléments constituent le meilleur point d’appui pour créer les conditions vers un monde sans armes nucléaires, selon une approche progressive et réaliste du désarmement. Au contraire, le traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) est incompatible avec le TNP et fragilise notre architecture de sécurité collective. Les instruments internationaux de désarmement et de maîtrise des armements doivent être préservés et sanctuarisés. » ([421]).

L’échec des négociations appelle à une relance crédible du processus, bien que le contexte géopolitique ne semble ouvrir aucune fenêtre d’opportunité à court terme.

  1.   La délicate relance du processus

Le 25 octobre 2023, la première commission de l’Assemblée générale s’est réunie pour sortir de l’impasse dans laquelle la Conférence du désarmement se trouve depuis un quart de siècle. Ses travaux ont abouti à l’adoption par l’Assemblée générale de cinquante-cinq résolutions parmi les soixante-et-un projets recommandés par la première commission. Toutefois, ces débats ont souligné les divisions de la communauté internationale sur l’élimination des armes nucléaires et la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, ce qui a notamment suscité l’opposition d’Israël.

En outre, l’échec du projet de résolution examiné par le Conseil de sécurité le 24 avril 2024 afin de prévenir la course aux armements dans l’espace symbolise une nouvelle fois l’inertie des négociations interétatiques dans ce domaine ([422]), vingt ans après l’adoption à l’unanimité d’une résolution assimilant la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs à une menace pour la paix et la sécurité internationales ([423]).

Rejet par le Conseil de sécurité le 24 avril 2024 du projet de résolution visant à prévenir la course aux armements dans l’espace

Le Conseil de sécurité a rejeté un projet de résolution destiné à encadrer l’usage des armes nucléaires et des armes de destruction massive (ADM) dans l’espace extra-atmosphérique, après que la Russie a usé de son droit de veto. La Chine s’est abstenue et les treize autres membres ont voté pour. Le projet de résolution visait à réaffirmer l’engagement des États à se conformer pleinement au traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967, qui interdit notamment aux États parties de placer des armes nucléaires ou toute autre ADM en orbite sur des corps célestes, ou de les stationner dans l’espace extra-atmosphérique de toute autre manière.

À l’origine du projet avec les États-Unis, le Japon a rappelé qu’une seule détonation nucléaire dans l’espace réduirait à néant des systèmes satellitaires dont dépend l’humanité au quotidien, entre autres calamités.

Source : Organisation des Nations Unies.

L’avant-projet du Pacte pour l’avenir publié le 26 janvier 2024 mentionne à neuf reprises la nécessité de relancer les négociations relatives au désarmement, en « revitalisant » ([424]) le rôle des Nations Unies à travers l’action de l’Assemblée générale. La recherche obstinée du consensus qui caractérise les négociations menées à la Conférence du désarmement ne permet plus aujourd’hui d’aboutir à des résultats concrets. Dès lors, quand bien même l’unanimité ne serait pas atteinte, le vote de résolutions par l’Assemblée générale constitue le moyen le plus adapté pour enclencher une nouvelle dynamique utile à la désescalade guerrière et à la préservation de la paix.

4.   Réformer l’architecture financière mondiale

a.   Un système dysfonctionnel qui ne répond plus aux besoins des pays en développement

Le 15 avril 2024, le secrétaire général et le président de l’Assemblée générale des Nations Unies ont appelé à réformer d’urgence le système financier mondial ([425]). Construite au sortir de la seconde guerre mondiale, l’architecture financière internationale se définit, selon l’ONU, comme l’ensemble des dispositifs de gouvernance chargés de préserver la stabilité et le fonctionnement des systèmes monétaires et financiers mondiaux ([426]). Appréhendées comme « filet de sécurité » en cas de crise systémique, les institutions financières internationales ne parviennent plus à lutter contre les déséquilibres globaux, ce qui met en péril leur viabilité et leur crédibilité auprès des États.

Hérité des accords de Bretton Woods signés en 1944, le système monétaire international consacre toujours la prédominance du dollar. Disposant d’un régime de change fixe avec cette devise, de nombreux pays émergents sont ainsi maintenus dans un état de vulnérabilité, sinon de dépendance à l’égard des politiques économiques décidées par la Réserve fédérale américaine. De plus, ces États font face à des flux de capitaux volatiles et pro-cycliques : en cas de ralentissement économique, la valeur de leur monnaie se déprécie fortement, alourdissant ainsi le poids de leur dette extérieure. En outre, la forte spécialisation des économies des pays émergents, essentiellement centrée sur l’exploitation de ressources énergétiques, fragilise leur modèle de croissance constamment exposé aux aléas de la conjoncture économique mondiale.

Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, les pays à revenu faible et intermédiaire ont fortement augmenté leur niveau d’endettement. La Banque de France estime que « le montant total de cette dette s’est accru de presque 3 500 milliards de dollars entre 2006 et 2020 » ([427]). En 2022, le montant des financements retirés par les investisseurs privés dans les pays émergents atteint 185 milliards de dollars ([428]). Pour l’année 2022, le chef économiste de la Banque mondiale observe que « si les pays en développement ont consacré près de 450 milliards pour rembourser leur dette, ce chiffre dépassera vraisemblablement plus de 500 milliards [en 2023], soit une hausse de 10 % sur un an »  ([429]). La Banque mondiale considère que le coût de la dette des vingt-quatre pays les plus pauvres pourrait connaître une augmentation de 39 % en 2024 ([430]).

L’ONU dénonce le poids de l’endettement chronique des pays émergents en tant que facteur supplémentaire de paupérisation de leur population : « Plus d’un cinquième des recettes fiscales de vingt-cinq pays en développement ont été consacrées au service de la dette extérieure, tandis que les coûts d’emprunt extrêmement élevés ont conduit des pays comptant au total quelque 3,3 milliards d’habitants soit environ 40 % de la population mondiale à dépenser davantage en paiements d’intérêts qu’en initiatives dans les domaines de la santé ou de l’éducation. » ([431]).

Face à ces constats, des solutions concurrentes émergent. Elles reflètent les potentialités mais aussi les limites inhérentes au multilatéralisme.

b.   Les réponses envisagées par l’ONU, à l’épreuve de l’influence croissante de la Chine

À l’image de la Banque mondiale, de la Banque européenne d’investissement, de la Banque africaine de développement et de la Banque asiatique de développement, les banques multilatérales de développement (BMD) ([432]) sont appelées à exercer un double rôle.

Premièrement, l’ONU incite les banques multilatérales de développement à augmenter substantiellement le volume de prêts qu’elles accordent aux pays émergents, tout en allongeant leur durée pour faciliter leur amortissement. Deuxièmement, ces banques ont vocation à intégrer les ODD dans leur politique de prêt, afin de renforcer le caractère pérenne et soutenable de la croissance des pays en développement.

Outre la revalorisation des droits de vote des pays émergents dans la gouvernance institutionnelle du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, le secrétaire général estime qu’une annulation partielle de leurs dettes desserrerait utilement les contraintes budgétaires auxquelles ils sont soumis, dans le but d’allouer davantage de ressources au financement de projets de développement durable.

Ces propositions s’inscrivent dans un contexte géopolitique marqué par le rôle croissant de la Chine au cours de la dernière décennie. Créée en 2014, la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII) réunit à son lancement vingt-et-un pays ([433]). En mai 2024, la BAII comptait cent neuf membres, dont cinquante-deux membres régionaux et cinquante-sept membres non régionaux. Entre octobre 2014 et mars 2022, la BAII a participé au financement de 167 projets, pour un montant total supérieur à 30 milliards de dollars ([434]). La BAII représente ainsi le principal bailleur de fonds des nouvelles routes de la soie. La Chine promeut efficacement l’internationalisation de sa monnaie grâce à des prêts libellés en yuan, dans une concurrence assumée avec la Banque mondiale et le FMI ([435]).

Par ailleurs, les BRICS ont mis en place en 2015 la Nouvelle Banque de développement (NBD), dont l’objectif vise à favoriser une plus grande coopération financière entre les pays émergents. La Chine assure sa domination au sein de cette institution en détenant un tiers du capital et 26 % des droits de vote.

La remise en cause de l’architecture financière internationale par les initiatives régionales précitées illustre la nécessité d’une réforme systémique des institutions spécialisées relevant du spectre onusien. Au moment où des investissements colossaux sont nécessaires, notamment dans le but de financer la transition énergétique, l’endettement excessif des pays émergents constitue un obstacle à lever. La promotion de financements soutenables à long terme pourrait prendre la forme des échanges « dette-nature » qui consistent à réduire la dette d’un État contre son engagement à dépenser une fraction de la réduction consentie pour protéger l’environnement. Par ailleurs, la réforme des institutions financières internationales devra également permettre d’accompagner les États qui souhaitent moderniser leur système monétaire.

Les pays émergents sont ceux qui sont les plus touchés par le changement climatique : il leur est par conséquent essentiel de disposer des capacités suffisantes pour investir dans ce domaine. En février 2023, le secrétaire général des Nations Unies a appelé à allouer au moins 500 milliards de dollars par an aux pays en développement dans le cadre des ODD ([436]). Les rapporteurs sont conscients de la complexité de ces projets qui suscitent les réticences habituelles des États industrialisés et l’impatience légitime des pays émergents.

