N° 848
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX‑SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 janvier 2025
RAPPORT D’INFORMATION
FAIT
AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX OUTRE-MER
en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])
sur la situation démographique des outre-mer et le maintien des forces vives dans ces territoires
PAR
MM. Elie Califer, Mikaele Seo et Jiovanny William,
Députés
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La mission d’information est composée de : MM. Elie Califer, Mikaele Seo
et Jiovanny William, rapporteurs.
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SOMMAIRE
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Pages
I. L’enjeu démographique ultramarin
A. Des démographies aux particularités certaines
1. Une grande diversité de situations, parfois inquiétantes
2. Une situation très différente de celle de l’hexagone
B. Compter les ultramarins : un défi
1. Construire un historique de l’évolution des populations ultramarines : un processus au long cours
C. À Mayotte et en Guyane, la fiabilité du recensement est remise en cause par certains élus
1. Spécificités, évolutions et enjeux du recensement à Mayotte
2. En Guyane, des élus tout aussi critiques
3. Des méthodes inadaptées ? Le cas des orpailleurs clandestins
4. Des contestations plus politiques : le cas de la Nouvelle‑Calédonie
D. Mesurer les phénomènes sociaux au-delà des chiffres du recensement : les enquêtes MFV et MFV2
1. Une nouvelle étude : l’enquête « Migrations, famille, vieillissement »
2. La nécessaire actualisation de cette enquête
II. La démographie par territoire
A. Les déterminants de la démographie
B. Plus de personnes âgées, moins d’enfants : le piège démographique antillais
1. Une hémorragie démographique qui déjoue toutes les projections
2. Les deux seules régions françaises ayant perdu de la population entre 2015 et 2021
a. La Guadeloupe, un archipel dont toutes les îles connaissent un déclin démographique
b. La Martinique : la plus vieille région de France
3. Des naissances en baisse dans un contexte familial spécifique
a. Une monoparentalité importante aux caractéristiques propres, une spécificité antillaise
b. La fécondité, un déterminant important des évolutions démographiques
c. Mettre fin aux carences des dispositifs d’assistance médicale à la procréation
b. Un vieillissement qui va s’accentuer
c. Un défi en termes de politiques publiques
d. Les collectivités territoriales en première ligne
C. La Guyane et Mayotte : Des territoires connaissant une « explosion démographique »
1. La Guyane, un territoire d’immigration en expansion démographique
a. Une population en forte croissance, malgré un solde migratoire négatif
b. Une croissance démographique étroitement liée à l’immigration
c. Saint-Laurent-du-Maroni, une commune à l’expansion démographique hors norme
2. Mayotte, un territoire démographiquement saturé
a. Une explosion démographique directement liée à l’immigration
b. Des conséquences sociales inquiétantes
D. La Réunion : le plus peuplé des Drom, mais jusqu’à quand ?
1. Une population jeune et en augmentation
2. Une croissance démographique qui ralentit
E. Wallis et Futuna : un cas original
a. Une déstructuration démographique…
b. Une situation sociale difficile
c. Natalité en baisse, départs en hausse
i. La diminution de la taille des ménages
ii. La « fuite des forces vives »
F. Polynésie française : vers la fin de l’accroissement démographique
1. Une population en augmentation légère
2. Un solde naturel en baisse mais toujours positif
3. Un solde migratoire négatif en raison d’un flux de départs continu
4. Une immigration surtout hexagonale : fonctionnaires et natifs de retour
5. De grandes disparités au sein du territoire
G. En Nouvelle‑Calédonie, le repli démographique se confirme
1. Une population en décroissance
2. Un solde naturel en déclin mais toujours positif
3. Un déficit migratoire croissant
H. Les « saints » : de petites populations particulièrement sensibles aux évolutions démographiques
a. Une forte croissance démographique historique
b. Un nouvel institut statistique qui mesure une baisse de la population due aux départs
2. Saint-Barthélemy : une croissance démographique constante, à rebours des autres Drom antillais
3. Saint-Pierre et Miquelon : le moins peuplé des outre‑mer perd de nombreux habitants
III. Les conséquences socioculturelles des fortes variations des populations ultramarines
A. La démographie, enjeu du maintien des cultures ultramarines
B. Les conséquences de la démographie sur l’offre de services publics : l’exemple de l’école
1. Quand la population diminue
2. Quand la population augmente : manque de bâti scolaire et déscolarisation
Le maintien des « Forces vives »
I. Le phénomène des départs concerne tous les outre‑mer depuis longtemps
A. Le départ autrefois organisé et parfois imposé par l’État
1. La mémoire, toujours présente, du Bumidom
a. « Faire venir des Domiens en métropole »
b. Une politique d’émigration de grande ampleur
c. Une source de l’inflexion de la démographie des Drom
2. À La Réunion, la douleur des enfants « transplantés » et la responsabilité de l’État
B. Un phénomène qui concerne l’ensemble des territoires, avec quelques disparités
1. Tous les outre-mer regardent les chiffres des départs avec inquiétude
3. Des disparités entre les territoires
II. Ce que quitter son territoire signifie
1. Des départs jeune, pour les études et le travail
2. « Si on pouvait, on resterait »
3. Communiquer pour casser la spirale de la baisse de l’attractivité
a. « Ici, c’est trop petit » le manque d’offre en direction des jeunes
b. Communiquer pour améliorer l’image que les jeunes ont de leur territoire
B. Un phénomène aux multiples conséquences sociales
1. Il ne s’agit pas d’empêcher les départs
a. Les départs peuvent être une richesse…
b. …à condition de les accompagner…
c. …et de préserver l’égalité des chances avec ceux qui ne peuvent pas partir
III. Prendre en charge les jeunes ultramarins
b. Les universités ultramarines sont confrontées à de nombreuses difficultés
3. Construire un dispositif d’orientation spécifique aux outre‑mer
4. La mobilité et l’autonomie : le problème des transports et du logement
5. La formation professionnelle et l’apprentissage
B. Accompagner les jeunes décrocheurs : développer les dispositifs existant
1. L’école de la deuxième chance de Cayenne (E2C)
3. Le rôle des missions locales
4. Une coordination indispensable, mais inexistante
IV. Un nouveau regard : pour une vraie politique publique du « retour au pays »
A. Ce que « revenir au pays » signifie : les résultats de l’enquête MFV2
1. Les raisons du retour : revenir « au pays ».
B. Changer de mentalité sur l’aide au retour
1. La continuité territoriale n’est pas une aide au retour
2. Un dispositif d’aide au retour des étudiants inappliqué ?
C. Le rôle des collectivités et des associations dans l’accompagnement des retours
1. Par les collectivités territoriales
D. De nouveaux dispositifs publics qui amorcent un changement de perspective
1. Le programme « cadres d’avenir »
2. Ladom, passeport pour le retour
V. Les conséquences pour l’emploi
A. La délicate question de la préférence locale
B. Le cas particulier de la fonction publique
1. La place particulière de la fonction publique dans les parcours migratoires des ultramarins
2. Les territoires ultramarins ont besoin de fonctionnaires qualifiés
ii. Critiques et limites des CIMM
iii. Les réponses apportées par la circulaire d’août 2023
iv. Des adaptations restent nécessaires
b. La maîtrise des langues régionales : un « talent » utile
c. Les concours nationaux à affectation locale : un dispositif à étendre
4. Former les fonctionnaires ultramarins dans leurs territoires
5. Le cas de l’éducation nationale
C. Le manque de main‑d’œuvre, notamment dans les secteurs en tension
1. Manque de main‑d’œuvre et entreprenariat : l’exemple de la « tech »
2. Adapter l’offre de formation aux besoins des territoires
Recommandations des rapporteurs
Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs
A. Auditions réalisées du 23 Mars 2023 au février 2024 à paris
B. Auditions réalisées du 11 au 12 décembre En Martinique
C. Auditions réalisées du 13 au 14 décembre En GUADELOUPe
D. Auditions réalisées du 15 au 16 décembre à sAINT-martin
E. Auditions réalisées du 11 au 13 AVRIL en guyane
Annexe n° 2 : Démographie des outre‑mer depuis 1951
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Derrière l’apparente froideur des tableaux de chiffres, les dynamiques démographiques reflètent les enjeux et les problématiques des territoires ultramarins dans leur diversité. Prolonger les courbes d’évolution de ces populations, c’est regarder et anticiper l’avenir de ces territoires, en matière économique, sociale ou encore culturelle.
La présente mission s’est donc attachée à exposer en détail les évolutions des populations de chaque territoire ultramarin, entre « explosion démographique » et baisse de la population. Dans cette dernière hypothèse, qui concerne notamment les départements antillais, un fort vieillissement de la population s’accompagne d’un nombre élevé de départs.
Ce phénomène de départ est au cœur du présent travail. Parce qu’il concerne tous les territoires – des Antilles à Wallis‑et‑Futuna en passant par la Guyane – d’abord, parce qu’il a trait à l’identité des ultramarins et qu’il est donc au cœur de leur vécu surtout.
Ainsi, telle une médecine du déracinement, la littérature ultramarine s’est souvent évertuée à témoigner et à mettre des mots sur le dur ressenti que pouvait constituer le « départ du pays » des populations ultramarines. Ces écrits montrent que la décision du « départ » ne relève bien souvent pas d’un choix et que, même préparé, il en trouble plus d’un.
Dans son autobiographie Le cœur à rire et à pleurer, Maryse Condé n’exclut par exemple pas que son énième départ en « métropole », vécu à l’âge de treize ans, ait pu jouer sur sa rébellion d’adolescente :
« Je pense que Mlle Lemarchand [alors Professeure de français] s’imaginait comprendre les raisons de ma mauvaise conduite et me proposait de les examiner. En m’invitant à parler de mon pays, elle ne voulait pas seulement nous distraire [les élèves]. Elle m’offrait l’occasion de me libérer de ce qui, d’après elle, me pesait sur le cœur. Cette proposition bien intentionnée me plongea au contraire dans un gouffre de confusion. »
Gouffre de confusion probablement, décrit également dans son roman Moi, Tituba sorcière où elle indique qu’« il est étrange, l'amour du pays ! Nous le portons en nous comme notre sang, comme nos organes. Et il suffit que nous soyons séparés de notre terre, pour ressentir une douleur qui sourd du plus profond de nous-mêmes sans jamais ralentir. »
Il est vrai que, durant leurs déplacements, les rapporteurs ont sans conteste pu mesurer cet « amour du pays » des populations ultramarines les plus enclines à partir, à commencer par les jeunes. Ce sentiment est d’ailleurs parfois apparu avec une telle intensité que, faisant table rase de tout préjugé, les rapporteurs en sont venus à se demander :
– primo, dans quelle proportion cet « amour du pays » permet encore aujourd’hui de maintenir les forces vives « au pays » ;
– secundo, pourquoi, en dépit de cet « amour du pays », beaucoup de forces vives partent ;
– et tertio, pourquoi, toujours en dépit de cet « amour du pays », un plus grand nombre de forces vives renonce à revenir au pays et/ou qualifie cedit retour d’« acte militant ».
Si ces interrogations peuvent de prime abord paraître simplistes, elles sont en réalité tout sauf simples, tant les réponses recueillies sollicitent la mobilisation d’un ensemble d’acteurs, qu’ils soient étatiques, locaux, économiques, associatifs ou encore familiaux. Sans omettre prioritairement d’assurer l’épanouissement de ces populations, tous ces acteurs doivent œuvrer et contribuer en faveur d’une politique coordonnée du retour au pays qui puisse assurer leur propre maintien et renforcer les forces vives déjà sur place.
Ainsi, au départ du pays que permet la liberté d’aller et venir, une nécessaire politique d’aller et de revenir doit être imaginée, de sorte que chaque ultramarin puisse, à sa manière et au-delà des épreuves émotionnelles que font subir les aéroports, être en mesure d’écrire les nouvelles pages de son propre Cahier d’un retour au pays natal.
Selon les rapporteurs, la mise en œuvre de cette politique est urgente, pas seulement pour que les populations de ces territoires augmentent, mais aussi pour que vivent leurs sociétés, leurs cultures et leurs économies.
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I. L’enjeu démographique ultramarin
La démographie est définie comme « l’étude des populations visant à connaître leur effectif, leur composition par âge, sexe, statut matrimonial, etc. et leur évolution future » ([2]). Cette science est donc d’une grande utilité pour comprendre les dynamiques des sociétés ultramarines.
A. Des démographies aux particularités certaines
Si les démographies des outre‑mer présentent à la fois des similitudes et des différences, elles sont, en toute hypothèse, distinctes de la démographie de l’ensemble du pays et inquiétantes dans de nombreux cas.
1. Une grande diversité de situations, parfois inquiétantes
Touchées, chacune à sa façon, par le phénomène de transition démographique, les populations ultramarines ont, comme celles de l’hexagone, sensiblement gagné en espérance de vie et connu une baisse de leur natalité. L’ampleur de ces phénomènes est néanmoins très variable selon les territoires concernés, de même que les variations du solde migratoire.
Ainsi, les évolutions des populations des territoires ultramarins postérieurement à la seconde guerre mondiale sont très diverses :
Comparaison des évolutions des populations
Base 1 en 1951 (Polynésie), 1953 (Wallis), 1956 (Nouvelle‑Calédonie), 1958 (Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) et 1954 (tous les autres territoires et France hexagonale).
Les territoires ultramarins sont dispersés sur un spectre démographique ayant deux extrêmes, correspondant à deux situations démographiques inquiétantes :
– le premier est caractérisé par un dépeuplement résultant de la fuite des forces vives et par une baisse de la natalité : c’est le cas des Antilles, mais aussi, de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, de Wallis‑et‑Futuna et, depuis quelques années, de Saint‑Martin ;
– le second est souvent qualifié d’« explosion démographique », laquelle a pour origines l’allongement de l’espérance de vie, la surreprésentation de la part de jeunes et un solde migratoire élevé ; cette situation se retrouve en Guyane et à Mayotte, mais aussi à Saint-Martin dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.
Entre ces deux pôles, les autres territoires connaissent des démographies en hausse de façon plus ou moins dynamiques : Saint‑Barthélemy, la Polynésie française, la Nouvelle‑Calédonie et La Réunion, le plus peuplé des outre‑mer.
D’autres indicateurs sont révélateurs de la très grande diversité des situations démographiques des outre‑mer. Ainsi, au sein des départements et régions d’outre‑mer (Drom), les structures d’âge sont très différentes, entre populations très jeunes (Guyane et Mayotte) ou plutôt âgées (Guadeloupe et Martinique).
Population par âge au 1er janvier 2022
Florence Leperlier (Insee), « Forte hausse des décès et baisse des naissances malgré une fécondité toujours élevée, Bilan démographique 2022 et premiers mois 2023 à La Réunion », Insee Flash Réunion n° 261, 09 novembre 2023.
2. Une situation très différente de celle de l’hexagone
Certaines tendances démographiques inquiétantes observées en outre‑mer, notamment dans les Drom, sont aussi présentes à l’échelle de la France entière ([3]), ce qui pousse certains observateurs à relativiser les difficultés démographiques de ces territoires. Ainsi, en 2023, les naissances ont baissé, au niveau national, de 6,6 %, les portant à un niveau inférieur de 20 % au pic des naissances, enregistré en 2010. Si cette dynamique ralentit en 2024, avec un nombre de naissances en baisse de 2,2 % par rapport à l’année précédente, cette baisse « reste plus forte que celle observée en moyenne chaque année entre 2010 et 2022 » ([4]). L’indicateur conjoncturel de fécondité (cf. infra) ([5]) est, lui aussi, en baisse, à 1,62 contre 1,66 en 2023 et 1,78 en 2022 ([6]). Il s’agit du troisième taux le plus bas depuis la seconde guerre mondiale. En conséquence, et malgré la baisse du nombre de décès, le solde naturel est en baisse.
La comparaison, néanmoins, s’arrête là. En effet, la population hexagonale, contrairement à celle de plusieurs territoires ultramarins, n’a jamais diminué. De plus, la France ne connaît pas, contrairement à un grand nombre de ces territoires, un solde migratoire négatif résultant de départs massifs.
B. Compter les ultramarins : un défi
Les études démographiques portent sur « les informations statistiques fournies par les recensements et l’état civil » ([7]). Les principales institutions produisant ces données et les analysant sont l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et l’Institut national d’études démographiques (Ined). En outre, certaines collectivités ont créé leurs propres instituts statistiques.
1. Construire un historique de l’évolution des populations ultramarines : un processus au long cours
S’agissant d’une mission d’information consacrée à la démographie, les rapporteurs ont estimé utile de commencer leur travail par une recension, la plus exhaustive possible, des données relatives aux évolutions des populations des territoires ultramarins depuis le début des années cinquante. Dire qu’ils ne s’attendaient pas à rencontrer d’aussi grandes difficultés dans cette tâche relève de l’euphémisme. Aucun document unique recensant ces données n’existe. Concernant les Drom, certains documents sont disponibles, mais ils comportent parfois des erreurs, qui doivent être corrigées par la consultation des résultats des recensements publiés, il y a plusieurs dizaines d’années, au Journal officiel. Concernant les collectivités du Pacifique – à l’exception notable de la Nouvelle‑Calédonie, dont l’Institut statistique publie l’ensemble des données – les informations disponibles doivent être complétées par la consultation d’articles scientifiques. C’est également le cas pour les plus anciennes données des « trois Saints », qui ont toutes changé de statut ; les anciennes données relatives à Saint‑Barthélemy et Saint‑Martin sont ainsi à chercher dans les documents relatifs à la Guadeloupe, départements auquel ces îles étaient rattachées. À Mayotte enfin, la mise en place d’un recensement annuel, devenu la norme dans les Drom (cf. infra), est encore en cours.
Afin d’éviter à toute personne intéressée par ce sujet d’avoir à mener un travail similaire, les rapporteurs ont choisi d’annexer au présent rapport le résultat de leurs travaux de récolement. La plupart des graphiques illustrant les parties relatives aux évolutions des populations ultramarines sont issus de ce travail.
2. Le recensement : une procédure essentielle à la détermination des ressources financières des collectivités
La quasi‑totalité des données permettant d’étudier la démographie d’un territoire sont issues de son recensement. En outre‑mer, toutefois, ce processus se heurte à de nombreuses difficultés et à la contestation d’un certain nombre d’élus.
Aux termes de la loi du 27 février 2002 ([8]), le recensement a pour objectif principal la publication chaque année, sous la responsabilité de l'Insee, des chiffres des populations légales des communes, et principalement des populations municipales, c’est-à-dire le décompte des « personnes ayant leur résidence habituelle sur le territoire de la commune » ([9]). Ces populations légales sont désormais établies annuellement depuis 2004 ([10]). La méthode utilisée est celle des enquêtes annuelles de recensement tournantes, couvrant l’ensemble du territoire sur un cycle de cinq ans ([11]). Autrement dit, le territoire est recensé partie par partie, à raison d’un cinquième par an, ce qui permet de renouveler l’ensemble des données en cinq ans, et de publier des données de recensement à chaque début d’année.
Ce « recensement rénové », réalisé, sous l’égide de l’Insee, conformément aux dispositions de, l’article 156 de la loi précitée ([12]), est la méthode utilisée dans le Drom, ainsi que dans les collectivités d’outre-mer (COM) de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint‑Pierre‑et-Miquelon, qui disposent donc de chiffres de populations légales annuels. Ces trois COM ont en effet toutes en commun d’avoir relevé par le passé du régime des Drom. Pour chaque Drom, l’Insee publie en outre, chaque année, un « bilan démographique » très complet, analysant et mettant en perspective les résultats du recensement. Un grand nombre des développements de la présente partie se base sur ces « bilans », dont les éditions portant sur l’année 2023 ont toutes été publiées à l’automne 2024, permettant ainsi de disposer des données les plus récentes.
Les autres COM – situées dans le Pacifique – relèvent, par dérogation, de l’article 157 de ce même texte ([13]) : l’État ([14]) y procède donc, « tous les cinq ans, à des recensements généraux de la population ». On n’y dispose donc pas de chiffres annuels. C’était également le cas de Mayotte avant sa départementalisation.
L'exploitation statistique de ces recensements relève largement, pour chaque territoire, de son institut statistique propre : Wallis‑et‑Futuna ([15]), la Polynésie française et la Nouvelle‑Calédonie ont en effet créé respectivement le Service territorial de la statistique et des études économiques (STSEE), l’Institut de statistique de Polynésie française (ISPF) et l’Institut de la statistique et des études économiques de la Nouvelle‑Calédonie (Isee). Relevant de l’article 156, la COM de Saint‑Martin a également choisi de créer son propre institut statistique.
Les chiffres de la population légale sont ceux qui font foi au regard de l’ensemble des textes attachant des conséquences juridiques à la population des communes, telle la détermination du nombre de conseillers municipaux.
C’est notamment le cas pour le calcul des dotations affectées aux municipalités pour le financement des services publics communaux. En effet, « les hausses ou baisses de population d’une commune viennent, chaque année, majorer ou minorer le montant de la dotation forfaitaire, pour un montant compris entre 64 et 129 € par habitant supplémentaire ou en moins, en fonction de la taille de la commune ([16]) ».
L’exactitude du chiffre de la population légale de la commune, c’est-à-dire la précision de la méthode de recensement utilisée, est donc d’importance : une sous-estimation de ce chiffre risque en effet d’entraîner un découplage entre les moyens financiers dont dispose la commune et ses besoins, en réalité plus importants du fait de sa population réelle.
C. À Mayotte et en Guyane, la fiabilité du recensement est remise en cause par certains élus
La problématique se pose avec acuité en Guyane et à Mayotte, territoires marqués par une expansion démographique très dynamique, mais également – et cela ne concerne pas que ces deux territoires – par une proportion significative d’habitat informel, plus difficile à recenser.
1. Spécificités, évolutions et enjeux du recensement à Mayotte
Ce territoire, déjà hors-norme par le phénomène d’« explosion démographique » qu’il connaît, l’est aussi par le processus conduisant, à la suite de sa départementalisation, à substituer au régime du recensement quinquennal dérogatoire de l’article 157 le système du recensement rénové de l’article 156. Ce processus est d’autant plus important que l’adaptation des services et des politiques publics à cette démographie particulière implique de disposer, par commune, d’informations statistiques précises et récentes, prenant en compte, autant que possible, les personnes en situation irrégulière. Le recensement est donc un événement important, perçu comme tel par la population ; les taux de réponse y sont d’ailleurs élevés au regard de la moyenne nationale. ([17])
Cette substitution de méthode s’opère selon un calendrier précis, 2021 étant la première année du cycle de mise en place du système de droit commun, qui s’achèvera en 2025 :
Le recensement de 2017, au terme duquel le chiffre de la population mahoraise était de 256 518 habitants, est donc le dernier mené selon l’ancienne méthode.
Selon l’Insee, dans un article de blog consacré au recensement à Mayotte ([18]), le processus de recensement s’adapte aux spécificités du territoire mahorais, à travers une cartographie, menée en collaboration avec les communes avant le recensement, de l’ensemble des habitations formelles comme informelles. Les agents recenseurs recrutés sont de bons connaisseurs du territoire et agissent dans la confiance et la confidentialité nécessaires, s’agissant notamment, du recensement des personnes en situation irrégulière. Comme l’Insee le rappelle, la « population légale » recense en effet l’ensemble des résidents du territoire, indépendamment du caractère régulier ou non de leur présence. L’article précise que les populations les plus difficiles à recenser sont les hexagonaux, qui « vivent souvent dans des résidences sécurisées difficiles d’accès aux agents recenseurs, n’ouvrent pas toujours leur porte et sont moins souvent chez eux ». Il indique toutefois que « 97,6 % des logements [sont] recensés ».
L’Insee poursuit en expliquant que l’exactitude du recensement est souvent appréciée, avec prudence, en en comparant les résultats avec les chiffres des importations de riz ou d’huile. Selon l’institut, et malgré de nombreuses critiques de cette méthode jugée peu rigoureuse, celle‑ci corrobore les résultats du recensement. L’Insee infirme, selon la même méthode, l’hypothèse d’une population mahoraise réelle de 400 000 habitants avancée par la Cour des comptes ([19]). L’institut reconnaît néanmoins, du fait des spécificités de ce territoire – densité, habitat informel, immigration –, la légitimité des interrogations soulevées par certains responsables politiques sur sa capacité à recenser l’archipel avec exactitude ([20]).
Ces interrogations ne peuvent qu’être confirmées par la différence significative entre les chiffres avancés par deux institutions nationales, l’Insee d’une part (256 000 habitants) et la Cour des comptes d’autre part (400 000 habitants), qui provoque, à juste titre, la méfiance des élus mahorais. Ceux‑ci, en effet, vivent au quotidien les conséquences d’une hausse de la population dont personne ne conteste le caractère exceptionnel. À Mayotte, sans doute plus que dans tout autre territoire français, connaître avec précision, c’est-à-dire non seulement avec des méthodes solides, mais également sans aucun doute possible, le chiffre exact de la population est essentiel à la conduite des politiques publiques des collectivités territoriales comme de l’État. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : se baser sur des estimations de consommation de denrées alimentaires pour corroborer les résultats du recensement n’est pas satisfaisant. Les rapporteurs constatent, de plus, la difficulté, dans les données publiées par l’Insee, à accéder aux chiffres annuels du solde migratoire.
S’il y a beaucoup à attendre de la mise en place définitive, à Mayotte, de la méthode du recensement dit « rénové », qui doit notamment permettre de disposer de chiffres annuels, la fiabilité des données ainsi recueillies dépendra du degré de transparence de la méthode utilisée, qui devra être d’un très haut degré. Les rapporteurs recommandent donc la mise à disposition, en données ouvertes (open data), du plus grand nombre possible d’informations anonymisées relatives aux prochains recensements à Mayotte.
Recommandation n° 1 : dans le respect du secret statistique, publier l’ensemble des données relatives au recensement à Mayotte dans un format ouvert et librement réutilisable.
Les rapporteurs estiment, de plus, que la situation démographique particulière de Mayotte nécessite la création d’une direction régionale spécifique de l’Insee, par scission de l’actuelle direction interrégionale de La Réunion‑Mayotte.
Recommandation n° 2 : créer une direction régionale de l’Insee propre à Mayotte.
2. En Guyane, des élus tout aussi critiques
L’audition des responsables de l’Insee par les membres de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution fut l’occasion, pour les parlementaires guyanais, d’exprimer leurs doutes quant à l’exactitude du recensement qui y est effectué. Ils doutent en effet de l’adaptation de ce processus à la « croissance démographique exponentielle » de ce territoire, à sa superficie, à son urbanisation, en raison de la place de l’habitat illégal et informel ([21]). La pertinence de la méthode nationale du recensement quinquennal, et non d’un recensement exhaustif annuel, est également évoquée.
Ainsi, Serge Anelli, maire de Maripasoula, conteste les résultats du recensement de sa commune, publiés par l’Insee en janvier 2024, indiquant une forte diminution de la population, passée de 13 227 habitants en 2017 à 9 177. Cette « hémorragie démographie », selon lui difficilement réaliste, aurait entraîné une diminution de quatre millions d’euros des dotations perçues par sa commune. Le maire a donc décidé d’organiser un contre-recensement pour mettre à l’épreuve les chiffres de l’Insee. ([22])
Répondant à ces critiques dans une note de blog ([23]), l’Insee indique que, si la méthode ne conduit à recenser chaque année que 8 % des logements dans les communes de plus de 10 0000 habitants et un cinquième dans les autres, le recensement est précédé – comme à Mayotte – d’une enquête cartographique minutieuse destinée à détecter tous les logements. À cette fin, poursuit l’Insee, des images prises par satellite sont remises aux agents recenseurs.
Pour plus de précision, explique l’institut, les zones d’habitat informel sont recensées exhaustivement selon la méthode mise en œuvre à Mayotte depuis 2021, en s’adaptant à leurs diverses densités : forte près de Cayenne, plus faibles et structurées autour de Saint‑Laurent‑du‑Maroni. Comme à Mayotte, pour répondre aux critiques avançant un chiffre réel de 350 000, 400 000 voire 500 000 habitants, l’Insee recoupe ces chiffres avec d’autres sources, telle la production de déchets ou le nombre de décès.
L’Insee souligne l’importance des communes dans la conduite du recensement, lesquelles sont notamment responsables du recrutement des agents recenseurs. Sophie Charles, maire de Saint‑Laurent‑du‑Maroni, rappelle néanmoins que ces agents, qui connaissent pourtant très bien le territoire, ne sont pas libres d’y conduire le recensement comme ils le souhaitent : « c’est l’Insee qui dit quelle maison est contrôlée, [même si] c’est la commune qui paie les agents recenseurs ». La commune n’a donc pas la possibilité d’indiquer à ces agents les territoires, notamment d’habitation informelle, qu’il faut à nouveau recenser, sans attendre cinq ans, dans l’hypothèse de fortes variations récentes de leur population. Cela entraîne une prise en compte retardée de ces mouvements de populations dans les chiffres du recensement, qui peuvent donc varier fortement d’une année à l’autre, de même que les ressources financières des communes qui en dépendent.
Ainsi, pour Sophie Charles, dans les territoires en forte expansion démographique, il faut changer de méthode, en procédant à un recensement intégral tous les deux ou trois ans.
Recommandation n° 3 : en Guyane, comme dans tous les territoires en forte expansion démographique, procéder à un recensement intégral tous les deux ou trois ans.
Une telle adaptation des méthodes requiert néanmoins, de la part de l’Insee, des équipes et de moyens dévolus uniquement au territoire guyanais. Ainsi, comme à Mayotte, les rapporteurs estiment nécessaire de créer une direction régionale de l’Insee propre à la Guyane, en scindant la direction interrégionale Antilles-Guyane.
Recommandation n° 4 : créer une direction régionale de l’Insee propre à la Guyane.
3. Des méthodes inadaptées ? Le cas des orpailleurs clandestins
Dans les zones illégalement orpaillées de Guyane, une nouvelle méthode de recensement a été mise en place en 2019 ([24]).
