N° 2742
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 juin 2024.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
sur l’usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal
ET PRÉSENTÉ PAR
Mme Charlotte LEDUC,
rapporteure spéciale
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SOMMAIRE
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Pages
recommandations de LA rapporteure spÉciale
1. Un développement par étapes
2. Des technologies variées pour une meilleure détection de la fraude
3. Un effort de transparence à faire
B. des changements d’organisation À accompagner
II. la poursuite du recours À l’IA doit reposer sur une Évaluation prÉcise de ses rÉsultats
A. mener une Évaluation complÈte du recours À l’IA dans le contrÔle fiscal
1. Une part croissante des contrôles ciblés par l’IA à relativiser
2. Des résultats financiers à évaluer précisément
B. le recours À l’IA doit Être au service de l’humain
1. La DGFiP doit poursuivre ses évolutions technologiques
3. L’usage de l’IA dans le contrôle fiscal ne doit pas évincer l’humain
Annexe n° 2 : Évolution des effectifs du contrÔle fiscal
Estimé à 34,5 millions d’euros, le projet informatique « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR), dont l’objectif est de permettre à la direction générale des finances publiques (DGFiP) de moderniser le ciblage de la fraude fiscale en mettant en œuvre l’intelligence artificielle (IA), a abouti en 2023.
L’usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal s’est traduit par des changements structurants d’organisation, avec la création de la mission requêtes et valorisation en 2014, puis du bureau SJCF-1D en 2020, au sein du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal (SJCF), en charge des travaux de programmation.
Les outils et méthodes utilisés sont très variés : « moissonnage des données », « rapprochement flou », base graphe, extraction automatisée d’informations par reconnaissance optique de caractère… Le data mining, ou exploration de données, est la méthode la plus répandue. Elle consiste à utiliser un ensemble d’algorithmes pour construire des modèles à partir des données et en extraire un maximum de connaissances.
Si l’utilisation des nouvelles technologies au service de la lutte contre l’évasion fiscale est dans l’absolu une bonne chose, elle ne peut constituer une fin en soi et doit être mise au regard des résultats obtenus.
Alors que le recours à l’IA et au data mining constitue un réel progrès en matière d’analyse de données, optimisant l’exploitation des données disponibles, il est également à l’origine d’incertitudes et d’inquiétudes, en particulier sur l’évolution des effectifs et des métiers des agents de terrain. Celles-ci sont légitimes au regard des réductions d’effectifs considérables subies par la DGFIP ces dernières années qui ont des conséquences sur les résultats du contrôle fiscal, également en baisse. C’est pourquoi le développement des nouvelles technologies doit s’accompagner d’un effort de transparence et mieux associer les parties prenantes.
En outre, dix ans après les débuts de sa mise en œuvre, le recours à l’IA doit désormais faire l’objet d’une évaluation s’appuyant sur le calcul du coût complet des technologies utilisées et de leurs incidences en matière d’organisation et mettant en évidence les résultats financiers des contrôles ciblés par data mining. En particulier, les apports de l’IA dans le contrôle fiscal doivent être rapprochés des suppressions d’effectifs intervenues depuis de nombreuses années à la DGFiP.
recommandations de LA rapporteure spÉciale
Recommandation n° 1 : mettre en place une commission indépendante associant organisations syndicales, CNIL et élus, chargée d’établir la transparence sur les technologies utilisées par le bureau SJCF-1D. La DGFiP devra notamment démontrer périodiquement que les outils utilisés ne comportent pas de biais.
Recommandation n° 2 : créer une filière interne de recrutement de data scientists mutualisée entre les différents services de l’État qui y ont recours.
Recommandation n° 3 : mieux associer les agents de terrain aux retours d’expérience sur l’usage du data mining en faisant notamment participer les organisations syndicales représentatives des personnels aux évolutions des algorithmes.
Recommandation n° 4 : évaluer réellement les résultats financiers du data mining impôt par impôt mais également en termes d’évolution du nombre de contrôles effectués quelle que soit la source de programmation.
Recommandation n° 5 : évaluer les coûts du data mining depuis 2014, y compris les coûts environnementaux.
Recommandation n° 6 : mettre en place un plan d’apurement de la dette technologique dans l’ensemble des services de la DGFiP participant à la lutte contre l’évasion fiscale.
Recommandation n° 7 : évaluer les gains de productivité engendrés par l’introduction du data mining en regard des diminutions d’effectifs dans le contrôle fiscal depuis 2014.
Recommandation n° 8 : affirmer le principe de non-remplacement de l’humain par la machine en adoptant un moratoire sur les suppressions de postes dans les services de contrôle. Réintroduire un maillage territorial fin des brigades de vérificateurs.
Depuis plus de dix ans, la DGFiP s’est engagée dans une démarche de modernisation du ciblage de la fraude fiscale en mettant en œuvre l’intelligence artificielle (IA), au sens de la définition de la CNIL de « procédé logique et automatisé reposant généralement sur un algorithme et en mesure de réaliser des tâches bien définies » ([1]). Dans le cadre du présent rapport, la notion de « nouvelles technologies » s’entend comme l’ensemble des procédés d’IA au sens défini précédemment et mis en œuvre par la DGFiP dans le contrôle fiscal.
Cette démarche s’est traduite par le développement, à partir de juillet 2013, du projet informatique « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR) ([2]), dédié à l’amélioration du ciblage des contrôles par la mise en œuvre de techniques modernes d’analyse de données, qui a abouti en 2023. Parallèlement, sur le plan organisationnel, la mission requêtes et valorisation (MRV) a été créée en 2014 pour mettre en œuvre ces travaux de ciblage. Elle a été remplacée en octobre 2020 par le bureau SJCF-1D, au sein du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal (SJCF). Aussi, l’usage de l’IA dans le contrôle fiscal a induit des changements d’organisation au sein des services.
Parmi les différents outils et méthodes utilisés, le data mining ou exploration de données occupe une place particulièrement importante, dans la mesure où le traitement CFVR recourt à cette technique « consistant en une fouille approfondie des données s’appuyant sur des méthodes exploratoires basées sur la statistique et des algorithmes et permettant de modéliser des comportements » ([3]).
L’intelligence artificielle (IA) et le data mining sont présentés par la DGFiP comme un réel progrès, synonyme de meilleur repérage des situations frauduleuses, et, par conséquent, de gains de productivité.
Dix ans après les premiers développements en matière d’IA dans le contrôle fiscal, la rapporteure spéciale a souhaité mener une évaluation sur les apports et les limites du recours aux nouvelles technologies dans la lutte contre la fraude fiscale. Pour ce faire, elle a visité le bureau SJCF-1D de la DGFiP et rencontré l’ensemble des agents. Elle souhaite à cet égard remercier l’ensemble de ses interlocuteurs pour leur disponibilité et la qualité des informations transmises.
I. Le recours À l’intelligence artificielle dans le contrÔle fiscal doit mieux associer les parties prenantes
L’utilisation des nouvelles technologies a, tout d’abord, bouleversé les méthodes de travail, ce qui nécessite de faire la transparence sur les outils utilisés (A). Elle a également conduit à une modification sensible de l’organisation des services, qui doit faire l’objet d’un accompagnement renforcé (B).
A. S’il vise À amÉliorer la dÉtection de la Fraude fiscale, Le recours À l’intelligence artificielle doit Être plus transparent
Le recours à l’intelligence artificielle dans le contrôle fiscal intervient en amont du contrôle, lors de la phase de détection de la fraude, et participe à la modernisation de l’une des sources de programmation, l’analyse de données.
Les trois sources de programmation de la détection de la fraude
Les services de la DGFiP disposent de trois sources de programmation pour détecter la fraude :
– l’analyse de données repose sur le croisement des bases de données de la DGFiP. Elle vise à identifier par des requêtes informatiques des incohérences et des ruptures de comportement ou des indicateurs caractérisant des risques fiscaux. Ces indicateurs reposent sur des critères fournis par les équipes de contrôle ou par l’application de techniques d’apprentissage automatique ;
– la recherche d’informations fiscales repose sur la mobilisation et la fiscalisation de renseignements externes. Elle incombe aux brigades de contrôle et de recherche (BCR) et à la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) ;
– la mobilisation du renseignement interne et l’événementiel reposent sur l’exploitation de faits constatés ou d’informations transmises par différents services ou vérificateurs. Il s’agit généralement d’un événement particulier survenant au regard du dossier d’un contribuable ou dans un circuit économique et de nature à justifier un contrôle.
Source : document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2024, Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales, p. 48-49.
La DGFiP a développé le recours aux nouvelles technologies depuis 2013, en mettant en œuvre des technologies variées de détection de la fraude (2). Cette montée en puissance s’est faite de manière progressive après des phases préalables d’expérimentation (1). Il n’en demeure pas moins, compte tenu de la sensibilité et de la masse des données concernées, qu’un effort accru en matière de transparence doit être réalisé (3).
1. Un développement par étapes
En 2013, la DGFiP a commencé à mettre en œuvre l’intelligence artificielle en développant le projet « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR), qui vise à automatiser un raisonnement de fraude fiscale. Le projet a abouti en 2023 et vu son champ d’application étendu progressivement après des phases d’expérimentation.
L’outil CFVR résulte d’un programme issu d’équations mathématiques de probabilité et produit des éléments qui ont valeur de signalement.