L’avant-projet du Pacte pour l’avenir rappelle « l’urgence de moderniser et de renforcer l’architecture financière afin de relever efficacement les défis de notre temps tout en reflétant davantage la réalité du monde d’aujourd’hui » ([437]). Alors que le contournement des organisations onusiennes a déjà débuté, le Sommet de l’avenir représente une occasion – probablement la dernière – que la communauté internationale doit saisir pour surmonter ses divisions et œuvrer efficacement en faveur de la paix et du développement, ce qui correspond précisément à l’ambition poursuivie par l’ONU depuis 1945.


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Propositions communes des rapporteurs

Proposition n° 1 : Stimuler la recherche scientifique française conduite par les acteurs institutionnels et associatifs sur les questions onusiennes.

Proposition n° 2 : Sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, organiser un débat annuel au Parlement sur l’action diplomatique de la France à l’ONU.

Proposition n° 3 : Renforcer la planification et la rationalisation de la production normative de l’Assemblée générale par la mise en œuvre d’un programme de travail pluriannuel priorisant les sujets qu’elle a vocation à examiner.

Proposition n° 4 : Préciser le caractère non-renouvelable du mandat du secrétaire général et allonger sa durée de cinq à sept ans.

Proposition n° 5 : Autoriser l’ONU à conserver le montant du solde inutilisé à la fin de chaque exercice budgétaire, afin de sécuriser sa trésorerie en cas de crise de liquidités ultérieure.

Proposition n° 6 : Compléter l’indicateur de performance du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde relatif aux contributions volontaires versées par la France aux organisations internationales afin de faire apparaître la part, le montant et l’objet des contributions faisant l’objet d’un fléchage.

Proposition n° 7 : Renforcer l’accessibilité, la consolidation et la transparence des bilans comptables des organisations onusiennes en détaillant précisément le montant et l’origine des financements dont elles bénéficient.

Proposition n° 8 : Engager une réflexion sur la mise en place d’un mécanisme de ressources propres, par exemple inspiré de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dont le produit serait affecté au budget des organisations onusiennes.

Proposition n° 9 : Mettre en place un commandement militaire unifié assurant le pilotage centralisé des opérations militaires conduites dans le cadre du maintien de la paix.

Proposition n° 10 : Développer des dispositifs d’évaluation des risques dans le cadre du déploiement de chaque opération de maintien de la paix.

Proposition n° 11 : Garantir la participation financière minimale de l’ONU à une opération de la paix conduite par l’Union africaine et approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU à hauteur de 50 % de son budget annuel.

Proposition n° 12 : Relancer le processus de réforme du Conseil de sécurité par le dépôt d’un texte reprenant les propositions du « G4 » en excluant l’octroi d’un droit de veto aux futurs membres permanents et en limitant l’élargissement à six nouveaux sièges permanents et trois nouveaux sièges non-permanents.


   Propositions du rapporteur Jean-Paul Lecoq

Proposition n° 1 : Systématiser la participation du président de la République lors de l’ouverture annuelle des sessions de l’Assemblée générale.

Proposition n° 2 : Interdire l’usage du veto sur les projets de résolution examinés par le Conseil de sécurité visant à faire exécuter une décision rendue par la CIJ.


   Examen en commission

 

Au cours de sa séance du mercredi 5 juin 2024, la commission examine le présent rapport.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/L8Xacg

 

La commission autorise le dépôt du rapport d’information sur la politique des sanctions internationales.

 


   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

Les rapporteurs adressent leurs remerciements chaleureux à l’ensemble du personnel des représentations permanentes de la France à Genève et New York pour leur accueil et l’organisation des entretiens réalisés au cours des déplacements.

 

Mercredi 20 décembre 2023

– M. Bertrand Badie, professeur émérite de sciences politiques à Sciences Po Paris ;

– M. Guillaume Devin, professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris ;

 

Jeudi 21 décembre 2023

– M. Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) ;

– M. Serge Sur, professeur émérite de droit public à l’Université Paris Panthéon-Assas ;

– M. Jean-Maurice Ripert, ancien ambassadeur, président de l’Association française pour les Nations Unies (AFNU), ancien représentant permanent de la France auprès des Nations Unies entre 2007 et 2009 ;

– M. Alain Le Roy, ancien ambassadeur, ancien secrétaire général adjoint de l’ONU aux opérations de maintien de la paix, administrateur de l’AFNU ;

 

Lundi 15 janvier 2024

– M. Michel Duclos, ancien ambassadeur, conseiller spécial à l’Institut Montaigne ;

– M. Dominique Moïsi, professeur au King’s College de Londres, conseiller spécial à l’Institut Montaigne ;

 

Mercredi 17 janvier 2024

– Mme Anne-Cécile Robert, journaliste, directrice-adjointe du « Monde diplomatique » ;

– M. Romuald Sciora, journaliste, chercheur associé et directeur de l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS ;

Lundi 22 janvier 2024

– Mme Évelyne Lagrange, professeure de droit public à l’Université Paris 1 ;

– M. Olivier de Frouville, professeur de droit public à l’Université Panthéon-Assas ;

– M. Mathias Forteau, professeur de droit international public à l’Université Paris-Nanterre ;

– M. Julian Fernandez, professeur de droit public à l’Université Paris Panthéon-Assas ;

 

Mercredi 24 janvier 2024

– M. Alexandre Boutellis, consultant indépendant, conseiller senior non-résident à l’International Peace Institute ;

– Mme Alexandra Novosseloff, chercheure-associée au Centre Thucydide de l’Université Paris Panthéon-Assas et chercheuse non résidente à l’International Peace Institute ;

 

Vendredi 9 février 2024

– M. Jean-David Levitte, ancien conseiller diplomatique des présidents de la République Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, ancien représentant permanent de la France auprès des Nations Unies entre 2000 et 2002 ;

 

Lundi 12 février 2024

– M. Hervé Ladsous, ancien secrétaire général-adjoint aux opérations de maintien de la paix de l’ONU entre 2011 et 2016 ;

– M. Jean-Marie Guéhenno, professeur à Columbia, ancien secrétaire général-adjoint au Département des opérations de maintien de la paix entre 2000 et 2008 ;

 

Mardi 27 février 2024

– M. Alain Dejammet, ancien représentant permanent de la France auprès des Nations Unies entre 1995 et 1999 ;

 

Mercredi 28 février 2024

– M. Gérard Araud, ancien ambassadeur de France, ancien représentant permanent de la France auprès des Nations Unies entre 2009 et 2014, ancien ambassadeur de France aux États-Unis entre 2014 et 2019 ;

 

Mercredi 6 mars 2024

– M. Patrick Steiger, général de division, chef de service à la direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées ;

 

Jeudi 7 mars 2024

– Mme Béatrice Le Fraper du Hellen, directrice des Nations Unies et des organisations internationales du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

– M. Manuel Lafont Rapnouil, directeur du centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

 

Déplacement à Genève du 13 au 14 mars 2024

– M. Jérôme Bonnafont, ambassadeur, représentant permanent de la France près des Nations Unies à Genève ;

– Mme Christine Toudic, représentante permanente adjointe de la France près des Nations Unies à Genève ;

– Mme Camille Petit, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de la Conférence du désarmement à Genève ;

– M. Omar Zniber, ambassadeur, représentant permanent du Royaume du Maroc auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, Président du Conseil des droits de l’Homme ;

– M. Mahamane Cisse-Gouro, directeur de la division Conseil des droits de l’Homme et mécanismes des traités du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme ;

– M. Hervé de Villeroché, conseiller spécial du Haut-Commissaire pour les réfugiés ;

 

Mardi 19 mars 2024

– M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères ;

 

Mercredi 20 mars 2024

– M. Alain Juppé, membre du conseil constitutionnel, ancien premier ministre, ancien ministre des affaires étrangères ;

– M. François Delattre, ambassadeur de France en Allemagne, représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à New York entre 2014 et 2019 ;

 

Mercredi 27 mars 2024

– M. Jean-Marc de la Sablière, ancien conseiller diplomatique du président de la République Jacques Chirac, ancien représentant permanent de la France auprès des Nations Unies entre 2002 et 2007 ;

 

Jeudi 28 mars 2024

– M. Herman T. Salton, professeur associé de relations internationales à l’Université de Tokyo, directeur adjoint du Conseil académique du système des Nations Unies (ACUNS) ;

 

Déplacement à New York du 2 au 6 avril 2024

– M. António Guterres, secrétaire général des Nations Unies ;

– M. Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général-adjoint des Nations Unies en charge des opérations de paix ;

– M. Guy Ryder, secrétaire général-adjoint chargé des politiques des Nations Unies ;

– M. Nicolas de Rivière, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès des Nations Unies ;

– Mme Nathalie Broadhurst, ambassadrice, représentante permanente adjointe de la France auprès des Nations Unies ;

– M. Alain Verninas, chef adjoint du pôle « développement et climat » de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies ;

– Mme Isis Jaraud-Darnault, coordinatrice politique de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies ;

– Mme Diarra Dime-Labille, cheffe du service affaires des droits de l’Homme, humanitaires et d’influence de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies ;

– M. Romain Dubourdieu, conseiller économique adjoint de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies ;

– M. Vincent de Kytspotter, général de brigade, chef de la Représentation militaire et de défense de la France auprès des Nations Unies ;

– M. Norberto Moretti, ambassadeur, représentant permanent adjoint du Brésil auprès des Nations Unies ;

– Mme Ruchira Kamboj, ambassadrice, représentante permanente de l’Inde auprès des Nations Unies ;

– Mme Shino Mitsuko, ambassadrice, représentante permanente adjointe du Japon auprès des Nations Unies ;

– Mme Antje Leedertse, ambassadrice, représentante permanente de l’Allemagne auprès des Nations Unies ;

– M. Marthinus van Schalkwyk, ambassadeur, représentant permanent adjoint de l’Afrique du Sud auprès des Nations Unies ;

– M. Amar Bendjama, ambassadeur, représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations Unies ;

– M. Richard Gowan, directeur des activités de plaidoyer de l’organisation non-gouvernementale International Crisis Group (ICG).