En effet, comme l’exposait aux rapporteurs Philippe Dorelon, chef du service territorial de Guyane de l’Insee, le recensement des orpailleurs clandestins était auparavant effectué par les communes : ils étaient recensés tous les cinq ans comme des ménages ordinaires. Entre les différents recensements, leur nombre était estimé en prolongeant les tendances.
Toutefois, confier aux municipalités la charge de recenser cette population vivant dans la clandestinité, se déplaçant au gré des découvertes de nouveau filons aurifères, dans des communes dont la taille est parfois supérieure à celle de la plupart des départements hexagonaux est plus qu’irréaliste. Ainsi, en fonction de la réussite plus ou moins grande des communes dans le recensement de ces « ménages » d’orpailleurs clandestins, les chiffres de leur population légale variaient artificiellement à la hausse ou à la baisse.
Cette situation, qui ne peut être qualifiée que d’absurde, résultant de l’application sans adaptation d’une méthode générale inadaptée, aboutissait, à l’échelle de la Guyane, à une surestimation de la population.
Les orpailleurs font désormais l’objet d’une collecte de type « HMSA » (Habitations mobiles et sans abri) : ils continuent à être recensés tous les cinq ans, mais ce décompte est désormais considéré comme stable. Néanmoins, ce changement de méthode a entraîné, pour 2017, une baisse artificielle de la population guyanaise ainsi qu’un solde migratoire négatif, qui ne sont donc pas représentatifs de l’évolution réelle de la population.
Si les rapporteurs sont conscients que le recensement concerne l’ensemble de la population d’une commune, ils ne peuvent que regretter qu’une telle adaptation des méthodes de recensement à une telle spécificité n’ait été mise en place que si tard, dans un territoire où l’exactitude des données relatives à la population est essentielle.
De façon générale, les rapporteurs estiment que le temps est venu de vérifier, dans chaque territoire ultramarin, l’adéquation de la méthode utilisée aux spécificités démographiques locales :
Recommandation n° 5 : mener un audit indépendant des méthodes de recensement en outre‑mer, pour s’assurer qu’elles prennent pleinement en compte les spécificités de ces territoires.
4. Des contestations plus politiques : le cas de la Nouvelle‑Calédonie
Dans certains cas, les recensements sont contestés, pour des raisons politiques, par des personnes convaincues que les autorités publiques qui les réalisent mentent sciemment à la population.
En Nouvelle‑Calédonie, par exemple, bien que l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee), organisme public local épaulant l’Insee dans la réalisation du recensement, dépende du gouvernement, de nombreux Kanak sont persuadés que les chiffres publiés sont manipulés pour sous-estimer, à dessein, le nombre de personnes originaires de l’hexagone installées sur « le Caillou », de manière à modifier, en faveur des loyalistes, l’équilibre démographique existant (cf. infra) ([25]).
En Nouvelle‑Calédonie, un report du recensement pour stabiliser les ressources des communes
En Nouvelle‑Calédonie, en raison de la situation, notamment économique, consécutive aux émeutes, que connaît le territoire depuis le 13 mai 2024, le Gouvernement a annoncé que le recensement, prévu en 2024 mais actuellement impossible à réaliser, serait reporté à la fin de l’année 2025. Cela « permettra aussi de stabiliser les dotations aux communes pour les années à venir » ([26]).
D. Mesurer les phénomènes sociaux au-delà des chiffres du recensement : les enquêtes MFV et MFV2
Les rapporteurs ont auditionné Claude‑Valentin Marie, sociologue et démographe à l’institut national d’études démographiques et conseiller pour l’outre‑mer auprès de la direction de cet institut.
Selon lui, les données et connaissances sociodémographiques portant sur les outre-mer ne sont la plupart du temps qu’un « sous-traitement » des données des grandes enquêtes nationales, par simple déclinaison des méthodes utilisées de façon générale, sans adaptation aux spécificités de ces territoires.
1. Une nouvelle étude : l’enquête « Migrations, famille, vieillissement »
En conséquence, une enquête ad hoc dénommée « Migrations, famille et vieillissement » (MFV) a été conçue spécifiquement pour les Drom. Son objectif général est d’analyser et d’approfondir les connaissances relatives aux mutations sociodémographiques à l’œuvre dans chacun de ces territoires, en étudiant les trois faits significatifs que sont les migrations des ultramarins, l’évolution de la structure des familles, qu’il s’agisse de la fécondité ou de la monoparentalité, et le vieillissement qui s’accélère, notamment aux Antilles. Ces dynamiques nécessitant de nombreuses adaptations des politiques publiques, la connaissance précise de leurs spécificités est essentielle.
Menée conjointement par l’Insee et l’Ined, au sein d’une équipe dont fait partie M. Marie, cette enquête de grande ampleur est la première spécifiquement conçue pour étudier les ménages des Drom. 3 023 questionnaires ont été collectés en Guadeloupe, permettant de constituer un échantillon représentatif de la population âgée de 18 à 79 ans du territoire. Il en va de même pour la Martinique et La Réunion, où respectivement 2 746 et 2 919 questionnaires ont été renseignés.
2. La nécessaire actualisation de cette enquête
La première édition de cette enquête (MFV1) a été réalisée en 2009-2010. Afin d’actualiser les informations récoltées, elle a récemment été reconduite, en 2020-2021, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion (MFV2).
Les résultats de ces enquêtes sont très précieux et il en est largement fait état dans le présent rapport. Cela tient notamment à l’importance de l’étude de ces dynamiques dans la réflexion sur la mise en place des moyens à même de juguler les départs et le vieillissement dans les territoires où la population diminue, ainsi que pour évaluer les résultats de ces politiques. En conséquence, les rapporteurs souhaitent que l’Insee et l’Ined disposent des moyens de renouveler les enquêtes MFV tous les trois à cinq ans.
Recommandation n° 6 : réaliser une enquête MFV tous les trois à cinq ans.
Si la situation démographique de Mayotte est l’inverse de celle des Antilles, une telle enquête MFV n’en est pas moins essentielle à l’étude des dynamiques à l’œuvre et des moyens d’action disponibles. Or, en raison, notamment, de sa départementalisation récente, ce territoire, n’a fait l’objet que d’une seule enquête MFV, réalisée entre 2015 et 2016. La population mahoraise évoluant rapidement, il devient désormais urgent de conduire une nouvelle enquête, pour actualiser ces résultats désormais anciens.
Recommandation n° 7 : réaliser au plus vite une nouvelle enquête MFV à Mayotte.
II. La démographie par territoire
Les paramètres à prendre en compte dans l’étude de la démographie de tout territoire, qu’il faut tout d’abord définir, décrivent, pour chaque territoire, un portrait démographique qui lui est propre.
A. Les déterminants de la démographie
L’étude de la démographie des territoires ultramarins, comme de tout territoire, nécessite de préciser, au préalable, les critères pouvant déterminer l’évolution d’une population :
– le taux de natalité, qui mesure le rapport entre le nombre de naissances vivantes et la population totale moyenne, donne un aperçu du renouvellement de la population : un fort taux de natalité révèle une croissance démographique, tandis qu’un taux faible peut indiquer un déclin ;
– il ne peut toutefois être significatif que comparé, sur la même période, au taux de mortalité, c’est-à-dire au rapport du nombre de décès de l'année à la population totale moyenne de l'année ;
– le solde naturel, exprimé en pourcentage ou en individus, permet de comparer les deux précédents indicateurs, puisqu’il se définit comme la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès : un solde naturel positif indique une croissance de la population (situation d’accroissement ou d’excédent naturel) tandis qu’un solde négatif signifie sa diminution ;
– naissances et décès ne sont néanmoins pas les seuls déterminants possibles de la hausse ou de la baisse d’une population : exprimé lui aussi en pourcentage ou en individus, le solde migratoire, qui évalue la différence entre les personnes entrant et sortant d’un territoire, a un impact significatif sur l’évolution démographique, puisqu’une immigration nette peut compenser une faible natalité, tandis qu'une émigration importante peut aggraver le déclin, comme c’est le cas, dans certains territoires, avec le phénomène de « fuite des forces vives » ;
– enfin, l’indicateur conjoncturel de fécondité, qui représente le nombre moyen d’enfants qu’une femme aurait au cours de sa vie si les taux de fécondité observés restaient constants (le « nombre d’enfants par femme »), permet d’évaluer les tendances à long terme en matière de reproduction, et donc de comprendre les déterminants de la hausse ou de la baisse de la natalité ; pour permettre à la population de se maintenir, cet indicateur doit être au moins égal au seuil de renouvellement des générations, estimé à 2,1 enfants par femme.
B. Plus de personnes âgées, moins d’enfants : le piège démographique antillais
1. Une hémorragie démographique qui déjoue toutes les projections
« En 2040, la population martiniquaise sera de 423 000 habitants », proclamait l’Insee en janvier 2011 ([27]). Malheureusement, le simple affaiblissement du rythme de croissance de la population alors prédit s’est mué en une baisse continue, que l’on constate également en Guadeloupe. En conséquence, la situation de ces deux territoires est celle d’un « effondrement démographique » doublé d’un vieillissement accéléré.
La population aux Antilles entre 2008 et 2025
Depuis 2007, les courbes des populations de ces deux Drom sont ainsi à l’inverse de celle de la population hexagonale :
Comparaison des évolutions des populations
Base 1 en 2007
2007 est en effet l’année où les populations de ces deux territoires ont commencé à décroître.
Elles diminuent sans interruption depuis 2012, à l’exception notable de l’année 2021 en Guadeloupe, année de hausse que les rapporteurs regardaient comme un signe d’espoir, néanmoins démenti par le recensement de 2022. En Martinique, le rythme de diminution de la population s’est notablement infléchi en 2021 ; l’évolution de la population redevient très légèrement positive en 2022, année du dernier recensement disponible ([28]). Il ne s’agit toutefois que d’une augmentation en trompe-l’œil dans la mesure où « les résultats des recensements depuis 2006 ne se comparent correctement entre eux que sur des périodes espacées d’au moins 5 ans […], les résultats des millésimes 2019 à 2023 [devant] exceptionnellement être comparés avec ceux de millésimes antérieurs distants d’au moins 6 ans » du fait du report de l’enquête annuelle 2021 consécutif à la crise sanitaire ([29]). Ainsi, les prévisions publiées début 2025 pour les années 2023 à 2025 prévoient la poursuite de la diminution de la population ([30]). Les populations des deux départements antillais sont donc durablement en baisse.
L’évolution des scénarios de projection démographique réalisés par l’Insee, au moyen d’un modèle nommé « Omphale », est particulièrement éloquente quant à l’ampleur inédite de ce phénomène. Dans les deux territoires, en effet, les trajectoires des projections réalisées en 2011 d’une part et en 2024 d’une part sont quasiment à l’opposé les unes des autres :
Comparaison des projections de l’Insee pour la Martinique en 2011 et en 2024
2024 : Insee, Chiffres détaillés, « Projections de population 2018-2070 », 8 janvier 2024.
Comparaison des projections de l’Insee pour la Guadeloupe en 2011 et en 2024
2024 : Insee, Chiffres détaillés, « Projections de population 2018-2070 », 8 janvier 2024.
C’est donc à un véritable retournement que l’on assiste, depuis 2007, en Guadeloupe et en Martinique, qui contraste fortement avec la très dynamique période antérieure :
Comparaison des évolutions des populations
Base 1 en 1954
Ainsi, afin de constater sur place les conséquences de cette situation démographique pouvant être qualifiée de catastrophique, les rapporteurs se sont rendus en Martinique et en Guadeloupe au mois de décembre 2023.
Avant d’étudier les conséquences sociales de ces phénomènes, il est toutefois nécessaire d’étudier plus en détail l’évolution des populations de ces deux territoires.
2. Les deux seules régions françaises ayant perdu de la population entre 2015 et 2021
Si ces deux territoires connaissent une évolution démographique inquiétante, ils présentent néanmoins des différences notables.
a. La Guadeloupe, un archipel dont toutes les îles connaissent un déclin démographique
383 569 personnes étaient recensées en Guadeloupe au 1er janvier 2022.
Population de la Guadeloupe
La population de l’archipel diminue de 0,5 % par an en moyenne depuis 2012, soit près de 2 300 habitants de moins chaque année. Entre 2016 et 2022, le territoire a ainsi perdu 10 500 habitants en six ans, soit l’équivalent de la commune de Saint-Claude ([31]).
L’étude démographique réalisée par l’Insee en 2024, révèle que l’évolution de la population guadeloupéenne s’inscrit dans la trajectoire de recul démographique de la dernière décennie, caractérisée par un solde naturel très faible (+ 195 personnes) :
Naissances et décès en Guadeloupe
L’année 2023 s’est caractérisée par une baisse du nombre de naissances de 3,7 %. Ce phénomène s’est traduit par la baisse de l’indicateur conjoncturel de fécondité des femmes guadeloupéennes, passant de 2,17 à 1,88 enfant par femme en dix ans ; ce recul fait passer le territoire sous le seuil de renouvellement des générations (cf. supra). La chute dramatique du nombre des naissances se poursuit donc : leur nombre a baissé d’un tiers depuis le milieu des années quatre‑vingt‑dix, alors même que les décès ont presque doublé. ([32])
Même s’il reste malgré tout positif ([33]) – il y a plus de naissances que de décès –, le solde naturel ne parvient pas à compenser le solde migratoire, dix fois plus important et négatif – il y a moins d’arrivées que de départs.
Entre 2022 et 2023, la Guadeloupe a ainsi perdu 2 100 habitants du fait des départs. Les raisons principales en sont la recherche d’opportunités professionnelles ainsi que la poursuite d’études, généralement dans l’hexagone. L’évolution de la part des jeunes dans la population de l’île illustre le phénomène : alors qu’ils représentaient 33 % de la population en 2013, leur part n’est plus que de 28 % en 2023.
Les « îles du sud » : une double insularité démographique
Après les îles de la Grande Terre et de la Basse Terre, les autres îles de l’archipel guadeloupéen, parfois nommées « îles du sud », sont Marie‑Galante – 158 km², soit environ 1,5 fois Paris –, l’archipel des Saintes, composé des îles de Terre‑de‑Haut et Terre‑de‑Bas (14 km² au total) et l’île de la Désirade (21 km²). En situation de double insularité, par rapport à l’hexagone d’une part et à la Guadeloupe « continentale » d’autre part, elles se situent dans un certain isolement qui explique, en partie, le vieillissement et la diminution de leurs populations.
Ainsi, à Marie-Galante par exemple, la population est « en baisse continue depuis 55 ans », s’établissant à 10 655 habitants au 1er janvier 2018. L’île perd « une centaine d’habitants en moyenne chaque année depuis 1962, lorsque 16 341 habitants vivaient sur l’île ». Entre 2013 et 2018, solde naturel et solde migratoire sont négatifs. La population marie‑galantaise est également vieillissante, puisque, en 2018, « la moitié des personnes qui [ont quitté l’île] ont moins de 30 ans, créant un déficit de jeunes adultes ». La part des moins de 15 ans, égale à 24 % de la population en 1999, est de 17 % en 2018.
Les rapporteurs ont rencontré « Nou kat sé yonn » (« Nous quatre ne formons qu’un »), association citoyenne s’étant donné pour rôle de défendre les intérêts et les populations des îles du sud. Ses représentants considèrent la situation de leurs territoires comme prémonitoire de celles de la Guadeloupe et de la Martinique, tant en termes de vieillissement que de départs des jeunes, souvent contraints, après la troisième, de quitter leurs îles pour partir en internat.
Les problèmes de santé des habitants sont nombreux, et les professionnels de santé de plus en plus rares ; il n’y a plus de médecin à la Désirade. Ce n’est pas seulement un problème pour les personnes âgées, mais aussi pour les jeunes, qui quittent souvent leur territoire pour cette raison, notamment lorsqu’ils ont un projet parental. À Marie‑Galante, s’il reste quelques médecins, il n’y a plus de maternité, et toute complication nécessite donc une évacuation sanitaire. Cela revient, selon les auditionnés, à « jouer à la roulette russe », car les moyens d’évacuation sont réduits.
La continuité territoriale, très imparfaite, oblige souvent les patients à se lever très tôt, à subir de longues attentes pour pouvoir acquérir un titre de transport, puis, parfois, à attendre, au port de Pointe à Pitre, la navette du retour. Ainsi, certaines personnes âgées qui se rendent à Pointe à Pitre pour une consultation médicale, passent le reste de la journée à attendre à la gare maritime, parfois sans manger ni boire, le bateau du retour. Certains jours, poursuivent les auditionnés, « 50 % des passagers des bateaux sont amenés par des ambulances ». Les auditionnés estiment que le recours à la télémédecine, proposée par l’ARS, n’est pas satisfaisant, et que des mesures exceptionnelles s’imposent.
Aux Saintes, il y a « 700 personnes en permanence à Terre‑de‑Bas, dont 80 % de personnes âgées ; on compte dix‑huit décès pour une seule naissance ». Il n’y a qu’un seul médecin pour les deux îles, bien qu’un autre vienne de Saint-François deux jours par semaine.
Cette situation démographique dramatique fragilise l’économie de ces territoires et en diminue l’attractivité… notamment aux yeux des professionnels de santé que l’on tente d’y recruter.
b. La Martinique : la plus vieille région de France
Selon le dernier recensement, 361 019 personnes habitaient en Martinique au 1er janvier 2022. La population martiniquaise a diminué de 0,7 % par an en moyenne entre 2016 et 2022. Sur cette période, l’île a ainsi perdu 15 500 habitants, « l’équivalent de la commune du François ». ([34])
Population de la Martinique
En 2023, la Martinique conserve un solde naturel devenu, depuis 2020, négatif (- 480) ; autrement dit, en Martinique, il y a plus de décès que de naissances. Comme en Guadeloupe, le nombre des naissances a dramatiquement baissé : entre 1994 et 2023, la diminution est de – 41 %. ([35])
Naissances et décès en Martinique
En 2023, le nombre de naissances a encore diminué, baissant de 4,5 % par rapport à l’année précédente. Ce recul est lié à la baisse de l’indicateur conjoncturel de fécondité, passé de 1,91 à 1,66 enfant par femme au cours des dix dernières années. Ce niveau, bien inférieur au seuil de renouvellement des générations, reflète une évolution structurelle préoccupante.
Ce phénomène est aggravé par un solde migratoire qui est, depuis 2006, fortement déficitaire : la Martinique continue de perdre des habitants, 3 040 personnes ayant quitté l’île en 2023.
Ainsi, la diminution de la population martiniquaise, qui est de - 1 % entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2024, résulte de l’addition des deux composantes, négatives, que sont le solde naturel (- 0,14 %) et le solde migratoire (- 0,86 %) ([36]) :
Composantes de l’évolution démographique
De manière générale, comme le révèle le graphique ci‑dessus, la baisse de la population martiniquaise découle bien plus des départs (le solde migratoire) que du solde naturel (les naissances et les décès).
Comme en Guadeloupe, les départs sont essentiellement le fait de jeunes adultes quittant l’île pour poursuivre des études ou pour chercher un emploi. Cette tendance se traduit par une diminution constante de la part des jeunes dans la population : les moins de 25 ans représentaient 30 % des Martiniquais en 2013, mais seulement 25 % en 2023, taux le plus faible de toutes les régions françaises.
3. Des naissances en baisse dans un contexte familial spécifique
Si les naissances baissent aux Antilles, il est nécessaire, pour comprendre ce phénomène, de se pencher sur ce que signifie être parent dans ces territoires.
a. Une monoparentalité importante aux caractéristiques propres, une spécificité antillaise
L’enquête MFV2 ainsi que le témoignage de Claude‑Valentin Marie mettent en lumière l’importance des familles monoparentales aux Antilles, notamment celles ne découlant pas d’une rupture de couple. Leur nombre ne décroît que très peu : en 2020, 29 % des enfants vivent les dix premières années de leur vie uniquement avec leur mère, un chiffre relativement stable puisqu’il s’élevait déjà à 30 % en 2010. Dans l’hexagone, à l’opposé, 78 % des enfants de la génération 1990‑1995 sont nés et ont grandi au sein d’un couple qui a perduré tout au long de la période où ils avaient entre 0 et 10 ans.
Plus d’un enfant sur deux vit dans une famille monoparentale en Martinique (55 %) ([37]), comme en Guadeloupe (53 %) ([38]) et en Guyane (52 %) ([39]), alors qu’ils ne sont que 21 % dans l’hexagone.
La monoparentalité est donc un trait saillant de la sociologie familiale antillaise. Ce phénomène se conjugue à celui de la non‑reconnaissance par le père. Le parent élevant l’enfant est très souvent inactif et peu diplômé, ce qui conditionne la socialisation et le devenir de l’enfant. Cette situation entraîne une très forte précarité.
Cette monoparentalité commence donc à la naissance et dure pendant toute l’enfance, sans que le parent ne reprenne par la suite une vie de couple. La spécificité antillaise est donc la durée de la monoparentalité, contrairement à l’hexagone où le schéma est le plus souvent celui d’une séparation, suivie de la formation d’un nouveau couple.
Les politiques publiques doivent s’adapter à cette spécificité, notamment dans la mise en place des infrastructures nécessaires. Ainsi, la Défenseure des droits souligne la difficulté de l’accès à des dispositifs d’accueil et d’accompagnement de la petite enfance, d’où une « inégalité de destins éducatifs entre les enfants » et un impact sur les opportunités professionnelles des mères élevant seules leurs enfants ([40]).
b. La fécondité, un déterminant important des évolutions démographiques
À côté de l’augmentation du nombre des départs, l’évolution de la fertilité, est l’un des principaux déterminants des variations de la population, notamment en Guadeloupe et en Martinique, mais aussi à La Réunion où il explique le maintien de la hausse de la population.
Claude‑Valentin Marie rappelle en effet que la chute de la natalité est la principale caractéristique la transition démographique observée aux Antilles au cours de la seconde moitié du XXe siècle, faisant chuter l’indice conjoncturel de fécondité sous le seuil de renouvellement des générations.
En Guadeloupe, par exemple, alors que les femmes de la génération 1940‑1949 avaient trois enfants, celles nées vingt ans plus tard n’en avaient plus que 2,2.
La Martinique, quant à elle, est, depuis 1960, le Drom à la fécondité la plus faible : alors que les Martiniquaises avaient en moyenne 3 enfants en 1950, elles n’en avaient plus que 2,1 en 1970. Comme en Guadeloupe, les femmes de la génération 1960‑1969 déclarent avoir eu en moyenne deux enfants, mais indiquent que leur mère en a eu, en moyenne, six.
Cette situation se distingue nettement de celle de La Réunion, territoire qui conserve un indice conjoncturel de fécondité élevé (2,5 enfants par femme).
c. Mettre fin aux carences des dispositifs d’assistance médicale à la procréation
Si les rapporteurs constatent l’importance de la question de la fertilité dans la baisse des populations des outre‑mer, ils considèrent néanmoins que le caractère intime et personnel de ce sujet impose une prudence et une retenue dans l’approche politique relative à ces sujets. Une incitation politique à faire des enfants ne leur semble par être la voie à adopter.
Bien d’avantage, ils estiment indispensable de proposer l’ensemble des structures nécessaires à la réalisation par chaque couple, par chaque parent, de son propre projet familial et parental.
Une table ronde organisée par les rapporteurs lors de leur déplacement en Martinique a révélé toutes les difficultés en la matière sur ces territoires. Fondatrices, au terme d’un long parcours, d’un laboratoire d’aide médicale à la procréation (AMP), les docteures Cynthia Bichara-Petit et Sarah-Lyne Jos y ont participé. La création de ce laboratoire a permis de diminuer fortement le temps d’attente pour bénéficier d’un accompagnement, même s’il reste élevé. Les parcours se sont diversifiés : femmes seules, couples de femmes, préservation de la fertilité (par exemple en cas de pathologie grave), etc. Malheureusement, expliquent les auditionnées, les pouvoirs publics communiquent trop peu sur ces dispositifs, que beaucoup de femmes ne connaissent donc pas.
Les auditionnées relèvent que leurs patients sont plus âgés que la moyenne nationale, en raison du manque de structures d’accueil sur le territoire, alors même que la fertilité diminue avec l’âge. De plus, les auditionnées constatent une forte altération des paramètres spermatiques, et rappellent la nécessité de poursuivre les recherches sur le lien avec l’exposition au chlordécone ([41]), reconnu perturbateur endocrinien.
Le manque de gamètes complique également le processus : les centres publics pouvant accueillir des dons n’existent actuellement qu’en Guadeloupe ([42]). Les dons sont trop faibles et il faut donc faire venir des gamètes de l’hexagone.
Les rapporteurs estiment qu’un tel laboratoire, pourtant privé, pallie la carence de l’offre publique d’AMP et exerce donc, dans les faits, une mission de service public. Ils appellent donc à ce que cette situation soit reconnue en droit, et à ce que ce laboratoire puisse bénéficier, en conséquence, d’un accompagnement financier des pouvoirs publics. Pour ce faire, ce laboratoire doit être assisté dans les démarches administratives nécessaires à l’obtention d’un tel statut.
Recommandation n° 8 : accompagner la reconnaissance d’un rôle de mission de service public pour le laboratoire d’AMP de Martinique
Enfin, les rapporteurs saluent, dans la construction d’un tel laboratoire par les docteures Bichara-Petit et Jos, un exemple de « retour au pays » réussi : en répondant, en tant qu’étudiantes antillaises, à ces offres d’emploi, elles ont, expliquent‑elles, réalisé leur volonté de revenir en outre‑mer, renonçant pour cela en toute connaissance de cause « à de très beaux postes dans l’hexagone ». Il s’agit, soulignent‑elles, d’un choix de vie, d’un choix familial et d’un choix d’apporter sa contribution à l’île.
En Martinique, le vieillissement de la population s’accentue de manière notable : plus d’un tiers des Martiniquais ont désormais plus de 60 ans, et cette proportion ne cesse de croître. En 2022, comme dit supra, la Martinique est donc devenue « la région la plus âgée de France » ([43]).
En Guadeloupe, la part de personnes de moins de 25 ans est passée de 33 % en 2013 à 28 % en 2022. Concomitamment, la part de Guadeloupéens de plus de 60 ans a augmenté de 9 points, passant de 21 % en 2013 à 30 % en 2023.
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Pyramide des âges de la Martinique en 2014 et 2024 |
Pyramides des âges de la Guadeloupe en 2013 et 2023 |
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Évoquant ce « vieillissement très avancé aux Antilles (et en cours à La Réunion) », le sociologue et démographe Claude‑Valentin Marie rappelle que ce phénomène peut être appréhendé de plusieurs façons :
– le vieillissement « individuel », « celui auquel on n’échappe pas et qui est envisagé comme une chance » : c’est celui que vit tout individu, et auquel est donc confrontée toute société ;
– le vieillissement « collectif », c’est-à-dire les rapports d’équilibre qui existent entre les âges des individus dans une société : c’est un changement de structure de la société, qui entraîne des problèmes de gestion et pose des questions de coût, notamment pour l’accompagnement des personnes vieillissantes.
Cette seconde acception est celle que connaissent les territoires antillais, qui subissent donc un certain nombre de transformations inhérentes à ce phénomène.
Les enjeux du vieillissement ne sont toutefois pas absents des territoires dont la population est plus jeune : ainsi, à Mayotte, pourtant la région la plus jeune de France, 1 000 personnes âgées de 60 ans et plus – soit 7 % des seniors – sont en perte d’autonomie, alors qu’elles vivent toutes à leur domicile ([44]).
b. Un vieillissement qui va s’accentuer
Le phénomène de vieillissement est lié au départ des « forces vives » et à la baisse de la fécondité : le départ des jeunes et la baisse des naissances augmentent la part des personnes âgées dans la population. D’autres phénomènes pourraient néanmoins être aussi à l’œuvre. Ainsi, certains interlocuteurs des rapporteurs indiquent l’existence d’un phénomène de « retour au pays » des retraités.
D’après les projections réalisées par l’Insee, ce phénomène devrait perdurer et s’accentuer dans les décennies à venir :
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Prévisions de l’évolution de la structure de la population entre 2018 et 2070
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Guadeloupe |
Martinique |
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c. Un défi en termes de politiques publiques
Ce vieillissement est un défi en matière de prise en charge, tant au sein des familles à travers les solidarités intergénérationnelles qu’au sein de la société en termes de politiques publiques à mettre en place.
Les personnes de plus de 60 ans en perte d’autonomie sont surreprésentées dans les départements et collectivités d’outre-mer, atteignant 19,1 % de la population en moyenne et jusqu’à 20,6 % en Guadeloupe.
Ce vieillissement implique donc, comme dans tout territoire, une adaptation de la société pour mettre en place, autour des personnes âgées, les dispositifs médico-sociaux nécessaires.
L’importance des services d’aide à domicile
Dans des territoires où le maintien à domicile est privilégié, le bon fonctionnement des dispositifs d’aide à domicile est primordial.
La Croix-Rouge française a, lors de son audition, formulé plusieurs recommandations en la matière.
La Présidente a ainsi alerté sur les conséquences de la réforme de l’aide à domicile, par laquelle les différents types de services existants – Saad, Ssiad et Spasad ([45]) – sont remplacés par une catégorie unique de services autonomie à domicile (SAD), devant proposer, le cas échéant en s’associant à d’autres structures, des services d’aide et des services de soins ([46]). La Croix-Rouge souligne en effet la complexité de cette réforme, car cette structure éprouve, sur certains territoires, des difficultés à trouver un service de soins avec lequel s’associer.
Elle recommande en outre de mieux cartographier, pour la bonne information des usagers, les dispositifs médico-sociaux disponibles et d’en renforcer les capacités d’accueil.
La Défenseure des droits recommande, en outre, de renforcer l’accès des usagers les plus précaires aux services de soins, notamment en formant des agents d’accueil maîtrisant le créole.
Aux Antilles, certaines spécificités doivent être prises en compte.