Le traitement CFVR a pour objet « de modéliser les comportements frauduleux, qui se base notamment sur les caractéristiques des cas de fraudes avérées afin de mener des actions de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite d’infractions pénales ainsi que des opérations de recherche, de constatation ou de poursuite de manquements fiscaux. Ce traitement a également vocation à optimiser les outils existants. » ([4])
En 2014, le ciblage des anomalies et des fraudes fiscales a d’abord concerné les fraudes aux remboursements de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) concernant les contribuables professionnels. Il a ensuite été étendu, en 2015, à titre pérenne, aux données relatives aux secteurs des professionnels et aux personnes physiques ayant un lien avec une entreprise ([5]). Son extension au contrôle des particuliers a fait l’objet d’une expérimentation en 2017 ([6]), puis a été pérennisée en 2019 ([7]).
En 2020, la DGFiP a été autorisée à exploiter les données disponibles sur les plateformes numériques, pour la détection des activités occultes et la domiciliation fiscale : le traitement ne pouvait concerner que « les contenus librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne, […] manifestement rendus publics par leurs utilisateurs » ([8]), ne nécessitant donc aucune inscription avec identifiant et mot de passe, limitant ainsi les contenus exploitables. De même, l’identification d’activités occultes est souvent peu fructueuse dans la mesure où les contrôles montrent ensuite que les entreprises existent mais ne procèdent pas aux déclarations.
En 2024 ([9]), une deuxième expérimentation autorise la collecte des données des réseaux sociaux et l’extension de la recherche des infractions à la minoration de recettes, concourant à la lutte contre les pratiques de concurrence déloyale mises en œuvre par des entreprises qui ne respectent pas leurs obligations fiscales.
2. Des technologies variées pour une meilleure détection de la fraude
Le traitement CFVR repose sur le data mining ou exploration de données « consistant en une fouille approfondie des données s’appuyant sur des méthodes exploratoires basées sur des algorithmes, notamment statistiques, de nature à permettre de modéliser des comportements frauduleux. Il doit permettre, par l’amélioration des capacités d’analyse de l’administration fiscale, de mieux identifier les situations potentiellement frauduleuses en mettant en évidence des incohérences ou des défaillances déclaratives dans les dossiers des contribuables, perfectionnant ainsi le ciblage des contrôles à la suite de requêtes appropriées » ([10]).
Le projet CFVR met en œuvre deux méthodologies :
– l’analyse risque qui consiste à appliquer de façon automatique des règles métier pour cibler, détecter et identifier les erreurs ou les anomalies fiscales sur un dossier. Ces règles sont conçues par des fiscalistes soit sur la base d’éléments collectés dans le cadre de leur expérience sur des contrôles fiscaux antérieurs, soit sur la base de réflexions pour identifier les situations anormales et les impacts fiscaux. Lorsque les éléments sur une déclaration ne suffisent pas, ils sont recoupés avec des informations venant d’autres sources de données, issues notamment d’autres obligations déclaratives ;
– la science des données (data science en anglais) qui consiste à mieux comprendre les tendances générales ou faire émerger des anomalies à partir des données. Des méthodes statistiques ou mathématiques sont appliquées à des bases de données volumineuses (big data en anglais) pour tirer profit de la variété des différentes sources d’information et systématiser les recoupements d’information. Elle repose sur trois technologies.
Les trois technologies d’IA utilisées par la DGFiP
Les modèles supervisés (machine learning) : visent à concevoir un algorithme qui détecte par lui-même les relations entre des variables d’entrée et une prédiction de sortie.
Les modèles non supervisés : visent à concevoir un algorithme sachant détecter par lui-même les cas atypiques au sein d’une population que l’on considère homogène (cluster), signaux d’une potentielle fraude. Ces algorithmes ciblent également les ruptures de comportements.
L’analyse en réseau : à partir d’un réseau de contribuables liés entre eux par des relations de nature différente, elle détecte les contribuables proches de fraudeurs avérés. Un voisinage frauduleux peut constituer un élément de contexte supplémentaire qui s’ajoute aux autres motifs de fraude éventuellement identifiés.
Source : DGFiP, réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale.
Ces deux méthodologies se complètent dans l’objectif d’améliorer la précision du ciblage de la fraude ou des anomalies. Plusieurs outils ou procédés ont été développés depuis les débuts du recours à l’IA dans la programmation du contrôle fiscal :
– le « moissonnage des données » (web scraping en anglais) exploite les données du web à des fins de contrôle fiscal en les croisant avec les déclarations fiscales ;
– le « rapprochement flou » (fuzzy matching en anglais) optimise l’exploitation des données reçues de l’extérieur et ne comprenant pas d’identifiant fiscal en associant un identifiant fiscal aux états-civils qui n’ont pas pu faire l’objet d’un appariement automatique par les référentiels de la DGFiP.
Par ailleurs, la DGFiP a mis en place une base graphe qui permet de visualiser par un schéma les liens entre entreprises et facilite l’analyse des contextes entourant les personnes morales à cibler. Un algorithme détermine un score de fraude pour chaque entreprise en fonction de ses liens avec d’autres entreprises fraudeuses. Cette information est exploitée en cas d’identification d’un autre risque.
Enfin, l’extraction automatisée d’informations présentes dans des actes transmis par les redevables complète certaines bases de données collectées. L’image contenant du texte, issue de la numérisation des documents, est convertie en document textuel (phase d’OCRisation ([11]) ou reconnaissance optique de caractère), puis un algorithme tente d’extraire l’information recherchée pour compléter une base de données (phase de text mining).
3. Un effort de transparence à faire
Lors de sa mission, la rapporteure spéciale a pu appréhender l’ampleur des missions des agents en charge de la mise en œuvre de l’IA dans le contrôle fiscal ainsi que la complexité et la diversité des technologies utilisées. Elle a ainsi pu mesurer le caractère particulièrement sensible des données collectées et exploitées. C’est pourquoi des procédures renforcées de protection sont appliquées avec un accès aux serveurs encadré et limité aux seuls agents habilités.
Cependant, pour la rapporteure spéciale, il est également indispensable que soit établie la transparence sur les technologies utilisées par le bureau SJCF-1D devant une commission indépendante associant organisations syndicales représentatives des personnels, commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et élus.
En outre, l’entraînement des algorithmes à partir de l’expérience de contrôles antérieurs doit faire l’objet d’une vigilance particulière pour éviter tout biais. En effet, les modèles supervisés s’appuient sur les résultats des contrôles passés comme bases d’apprentissage : à partir des contrôles précédents, l’algorithme apprend à ajuster ses critères pour attribuer à chaque contribuable, à partir de données d’entrée préalablement choisies, une sortie prédite. Le modèle est ensuite appliqué aux contribuables non encore contrôlés pour déterminer ceux les plus susceptibles de présenter un risque de fraude.
Dans ces conditions, alors que les contrôles passés servent à cibler les futurs, la DGFiP devra démontrer périodiquement que les outils utilisés ne comportent pas de biais.
Recommandation n° 1 : mettre en place une commission indépendante associant organisations syndicales, CNIL et élus, chargée d’établir la transparence sur les technologies utilisées par le bureau SJCF-1D. La DGFiP devra notamment démontrer périodiquement que les outils utilisés ne comportent pas de biais.
B. des changements d’organisation À accompagner
Si, pour la DGFiP, le recours à l’IA et au data mining dans le contrôle fiscal est avant tout une réforme organisationnelle (1), celle-ci nécessite des compétences spécifiques que la DGFiP doit conserver (2). Le recours à ces techniques continue de susciter de vives inquiétudes et doit être accompagné (3).
1. L’usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal a généré une nouvelle organisation des services de la DGFiP
L’utilisation de l’IA et du data mining a conduit à une centralisation des travaux de programmation des contrôles. Ces travaux sont désormais conduits par une structure en administration centrale : la mission requêtes et valorisation (MRV), devenue le bureau SJCF-1D au sein du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal (SJCF).
Le bureau SJCF-1D, doté d’une plateforme unique de données dédiée, est en charge des travaux de programmation des services déconcentrés (directions départementales et régionales des finances publiques – DDRFiP, et des directions spécialisées de contrôle fiscal – DIRCOFI). Le recours aux nouvelles technologies dans le contrôle fiscal a donc bouleversé les missions des agents des services déconcentrés.
Alors que chaque service utilisait des applications cloisonnées pour extraire les données, les exporter sous tableur et les rapprocher pour identifier la fraude, le bureau SJCF-1D envoie désormais des listes de dossiers issues du data mining (listes DM). Les travaux de programmation sont donc réalisés à partir de ces listes et ne sont plus de la compétence des agents eux-mêmes.
D’après la DGFiP, la centralisation contribue à harmoniser les axes de contrôles sur le territoire, à éviter les travaux redondants et à professionnaliser les travaux.
2. Le recours à l’IA dans le contrôle fiscal nécessite des compétences rares et spécifiques qu’il faut sanctuariser
Le bureau SJCF-1D est composé, en avril 2024, de 34 agents répartis en quatre sections :
– une section d’analyse-risque des professionnels chargée notamment de créer et de mettre à jour les requêtes d’analyse-risques visant les professionnels ;
– une section d’analyse-risque des particuliers chargée de créer et de mettre à jour les requêtes d’analyse-risques visant les particuliers ;
– une section data science chargée de créer et de mettre à jour les modèles d’IA en lien avec les sections en charge des professionnels et des particuliers ;
– une section informatique chargée de récupérer les données, les mettre à disposition des usagers de la plateforme de données et d’assurer la maintenance de l’infrastructure.
Les agents du bureau disposent, selon leurs missions, de compétences en fiscalité, en informatique, en statistiques et en data science. Le bureau est constitué à 70 % d’agents de la DGFiP, à 25 % de contractuels et à 5 % d’agents de l’INSEE. Les data scientists représentent 30 % de l’effectif. En l’absence, sauf exception, d’agents disposant de ces compétences en interne, les data scientists font l’objet de recrutements extérieurs.