   Annexe n° 2 :
Liste des abréviations et acronymes utilisés dans le rapport

Les acronymes de l’ensemble des opérations de paix mentionnées dans le rapport sont développés aux pages 87 à 91.

 

A4P : Action pour le maintien de la paix

AFNU : Association française des Nations Unies

AIEA : Agence internationale de l’énergie atomique

BAII : Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures

BMD : Banques multilatérales de développement

CAPS : Centre d’analyse, de prévision et de stratégie

CCP : Commission de consolidation de la paix

CEDEAO : Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest

CIJ : Cour internationale de justice

CIRC : Centre international de recherche sur le cancer

DGRIS : Direction générale des relations internationales et de la stratégie

DNUOI : Direction des Nations Unies et des organisations internationales

DOMP : Département des opérations de maintien de la paix

ECOSOC : Conseil économique et social

FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

FARC : Forces armées révolutionnaires de Colombie

FCP : Fonds pour la consolidation de la paix

FIDA : Fonds international de développement agricole

FINUL : Force intérimaire des Nations Unies au Liban

FMCT : Traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement

FNUAP : Fonds des Nations Unies pour la population

FUNU : Force d’urgence des Nations Unies

GTI : Groupe de travail informel

HCDH : Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme

HCR : Haut-Commissariat aux réfugiés

IA : Intelligence artificielle

IASC : Comité permanent inter-organisations

IDG : Indice d’inégalités de genre

IDHI : Indicateur de développement humain ajusté aux inégalités

IGN : Intergovernmental negotiations

NBD : Nouvelle Banque de développement

OACI : Organisation de l’aviation civile internationale

OAP : Opération africaine de paix

ODD : Objectifs de développement durable

OIAC : Organisation pour l’interdiction des armes chimiques

OIF : Organisation internationale de la francophonie

OIM : Organisation internationale pour les migrations

OIT : Organisation internationale du travail

OMC : Organisation mondiale du commerce

OMD : Objectifs du millénaire pour le développement

OMP : Opération de maintien de la paix

OMS : Organisation mondiale de la santé

ONU : Organisation des Nations Unies

ONUDC : Office des Nations Unies contre la drogue et le crime

ONU Femmes : Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes

OSCE : Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OTAN : Organisation du traité de l’Atlantique Nord

PAM : Programme alimentaire mondial

PNB : Produit national brut

PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement

PNUE : Programme des Nations Unies pour l’environnement

RDC : République démocratique du Congo

RSSG : Représentant spécial du secrétaire général

SDN : Société des Nations

TIAN : Traité sur l’interdiction des armes nucléaires

TNP : Traité de non-prolifération des armes nucléaires

TUE : Traité sur l’Union européenne

UA : Union africaine

UE : Union européenne

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’enfance

UNIDO : Organisation des Nations Unies pour le développement industriel

UNITAID : Fonds de l’organisation des Nations Unies pour le SIDA

UNOPS : Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets

UNRWA : Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient

URSS : Union des Républiques socialistes soviétiques

VNU : Volontaires des Nations Unies


 


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   Annexe n° 3 :
Organigramme du système des nations unies

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([1]) Les rapporteurs formulent douze propositions communes. Le rapporteur Jean-Paul Lecoq formule également deux propositions à titre personnel.

([2]) À l’instar du début des années 1960, marquées par la construction du mur de Berlin en août 1961 et de la crise des missiles à Cuba en octobre 1962, ou du début des années 1980, au cours desquelles ont eu lieu la guerre menée par l’URSS en Afghanistan et la crise des euromissiles.

([3]) Telles que les années 1970 au cours desquelles fut créée la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe réunissant les États-Unis et l’URSS, préfigurant l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) mise en place en 1995.

([4]) Résolution S/RES/242 du 22 novembre 1967.

([5]) Anne-Cécile Robert et Romuald Sciora, Qui veut la mort de l’ONU ?, Eyrolles, novembre 2018, p. 70.

([6]) Le Conseil de sécurité s’est réuni 2 903 fois entre 1946 et 1989 et a adopté 646 résolutions, soit moins d’une quinzaine par an. Pour la seule décennie 1990-2000, il s’est réuni 1 183 fois et a adopté 638 résolutions, soit en moyenne 64 par an.

([7]) Résolution S/RES/678 du 29 novembre 1990.

([8]) Mission préparatoire des Nations Unies au Cambodge (MIPRENUC) entre octobre 1991 et mars 1992 et Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC) entre février 1992 et septembre 1993.

([9]) Mission d’observation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) créée en novembre 1999.

([10]) Résolutions S/RES/1368 du 12 septembre 2001 et S/RES/1373 du 28 septembre 2001.

([11]) Résolution A/RES/55/2 du 8 septembre 2000.

([12]) Résolution A/RES/60/1 du 24 octobre 2005.

([13]) Alain Dejammet, « À quoi servent les Nations Unies ? », Centre Thucydide, Université Paris Panthéon-Assas, 2008, p. 11.

([14]) La résolution S/RES/1244 du 10 juin 1999 a autorisé le déploiement d’une opération de maintien de la paix confiée à la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), dont l’activité se poursuit en 2024.

([15]) Jean-Marc de La Sablière, Indispensable ONU, Plon, mars 2017, p. 28.

([16]) France, Russie et Chine.

([17]) Maurice Gourdault-Montagne, Les autres ne pensent pas comme nous, Bouquins, 2022, p. 95.

([18]) Contribution écrite remise par le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([19]) Ainsi que l’ont rappelé les anciens ambassadeurs Hervé Ladsous et Jean-David Levitte lors de leurs auditions.

([20]) Opération « Unified Protector » entre mars et octobre 2011.

([21]) Ibid.

([22]) Résolution A/RES/60/1 adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 24 octobre 2005.

([23]) Jean-Marie Guéhenno, Qu’attendre de l’ONU aujourd’hui ?, Politique étrangère, printemps 2021, p. 80.

([24]) Forum économique mondial créé en 1971.

([25]) Acronyme des cinq pays suivants : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud. Le 1er janvier 2024, ce groupe de pays a admis en son sein l’Iran, l’Égypte, l’Éthiopie et les Émirats arabes unis.

([26]) Créé en 1975 et regroupant les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, l’Italie et la France.

([27]) Créé en 1999 et regroupant l’Afrique du Sud, l’Australie, l’Inde, le Canada, la Corée du Sud, l’Arabie saoudite, le Mexique, les États-Unis, la Chine, le Brésil, le Japon, la Turquie, l’Indonésie, l’Italie, le Royaume-Uni, la France, la Russie, l’Allemagne et l’Argentine.

([28]) Audition de Justin Vaïsse devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 20 mars 2024.

([29]) Audition de Jean-Marie Guéhenno devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 20 mars 2024.

([30]) Anne-Cécile Robert et Romuald Sciora, Qui veut la mort de l’ONU ?, Eyrolles, novembre 2018, pp. 114-115.

([31]) Alain Dejammet, « À quoi servent les Nations Unies ? », Centre Thucydide, Université Paris Panthéon-Assas, 2008, p. 13.

([32]) Contribution écrite remise par Julian Fernandez.

([33]) L’intégration des États à l’ordre international atteint ainsi une forme de limite capacitaire.

([34]) Les règles actuelles applicables du commerce mondial ont par exemple été définies avant la généralisation du commerce électronique.

([35]) Sous l’effet des populismes et du regain des nationalismes qui tendent à caricaturer le multilatéralisme comme un moyen de brider la souveraineté des États.

([36]) Au regard de la contestation de l’ordre international appréhendé comme le reliquat de la domination historique de l’Occident sur le reste du monde.

([37]) Gérard Araud, Passeport diplomatique : Quarante ans au Quai d’Orsay, Grasset, octobre 2019, p. 207.

([38]) Contribution écrite remise par le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([39]) S’agissant notamment des auditions d’Alexandra Novosseloff, de Serge Sur et du centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([40]) À l’exception notable de l’association française pour les Nations Unies (AFNU) dont les représentants ont été auditionnés par les rapporteurs.

([41]) Ibid.

([42]) Contribution écrite remise par la direction des Nations Unies et des organisations internationales du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([43]) Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

([44]) Audition de Jean-Marie Guéhenno devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 20 mars 2024.

([45]) Audition de Justin Vaïsse devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 20 mars 2024.

([46]) Contribution écrite remise par le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([47]) Ibid.

([48]) Contribution écrite remise par la direction des Nations Unies et des organisations internationales du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([49]) Résolution A/RES/ES-11/1 du 2 mars 2022.

([50]) Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien, Comment s’élabore une politique mondiale, dans les coulisses de l’ONU, Sciences Po, janvier 2024, p. 249.

([51]) Hubert Védrine, Réflexions sur la réforme de l’ONU, revue Pouvoirs, 2004, p. 137.

([52]) Jean-Marie Guéhenno, Qu’attendre de l’ONU aujourd’hui ?, Politique étrangère, printemps 2021, p. 89.