Ainsi, l’augmentation du nombre de « familles à distance », du fait des départs, entraîne la réduction du nombre de personnes disponibles pour aider aux tâches de la vie quotidienne dans le cadre des solidarités intergénérationnelles, dans des territoires où cette aide informelle occupe une place importante et où le maintien à domicile est la norme. Les personnes âgées, en effet, n’ont bien souvent pas les moyens d’aller en Ehpad, où elles ont peur d’être encore plus isolées. Auditionné, le docteur Pitat décrit un phénomène de « délaissement » des personnes âgées par le cercle familial.
L’enquête MFV2 révèle en effet le net recul de l’aide informelle reçue, quasi exclusivement de nature non financière. En Martinique par exemple, l’aide informelle reçue par les personnes âgées diminue : seuls 17 % des hommes et 20 % des femmes de 60 ans ou plus en reçoivent une de leurs proches, alors qu’ils étaient 25 %, quel que soit le sexe en 2010.
La Défenseure des droits souligne que, sans cet accompagnement, il devient de plus en plus difficile pour cette part de la population d’accéder aux services sociaux et de faire valoir ses droits ([47]). Ce constat est corroboré par les représentants du conseil départemental de Guadeloupe auditionnés, qui soulignent la particulière exposition de cette population à l’illectronisme, voire à l’illettrisme.
Lors de son audition par les rapporteurs, Mme Gaëlle Nerbard, directrice nationale outre-mer de la Croix-Rouge française, alertait également sur la croissance de la précarité économique et alimentaire de cette part de la population, également victime de l’insalubrité des logements.
De plus, dans des territoires marqués par un certain nombre de pathologies chroniques (diabète, obésité, hypertension, drépanocytose), le rôle de la prévention en matière médicale est primordial.
d. Les collectivités territoriales en première ligne
Détentrices de nombreuses compétences en matière sociale, les départements et les communes sont directement concernés par le phénomène de vieillissement, notamment dans un contexte de prévalence du maintien à domicile.
Ainsi, le conseil départemental de Guadeloupe indique avoir revalorisé le tarif horaire des prestations d’aide à domicile au-dessus du niveau national. Cette collectivité a aussi mis en place un dispositif d’avance trimestrielle des prestations.
Au-delà de ces dispositifs, c’est tout l’espace public qui est à réinventer, en adaptant la voirie, les trottoirs, etc. aux besoins des personnes âgées. Cela représente, notamment pour les communes, une charge importante, alors que la baisse de leurs populations les met à la merci d’une attrition de leurs ressources financières, dans des territoires où les coûts sont élevés.
Didier Laguerre, maire de Fort‑de‑France, décrit les politiques mises en place dans sa commune : adaptation des escaliers, sortie de poubelles, portage des courses et des repas, offre culturelle adaptée, création d’ateliers sportifs… Une direction consacrée au grand âge a d’ailleurs été créée au sein des services municipaux.
La mise en place de telles adaptations a un coût qui n’est actuellement qu’imparfaitement pris en charge selon les élus auditionnés. Les rapporteurs souhaitent donc que le nombre de personnes âgées dans la population puisse être pris en compte dans le calcul des dotations financières des communes.
Recommandation n° 9 : inclure dans le calcul de la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer (Dacom) un critère relatif à la part de personnes âgées de plus de 60 ans dans la population communale.
Aucune politique, toutefois, ne pourra être mise en place sans la création de nombreux postes dans le milieu médico‑social. Malheureusement, les métiers du grand âge sont en tension, marqués par le manque d’attractivité et les départs (cf. infra).
C. La Guyane et Mayotte : Des territoires connaissant une « explosion démographique »
La Guyane et Mayotte sont à l’opposé des Drom antillais : leurs populations augmentent rapidement.
Ces deux collectivités se distinguent également par les conséquences que peuvent avoir ces très fortes hausses de la population en termes d’aménagement du territoire, ce que révèle, notamment, la comparaison de leurs densités de population, très éloignées, également, de celles des autres Drom (cf. infra).
Densité de population en 2019
Habitants par km².
1. La Guyane, un territoire d’immigration en expansion démographique
Si la Guyane perd des habitants en termes de solde migratoire, sa natalité importante, liée notamment à l’immigration, entraîne la croissance rapide de sa population. À l’instar des départements antillais, la Guyane constate néanmoins l’émigration d’une certaine partie de sa jeunesse, qui se rend dans l’hexagone ou à l’étranger pour y poursuivre des études ou y trouver un emploi. Ces départs ne sont pas entièrement compensés par l’immigration en provenance des pays voisins (Brésil, Suriname, Haïti, Venezuela…), ce qui aboutit à un solde migratoire négatif. Ces immigrés ayant une natalité élevée, le solde naturel du territoire reste toutefois largement positif.
a. Une population en forte croissance, malgré un solde migratoire négatif
L’histoire démographique guyanaise est celle d’une population qui a décuplé en 70 ans, et doublé entre 1990 et 2010. En effet, si sa population se rapproche aujourd’hui de celles des autres Drom, elle était inférieure à 50 000 personnes dans les années cinquante.
Population de la Guyane
Cette évolution est sans commune mesure avec celle de l’hexagone au cours de la même période :
Comparaison de l’évolution des populations de la Guyane et de l’hexagone
Base 1 en 1954.
La population de la Guyane est de 288 382 habitants au 1er janvier 2022, soit une hausse de 0,9 % par an. La hausse moyenne de la population était de 1,1 % par an entre 2016 et 2022. La dynamique durable d’accroissement de la population guyanaise se poursuit donc. ([48])
Cette hausse est soutenue par un taux de fécondité particulièrement élevé comparée aux Antilles et à la France hexagonale, malgré un léger recul – 3,32 en 2023 contre 3,55 en 2022. Il reste néanmoins bien supérieur au seuil de renouvellement des générations. Si cette légère diminution s’accompagne d’une légère baisse du nombre de naissances, celles‑ci sont plus de six fois supérieures au nombre de décès, d’où un solde naturel largement excédentaire (+ 6 460).
Naissances et décès en Guyane
Cette progression démographique tend à masquer la réalité du solde migratoire de la Guyane.
Ce solde est désormais négatif depuis 2019 : en 2023 la Guyane a enregistré 3 970 départs de plus que d’arrivées. Alors que le territoire attire les jeunes des pays voisins, de jeunes Guyanais quittent la région pour poursuivre leurs études et travailler.
L’évolution de la population guyanaise s’explique donc par un solde naturel très élevé qui n’est qu’atténué par un solde migratoire négatif :
Composantes de l’évolution démographique
La « baisse » enregistrée en 2017 n’en est pas réellement une, mais résulte d’une modification de la méthode de recensement des orpailleurs clandestins (cf. supra).
La population guyanaise est par ailleurs particulièrement jeune : en 2023, 48 % de la population avait moins de 25 ans, contre 29 % dans l’hexagone.
Pyramides des âges de la Guyane en 2014 et 2024
Selon les projections de l’Insee, la population de la Guyane devrait continuer à augmenter, à l’inverse de celles des deux Drom antillais.
Projection de l’évolution des populations des Drom de l’Atlantique
La population est très inégalement répartie sur le territoire.
Population légale de la Guyane au 1er janvier 2021
Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom), Rapport annuel économique 2023
90,6 % de la population est installée sur le littoral, dans la « Guyane routière », ainsi dénommé par opposition à l’intérieur du territoire, et en particulier aux communes enclavées, accessibles uniquement par les airs ou les fleuves. La population réside également le long des grands fleuves frontaliers, le Maroni à l’ouest et l’Oyapock à l’est. Au sein de la Guyane routière, les communes de Cayenne, Matoury et Rémire‑Montjoly regroupent 43,8 % de la population du territoire. Le centre du territoire abrite 52,7 % de la population et l’Ouest 34 %. La commune frontalière de Saint‑Laurent‑du‑Maroni, frontalière du Suriname, comptait 50 537 habitants en 2021, ce qui la plaçait au second rang des communes de Guyane, après Cayenne.
b. Une croissance démographique étroitement liée à l’immigration
En 2020-2021, seulement 40 % des résidents de 18 à 79 ans sont natifs de Guyane, un chiffre en baisse par rapport à la décennie précédente. Les immigrants représentent donc une majorité. Ils sont principalement originaires d’Haïti, du Suriname et du Brésil.
Si le solde migratoire de la Guyane est négatif, cela ne signifie néanmoins pas que la forte croissance démographique guyanaise n’est pas liée à cette importante immigration. En effet, comme l’expliquent les représentants de la caisse d’allocations familiales de la Guyane, « la hausse de la population est liée aux naissances, pas à l’immigration ». Comme le déclarait aux rapporteurs le responsable de l’Insee de la Guyane : « Sans les flux migratoires, la démographie guyanaise ressemblerait à celle des Antilles. »
Comme les rapporteurs ont pu l’entendre, l’immigration contribue fortement au dynamisme du solde naturel.
L’enquête MFV2 révèle ainsi, parmi les natifs, une part croissante ayant des parents nés à l’étranger : 41 % en 2020, contre 24 % en 2010. Cette tendance est particulièrement marquée dans les générations les plus jeunes, où 62 % des natifs âgés de 18 à 24 ans ont une mère née à l'étranger.
Les raisons de l'installation en Guyane varient selon les origines. Les natifs d’Haïti et du Suriname migrent souvent pour échapper à l’insécurité ou à l'instabilité de leur pays d’origine. Chez les Brésiliens, les motifs incluent la recherche d’un emploi ou le regroupement familial.
Une majorité des immigrants nés à l’étranger déclarent avoir rencontré des obstacles majeurs après leur arrivée en Guyane. Les principales difficultés concernent le logement (37 %), les démarches administratives (35 %), et l’accès à un emploi déclaré. Jusqu’à 69 % des premiers emplois exercés par les personnes originaires du Suriname et d’Haïti ne sont pas déclarés. Environ 40 % des hommes et 35 % des femmes nés à l’étranger ne disposent pas de titre de séjour régulier, les proportions les plus élevées concernant les Haïtiens.
Une majorité des immigrés en provenance du Brésil, du Suriname et d’Haïti (70 %) se considèrent installés de manière définitive, contre seulement 30 % des natifs d'autres pays.
La caisse d’allocations familiales de Guyane
En Guyane, territoire caractérisé à la fois par une forte natalité, un grand nombre de familles nombreuses ([49]), une forte proportion de familles monoparentales ([50]) et une précarité significative ([51]), le rôle de la caisse d’allocation familiales (CAF) est particulièrement important, alors que la conduite de ses missions est rendue plus difficile que dans la plupart des autres départements français, de par l’étendue du territoire et l’enclavement de certaines communes. Néanmoins, la CAF est présente partout, au moyen de permanences, y compris dans les communes de l’intérieur, où deux jours de permanence nécessitent une semaine de déplacement. La présence est également assurée par le biais du dispositif France Services, à travers les agences, les bus et la « pirogue France services ».
Les allocataires représentent 58 000 foyers, soit 170 000 personnes, pour un taux de couverture de 61 %. Les taux de versement diffèrent néanmoins selon la nature des prestations versées.
Répartition des foyers allocataires de la CAF selon le type de prestations
41 % des allocataires bénéficient du revenu de solidarité active. Selon la CAF, la recentralisation du versement de cette aide en janvier 2019 est très positive : « les résultats sont là ».
Les personnes en situation irrégulières ne sont pas éligibles aux prestations familiales, ce qui concernerait un habitant sur cinq. Les droits des étrangers en situation régulière ne sont ouverts que s’ils sont autorisés à travailler.
Les actions de la CAF s’étendent au domaine de l’action sociale : crèches, soutien à la monoparentalité (espaces rencontre, aide à domicile), collation en l’absence de cantines scolaires. L’offre de loisirs et périscolaire reste à développer, notamment dans l’Ouest, pour accompagner le développement de la jeunesse et éviter la déshérence.
c. Saint-Laurent-du-Maroni, une commune à l’expansion démographique hors norme
L’inégalité territoriale démographique en Guyane concerne également les naissances, la maternité de Saint‑Laurent‑du‑Maroni étant, de loin, la première du territoire.
Nombre de naissances par commune en Guyane en 2023
Source : Insee, Naissances de 2014 à 2023, 17 décembre 2024.
Ville frontalière avec le Suriname, Saint‑Laurent‑du‑Maroni connaît une très forte immigration et un niveau d’insécurité plus qu’inquiétant, souvent lié au narcotrafic ou à la toxicomanie, face auquel les élus se mobilisent régulièrement.
Les rapporteurs ont rencontré Sophie Charles, maire de la commune.
« Un tiers de la cocaïne vendue dans l’hexagone passe par Saint‑Laurent‑du‑Maroni », déclare-t-elle. « L’année 2023 a connu une poussée d’agression avec armes ; des arrestations ont permis de réduire ce phénomène, mais le sentiment d’insécurité, lui, ne baisse pas. »
Saint‑Laurent‑du‑Maroni compte officiellement 50 000 habitants, mais Sophie Charles estime, notamment à partir du volume de déchets collectés, que ce nombre est en réalité proche de 80 000.
Un décompte de la population pendant la crise sanitaire
Sophie Charles explique que la commune a procédé, pendant la crise sanitaire, à la distribution de colis alimentaire, à raison d’un colis pour quatre personnes, sur la base de tout document permettant de compter les bénéficiaires et en en notant les noms : 16 000 colis ont été distribués, soit 64 000, bien au‑delà du chiffre des 50 000 habitants composant la population légale. Ces listes ont été transmises au représentant de l’État.
L’âge médian est de 17 ans et la construction de nouvelles écoles est donc un défi constant (cf. infra).
Depuis les années soixante-dix, la population a été multipliée par dix, notamment sous l’effet de la guerre civile au Suriname, entre 1986 et 1992. Si les jeunes enfants nés en France de parents surinamais peuvent hériter de cette nationalité par droit du sang, il leur fallait pour cela aller se déclarer à Paramaribo, démarche compliquée. Pour y remédier, un bureau d’état civil surinamien a été créé au sein même de l’hôpital.
Mais l’immigration n’est pas toujours légale : pour Sophie Charles, « dix personnes rentrent illégalement chaque jour » sur le territoire de la commune.
La précarité de la population de Saint‑Laurent‑du‑Maroni est grande : 40 % des habitants sont au chômage, mais 10 % sont des « jobeurs », effectuant de petits emplois non déclarés. La commune compte 16 000 foyers fiscaux, dont 85 % ne sont pas imposables. 4 000 logements sociaux manquent. En l’absence des formations nécessaires, le savoir‑faire manque pour construire de nouveaux logements, qui doivent être adaptés aux spécificités des familles, notamment le grand nombre d’enfants. L’habitat informel est donc très développé : la mairie tente d’urbaniser certaines de ces zones, en y installant poubelles et points d’eau.
2. Mayotte, un territoire démographiquement saturé
À Mayotte, la hausse démographique incontrôlée, étroitement liée à l’immigration, détermine une grande part des politiques publiques.
a. Une explosion démographique directement liée à l’immigration
L’histoire démographique de Mayotte est celle d’un territoire passé, en soixante‑dix ans, de 20 000 à 320 000 habitants. Cette évolution est sans comparaison avec les autres territoires français, voire européens ou mondiaux, la population mahoraise ayant décuplé depuis 1958, et doublé entre 1997 et 2017 ([52]) :
Population de Mayotte
Comparaison des populations de Mayotte et de la France hexagonale
Base 1 en 1954
Mayotte est, encore aujourd’hui, le département français à la progression démographique la plus rapide, puisqu’elle est, en moyenne, de 3,8 % par an entre 2012 et 2017. Cette dynamique est bien supérieure à celle de la Guyane, alors même que l’archipel de Mayotte ne fait que 376 km².
Au 1er janvier 2025, la population mahoraise est estimée à 329 282 habitants par l’Insee. Comme en Guyane, ce chiffre est néanmoins très fortement contesté par les élus du territoire, à tel point que l’Insee a également jugé nécessaire, pour ce territoire, de justifier ses méthodes dans une note de blog ([53]) (cf. supra). De façon plus générale, la départementalisation tardive de Mayotte et sa situation démographique « hors-norme » se traduisent encore par des données statistiques incomplètes.
Mayotte est le territoire français avec le plus fort taux de croissance démographique :
Évolution annuelle moyenne de population entre 2015 et 2021
Source : Insee, « L’essentiel sur… Mayotte », 24 Octobre 2024.
Cet accroissement est porté par un solde naturel largement positif (+ 9 320 en 2023 après un record de + 9 800 en 2022) et un solde migratoire redevenu excédentaire, de + 1 100 par an en moyenne, entre 2012 et 2017. Au sein de ce solde naturel, le nombre de naissances, très largement supérieur à celui des décès, est le principal moteur démographique de Mayotte.
Ainsi, le « record » de solde naturel de 2022 est le résultat d’une hausse de 2 % des naissances – 10 773 nouveau-nés – combinée à une réduction des décès de presque 20 %.
Ce très grand nombre de naissances s’explique notamment par un indicateur conjoncturel de fécondité élevé, égal, en 2023, à 4,5 enfants par femme.
Les chiffres de naissances publiés par l’Insee fin 2024, révèlent néanmoins une baisse du nombre de naissances en 2023, avec 10 280 enfants ([54]). Avec près de 500 naissances en moins, cette baisse, de – 4,55 %, n’est pas négligeable. Même si la prudence reste pour l’instant de mise, certaines sources indiquent que cette tendance se poursuivrait en 2024 ([55]). Ces chiffres restent néanmoins très supérieurs à ceux antérieurs à la crise sanitaire, ainsi qu’à ceux des années 2010 (7 100 naissances en moyenne entre 2007 et 2012).
Évolution des naissances, des décès et du solde naturel à Mayotte
entre 2014 et 2023
Nombre de naissances à Mayotte
Année |
Naissances |
Année |
Naissances |
2015 |
9 000 |
2020 |
9 180 |
2016 |
9 500 |
2021 |
10 610 |
2017 |
9 760 |
2022 |
10 770 |
2018 |
9 590 |
2023 |
10 280 |
2019 |
9 770 |
|
|
Évolution, en pourcentage et en valeur, du nombre de naissances à Mayotte
Ces naissances se font dans un contexte particulier : 75 % de ces nouveau-nés ont une mère de nationalité étrangère, mais 53 % naissent français. 4,2 % des enfants naissent d’une mère mineure.
La population mahoraise est également très jeune, et son taux de mortalité, en conséquence, est trois fois plus faible que dans l’hexagone. L’âge moyen des Mahorais est en effet de 23 ans, alors que la moyenne nationale s’élève à 41 ans. À Mayotte, près de 50 % de la population a moins de 20 ans.
Pyramide des âges à Mayotte (2012 et 2017) et en France hexagonale (2017)
²²
Après avoir été négatif pendant les dix années précédentes, le solde migratoire de Mayotte est devenu positif entre 2012 et 2017, avec 5 600 arrivées comptabilisées de plus que de départs. « La population de Mayotte augmente ainsi de 1 100 personnes par an en moyenne du fait des migrations. ([56]) » Une des difficultés statistiques tient au fait que beaucoup d’immigrants clandestins ne sont pas comptabilisés.
Ce solde résulte de flux entrant et sortant extrêmement importants, « très différents selon le lieu de naissance et l’âge des personnes ([57]) ». Les natifs de Mayotte quittent plus le territoire qu’ils n’y reviennent, d’où, concernant cette seule partie de la population, un solde migratoire très déficitaire et qui se creuse (– 25 900 personnes entre 2012 et 2017, contre – 14 900 entre 2007 et 2012). Cet exode concerne principalement les jeunes de 15 à 24 ans qui quittent l’archipel pour poursuivre leurs études. En 2017, plus de la moitié (55 %) des jeunes âgés de 21 à 29 ans nés à Mayotte avait ainsi quitté leur région de naissance pour cette raison.
La situation est totalement inversée pour les natifs de l’étranger : + 32 500 personnes entre 2012 et 2017, soit dix fois plus qu’entre 2007 et 2012. Il s’agit en majorité d’immigrants comoriens, dont une grande partie de femmes âgées de 15 à 34 ans, ainsi que leurs enfants.
Les dynamiques naturelles et migratoires ne peuvent toutefois pas être envisagées séparément, puisque près des trois quarts des enfants mahorais naissent de parents étrangers, majoritairement comoriens :
Naissances à Mayotte en 2023, selon la nationalité de la mère
Naissances à Mayotte en 2023, selon la nationalité des parents
Nationalité des parents |
2014 |
2023 |
|
Parents étrangers |
28,2 % |
46,9 % |
|
Au moins un des parents français |
Mère étrangère et père français |
34,5 % |
28 % |
Mère française et père étranger |
9,4 % |
7,3 % |
|
Parents français |
27,9 % |
17,8 % |
Source : Insee, statistiques de l’état civil.
Les chiffres publiés en 2017 dans le cadre de l’enquête MFV Mayotte révèlent l’ampleur de l’influence de l’immigration comorienne sur l’évolution de la démographie mahoraise, et l’accroissement de ce phénomène dans le temps.
Cette immigration, très majoritairement illégale, est liée aux différences de niveaux de vie entre Mayotte et les îles de l’Union des Comores. Les Comoriens tentent donc la traversée vers Mayotte dans des embarcations nommées « kwassas ». S’y ajoutent, désormais, les nombreux immigrants originaires de l’Afrique de l’Est qui arrivent à Mayotte via les Comores.
Le rôle de l’immigration dans l’accroissement de la population mahoraise passe par le solde migratoire (les arrivées de migrants) comme par le solde naturel (les naissances d’enfants de parents étrangers) :
Composition de la population de Mayotte selon l'âge et le lieu de naissance
Répartition des adultes natifs de Mayotte selon le lieu de naissance de leur mère
Le nombre très élevé d’enfants de parents étrangers est lié au fait que « les mères nées à l’étranger ont une fécondité deux fois plus élevée que les mères natives de Mayotte » (en 2017, respectivement, 6,0 enfants par femme contre 3,5). Ainsi, « sauf évolution forte des comportements de fécondité, l’accroissement à venir de la population mahoraise dépendra donc en grande partie de celle des migrations ». ([58])
Ce phénomène ne doit néanmoins pas masquer le nombre important de mineurs isolés, qui « seraient environ 12 000 » ([59]). Ce sont soit des enfants venus seuls à Mayotte, soit des enfants dont les parents ont été expulsés du territoire. S’il est indéniable que cette situation extrême complique fortement l’exercice, par le conseil départemental de Mayotte, de sa compétence d'aide sociale à l'enfance (ASE) en matière de mineurs non accompagnés, l’Unicef relève des « défaillances » dans cette prise en charge ([60]).
Le futur de cette dynamique démographique mahoraise est plus qu’inquiétant, puisque les projections de l’Insee prévoient une prolongation de la courbe qui pourrait amener le territoire à compter, selon le scénario d’évolution du solde migratoire, une population comprise entre 430 000 et 750 000 habitants :
Évolution future théorique de la population de Mayotte selon l’hypothèse d’évolution du solde migratoire
Si l’hypothèse la plus alarmiste venait à se réaliser, ce qui est le plus probable dans la mesure où elle correspond à la situation actuelle – celle d’un solde migratoire positif –, « la densité de population dépasserait 2 000 habitants au km² en 2050 », Mayotte devenant alors « le département de France le plus densément peuplé juste derrière Paris et les départements de la petite couronne, qui sont caractérisés par un important parc d’immeubles ». De plus, ainsi qu’il a été dit, le lien entre la nationalité de la mère et le taux de fécondité fait que le solde naturel lui-même dépend du solde migratoire. ([61])
b. Des conséquences sociales inquiétantes
La crise démographique et migratoire mahoraise est à la fois une crise humanitaire et une crise sécuritaire.
Petit archipel, Mayotte était, en 2017, avec 690 habitants par km², le territoire le plus densément peuplée du sud-ouest de l’océan Indien, devant Maurice (630 habitants par km²). 84 % de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté ([62]).
Dans ces conditions, la croissance extrême de la population mahoraise pose des défis importants pour les services publics et les infrastructures, souvent saturés, qu’il s’agisse de l’éducation nationale (cf. infra) ou des services hospitaliers. Le département, en effet, n’est doté que d’un seul centre hospitalier, soit, avec 139 lits pour 100 000 habitants, le plus faible ratio de France ([63]). Il connaît une situation de sous‑effectif chronique.
Le centre hospitalier de Mayotte (CHM) est installé sur quatre sites, qui comptent tous une activité de maternité.
Le CHM est désormais « la plus grande maternité de France ». Le taux d'occupation des lits y atteint 140 % et les salles de naissance sont souvent surchargées. D’après les témoignages des soignants, il arrive que des accouchements aient lieu dans des couloirs ou que plusieurs bébés soient regroupés dans un même berceau. « Toutes les chambres sont doublées, voir triplées. » ([64])
Un rapport du Sénat décrit ainsi l’état édifiant de l’activité obstétricale du centre hospitalier de Mayotte :
« Alors que la maternité principale fonctionne à flux tendus et montre une sur occupation des chambres qui nuit au confort des parturientes, à leur intimité et in fine aux soins, un processus de « délestage » est organisé vers les centres périphériques, comme il a été expliqué aux sénatrices et sénateurs de la mission. Ainsi, à « H+3 », c'est-à-dire trois heures seulement après l'accouchement, la mère et l'enfant sont transférées vers une maternité périphérique dans un autre secteur de l'île. Par ailleurs, alors que les maternités périphériques ne disposent souvent pas de gynécologues obstétriciens ni d'anesthésiste, aucune péridurale n'est possible. ([65]) »
Le territoire voit les crises se succéder : après la pénurie d’eau de fin 2023, il a connu, en 2024, une épidémie de choléra vraisemblablement liée, par « importation », à celle que connaissent les Comores.
La situation du logement est également critique, avec le développement de zones d’habitat informel et de bidonvilles. Le camp du stade de Cavani, dans lequel ont habité, dans des conditions précaires et insalubres, jusqu’à 700 migrants en provenance d’Afrique des Grands Lacs ou de Somalie, en est l’illustration. Il a été démantelé début 2024.
Face à cette situation les citoyens mahorais se sont réunis en collectifs, organisant manifestations et barrages pour attirer l'attention sur la pression démographique et ses conséquences sur la vie quotidienne. Outre la saturation des services publics, ils estiment que l’explosion de la démographie est à l’origine de la situation sécuritaire du territoire, devenue insupportable, entre caillassages, agressions et affrontements entre bandes rivales.
C’est dans cette situation déjà très difficile que Mayotte a eue à faire face au cyclone Chido, phénomène d’une violence exceptionnelle qui a ravagé l’archipel dans la nuit du 13 au 14 décembre 2024.
D. La Réunion : le plus peuplé des Drom, mais jusqu’à quand ?
1. Une population jeune et en augmentation
La Réunion est aujourd’hui le plus peuplé des Drom, puisque la population de ce territoire est estimée, au 1er janvier 2025, à 896 175 habitants.
La particularité de ce territoire est donc, alors que sa population était semblable à celles des Drom antillais après la seconde guerre mondiale, de s’en être détaché, en connaissant une hausse de sa démographie bien supérieure. Entre 1954 et 2004, la population réunionnaise a, en effet, plus que triplé.
Évolution de la population de La Réunion comparée à celles des populations de la Guadeloupe et de la Martinique
L’étude sur le temps long des évolutions du solde naturel réunionnais révèle que le nombre annuel des naissances, s’il n’est plus comparable aux records des années soixante, n’a pratiquement jamais été inférieur à 12 000 depuis le milieu des années cinquante.
Naissances, décès et variations du solde naturel de La Réunion
La population continue aujourd’hui encore d’augmenter, mais à un rythme moindre. Entre 2016 et 2022, cette hausse est de 0,5 % en moyenne par an, légèrement supérieure à celle de la population de la France hexagonale (+ 0,4 %) ([66]).
2. Une croissance démographique qui ralentit
Selon les prévisions, la hausse « normalisée » de la population réunionnaise devrait se poursuivre, avant de se transformer en baisse autour de 2050 :
Évolution prévisionnelle de la population de La Réunion
L’Insee souligne néanmoins, dans son dernier bilan démographique ([67]), un phénomène de ralentissement de l’accroissement de la population réunionnaise, due à la baisse de sensible du solde naturel, combiné à la stabilisation d’un solde migratoire déficitaire depuis dix ans.
Le premier facteur de l’amoindrissement du solde naturel réunionnais est la forte augmentation du nombre de décès entre 2019 et 2022 (+ 19 %). Cette hausse s’explique en partie par les conséquences de la crise sanitaire : en 2023, en effet, les décès ont diminué de 13,8 % par rapport à l’année antérieure. Ils ne retrouvent néanmoins pas leur niveau de 2019, cette hausse s’expliquant par « la croissance progressive du nombre de seniors », puisque, « au 1er janvier 2024, 21 % des habitants ont 60 ans ou plus, contre 14 % dix ans plus tôt » ([68]).
En parallèle, le nombre de naissance sur l’île diminue depuis 2008 : en 2023, 12 880 bébés sont nés à La Réunion, soit 330 de moins qu’en 2022 (– 2,5 %). La baisse des naissances est néanmoins l’une des plus faibles des régions françaises, et reste bien inférieure au taux hexagonal (– 6,9 %). Si l’indice conjoncturel de fécondité de la Réunion est bien supérieur à celui de la France hexagonale (1,64), 2023 le voit, pour la première fois, fortement diminuer, à 2,28 contre 2,37 en 2022.
De plus, cette attrition du solde naturel s’opère dans un contexte où le solde migratoire est déficitaire depuis le milieu des années 2010.
E. Wallis et Futuna : un cas original
La présence parmi les co-rapporteurs de Mikaele Seo, député de Wallis‑et‑Futuna, invite à étendre la présente étude au cas de ce territoire, que l’isolement et l’exiguïté rendent naturellement sensible aux dynamiques démographiques et migratoires.