Selon la DGFiP, le caractère novateur des technologies mises en œuvre et la richesse de son patrimoine de données participe de l’attractivité des missions du bureau SJCF-1D. Si, d’après la DGFiP, peu de départs ont été constatés récemment et si les agents montrent un fort engagement à contribuer à la lutte contre la fraude fiscale, il n’en demeure pas moins que les effectifs du bureau font l’objet d’un turnover certain. En outre, l’expérience acquise à la DGFiP est très facilement valorisable pour les agents auprès d’entreprises privées, favorisant leur départ et entraînant un risque de perte de compétences, alors même que la DGFiP a internalisé les déploiements informatiques et ne recourt plus à des prestataires extérieurs.
Compte tenu de la spécificité des profils des data scientists et de l’investissement que constitue pour les services concernés leur recrutement, la rapporteure spéciale préconise la mise en place d’une filière interne de recrutement mutualisée entre les différents services de l’État qui y ont recours.
Recommandation n° 2 : Créer une filière interne de recrutement de data scientists mutualisée entre les différents services de l’État qui y ont recours.
3. Un accompagnement à renforcer par une meilleure association des agents sur le terrain et des organisations syndicales
Les nouvelles technologies sont d’abord perçues comme une menace pour l’emploi au vu des réductions d’effectifs. Si l’IA est mieux acceptée aujourd’hui qu’il y a encore deux ans, il n’est pas certain que les agents y voient un progrès pour la réalisation de leurs missions. En outre, les organisations syndicales ont régulièrement dénoncé leur trop faible association aux différents projets informatiques ainsi que le manque de « latitude » laissée à « l’agent au bout de la chaîne ». ([12])
Les très récentes démarches engagées par le bureau SJCF-1D pour améliorer la visibilité des travaux fondés sur l’IA participant au contrôle fiscal montrent la nécessité de mieux associer les agents de terrain aux retours d’expérience sur l’usage du data mining. En effet, l’exploitation inégale des listes selon les directions a conduit le bureau SJCF-1D à diffuser des consignes : les listes DM ne sont plus seulement mises à disposition, mais doivent être affectées à un agent et commentées ; les fiches méthode élaborées par le bureau doivent aussi faire l’objet d’une présentation dans les services infra-départementaux.
Depuis 2024, le chef du bureau SJCF-1D anime un réseau intitulé « CF & IA » ([13]). Si cette démarche peut être soulignée, l’organisation d’ateliers en présentiel au niveau de l’inter-région avec des agents volontaires ne saurait remplacer des informations et formations régulières à destination de l’ensemble des personnels concernés.
Enfin, la rapporteure spéciale engage à une communication accrue auprès des organisations syndicales qui doivent participer à l’évolution des algorithmes.
Recommandation n° 3 : mieux associer les agents de terrain aux retours d’expérience sur l’usage du data mining en faisant notamment participer les organisations syndicales aux évolutions des algorithmes.
II. la poursuite du recours À l’IA doit reposer sur une Évaluation prÉcise de ses rÉsultats
Dans son rapport sur la détection de la fraude fiscale des particuliers, la Cour des comptes rappelle que « contrairement à de nombreux pays, la France ne dispose d’aucune évaluation rigoureuse de la fraude fiscale, ni même de l’écart fiscal. […] Cette situation fait qu’il est impossible de rapporter les montants détectés ou effectivement réclamés aux montants estimés de la fraude ou de l’écart fiscal pour apprécier l’efficacité des outils mobilisés. » ([14])
Aussi est-il nécessaire d’évaluer le recours à l’IA dans le contrôle fiscal afin d’en mesurer l’efficience et d’en calculer les coûts (A). Si le recours aux nouvelles technologies n’est absolument pas remis en cause, il ne doit en aucun cas remplacer l’humain (B).
A. mener une Évaluation complÈte du recours À l’IA dans le contrÔle fiscal
Alors que la part des contrôles issus des listes élaborées à partir du data mining progresse et constitue plus de la moitié de la programmation hors recherche (1), les résultats financiers de ces contrôles ne sont pas évalués (2) et le coût complet du recours aux nouvelles technologies n’a pas été calculé (3).
Cette évaluation ne pourra véritablement être menée que par la production de données précises, comparables d’une année à l’autre et contemporaines. En effet, la rapporteure spéciale réitère les observations qu’elle formule depuis deux ans sur le caractère lacunaire du document de politique transversale relatif à la lutte contre l’évasion fiscale ([15]) que la DGFiP doit impérativement compléter et enrichir.
1. Une part croissante des contrôles ciblés par l’IA à relativiser
L’un des sous-indicateurs visant à mesurer l’efficacité de la lutte contre l’évasion fiscale est la part des contrôles ciblés par intelligence artificielle et data mining. En contrepartie du financement du projet CFVR par le fonds de transformation de l’action publique, ce ratio devait atteindre, fin 2022, 50 % de la programmation des contrôles fiscaux externes, hors recherche.
L’objectif de 50 % a été atteint depuis 2022. La part des contrôles ciblés par IA et data mining a augmenté de manière continue, passant de 6 % en 2017 à près de 56 % en 2023.
Depuis le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2024, le sous-indicateur a été scindé en deux, distinguant les contrôles des professionnels de ceux des particuliers. L’objectif de 50 % doit être atteint en 2027 pour les propositions de contrôle fiscal de dossiers des particuliers.
Évolution de la part des contrÔles ciblés par IA et data mining
(en %)
|
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 (cible) |
2025 (cible) |
2026 (cible) |
Part des contrôles des professionnels ciblés par Intelligence Artificielle (IA) et data mining |
6 |
13,85 |
21,95 |
32,49 |
44,85 |
52,36 |
55,98 |
50 |
50 |
50 |
Part des contrôles des particuliers ciblés par Intelligence Artificielle (IA) et data mining |
nc |
nc |
nc |
nc |
nc |
32,7 |
33 |
36 |
39 |
45 |
Source : commission des finances, à partir des rapports annuels de performances annexés aux projets de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes et au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 et du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2024.
Ce ratio de 50 % doit néanmoins être relativisé car il ne mesure que la part des dossiers issus du data mining dans les propositions de contrôle fiscal dans les directions déconcentrées (les DIRCOFI et les DDRFiP), donc hors directions nationales, et, pour le contrôle sur pièces des particuliers, également hors services de gestion (services des impôts aux particuliers – SIP).
En outre, le rendement des contrôles issus des nouvelles technologies est faible par rapport aux autres sources de programmation (recherche ou auto-programmation). C’est pourquoi la part des contrôles issus du data mining n’a plus vocation à augmenter dans la mesure où les autres sources de programmation conduisent à un meilleur rendement.
Les travaux issus du data mining ont, en effet, conduit à mettre en recouvrement 2,07 milliards d’euros de droits et pénalités en 2023, alors que le total des sommes mises en recouvrement s’élève à 15,2 milliards d’euros. Les contrôles ciblés par l’IA représentent donc moins de 15 % des sommes mises en recouvrement en 2023. Le recours accru aux nouvelles technologies dans le ciblage des contrôles n’a qu’une incidence limitée sur le montant des sommes réclamées.
2. Des résultats financiers à évaluer précisément
Comme l’observe la Cour des comptes en 2023, « l’évaluation de l’efficacité de la détection des irrégularités fiscales se heurte à une difficulté originelle tenant à l’absence d’estimation statistique de la fraude ou de l’écart fiscal, à laquelle pourraient être rapportés les résultats du contrôle fiscal depuis dix ans. […] [À] la différence de la majorité des pays de l’OCDE, la France ne dispose pas d’une estimation statistique de la fraude, des irrégularités ou de l’écart fiscal sur ses principaux impôts. Il s’agit là d’une carence persistante et regrettable, qui empêche toute appréciation de l’efficacité des dispositifs de lutte contre la fraude. » ([16])
L’intelligence artificielle n’est pas une fin en soi et doit être appréciée au regard des résultats qu’elle produit. Cependant, aucune évaluation des résultats financiers des contrôles ciblés par IA n’est réalisée. Actuellement, aucune appréciation de l’efficacité ni de l’efficience du recours au data mining n’est possible. Il n’existe pas d’outil permettant de comparer les sommes mises en recouvrement à l’issue de contrôles ciblés par l’IA et celles qui l’auraient été sans cette technologie. Les montants recouvrés issus des contrôles programmés via le data mining ne peuvent pas être isolés, encore moins les montants recouvrés par impôt grâce à l’utilisation de l’IA.
Pour la rapporteure spéciale, les résultats financiers du recours aux nouvelles technologies doivent être évalués précisément. En outre, la DGFiP doit rendre compte du nombre de contrôles ciblés par l’IA effectués pour chaque impôt et en analyser l’évolution pour mesurer le rendement du contrôle et son impact sur la lutte contre la fraude fiscale.
Recommandation n °4 : évaluer réellement les résultats financiers du data mining impôt par impôt mais également en termes d’évolution du nombre de contrôles effectués quelle que soit la source de programmation.
Le coût complet du recours à l’IA et au data mining dans le contrôle fiscal depuis les premiers développements n’a pas été calculé. Certains projets ont fait l’objet de chiffrages, en particulier les projets informatiques. Ainsi, le projet CFVR est estimé à 34,5 millions d’euros ([17]).