([53]) L’organigramme du système des Nations Unies figure en annexe du rapport.

([54]) Le Conseil économique et social, la Cour internationale de Justice et le Conseil de tutelle représentent les trois autres organes principaux de l’ONU.

([55]) Régi par le chapitre XIII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de tutelle avait pour mission de superviser les onze territoires placés sous l’administration de sept États membres dans le cadre d’un processus d’accès à l’indépendance. Depuis 1994, il ne se réunit désormais qu’à la demande ou sur décision de son président, à la requête d’une majorité de ses membres, de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité.

([56]) Régie par le chapitre XIV de la Charte des Nations Unies, la CIJ est le principal organe juridictionnel des Nations Unies chargé, d’une part, de régler les contentieux qui lui sont soumis par les États et, d’autre part, de rendre des avis consultatifs sur les questions que les organes et institutions spécialisées de l’ONU sont susceptibles de lui poser.

([57]) Cour internationale de justice, ordonnance du 26 janvier 2024, Afrique du Sud c. Israël.

([58]) Cour internationale de justice, ordonnance du 2 février 2024, Ukraine c. Russie.

([59]) Cour internationale de justice, ordonnance du 16 mars 2022, Ukraine c. Russie.

([60]) Contribution écrite remise par M. Julian Fernandez.

([61]) Régi par le chapitre X de la Charte des Nations Unies, l’ECOSOC se compose de 54 membres représentant les États, dont 18 sont élus chaque année par l’Assemblée générale pour une durée de trois ans.

([62]) Les rapporteurs n’ont pu étudier de façon exhaustive l’ensemble des organes onusiens. Cependant, l’analyse détaillée du rôle et de l’évolution potentielle de l’ECOSOC présenterait un intérêt certain.

([63]) Chapitre IV de la Charte des Nations Unies.

([64]) Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l’égard d’un différend ou d’une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la Charte, l’Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation en la matière.

([65]) Article 11 de la Charte des Nations Unies.

([66]) Articles 13 et 14 de la Charte des Nations Unies.

([67]) La majorité des résolutions de l’Assemblée générale est toutefois adoptée par consensus, sans recours au vote.

([68]) La première commission traite des questions de désarmement et de sécurité internationale ; la deuxième commission examine les questions économiques et financières ; la troisième commission étudie les questions sociales, humanitaires, culturelles et des droits humains ; la quatrième commission débat des politiques spéciales et de la décolonisation ; la cinquième commission examine les questions administratives et budgétaires ; la sixième commission étudie les questions juridiques.

([69]) Tels que la Commission du désarmement, le Conseil des droits de l’Homme et la Commission du droit international.

([70]) Tels que le Programme alimentaire mondial (PAM), le Fonds des Nations Unies pour la population, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ou le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

([71]) Tels que le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) ou l’agence pour les réfugiés de Palestine (UNRWA).

([72]) Article 17 de la Charte des Nations Unies.

([73]) Article 97 de la Charte des Nations Unies.

([74]) Article 18, paragraphe 2 de la Charte des Nations Unies.

([75]) Résolutions A/RES/78/239 du 22 décembre 2023 et A/RES/78/51 du 4 décembre 2023.

([76]) Résolution A/RES/78/150 du 19 décembre 2023.

([77]) Résolution A/RES/78/110 du 7 décembre 2023.

([78]) Résolution A/RES/78/10 du 21 novembre 2023.

([79]) Résolution A/RES/78/206 du 19 décembre 2023.

([80]) Du nom du secrétaire d’État américain Dean Acheson.

([81]) Résolution A/RES/377(V) du 3 novembre 1950.

([82]) Résolution ES-11/1 du 2 mars 2022.

([83]) Cour internationale de justice, avis consultatif du 20 juillet 1962.

([84]) Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux.

([85]) Inis Lothair Claude, « Collective Legitimization as a Political function of the UN », International Organization, 20, 1966, p. 375. 

([86]) Résolution A/RES/217(III) du 10 décembre 1948.

([87]) Résolution A/RES/2200A(XXI) du 16 décembre 1966.

([88]) Résolution A/RES/60/1 du 16 septembre 2005.

([89]) Résolution S/RES/1973 du 17 mars 2011.

([90]) Résolution A/RES/1665(XVI) du 4 décembre 1961.

([91]) Résolutions A/RES/2028(XX) du 19 novembre 1965 et A/RES/2371(XXII) du 12 juin 1968.

([92]) Résolution A/RES/72/249 du 24 décembre 2017.

([93]) Déclaration du secrétaire général le 11 janvier 2016 à l’occasion du 70e anniversaire de la première réunion de l’Assemblée générale.

([94]) Herman T. Salton, L’Artisan de la paix ? L’ONU dans les relations internationales, l’Harmattan, janvier 2024, p. 90.

([95]) Jean-Marc de La Sablière, Indispensable ONU, Plon, mars 2017, pp. 68-69.

([96]) Mélanie Albaret et Simon Tordjman (sous la direction de Guillaume Devin), L’Assemblée générale des Nations unies, Sciences Po, février 2020, p. 19.

([97]) Guillaume Devin, L’Assemblée générale des Nations unies, Sciences Po, février 2020, p. 7.

([98]) À l’instar des débats préalables au vote de la résolution A/RES/67/19 du 29 novembre 2012 octroyant à la Palestine le statut d’État non-membre observateur.

([99]) Discours de John Foster Dulles le 22 septembre 1955 à l’occasion de la 10e session de l’Assemblée générale.

([100]) Aux côtés de l’Allemagne, la France a lancé en avril 2019 une initiative intitulée « Alliance pour le multilatéralisme » que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères présente sur son site Internet comme un « agrégateur de bonnes volontés visant à développer et mettre en œuvre une méthode multilatérale rénovée. ».

([101]) Parmi les cinq présidents ou chef de gouvernement des États membres permanents du Conseil de sécurité, seul le président américain Joe Biden était présent.

([102]) Inde, Brésil, Afrique du Sud, Japon et Algérie.

([103]) Jean-Marc de La Sablière (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 121.

([104]) Résolution A/RES/76/262 du 26 avril 2022.

([105]) Contribution écrite de M. Julian Fernandez.

([106]) Contribution écrite de la direction des Nations Unies et des organisations internationales du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([107]) Article 27 de la Charte des Nations Unies.

([108]) Assemblée générale, séances du 8 juin 2022.

([109]) Assemblée générale, séances du 19 juillet 2023.

([110]) Assemblée générale, séances du 6 mai 2024.

([111]) Assemblée générale, séances du 1er mai 2024.

([112]) Franck Petitville et Simon Tordjman (sous la direction de Guillaume Devin), L’Assemblée générale des Nations unies, Sciences Po, février 2020, p. 288.

([113]) Résolution A/RES/46/77 du 11 décembre 1991.

([114]) Résolution A/RES/59/313 du 21 septembre 2005.

([115]) Chapitre XV de la Charte des Nations Unies.

([116]) Article 101, première phrase du 3e paragraphe.

([117]) Article 101, seconde phrase du 3e paragraphe.

([118]) Au sein du secrétariat, les principaux postes sont actuellement occupés par des ressortissants occidentaux : le secrétaire général est portugais, la secrétaire générale adjointe aux affaires politiques est américaine et les deux secrétaires généraux adjoints aux opérations de maintien de la paix et aux affaires humanitaires sont respectivement français et britannique.

([119]) Soit les cinq États membres permanents du Conseil de sécurité.

([120]) Herman T. Salton, L’Artisan de la paix ? L’ONU dans les relations internationales, L’Harmattan, janvier 2024, p. 109.

([121]) Discours devant l’Assemblée générale, 13 décembre 2016.

([122]) Résolution A/RES/72/266B du 5 juillet 2018.

([123]) Six domaines prioritaires d’action ont été identifiés : accroître la rapidité de la prestation de service, améliorer la cohérence dans les structures de gestion, renforcer la culture de gestion des performances, garantir une gestion efficace des ressources affectées à l’exécution des mandats, améliorer la transparence et le respect du principe de responsabilité et renforcer la confiance entre les États Membres et le Secrétariat.

([124]) Rapport d’activité du secrétaire général des Nations Unies, 2023, p. 64.

([125]) L’ONU compte six langues officielles et langues de travail : l’anglais, le français, le chinois, l’espagnol, le russe et l’arabe.

([126]) Résolution S/RES/348 du 28 mai 1974.

([127]) Résolution S/RES/845 du 18 juin 1993.

([128]) Le Conseil est composé de 18 dirigeants internationaux, passés et actuels, de hauts fonctionnaires et d’experts renommés qui détiennent une expérience, des compétences, des connaissances et des contacts utiles à la résolution des crises internationales. Il a pour objectif de renforcer la coopération avec les organisations régionales, les organisations non gouvernementales et les autres acteurs impliqués dans la médiation à l’échelle internationale.

([129]) Entériné par la résolution S/RES/1154 du 2 mars 1998.

([130]) Cité dans l’ouvrage d’André Lewin « L’ONU, Pour quoi faire ? » publié aux éditions Découvertes Gallimard en 2006, le dernier secrétaire général de la SDN, Joseph Avenol, considéra même qu’il aurait « pu éviter la seconde guerre mondiale » s’il avait eu l’article 99 de la Charte des Nations Unies à sa disposition.

([131]) Jean-Marc de La Sablière, Indispensable ONU, Plon, mars 2017, p. 170.

([132]) Réponse ministérielle publiée le 10 novembre 2015 à la question écrite n° 88349.