Le statut particulier du Territoire des îles Wallis‑et‑Futuna est consacré aux termes de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 organisant la coexistence des institutions coutumières et républicaines. En outre, à la suite de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à la réforme de l’organisation décentralisée de la République, Wallis-et-Futuna relève du statut de collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution. Cependant, aucune loi organique définissant le statut de collectivité d’outre-mer spécifique n’a été adoptée depuis. Cela s’explique en partie par le fort attachement au texte de 1961 et au statut foncier corollaire.
a. Une déstructuration démographique…
En 2023, d’après le recensement effectué par l'Insee en partenariat avec le Service territorial de la statistique et des études économiques de ce territoire (STSEE), 11 620 personnes vivaient à Wallis‑et‑Futuna (8 088 à Wallis et 3 063 à Futuna).
La dynamique démographique du territoire est inquiétante, puisque « À Wallis-et-Futuna, la population a diminué d’un quart en vingt ans » ([69]). Cette décroissance démographique, qui s’atténue néanmoins sur les dix dernières années, est plus marquée à Futuna qu’à Wallis : sur la même période, l’évolution de la population est de – 16,4 % à Wallis contre – 34,4 % à Futuna.
Évolution de la population de 1969 à 2023 à Wallis‑et‑Futuna
De 1969 à 2023
Source : Insee – STSEE, recensements de la population de 1969 à 2023
Ce recul démographique résulte la conjonction de deux phénomènes : la forte diminution du solde naturel, qui, bien qu’il demeure positif ne permet plus de pallier le solde migratoire, durablement négatif.
Composantes de l’évolution démographique
Le solde naturel pâtit notamment de la forte diminution de l’indice conjoncturel de fertilité, passé à 1,7 enfant par femme contre 2,7 il y a vingt ans. Il est donc désormais inférieur au seuil de renouvellement des générations.
Les flux migratoires s’expliquent eux principalement par le départ d’une partie de la jeunesse, qui se rend dans l’hexagone ou en Nouvelle‑Calédonie dans l’objectif d’entreprendre des études supérieures. À la fin de leurs études, les « forces vives », pourtant désireuses de revenir sur le territoire, sont souvent confrontées aux difficultés du marché du travail local – exiguïté, faiblesse des infrastructures, absence de financements – qui les empêchent de revenir s’y établir.
De plus, la population vieillit. En 2023, un habitant sur cinq avait plus de 60 ans, cette classe d’âge ayant doublé depuis 2003. Sur la même période, la part des moins de 20 ans a diminué de 13,5 points et pour atteindre 30,6 % de la population en 2023. « L’âge médian est ainsi passé progressivement de 23 ans en 2003 à 38 ans en 2023. ([70]) » La pyramide des âges du territoire a donc totalement changé de physionomie.
Pyramide des âges
En nombre d’habitants
Insee – STSEE, recensements de la population 2003, 2018 et 2023
Par conséquent, l’organisation sociale de Wallis-et-Futuna est déstructurée par le vieillissement de la population et l’émigration. Dans son récent rapport consacré au territoire, la Cour des comptes souligne les conséquences néfastes de ces phénomènes démographiques sur la pérennité des systèmes locaux de retraites et des prestations familiales, financés par cotisations salariales ([71]).
b. Une situation sociale difficile
Sur le territoire des îles de Wallis et Futuna, 21 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le coefficient de Gini ([72]) de Wallis‑et‑Futuna était, en 2020, de 0,48 contre 0,293 pour l’hexagone. D’un point de vue monétaire Wallis‑et‑Futuna enregistre un niveau de pauvreté supérieur à celui de ses voisins du Pacifique et très largement supérieur à celui de l’hexagone. Tous les organismes officiels, nationaux et internationaux pointent la très grande pauvreté de très nombreuses familles sur le territoire.
Ainsi 710 familles n’ont aucun revenu, soit plus de 3 100 personnes.
Il est donc nécessaire de créer, comme cela existe en métropole un « filet » social pour répondre à cette grande pauvreté, que rien ne parvient plus à dissimuler. Le fossé entre les plus pauvres et ceux qui bénéficient de salaires ne cesse de croître. C'est l'équilibre social qui, de la sorte, est menacé. Ni la fierté personnelle, ni la solidarité coutumière ne peuvent plus masquer cette grande misère qui ne cesse de croître. Elle explique pour une part l'émigration et est la cause d'un délabrement de la santé publique avec les pathologies symptomatiques de cette pauvreté. Loin de l’hexagone, le territoire s'isole de plus en plus même si de récentes missions, notamment parlementaires, n'ont pas manqué de relever cette montée de la misère. Elle explique pourquoi certains regards se détournent de la France.
À Wallis‑et‑Futuna, les aides sociales relèvent du territoire et la problématique de l’aide apportée aux plus démunis nécessite un appui financier de l’État. Les diverses aides déployées dans l’hexagone n’existent pas, à l’exception du minimum vieillesse et de l’allocation handicapée, autour de 300 euros. Si une telle aide était créée, elle viendrait donc en appui au contrat social. L’État et le territoire ont contractualisé leurs rôles respectifs, sur la base d’un partage à 75/25 % du budget global. Ainsi, le territoire assume la prise en charge d’une prime à l’eau sur la base de 60 m3 par famille sous le seuil de pauvreté et de bons d'achat pour les cas les plus désespérés. En 2023, le bon de 100 euros sur l'année pour ces 710 familles, versés grâce au « Fonds Pacifique », a été un vrai soulagement.
Recommandation n° 10 : créer une aide sociale contre la grande pauvreté à Wallis‑et‑Futuna.
c. Natalité en baisse, départs en hausse
i. La diminution de la taille des ménages
L’indice conjoncturel de fertilité a fortement baissé, de même, en conséquence, que le nombre de naissances.
Dans le même temps, le nombre de couples sans enfants a augmenté, atteignant 16,9 % des ménages contre 4,2 % en 2003.
Les rapporteurs rapprochent ces chiffres des contraintes importantes dans la prise en charge des grossesses, notamment en ce qui concerne les Futuniennes. Le suivi médical les oblige en effet à venir passer les derniers mois de leur grossesse à Wallis, dans des conditions d’hébergement difficiles. Ils appellent ainsi de leurs vœux la construction d’une véritable maternité à Futuna.
Recommandation n° 11 : construire une maternité à Futuna.
ii. La « fuite des forces vives »
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’évolution démographique de Wallis‑et‑Futuna a été marquée par une émigration importante des jeunes. À l’origine, ces départs étaient motivés par le besoin de main‑d’œuvre dans les exploitations de nickel et avaient pour destination principale la Nouvelle‑Calédonie. Ce parcours de migration s’est démocratisé et les jeunes ont commencé à partir en Nouvelle‑Calédonie pour de nouvelles opportunités : la poursuite d’études, la recherche d’emploi, etc. En 2019, la communauté des Wallisiens et Futuniens en Nouvelle‑Calédonie était estimée à 22 520 personnes, soit 8,3 % de la population totale de Nouvelle‑Calédonie ([73]).
Il convient toutefois de souligner qu’une certaine part des forces vives choisit désormais de quitter Wallis‑et‑Futuna pour la France hexagonale. Jean‑Christophe Gay, professeur des universités en géographie, relève ainsi l’existence de différents noyaux de populations wallisiennes et futuniennes dans l’hexagone : Le Mans, Angers, Rennes, Paris ainsi que Toulon ou encore Brest. Les principaux motifs de ces mobilités évoqués sont la poursuite d’une carrière militaire, d’études, d’une carrière sportive (notamment dans le rugby) ou encore le souhait de rejoindre une famille déjà installée. Plus encore, M. Gay rappelle d’autres avantages propres au quotidien hexagonal pour les forces vives : l’accès à certains dispositifs d’aides sociales inexistants dans leur territoire d’origine, le fort développement des transports en commun ainsi que des programmes d’aide alimentaire etc. Autant d’aides qui permettent aux jeunes d’accéder à une meilleure situation matérielle et de gagner en indépendance vis-à-vis de leur famille.
Toutefois, les départs se réduisent depuis 2003. 20 % des 340 natifs ayant effectué des études supérieures – hors du territoire – recensés en 2018 étaient revenus après 2013. ([74])
Il n’en reste pas moins que les Wallisiens qui se rendent dans l’hexagone pour y étudier sont confrontés à de nombreuses difficultés. Un accompagnement individuel s’impose donc.
Recommandation n° 12 : mettre en place un suivi individuel des étudiants wallisiens pendant les trois premières années d’études supérieures.
Afin d’inciter les forces vives à rester sur le territoire, il est essentiel d’encourager la création d’emplois sur place.
C’est l’objectif de la prime à la création d’emploi en faveur des jeunes de 16 à 25 ans, instaurée en 2004 ([75]). Dans le cadre de ce dispositif, l’employeur bénéficie d’une prime d’un montant égal à 20 % du salaire minimum interprofessionnel garanti pendant deux années puis d’un montant égal à 10 % durant la troisième et dernière année. En 2023, cette prime favorisait le recrutement de 20 jeunes contre 23 en 2022. L’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) souligne toutefois le besoin d’une revalorisation de cette prime, dans la mesure où le montant de l’aide est aujourd’hui inférieur au montant des charges ([76]).
Recommandation n° 13 : revaloriser le montant de la prime à la création d’emploi à Wallis et Futuna.
Il convient toutefois d’accompagner le versement de cette prime par un véritable mécanisme d’insertion dans l’emploi, afin que le bénéfice de cette aide débouche sur une situation stable.
Cette aide ne saurait toutefois résoudre l’ensemble des situations, notamment celles des jeunes durablement éloignés de l’emploi. Les rapporteurs ayant fait le constat de l’efficacité du Service militaire adapté (SMA) à prendre en charge ces jeunes, ils préconisent la création d’un régiment (RSMA) à Wallis‑et‑Futuna, ou, a minima, l’installation permanente d’une antenne du RSMA de Nouvelle‑Calédonie.
Recommandation n° 14 : créer un RSMA à Wallis‑et‑Futuna, ou, a minima, une antenne permanente du RSMA de Nouvelle‑Calédonie.
F. Polynésie française : vers la fin de l’accroissement démographique
1. Une population en augmentation légère
Selon le recensement de 2022, la population de la Polynésie française est de 278 786 habitants, soit une hausse de 1 % depuis le précédent recensement, réalisé en 2017. Le territoire a donc gagné en moyenne 570 habitants par an. Sur la même période, la part des natifs au sein de la population a connu une hausse similaire, passant de 87 % à 88 %. ([77])
Évolution de la population de la Polynésie française depuis 1951
Ces résultats s’inscrivent dans la tendance des vingt dernières années, où l’on observe un ralentissement continu de la croissance démographique. Les recensements réalisés, à cinq ans d’intervalle, par l’Institut de statistique de Polynésie française (ISPF) mettent clairement en lumière cette dynamique : la croissance démographique était de 6 % entre 2002 et 2007, de 3,3 % entre 2007 et 2012, puis de 2,9 % entre 2012 et 2017.
2. Un solde naturel en baisse mais toujours positif
Si la population de la Polynésie demeure ainsi en hausse entre 2017 et 2022, c’est essentiellement en raison d’un solde naturel positif. En effet, en dépit d’un déficit migratoire de – 600 personnes par an sur cette période, le solde naturel annuel de + 1 900 a permis de préserver un solde démographique annuel positif.
Composantes de l’évolution démographique
Historiquement, l’accroissement démographique de la Polynésie est porté par une forte natalité et une fécondité élevée (4,2 enfants par femme en 1977). Néanmoins, et bien qu’il demeure le principal moteur de l’évolution démographique polynésienne, cet indice conjoncturel de fécondité a fortement baissé depuis, atteignant 1,8 enfant par femme en 2017.
Parallèlement, le taux de natalité diminue. Après une chute entre 1992 et 2017, où ce taux est passé de 26,0 naissances pour 1 000 habitants à 13,9, il continue de diminuer légèrement en 2022, à 12,9 naissances pour 1 000 habitants.
3. Un solde migratoire négatif en raison d’un flux de départs continu
En parallèle, les trois derniers recensements réalisés par l’ISPF révèlent que le solde migratoire polynésien est déficitaire : depuis 2007, le nombre de départs est continuellement supérieur à celui des arrivées.
Entre 2007 et 2012, la moyenne annuelle était de 1 500 départs de plus que le nombre d’arrivées (soit un solde migratoire de – 1 500). Cinq ans plus tard, ce solde migratoire était de – 1 100, pour ensuite remonter à – 1 300 pour la période 2017-2022.
Ces départs concernent particulièrement les jeunes âgés de 18 à 25 ans. En cinq ans, 20 % d’entre eux ont quitté le territoire.
4. Une immigration surtout hexagonale : fonctionnaires et natifs de retour
Entre 2017 et 2022, 14 000 arrivées ont été comptabilisées en Polynésie. Cette immigration se fait à 80 % depuis la France hexagonale. 30 % des arrivants occupent un poste dans la fonction publique (enseignement, forces de sécurité ou de défense).
Ces arrivées sont aussi marquées par une augmentation considérable du nombre de « natifs de retour ». En effet, celui-ci a augmenté de 33 % depuis le dernier recensement. Parmi les 2 100 natifs polynésiens de retour, un tiers est diplômé de l’enseignement supérieur. Depuis 2002, le nombre de natifs de retour augmente continuellement (1 478 entre 2002 et 2007, puis 1 583 entre 2007 et 2012).
5. De grandes disparités au sein du territoire
La Polynésie, qui s’étend sur une surface grande comme l’Europe, est constituée de plusieurs archipels, regroupant des îles parfois difficilement accessibles. Ainsi, trois quarts de la population polynésienne résident dans les Îles du Vent, et notamment sur la principale île, Tahiti. Au contraire, l’archipel des Îles Australes, qui ne compte que 6 600 habitants, a vu sa population diminuer de 5,4 % entre 2017 et 2022.
G. En Nouvelle‑Calédonie, le repli démographique se confirme
1. Une population en décroissance
Au 1er janvier 2023, la Nouvelle‑Calédonie comptait 268 500 habitants, soit une baisse de 0,5 % par rapport à l’année précédente. Cette diminution résulte de la baisse continue du solde naturel et de la hausse du déficit migratoire. Par rapport à 2022, le nombre de naissances a diminué de 3,2 % (3 800 naissances), tandis que les décès ont reculé de 4,1 % (1 900 décès), ce qui a porté le solde naturel annuel à + 1 905 personnes, un niveau historiquement bas ([78]).
Évolution de la population de la Nouvelle‑Calédonie depuis 1956
Cette situation reflète une tendance amorcée depuis 2016, où le solde naturel n’a cessé de ralentir, tombant sous la barre symbolique de 2 000 personnes par an. En parallèle, le déficit migratoire a atteint 3 200 personnes en 2022, accentuant la décroissance démographique observée ces dernières années.
2. Un solde naturel en déclin mais toujours positif
Si la population de la Nouvelle‑Calédonie diminue, le solde naturel reste excédentaire, grâce à un taux de natalité de 14,1 naissances pour 1 000 habitants, contre un taux de mortalité de 7,1 pour 1 000. Toutefois, ce solde naturel continue de s’éroder, en raison d’une natalité décroissante et d’un vieillissement démographique accru.
L’indice conjoncturel de fécondité a fortement baissé : avec 2,02 enfants par femme en 2022, il est désormais inférieur au seuil de renouvellement des générations, même s’il reste supérieur à celui de l’hexagone. Le report des naissances vers des âges plus tardifs est une tendance marquante : en 2022, l’âge moyen des femmes accouchant pour la première fois a dépassé 30 ans. La légère augmentation des naissances chez les femmes âgées de 35 ans et plus ne compense pas la diminution des naissances chez les plus jeunes.
3. Un déficit migratoire croissant
Depuis 2015, les soldes migratoires de la Nouvelle‑Calédonie sont systématiquement négatifs. En 2022, ce déficit a atteint un record de - 3 200 personnes.
Composantes de l’évolution démographique
Le solde migratoire est donc devenu brutalement négatif, un phénomène que l’Isee attribuait, en 2020, « [au] faible dynamisme économique observé depuis la chute des prix du nickel en 2015 et la fin des phases de construction d’usines de transformation du nickel, [aux] appréhensions suscitées par l’incertitude institutionnelle durant la période des trois référendums d’autodétermination et [à] la mise en place concrète de la loi sur la protection de l’emploi local attirant moins de main‑d’œuvre extérieure ». Sur cette période, poursuit l’institut, « les trois quarts des départs concernent des personnes qui ne sont pas nées en Nouvelle‑Calédonie ([79]) ». Constatant, en 2023, que le solde migratoire demeure négatif, l’Isee précise que cette donnée « est corroborée par la différence entre le nombre de passagers débarquant et embarquant à l’aéroport de Tontouta » ([80]).
Les départs concernent principalement les jeunes adultes en âge de travailler ou d’étudier. Entre 20 et 29 ans, une grande partie des jeunes quittent le territoire, un phénomène visible dans la pyramide des âges où cette tranche montre un creux significatif. Ce flux migratoire est alimenté par une émigration nette vers la France hexagonale ou d’autres régions du Pacifique.
La pyramide des âges de la Nouvelle‑Calédonie montre également un élargissement de son sommet, en raison du vieillissement des « baby-boomers ([81]) ». La part des moins de 15 ans est passée de 23 % en 2015 à 21 % en 2022, tandis que celle des 65 ans et plus a augmenté, atteignant 11 % de la population.
Cette transformation démographique pèse sur les équilibres intergénérationnels, le financement des retraites et la prise en charge des personnes âgées. Le ratio de dépendance reste toutefois stable, avec environ 47 inactifs pour 100 actifs, grâce à la relative stabilité de la population en âge de travailler (15‑64 ans).
La démographie, au cœur de la question identitaire calédonienne ([82])
Depuis 1863, la Nouvelle‑Calédonie est un territoire soumis à des politiques de peuplement plurielles. Au XIXe siècle, la Nouvelle‑Calédonie voit d’abord s’implanter un bagne sur le modèle guyanais, puis des établissements de travaux forcés. Sous l’effet de l’essor de l’industrie du nickel, l’augmentation du nombre d’exploitations minières fait naître des besoins en main-d’œuvre, entraînant une importante immigration d’Indochine, de Wallis-et-Futuna et de la Polynésie française.
En 1972, dix ans après l’indépendance de l’Algérie, la circulaire du Premier ministre Pierre Messmer atteste de la conception de la Nouvelle‑Calédonie comme territoire de peuplement pour des raisons politiques, en affirmant que « la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire ». L’immigration d’origine européenne est alors encouragée, et la part des Kanak dans la population néo-calédonienne passe de 51 % en 1956 à 42 % en 1976. Par ailleurs, le poids démographique de l’agglomération de Nouméa se renforce.
Aujourd’hui, quoique les chiffres de l’Isee mettent en lumière un déclin démographique dû à un solde migratoire déficitaire depuis une décennie, certains élus calédoniens affirment l’existence d’une « immigration massive » affectant leur territoire, qui contribuerait à diminuer la part des Kanak dans la population calédonienne. Ainsi, pour un responsable de l’Union calédonienne, parti politique indépendantiste : « Ces chiffres, c’est des conneries. On le verra lors du prochain recensement. »
Néanmoins, depuis le mois de mai 2024 et les troubles graves consécutifs à l’examen par le Parlement du projet de dégel du corps électoral, c’est l’ensemble de la Nouvelle‑Calédonie, toutes composantes confondues, qui est affectée par une accélération de l’émigration.
H. Les « saints » : de petites populations particulièrement sensibles aux évolutions démographiques
1. Saint-Martin
Évolution de la population de Saint‑Martin
a. Une forte croissance démographique historique
Saint‑Martin est le territoire ayant connu, bien avant la Guyane et Mayotte, l’expansion démographique la plus fulgurante de l’outre‑mer français, passant, en huit ans, de 8 072 habitants (1982) à 28 518 habitants (1990), enregistrant une hausse de 253 %.
Ce « tsunami démographique », selon les mots du député de Saint‑Barthélemy et Saint‑Martin Frantz Gumbs, est la conséquence des avantages fiscaux accordés au territoire par la loi « Pons » du 11 juillet 1986 ([83]) : l’essor du tourisme qu’elle a engendré a nécessité une main‑d’œuvre conséquente, d’origines très diverses :
Origine des immigrés à Saint‑Martin en 1999
Marie Redon, « Migrations et frontière : le cas de Saint-Martin », in. Études caribéennes, n° 8, 2007.
Cette diversité des migrations se retrouve aujourd’hui, au fil d’un simple tour de table, dans la diversité des langues parlées par les élèves de l’option « Sciences Po » du lycée Robert-Weinum. Pour ces adolescents, tous polyglottes, la diversité est un atout au service de la poursuite de leurs études.
b. Un nouvel institut statistique qui mesure une baisse de la population due aux départs
À Saint‑Martin, la création récente de l’institut territorial de la statistique et des études économiques (ITSEE) permet d’avoir une meilleure connaissance de la démographie du territoire, puisque l’Insee n’y intervient pas. Le 7 février 2024, cet institut a présenté les résultats de la première étude approfondie sur les chiffres du recensement de la population saint-martinoise ([84]).
Au 1er janvier 2021, la population de Saint‑Martin était estimée à 31 477 habitants. Elle a diminué de 1 % sur un an, de 12 % sur six ans, et de 15 % sur onze ans. Le nombre de naissances est en diminution, celui des décès en augmentation ; le solde naturel, s’il diminue (– 43 % entre 2014 et 2021) est néanmoins largement positif.
Naissances et décès à Saint‑Martin
Source : ITSEE
Néanmoins, le solde migratoire est, lui, négatif et largement inférieur au solde naturel.
Entrées, sorties, et solde migratoire à Saint‑Martin
La population de Saint-Martin est donc en baisse, du fait des départs.
Les effets démographiques durables de l’ouragan Irma
Les chiffres de l’étude réalisée par l’ITSEE révèlent l’ampleur des conséquences démographiques de l’ouragan Irma, qui s’est abattu sur Saint‑Martin en septembre 2017. Les naissances enregistrées cette année-là, sont inférieures de 28 % à celles de 2016, entraînant une forte chute du solde naturel, qui n’est ensuite jamais revenu à son niveau de 2016. De même, les départs de l’île ont fortement augmenté entre 2017 et 2018, dégradant durablement le solde migratoire du territoire (- 1 781 entre 2017 et 2018, contre ‑ 768 l’année précédente). Ces départs seraient majoritairement le fait de fonctionnaires, peu enracinés localement, et laissant derrière eux une administration qui ne se relève qu’avec peine.
Ainsi, si la population saint-martinoise était en lente diminution quasi-constante depuis 2010, et en légère hausse en 2015 et 2016, Irma a transformé cette évolution, dans les années qui ont suivi, en très forte diminution :
Ce phénomène se reflète également dans l’évolution du nombre d’élèves à Saint‑Martin :
Source : services de l'éducation nationale des îles du Nord (Senidn).
Ainsi, pour Frantz Gumbs, cet épisode témoigne de l’importance d’avoir une administration composée, autant que possible, mais sans dogmatisme, d’agents issus du territoire et attachés à lui.
La population diminuant le plus étant celle des personnes âgées de 0 à 24 ans (– 19 %), il est à supposer que ces départs relèvent du phénomène de « fuite des forces vives ». L’île, en effet, ne compte – à ce jour (cf. infra) – pas d’offre universitaire, et une offre d’enseignement supérieur réduite (deux BTS). La poursuite d’études supérieures universitaires implique donc un départ de l’île, par exemple pour les étudiants de la spécialité « Sciences Po » du lycée Robert-Weinum, que les rapporteurs ont pu rencontrer.
2. Saint-Barthélemy : une croissance démographique constante, à rebours des autres Drom antillais
Évolution de la population de Saint‑Barthélemy
En 2021, Saint-Barthélemy comptait 10 464 habitants. Même si la population de l’île a connu une augmentation de 1,4 % par an en moyenne entre 2015 et 2021, ce rythme est nettement inférieur à celui constaté au cours des années quatre-vingt-dix (en moyenne 6,4 % par an). Saint‑Barthélemy a toutefois pour particularité, au sein des outre‑mer antillais, de n’avoir jamais vu sa population diminuer, malgré une inflexion notable de sa croissance en 2021, au sortir de la crise sanitaire.
Avec un taux de natalité qui s’établit à 9,2 ‰ et un taux de mortalité de 4,3 ‰ le solde naturel demeure positif, ce qui est d’autant plus remarquable qu’il n’y a pas de maternité sur l’île ([85]).
Accroissement naturel de la population
Source : collectivité de Saint-Barthélemy.
Toutefois, le principal moteur de la croissance démographique reste l’immigration : entre 2015 et 2021, le solde migratoire excédentaire y a contribué pour 80 %.
L’île de Saint-Barthélemy connaît un léger vieillissement. Les personnes âgées de 60 à 74 ans représentaient 9,4 % de la population en 2012 (contre 9,1 % en 1999), tandis que la population des 75 ans et plus représentait 3,9 % (contre 3,7 % en 1999). Malgré ces chiffres, les habitants de Saint Barthélemy restent en moyenne plus jeunes que la moyenne nationale. Pourtant, le système scolaire s’arrête au secondaire, et les jeunes qui souhaitent poursuivre leurs études doivent donc quitter la collectivité.
3. Saint-Pierre et Miquelon : le moins peuplé des outre‑mer perd de nombreux habitants
Évolution de la population de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon
En 2021, l’archipel comptait 5 837 habitants. Entre 1945 et 1999, la population a crû de 0,7 % par an en moyenne, puis a amorcé une lente diminution d’en moyenne - 0,3 % par an.
D’une part, le long déclin de la démographique est porté par un solde naturel négatif depuis 2016. Sur l’année 2023, la collectivité enregistrait 66 décès pour 24 naissances. D’autre part, le solde migratoire déficitaire contribue aussi au recul démographique.
La pyramide des âges permet de mettre en évidence un déficit pour la tranche d’âge 15-29 ans qui représentait 12,9 % de la population en 2020 contre 19,7 % en 1999. Ce déficit s’explique par la nécessité de quitter l’archipel pour suivre des études supérieures et par les difficultés rencontrées au retour, notamment en termes de débouchés professionnels.
Ainsi le vieillissement de la population se poursuit : les personnes de 60 ans et plus représentent maintenant un habitant sur quatre, contre 15,6 % il y a vingt ans.
III. Les conséquences socioculturelles des fortes variations des populations ultramarines
A. La démographie, enjeu du maintien des cultures ultramarines
Dans des territoires aux traditions uniques, la baisse de la population signifie la crainte de la disparition d’un patrimoine immatériel constitutif de l’identité des habitants. C’est le cas, par exemple en matière linguistique, comme le révèle l’enquête MFV2 (cf. supra).
Ainsi, si 91 % des Guadeloupéens reconnaissaient l’importance du créole dans l’identité territoriale, il n’est plus la langue usuelle que de 17 % d’entre eux. S’il demeure la langue principale d’un quart des plus de 64 ans, sa pratique s’estompe au fil des générations, pour se réduire à 6 % des personnes âgées de 18 à 24 ans.
Si la pratique du créole martiniquais est encore courante, elle est plus faible qu'en Guadeloupe et s’estompe plus rapidement au fil des générations. Ainsi, le créole n’est la langue usuelle que de 9 % des natifs, quoique 81 % d’entre eux déclarent l’utiliser régulièrement. Signe de la régression, seuls 3 % des personnes âgées de 18 à 24 ans l’utilisent comme langue principale.
B. Les conséquences de la démographie sur l’offre de services publics : l’exemple de l’école
1. Quand la population diminue
En Martinique et en Guadeloupe, des suppressions de classes et de postes d’enseignants sont régulièrement annoncées par les rectorats.
S’exprimant au Sénat en avril 2024, la sénatrice de Guadeloupe Solanges Nadille faisait part de son incompréhension quant à la fermeture de classes aux Antilles ([86]). Elle rappelait le projet, annoncé par l’académie de Guadeloupe fin 2023, de supprimer 107 postes d’enseignants à la rentrée 2024 : 52 postes dans le premier degré et 55 dans le second degré.
La sénatrice rappelait la précarité d’une grande partie de la communauté scolaire de Guadeloupe et la faiblesse des résultats du territoire aux évaluations nationales : « Sans surprise, malheureusement, les six dernières places du classement national sont occupées par les académies ultramarines. Je dis “sans surprise”, car les territoires ultramarins sont ceux qui concentrent le plus de difficultés. »
Elle pointait du doigt le manque de remplaçants, mais aussi les postes non pourvus en médecine scolaire, dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) et dans les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis). Prenant la parole en réponse, Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles, répondit en justifiant ces suppressions par la démographie scolaire.
Les rapporteurs considèrent toutefois que la diminution du nombre d’élèves dans ces territoires ne doit pas entraîner mécaniquement de telles « mesures de carte scolaire » sans prendre en compte les réalités du territoire, au risque d’aggraver la situation. Ils estiment en effet que l’existence d’un service public de l’éducation performant est une nécessité pour les jeunes parents, et que l’effet peut donc être inverse, la fermeture de classes contribuant au recul du solde naturel (« je ne fais pas d’enfant car il n’y a pas assez d’écoles ») ou du solde migratoire (« je quitte le territoire car il n’y a pas assez d’écoles pour y scolariser mon enfant »). Ainsi, tant que les soldes naturels ou migratoires des Drom antillais seront négatifs, les rapporteurs estiment qu’il faudra cesser d’y fermer des classes ([87]).
Recommandation n° 15 : mettre en place un moratoire sur les fermetures de classes dans les Drom antillais tant que les soldes naturels ou migratoires y sont négatifs.
2. Quand la population augmente : manque de bâti scolaire et déscolarisation
Territoires en très forte expansion démographique, la Guyane et Mayotte sont également « les deux départements les plus jeunes de France » (cf. supra) ([88]). L’adaptation du service public de l’éducation à cette situation est donc un défi permanent.
À Mayotte, où 10 278 enfants sont nés en 2023 ([89]) – soit plus de 28 par jour en moyenne –, le nombre d’élèves augmente en moyenne de 12,4 % par an ([90]), soit la plus forte valeur en France pour cet indicateur ([91]).
S’y ajoutent les enfants comoriens envoyés, seuls, par leurs parents à Mayotte, et que les communes, comme pour tout enfant présent sur leur territoire, doivent scolariser.