Cependant, aucun calcul prenant en compte les coûts de fonctionnement, d’investissement et d’intervention n’a été fait. Outre les développements techniques et informatiques, les évolutions d’organisation issus des suppressions ou redéploiement d’effectifs et leurs incidences à la fois sur la masse salariale et sur les coûts de structure doivent être prises en compte dans le calcul.
Enfin, l’impact environnemental doit être évalué. Si la DGFiP estime que les travaux du bureau SJCF-1D recourent à des technologies moins consommatrices d’énergie que d’autres, cette appréciation ne peut, à elle seule, suffire et doit être étayée par la mesure précise des coûts environnementaux.
Recommandation n° 5 : évaluer les coûts du data mining depuis 2014, y compris les coûts environnementaux.
B. le recours À l’IA doit Être au service de l’humain
Pour la DGFiP, les apports du data mining sont multiples : il permet d’exploiter 1 400 milliards de données et d’optimiser leur traitement en les croisant avec des données extérieures.
1. La DGFiP doit poursuivre ses évolutions technologiques
La DGFiP a engagé une stratégie de modernisation et de transformation numérique dans le cadre de son nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM). Pour la période 2023-2027, deux axes sont poursuivis : garantir un système d’information maîtrisé, résilient et performant et réussir la transition numérique.
La DGFiP développe depuis 2018 le projet PILAT (pilotage et analyse du contrôle) qui doit refondre le système d’information du contrôle fiscal. Le projet vise trois objectifs principaux : assurer le suivi de la programmation jusqu’au recouvrement voire au contentieux, moderniser et simplifier le travail de l’agent participant à la chaîne du contrôle, et améliorer le pilotage de la mission et la valorisation de l’activité. Ce projet s’articule autour de plusieurs outils dont l’un est un module d’attribution des listes DM issues de CFVR.
Alors que la Cour des comptes invite la DGFiP à faire preuve de vigilance quant à « la résorption de la "dette technique" informatique et le pilotage des grands projets numériques dans le respect des délais et des enveloppes prévus » ([18]), le projet PILAT a connu de forts retards de déploiement ainsi que des dérives budgétaires. Initialement estimé à 36 millions d’euros, il est désormais évalué à plus de 123 millions d’euros.
Pour la rapporteure spéciale, il est impératif de doter les agents des moyens techniques leur offrant la possibilité de mener à bien leurs missions dans de bonnes conditions. Aussi, la poursuite des évolutions technologiques en faveur de la lutte contre l’évasion fiscale s’avère indispensable dans le cadre de la résorption de sa dette informatique par la DGFiP. Ainsi, la rapporteure spéciale soutient la recommandation formulée par la Cour des comptes et défend la mise en place d’un plan d’apurement de la dette technologique dans l’ensemble des services de la DGFiP participant à la lutte contre l’évasion fiscale.
Recommandation n° 6 : mettre en place un plan d’apurement de la dette technologique dans l’ensemble des services de la DGFiP participant à la lutte contre l’évasion fiscale.
2. Les apports du recours à l’IA dans le contrôle fiscal doivent être mesurés au regard des évolutions des effectifs
Du fait de l’augmentation de la part des contrôles ciblés par l’IA, les productions issues de l’analyse de données nationales ont logiquement connu une hausse importante depuis 2016.
Évolution des productions issues de l’analyse de donnÉes nationales
|
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Propositions de contrôle fiscal externe |
345 |
3 000 |
6 917 |
9 919 |
10 165 |
15 034 |
20 014 |
Contrôles du bureau |
nc |
22 700 |
34 200 |
53 297 |
59 375 |
95 029 |
116 934 |
Source : commission des finances, à partir du document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2024, Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales, p. 49.
Les propositions de contrôle fiscal dépassent les 20 000 en 2022 et les contrôles du bureau les 115 000.
Parallèlement, les effectifs du contrôle fiscal sont marqués par une chute, passant de 12 303,7 ETP ([19]) en 2016 à 10 427 ETP en 2022, soit une diminution de plus de 15 % en 7 ans. Supérieure à 20 %, la baisse des effectifs est encore plus marquée au niveau local, dans les DDRFiP, tandis que les effectifs au niveau central ont quant à eux progressé ([20]).
Évolution des effectifs du contrÔle fiscal
(en ETP, au 31 décembre)
Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale.
Alors que le recours à l’intelligence artificielle sert régulièrement de justification à des suppressions de poste, les gains de productivité n’ont pas été réellement mesurés. Il n’est donc pas possible de déterminer la part des suppressions de poste véritablement induite par l’intelligence artificielle.
Pour la rapporteure spéciale, il est impératif d’évaluer les gains de productivité engendrés par l’introduction du data mining en regard des diminutions d’effectifs dans le contrôle fiscal depuis 2014.
Recommandation n° 7 : évaluer les gains de productivité engendrés par l’introduction du data mining en regard des diminutions d’effectifs dans le contrôle fiscal depuis 2014.
3. L’usage de l’IA dans le contrôle fiscal ne doit pas évincer l’humain
Le recours à l’intelligence artificielle et au data mining dans la programmation des contrôles ne supprime pas l’intervention humaine car les dossiers ciblés font toujours l’objet d’un examen par un agent pour vérifier la pertinence des motifs de sélection et organiser un contrôle.
La rapporteure spéciale souligne que l’usage de l’IA dans le contrôle fiscal ne se substitue pas à l’intervention humaine. En conséquence, anticiper des suppressions d’emplois du fait des gains supposés du recours aux nouvelles technologies dans le contrôle fiscal semble hasardeux, a fortiori en l’absence de réelle évaluation des gains de productivité.
Or, la DGFiP évalue à 150 ETP les gains en effectifs en charge du pilotage générés par les nouveaux outils issus du projet PILAT (tableaux de bord produisant automatiquement des statistiques, data visualisation, requêtage), tout en annonçant des redéploiements d’effectifs pour le contrôle fiscal en 2023 et 2024. Sans un bilan consolidé des conséquences des suppressions d’emploi et du développement des nouvelles technologies, la DGFiP ne sera pas en mesure de mettre en œuvre un schéma d’emploi cohérent pour assurer sa mission de lutte contre l’évasion fiscale. Ce bilan doit établir si le recours aux nouvelles technologies dans le contrôle fiscal a, ou non, recentré l’activité des agents sur des travaux de ciblage hors analyse de données et s’il constitue un progrès leur permettant de se consacrer à des tâches plus valorisantes.
Si poursuivre l’investissement dans l’IA est souhaitable, la rapporteure spéciale affirme que son développement n’est pas un motif suffisant pour continuer à réduire les effectifs des personnels du contrôle fiscal. Elle réitère sa recommandation déjà formulée à deux reprises lors de l’examen des PLF pour 2023 et pour 2024 de mettre en place un moratoire sur les suppressions de postes dans les services de contrôle fiscal et de planifier l’embauche de 4 000 agents d’ici 2027.
Afin de conduire la lutte contre la fraude de manière pleinement efficace, il est impératif selon la rapporteure de s’appuyer sur la connaissance de l’environnement local détenu par les agents de terrain et de réintroduire un maillage territorial fin des brigades de vérificateurs.
Recommandation n° 8 : affirmer le principe de non-remplacement de l’humain par la machine en adoptant un moratoire sur les suppressions de postes dans les services de contrôle. Réintroduire un maillage territorial fin des brigades de vérificateurs.
*
* *
Lors de sa réunion de 17 heures, le mercredi 5 juin, la commission réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale des crédits de la mission Gestion des finances publiques – Lutte contre l’évasion fiscale, sur son rapport d’information sur l’usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale.
Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. En ces temps d’austérité budgétaire, la lutte contre l’évasion fiscale devrait être une priorité absolue pour le gouvernement. L’évasion fiscale coûte chaque année entre 80 et 120 milliards d’euros aux caisses de l’État. Cet argent manque cruellement à nos services publics et à nos ambitions écologiques. Il est donc impératif de s’attaquer sérieusement à ce problème, plutôt que de réduire encore les dépenses publiques, ce qui ne ferait qu’aggraver la situation économique et sociale du pays. Depuis deux ans, je travaille sur les moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre l’évasion fiscale. Aujourd’hui, je souhaite me concentrer sur un point précis, l’usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal.
Depuis plus de dix ans, la DGFiP expérimente l’utilisation du data mining dans la programmation du contrôle fiscal. Il est temps de faire le bilan de cette politique. La montée en puissance du data mining à la DGFiP résulte d’abord du travail de la mission requêtes et valorisation, créée en 2014. En octobre 2020, avec la création du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal (SJCF), cette mission est devenue le bureau SJCF-1D. En 2017, l'objectif a été fixé que le data mining représente 50 % de la programmation des contrôles fiscaux externes hors recherche. Cet objectif a été atteint en 2022.
De ce point de vue, la mise en place de l’intelligence artificielle dans le contrôle fiscal semble donc une réussite. Les différents ministres qui se sont succédé ont d’ailleurs vanté les mérites de l’intelligence artificielle, glorifiant les gains de productivité permis par l’usage du data mining dans le contrôle fiscal. Cependant, la réalité est moins reluisante lorsqu’on examine de plus près les résultats. En 2023, les contrôles issus d’une programmation via le data mining n’ont rapporté que 2,07 milliards d’euros, soit moins de 15 % des sommes mises en recouvrement sur l’année, alors que 56 % des contrôles proviennent désormais des listes data mining. Dans ces conditions, il est difficile de parler de formidables gains de productivité.
Plutôt que de se focaliser sur le nombre de contrôles d’origine data mining, il serait pertinent de s’intéresser à l’efficacité réelle de la mise en œuvre des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal. Permettent-elles d’augmenter significativement les sommes mises en recouvrement ? Permettent-elles réellement de dégager du temps pour les agents de terrain ? Conduisent-elles à une meilleure couverture du secteur économique ou à un traitement plus exhaustif des dossiers chaque année ?