([133]) Décerné à titre posthume à Dag Hammarskjöld en 1961 et à Kofi Annan en 2001.

([134]) En anglais, le terme de « Secretary General », dont l’abréviation est « SG », est fréquemment désigné sous le vocable « scapegoat » (bouc émissaire).

([135]) De façon résiduelle, certains fonds, programmes, agences ou institutions spécialisées appartenant au système onusien bénéficient également de financements privés, à l’instar des dons versés par la Fondation Gates à l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

([136]) Les données pour l’année 2023 n’ont pas encore été publiées.

([137]) Par comparaison, le budget de l’Union européenne présente un montant trois fois supérieur.

([138]) En 2019, la France occupait le 10e rang des États financeurs.

([139]) https://onu.delegfrance.org/Le-financement-de-l-ONU-8604  

([140]) Avant 2020, le budget régulier était adopté pour une durée de deux ans.

([141]) Outre le budget régulier et les OMP, les contributions obligatoires financent également certaines agences et institutions onusiennes, dans des proportions cependant très limitées au regard des contributions volontaires dont celles-ci bénéficient.

([142]) Le plafonnement de la quote-part des États-Unis avait déjà été abaissé de 30,4 % à 25 % en 1995.

([143]) 2,8 milliards de dollars en 2020 contre 3,6 milliards en 2024.

([144]) Le montant de la contribution obligatoire de la France versée au budget ordinaire a baissé de 40 millions de dollars entre 2010 (166 millions de dollars) et 2023 (126 millions de dollars).

([145]) Soit le 13e rang.

([146]) Soit le 10e rang.

([147]) Allocution du secrétaire général devant la Cinquième commission de l’Assemblée générale, 10 octobre 2023.

([148]) Ibid.

([149]) https://www.rts.ch/info/regions/geneve/14568415-le-siege-genevois-de-lonu-ferme-provisoirement-pour-economiser-de-lelectricite.html

([150]) Selon les éléments communiqués par le service économique et financier de la représentation permanente française à New York.

([151]) Contrairement à la France qui verse l’intégralité de ses contributions obligatoires aux Nations Unies à chaque début d’année civile.

([152]) A/78/707/Add.3.

([153]) Allocution du secrétaire général devant la Cinquième commission de l’Assemblée générale, 10 octobre 2023.

([154]) Ainsi que tout solde des crédits reportés d’années antérieures qui sont arrivés à expiration.

([155]) Le rapport d’audit financier du Comité des commissaires aux comptes des Nations Unies publié en juillet 2023 (p. 10) indique que le solde inutilisé du budget ordinaire s’élève à plus de 40 millions de dollars en 2022.

([156]) Allocution du secrétaire général devant la Cinquième commission de l’Assemblée générale, 10 octobre 2023.

([157]) Morgan Larhant, Les finances de l’ONU ou la crise permanente, Sciences Po, 2016, p. 81.

([158]) Contribution écrite de la DNUOI.

([159]) Réponse ministérielle publiée le 31 mars 2022 à la question écrite du sénateur Sébastien Meurant du 7 octobre 2021.

([160]) À l’image de la diminution de moitié du montant des contributions volontaires versées par le Royaume-Uni entre 2019 et 2022.

([161]) Anne-Cécile Robert et Romuald Sciora, Qui veut la mort de l’ONU ?, Eyrolles, novembre 2018, p. 162.

([162]) Issus d’un amendement adopté par la commission des finances de l’Assemblée nationale à l’initiative de M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial des crédits de la mission Action extérieure de l’État.

([163]) Rapport d’audit financier du Comité des commissaires aux comptes des Nations Unies, juillet 2023, p. 17.

([164]) Rapport de Jean-Pierre Landau remis au président de la République, Les nouvelles contributions financières internationales, 1er septembre 2004.

([165]) Morgan Larhant, Les finances de l’ONU ou la crise permanente, Sciences Po, 2016, p. 144.

([166]) Contribution écrite remise par le centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([167]) Selon l’expression utilisée par Maurice Bertrand dans son ouvrage L’ONU publié en 2009 aux éditions La Découverte.

([168]) David Sogge, L’ONU, les agences multilatérales et le développement dans Enjeux et défis du développement international, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2014, p. 192.

([169]) Ibid, p. 186.

([170]) Résolution A/RES/55/2 du 8 septembre 2000.

([171]) Bertrand Badie, Rénover et humaniser le multilatéralisme, Sociétés confrontées à des crises globales : les droits en jeu, n° 196, janvier 2022.

([172]) Article 63 de la Charte des Nations Unies.

([173]) 114 millions de personnes ont subi un déplacement forcé en 2023 contre 51 millions en 2013.

([174]) Toute personne qui dispose de moins de 2,15 dollars par jour est considérée comme vivant dans l’extrême pauvreté. Un peu moins de 700 millions de personnes dans le monde se trouvaient dans cette situation en 2017.

([175]) Créée par la résolution A/RES/302(IV) adoptée par l’Assemblée générale le 27 décembre 1949.

([176]) Créé par la résolution A/RES/46/182 adoptée par l’Assemblée générale le 19 décembre 1991, résolution A/RES/46/182, le Comité permanent inter-organisations (IASC) est la plus ancienne et plus haute instance de coordination humanitaire du système des Nations Unies. Présidé par le Coordonnateur des secours d’urgence, il rassemble les chefs de secrétariat de 18 organisations, appartenant ou non aux Nations Unies, dans le but d’assurer la cohérence des efforts de préparation et de réponse aux crises.

([177]) Déclaration du Comité permanent inter-organisations, « Nous ne pouvons abandonner les habitants de Gaza », 30 janvier 2024.

([178]) En 2018, la diminution drastique de la contribution américaine, passant de 360 millions de dollars en 2017 à 60 millions de dollars en 2018, avait déjà lourdement affecté le fonctionnement de l’UNRWA.

([179]) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/26/apres-la-publication-du-rapport-colonna-l-unrwa-retrouve-le-soutien-d-une-partie-de-ses-donateurs_6230123_3210.html

([180]) Telles que l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (UNIDO), la FAO, l’OMS ou encore l’UNESCO.

([181]) Article 1er, paragraphe 2 de la Charte des Nations Unies.

([182]) Herman T. Salton, L’Artisan de la paix ? L’ONU dans les relations internationales, L’Harmattan, janvier 2024, p. 77.

([183]) George Orwell, La ferme des animaux, 1945.

([184]) Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

([185]) À l’exception des cas de légitime défense régis par l’article 51 de la Charte des Nations Unies.

([186]) Serge Sur, « La Charte des Nations Unies interdit-elle le recours à la force armée ? », Centre Thucydide, Université Paris Panthéon-Assas, 2015, p. 2.

([187]) Gérard Araud, Passeport diplomatique : Quarante ans au Quai d’Orsay, Grasset, octobre 2019, pp. 224-225.

([188]) Article 24 de la Charte des Nations Unies.

([189]) Article 25 de la Charte des Nations Unies.

([190]) Soit le vote de neuf membres, sans qu’aucun des cinq membres permanents ne vote contre.

([191]) Adoptée par l’Assemblée générale le 25 octobre 1971, la résolution A/RES/2758(XXVI) attribua le siège de membre permanent de la Chine, détenu depuis 1945 par le gouvernement dirigé par Tchang Kaï-chek en exil à Taïwan, à la République populaire de Chine présidée par Mao Zedong depuis 1949.

([192]) L’Assemblée générale élit chaque année cinq membres non-permanents.

([193]) Résolution A/RES/1991(XVIII) du 17 décembre 1963.

([194]) Jusqu’à l’adoption de la résolution A/RES/1991(XVIII) du 17 décembre 1963, seuls six membres non-permanents siégeaient au Conseil de sécurité, qui était ainsi composé de onze membres au total.

([195]) Tels le Liechtenstein, Andorre, Monaco, Saint-Marin ou Tuvalu.

([196]) Il en va de même lorsque le Maroc se porte candidat au sein de la zone Afrique, suscitant l’opposition habituelle de l’Afrique du Sud.

([197]) À l’instar des cinq tours de scrutin organisés pour départager les candidatures présentées en 2016 par l’Italie et les Pays-Bas.

([198]) Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 311.

([199]) Résolution S/RES/1973 du 17 mars 2011.

([200]) Membres non-permanents, l’Inde, l’Allemagne et le Brésil se sont également abstenus. La résolution a recueilli dix voix en sa faveur, dont sept parmi les dix membres non-permanents.

([201]) À titre d’exemple, l’Argentine n’a pas pris part au vote concernant la résolution S/RES/138 adoptée par le Conseil de sécurité le 23 juin 1960 s’agissant de la capture d’Adolf Eichmann par un commando israélien à Buenos Aires.

([202]) Réunion du Conseil de sécurité le 28 octobre 1986.

([203]) Cour internationale de justice, ordonnance du 27 juin 1986, Nicaragua c. États-Unis.

([204]) Le paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte des Nations Unies précise que « [s]i une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt rendu par la Cour, l’autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt ».

([205]) Serge Sur (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 20.

([206]) La dernière utilisation collective du veto par la France, aux côtés du Royaume-Uni et des États-Unis, correspond au projet de résolution examiné par le Conseil de sécurité le 23 décembre 1989 relatif à la situation sécuritaire au Panama. À titre individuel, la France a fait usage de son veto pour la dernière fois lors de l’examen d’un projet de résolution relatif à l’indépendance des Comores et à la situation de Mayotte le 6 février 1976.