Sur une île dont la population s’accroît ainsi d’une classe d’école par jour, le bâti scolaire est naturellement un enjeu majeur, puisqu’il faut sans cesse construire de nouvelles écoles. Cette charge pèse sur les collectivités territoriales – communes, départements, régions – ce qui illustre à nouveau l’importance, dans les territoires en très forte expansion démographique, d’une actualisation la plus régulière et précise possible des dotations financières, et donc du recensement.
Par manque de place, les classes sont souvent dédoublées : les élèves ont cours soit le matin, soit l’après‑midi, ce qui nuit à leur réussite éducative et les laisse sans activité une grande partie de la journée ([92]).
En Guyane, si le nombre d’élèves est, d’après le rectorat, stable, cette stabilité ne concerne pas toutes les communes, notamment Saint‑Laurent‑du‑Maroni (cf. supra). Selon la caisse d’allocations familiales, le taux d’occupation de certains établissements atteint 140, voire 150 %.
À Saint‑Laurent‑du‑Maroni, la maire, Sophie Charles, explique construire « deux écoles en Algeco pour une en dur ». La ville compte « 31 écoles publiques, 3 et bientôt 4 lycées, 6 collèges ». « Le tiers du budget de la commune est consacré aux écoles », conclut‑elle.
À la question des infrastructures s’ajoute celle des difficultés de recrutement de personnels enseignants, a fortiori sensibilisés aux spécificités de ces territoires, réputés peu attractifs (plurilinguisme, enclavement, etc.).
En l’absence des moyens, pour ces collectivités, de développer le bâti scolaire au rythme de l’accroissement de la population, c’est le droit à l’éducation des jeunes qui est menacé, avec tous les risques sociaux qu’entraîne un tel phénomène de déscolarisation ([93]).
De plus, dans ces deux territoires où l’insécurité est forte, la protection des établissements est, selon le recteur de Guyane, « une question permanente », à l’origine de coûts importants de sécurisation et de gardiennage des établissements.
— 1 —
Le maintien des « Forces vives »
Introduction
En 2017, « un tiers des natifs des Antilles, de Guyane et de Mayotte âgés de 15 à 64 ans vivent dans une autre région française », le plus souvent dans l’hexagone ([94]). Un tiers des ultramarins ne vivent donc plus dans leur collectivité d’origine et rentrent peu dans ces territoires. En conséquence, les soldes migratoires des outre-mer sont fortement déficitaires :
Évolution du solde migratoire aux Antilles et en Guyane
|
2021 |
2022 |
2023 |
Martinique |
- 3 971 |
- 3 844 |
- 3 040 |
Guadeloupe |
- 3 130 |
- 2 843 |
- 2 100 |
Guyane |
- 1 463 |
- 1 463 |
- 3 970 |
Ce taux ne serait pas exceptionnel, entend-on parfois : il est « comparable à celle des régions métropolitaines les plus proches de la région parisienne » ([95]). Une telle comparaison, toutefois, n’est pas recevable : la Normandie n’est pas la Guadeloupe, la gare Saint‑Lazare n’est pas l’aéroport d’Orly, quelques heures de train ne sont pas un vol transatlantique.
*
* *
La présente mission d’information a été initialement consacrée à la « fuite des forces vives », parfois également appelée « fuite des cerveaux ». Ces deux expressions, toutefois, ne sauraient être satisfaisantes. Pour Rodolphe Alexandre, ancien président de la collectivité territoriale de Guyane (CTG), chargé d’une mission sur les perspectives professionnelles des jeunesses ultramarines, elles relèvent d’un « élitisme » qui installe, au sein de la population, des distinctions qui n’ont pas lieu d’être. Tout habitant d’un territoire a quelque chose à lui apporter.
La présente partie s’efforcera donc de bannir ces deux termes.
I. Le phénomène des départs concerne tous les outre‑mer depuis longtemps
A. Le départ autrefois organisé et parfois imposé par l’État
1. La mémoire, toujours présente, du Bumidom
Créé en 1963 à l’initiative de Michel Debré, alors député de la Réunion après avoir été premier ministre du général De Gaulle, le bureau pour le développement des migrations intéressant les départements d’outre-mer (Bumidom) était un organisme d’État visant à organiser la migration vers l’hexagone d’habitants des départements d’outre-mer (DOM) et à « désamorcer, en parallèle, les crises que connaissaient les territoires ultramarins français » ([96]).
a. « Faire venir des Domiens en métropole »
« Faire venir des Domiens en métropole » au nom de la « solidarité nationale » devait ainsi permette de résoudre, pour les décideurs politiques de l’époque, les problèmes politiques, sociaux et démographiques des départements ultramarins. Les Antilles, en particulier, étaient en effet alors le théâtre de mobilisations sociales et de revendications autonomistes ou indépendantistes, nourries par le retard encore important, par rapport à la « métropole » en matière d’éducation, d’emploi et de niveau de vie. Promettant un avenir meilleur aux ultramarins victimes de la précarité, ce projet devait ainsi garantir le maintien des DOM au sein de la République.
Le Bumidom proposait donc, aux « Domiens » qu’il sélectionnait, de se rendre en métropole pour y travailler et s’y installer durablement, en leur offrant un encadrement et un accompagnement spécifiques, en les formant, puis en les « plaçant » dans un emploi.
Les « forces vives », c’est-à-dire, « les jeunes travailleurs se présentant sur le marché de l’emploi » étaient privilégiées, pour « couper les mouvements indépendantistes dans leurs bases supposées » en éloignant les éléments les plus actifs et virulents et pour alléger les départements ultramarins, supposément surpeuplés.
La politique menée par le Bumidom relevait donc clairement d’une volonté d’agir sur la démographie des DOM en en diminuant la croissance.
Dans la France des « trente glorieuses », les ultramarins étaient l’un des viviers d’une main‑d’œuvre nécessaire, par exemple dans l’industrie. Par rapport aux autres travailleurs, majoritairement originaires d’autres pays, les ultramarins présentaient la spécificité d’être français, mais de ne souvent pas être perçus comme tels, et d’être donc victimes de racisme : « Parce que ces populations sont en majorité noires ou métisses, elles font face à des comportements et attitudes racistes, qui leur attribuent une position inférieure ou des attributs supposés communs à l’ensemble des personnes noires » ([97]).
b. Une politique d’émigration de grande ampleur
Avant la première moitié du XXe siècle, l’émigration ultramarine vers l’hexagone était un phénomène plutôt marginal, concernant principalement des étudiants, des intellectuels, certaines classes supérieures ou des métiers très spécifiques (soldats, marins, etc.).
Par son ampleur, le Bumidom représente donc un phénomène migratoire tout à fait inédit dans l’histoire française. En vingt ans, un peu moins de 200 000 ultramarins, principalement originaires de La Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique, ont quitté leurs départements dans le cadre du Bumidom. Au milieu des années 1970, un pic est atteint avec plus de 10 000 départs par an, tous DOM confondus. Ainsi, entre 1962 et 1975, le nombre de personnes originaires des DOM vivant en métropole est multiplié par quatre, passant de 40 000 à 160 000. Le Bumidom disparaît en 1982.
Au regard de la population d’alors de ces territoires, ces chiffres sont considérables ([98]).
Migrations organisées par le Bumidom
Ce phénomène fut également inédit dans la mesure où les « Bumidomiens » étaient, contrairement à leurs prédécesseurs, majoritairement issus des classes populaires et fuyaient des conditions de vie souvent très précaires. Pour eux, partir représentait donc un immense espoir.
Pourtant, dès sa mise en place, le Bumidom fut l’objet de critiques. En 1979, Aimé Césaire le décrivait comme « l’hémorragie des forces vives du pays […] l’expatriation forcée d’une jeunesse sans perspective ». Derrière l’espoir d’une ascension sociale se cachaient en effet bien souvent « [de] fausses promesses », notamment parce que les formations proposées étaient d’un faible niveau ([99]). Elles menaient vers des emplois peu valorisés (femmes de ménage, employés du bâtiment, etc.), engendrant une grande déception :
« Que je sois clocharde, prostituée ou institutrice, ce n’était pas le problème du Bumidom. » ([100])
« Je ne voulais pas parler du Bumidom parce que trop de souffrance [...] c’était tellement douloureux que j’ai tout enfoui … » ([101])
D’autres ont accédé à des emplois peu qualifiés dans la fonction publique. Une large part d’entre eux ont ensuite été rejoints par leurs familles dans le cadre du rapprochement familial.
c. Une source de l’inflexion de la démographie des Drom
Si les différents recensements indiquent que la population des DOM n’a pas baissé durant la période d’activité du Bumidom, ses conséquences démographiques sont néanmoins indéniables. En effet, pendant vingt ans, il fut le moteur principal du déficit constant des soldes migratoires de ces territoires, ainsi que la cause du ralentissement de l’accroissement naturel, directement corrélé à la ponction des forces vives.
Origines géographiques des ultramarins venus dans l’hexagone
dans le cadre du Bumidom
i. La Réunion
Alors qu’il n’était que de - 138 entre 1954 et 1961, le déficit migratoire a été multiplié par dix (– 1 246) lors des premières années du Bumidom (1961-1967). Il est resté déficitaire entre 1967 et 1974 (– 1 646), avant d’atteindre un pic entre 1974 et 1982 avec 4 200 départs non compensés par des arrivées. Dès la fin du Bumidom en 1982, le solde migratoire est redevenu positif, passant à + 500 dès la période 1982-1990.
Pour autant, ces éléments n’ont eu que des effets mineurs sur la trajectoire démographique réunionnaise. En effet, malgré ces soldes migratoires déficitaires et un fléchissement du taux d’accroissement sur la période du Bumidom, la population réunionnaise a augmenté de 50 % en vingt ans, en raison d’une baisse soudaine de la mortalité couplée au maintien d’une fécondité élevée jusqu’aux années 1980. En effet, depuis le milieu du XIXe siècle et la fin de l’économie de plantation, la natalité a pris le relais de la migration dans le rôle de contributeur principal de l’accroissement réunionnais ([102]).
ii. La Guadeloupe
Le Bumidom est mis en place dans une période de forte croissance démographique, en raison du maintien d’une forte natalité et d’une hausse de l’espérance de vie. Au début des années 1960, en Guadeloupe, cette fécondité s’élève en effet encore à une moyenne de 6 enfants par femme. Les recensements de 1975 et 1982 révèlent ensuite une chute brutale, puisqu’elle passe, en vingt ans, de 5,8 à 2,6 enfants par femme. Cet effondrement de la natalité est une conséquence du Bumidom, dans la mesure où il s’explique en partie par le départ massif des jeunes adultes et des personnes en âge de procréer. Dès les premières années qui suivent la fin du Bumidom (recensements de 1982 et 1990), le nombre de naissances en Guadeloupe repart à la hausse ([103]).
Une analyse similaire peut être faite pour le solde migratoire. Depuis 1954, ce dernier est globalement négatif, mais il se creuse de manière conséquente sur la période du Bumidom, avant de redevenir positif dès 1982. Ainsi, entre 1967 et 1982, le taux d’accroissement de la population est presque nul (0,3 %), car le déficit migratoire est quasiment égal à l’accroissement naturel. Sur la période 1968-1975, le solde naturel de la Guadeloupe était fortement positif, s’établissant à + 56 509. Cela aurait représenté une augmentation de 18,5 % de la population si le solde migratoire n’avait pas été, sur la même période, de - 45 973. Entre 1982 et 1990, après la fin du Bumidom, la dynamique migratoire s’inverse totalement, passant à + 2 541 ([104]).
Ainsi, si le Bumidom est à l’origine des départs massifs de jeunes adultes et d’une baisse de la fécondité, qui semblent avoir accéléré le vieillissement de la population, celui-ci n’a pas entraîné de baisse de la population de l’archipel guadeloupéen, mais une stagnation (autour de 300 000).
iii. La Martinique
L’influence du Bumidom sur la démographie martiniquaise est sensiblement similaire à celle de la Guadeloupe.
D’une part, le Bumidom semble être à l’origine d’une forte augmentation du déficit migratoire. Ainsi, sur la période de recensement 1968-1975, qui correspond au pic de l’activité du bureau, la Martinique enregistre annuellement 5 600 départs de plus que d’arrivées. Ce phénomène va brusquement prendre fin dès la fin du Bumidom : entre 1982 et 1990, le solde migratoire devient positif avec 32 entrées de plus que de départs par an ([105]).
D’autre part, le Bumidom a aussi contribué à un fort ralentissement de l’accroissement naturel. À partir de sa mise en place, le solde naturel annuel martiniquais n’a cessé de baisser : + 6 743 (1961-1968), + 6 332 (1968-1975), + 3 942 (1975-1982). Si la baisse de la natalité est un phénomène commun à tous les territoires après le « baby-boom », il est néanmoins possible d’émettre l’hypothèse que le ralentissement est accéléré en Martinique par les départs massifs de jeunes en âge de procréer ([106]).
2. À La Réunion, la douleur des enfants « transplantés » et la responsabilité de l’État
Le 18 février 2014, l’Assemblée nationale adoptait la résolution relative aux enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 et 1970 ([107]). Par ce vote, cinquante-deux ans après les premières transplantations d’« enfants de la Creuse », les députés reconnaissaient une « responsabilité morale » de l’État dans les événements qui ont conduit au déplacement de 2 000 mineurs réunionnais de leur île vers la métropole et dans la rupture des liens de ces mineurs avec leur territoire et leurs familles.
L’histoire de ces enfants fut d’abord celle d’une mémoire occultée pendant presque cinquante ans. Malgré les nombreux témoignages et autobiographies relatant leurs histoires, cette « amnésie » ne prit fin que lorsque l’un de ces anciens enfants, Jean‑Jacques Martial, attaqua l’État en justice pour « enlèvement et séquestration de mineur, rafle et déportation ». Cette plainte, déposée en 2002, donna une ampleur médiatique internationale à l’affaire et lui permit d’obtenir une reconnaissance politique.
Au début des années 2010, un combat politique s’engagea alors, aboutissant au vote de la résolution de 2014, suivie par la création d’une commission temporaire d’information et de recherche historique, présidée par Philippe Vitale, à la demande d’Annick Girardin, à l’époque ministre des outre-mer. Le rapport issu des travaux de cette commission ([108]) représente une avancée majeure pour le devoir de reconnaissance.
Annick Girardin a ainsi déclaré : « Ce rapport permet de mettre des mots sur cette histoire et à ces enfants réunionnais, aujourd’hui devenus adultes, de mieux connaître leur passé. Avec les préjudices que cela a pu causer. Il faut reconnaître la douleur, il faut reconnaître les responsabilités de ce système de l’époque, notamment en ce qui concerne l’aide sociale à l’enfance, il faut reconnaître la faute. »
La multiplication des recherches universitaires sur les mineurs réunionnais de la Creuse a permis de comprendre les tenants et les aboutissants de ce que le rapport Vitale qualifie d’« utopie dangereuse ». Ces déplacements forcés sont la réalisation d’un projet conçu par les responsables administratifs et politiques français. Dans un contexte d’inquiétude lié à l’accroissement démographique insulaire, la « transplantation » leur apparaissait comme une solution aux problèmes de surplus démographique ultramarin, mais aussi de sous-peuplement de la France rurale. Cette idée est alors largement diffusée auprès des décideurs :
« Du responsable administratif au préfet, en passant par le politique et l’universitaire, l’idée qu’il est possible de redynamiser les espaces ruraux de l’hexagone par des migrations organisées est un lieu commun. Que cela s’applique finalement à des familles, à des jeunes adultes, à des mineurs avec autorisation parentale, ou à des mineurs sous la responsabilité de l’État importe peu. » ([109])
Entre 1962 et 1984, ce sont 2 015 mineurs réunionnais, pris en charge par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass), qui ont été envoyés dans 83 départements de l’hexagone. Un tiers de ces enfants avaient moins de six ans et étaient transférés dans le cadre d’adoptions. Une majorité (80 %) avaient moins de 15 ans.
Au regard de l’âge de ces enfants, une très faible minorité d’entre eux disposaient du discernement nécessaire à émettre un souhait de migration. Beaucoup expriment aujourd’hui leurs souffrances, consécutives à ce déracinement, et demandent des réparations. Sur une vingtaine de procédures judiciaires, engagées par cinquante plaignants, aucune n’a abouti. Encore aujourd’hui, près de la moitié des 2 015 enfants transplantés n’ont pas été identifiés.
B. Un phénomène qui concerne l’ensemble des territoires, avec quelques disparités
Si la fuite des forces vives est un important motif d’inquiétude, c’est que ce phénomène contribue à la perte de population et au vieillissement des territoires à la démographie négative que sont les Drom antillais, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et Wallis‑et‑Futuna, territoires connaissant un phénomène durable de décroissance de leur population.
Cela ne signifie néanmoins pas que les autres territoires ne sont pas concernés par ce phénomène.
1. Tous les outre-mer regardent les chiffres des départs avec inquiétude
Le nombre important de départs des habitants, et en particulier des jeunes, est un phénomène préoccupant, dont l’enquête MFV2 (cf. supra) révèle l’ampleur :
– seuls 12 % des natifs de Guadeloupe sont « sédentaires » ([110]) ;
– en Martinique, 35 % des natifs ont connu des épisodes migratoires durables et seulement 9 % d’entre eux sont sédentaires ;
– en Guyane, où 25 % des natifs sont sédentaires, un cinquième d’entre eux ont effectué un séjour de plus de six mois hors du territoire ;
– à La Réunion enfin, si le phénomène de migration durable est un peu moins prononcé, il concerne néanmoins 23 % des résidents natifs.
Le solde migratoire est également négatif à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, à Wallis‑et‑Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle‑Calédonie et à Saint‑Martin.
Ce phénomène concerne aussi les territoires où le solde migratoire est positif : ainsi, à Mayotte, concomitamment à la forte immigration, plus de 40 % des natifs ayant entre 25 et 34 ans ont effectué un long séjour en métropole ([111]).
La proportion des natifs d'outre-mer quittant leur région de naissance augmente. Ainsi, entre 1990 et 2017, la proportion des Antillais et des Guyanais âgés de 15 à 64 ans vivant en métropole s’est accrue de quatre points.
À Mayotte, la départementalisation a accéléré ce phénomène, la part des Mahorais vivant en dehors de leur région natale ayant augmenté de douze points en dix ans. En revanche, les mobilités des Réunionnais restent stables : 18 % d'entre eux résidaient dans l’hexagone en 2017, contre 19 % en 1990.
Expérience migratoire des natifs des Drom en 2009-2010 et en 2020-2021
Sources : Ined – Insee ; enquêtes Migrations, Famille et Vieillissement 1 (2009-2010) et 2 (2020-2021).
Natifs de 15 à 64 ans résidant hors de leur région de naissance
3. Des disparités entre les territoires
Le nombre de départs et de retours varie beaucoup en fonction du territoire et de l’âge :
Natifs de 15 à 64 ans résidant hors de leur région de naissance, selon l’âge, en 2017
Les chiffres des natifs vivant dans une autre région que celle où ils sont nés sont très variables ; supérieurs à ceux de l’hexagone, à l’exception de La Réunion, ils révèlent l’ampleur du phénomène des départs :
Part des natifs de 15 à 64 ans ne vivant pas dans leur région natale,
par région de naissance, en 2017
Pour ne s’en tenir qu’aux jeunes, qui représentent la majorité des départs, les disparités tiennent à l’histoire autant qu’aux particularités de leur territoire d’origine.
Ainsi, l’importance des départs aux Antilles – 37 % des natifs des Antilles n’y résident pas, soit le taux le plus haut de France – tient notamment à l’existence, dans l’hexagone, d’un important réseau antillais formé, notamment, des descendants des ultramarins venus dans le cadre du Bumidom (cf. infra).
Mayotte présente une particularité remarquable : c’est le département dans lequel le nombre de départs de jeunes natifs est le plus élevé – sans doute parce que l’offre de formation supérieure y est faible ([112]) – mais c’est aussi celui dans lequel les retours se font le plus tôt (cf. infra).
La Réunion, à l’inverse, conserve 75 % de ses jeunes, grâce à une offre d’enseignement supérieure plus complète : une quinzaine de sites y accueillent des formations post-bac, et l’université propose deux sites de formation, à Saint-Denis et à Saint-Pierre.
Part des natifs de 21 à 29 ans ne vivant pas dans leur région natale,
par territoire de naissance, en 2017
II. Ce que quitter son territoire signifie
Le départ est un bouleversement autant pour celui qui part que pour le territoire.
Le profil de ceux qui partent a changé : si le Bumidom a amené vers l’hexagone les ultramarins les plus précaires, ce sont désormais les jeunes qui s’en vont.
1. Des départs jeune, pour les études et le travail
En 2022, 9 276 étudiants ultramarins sont partis avec l’objectif de poursuivre leurs études dans le cadre du dispositif « passeport pour la mobilité des études » (PME) proposé par l’agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom) (cf. infra). 44 % des jeunes antillais de 21 à 29 ans partent dans l’hexagone pour y poursuivre des études ou pour y travailler. Ce chiffre est de 37 % en Guyane. ([113])
L’enquête MFV2 (cf. supra), qui s’intéresse aux « natifs de retour » ([114]), révèle que les départs sont aujourd’hui majoritairement motivés par la poursuite d’études supérieures ou par la recherche d’un travail. Ceux qui partent sont donc en très grande partie des jeunes. Le plus souvent, leur destination reste l’hexagone. Les rapporteurs relèvent néanmoins que le Canada est souvent évoqué, y compris dans le cadre de campagnes de « recrutement » de potentiels étudiants.
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Motifs du dernier séjour de plus de six mois hors du territoire, par sexe et groupe d’âge, en 2020 (MFV2) |
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Guadeloupe |
Martinique |
La Réunion |
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L’idée du départ semble donc ancrée dans l’esprit des ultramarins de 18 à 34 ans, selon les données recueillies, en 2020, dans le cadre de l’enquête MFV2 : 55 % des jeunes Guadeloupéens, 54 % des jeunes Martiniquais, 59 % des jeunes Guyanais et 44 % des jeunes réunionnais étaient prêts à quitter leur département pour un emploi, échaudés par les taux de chômage élevés des territoires ultramarins.
La chercheuse Marine Haddad constate en effet que le nombre de départs diminue quand le chômage baisse, même si ce n’est pas le seul facteur.
Mais dit‑on vraiment pourquoi les jeunes quittent leurs territoires lorsque l’on désigne les études ou le travail ? Certains jeunes, ont pu entendre les rapporteurs, préfèrent être intérimaires dans l’hexagone plutôt que d’avoir un emploi stable en outre‑mer.
Ainsi, les données recueillies par l’association « Réunionnais de retour au péi » auprès d’un échantillon de 828 personnes ayant quitté le territoire, qu’elles y soient revenues ou non, si elles confirment les chiffres mentionnés supra, y ajoutent d’autres raisons :
Raisons du départ
Source : Association « Réunionnais de retour au péi ».
La bonne question est donc plutôt : que manquait‑il à ceux qui sont partis, et qu’aurait‑il fallu faire pour qu’ils restent en outre‑mer ? En effet, comme le dit le sociologue et démographe Claude‑Valentin Marie, « la question n’est pas de partir ou de ne pas partir, mais plutôt de savoir dans quelles conditions rester : ce n’est donc pas qu’une question de volonté ».
Une spécificité des territoires du Pacifique
Ainsi qu’il a été dit concernant Wallis‑et‑Futuna (cf. supra), les territoires du Pacifique se distinguent des autres outre‑mer par les raisons des départs de leurs habitants. Jean‑Christophe Gay, professeur des universités en géographie, indique que leur installation dans l’hexagone, si elle est, elle aussi, souvent motivée par la poursuite d’études, est également très liée aux installations militaires, de nombreux Polynésiens, Néo-calédoniens et Wallisiens servant dans l’armée.
2. « Si on pouvait, on resterait »
La vie d’un enfant est plus difficile en outre‑mer que dans l’hexagone ([115]).
Pour les jeunes, le départ devient ainsi souvent, très tôt, un horizon souhaitable et, souvent, souhaité, même s’il est peu évoqué : « c’est un tabou », « on n’en parle jamais », « chacun espère ne pas avoir à partir mais sait que ce pourrait être un pas nécessaire ».
Dans ces territoires, le départ est donc un fait de société, une possibilité toujours présente à l’esprit, souvent lié à l’espoir d’une vie meilleure.
Pourtant, les jeunes rencontrés par les rapporteurs aux Antilles et en Guyane ont très majoritairement témoigné d’un lien très fort avec leur territoire, ce que reflète la place de l’idée du retour dans les projets de départs (cf. infra). Pour les jeunes, le départ ne semble donc pas résulter d’un manque d’attachement vis‑à‑vis de leur territoire d’origine, mais des obstacles rencontrés sur ce territoire ; il est un passage obligé pour « s’en sortir », en dépit, de l’attachement au territoire.
Dans certains territoires à l’offre universitaire très réduite de par leur taille (Saint‑Barthélemy, Saint‑Martin, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon), le départ est, pour les jeunes, une certitude. Il l’est avant même le bac en ce qui concerne Saint‑Barthélemy, où le lycée s’arrête à la seconde : « on grandit en sachant qu’on devra partir », déclarent les représentants de la collectivité territoriale. Le préfet de Saint‑Martin et Saint‑Barthélemy, Vincent Berton, évoquait la possibilité de la construction d’un internat d’excellence dans l’île voisine de Saint‑Martin, où les Saint‑Barth pourraient ainsi poursuivre leur scolarité.
La question des départs des jeunes ne pourra être abordée sans les écouter. Les rapporteurs sont donc allés à leur rencontre, pour recueillir leur parole et la relayer. Certains témoignages, recueillis en Martinique, sont reproduits ci‑dessous. D’autres le sont dans la suite du présent rapport, illustrant les développements.
– « Je me suis demandé si je devais partir ou pas. Mon frère est parti, et mon prof de philo m’a conseillé de partir pour découvrir la culture et revenir ensuite enrichir la Martinique. Je veux qu’on sache qui je suis et ce que j’ai fait pour la Martinique ! Il manque des formations ici : les chefs d’entreprise devraient pouvoir trouver les compétences sur place. »
– « Je ne veux pas rester, ni en Martinique, ni ailleurs en France. Je veux faire une grande prépa à Paris, puis partir. »
– « J’ai hésité : je voulais d’abord rester ici, puis j’ai découvert d’autres endroits grâce aux réseaux sociaux. Je suis très attachée à la Martinique, mais je m’y sens vite enfermée. Je vais forcément devoir partir : il n’y a pas de formation ici pour atteindre mon objectif, qui est d’apporter ma pierre à l’édifice de la Martinique. Je veux partir, acquérir des savoirs, puis revenir pour changer les choses, mais j’ai peur que ce soit voué à l’échec. »
– « Ici, les jeunes sont délaissés. Il n’y a pas assez d’offre culturelle et pas de transports. L’hexagone est plus grand donc il y a plus d’opportunités. La Martinique est mon île, mon pays mais je me sens dans l’obligation de partir. C’est à nous, les jeunes, de développer le pays pour que nos enfants ne vivent pas comme nous. Si je ne peux pas trouver un bon travail stable et savoir que c’est mieux de vivre ici, je ne vais pas réussir. »
– « J’ai décidé de rester, je sais que je veux aller dans le commerce – ou aller dans une école de commerce en France, puis revenir dès que possible. Je veux voyager, mais pas vivre ailleurs : je veux vivre dans mon pays, y élever mes enfants, parler créole, et développer le territoire. »
3. Communiquer pour casser la spirale de la baisse de l’attractivité
Ceux qui partent – comme ceux qui ne souhaitent pas rentrer – évoquent le manque d’attractivité de leur territoire d’origine.
Un territoire n’est attractif qu’à travers ses habitants : ils le font vivre, le valorisent, y créent de l’activité économique, y travaillent, y consomment. Moins le territoire est attractif, plus ses habitants s’en vont. Plus ses habitants s’en vont, moins le territoire est attractif. Autrement dit : la baisse de l’attractivité s’auto‑entretient. Pour mettre fin à cette « spirale », il est important d’en comprendre la nature.
a. « Ici, c’est trop petit » le manque d’offre en direction des jeunes
Témoignages
« Je veux voyager pour m’enrichir et revenir avec ces expériences. »
« Ici, c’est un petit territoire : je veux partir pour découvrir autre chose, voir plus grand. Mais j’ai une vie et des proches ici. »
« L’idée du départ vient des réseaux sociaux et de la famille. »
À l’ère de l’hyperconnexion, et comme ont pu par exemple le déclarer aux rapporteurs les représentants du conseil départemental de Guadeloupe, « le savoir acquis par la jeunesse les projette ailleurs ». Ils souhaitent découvrir d’autres territoires, notamment pour avoir accès à plus de possibilités, plus d’expériences, plus d’activités.
Il s’agit aussi d’aller voir autre chose, de s’enrichir, de découvrir le monde : « quand on vit sur une petite île, il faut aller voir ailleurs et rencontrer d’autres personnes », admettent ainsi les représentants de la collectivité de Saint‑Barthélemy.
Les réseaux sociaux invitent les jeunes dans un monde auquel ils n’ont pas l’impression d’avoir totalement accès dans leurs territoires.
En effet, en outre‑mer, le droit « aux loisirs, au sport et à la culture » ([116]) des enfants et des jeunes est moins mis en œuvre qu’ailleurs, notamment pas un manque d’équipements culturels ou sportifs : nombre de jeunes auditionnés regrettent par exemple, tout simplement, de ne pouvoir aller aussi souvent qu’ils le voudraient au cinéma.
À Saint‑Martin, Raphaël Sanchez, président de la mission locale, souligne le manque d’offre sociale et culturelle. Il n’y a plus de médiathèque, ni de cinéma, expliquent les jeunes rencontrés.
Pourtant, une offre culturelle existe, mais elle devrait être mieux relayée, notamment sur les réseaux sociaux – on ne parle pas aux jeunes à travers la radio… C’est en particulier le cas pour les événements qui reflètent les cultures des territoires, auxquelles les jeunes s’identifient, et qui sont donc un élément d’attractivité important.