C’est avec ces questions en tête que j’ai entamé mon travail d’investigation et d’audition en vue de ce printemps de l’évaluation. Je tiens à remercier Monsieur Iannuci, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal, ainsi que Monsieur Clabecq, chef du bureau du data mining, pour leur accueil et les échanges approfondis avec les agents du bureau. Mon travail révèle que les nouvelles technologies peuvent constituer un outil pertinent pour améliorer les performances du contrôle fiscal. Cependant, deux conditions doivent être remplies.
Premièrement, la montée en puissance du data mining ne doit pas être utilisée pour justifier des suppressions de postes ni remettre en cause les qualifications et l’expérience des contrôleurs sur le terrain. Deuxièmement, l’efficacité des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal doit être évaluée rigoureusement afin que ces outils soient correctement calibrés pour une utilisation optimale. Actuellement, aucune de ces conditions n’est remplie.
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, les baisses d’effectifs se sont poursuivies année après année, avec une réduction de 1 895 ETP en sept ans. De plus, nous ne disposons d’aucune évaluation des gains de productivité liés à l’utilisation de l’IA dans le contrôle fiscal. Les coûts financiers, humains et environnementaux de la mise en place du data mining n’ont jamais été évalués. Enfin, la situation matérielle des agents sur le terrain continue de se dégrader. Les représentants syndicaux m’ont alerté sur l’obsolescence du matériel à leur disposition, tandis que les fraudeurs utilisent des moyens de plus en plus sophistiqués pour échapper à l’impôt. La Cour des comptes fait le même constat et déplore depuis plusieurs années la dette technologique qui se creuse à la DGFiP. En matière de contrôle fiscal, la mise en place du data mining est donc l’arbre qui cache la forêt. Le manque d’investissement matériel, humain et de formation dans ce domaine est dénoncé de toutes parts, et le gouvernement en porte l’entière responsabilité.
Pour remédier à cette situation, je formule aujourd’hui une première série de recommandations. Il est urgent d’évaluer réellement les résultats financiers du data mining, impôt par impôt, ainsi que l’évolution du nombre de contrôles effectués, quelle que soit la source de programmation. Il faut également évaluer les coûts réels du data mining depuis 2014, y compris les coûts environnementaux. Un plan d’apurement de la dette technologique doit être mis en place dans l’ensemble des services de la DGFiP participant à la lutte contre l’évasion fiscale. Il est nécessaire d’évaluer les gains de productivité engendrés par l’introduction du data mining en regard des diminutions d’effectifs dans le contrôle fiscal depuis 2014. Enfin, je réitère ma recommandation, déjà formulée à deux reprises lors de l’examen des derniers PLF, d’adopter a minima un moratoire sur les suppressions de postes dans le contrôle fiscal et d’embaucher pour revenir aux effectifs de 2010. Il faut des agents sur le terrain si nous voulons sérieusement nous attaquer à l’évasion fiscale.
Au-delà de l’évaluation nécessaire de l’efficacité des nouvelles technologies en termes financiers, il est également indispensable d’évaluer les changements organisationnels que l’introduction de l’IA a engendrés. Tout d’abord, le recours à l’IA doit être plus transparent. Les algorithmes sont construits à partir des expériences de contrôle antérieures. Comment dès lors s’assurer de l’absence de biais ? Une programmation du contrôle fiscal qui ne serait capable de détecter que les schémas de fraude déjà connus, et donc échouerait à mettre au jour les nouvelles méthodes de fraude, raterait clairement sa cible. Or, rien, dans ce que j’ai pu observer, ne permet aujourd’hui de garantir l’absence de tels biais. Il est donc urgent d’établir la transparence sur les technologies utilisées par le bureau du data mining devant une commission indépendante associant organisations syndicales, CNIL et élus. La DGFiP devra démontrer périodiquement que les outils utilisés ne comportent pas de biais.
La montée en puissance de la programmation issue du data mining a totalement bouleversé l’organisation interne de la DGFiP. Les agents de terrain subissent cette évolution sans être associés aux décisions et avec un accompagnement défaillant. Ces fonctionnaires, attachés à leur métier et au service public, décrivent une perte de sens et une réduction des initiatives locales, pourtant extrêmement rentables d’après les données fournies par la DGFiP elle-même. Si nous voulons que les acteurs de terrain s’emparent des nouveaux outils mis à leur disposition, il est nécessaire de repenser l’accompagnement de cette révolution technologique. Je propose donc de mieux associer les agents de terrain au retour d’expérience sur l’usage du data mining, en impliquant les organisations syndicales dans l’évolution des algorithmes.
Après plus de dix ans de développement des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal, il est étonnant que la DGFiP n’ait toujours pas cherché à faire évoluer les compétences en interne. Le recours à l’IA dans le contrôle fiscal nécessite des compétences rares et spécifiques. Un quart des effectifs du bureau est composé de data scientists, mais ceux-ci sont presque tous contractuels, faute de profils qualifiés au sein de la DGFiP. L’expérience accumulée par ces contractuels est hautement valorisable auprès d’entreprises privées, comme en témoigne l’importance du turnover. La souveraineté, la fiabilité et la sécurité du contrôle fiscal peuvent donc se retrouver menacées à terme. Compte tenu de la spécificité des profils de data scientists et de l’investissement que constitue leur recrutement pour les services concernés, je préconise la mise en place d’une filière interne de recrutement mutualisé entre les différents services de l’État qui ont recours à ces compétences.
L’usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal peut être un outil pertinent pour améliorer l’efficacité financière de cette politique et progresser vers la justice fiscale. La mise en place du data mining a souvent entraîné une réduction des postes et une perte de sens du métier pour les agents de terrain. Cette situation est absurde, car le data mining n’a pas pour vocation de remplacer le contrôle de terrain. Il intervient uniquement dans la phase de programmation des contrôles, laissant ensuite aux vérificateurs le soin d’étudier les dossiers un par un. En continuant à supprimer des postes de vérificateurs, le gouvernement a mis en danger la cohérence globale du système de contrôle. Nous devons rétablir un maillage fin de brigades sur l’ensemble du territoire. Les 1 500 créations de postes annoncées au printemps dernier ne résoudront pas le problème, d’autant plus qu’il s’agit de redéploiements et non de véritables embauches. Ces 1 500 ETP ne compensent même pas la perte de près de 1 900 emplois sur les sept dernières années. La lutte contre l’évasion fiscale mérite une attention plus soutenue.
Chers collègues, bien que le sujet que j’aborde puisse sembler technique, il touche à la cohésion nationale et à la souveraineté de notre pays. Sans justice fiscale, il n’y a pas de contrat social, ni de politique publique d’envergure pour relever les défis sociaux, écologiques et géopolitiques auxquels nous faisons face. Depuis plus de deux ans, je propose des avancées dans ce domaine. J’ai publié deux rapports contenant cinquante-huit propositions. Avec les collègues de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) de notre commission, j’ai présenté un plan de lutte contre les fraudes bien plus ambitieux que celui du gouvernement, qui ne propose que des mesures marginales. Lors des derniers PLF, j’ai défendu plusieurs dizaines d’amendements visant à doter les agents du contrôle fiscal des moyens nécessaires à leur mission, essentielle d’un point de vue budgétaire et de justice fiscale. Les solutions existent, il vous appartient de les adopter.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. J’ai fait de la lutte contre la fraude fiscale une de mes priorités. Vous l’avez souligné, c’est un enjeu majeur pour le consentement à l’impôt, la cohésion sociale et le redressement de nos comptes publics. La lutte contre la fraude nécessite une adaptation constante face à un droit en évolution et à des pratiques nouvelles. Il s’agit d’une guerre de mouvements qui exige d’ajuster notre réponse en permanence. La mission de contrôle fiscal doit s’adapter aux évolutions de la société, aux comportements des acteurs économiques, aux progrès technologiques et à l’internationalisation des échanges et de l’économie.
Les nouvelles technologies constituent un apport indéniable pour mieux lutter contre la fraude fiscale. Un des enjeux pour l’administration fiscale consiste à détecter les incohérences déclaratives, à exploiter les informations de différentes sources pour mieux cibler les dossiers à contrôler ou à régulariser. L’intelligence artificielle, notamment, permet d’utiliser la donnée de manière efficace. Les données, tant sur les professionnels que sur les particuliers, sont une des richesses de la DGFiP. Je pense aux données collectées au niveau national avec différentes bases, comme le fichier des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), ainsi qu’aux données collectées au niveau international et aux échanges entre administrations fiscales, incluant les données sur les comptes bancaires et les déclarations d’activité pays par pays. Pour exploiter pleinement toutes ces informations, nous avons décidé en 2017 d’accélérer la modernisation des méthodes de travail du contrôle fiscal. Le contrôle fiscal est ainsi la première mission de la DGFiP à avoir mobilisé le potentiel de l’intelligence artificielle, en mettant en œuvre des méthodes modernes d’analyse de données et d’apprentissage automatique pour améliorer le ciblage de nos contrôles.
Cette complémentarité entre la technologie et les agents de la DGFiP est essentielle. Nous avons une organisation centralisée de la programmation qui alimente ensuite l’ensemble des services départementaux, régionaux ou interrégionaux avec des dossiers ciblés à contrôler. L’objectif est de mutualiser et de moderniser des travaux très chronophages et redondants, notamment les requêtages par les directions locales, afin que les agents de la DGFiP consacrent la majorité de leur temps au traitement des dossiers pré-identifiés.