([207]) Projet de résolution examiné par le Conseil de sécurité le 30 août 2023.

([208]) Projets de résolution examinés par le Conseil de sécurité le 28 mars 2024 et le 26 mai 2022.

([209]) Alain Dejammet, « À quoi servent les Nations Unies ? », Centre Thucydide, Université Paris Panthéon-Assas, 2008, p. 10.

([210]) Contribution écrite remise par M. Julian Fernandez.

([211]) Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 313.

([212]) Dans l’ouvrage précité (p. 313), Jean-Baptiste Jeangène Vilmer souligne ainsi que « [l]a raison d’être du veto était donc d’assurer l’engagement, l’investissement des grandes puissances, de les ancrer dans un système de sécurité collective – ce qu’elles n’auraient pas fait sans l’assurance d’une porte de sortie leur permettant de protéger leurs intérêts nationaux en cas de désaccord, c’est-à-dire le veto ».

([213]) Serge Sur (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 21.

([214]) Ibid.

([215]) Alain Dejammet, « À quoi servent les Nations Unies ? », Centre Thucydide, Université Paris Panthéon-Assas, 2008, p. 10.

([216]) Examiné le 18 avril 2024 par le Conseil de sécurité à l’initiative de l’Algérie, le projet de résolution a été approuvé par 12 membres. La Suisse et le Royaume-Uni se sont abstenus.

([217]) Cette résolution a recueilli 143 voix pour, 9 voix contre et 25 abstentions.

([218]) Publié sous la cote S/96.

([219]) Cette dernière révision a consacré l’arabe en tant que la sixième langue officielle du Conseil, conformément à la résolution A/RES/35/219 adoptée le 17 décembre 1980 par l’Assemblée générale.

([220]) Dans l’ouvrage collectif « Le Conseil de sécurité des Nations Unies », Loraine Sievers souligne ainsi (p. 29) que « la quantité et la complexité de ces méthodes de travail rendent difficiles les efforts des nouveaux membres élus pour les maîtriser ».

([221]) Security Council Report, Manuel du Conseil de sécurité de l’ONU, guide de l’utilisateur aux pratiques et aux procédures, 2021, p. 15.

([222]) Note S/2006/507 du 19 juillet 2006.

([223]) La présidence étant assurée de manière tournante par chaque membre, pour une durée d’un mois.

([224]) La France a ainsi invité Rafael Grossi, directeur général de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), à s’exprimer devant les membres du Conseil le 25 janvier 2024.

([225]) Contribution écrite remise par la DNUOI.

([226]) La représentation permanente française aux Nations Unies précise que la France tient traditionnellement la plume sur les textes soumis à l’examen du Conseil de sécurité relatifs au Liban.

([227]) Jean-Marc de La Sablière (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 111.

([228]) Dans l’ouvrage précité (p. 111), Jean-Marc de La Sablière observe également que la délégation française « a su rassembler, convaincre, chercher les alliés du moment, très souvent neutraliser ceux qui risquaient de lui créer des difficultés. L’efficacité qu’elle a souvent démontrée dans l’enceinte du Conseil de sécurité pour parvenir à ses fins est évidente ».

([229]) Les États-Unis contribuent cependant, aux côtés de la France et du Royaume-Uni, à la rédaction de près de 80 % des résolutions adoptées chaque année par le Conseil de sécurité.

([230]) Gérard Araud, Passeport diplomatique : Quarante ans au Quai d’Orsay, Grasset, octobre 2019, pp. 227-228.

([231]) Résolution S/RES/2249 du 20 novembre 2015.

([232]) Résolution S/RES/2328 du 19 décembre 2016.

([233]) Loraine Sievers (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 36.

([234]) Note S/2017/507 du 30 août 2017.

([235]) Résolution S/RES/2728 du 25 mars 2024.

([236]) Arthur Bouteillis, Lessons from E10 Engagement on the Security Council, International Peace Institute, novembre 2022.

([237]) États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France.

([238]) Loraine Sievers (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 35.

([239]) Contribution écrite remise par la DNUOI.

([240]) Résolution S/RES/1973 du 17 mars 2011.

([241]) Gérard Araud, Passeport diplomatique : Quarante ans au Quai d’Orsay, Grasset, octobre 2019, p. 229.

([242]) https://press.un.org/fr/2024/cs15558.doc.htm

([243]) Le précédent record de 2022 s’élevait à 521 heures.

([244]) Résolutions S/RES/2712 du 15 novembre 2023 et S/RES/2720 du 22 décembre 2023.

([245]) Projet de résolution examiné par le Conseil de sécurité le 30 août 2023.

([246]) Projets de résolution examinés par le Conseil de sécurité le 28 mars 2024 et le 26 mai 2022.

([247]) Projet de résolution examiné par le Conseil de sécurité le 24 avril 2024.

([248]) Articles 33 à 38 de la Charte des Nations Unies.

([249]) Articles 39 à 51 de la Charte des Nations Unies.

([250]) Le Conseil de sécurité a également adopté le 2 octobre 2023 la résolution S/R/2699 autorisant la création d’une nouvelle opération de maintien de la paix en Haïti.

([251]) En 2023, le renouvellement de ces sanctions visait notamment les Talibans et les milices armées agissant en Haïti, au Sud-Soudan et en Libye.

([252]) L’embargo a fait l’objet de recommandations dès 1963 puis a revêtu un caractère obligatoire en 1977.

([253]) La situation a donné lieu à la mise en place du programme onusien « pétrole contre nourriture » visant à autoriser l’exportation du pétrole irakien contre la livraison de denrées alimentaires destinées à la population civile.

([254]) Jean-Marc de La Sablière, Le Conseil de sécurité des Nations Unies : ambitions et limites, Larcier, 2018, p. 139.

([255]) Ibid.

([256]) https://www.un.org/securitycouncil/fr/content/highlights-2023 

([257]) Résolution S/RES/1718 du 14 octobre 2006.

([258]) Cour de justice de l’Union européenne, Kadi, 18 juillet 2013.

([259]) Cour européenne des droits de l’Homme, Nada c. Suisse, 12 septembre 2012.

([260]) Cour internationale de justice, avis consultatif rendu le 21 juin 1971 sur la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie, paragraphe 114.

([261]) Résolution S/RES/2728 du 25 mars 2024.

([262]) Résolution S/RES/2601 du 29 octobre 2021.

([263]) Alain Dejammet, L’ONU, un acteur encore indispensable, Études, revue de culture contemporaine, octobre 2020, p. 27.

([264]) Ibid.

([265]) Contribution écrite remise par M. Julian Fernandez.

([266]) Maurice Gourdault-Montagne, Les autres ne pensent pas comme nous, Bouquins, 2022, p. 98.

([267]) Résolution S/RES/2699 du 2 octobre 2023.

([268]) Adoptée par le Conseil de sécurité le 29 mai 1948, la résolution S/RES/50 a créé l’Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST), toujours en activité aujourd’hui.

([269]) À la suite d’une décision adoptée par l’Assemblée générale sur le fondement de la résolution dite « Acheson ».

([270]) Ces trois principes ont été clairement identifiés par la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale dans sa décision rendue le 8 février 2010.

([271]) Déclaration S/PRST/1994/22 du 3 mai 1994.

([272]) Grâce à l’envoi d’observateurs non-armés bénéficiant d’un statut spécial en tant qu’« experts des Nations Unies ».

([273]) Parallèlement à ces OMP, le Secrétariat de l’ONU déploie des « missions politiques spéciales permanentes » (MPS) dépourvues de composantes militaires et visant exclusivement à prévenir l’apparition de crises et de conflits sécuritaires. À titre illustratif, la mission de vérification des Nations Unies en Colombie (MNUVC) créée en 2017 est chargée d’accompagner le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) pour mettre en œuvre l’accord de paix conclu en novembre 2016.

([274]) « Doctrine fondamentale ».

([275]) https://peacekeeping.un.org/sites/default/files/capstone_doctrine_fr.pdf

([276]) Voir notamment l’ouvrage de Jean-Marc de La Sablière, Le Conseil de sécurité des Nations Unies : ambitions et limites, Larcier, 2018, pp. 180-181.

([277]) La mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti créée par la résolution S/RES/2699 du 2 octobre 2023 n’a pas encore été mise en place.

([278]) Soit 53 567 soldats, 1 620 officiers d’état-major, 1 044 observateurs militaires et 6 311 personnels de police.

([279]) La FINUL, la MINURSO, la MINUSCA et la MONUSCO. Cet engagement représente 8 % des opérations extérieures des armées françaises selon les informations communiquées aux rapporteurs.

([280]) Herman T. Salton, L’Artisan de la paix ? L’ONU dans les relations internationales, L’Harmattan, janvier 2024, p. 140.

([281]) Chercheuse au centre Thucydide de l’Université Paris Panthéon-Assas.

([282]) Contribution écrite remise par Alexandra Novosseloff.

([283]) Tels que les attaques de groupes criminels ou terroristes auxquelles ont été confrontés les personnels onusiens.

([284]) Certains personnels de la MONUSCO ayant notamment été accusés d’avoir commis des actes d’abus et d’exploitation sexuelle sur les populations civiles.

([285]) Voir notamment l’ouvrage de Jean-Marc de La Sablière, Le Conseil de sécurité des Nations Unies : ambitions et limites, Larcier, 2018, pp. 206 à 209 et 217 à 221.