Recommandation n° 16 : mieux communiquer en direction des jeunes sur l’offre culturelle des territoires ultramarins, en particulier sur les réseaux sociaux.
Cette « envie d’ailleurs », néanmoins, ne peut souvent être pleinement assouvie qu’en quittant le territoire, ce qu’il faut comprendre et accompagner, tout en offrant à ceux qui le souhaitent la possibilité d’un retour (cf. infra).
b. Communiquer pour améliorer l’image que les jeunes ont de leur territoire
Témoignages
« En Martinique, la vie est chère et les salaires sont bas. Il n’y a pas assez de formations et pas assez de loisirs. Je n’ai pas envie que mes enfants vivent avec aussi peu d’opportunités. Il n’est pas possible d’aller loin et de rester ici en même temps. »
« J’ai voyagé et constaté qu’il y a peu de moyens ici, par exemple concernant le sport, même si le cadre de vie martiniquais est plus agréable, plus propre et moins pollué. »
« On connaît parfois plus de choses sur ce qu’il y a ailleurs que sur ce qu’il y a ici [Saint‑Martin]. »
Chômage, précarité, insécurité, risques naturels : les outre‑mer souffrent de nombreuses difficultés que les jeunes n’ignorent pas. Ils sont notamment conscients que les emplois y sont trop peu rémunérés, alors que le coût de la vie y est plus élevé, et envisagent donc le départ comme une éventuelle nécessité pour trouver un travail.
Comme l’ont exprimé de nombreux interlocuteurs, les jeunes ont ainsi tendance, bien qu’ils y soient très attachés, à avoir une mauvaise image de leur territoire, véhiculée, notamment, par les médias. Il ne s’agit pas seulement de l’envie d’ailleurs évoquée supra, mais d’un découragement qui les empêche de se projeter, d’envisager leur vie dans les lieux où ils ont grandi.
Ce sujet n’est pas à prendre à la légère : comme l’ont déclaré les représentants du conseil départemental de la Guadeloupe, « la question de l’image que l’on a de son territoire est aussi une question d’estime de soi ».
« Ici, les jeunes ne se sentent pas utiles », ont encore pu entendre les rapporteurs.
Afin de redonner de l’espoir aux jeunes, il est donc impératif de mieux communiquer sur les territoires, notamment sur les réseaux sociaux, afin de faire la promotion de leurs atouts, de leurs réussites, en particulier économiques. Cette démarche est importante pour contrer le découragement qui pousse les jeunes à partir et dissuade ceux qui sont partis de revenir. Les jeunes doivent pouvoir se projeter, imaginer leur vie « au pays ».
Le « retour au pays » est lié à l’amour « du pays ». Or, poursuivent les représentants du conseil départemental de la Guadeloupe, « cet amour dépend de la façon dont on le présente aux jeunes, dont on leur apprend à l’aimer, dont on en parle à la télé : il ne faut pas parler que des problèmes ».
Recommandation n° 17 : développer sur les réseaux sociaux, à destination des jeunes, une communication institutionnelle mettant en valeur les atouts de leur territoire.
B. Un phénomène aux multiples conséquences sociales
Les conséquences des départs sont souvent négatives, mais peuvent aussi être positives.
1. Il ne s’agit pas d’empêcher les départs
L’enjeu n’est pas d’empêcher tout départ, mais de permettre à ceux qui souhaitent revenir mettre les compétences qu’ils ont acquises au service de leur territoire de le faire. L’enjeu est aussi de réduire au maximum les départs « contraints » de ceux qui souhaiteraient rester mais ne le peuvent, faute de pouvoir se former et/ou travailler sur le territoire.
a. Les départs peuvent être une richesse…
Les départs permettent aux jeunes d’« aller voir ailleurs ». S’ils leur sont donc bénéfiques, ils le sont aussi, en cas de retour, pour les territoires.
En effet, dans la mesure où beaucoup de départs sont motivés par la poursuite d’études, ceux qui reviennent rapportent avec eux des qualifications et un savoir‑faire que, souvent, ils n’auraient pu acquérir dans leur territoire d’origine.
Il en va de même de ceux qui ont occupé un emploi hors du territoire et peuvent, peut‑être, rapporter des façons de faire, des idées, qui n’étaient pas présentes sur le territoire.
Empêcher les départs en ne les considérant que comme un phénomène négatif reviendrait donc à « refermer ces territoires sur eux‑mêmes », alors même que ceux qui rentrent sont désireux de mettre leur « bagage » au service de leur collectivité.
b. …à condition de les accompagner…
Les expériences migratoires, notamment parce qu’elles concernent majoritairement des jeunes, ne sont pas toujours positives, ni même heureuses. Pour un jeune étudiant ultramarin, surtout s’il n’a jamais quitté son territoire d’origine, se retrouver brutalement dans l’hexagone, seul, loin de sa famille et de ses habitudes, peut s’apparenter à un traumatisme. Cela commence souvent, dès la sortie de l’aéroport, par la découverte d’un climat totalement différent. Cela se poursuit ensuite, par exemple, avec l’impossibilité de trouver les fruits, les légumes, les aliments, qui aideraient à guérir un peu le mal du pays.
Des difficultés matérielles se posent également, comme en témoignent par exemple les responsables de l’association étudiante UMAssas : pour les étudiants des territoires du Pacifique, qui dépendent des régimes d’assurance maladie locaux, disposer d’une carte Vitale prend du temps. Il leur faut également, pour louer un logement, surmonter la méfiance des propriétaires que provoque parfois la fourniture de fiches de salaire ou d’avis d’imposition en francs CFP.
Or : « Ces étudiants ne font l’objet d’aucun suivi spécifique, les [universités] ne faisant aucune distinction entre étudiants en fonction de leur territoire d’origine. À ce titre, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne produit aucune donnée statistique sur les taux de réussite et de poursuite des études des étudiants ultramarins d’hexagone. » ([117])
Certains jeunes, découragés par une forme de « barrière psychologique », rentrent donc dans leur territoire d’origine en cours d’année, en interrompant leur scolarité, avec un risque définitif de décrochage ou de déscolarisation. Ce phénomène existe dans l’ensemble des territoires mais est particulièrement marqué chez les natifs de Mayotte.
Ces jeunes sont parfois pris en charge, après leur retour, par l’un ou l’autre des dispositifs d’accompagnement présents sur le territoire, telle l’école de la deuxième chance (cf. infra).
Pour éviter de telles situations ou y remédier, plusieurs dispositifs existent :
– dans le cadre du dispositif Oraccle (orientation régionale pour l’accompagnement du continuum lycéens‑étudiants), une convention permet aux ultramarins partis étudier en Île‑de‑France, mais qui souhaitent rentrer dans leur territoire d’origine, de bénéficier d’un parcours spécifique à l’université des Antilles, donnant lieu à la délivrance d’un diplôme d’université ([118]) ;
– les associations d’étudiants ultramarins des établissements hexagonaux accompagnent les étudiants, notamment en accueillant les nouveaux arrivants qui n’ont pas de famille sur place et en les faisant bénéficier des conseils de leurs aînés ;
– pour les néobacheliers, lors de leur première année d’études, le dispositif passeport pour la mobilité des études (PME) de l’agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom) prend en charge un billet aller/retour en cours d’année.
Ce dernier dispositif, nommé, « PME+ », est particulièrement important, car il permet aux jeunes, au début de leurs études loin de leur territoire d’origine, de se « re-sourcer » au sens propre du terme, pendant les vacances, en retrouvant leurs proches. Il peut également permettre à l’étudiant de réaliser un stage dans son territoire d’origine. Les rapporteurs recommandent donc son extension à l’ensemble des années d’études, notamment lorsque les formations suivies comprennent un stage obligatoire ; effectué dans le territoire d’origine de l’étudiant, celui‑ci peut en effet être pour lui un tremplin vers un emploi, et donc vers un retour.
Recommandation n° 18 : étendre la prise en charge d’un billet d’avion aller/retour en cours d’année universitaire à l’ensemble des étudiants.
Dans les territoires où le départ est inéluctable, préparer et valoriser :
l’exemple de l’atelier Sciences Po du lycée Robert‑Weinum de Saint‑Martin
Les rapporteurs sont allés à la rencontre des élèves et des professeurs de ce dispositif, proposé aux lycéens, tous polyglottes (cf. supra). Il s’agit de valoriser leurs atouts pour les préparer à intégrer, dans l’hexagone, une filière d’excellence. L’objectif est aussi de développer leur culture générale.
Plusieurs sont ceux, parmi les lycéens interrogés, qui souhaitent ensuite revenir mettre les compétences qu’ils auront ainsi acquises au service de Saint‑Martin, dont ils ont conscience d’être les meilleurs connaisseurs.
c. …et de préserver l’égalité des chances avec ceux qui ne peuvent pas partir
Alors que l’expérience acquise dans l’hexagone est globalement valorisée, qu’en est‑il des jeunes qui ne sont pas partis ? Ils sont, eux aussi, la force de travail de leur territoire, où la main‑d’œuvre manque.
En effet, si le départ semble offrir de nombreuses opportunités, le « non‑départ » doit cesser d’être synonyme de désavantage, voire de relégation. C’est d’autant plus le cas que l’absence de départ est rarement un choix, mais plutôt la résultante de difficultés financières, scolaires, ou familiales et concerne donc les jeunes qui sont déjà les plus éloignés de l’emploi et de la formation.
Ainsi, dans un contexte où le départ et le séjour à l’extérieur du territoire demeurent professionnellement valorisants, le « non‑départ » tend, en valorisant ceux qui ont pu partir, à précariser encore plus les jeunes que leur précarité a empêché de partir.
Ainsi, en Martinique, 63 % des sédentaires ne sont pas diplômés, contre seulement 6 % des natifs de retour. 34 % des sédentaires seulement exercent une activité professionnelle. En Guadeloupe, ces natifs sédentaires, qui ne représentent que 12 % de la population, constituent 65 % des non-diplômés et 61 % des sans‑emploi. À La Réunion, 63 % des natifs sédentaires n’ont aucun diplôme, et seulement 19 % sont en emploi. En revanche, 23 % des natifs ayant migré durablement sont diplômés de l’enseignement supérieur. En Guyane, de la même façon, 43 % des sédentaires n’ont aucun diplôme, contre seulement 18 % des natifs ayant migré durablement. ([119]) La situation est un peu plus contrastée à Mayotte, où, peut‑être parce que les Mahorais rencontrent plus d’obstacles dans leurs parcours à l’extérieur du département (cf. supra), seuls 9 % des natifs en migration sont diplômés de l’enseignement supérieur.
Niveau de vie mensuel médian des natifs
en fonction de leur expérience migratoire en 2020
|
Sédentaires |
Courts séjours hors du département (moins de 6 mois) |
Longs séjours hors du département (6 mois ou plus) |
Guadeloupe |
724 € |
1 167 € |
1 450 € |
Guyane |
726 € |
1 120 € |
1 750 € |
Martinique |
741 € |
1 200 € |
1 500 € |
Source : MFV2 Martinique
En déduire une causalité directe entre migration et intégration professionnelle serait néanmoins négliger l’importance de la formation universitaire, indépendamment du territoire sur lequel elle est suivie : 73 % des diplômés du supérieur résidant aux Antilles sont en emploi, qu’ils aient quitté ou non le territoire.
Autrement dit : ceux qui partent cachent ceux qui ne peuvent pas partir, que les pouvoirs publics doivent prendre en charge au moyen de dispositifs spécifiques (cf. supra).
Encourager le retour des plus diplômés sans s’occuper de ceux, précarisés, qui n’ont pas pu partir, c’est maintenir cette dernière catégorie dans la précarité.
2. Le délitement des solidarités intergénérationnelles : vieillissement, isolement et précarisation des aînés
Le départ des jeunes entraîne également une rupture dans les traditions d’organisation sociale, caractérisée par une désagrégation des liens intergénérationnels. D’une part, les personnes âgées souffrent de leur isolement quand, d’autre part, les jeunes qui ne sont pas partis sont parfois désœuvrés et éloignés de l’emploi.
Ces phénomènes sont finalement les corollaires de la généralisation du modèle de « famille à distance » ([120]). L’enquête MFV2 révèle ainsi la progression de la part de seniors dont tous les enfants résident en dehors de leur territoire d’origine.
Part des séniors (50‑79 ans) dont l’ensemble des enfants
résident en dehors du département
|
MFV1 (2010) |
MFV2 (2020) |
Guadeloupe |
18 % |
24 % |
Martinique |
18 % |
23 % |
Source : Enquête MFV2
Il s’agit, notamment aux Antilles, de l’une des causes du vieillissement de la population.
L’enquête MFV2 révèle également que la probabilité qu’une famille soit « à distance » est amplifiée par l’existence d’une expérience migratoire dans les générations précédentes. Autrement dit, si les parents sont partis, et même lorsqu’ils sont ensuite revenus, il est plus probable que les enfants partent eux aussi. L’incitation au départ, sans doute vue comme une opportunité, semble donc se transmettre au fil des générations. C’est également le cas au sein des fratries.
Face à ces lacunes dans l’accompagnement des personnes âgées au sein des familles, disposer d’un secteur solide de l’aide à domicile est donc indispensable (cf. supra). Cela nécessite de disposer des formations nécessaires, notamment dans le domaine médical (cf. infra).
III. Prendre en charge les jeunes ultramarins
Inciter les jeunes ultramarins à rester ou à revenir impose de les prendre en charge, de les accompagner, le plus tôt possible et de la manière la plus complète possible.
La poursuite d’études est l’une des principales raisons des départs, et la majorité des diplômés de l’enseignement supérieur ont acquis leur diplôme hors de leur territoire d’origine. Il est donc nécessaire d’étudier l’offre de formation en outre-mer pour comprendre pourquoi autant de jeunes s’en désintéressent.
Si l’offre de formation en outre‑mer ne peut être aussi complète que dans l’hexagone, elle est néanmoins, aujourd’hui, encore insuffisante.
a. Les étudiants partent des territoires parce qu’ils ne peuvent pas y faire les études auxquelles ils aspirent
Témoignages
« Je veux partir faire des études de médecine dans l’hexagone car il y a plus d’opportunités là-bas, plus de cas compliqués à étudier car on les envoie là-bas. Ici, il n’y a pas toutes les spécialités. Mais je veux revenir ensuite dans mon territoire d’origine. »
« J’aurais voulu faire de la psychologie, mais j’aurais dû partir en France et ça aurait été un problème. »
La mobilité étudiante consiste à poursuivre des études dans une académie différente de celle dans laquelle le baccalauréat a été obtenu.
Si la mobilité des étudiants ultramarins n’est pas supérieure à celle des étudiants hexagonaux, sa spécificité tient à ce qu’elle résulte, plus que partout ailleurs, de l’insuffisance de l’offre locale de formation.
Part de néobacheliers 2020 partis étudiés dans une autre académie et, parmi eux, part de ceux suivant une formation inexistante dans leur académie d’origine
Source : MESR – SIES, Parcoursup, campagne 2020 – Traitement SIES.
En effet, plus de la moitié des étudiants ultramarins ayant quitté leur région d’origine ont choisi une formation qui n’y était pas proposée : 65 % pour la Polynésie française, 63 % à Mayotte, 60 % en Martinique, 54 % en Guyane et 50 % en Guadeloupe. À La Réunion, où l’offre est plus riche, ce taux n’est que de 29 %.
Ceux qui ne sont pas partis, souvent parce qu’ils n’en avaient pas les moyens, suivent parfois des cursus « par défaut » qu’ils quittent rapidement, grossissant les rangs des décrocheurs (cf. infra).
Le nombre de bacheliers souhaitant poursuivre des études dans l’enseignement supérieur est en constante augmentation en outre‑mer. Le développement des formations dans ces territoires a permis une augmentation de 54 % du nombre d’étudiants dans les universités ultramarines entre 2002 et 2022. Preuve en est, donc, qu’un développement de l’offre permet d’éviter les départs.
Ainsi, les départs résultent souvent d’une insuffisance de l’offre de formation dans les territoires d’origine. L’amélioration de l’offre de formation permet de maintenir les jeunes dans ces territoires, comme le prouve l’exemple de La Réunion.
Néanmoins, l’offre de formation supérieure dans les outre‑mer laisse encore à désirer :
Nombre de bacheliers et Capacités d’accueil dans l’enseignement supérieur par formation et académie
En 2020
|
Nombre de bacheliers |
Capacité totale des académies |
Licence |
PASS |
DUT |
BTS |
CPGE |
Écoles d'Ingénieurs |
Écoles de Commerce |
Guadeloupe |
4 103 |
5 122 |
2 290 |
455 |
156 |
1 344 |
315 |
18 |
0 |
Guyane |
2 345 |
2 375 |
1 270 |
140 |
120 |
452 |
60 |
0 |
50 |
La Réunion |
9 054 |
12 239 |
6 709 |
650 |
371 |
2 423 |
480 |
67 |
60 |
Martinique |
3 224 |
4 850 |
2 170 |
363 |
78 |
1 523 |
250 |
0 |
65 |
Mayotte |
3 324 |
1 025 |
385 |
0 |
0 |
415 |
24 |
0 |
0 |
Polynésie Française |
2 040 |
2 796 |
1 660 |
0 |
56 |
699 |
83 |
0 |
0 |
Ces chiffres sont antérieurs, notamment, à l’ouverture de l’institut national des sciences appliquées en Martinique et à l’extension des études de médecine dans plusieurs territoires.
Source : MESR – SIES, Parcoursup, campagne 2020 – Traitement SIES
Le nombre de places disponibles en licence est très insuffisant, et certaines formations n’existent pas dans certains territoires.
Cela résulte notamment des difficultés rencontrées par les universités.
b. Les universités ultramarines sont confrontées à de nombreuses difficultés
Les universités ultramarines sont confrontées, dans leur volonté d’étoffer leur offre de formation, à des difficultés que ne connaissent pas les universités hexagonales.
Ces difficultés sont multiples :
– l’exiguïté des territoires, qui ne permet parfois pas d’attirer un nombre d’étudiants suffisant pour créer une filière ;
– la faible attractivité pour les professeurs :
● le mode de recrutement des professeurs, notamment dans les matières à agrégation avec classement, pose problème dans les universités ultramarines : ce sont souvent, les moins bien classés qui y sont recrutés, contre leur gré, et qui les quittent dès qu’ils en ont la possibilité ;
● s’ensuit une faible stabilité du corps enseignant, pourtant nécessaire à la création de structures de recherche et de filières d’enseignement ;
● l’existence d’autres procédures de recrutement dans ces matières, ainsi que de professeurs choisissant ces universités, permet heureusement de réduire ce phénomène ;
– la nécessité d’entretenir et de compléter le bâti existant pour offrir aux étudiants des infrastructures attractives, alors même que certaines universités sont – comme aux Antilles – installées sur plusieurs sites et/ou territoires.
Ainsi, la configuration du territoire guyanais place Saint‑Laurent‑du‑Maroni, commune où les jeunes sont particulièrement nombreux, à plusieurs heures de route de l’université de Guyane ; aucune formation n’existe dans cette ville au-delà du bac+2.
c. Développer l’offre d’enseignement supérieur dans les territoires : des initiatives à prolonger et des projets à finaliser
Malgré ces difficultés, plusieurs avancées notables peuvent être relevées, offrant aux jeunes, dans de nouvelles filières, la possibilité d’effectuer leurs études sans avoir à quitter leur territoire d’origine, ce qui permet de les y sédentariser.
Un exemple à suivre : la création d’une antenne de l’Insa en Martinique
Les rapporteurs ont pu rencontrer les responsables et les étudiants de l’antenne de l’institut national des sciences appliquée (Insa) installée, à Fort‑de‑France, dans les locaux du lycée Schœlcher. Ce dispositif concerne les deux premières années de la formation, qui peut ensuite être poursuivie dans l’hexagone.
Disposer d’une formation supérieure identique à celles de l’hexagone présente de nombreux avantages pour les jeunes Martiniquais, Antillais et Guyanais, notamment en leur épargnant le coût d’un départ dans l’hexagone. Cela met ainsi à égalité – du moins pendant ces deux années – l’ensemble des jeunes, quels que soient leurs moyens financiers.
Cela permet aussi à ceux qui ne se sentent pas encore prêts à partir de rester plus longtemps auprès de leurs proches.
Les dix-huit élèves‑ingénieurs disposent de logements individuels, qu’ils décrivent comme très confortables, et d’un ordinateur financé par la collectivité territoriale de Martinique (CTM).
Les professeurs dispensent le même enseignement qu’à l’Insa de Lyon, dont ils viennent, ce qui contribue à conjurer la crainte d’une formation « moins bonne que dans l’hexagone ».
Les besoins des entreprises sont connus, et les étudiants, s’ils doivent partir au bout de deux ans pour poursuivre leur formation, sont invités à choisir leurs spécialités en fonction de ces besoins pour pouvoir concrétiser leur projet de retour.
La création de facultés de médecine de plein exercice à La Réunion et aux Antilles va dans le bon sens, car il n’est plus nécessaire de quitter ces territoires pour suivre le second cycle de formation des études de médecine : le cursus complet, de la première année à la fin de l’internat, existe désormais dans ces territoires. Il était en effet regrettable d’éloigner les futurs médecins de territoires qui en manquent. Cette innovation permet également de valoriser les centres hospitaliers universitaires (CHU) de ces territoires.
En Guyane, l’installation du premier cycle complet des études de médecine semble être un succès : le recteur Laurent Linguet se félicitait, en avril 2024, de ce que tous les étudiants de première année soient restés sur le territoire pour y suivre leur deuxième année, alors qu’ils auraient auparavant été contraints de le quitter.
Face à la demande de formation pour accéder à la fonction publique, comme aux besoins locaux (cf. infra), il est nécessaire de disposer de préparations aux concours dans les territoires. Un institut de préparation à l'administration générale (Ipag) a ainsi été créé à l’université de Guyane. Dans ce même territoire, en coopération avec l’ordre des avocats, un institut d’études judiciaires (IEJ) a également été mis en place pour accompagner les étudiants vers les professions juridiques.
D’autres projets doivent être encouragés :
– à Saint‑Martin, où l’offre de formation post‑bac est restreinte, le projet d’ouverture d’une antenne de l’Université des Antilles doit être mené à terme ;
Recommandation n° 19 : mener à son terme le projet d’ouverture d’une antenne de l’Université des Antilles à Saint‑Martin.
– dans les territoires où l’installation d’une université n’est pas possible, ou se fait attendre, la création de lieux d'études permettant de suivre une formation à distance – les campus connectés – doit être encouragée.
Recommandation n° 20 : favoriser l’installation de campus connectés.
En toute hypothèse, le développement de l’offre de formation doit prendre en compte les besoins des territoires pour cibler les filières dans lesquelles la main-d’œuvre manque (cf. infra).
La nécessité de prendre en compte les filières en tension ne doit pas
renforcer le mal‑être des jeunes
La Défenseure des droits alerte sur une situation où la prise en compte des filières en tension dans le développement de l’offre de formation conduirait à ne pas prendre en compte les souhaits et les projets des jeunes ultramarins :
« Si l’offre locale de formation, encore trop restreinte, doit prioritairement cibler les secteurs en tension susceptibles d’offrir des perspectives d’embauche, […]la question de l’adéquation des besoins du territoire avec les aspirations des jeunes se pose également […]. La définition de l’offre de formation, pour être attractive, ne peut se limiter aux formations identifiées comme répondant étroitement aux besoins du territoire. » ([121])
Cela implique de s’interroger sur les raisons pour lesquelles certaines filières ne suscitent pas l’adhésion des jeunes.
Cela implique également, dans le développement de l’offre de formation, de prendre en compte aussi les envies des jeunes. Ainsi, en Guyane, une licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), très demandée, a été créée.
D’évidence, toutes les filières ne peuvent être proposées dans les outre‑mer ; pour autant, les jeunes ne seront pas incités à rester dans leurs territoires s’ils ne peuvent y trouver, comme dans l’hexagone, les formations qui les intéressent le plus.
Si ces initiatives sont à encourager et à prolonger, il est néanmoins évident que « l’offre de formation ne [peut] être exhaustive dans les outre-mer, pour des raisons essentiellement d’ordre démographique », et que les départs sont donc parfois inéluctables ([122]).
2. Face à la valorisation de l’offre hexagonale, la nécessité de communiquer en faveur des universités ultramarines
« Les gens pensent que, si on fait des études aux Antilles, c’est qu’on n’a pas réussi à aller dans l’hexagone. »
Les départs des jeunes ne sont pas motivés uniquement pas l’insuffisance de l’offre de formation ultramarine.
Les rapporteurs l’ont en effet constaté lors de leurs déplacements et au cours de leurs auditions : les universités ultramarines pâtissent encore, auprès des jeunes, d’une mauvaise réputation. Locaux dégradés, formations de faible qualité, etc., sont autant d’images évoquées par certains jeunes pour expliquer leur préférence pour un départ vers une université hexagonale ([123]). Ils craignent de « ne pas avoir le même niveau que dans l’hexagone ». Le président de l’université de Guyane, Laurent Linguet, reconnaît lui‑même « un problème d’attractivité ». La difficulté n’est donc pas seulement l’insuffisance de l’offre, mais aussi le peu d’envie des jeunes de choisir cette offre.
L’enjeu est donc de mettre fin à ces idées reçues en communiquant sur les atouts, bien réels mais méconnus, des universités de ces territoires.
Beaucoup de jeunes ignorent, par exemple, la présence de l’université des Antilles dans le prestigieux classement de Shanghai. Plus largement, il demeure nécessaire de faire connaître les qualités d’universités ultramarines qui délivrent les mêmes diplômes que les universités hexagonales et sont à l’origine de publications de premier plan au niveau international – notamment sur des problématiques locales telles que les sargasses ou la drépanocytose. L’université des Antilles, selon son président, fait ainsi face à une grande demande, qui lui permet de maintenir ses effectifs malgré le déclin démographique : elle jouit notamment d’une attractivité importante en ce qui concerne ses masters, vers l’étranger comme vers l’hexagone, notamment pour sa spécialisation dans le domaine de l’écologie en lien avec son environnement immédiat. Il existe également une « filière intégrée France‑Caraïbes », en lien avec l’University of West Indies (Jamaïque) et Sciences Po Bordeaux, qui offre une formation de haut niveau consacrée au bassin caribéen.
En Guyane, les responsables de l’université ont fait le choix, dans toutes ses composantes (y compris l’économie, la sociologie, etc.), d’une orientation et d’une spécialisation sur l’Amazonie, afin d’attirer les spécialistes de ce domaine.
Pour mettre en avant l’ensemble de ces atouts, les universités ultramarines mènent, dès le lycée, des actions de communications en direction des jeunes, notamment sur les réseaux sociaux. Il s’agit, selon les mots du président de l’université de Guyane, d’« améliorer l’image » de ces universités. Désormais, afin que cette communication lutte efficacement contre la dévalorisation des universités ultramarines, il est nécessaire qu’elle soit relayée sur les réseaux sociaux, au niveau national, par le ministère en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Recommandation n° 21 : inciter le ministère en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche à relayer, sur les réseaux sociaux, la communication des universités ultramarines en faveur de leurs atouts.
3. Construire un dispositif d’orientation spécifique aux outre‑mer
Agir en faveur de l’attractivité des filières de l’enseignement supérieur auprès des jeunes, suppose de leur permettre, suffisamment tôt, de choisir leur orientation et, idéalement, leur projet professionnel. Or, les jeunes ultramarins, de par la taille des territoires comme de par la précarité de certains d’entre eux, n’ont pas toujours accès, autour d’eux, à une grande « palette » de parcours dans lesquels ils peuvent se projeter. De plus, ils ne connaissent souvent qu’imparfaitement les formations proposées sur leurs territoires, et nourrissent à leur égard des préjugés parfois très négatifs (cf. supra).
Il incombe donc au service public de l’orientation de leur présenter toutes les filières disponibles pour ouvrir leur champ des possibles. Cette étape est d’autant plus importante, outre‑mer, que ce choix, selon que la filière choisie est ou non disponible sur le territoire, conditionne le départ éventuel vers l’hexagone.
Or, si les efforts en faveur du développement d’une offre locale ultramarine de formation s’accompagnent d’une volonté politique de « favoriser le départ de néobacheliers ultra-marins vers l’hexagone », notamment à travers les dispositifs proposés par l’agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), force est de constater que ces deux démarches « ne sont pas suffisamment articulées ». Alors même que les ministères chargés de l’enseignement supérieur et des outre‑mer doivent veiller « à ce que la carte des formations soit cohérente et adaptée aux besoins locaux » ([124]).
Cela suppose tout d’abord de connaître les souhaits d’orientation des futurs bacheliers. Cela implique ensuite d’informer pleinement ces futurs bacheliers, qui l’ignorent souvent, de l’existence sur leur territoire, le cas échéant, de la filière qui les intéresse et de sa qualité. Cela consiste, enfin, à laisser à l’étudiant ainsi pleinement informé le choix de rester ou de partir, et de lui proposer un éventuel accompagnement au départ.
En outre‑mer, de par la nécessité, beaucoup plus qu’ailleurs, d’informer et d’accompagner les jeunes, la politique d’orientation doit être beaucoup plus ambitieuse qu’ailleurs et impliquer l’ensemble des acteurs (Ladom, les rectorats, les universités, les ministères).
Recommandation n° 22 : créer une politique d’orientation professionnelle spécifique aux outre‑mer, impliquant l’ensemble des acteurs.
4. La mobilité et l’autonomie : le problème des transports et du logement
Quand bien même un jeune ultramarin trouverait-il une formation sans avoir à quitter son territoire d’origine, encore faudrait-il qu’il puisse disposer des moyens matériels de s’y rendre tous les jours. Plus largement, il s’agit de permettre aux étudiants de bénéficier du cadre de vie nécessaire pour se consacrer pleinement à leurs études. La problématique est d’ailleurs la même en matière d’emploi.