Contrairement à ce qui a parfois été affirmé, le data mining ne diminue pas le rôle de l’homme dans son ensemble, mais vise à concentrer le savoir-faire des contrôleurs. Ces derniers excellent dans la gestion des dossiers les plus complexes, qui sont souvent ceux qu’ils préfèrent. Les productions issues de l’intelligence artificielle ne sont que des outils d’aide à la décision, mis à la disposition des agents. Les décisions en matière de contrôle ne proviennent jamais directement de l’analyse de données et résultent toujours des choix ou des initiatives des agents des services locaux de contrôle. L’IA est au service des agents et ne remplace jamais l’humain. À cet égard, le contrôle fiscal bénéficiera d’un renfort de 1 500 emplois d’ici 2027. Je le répète, malgré ce que vous avancez sur les réductions de postes à la DGFiP, qui sont liées à la suppression de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle, nous avons ajusté nos effectifs en conséquence.
Au-delà du recours au data mining, nous utilisons de nouvelles technologies. Le projet foncier innovant, qui nous permet de détecter des piscines non déclarées à partir de prises de vues aériennes, est un véritable succès. Lors du dernier projet de loi de finances, nous avons étendu l’expérimentation de l’utilisation en masse des données collectées sur les réseaux sociaux et autorisé les cyberenquêtes. Cette modernisation de nos moyens d’action porte ses fruits, permettant d’obtenir des résultats tout à fait notables.
La DGFiP dispose d’une structure en administration centrale dotée d’une grande infrastructure de stockage de l’ensemble des données fiscales en notre possession : déclarations déposées, données cadastrales, foncières ou financières. Elle regroupe également les données collectées à l’extérieur, telles que les données douanières, sociales, issues des échanges internationaux, et relatives aux avoirs détenus à l’étranger.
Les puissances de calcul des algorithmes de l’intelligence artificielle permettent de traiter 1 400 milliards de données par les ordinateurs de la DGFiP. Ces données sont plus facilement exploitées grâce aux algorithmes et à l’IA, comparativement à un traitement manuel effectué uniquement par les agents de la DGFiP. Nous avons identifié 300 situations potentiellement frauduleuses grâce au data mining. En 2023, les productions utilisant l’IA représentent 56 % des contrôles fiscaux externes locaux et 33 % des contrôles des particuliers dans les directions départementales. Ce chiffre atteint 40 % fin avril 2024, avec un objectif de 50 % en 2027. Les contrôles issus des analyses de données nationales ont permis de rappeler 2,1 milliards d’euros de droits et pénalités, contre 2 milliards en 2022. Ce chiffre ne peut pas être directement comparé au montant global de la fraude détectée, car il permet de traiter une masse de données, notamment les incohérences déclaratives. Le contrôle fiscal, et notamment le temps consacré par les agents, se concentre sur les montages les plus complexes. Les résultats financiers des dossiers issus de l’IA sont supérieurs à ceux constatés uniquement sur la base des dossiers identifiés par l’analyse humaine.
De manière générale, l’échange d’informations est la méthode la plus efficace pour lutter contre la fraude. À titre d’exemple, Gabriel Zucman, dans son dernier rapport sur l’évasion fiscale, explique que « l’évasion fiscale des particuliers a été divisée par trois au cours de la dernière décennie grâce au partage automatique des données bancaires ». Nous avons fait des progrès considérables dans la lutte contre l’évasion fiscale grâce à l’échange de données. Selon ce rapport, les particuliers placent 10 % du PIB mondial à l’étranger, dont 90 % des montants échappaient aux autorités fiscales. Désormais, la même proportion demeure placée à l’étranger, mais 75 % des montants sont connus des autorités fiscales et donc imposés. Ces avancées sont significatives. Les nouvelles technologies offrent un appui déterminant pour collecter, croiser les données, identifier des anomalies et enrichir notre capacité à lutter contre la fraude fiscale.
Nous devons désormais aller plus loin. C’est pourquoi je porte une initiative visant à renforcer nos moyens de lutte contre toutes les fraudes, en avançant sur trois axes. Premièrement, il est essentiel de mieux utiliser les données utiles à la lutte contre la fraude en décloisonnant les échanges d’information entre services. C’est le nerf de la guerre pour améliorer notre politique de lutte contre toutes les fraudes.
Deuxièmement, nous devons mieux répondre à l’utilisation des nouvelles technologies par les fraudeurs eux-mêmes. C’est une véritable course de vitesse. J’ai évoqué les mesures prises à l’occasion de la loi de finances initiale pour 2024 pour renforcer nos outils sur les réseaux sociaux. Je souhaite désormais aller plus loin sur un sujet majeur pour moi, les cryptoactifs. La Banque centrale européenne estime que 5 millions de Français utilisent des cryptoactifs, alors que seulement 150 000 foyers déclarent des revenus liés à ces actifs. Pour cela, j’ai souhaité que la direction nationale d’enquêtes fiscales soit dotée de licences d’outils de détection pour couvrir les principales blockchains, notamment Bitcoin. Il nous faut compléter notre arsenal législatif, notamment pour aligner les capacités de réponse de l’administration face aux cryptoactifs sur les avoirs non déclarés à l’étranger. Cette évolution législative me semble indispensable.
Enfin, troisièmement, nous devons poursuivre la dynamique internationale pour accroître la transparence fiscale, notamment en matière immobilière. C’est le sens des actions que nous menons avec Bruno Le Maire.
M. le président Éric Coquerel. La question n’est pas de se priver ou non de l’intelligence artificielle et des outils numériques. Il s’agit de déterminer si ces technologies renforcent les résultats en matière de lutte contre la fraude ou si elles servent, comme cela a parfois été évoqué, à remplacer le personnel. D’après mes observations, entre 2008 et 2019, les contrôles sur place ont diminué de 13 % et les contrôles sur pièces de 56 %. Ces chiffres avaient d’ailleurs été mentionnés par les syndicats de votre ministère lors de nos rencontres avec la DGFiP. Parallèlement, les résultats financiers des contrôles fiscaux sont passés de 15,63 milliards d’euros en 2008 à 15,2 milliards en 2023, après une chute à 13,86 milliards en 2019. Je parle ici en euros courants. Durant cette période, l’inflation a atteint 23 %. On constate donc que les résultats ne sont pas aussi impressionnants qu’on pourrait le croire, malgré le développement de l’IA et la réduction significative des effectifs ministériels sur le long terme. Vous avez récemment rétabli certains effectifs, mais globalement, les réductions ont été considérables. Je pense que la question mérite d’être posée, notamment en ce qui concerne l’externalisation de l’IA. Lorsque nous nous sommes rencontrés au ministère, vous m’avez indiqué que vous alliez examiner les préoccupations soulevées par les syndicats à ce sujet. Ceux-ci nous avaient en effet signalé que les algorithmes n’étaient pas développés par Bercy, mais appartenaient à des sociétés privées travaillant sur ces questions d’IA. Cela pose un problème de dépossession des outils numériques et des algorithmes sur lesquels nous travaillons. Avez-vous des réponses à apporter à ce sujet ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. En 2023, par rapport à 2022, nous avons augmenté de 25 % les contrôles fiscaux, démontrant ainsi qu’il n’y a aucune baisse de l’activité de contrôle fiscal. Cette augmentation s’explique par l’allocation de moyens supplémentaires. Vous l’avez reconnu, en 2023, et cela continuera en 2024, les effectifs dédiés au contrôle fiscal ont été renforcés. Il est important de faire attention lorsque l’on compare les redressements fiscaux, car certaines années ont été marquées par l’impact des cellules de régularisation, désormais fermées, qui ont influencé les montants comparés. En neutralisant l’effet de ces cellules, je confirme une efficacité croissante des redressements dans la lutte contre la fraude fiscale.
Un autre point essentiel à clarifier concerne la maîtrise par la DGFiP des nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle et les algorithmes. Initialement, nous nous sommes appuyés sur des compétences extérieures pour nous aligner sur les meilleures pratiques en matière d’intelligence artificielle. Aujourd’hui, après avoir investi dans ces développements et appris à utiliser les algorithmes au service de nos métiers, la compétence en intelligence artificielle est entièrement internalisée au sein de la DGFiP. Madame la rapporteure spéciale l’a mentionné dans son rapport, soulignant que c’est un enjeu de recrutement et d’attractivité. Il est crucial de retenir les meilleurs talents. La titularisation ne suffit pas à elle seule à fidéliser un spécialiste des algorithmes ou un data scientist. L’intérêt du métier et les conditions de travail sont également déterminants. Pour vous rassurer, la compétence en intelligence artificielle est désormais totalement internalisée. Concernant la deuxième étape, qui porte sur l’utilisation des données issues des réseaux sociaux, aucun prestataire n’interviendra dans cette expérimentation. Nous disposons des capacités d’investissement nécessaires pour mener cette phase en interne. J’espère avoir répondu à votre question et vous avoir rassuré.
M. Xavier Roseren (RE). Je remercie la rapporteure pour ce rapport d’information sur l’usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal, car j’ai appris de nombreux éléments. Je partage votre constat sur le fait que le recours à l’intelligence artificielle soulève de nombreuses questions concernant l’évolution des agents de terrain, notamment en matière de formation et de réorganisation des postes. L’utilisation d’algorithmes et d’intelligence artificielle est devenue incontournable. Historiquement, ces nouvelles technologies ont souvent été accusées de nombreux maux. Monsieur le ministre, je souhaite aborder deux sujets.