([286]) Jean-Marc de La Sablière, Le Conseil de sécurité des Nations Unies : ambitions et limites, Larcier, 2018, p. 222.

([287]) Discours de Jean-Yves Le Drian devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 29 mars 2019.

([288]) Alain Dejammet, « À quoi servent les Nations Unies ? », Centre Thucydide, Université Paris Panthéon-Assas, 2008, p. 8.

([289]) Il s’agit par exemple de la FORPRONU en ex-Yougoslavie, de la MINUAR au Rwanda et de l’ONUSOM II en Somalie.

([290]) Résolution S/RES/872 du 5 octobre 1993.

([291]) Jean-Marc de La Sablière, Le Conseil de sécurité des Nations Unies : ambitions et limites, Larcier, 2018, p. 212.

([292]) Seuls 2 500 militaires et 60 policiers y étaient initialement mobilisés.

([293]) Ce conflit a provoqué la mort d’une dizaine de milliers de personnes entre 1975 et 1991.

([294]) Formé en avril 1973 contre l’occupation espagnole du Sahara occidental, le Front Polisario est un mouvement politique et militaire indépendantiste s’opposant à la domination marocaine sur les territoires cédés par l’Espagne au Maroc à la suite des accords de Madrid, non reconnus par l’ONU, signés en novembre 1975.

([295]) Résolution S/RES/690 du 29 avril 1991.

([296]) Des affrontements meurtriers ont notamment eu lieu à Laâyoune en novembre 2010, puis dans la région de Guerguerat en août 2016 et novembre 2020.

([297]) Résolution A/RES/3548(XXX) du 10 décembre 1975.

([298]) Ibid.

([299]) Réponse ministérielle à la question écrite du sénateur Eric Bocquet publiée le 7 janvier 2021.

([300]) Ibid.

([301]) Le diplomate Staffan de Mistura ayant finalement été nommé en octobre 2021.

([302]) Le déplacement de Staffan de Mistura en Afrique du Sud en février 2024 a ainsi été vivement critiqué par le Maroc :https://www.jeuneafrique.com/1533982/politique/staffan-de-mistura-en-afrique-du-sud-rabat-sindigne-lonu-se-justifie/

([303]) Chef de la représentation militaire et de la défense auprès de la représentation permanente française à l’ONU.

([304]) Résolution A/RES/60/1 du 16 septembre 2005.

([305]) Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien, Comment s’élabore une politique mondiale, dans les coulisses de l’ONU, Sciences Po, janvier 2024, p. 188.

([306]) Contribution écrite remise par Alexandra Novosseloff.

([307]) Organisation des Nations Unies, « doctrine Capstone », 2008, p. 41.

([308]) Ancien secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de paix entre 2000 et 2008.

([309]) Assemblée nationale, audition de Jean-Marie Guéhenno devant la commission des affaires étrangères, 20 mars 2024 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_afetr/l16cion_afetr2324046_compte-rendu#

([310]) À l’instar des forces de sécurité assurant des missions de police.

([311]) Gérard Araud, Passeport diplomatique : Quarante ans au Quai d’Orsay, Grasset, octobre 2019, pp. 251-252.

([312]) Lors de son audition par les rapporteurs, Gérard Araud a ainsi mentionné l’envoi de troupes togolaises insuffisamment formées ni convenablement équipées à Kali (Nord du Mali) dans le cadre de la MINUSMA.

([313]) Richard Gowan (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 198.

([314]) Lors de son audition par les rapporteurs, Alexandra Novosseloff a par exemple déploré la volonté de confier à la MINUSMA et à la MONUSCO des missions respectives de lutte antiterroriste et de réforme des forces de sécurité locale.

([315]) Jean-Marie Guéhenno, Qu’attendre de l’ONU aujourd’hui ?, Politique étrangère, printemps 2021, p. 89.

([316]) Contribution écrite remise par Alexandra Novosseloff.

([317]) Dans son ouvrage précité, Gérard Araud prend l’exemple de la désignation d’un chef de la police anglophone au sein de l’ONUCI.

([318]) Gérard Araud, Passeport diplomatique : Quarante ans au Quai d’Orsay, Grasset, octobre 2019, p. 252.

([319]) Ancien secrétaire général-adjoint de l’ONU.

([320]) Rapport du groupe d’étude présidé par Lakhdar Brahimi sur les opérations de paix des Nations Unies, août 2000.

([321]) Déclinées en un triple partenariat « d’objectifs », « d’actions » et « d’avenir » détaillant la répartition des rôles de chacune des parties prenantes pour chaque phase des OMP.

([322]) Rapport sur l’avenir des opérations de maintien de la paix remis par le groupe indépendant de haut niveau présidé par José Horta, juin 2015.

([323]) Rapport sur l’amélioration de la sécurité des casques bleus remis par Carlos Alberto dos Santos Cruz, décembre 2017.

([324]) Résolutions A/RES/60/180 et S/RES/1946 du 20 décembre 2005.

([325]) Jean-Marc de La Sablière, Indispensable ONU, Plon, mars 2017, p. 183.

([326]) Ibid.

([327]) Rapport d’activité du secrétaire général des Nations Unies, 2023, p. 84.

([328]) À l’image du surstockage de matériels ou de l’interconnexion défaillante des systèmes informatiques.

([329]) Rapport d’audit du Comité des commissaires aux comptes des Nations Unies sur les opérations de maintien de la paix 2021-2022, 2023, p. 17.

([330]) Relatifs à la possibilité pour le Conseil de sécurité de diligenter une enquête sur tout différend international et à la possibilité pour les États membres d’alerter le Conseil de sécurité sur l’existence d’un différend auquel ils sont parties.

([331]) MONUSIL I entre 1998 et 1999 et MONUSIL II entre 1999 et 2005.

([332]) MINUL entre 2003 et 2018.

([333]) ONUCI entre 2004 et 2017.

([334]) MINUAD.

([335]) Le « Cadre commun ONU-UA pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité » signé en 2017 ne faisait état que d’une volonté communément exprimée par l’ONU et l’UA d’approfondir leurs échanges sur ces thématiques.

([336]) Alexandra Novosseloff et Arthur Bouteillis (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 181.

([337]) Résolution S/RES/2719 du 21 décembre 2023.

([338]) Assemblée nationale, audition de Jean-Marie Guéhenno devant la commission des affaires étrangères, 20 mars 2024.

([339]) Contribution écrite remise par la DNUOI.

([340]) Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des armées, Être acteur des opérations de paix des Nations Unies, guide pratique des pays contributeurs, février 2019.

([341]) C’est notamment le cas de la Mongolie.

([342]) Résolution A/RES/76/6 du 15 novembre 2021.

([343]) Les modalités d’organisation du Sommet ayant été définies par la résolution A/RES/76/307 adoptée le 8 septembre 2022 par l’Assemblée générale.

([344]) Les rapporteurs se sont entretenus avec l’ambassadrice allemande Antje Leendertse le 3 avril 2024 lors du déplacement des rapporteurs à New York.

([345]) Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, 1958.

([346]) Quarante nouveaux États ont été admis aux Nations Unies entre 1955 et 1960.

([347]) Résolution A/RES/19925(XVIII) du 17 décembre 1963.

([348]) Résolution A/RES/47/62 du 11 décembre 1992.

([349]) Résolution A/RES/48/26 du 3 décembre 1993.

([350]) Projet de résolution A/53/L.16/Rev.1 du 20 novembre 1998.

([351]) Résolution A/RES/53/30 du 23 novembre 1998.

([352]) L’article 18 de la Charte précise que « les décisions de l’Assemblée générale sur les questions importantes sont prises à la majorité des deux tiers des membres présents et votants. Sont considérées comme questions importantes : les recommandations relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’élection des membres non permanents du Conseil de sécurité, l’élection des membres du Conseil économique et social, l’élection des membres du Conseil de tutelle conformément au paragraphe 1, c, de l’Article 86, l’admission de nouveaux Membres dans l’Organisation, la suspension des droits et privilèges de Membres, l’exclusion de Membres, les questions relatives au fonctionnement du régime de tutelle et les questions budgétaires ».

([353]) Modifiant les articles 23, 27, 61 et 109 de la Charte des Nations Unies.

([354]) Intergovernmental negotiations.

([355]) Rapport Notre programme commun du secrétaire général, 2021, point 127.

([356]) Avant-projet du Pacte pour l’avenir, 26 janvier 2024, p. 16.

([357]) Une première communication sur le sujet devrait être publiée au cours du mois de juin 2024.

([358]) Olivier de Frouville (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 320.

([359]) https://twitter.com/antonioguterres/status/1748798995646894315

([360]) Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud. L’Iran, l’Égypte, l’Éthiopie et les Émirats arabes unis ont rejoint le groupe des BRICS le 1er janvier 2024.

([361]) Déclaration finale à l’issue du sommet de Johannesburg, 23 août 2023.

([362]) Dont la Chine qui rejette l’idée de poursuivre les négociations sur la base d’un document écrit.

([363]) Jean-Marc de La Sablière (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 280.

([364]) Paul Gacem et Alexandre Novosseloff (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 385.

([365]) Dans cette configuration, la seconde option prévoit également la création d’un siège supplémentaire de membre non-permanent.

([366]) Anciennement désigné « Coffee club ».

([367]) Cette proposition est promue par le groupe « C10 » composé de l’Algérie, de la Libye, du Sénégal, du Sierra Leone, du Congo, de la Guinée équatoriale, de l’Ouganda, de la Zambie, de la Namibie et du Kenya.