En effet, l’action efficace en faveur de l’accès à l’emploi ou à la formation des jeunes est vaine si elle n’est pas accompagnée, en complément, d’efforts pour faire baisser le coût de la vie, développer les transports, améliorer l’accès au logement, etc. De nombreux jeunes rencontrés par les rapporteurs citent en effet ces difficultés comme autant de raisons les incitant à quitter leur territoire d’origine et comme autant d’aspects du manque d’attractivité de leurs territoires à leurs yeux (cf. supra).
Ainsi, la Défenseure des droits critique, « la faiblesse de l’offre de transports en commun » aux Antilles, soulignant par exemple, en Guadeloupe, le développement insuffisant du réseau de bus sur la Basse‑Terre. Ce réseau est pourtant essentiel pour rejoindre l’agglomération de Pointe‑à‑Pitre, qui concentre l’activité économique de l’archipel et abrite le principal campus guadeloupéen de l’université des Antilles (UA). L’achat d’un véhicule personnel, cher, dont l’usage est rendu compliqué par les embouteillages récurrents, n’est pas la solution. ([125])
L’accès au logement est tout aussi compliqué, alors qu’il est, pour les jeunes, une étape importante de l’accès à l’autonomie et de la construction de leur propre vie. Ainsi, les logements étudiants ultramarins ne permettent de loger que 15 % des étudiants boursiers, contre 26 % au niveau national. Il n’y a aucun logement étudiant à Mayotte. Les rapporteurs estiment donc qu’il faut créer de nouvelles places, notamment en soutenant et accompagnant les projets de construction ou de rénovation en cours. ([126])
Recommandation n° 23 : créer de nouveau logements étudiants en outre‑mer, notamment en soutenant les projets de construction ou de rénovation en cours.
Recommandation n° 24 : pérenniser et revaloriser régulièrement la majoration dont bénéficient les étudiants boursiers inscrits dans une formation en outre‑mer.
Des initiatives originales sont mises en œuvre au bénéfice des étudiants, par exemple à l’université des Antilles (UA) : bourses, épiceries solidaires, aides à la mobilité (notamment entre îles), ordinateurs, logements, etc. Elles ne peuvent qu’être encouragées.
Toute action en faveur de l’amélioration des conditions matérielles des étudiants, implique néanmoins, soulignent les rapporteurs, une coopération des universités avec les Crous (en charge du logement) et les collectivités (en charge de l’aménagement et des transports). À cette fin, il semble aujourd’hui nécessaire de créer un Crous de plein exercice à Mayotte.
Recommandation n° 25 : créer un Crous de plein exercice à Mayotte.
5. La formation professionnelle et l’apprentissage
Dans des territoires où le tissu économique est essentiellement composé de très petites entreprises (TPE), l’existence d’une offre suffisante de formation professionnelle est essentielle. L’apprentissage, constituant par nature un pont entre l’enseignement et les entreprises dans des territoires où ce lien est fondamental, y joue donc un rôle particulièrement important.
De plus, à l’issue d’un apprentissage, la probabilité d’obtenir un emploi est grande, puisque la main‑d’œuvre manque. L’apprentissage permet donc de maintenir des jeunes sur le territoire par la perspective d’une embauche et d’offrir aux employeurs qui ont du mal à recruter une main‑d’œuvre locale.
Or, en outre-mer, ce secteur ne parvient pas à couvrir l’ensemble des besoins de main‑d’œuvre, les handicaps structurels des territoires – notamment l’étroitesse des marchés – ne permettant pas de proposer une offre de formation large, préparant à un grand nombre de professions. Outre les difficultés communes à l’enseignement supérieur – logement, transports, (cf. supra) – le secteur souffre également de l’obsolescence de certains plateaux techniques.
Pire : lorsque le nombre d’élèves baisse dans certains territoires, des sections ferment, y compris dans des spécialités demandées (carrelage, plomberie), alors que les professeurs sont disponibles et que les plateaux techniques existent.
Au centre de formation d’apprentis (CFA) de la chambre de métiers et de l’artisanat de Guyane, la situation est difficile, du fait, selon la présidente Vernita Blacodon, de la mauvaise gestion de l’ancienne équipe dirigeante. Les installations, dont le potentiel pourrait être considérable, sont pour la plupart obsolètes, voire vétustes. L’annexe de Saint‑Laurent‑du‑Maroni, ville où l’offre de formation est largement insuffisante, est abandonnée. Petit à petit, certains ateliers sont réhabilités. Le CFA coopère avec le service militaire adapté, l’école de la deuxième chance et France Travail.
À l’université régionale des métiers et de l’artisanat de Guadeloupe, sur le campus de Saint‑Claude, les apprentis voient dans leur formation un moyen d’accéder à l’entreprenariat, important en outre‑mer. Ils soulignent néanmoins que, au-delà d’un certain niveau de spécialisation (en pâtisserie par exemple), il est nécessaire, si la structure ne dispose pas d’enseignants qui y ont eux-mêmes suivi ce cursus, d’aller se former dans l’hexagone. Comme à l’université (cf. supra), l’expérience hexagonale est donc valorisée.
Enfin, trouver une alternance est difficile, et il semble donc nécessaire de donner une meilleure visibilité aux offres comme aux demandes.
Recommandation n° 26 : mettre en place des plateformes locales en ligne regroupant les offres et les demandes d’apprentissage.
Les employeurs, le plus souvent en TPE, manquent d’expérience d’encadrement, et leur suivi des apprentis est parfois lacunaire, voire très problématique : certains jeunes disent ne pas avoir été bien traités, et donc avoir été dégoûtés d'un métier qui était pourtant leur passion. Des patrons, en difficulté financière, prennent parfois un apprenti pour avoir un salarié et le traitent comme tel sans le former. Face à ces phénomènes, des mesures de contrôle sont donc nécessaires.
Recommandation n° 27 : organiser des contrôles réguliers des entreprises employant des apprentis par les CFA et par l’inspection du travail.
Les jeunes apprentis souhaitent également avoir la possibilité de se rendre à l’étranger dans les pays environnants.
Interrogé sur la possibilité de développer l’apprentissage transfrontalier, qui permet à un jeune d’effectuer une partie de sa formation théorique ou pratique à l’étranger, avec les États du bassin caribéen, le préfet de Martinique, Jean‑Christophe Bouvier, estime ainsi que cela correspond au souhait de beaucoup de jeunes de partir sans être dépaysés.
La Direction générale des outre-mer (DGOM) précise que ce dispositif est applicable à l'outre-mer ([127]) et permet donc à la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, d’envisager de tels apprentissages transfrontaliers avec les États environnants.
Leur mise en place suppose néanmoins la signature d’accords bilatéraux avec les États tiers, qui ne semblent pas encore exister à ce jour dans les outre‑mer. Les rapporteurs souhaitent donc que le processus permettant de signer de tels accords soir enclenché au plus vite.
Recommandation n° 28 : enclencher le processus visant à conclure des accords d’apprentissage transfrontaliers avec les États voisins des territoires ultramarins.
B. Accompagner les jeunes décrocheurs : développer les dispositifs existant
Les jeunes qui partent cachent les jeunes qui restent et qui ont tout autant besoin d’accompagnement. Parmi eux, un certain nombre sont déscolarisés et sans emploi. Pour ces jeunes que Rodolphe Alexandre, ancien président de la collectivité territoriale de Guyane (CTG) chargé d’une mission sur les perspectives professionnelles des jeunesses ultramarines, appelle les « invisibles », trouver la bonne prise en charge est essentiel.
Les interlocuteurs des rapporteurs ont souvent fait usage, pour désigner ces jeunes, de l’acronyme « NEET », qui signifie « not in education, employment or training », soit « ni en emploi, ni en études, ni en formation ».
Ces jeunes sont, comme tous les jeunes, les « forces vives » du territoire. Pour Raphaël Sanchez, président de la mission locale de Saint‑Martin, « il faut leur dire qu’on a besoin d’eux ». La nécessité de faire revenir ceux qui sont partis ne doit pas faire oublier ceux qui sont restés.
Heureusement, de nombreux dispositifs existent, que les rapporteurs ont pu visiter au cours de leurs déplacements.
1. L’école de la deuxième chance de Cayenne (E2C)
En matière d’accompagnement des élèves ou étudiants « décrocheurs », les territoires les plus jeunes présentent des initiatives intéressantes, telle l’école de la deuxième chance de Cayenne.
Ouverte en 2018 et membre du réseau des écoles de la deuxième chance, cette structure se donne pour objectif de réorienter des jeunes peu ou pas diplômés, généralement NEET, vers l’emploi ou vers une formation. L’objectif est de rendre les jeunes « embauchables ».
Il s’agit de jeunes « auxquels le fonctionnement de l’éducation nationale n’a pas convenu ». Certains sont d’anciens détenus. Pour un certain nombre de ces jeunes, en l’absence d’emploi ou de formation, « la criminalité et la drogue sont la seule possibilité ».
La structure accueille également des jeunes diplômés (master ou licence) qui ayant suivi, par dépit, des études qui ne les intéressaient pas, sont « un peu perdus ». Si cette situation concerne des jeunes qui auraient souhaité partir, des étudiants qui sont partis puis revenus tout aussi « perdus » sont également accueillis, ce qui rappelle l’importance d’un accompagnement au départ (cf. supra).
209 jeunes ont été accueillis en 2023. L’année précédente, 65 % d’entre eux avaient connu une sortie positive : formation, CDD, et quatre CDI. Ce chiffre s’est élevé à 71 % en 2023.
Les jeunes accueillis sont parfois « en mal-être, dépressifs, atteints d’un handicap mental souvent non reconnu », d’où la nécessité d’un accompagnement psychologique vers lequel ils ne seraient pas allés naturellement.
Les jeunes accueillis ont entre 18 et 29 ans ; ils doivent avoir le statut de demandeur d’emploi et être en situation régulière. L’accompagnement, qui dure entre sept mois et trois ans, se compose de modules en petits groupes. Les locaux de l’E2C comprennent aussi un jardin et une friperie, gérés et entretenus par les jeunes accueillis.
Dans un territoire marqué par un taux important de grossesses précoces, le cursus comprend également des séances de sensibilisation à la santé sexuelle et au consentement. Afin de rétablir la confiance en eux de ces « jeunes fracassés », d’autres modules portent sur le développement personnel et l’estime de soi. Après la fin de ce parcours, la structure continue de suivre ces jeunes pendant au moins un an.
Outre Cayenne, l’école de la deuxième chance a pu ouvrir un second site à Saint‑Laurent‑du‑Maroni, ville où, selon le recteur de Guyane, un tiers des bacheliers « disparaissent ». Dans un territoire aussi vaste, où il est difficile de se déplacer, il est en effet essentiel d’installer les structures d’accueil au plus près des lieux où résident les jeunes. L’ouverture de nouvelles antennes pourrait ainsi être étudiée. Dans le cas contraire, il est nécessaire de prévoir, en particulier dans les communes enclavées, des dispositifs d’information sur l’accompagnement offert par l’école de la deuxième chance, ainsi que des possibilités de transport et d’hébergement pour les jeunes souhaitant suivre le cursus proposé par cette école.
Recommandation n° 29 : accompagner l’école de la deuxième chance de Guyane dans l’ouverture d’antennes lorsque cela est nécessaire.
Recommandation n° 30 : offrir aux jeunes, qui souhaitent bénéficier de l’accompagnement de l’école de la deuxième chance mais ne résident pas à proximité, la possibilité de bénéficier de facilités en matière de transport et d’hébergement.
Si certains Drom abritent plusieurs écoles de la deuxième chance, il n’en existe qu’une seule à Mayotte et en Guyane, territoires pourtant les plus peuplés. Dans le nécessaire soutien à ces structures qui ont fait leurs preuves, ces deux territoires doivent donc bénéficier d’une attention particulière.
Recommandation n° 31 : soutenir financièrement les écoles de la deuxième chance pour leur permettre d’augmenter leurs capacités d’accueil, notamment en Guyane et à Mayotte.
Les rapporteurs se sont rendus sur le site du régiment du service militaire adapté (RSMA) de la Martinique, pour en visiter les installations et s’entretenir avec un groupe de jeunes volontaires.
Le RSMA se présente comme « un dispositif militaire d’insertion socio‑professionnelle au profit des jeunes Martiniquais âgés de 18 à 25 ans, éloignés de l’emploi » ([128]). Il est implanté en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à la Réunion, à Mayotte, en Nouvelle‑Calédonie et en Polynésie française, ainsi qu’à Périgueux en Dordogne. Il dispense à des jeunes qui s’y inscrivent volontairement un enseignement global, visant à développer le savoir‑être, le savoir‑faire et, dans un objectif d’insertion, le « savoir‑devenir ». Il se veut « une réponse ciblée au chômage, à la désocialisation, à l’illettrisme (20 % des volontaires en Martinique) et aux besoins de qualification des jeunes ultramarins », à travers un parcours d’accompagnement complet.
Le « parcours d’accompagnement SMA »
RSMA de Martinique.
Le SMA dispense une formation choisie par les jeunes accompagnés au sein d’une offre diversifiée, prenant en compte les besoins locaux et les filières en tension. Cette offre n’est néanmoins souvent pas diplômante ; une meilleure coopération avec les centres de formation d’apprentis (CFA) devrait être envisagée pour améliorer ce point.
Les rapporteurs ont pu visiter certains des plateaux techniques, très bien équipés, du RSMA, qui dispose de l’ingénierie nécessaire à l’obtention de subventions issues des fonds européens.
Le SMA revendique son succès, puisque 84 % des volontaires stagiaires ayant quitté ses unités en 2022 ont été insérés dans l’emploi (durable dans près de 60 % des cas) ou ont poursuivi une formation qualifiante ([129]).
Il s’agit donc d’une réponse efficace et particulièrement intéressante pour faire face aux difficultés des jeunes restés sur le territoire, non‑diplômés ou se réorientant après avoir obtenu un diplôme. Ainsi qu’il ressort de l’entretien, l’inscription au RSMA est notamment motivée par l’exemple positif d’aînés ayant suivi ce parcours, par la solde (environ 520 euros mensuels, auxquels s’ajoute la prime d’activité après 3 mois) et surtout par la présentation au permis B, important gage de mobilité et d’autonomie dans des territoires où les réseaux de transports publics ne sont pas satisfaisants, comme l’ont rappelé les jeunes volontaires rencontrés. Ceux‑ci sont conscients des effets positifs du RSMA dans leur parcours d’insertion, notamment du fait de l’accueil en internat. Ce parcours présente l’avantage, disent‑ils, de leur permettre de rester à proximité de leurs familles. Il leur permet de prendre ou de reprendre confiance en eux.
Les rapporteurs rappellent néanmoins que certains des volontaires sont parents d’enfants en bas âge et ne peuvent participer pleinement au programme du SMA sans une solution d’accueil adaptée pour leurs enfants. Ils appellent donc à la coopération des pouvoirs publics pour parvenir à la levée de l’ensemble des difficultés administratives et financières entravant actuellement encore les projets de construction de crèches au sein même des RSMA.
Recommandation n° 32 : favoriser la construction de crèches dans les RSMA.
Les responsables du SMA de Martinique ont évoqué le dispositif « Volontaires jeunes cadets », qui s’adresse aux jeunes décrocheurs scolaires âgés de 16 à 18 ans. Repérés par l’Éducation nationale, ces jeunes se voient proposer un accueil de trente jours perlés par an au sein du RSMA. Si les rapporteurs insistent sur le fait qu’une participation à ce dispositif ne peut relever que du volontariat, ils considèrent que celui‑ci peut permettre, en intervenant plus tôt, d’éviter des parcours de déscolarisation en remobilisant les jeunes concernés. Ils déplorent donc que celui‑ci ne soit pas réellement mis en place à ce jour, et appellent, pour y remédier, à une pleine coopération entre les rectorats et les RSMA sur l’ensemble des territoires concernés.
Recommandation n° 33 : mettre pleinement en œuvre le dispositif « Volontaires jeunes cadets ».
Les rapporteurs ont pu constater que le SMA a su, depuis sa création en 1961, se faire connaître au point de constituer un repère : un ancien volontaire du SMA sera précédé, notamment auprès de ses employeurs, d’une « bonne réputation ». Le SMA est ainsi devenu une sorte de « label » positif, à même de se substituer à celle associée à un départ vers l’hexagone (bien que certains volontaires y partent ensuite, notamment pour poursuivre leur formation). Au moment de poser leur candidature à un premier emploi, « ça change tout », déclare l’un des volontaires rencontrés. Certaines entreprises, en raison notamment de la pénurie de main‑d’œuvre dans certaines filières en tension, tel le génie climatique, viennent directement vers les RSMA pour recruter.
Le SMA est donc un outil à accompagner pour prendre en charge les jeunes restés sur les territoires et assurer leur insertion dans l’emploi.
Il est également nécessaire de communiquer à son sujet, notamment face à certaines idées reçues, qui expliquent peut‑être en partie la décrue continue du nombre des recrutements depuis 2017 : bien qu’il se déroule dans un cadre militaire, le SMA n’est pas une formation militaire. Son objectif n’est pas le « redressement » de jeunes délinquants, mais l’accompagnement vers l’insertion et l’emploi de jeunes volontaires.
Pour mettre fin à cette image du SMA et le faire connaître, leurs responsables doivent, autant que possible, se rendre dans les lycées, les missions locales, etc. pour faire connaître ce dispositif aux jeunes qui ont intérêt à en bénéficier. Cela doit notamment être le cas dans les territoires qui ne sont pas dotés eux‑mêmes d’un RSMA, tel Saint‑Martin, qui dépend de celui de la Guadeloupe.
3. Le rôle des missions locales
Les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes accompagnent les intéressés de 16 à 25 ans pour les aider à surmonter les obstacles à leur insertion sociale et professionnelle ([130]).
En outre‑mer, elles sont implantées à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, en Nouvelle‑Calédonie, à Saint Martin, à La Réunion et à Mayotte.
Leur mission consiste à :
– assurer un accompagnement global des jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus en les aidant à résoudre l’ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale ;
– favoriser la concertation entre les différents partenaires en vue de renforcer ou compléter leurs actions ;
– concourir à la mise en œuvre de l’obligation de formation prévue par l’article L. 114-1 du Code de l’éducation ;
– contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre, dans leur zone de compétence, d’une politique locale concertée d’insertion professionnelle et sociale des jeunes ;
– participer au repérage des situations qui nécessitent un accès aux droits sociaux, à la prévention et aux soins et orienter les jeunes vers des services compétents.
Cet accompagnement se fait sous la forme de divers dispositifs, principalement le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (contrat Pacea), d’une durée maximale de vingt‑quatre mois, que le jeune accompagné, après un diagnostic initial, signe avec la mission locale.
Selon l’union nationale des missions locales, qui dispose d’une commission dévolue aux outre‑mer, le rôle de ces structures, qui ont pour objectif de « réinscrire les jeunes accompagnés dans une dynamique de qualification et d’insertion » est primordial dans ces territoires. Ses représentants reconnaissent néanmoins qu’il est nécessaire de « créer des liens entre les missions locales ».
Les rapporteurs ont rencontré Jean-Michel Loutoby, directeur de la mission locale Nord Martinique, dont ils saluent le volontarisme et l’esprit d’initiative pour accompagner les jeunes dans l’accès à l’emploi, mais aussi à la culture, à l’entreprenariat, etc.
À Saint‑Martin, où la mission locale est de création récente, son président, Raphaël Sanchez, explique que cinq cents jeunes y ont déjà été accueillis. Leur sont proposés des ateliers portant sur l’estime de soi, les entretiens d’embauche, etc. Sur ce petit territoire binational marqué par l’immigration, beaucoup de jeunes ne parlent pas le français ou sont en situation irrégulière.
Malheureusement, selon le préfet de Martinique, Jean‑Christophe Bouvier, « les missions locales ne s’entendent pas entre elles ». Alors même qu’il en existe trois sur ce territoire, elles n’offrent pas toutes les mêmes services, n’ont pas toutes noué les mêmes partenariats avec les autres structures et n’ont pas le même fonctionnement, ce qui laisse craindre, pour un jeune, que la qualité de sa prise en charge dépende de son lieu de résidence. Pour les rapporteurs, une rationalisation est donc indispensable.
Recommandation n° 34 : sur chaque territoire, harmoniser le statut administratif des missions locales ultramarines sous l’égide d’une entité unique.
Recommandation n° 35 : conclure les partenariats des missions locales ultramarines avec les autres acteurs (Ladom, RSMA, etc.) au niveau de chaque territoire, et non plus de chaque mission locale.
4. Une coordination indispensable, mais inexistante
Toute prise en charge doit être individuelle et adaptée à la personnalité, à la situation et aux souhaits de la personne accompagnée. La pluralité des dispositifs d’accompagnement des jeunes en difficulté est donc une chance : SMA, E2C, mission locale, etc. n’ont pas la même nature, les mêmes objectifs, le même fonctionnement.
Néanmoins, cette pluralité implique nécessairement une coordination entre l’ensemble de ces dispositifs, pour identifier la structure la mieux à même de convenir à la personne à accompagner. Ces structures doivent donc constituer un « écosystème » global et cartographié à même de guider chaque jeune vers le dispositif le plus susceptible de l’aider.
Cela implique, pour chaque structure, de savoir reconnaître qu’un jeune qui se présente à elle serait mieux accueilli par un autre organisme et de l’orienter en conséquence.
De l’aveu de plusieurs interlocuteurs, cette coordination n’existe malheureusement pas, certains acteurs demeurant dans une logique de concurrence : « chacun veut garder ses financements et afficher des sorties positives », ont ainsi pu entendre les rapporteurs. Quant aux jeunes, selon Rodolphe Alexandre, ils passent parfois d’un dispositif à l’autre sans rejoindre le monde du travail. Cette difficulté est renforcée par la diversité des montants des aides versées, en fonction de la structure porteuse (RSMA, mission locale, collectivité, etc.).
Pour mettre fin à un tel état d’esprit, l’obligation, pour chaque structure, de coopérer avec les autres devrait être inscrite dans les conventions passées entre elle et ses financeurs.
Recommandation n° 36 : inscrire dans les conventions liant les structures d’accueil à leurs financeurs l’obligation pour elles de coopérer avec les autres organismes.
La coordination entre structures pourrait en outre prendre la forme, dans chaque territoire, d’un comité de pilotage commun aux différents organismes d’accueil et d’insertion se réunissant régulièrement sous l’égide de la préfecture.
En Martinique toutefois, où un tel comité de pilotage a déjà été mis en place par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets), il n’est pour l’instant, selon plusieurs interlocuteurs, pas efficace.
Recommandation n° 37 : mettre en place, dans chaque territoire, un comité de pilotage de l’aide aux jeunes NEET regroupant l’ensemble des acteurs.
En outre, les rapporteurs proposent que ce comité de pilotage désigne, en son sein, un représentant au comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop).
IV. Un nouveau regard : pour une vraie politique publique du « retour au pays »
Le souhait de revenir est très largement partagé mais trop souvent entravé, alors que ces retours contribuent au dynamisme et à l’attractivité des territoires.
Il est donc désormais temps de mettre en place une véritable politique publique de l’aide au retour, en s’inspirant des initiatives déjà existantes.
En effet, « compte tenu du nombre important de départs de néobacheliers et du caractère restreint des territoires ultramarins, une politique publique d’installation professionnelle dans les outre-mer doit se structurer » ([131]).
A. Ce que « revenir au pays » signifie : les résultats de l’enquête MFV2
Les ultramarins qui partent pensent déjà au retour, même quand ce projet ne se réalise ensuite pas.
L’enquête MFV2 (cf. supra) révèle en effet que les ultramarins qui envisagent de partir conditionnent souvent ce projet à la possibilité d’un retour : c’était le cas, en 2020, pour 63 % des Guadeloupéens, 55 % des Martiniquais et 50 % des Guyanais. À La Réunion, où les départs sont moins « systématiques », ce taux est de 49 %.
Encore faut‑il avoir les moyens de rentrer, puis de rester. À cet égard, l’enquête MFV2 apporte également des indications précises sur les raisons pour lesquelles les ultramarins rentrent dans leur territoire d’origine, mais aussi sur les obstacles qu’ils rencontrent dans la réalisation de ce projet, qui sont autant de raisons invitant à y renoncer.
1. Les raisons du retour : revenir « au pays ».
Le souhait de retrouver leur famille et leurs amis est cité par les ultramarins comme première motivation de leur retour : 29 % des Guadeloupéens, 27 % des Martiniquais et 31 % des Réunionnais l’évoquent. Le mal du pays est aussi régulièrement mentionné, par 22 % des Guadeloupéens, 23 % des Martiniquais et 19 % des Réunionnais. Enfin, et de façon plus prononcée pour les femmes, des motifs familiaux peuvent être à l’origine de la décision du retour : c’est le cas pour 25 % des femmes et 12 % des hommes guadeloupéens, 19 % des femmes et 11 % des hommes martiniquais, 26 % des femmes et 15 % des hommes réunionnais.
Toutefois, ces différentes raisons sont autant d’expressions lien avec le territoire d’origine : on rentre « chez soi », « au pays ». On retrouve, à travers sa famille, sa culture, ses racines, sa langue.
Vouloir revenir n’est pas un acte anodin : pour un ultramarin, explique Rodolphe Alexandre, « vouloir rentrer au pays est un acte culturel, identitaire, militant ». C’est la volonté de faire vivre son territoire d’origine, de le valoriser, et de lui apporter ses compétences – une volonté présente, avant même tout départ, dans l’esprit de nombreux jeunes rencontrés par les rapporteurs (cf. supra).
Principales raisons du retour des Réunionnais…
…qui souhaitent rentrer
…qui sont rentrés
Source : association « Réunionnais de retour au péi ».
De la même manière que le départ est difficile, le retour l’est aussi. Rentrer – comme partir – coûte cher, et est d’autant plus difficile que le séjour hors du territoire a duré longtemps. Les ultramarins qui rentrent se confrontent aux difficultés présentes sur le territoire, qui sont aussi celles qui motivent un certain nombre de départs – coût de la vie, chômage, manque d’infrastructures, etc.
Les difficultés que les ultramarins disent avoir rencontrées lors de leur retour concernent notamment :
– la recherche d’emploi (42 % en Guadeloupe, 38 % en Martinique) : les personnes auditionnées rappellent que les salaires sont moindres en outre‑mer ([132]), alors que le coût de la vie y est plus élevé ;
– la réadaptation aux habitudes locales (19,5 % en Guadeloupe, 32 % en Martinique) ;
– la difficulté à trouver un logement (17 % en Guadeloupe, 9 % en Martinique) : il y en a peu, les loyers sont élevés, et l’acquisition ou la location d’un logement en amont du retour, donc à distance, est difficile à gérer, notamment en ce qui concerne les démarches auprès des banques ;
– le coût du retour : un déménagement de l’hexagone vers les outre‑mer coûte entre 2 000 et 4 000 € et dure entre trois et huit semaines ([133]) ;
– les démarches administratives (15,5 % en Martinique) ;
– les relations avec l’entourage professionnel et personnel.
Concernant La Réunion, les raisons citées sont similaires :
Principaux freins au retour cités par les personnes souhaitant rentrer
Source : association « Réunionnais de retour au péi ».
Ces mêmes raisons peuvent dissuader ceux qui sont partis de rentrer :
Principaux freins au retour cités par ceux qui ne souhaitent pas rentrer
Source : association « Réunionnais de retour au péi ».
Au-delà de ces chiffres, les rapporteurs ont beaucoup entendu que le retour se complexifiait à mesure que l’absence du territoire se prolongeait : on part dans l’hexagone, d’abord, pour étudier, puis pour travailler, et l’on se met en couple, puis l’on fonde une famille… Si certains disent que le départ a renforcé leur identité ultramarine, le retour devient ainsi de plus en plus complexe avec ces nouvelles attaches, même quand il reste un projet vivement souhaité.
Le « portrait type » du Réunionnais ayant quitté le territoire, qu’il soit rentré ou non, établi par l’association « Réunionnais de retour au péi » révèle ainsi à quel point les retours se font, en général, bien après les départs :
Profil type des répondants à l’enquête sur le retour
Source : association « Réunionnais de retour au péi ».
Ces éléments étant désormais connus, il est nécessaire, pour faciliter les retours, d’inventer de nouvelles politiques publiques pour accompagner les ultramarins dans leur projet. Ceux‑ci, en effet expriment clairement le besoin d’un accompagnement global.
B. Changer de mentalité sur l’aide au retour
Aujourd’hui, l’accompagnement au retour reste encore largement perçu comme une question financière, alors qu’il est nécessaire d’avoir une approche plus large.
1. La continuité territoriale n’est pas une aide au retour
Définie dans le code des transports ([134]) et gérée par l’agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), la continuité territoriale consiste à proposer aux ultramarins des dispositifs destinés à atténuer les coûts inhérents à l’éloignement géographique de ces territoires.
Ces dispositifs peuvent être mobilisés pour partir du territoire ou pour y revenir. C’est notamment le cas du « passeport pour la mobilité des études » (PME), qui a pour objet le financement d'une partie des titres de transport des étudiants inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur hexagonal pour suivre un cursus qu’ils ne peuvent suivre dans leur collectivité de résidence.
Nombre de bénéficiaires du dispositif « Passeport pour la mobilité des études »
en 2023
Source : Ladom, Rapport d’activité 2023.
Un dispositif similaire existe en matière de formation professionnelle, pour suivre un stage professionnel, ou encore pour passer les oraux des concours de la fonction publique.
L’aide la plus générale, l’aide à la continuité territoriale, est une réduction accordée, sous condition de ressources et tous les trois ans, sur les billets d’avion permettant d’aller dans l’hexagone et d’en revenir, notamment dans le cadre familial.
Si ces dispositifs sont nécessaires pour compenser l’éloignement géographique des territoires ultramarins et donner à leurs habitants accès à des études ou des formations qui n’existent pas dans leur territoire d’origine, ils ne prennent pas en compte la question du retour, qui demeure un angle mort. Les parcours de vie entre les outre‑mer et l’hexagone sont perçus davantage sous l’angle de ce que les ultramarins peuvent venir chercher dans l’hexagone que sous celui de ce qu’ils peuvent apporter à leur territoire d’origine.