Premièrement, pour lutter contre les trafics de drogue, vous avez récemment annoncé votre intention de mettre en œuvre le 100 % scan des colis. Pourriez-vous nous préciser les délais de cette mesure et les prochaines échéances concernant le 100 % scan ? Ma seconde question porte sur la fraude de certains propriétaires qui changeraient leur résidence secondaire en résidence principale. Nous avons supprimé la taxe d’habitation sur la résidence principale, mais la taxe d’habitation sur la résidence secondaire existe toujours. Nous avons également permis à 3 000 communes d’appliquer une surtaxe d’habitation sur la résidence secondaire. Certains contribuables pourraient permuter leurs habitations principales avec leurs résidences secondaires afin de bénéficier d’une fiscalité moins importante.
Avec la nouvelle déclaration de juillet, dans quelle mesure le gouvernement effectue-t-il des contrôles en la matière et quelles difficultés rencontre-t-il ? Quelles solutions envisagez-vous ? Les déclarations complémentaires sur GMBI peuvent-elles améliorer cette situation ?
Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Je souhaite réitérer certains messages et poser quelques questions. Tout d’abord, je tiens à préciser que je ne critique pas l’utilisation du data mining, bien au contraire. Je considère cette technologie comme une avancée significative, à condition qu’elle soit véritablement mise au service des agents. Vous avez mentionné le redéploiement de 1 500 postes, mais il est important de rappeler que les effectifs ont considérablement diminué ces dernières années. Cette réduction d’effectifs, combinée à l’arrivée du data mining, a permis de maintenir les résultats du contrôle fiscal à un niveau stable. Cependant, ces résultats ne sont pas exceptionnels, surtout si l’on considère que l’évaluation de la fraude semble être en augmentation. Si les chiffres ne sont pas en augmentation, cela signifie que nous ne suivons pas la réalité de la fraude. Il est également essentiel de se pencher sur la rentabilité des opérations issues du data mining. Bien que cette technologie permette de traiter des affaires à faible rendement, il serait souhaitable que ces affaires dégagent réellement du temps pour les agents, leur permettant ainsi de se consacrer à des tâches de recherche plus intéressantes et pertinentes. Or, les résultats du contrôle fiscal montrent que ce n’est pas le cas actuellement. Monsieur le président de la commission des finances a également évoqué l’importance du contrôle sur place pour les agents, qui constitue un levier essentiel pour obtenir des résultats. Cependant, les chiffres montrent une diminution dans ce domaine.
Je souhaite réagir à ce propos, car vous mentionnez fréquemment les travaux de Gabriel Zucman. J’avais déjà répondu à ce sujet. Gabriel Zucman met en avant les résultats positifs et les avancées significatives obtenues grâce à la levée du secret bancaire. Lorsqu’il utilise cet exemple, c’est généralement pour introduire son propos et souligner la nécessité d’aller plus loin, en proposant des mesures que nous avons parfois du mal à mettre en œuvre. Je pense notamment à la taxation unitaire et aux moyens alloués à la lutte contre l’érosion des bases fiscales. Vous vous arrêtez souvent aux propos introductifs de Monsieur Zucman. Il serait pertinent d’examiner l’ensemble de ses travaux et de les promouvoir. Je me tiens à votre disposition pour avancer sur ce sujet.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. En matière de lutte contre le trafic de drogue, il existe un champ d’action qui nous éloigne légèrement de la DGFiP, mais auquel je réponds volontiers. Cela concerne notamment les drogues de synthèse, qui nécessitent une évolution de nos méthodes, en particulier dans le domaine douanier. Il s’agit du contrôle des plateformes logistiques de fret postal. Pourquoi ? Parce que dans ces réseaux de trafic, l’utilisation du fret de petits colis est courante. En résumé, on achète et vend sur le darknet, puis on fait livrer par fret postal. Nous avons donc installé des scanners sur les grandes plateformes logistiques, capables de pré-identifier le risque de présence de stupéfiants, ce qui permet d’accroître l’efficacité des contrôles douaniers. On peut établir un parallèle entre la complémentarité douanier-intelligence artificielle et douanier-inspecteur, contrôleur, vérificateur des impôts. Plutôt que d’ouvrir les colis en fonction d’informations, nous les ouvrons en fonction des scans et des identifications. Nous obtenons de très bons taux de transformation lors de l’ouverture des colis dans les plateformes, notamment aéroportuaires. L’objectif est de développer un nouvel algorithme pour identifier le risque de présence de drogue de synthèse et de scanner tous les colis dans ces plateformes. Nous travaillons avec les gestionnaires des entrepôts pour atteindre un taux de 100 % de scans dans les prochaines années.
Concernant la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, vous avez raison de souligner le risque manifeste de fraude. C’est un axe de contrôle de la DGFiP pour s’assurer que les redevables s’acquittent bien de cette taxe. Le projet GMBI, malgré ses difficultés de lancement, doit nous aider à fiabiliser les données. Ces données seront utilisées dans l’ensemble des bases de données de la DGFiP, notamment avec des algorithmes de data mining pour identifier des incohérences. J’avais annoncé lors d’une précédente audition que nous utiliserions l’intelligence artificielle pour détecter des incohérences dans les déclarations de biens immobiliers, comme nous l’avons fait pour les piscines, afin d’améliorer notre efficacité.
Pour répondre à madame la rapporteure spéciale, j’évoquerai deux éléments le data mining et les affaires à faible rendement. Nous concentrons l’utilisation des algorithmes pour analyser en profondeur et identifier un certain nombre d’incohérences, notamment déclaratives, ce qui permet un gain de temps considérable. Ensuite, le temps des agents est véritablement consacré à l’examen minutieux des affaires, aux déplacements sur le terrain et aux contrôles.
Il est important de souligner que nous ne revenons pas en arrière concernant les contrôles sur place. La loi de finances pour 2024 inclut une disposition très attendue par l’ensemble des agents de la DGFiP, et particulièrement par les contrôleurs, suite à l’assassinat de Ludovic Montuelle. Cette disposition permet d’effectuer des contrôles non pas au domicile des particuliers ou des entreprises, mais dans d’autres lieux, en raison des risques parfois encourus par ceux qui réalisent ces contrôles. Cela signifie que nous n’abandonnons pas du tout cette mission, qui demeure souvent très utile et essentielle. En revanche, nous avons sécurisé les conditions dans lesquelles elle s’exerce.
Nous lisons attentivement Gabriel Zucman, nous l’auditionnons et le rencontrons. Un travail est mené au niveau international pour garantir une fiscalisation adéquate des plus fortunés et des plus mobiles. Nous l’avons affirmé, Bruno Le Maire l’a également réitéré, nous y sommes favorables. Cependant, nous ne soutenons pas une solution purement franco-française, car nous estimons qu’elle serait inefficace. Ce que nous avons accompli pour les multinationales avec l’impôt minimum sur les sociétés doit nous servir de guide méthodologique pour progresser dans un cadre de négociation à l’OCDE, notamment en ce qui concerne les particuliers désormais.
M. Luc Geismar (Dem). Je tiens à exprimer ma gratitude envers la rapporteure spéciale Charlotte Leduc pour avoir choisi ce thème d’évaluation, qui met en lumière les perspectives prometteuses qu’offrent les nouvelles technologies pour améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude. Bien que certaines incertitudes subsistent quant au chiffrage précis des sommes recouvrées grâce à ces technologies, je suis convaincu que, sans la modernisation de nos pratiques, nous n’aurions jamais atteint les montants records de recouvrement pour fraude fiscale constatés en 2023. Dans un monde en pleine mutation numérique, les méthodes employées par les fraudeurs deviennent de plus en plus sophistiquées, nécessitant que nous les combattions avec des moyens équivalents. Je regrette toutefois que ce rapport d’évaluation n’ait pas adopté une approche comparative, notamment en ce qui concerne les pratiques des pays de l’Union européenne. À cet égard, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer comment nous nous situons par rapport à nos voisins européens en matière d’utilisation des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal ? Et les meilleures pratiques employées dans d’autres pays mériteraient-elles d’être expérimentées chez nous ?
Mme Christine Pires Beaune (Soc). Je souhaite remercier notre collègue Charlotte Leduc pour son intervention sur le data mining et, plus largement, sur l’intelligence artificielle au service de la lutte contre la fraude fiscale. Personnellement, je ne doute pas de l’intérêt de ces nouveaux outils et je n’ai aucune opposition de principe. Cependant, ils ne doivent pas être utilisés uniquement dans un objectif de réduction des coûts, notamment en ce qui concerne les ressources humaines. Il est essentiel de disposer de personnel pour analyser les données, qui seront de plus en plus nombreuses, et pour corriger ces données si nécessaire.
Prenons l’exemple du foncier innovant. L’expérimentation, puis la généralisation sur les piscines ont fonctionné, et vous allez étendre cette méthode aux bâtiments en collaboration avec des géomètres experts. Ces derniers sont inquiets, monsieur le ministre, en raison du nombre d’erreurs potentielles et de la nécessité de toujours se rendre sur le terrain. Il faut des hommes et des femmes pour traiter les affaires remontées par les aviseurs fiscaux. Par exemple, certaines affaires datant de 2017 ne sont toujours pas traitées en 2024, ce qui révèle un manque évident de ressources humaines. Il est indéniable que les contrôleurs et tout le personnel travaillant à la lutte contre la fraude fiscale sont indispensables, car leurs actions rapportent des recettes significatives. Ma question porte sur le nouveau service de renseignement fiscal, dont vous avez parlé précédemment, qui sera basé aux douanes et non à Bercy. Pourquoi sa mise en place est-elle si longue ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le député Geismar, vous avez raison, il est impératif de pouvoir combattre à armes égales. C’est tout notre enjeu. Nous sommes engagés dans une course permanente avec les fraudeurs, et cela ne se limite pas au domaine fiscal. Nous avons évoqué le champ douanier avec les drogues de synthèse. Nous faisons face à de nouveaux schémas et approches en permanence, et c’est tout l’enjeu de la mobilisation de nos équipes d’adapter notre réponse.