([368]) « Small five » regroupant de 2006 à 2012 la Suisse, Singapour, le Costa Rica, le Liechtenstein et la Jordanie. Singapour s’est désisté du groupe « ACT » en 2013.

([369]) « Accountability, Coherence, Transparency ».

([370]) Contribution écrite remise par M. Julian Fernandez.

([371]) Jean-Marc de La Sablière (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 282.

([372]) L’UE se substituant ainsi à la France, comme l’a suggéré Olaf Scholz en 2018 en tant que vice-chancelier du gouvernement d’Angela Merkel.

([373]) L’Union européenne bénéficiant du statut d’observateur aux Nations Unies depuis mai 2011.

([374]) À l’instar de l’abstention de l’Allemagne au moment du vote de la résolution n° 1973 adoptée par le Conseil de sécurité à l’initiative de la France le 17 mars 2011 afin d’autoriser une intervention militaire en Libye.

([375]) Réponse ministérielle du 28 décembre 2021 à la question écrite n° 41831 du député Jean-Luc Mélenchon (XVe législature de l’Assemblée nationale).

([376]) Dans sa réponse ministérielle du 31 juillet 2018 à la question écrite n° 10227 du député Jacques Marilossian, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a indiqué que « [l]a France soutient l’idée d’avancer désormais sur la base d’un texte et d’un calendrier » (XVe législature de l’Assemblée nationale).

([377]) À l’issue des auditions conduites par les rapporteurs, il apparaît que l’octroi d’un droit de veto aux nouveaux membres permanents présente davantage d’importance pour l’Inde et le Brésil que pour le Japon et l’Allemagne.

([378]) Dans sa contribution écrite remise à l’issue de son audition, le professeur Julian Fernandez considère que la « compétition entre souverains est d’abord telle que jamais une organisation internationale comme l’ONU n’aurait pu être instituée ou ne pourrait fonctionner si l’égalité juridique entre ses membres venait pleinement se substituer à leur inégalité politique et capacitaire ».

([379]) Résolution A/RES/76/262 du 26 avril 2022.

([380]) Olivier de Frouville (sous la direction d’Alexandra Novosseloff), Le Conseil de sécurité des Nations Unies, Biblis, septembre 2021, p. 320.

([381]) La déclaration évoque ainsi la perpétuation de crimes de guerre « sur une grande échelle ».

([382]) Réponse ministérielle du 22 juillet 2014 à la question écrite n° 58762 posée par la députée Virginie Duby-Muller (XIVe législature de l’Assemblée nationale).

([383]) Contribution écrite remise par M. Julian Fernandez.

([384]) Déclaration prononcée par l’ambassadrice Linda Thomas-Greenfield le 8 septembre 2022.

([385]) https://andina.pe/Ingles/noticia-peruvian-proposal-to-reform-un-security-council-veto-system-974864.aspx

([386]) Sur le fondement de l’article 94 de la Charte des Nations Unies.

([387]) Réunion du Conseil de sécurité le 28 octobre 1986.

([388]) CIJ, ordonnance du 27 juin 1986, Nicaragua c. États-Unis.

([389]) Réunion du Conseil de sécurité le 20 février 2024.

([390]) Article 92 de la Charte des Nations Unies.

([391]) Philippe Hugon, « Du bilan mitigé des Objectifs du Millénaire pour le développement aux difficultés de mise en œuvre des Objectifs de développement durable », Mondes en développement, vol. 174, n° 2, 2016, pp. 15-32.

([392]) Arnaud Zacharie, « Le bilan en demi-teinte des Objectifs du millénaire », Démocratie n° 4, avril 2015.

([393]) Le chercheur Thierry Pairault insiste sur le cas spécifique de la Chine pendant cette période : faisant preuve d’une forme d’indifférence face aux OMD de l’ONU, la Chine a réalisé son propre développement par des normes, des indicateurs et des objectifs qui lui sont spécifiques.

([394]) Arnaud Zacharie, « Le bilan en demi-teinte des Objectifs du millénaire », Démocratie n° 4, avril 2015, p. 9.

([395]) Approuvé par la résolution A/RES/68/202 adoptée par l’Assemblée générale le 20 décembre 2013.

([396]) Rapport du secrétaire général, août 2013, p. 2.

([397]) Résolution A/RES/70/1 du 21 octobre 2015.

([398]) Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien, Comment s’élabore une politique mondiale, dans les coulisses de l’ONU, Sciences Po, janvier 2024, p. 124.

([399]) Jean-Pierre Tardieu et Thomas Friang, Le développement durable, La France et les Nations Unies, Association française pour les Nations Unies, décembre 2022.

([400]) Résolution A/RES/69/313 du 27 juillet 2015.

([401]) https://www.agenda-2030.fr/

([402]) Thomas Melonio et Laëtitia Tremel, Climat, biodiversité, inégalités… Comment remettre les ODD sur les rails, Policy Paper, 2021, pp. 1 à 40.

([403]) Résolution S/RES/2177 du 18 septembre 2014.

([404]) Projet de résolution examiné lors de la réunion du Conseil de sécurité le 13 décembre 2021.

([405]) Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien, Comment s’élabore une politique mondiale, dans les coulisses de l’ONU, Sciences Po, janvier 2024, p. 135.

([406]) UNESCO, Étude préliminaire concernant un éventuel instrument normatif sur l’éthique de l’intelligence artificielle, annexe I, 2019.

([407])https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/bientot-la-semaine-de-quatre-jours-grace-a-chatgpt-1932693

([408]) UNESCO, L’intelligence artificielle au service du développement durable : défis et perspectives pour les programmes de science et d’ingénierie de l’UNESCO, août 2019.

([409]) Résolution A/RES/78/241 du 22 décembre 2023.

([410]) Déclaration prononcée le 12 juillet 2023 par Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme.

([411]) Déclaration prononcée le 6 juillet 2023 par António Guterres à l’occasion du sommet « AI for Good ».

([412]) Réunion du 18 juillet 2023.

([413]) Réunion du 19 décembre 2023.

([414]) Résolution A/RES/78/L.49 du 21 mars 2024.

([415]) Résolution A/RES/1(I) du 24 janvier 1946.

([416]) Résolution A/RES/502(VI) du 11 janvier 1952.

([417]) Sauf en 1998 et en 2009.

([418]) Il a notamment repris l’expression du diplomate britannique Robert Cecil selon laquelle « les nations doivent désarmer ou périr ».

([419]) À la suite du dépôt du 50e instrument de ratification.

([420]) Voir le rapport d’information n° 1155 du 11 juillet 2018 de Jean-Paul Lecoq et Michel Fanget au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur l’arme nucléaire dans le monde, cinquante ans après l’adoption du traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP).

([421]) Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, contribution de la France sur le programme commun du secrétaire général des Nations Unies et le « nouvel agenda pour la paix », 2023, p. 6.

([422]) Voir le rapport n° 4991 du 3 février 2022 de Jean-Paul Lecoq et Pierre Cabaré au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur l’espace.

([423]) Résolution S/RES/1540 du 28 avril 2004.

([424]) Avant-projet du Pacte pour l’avenir, 26 janvier 2024, p. 12.

([425]) https://news.un.org/fr/story/2024/04/1144841

([426]) ONU, Note d’orientation n° 6, « Réforme de l’architecture financière internationale », mai 2023.

([427]) Quentin Paul, Pierre-François Weber, Romain Svartzman, Bulletin de la Banque de France 244/2, janvier-février 2023.

([428]) Les Échos, « Les investisseurs étrangers se méfient un peu plus des pays émergents », 14 décembre 2023.

([429]) Les Échos, « Dettes :il y aura beaucoup d’accidents , prévient la Banque mondiale », 13 décembre 2023.

([430]) Banque mondiale, communiqué de presse n° 2024/038/DEC, 13 décembre 2023.

([431]) https://www.un.org/fr/desa/les-dirigeants-de-lonu-appellent-%C3%A0-une-r%C3%A9forme-globale-de-larchitecture-financi%C3%A8re-mondiale

([432]) La Banque européenne d’investissement les définit comme des institutions supranationales fondées par des États souverains qui en sont les actionnaires. Leurs mandats reflètent les politiques d’aide au développement et de coopération établies par ces États. Les BMD ont pour mission commune de favoriser le progrès économique et social dans les pays en développement, en finançant des projets, en soutenant des investissements et en générant des ressources financières au profit de l’ensemble de la population mondiale.

([433]) La Chine, l’Inde, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, les Philippines, le Pakistan, le Bangladesh, Brunei, le Cambodge, le Kazakhstan, le Koweït, le Laos, la Birmanie, la Mongolie, le Népal, Oman, le Qatar, le Sri Lanka, l’Ouzbékistan et le Vietnam.

([434]) https://www.forbes.fr/business/la-banque-asiatique-dinvestissement-pour-les-infrastructures-un-acteur-emergent-influent-sur-le-marche-asiatique-des-infrastructures/

([435]) La Chine a également lancé en 2015 un système de paiement interbancaire performant en yuan. Depuis 2018, elle conclut des contrats à terme sur le pétrole brut libellé en yuan (Shangai international energy exchange).

([436]) https://www.un.org/fr/desa/d%C3%A9veloppement-durable-le-chef-de-l%E2%80%99onu-r%C3%A9clame-une-transformation-radicale-du-syst%C3%A8me

([437]) Avant-projet du Pacte pour l’avenir, 26 janvier 2024, p. 19.