En matière fiscale, lorsqu’on examine ceux qui sont les plus avancés dans l’utilisation des données, on trouve notamment le Royaume-Uni, l’Autriche, l’Australie et la Belgique. Nous considérons, sans fausse modestie, que nous sommes bien placés à l’échelle internationale en termes de capacité d’action et d’utilisation de l’intelligence artificielle par les équipes de la DGFiP. Cependant, nous ne voulons pas nous arrêter là, non pas pour rivaliser avec nos homologues européens, mais pour lutter contre les fraudeurs. Notre objectif est d’être encore plus efficaces. Nous disposons de 1 400 milliards de données, et nous pouvons les exploiter davantage en les croisant, en ciblant les incohérences. C’est un enjeu fondamental.
Madame la députée Christine Pires Beaune, je pense que nous sommes tous d’accord cet après-midi pour ne pas opposer la technologie aux agents. Il faut chercher la bonne complémentarité. Vous prenez l’exemple de « Foncier innovant » et de l’utilisation de l’IA pour les bâtiments, avec les géomètres experts de notre réseau. Cependant, le contrôle n’est jamais automatique. L’IA est toujours une aide pour les équipes de la DGFiP, permettant de cibler les dossiers à examiner, d’émettre des alertes et d’éviter de perdre du temps sur des tâches rébarbatives ou chronophages avec un faible rendement. Il n’y a jamais d’automaticité. Ce que nous devons bâtir, ce que nous avons déjà commencé à bâtir avec le contrôle fiscal, et que nous continuerons à développer dans d’autres domaines d’activité grâce à l’intelligence artificielle, c’est cette complémentarité d’action. C’est pourquoi, sur l’ensemble du territoire, la DGFiP organise fréquemment des groupes de travail réunissant des agents de terrain et ceux travaillant sur les algorithmes, afin d’optimiser leur efficacité et leur utilité. Il est nécessaire de dissiper les inquiétudes et les malentendus, et d’apprivoiser collectivement ces nouveaux outils. J’en suis convaincu, et c’est tout l’enjeu de l’encadrement de la DGFiP pour réussir cette intégration.
Concernant l’unité de renseignement fiscal, son installation se fera progressivement. Nous avons pris l’arrêté il y a quelques semaines, mais les habilitations nécessaires sont assez longues à obtenir pour une mise en place opérationnelle. Ce processus est également influencé par un contexte particulier, notamment les Jeux Olympiques, qui peut ralentir certaines procédures habituellement plus rapides. Sachez que nous y travaillons intensément et qu’une vingtaine d’agents supplémentaires rejoindront l’unité de renseignement fiscal d’ici la fin de l’année. Nous faisons notre maximum, car nous considérons que c’est un point de faiblesse actuel et que nous gagnerons beaucoup en efficacité.
M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le ministre, j’ai quelques questions concernant le rapport sur le data mining et le contrôle fiscal. Pourquoi seulement 15 % du recouvrement provient-il du data mining, alors que, selon l’annexe du rapport, le data mining oriente 33 % des contrôles sur les particuliers et 56 % sur les professionnels ? Comment expliquez-vous cette disparité ?
Ensuite, madame la rapporteure soulève une question pertinente l’intelligence artificielle est-elle plus efficace pour certains types d’impôts ? Par exemple, est-elle plus performante pour la TVA que pour l’impôt sur le revenu (IR) ou l’impôt sur les sociétés (IS) ?
Enfin, sur les 15 milliards d’euros mis en recouvrement, quel montant est effectivement recouvré ? Existe-t-il une différence notable entre les contrôles issus du data mining et les contrôles plus traditionnels ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il peut sembler incompréhensible qu’il y ait 15 % de recouvrements grâce au data mining, alors que cette méthode oriente plus de 50 % des contrôles. Cette répartition des rôles entre les agents de la DGFiP et les contrôleurs est essentielle. Les experts se concentrent sur les dossiers à fort enjeu, caractérisés par des mécanismes sophistiqués et ayant un impact significatif sur les recouvrements. Ces dossiers, qualifiés de « petits dossiers » par la rapporteure spéciale Charlotte Leduc et de « petites affaires » par la DGFiP, sont plus facilement détectés par l’intelligence artificielle. Cette distinction illustre la répartition des tâches, l’intelligence artificielle identifie les incohérences et les fraudes à faible enjeu, tandis que les équipes de la DGFiP se consacrent aux fraudes à fort enjeu.
Les premiers résultats montrent que cette méthode est plus efficace pour les professionnels que pour les particuliers, avec des résultats nettement meilleurs pour les premiers.
En ce qui concerne les 15 milliards d’euros, vous soulignez à juste titre, monsieur le député de Courson, le succès de la lutte contre la fraude fiscale. Sur les 15 milliards redressés, 11 milliards ont effectivement été recouvrés.
La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de Mme Charlotte Leduc.
La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.
Annexe n° 1 : Évolution des droits et pÉNALITÉs mis en recouvrement sur les contrÔles issus des listes DM
(en milliards d’euros)
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
0,14 |
0,36 |
0,69 |
0,66 |
1,23 |
2,06 |
2,07 |
Source : DGFiP, réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale.
*
* *
Annexe n° 2 : Évolution des effectifs du contrÔle fiscal
(en ETP, au 31 décembre)
|
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Niveau central |
114,3 |
110,7 |
117,7 |
115,0 |
118,0 |
128,0 |
133,0 |
Niveau national |
1 009,8 |
961,7 |
906,1 |
947,3 |
960,9 |
981,0 |
970,0 |
Dont direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) |
336,95 |
367,79 |
353,24 |
362,62 |
382,00 |
381,00 |
380,00 |
Dont direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) |
208,21 |
186,34 |
156,87 |
193,11 |
180,00 |
191,00 |
184,00 |
Dont direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) |
372,94 |
365,56 |
355,75 |
351,72 |
359,00 |
367,00 |
366,00 |
Niveau interrégional - DIRCOFI |
2 185,9 |
2 250,1 |
2 237,8 |
2 203,0 |
2 182,0 |
2 150,0 |
2 142,0 |
Dont brigades départementales de vérification (BDV) |
1 949,30 |
1 997,68 |
1 999,52 |
1 973,71 |
1 952,43 |
1 913,00 |
1 892,00 |
Niveau local DDRFiP |
8 993,7 |
8 711,9 |
8 243,1 |
7 958,8 |
7 638,0 |
7 242,0 |
7 182,0 |
Dont brigades départementales |
2 249,78 |
2 148,54 |
2 078,89 |
2 076,41 |
1 990,68 |
1 960,00 |
1 925,00 |
Dont pôles de contrôle revenus |
1 658,72 |
1 878,66 |
1 865,40 |
1 989,01 |
1 970,43 |
1 884,00 |
1 788,00 |
Dont pôles de contrôle et d’expertise (PCE) |
2 201,00 |
2 095,58 |
2 022,59 |
1 961,04 |
1 926,40 |
1 664,00 |
1 619,00 |
Dont services des impôts aux |
1 247,82 |
1 132,62 |
926,26 |
641,49 |
518,25 |
493,00 |
496,00 |
Total |
12 303,7 |
12 034,3 |
11 504,7 |
11 224,0 |
10 898,9 |
10 501,0 |
10 427,0 |
Source : DGFiP, réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale.
([2]) Arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ».
([3]) Commission nationale de l’informatique et des libertés, délibération n° 2014-045 du 30 janvier 2014 portant avis sur un projet d’arrêté portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (demande d’avis n° 1726052).
([4]) Arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ».
([5]) Arrêté du 16 juillet 2015 modifiant l’arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un outil de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ».
([6]) Arrêté du 28 août 2017 modifiant l’arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ».
([7]) Arrêté du 12 novembre 2019 modifiant l’arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ».
([8]) Article 154 de la loi n° 2019-1 479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
([9]) Article 112 de la loi n° 2023-1 322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([10]) Commission nationale de l’informatique et des libertés, délibération n° 2015-186 du 25 juin 2015 portant avis sur un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un outil de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR) (demande d’avis n° 1726052v3).
([11]) Le terme d’OCRisation vient de l’acronyme en anglais OCR (optical character recognition).
([12]) CGT, GT du 7 juin 2022 : projets numériques du SJCF- déclaration liminaire.
([13]) Contrôle fiscal et intelligence artificielle.
([14]) Cour des comptes, La détection de la fraude fiscale des particuliers. Une incontestable modernisation des méthodes, des résultats encore insuffisants, rapport public thématique, novembre 2023, p. 11.
([15]) Document de politique transversale relatif à la lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’imposition de toutes natures et de cotisations sociales.
([16]) Cour des comptes, La détection de la fraude fiscale des particuliers, op. cit., p. 46.
([17]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire, Mission Gestion des finances publiques, avril 2024, p. 34.
([18]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2023 Mission Gestion des finances publiques, op. cit., p. 6.
([19]) ETP : équivalents temps plein, qui correspondent aux effectifs présents à une date donnée, corrigés de leur quotité de travail (temps partiel et temps non complet, notamment).
([20]) Cf. détail en annexe n° 2.