De plus, ces dispositifs se limitent encore largement à des aides financières. En matière d’études par exemple, à l’exception du programme « Cadres d’avenir » (cf. infra), le nécessaire accompagnement global des étudiants ultramarins qui se rendent dans l’hexagone n’existe pas.
2. Un dispositif d’aide au retour des étudiants inappliqué ?
Certains auditionnés ont rappelé les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 1803‑2 du code des transports, aux termes duquel : « Le fonds de continuité territoriale peut financer des aides et des mesures destinées à faciliter le retour des résidents ultramarins dans leur collectivité d'origine dans les cinq ans suivant l'accomplissement d'une période de formation en mobilité ». Cette possibilité n’est pas connue et ne semble faire l’objet d’aucune promotion particulière sur le site internet de Ladom. Les rapporteurs estiment qu’il est nécessaire de permettre au plus grand nombre d’en avoir connaissance et d’en bénéficier.
Recommandation n° 38 : concrétiser l’aide au retour prévue au troisième alinéa de l’article L. 1803‑2 du code des transports.
C. Le rôle des collectivités et des associations dans l’accompagnement des retours
Ceux qui souhaitent rentrer expriment le besoin, face aux multiples difficultés auxquelles ils sont confrontés (cf. supra), de disposer d’un accompagnement global :
« Quel type d’aide souhaiterais‑tu avoir pour ton retour ? » |
« Quel type d’aide aurais‑tu souhaité avoir pour ton retour ? » |
Source : Association « Réunionnais de retour au péi ».
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En l’absence d’une action suffisante de l’État dans l’accompagnement des retours, des dispositifs ont été développés par certaines collectivités territoriales et associations.
1. Par les collectivités territoriales
À Saint‑Martin, le président de la collectivité territoriale, Louis Mussington, souligne l’importance d’un accompagnement global du retour, englobant le travail, le logement, les démarches bancaires, etc.
Dans cet esprit, la collectivité territoriale de Martinique (CTM) a créé une « Maison du retour et de la famille ». Installée dans les locaux de la collectivité, cette structure propose un accompagnement personnalisé aux Martiniquais installés dans l’hexagone qui souhaitent rentrer dans leur territoire d’origine. Ceux‑ci bénéficient de la prise en charge des billets de retour et du déménagement. Ils perçoivent également une aide financière, qui couvre les trois premiers mois de loyer.
Rencontré en décembre 2023, peu après la création de cette Maison, le président de la CTM, Serge Letchimy, annonçait avoir reçu 300 dossiers de demande d’accompagnement. En un an, cette structure avait accompagné 148 familles ([135]).
Une telle démarche ne peut qu’être saluée. Il serait intéressant d’en évaluer les résultats, pour que les collectivités qui le souhaitent puissent créer, dans les autres territoires concernés, des structures similaires.
Créée en 2020 par des Réunionnais ayant vécu le retour, l'association « Réunionnais de retour au péi » a pour objectifs de faciliter, défendre et promouvoir le retour à La Réunion des personnes ayant quitté le territoire. Elle met donc en place des dispositifs d’accompagnement et de transfert d’expérience, à travers des groupes d’entraide, un dispositif de mentorat, ou une « CV-thèque ». Elle souhaite mettre en place un « tiers‑lieu » consacré au retour, comprenant un logement de transition que pourraient occuper les Réunionnais de retour le temps de trouver un logement définitif. Elle réalise en outre des enquêtes visant à disposer d’informations précises sur les retours.
En Martinique, l’association « Alé viré » (« allez et retournez ») propose elle aussi un accompagnement d’envergure des candidats au retour. Elle dispose notamment d’un « logement de transition » permettant de disposer de temps pour accomplir les différentes démarches.
Une association similaire, appelée « Alé vini » (« allez et venez »), existe également en Guadeloupe.
Ces associations permettent ainsi aux candidats de disposer de nombreuses informations pour concevoir le projet d’envergure qu’est un « retour au pays », et de recevoir l’accompagnement global qui correspond à leur besoin.
D. De nouveaux dispositifs publics qui amorcent un changement de perspective
S’il n’existe toujours pas de véritable politique publique d’aide au retour, certains dispositifs novateurs ont vu le jour, même s’ils n’en sont encore qu’à leurs débuts.
1. Le programme « cadres d’avenir »
Créé en octobre 2023 ([136]), le programme « Cadres d’avenir » marque un changement de regard : prenant en compte le fait que nombre de départs se font, pour des études, par des ultramarins qui pensent déjà au retour et souhaitent mettre les connaissances qu’ils auront acquises au service de leur territoire, il associe, dès l’origine, projet de départ et projet de retour. Il met aussi en œuvre la nécessité d’un accompagnement des départs.
Ce programme expérimental de « formation en mobilité des cadres », qui s’inspire d’un dispositif en œuvre à Mayotte depuis 2018 et de dispositifs existant en Nouvelle‑Calédonie et à Wallis‑et‑Futuna, a pour objectif d’accompagner le parcours universitaire d’étudiants ultramarins à haut potentiel, partant dans l’hexagone pour y suivre des filières inexistantes ou saturées dans leur territoire d’origine.
Cet accompagnement prend la forme :
– d’une aide financière au déplacement ;
– d’une aide financière à l’installation ;
– d’une indemnité mensuelle.
Surtout, cette aide matérielle s’accompagne d’un suivi administratif, pédagogique et psychologique des bénéficiaires. Est ainsi reconnue la difficulté que représente, pour un étudiant ultramarin, le départ dans l’hexagone.
Les participants, résidant en outre‑mer, sont sélectionnés, sous condition de ressources, sur la base d’un projet professionnel, à condition que ce projet concerne un métier ou un secteur d'activité en difficulté de recrutement et participant au développement économique et social de la collectivité ; la liste de ces secteurs d’activité est fixée, dans chaque territoire, par le représentant de l’État ([137]). Les jeunes ainsi sélectionnés s’engagent à retourner dans leur collectivité d'origine dans les huit mois suivant la fin du programme de formation, à y rechercher activement un emploi correspondant au diplôme obtenu et à y exercer leur activité professionnelle pendant une durée comprise entre trois et cinq ans. Ce retour fait également l’objet d’un accompagnement.
Le programme est pour l’instant en œuvre en Guadeloupe, à Saint-Martin et en Martinique. Il devrait être étendu à la Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon à compter de 2025.
Les rapporteurs saluent ce programme novateur et prometteur. Ils souhaitent qu’une évaluation de ses résultats soit réalisée et publiée dès que possible, et régulièrement renouvelée.
Recommandation n° 39 : réaliser régulièrement une évaluation du programme « Cadres d’avenir ».
2. Ladom, passeport pour le retour
L’article 236 de la loi de finances pour 2024 a complété les missions de Ladom en créant un nouveau dispositif, dénommé « passeport pour le retour » ([138]). Ce nouveau dispositif dépasse la simple vision d’une aide à la continuité territoriale, puisqu’il consiste en un financement de tout ou partie du coût des titres de transport nécessités par un projet individuel d’installation professionnel en outre‑mer, ainsi qu’en un versement d'une allocation d'installation.
Après de vives controverses sur le champ d’application de ce dispositif afin qu’il permette effectivement le « retour au pays » des ultramarins partis dans l’hexagone, son bénéfice a été limité aux personnes ayant bénéficié des aides à la continuité de Ladom versées lors de la poursuite d’études hors du territoire d’origine, notamment le « passeport pour la mobilité des études » (PME).
Ce dispositif répond en partie aux difficultés liées au coût d’un « retour au pays ». Sa mise en œuvre nécessite néanmoins l’adoption d’un décret, qui ne semble pas encore avoir été publié à ce jour ([139]).
Recommandation n° 40 : publier le décret d’application nécessaire à la mise en place du « passeport pour le retour ».
V. Les conséquences pour l’emploi
A. La délicate question de la préférence locale
La question de la possibilité d’octroyer à une personne originaire d’un territoire ultramarin une priorité d’accès aux emplois dans ce territoire par rapport à ceux qui n’en sont pas originaires est très délicate. Elle se heurte en effet, de prime abord, au principe constitutionnel d’égalité ([140]) comme, s’agissant de la fonction publique, à celui de l’égal accès aux emplois publics ([141]).
Elle n’en est pas moins régulièrement invoquée, par exemple dans le cadre des projets d’évolutions institutionnelles en cours de discussion en Martinique et en Guadeloupe ([142]).
Interrogé sur le sujet, le juriste Mathieu Carniama, auteur d’une thèse consacrée à la préférence locale ([143]), souligne que l’ordre juridique français n’y est pas nécessairement rétif. Des mesures de préférence locales existent notamment en Nouvelle‑Calédonie, et peuvent être mises en place dans les COM dotées de l’autonomie, sur la base de l’article 74 de la Constitution. Dans les Drom, certaines mesures relatives à la fonction publiques relèvent de la préférence locale (cf. infra). Mathieu Carniama invite donc à porter un nouveau regard sur cette notion, qui peut, dans le respect des principes constitutionnels, apporter des solutions utiles aux ultramarins comme à leurs territoires.
B. Le cas particulier de la fonction publique
1. La place particulière de la fonction publique dans les parcours migratoires des ultramarins
Pour les ultramarins arrivés dans l’hexagone dans le cadre du Bumidom et ayant intégré la fonction publique, les emplois qu’ils y occupaient, s’ils étaient peu qualifiés, représentaient néanmoins un espoir de réussite. Ils permettaient en outre à leurs titulaires d’éviter le racisme auquel ils faisaient souvent face dans le secteur privé. De plus, ce statut de fonctionnaire renvoyait à un certain prestige social qui en renforçait l’attractivité.
« Quand j’étais jeune, au pays, j’entendais mes parents qui disaient, mes grands-parents, enfin, la famille, les amis, qu’il faut être fonctionnaire. C’était la seule façon de vous insérer socialement dans cette société française ([144]). »
Malgré tout, dans les années 1970, la majorité des fonctionnaires originaires des outre‑mer se trouvaient dans l’impossibilité de revenir dans leurs départements d’origine, du fait de la faiblesse de leurs rémunérations ([145]). Afin de leur permettre de maintenir les liens avec leur territoire d’origine et leurs familles, l’État mit en place, en 1978, les congés bonifiés. Ce dispositif, accordé au fonctionnaire originaire d’un outre-mer tous les trois ans, permettait un allongement de ses congés ainsi qu’une prise en charge des frais des transports (y compris des familles). Ce « retour au pays en famille », pris en charge par l’État, durait deux mois ([146]), mais ne remplaçait pas un retour définitif, qui n’arrivait souvent qu’avec la retraite.
Aujourd’hui, la fonction publique demeure très attractive pour les ultramarins installés dans l’hexagone. Elle est synonyme de stabilité, garantit une progression salariale au rythme de l’avancement et offre une protection contre les discriminations. D’autre part, les réseaux d’interconnaissance ultramarins dans l’hexagone favorisent l’insertion des nouveaux arrivants dans la fonction publique. Ces différents facteurs font que, aujourd’hui, le taux d’emploi public dans l’hexagone est plus élevé pour les ultramarins que pour les hexagonaux : dans l’hexagone, en proportion, les ultramarins occupent plus d’emplois publics que les hexagonaux. Mais ce taux est aussi supérieur à celui des ultramarins vivant dans leurs départements d’origine : les ultramarins vivant dans l’hexagone occupent, en proportion, plus d’emplois publics que ceux qui sont restés dans leurs territoires d’origine. ([147])
Part des actifs occupés dans le secteur public,
en fonction du lieu d’emploi et du lieu de naissance
2. Les territoires ultramarins ont besoin de fonctionnaires qualifiés
Pour Marine Haddad, dans la fonction publique en outre‑mer, il faut « lutter contre la surévaluation de l’expérience métropolitaine » lorsqu’elle est moins pertinente, pour le poste occupé, que la bonne connaissance du territoire. Les territoires ultramarins ont en effet besoin de fonctionnaires qui les connaissent, s’y impliquent et n’y sont pas que « de passage ». Le principe de la mobilité est souvent invoqué pour justifier que les fonctionnaires ultramarins ne restent pas sur leur territoire, notamment au nom de la lutte contre les conflits d’intérêts. Pour Mathieu Carniama, toutefois, ce principe, qui n’a pas de valeur constitutionnelle, est moins important que le « principe de proximité ».
Cela implique de pouvoir « faire émerger une élite administrative locale » ([148]), en permettant aux ultramarins de se préparer aux concours de la fonction publique et à ceux qui sont déjà fonctionnaires de revenir, lorsqu’ils le souhaitent, dans leur territoire d’origine.
Comme l’indique le président de l’Université des Antilles, les besoins de main‑d’œuvre des organismes publics ultramarins sont en effet réels, qu’il s’agisse des services fiscaux ou encore des tribunaux administratifs. Une classe « Prépa talents » existe d’ailleurs dans cet établissement, préparant aux concours de catégorie A des instituts régionaux d’administration et de la fonction publique territoriale.
Si les fonctionnaires ne peuvent être choisis que d’après « leurs vertus et leurs talents », certaines de leurs compétences, comme certains des éléments révélant un lien spécifique avec un territoire ultramarin, peuvent être pris en compte pour leur permettre d’accéder plus facilement à un emploi public dans le territoire en question. Ces dispositifs, censés permettre de favoriser le « retour au pays » des fonctionnaires ultramarins, ne sont néanmoins pas satisfaisants.
a. La priorité légale d’affectation sur la base des CIMM : une amélioration récente encore insatisfaisante
Les fonctionnaires originaires d’un territoire d’outre‑mer et travaillant dans l’hexagone souhaitent, de longue date, que leur identité ultramarine soit prise en compte lorsqu’ils postulent à un poste dans leur territoire d’origine, dans une démarche de « retour au pays ».
Afin de matérialiser cet attachement particulier à un territoire, la notion de centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) a été progressivement élaborée par la jurisprudence administrative, pour évaluer le lien particulier unissant un fonctionnaire à un territoire afin de lui accorder, en conséquence, des droits spécifiques. La première mention de cette notion remonte à 1978. Toutefois, sa première définition positive a été formulée dans l’avis du Conseil d’État n° 328510 du 7 avril 1981, portant sur le bénéfice de l’indemnité d’éloignement :
« Pour apprécier où se trouve le centre des intérêts d'un fonctionnaire, il peut, en effet, être tenu compte du lieu de résidence des membres de sa famille, de leur degré de parenté avec lui, de leur âge, de leurs activités, et le cas échéant de leur état de santé, ainsi que du lieu où le fonctionnaire est, soit propriétaire ou locataire de biens fonciers, soit titulaire de comptes bancaires, de comptes d'épargne ou de comptes-postaux, et de la commune où il paye certains impôts, en particulier l'impôt sur le revenu. D'autres éléments d'appréciation peuvent être retenus, parmi lesquels le lieu de naissance de l'agent, son domicile civil avant son entrée dans l'administration, les affectations professionnelles ou administratives qui ont précédé son affectation actuelle, son lieu d'inscription sur les listes électorales, l'octroi d'un congé bonifié en exécution de l'article 3 du décret susvisé du 20 mars 1978, ou à un congé administratif, sous l'empire de la réglementation antérieure à ce décret. »
L’analyse de l’ensemble de ces critères permet de caractériser la localisation des CIMM d’un fonctionnaire dans un territoire d’outre‑mer, et ainsi de lui ouvrir l’accès à des droits spécifiques, notamment les congés bonifiés et l’indemnité temporaire de retraite (instituée par la loi de 1984 relative à la fonction publique) ([149]).
La loi pour l’égalité réelle outre‑mer de 2017 ([150]) est néanmoins allée plus loin, en faisant des CIMM le support d’une priorité légale d’affectation. Ainsi, tous les fonctionnaires de l’État se voyant reconnaître des CIMM dans un territoire d’outre-mer bénéficient, à compétences égales, par rapport aux autres fonctionnaires, d’une priorité légale d’affectation s’ils font acte de candidature pour un poste dans ce territoire ([151]).
ii. Critiques et limites des CIMM
Malgré cette avancée, l’extension apportée par la loi Erom présente un bilan mitigé, et fait donc l’objet de nombreuses critiques portant sur les critères et l’efficacité du dispositif, émanant de parlementaires et de l’administration.
Olivier Serva, député de Guadeloupe, a ainsi exprimé ses réserves sur les critères d’appréciation des CIMM, qu’il juge parfois inadaptés ou inégalitaires. En effet, selon lui, des éléments comme le lieu de naissance des enfants ou l’inscription sur les listes électorales ne reflètent pas nécessairement un attachement à une région d’outre-mer. La crainte ainsi exprimée est que les CIMM puissent permettre à des fonctionnaires qui n’en sont pas originaires d’obtenir une mutation dans un territoire ultramarin, au détriment d’autres fonctionnaires qui en sont originaires. ([152])
La direction générale de l’administration et de la fonction publique a également souligné les incohérences liées à une absence d’harmonisation dans l’application des critères ([153]). Chaque ministère fixait ses propres critères prioritaires ou obligatoires à partir desquels s’opérait une appréciation en faisceau d’indices, ce qui entraînait des disparités dans le traitement des demandes de mutation. De plus, le dispositif ne s’appliquait qu’aux mutations et non aux premières affectations après concours, limitant son efficacité.
Face à ce constat, l’intégration de ce dispositif dans le code général de la fonction publique et l’établissement d’une méthodologie claire pour son application ont été proposés, notamment pour pallier le faible taux de satisfaction des demandes de mutation liées aux CIMM, estimé à seulement 28 % en 2023 ([154]).
De plus, le jeu des mutations ne joue qu’au sein du vivier de postes déjà existant. Ce vivier, en outre‑mer, n’est pas infini, le nombre de postes étant d’autant plus réduit que le niveau hiérarchique est élevé. Des stratégies de ralentissement volontaire de leur propre carrière par des fonctionnaires ultramarins souhaitant rentrer ont ainsi pu être observées.
iii. Les réponses apportées par la circulaire d’août 2023
En réponse à ces critiques, une circulaire en date du 2 août 2023 a apporté des précisions quant à la reconnaissance des CIMM, dans une démarche d’harmonisation ([155]).
Une liste de seize critères non exhaustifs a ainsi été établie, étant entendu que ceux-ci ne sont pas nécessairement cumulatifs et que l’absence d’aucun d’entre eux ne peut être considérée comme rédhibitoire ; la logique du faisceau d’indices est donc maintenue. Ces critères peuvent être combinés, en fonction des circonstances propres à chaque cas, sous le contrôle de la juridiction compétente.
Les critères d’appréciation de la localisation des CIMM
1) le lieu de naissance de l’agent ;
2) le lieu de naissance des enfants ;
3) le lieu de résidence avant l’entrée dans l’administration ;
4) le lieu de résidence des père et mère ou, à défaut, des parents les plus proches (grands-parents, frères, sœurs, enfants) ;
5) le lieu de résidence des membres de la famille de l’agent (notamment grands-parents, frères, sœurs, enfants), leur degré de parenté avec l’agent, leur âge, leurs activités, et le cas échéant leur état de santé ;
6) le cas échéant, le lieu de sépulture des parents les plus proches ;
7) le lieu d’implantation des biens fonciers dont l’agent est propriétaire ou locataire ;
8) le lieu où l’agent est titulaire de comptes bancaires, d’épargne ou postaux ;
9) la commune où l’agent s’acquitte de certains impôts, en particulier l’impôt foncier ou l’impôt sur le revenu ;
10) le lieu d’inscription de l’agent sur les listes électorales ;
11) les études effectuées sur le territoire considéré par l’agent et/ou ses enfants ;
12) les affectations professionnelles ou administratives qui ont précédé l’affectation actuelle ;
13) la fréquence des voyages que l’agent a pu effectuer vers le territoire considéré ;
14) la durée des séjours dans le territoire considéré ;
15) la fréquence des demandes de mutation vers le territoire considéré ;
16) le bénéfice antérieur d’un congé bonifié.
La circulaire introduit également la portabilité des CIMM entre les différents services de l’État à partir de sa reconnaissance, garantissant ainsi une continuité des droits pour les fonctionnaires concernés.
Il apporte aussi une clarification sur la durabilité des CIMM. Les CIMM reconnus sur la base de trois critères irréversibles (tels que la propriété foncière ou l’existence de liens familiaux durables) sont considérés comme définitifs. Les autres reconnaissances de CIMM sont valides pour une durée minimale de six ans, avant un éventuel réexamen.
Ces mesures visent à rendre le dispositif plus équitable et à renforcer la reconnaissance des situations spécifiques des fonctionnaires ultramarins.
iv. Des adaptations restent nécessaires
Malgré tout, les demandes d’harmonisation ne sont pas encore totalement satisfaites. Interrogée par les rapporteurs, la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a ainsi reconnu que la mise en place d’un barème commun entre les ministères, permettant d’apprécier de pondérer chaque critère de manière identique, n’était pas envisagée. S’il est justifié par la volonté d’apprécier particulièrement chaque demande, ce refus implique aussi que deux dossiers identiques peuvent obtenir des réponses différentes en fonction des ministères.
« L’élaboration d’un barème partagé nécessitait de partir du principe qu’un critère doit toujours être apprécié de la même manière, quel que soit le contexte de la demande, ce qui serait complexe. Si une telle approche simplifierait certainement le traitement des situations les plus fréquentes, elle ne permettrait pas d’apprécier correctement les demandes de mobilité qui relèvent de situations très variées. »
De plus, certaines situations ne sont pas encore prises en compte, telle le fait d’être tuteur ou curateur d’une personne installée en outre‑mer.
Recommandation n° 41 : inclure dans les critères des CIMM le fait d’être tuteur ou curateur d’une personne domiciliée en outre‑mer.
La situation du conjoint, lorsqu’il est fonctionnaire, n’est pas non plus prise en compte. En effet, comme le rappelle la DGAFP, « les demandes de mobilité sont individuelles », chaque conjoint déposant sa propre demande de reconnaissance de son CIMM. Cela peut aboutir à des situations dans lesquelles l’un se voit reconnaître que son CIMM est bien situé en outre-mer, mais pas l’autre, alors même que de nombreux critères concernent l’ensemble de la famille du fonctionnaire.
Recommandation n° 42 : mettre en place une procédure permettant d’examiner conjointement les demandes de bénéfice, sur un même territoire, des CIMM par les deux membres d’un couple de fonctionnaires.
b. La maîtrise des langues régionales : un « talent » utile
Lorsque la langue est une des compétences requises pour l’exercice d’un poste et que cela figure explicitement dans l’appel à candidature, son degré de maîtrise peut être pris en compte pour le recrutement.
Pour Mathieu Carniama néanmoins, cette compétence doit être prise en compte dès le recrutement : il rappelle qu’une épreuve de langue régionale a existé pour le concours d’entrée aux instituts régionaux d’administration (IRA), qui forment les fonctionnaires de catégories A du corps des attachés d’administration de l’État, actifs dans l’ensemble des territoires, qu’ils soient hexagonaux ou ultramarins ([156]).
Interrogés sur cette question, les responsables de la DGAFP, s’ils estiment « qu’il n’apparaît pas opportun de créer une épreuve de langue régionale au concours d’entrée » pour des corps généralistes, indiquent néanmoins que « si cette option devait être envisagée, elle prendrait nécessairement la forme d’une épreuve facultative […] et ne pourrait être limitée aux seules langues régionales ultramarines, afin de ne pas favoriser les candidats locaux et ainsi créer une rupture d’égalité. »
Recommandation n° 43 : généraliser les épreuves de langues régionales dans les concours de la fonction publique, notamment celui des IRA.
c. Les concours nationaux à affectation locale : un dispositif à étendre
Créés par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, les concours nationaux à affectation locale (Cnal) permettent de recruter des fonctionnaires dans des corps nationaux en prévoyant qu’ils seront affectés dans une ou plusieurs circonscriptions administratives déterminées. Aux termes de l’amendement ayant introduit ce dispositif, porté par Olivier Serva et Stéphane Claireaux, la loi « permet aux candidats s’inscrivant aux concours […] de connaître en amont le territoire dans lequel ils seront affectés en cas de réussite […], ce qui permet de mieux répondre aux besoins de recrutement dans les zones peu attractives ». Ainsi, le dispositif « constitue une réponse particulièrement adaptée aux enjeux spécifiques de recrutement des collectivités ultramarines ». Dans ces territoires, en effet, l’amendement met fin au paradoxe conduisant à ce que les fonctionnaires qui veulent rester partent et les fonctionnaires qui veulent revenir n’y arrivent pas.
Depuis 2020, 46 concours nationaux à affectation locale ont été ouverts dans divers corps (ex : surveillant de l’administration pénitentiaire, gardien de la paix, professeurs certifiés, etc.) soit environ 1 800 postes chaque année.
L’arrêté du 11 septembre 2020 ([157]), qui en régit l’organisation, prévoit qu’ils peuvent être organisés pour plusieurs corps spécifiques de catégorie A. Néanmoins, cet arrêté ne s’applique pas aux corps généralistes, notamment celui des attachés d’administration de l’État ([158]). La DGAFP justifie cela par l’absence de difficultés de recrutement dans ces corps et par l’existence de postes en outre‑mer parmi ceux offerts, par exemple, aux élèves des IRA.
De plus, les Cnal ne peuvent être utilisés que dans deux situations : en cas de difficultés particulières à pourvoir les emplois relevant du corps concerné ou s’il n’est pas dans l’intérêt du service que le concours soit organisé de manière déconcentrée (notamment si le nombre de postes offerts est trop faible).
Les rapporteurs considèrent que la nécessité de maintenir les fonctionnaires ultramarins dans leurs territoires justifie, dans le respect du principe d’égalité d’accès aux emplois publics, d’élargir les critères des Cnal pour permettre d’en organiser, dans ces territoires, dans les corps généralistes.
Recommandation n° 44 : élargir la procédure de recrutement par concours nationaux à affectation locale (Cnal) à d’autres corps, notamment les corps généralistes.
De plus, ainsi qu’il a été proposé dans un rapport rédigé par Jiovanny William ([159]), co‑rapporteur du présent rapport, il semble aujourd’hui nécessaire de pouvoir organiser des Cnal à l’échelle des bassins régionaux, pour permettre aux lauréats d’être affectés dans un espace géographique plus large, regroupant plusieurs collectivités ultramarines situées dans la même zone.
Recommandation n° 45 : autoriser l’organisation de Cnal à l’échelle des bassins régionaux, dans un espace géographique regroupant plusieurs collectivités ultramarines situées dans la même zone.
4. Former les fonctionnaires ultramarins dans leurs territoires
S’il est maintenant acquis qu’il est nécessaire, que les jeunes ultramarins restent dans leurs territoires pour y être formés, cela ne semble pas concerner, dans l’esprit des décideurs publics, les fonctionnaires. Ainsi, alors même qu’il devient possible d’effectuer l’ensemble des études de médecine outre‑mer, aucune école de fonctionnaire ne s’y trouve. Un tel établissement pourrait pourtant former des fonctionnaires au plus près des réalités ultramarines, notamment s’ils sont appelés à être nommés en outre‑mer, mais également pour sensibiliser ceux qui ne le seront pas aux réalités de ces territoires.
Les instituts régionaux d’administration (IRA), qui forment les attachés d’administration de l’État, ayant la particularité d’être installés « en région » ([160]), les rapporteurs proposent d’en créer un dans un territoire d’outre‑mer.
Recommandation n° 46 : créer un institut régional d’administration (IRA) dans un territoire d’outre‑mer.
5. Le cas de l’éducation nationale
Par le grand nombre de fonctionnaires ultramarins qui y travaillent, dans l’ensemble des territoires, l’éducation nationale concentre un certain nombre d’enjeux en termes de possibilité de « retour au pays ». De plus, la nécessité de disposer de fonctionnaires connaissant bien les territoires ultramarins concerne aussi les enseignants.
Ainsi, en Guyane, où il est nécessaire que les professeurs maîtrisent les langues régionales, et où les conditions d’enseignement sont particulières dans certaines communes difficiles d’accès, il faut, selon le recteur, « exploiter les viviers locaux ». Dans ce territoire, les besoins sont « énormes », et les retours faciles – ce qui n’est pas le cas dans les autres Drom.
Une solution peut être de recruter des professeurs contractuels. Ainsi, en Guyane, une expérimentation est menée, consistant à recruter vingt jeunes, originaires de villages isolés, qui n’ont que le bac et reçoivent une formation intensive pour devenir professeurs contractuels.
La plupart des enseignants, néanmoins, sont des titulaires, soumis à des règles de mutations qui conduisent souvent les ultramarins loin de leurs territoires d’origine.
Dans le premier degré (école maternelle et école élémentaire), les concours sont organisés à l’échelle de l’académie et l’affectation a lieu en son sein. Les ultramarins qui passent ces concours sont donc assurés de rester dans leur territoire. Il est ensuite possible de postuler dans d’autres académies, dans le cadre du « mouvement » national annuel, où chaque enseignant se voit attribuer un certain nombre de points en fonction de plusieurs critères, dont l’ancienneté. Dans le barème utilisé pour classer les candidatures, le bénéfice d’un CIMM localisé dans un territoire ultramarin octroie à l’enseignant qui en bénéficie, et qui demande une affectation dans ce territoire, 600 points.
Selon la direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère de l’éducation nationale, le bénéfice d’un CIMM augmente les chances d’obtenir une affectation dans un Drom : en 2023, on comptait, en Martinique, 187 candidats, dont 101 pouvant justifier d’un CIMM localisé dans ce Drom, pour 33 affectations, dont 24 avec un CIMM ; en Guadeloupe, il y avait 150 candidats, dont 52 avec un CIMM, pour 41 affectations, dont 26 avec un CIMM.
Les raisons pour lesquelles certains candidats sans CIMM parviennent néanmoins à accéder à des postes en outre‑mer tiennent, selon la DGRH, au refus des autorités du département d’origine de laisser partir certains enseignants et à la préséance d’autres priorités légales pouvant dépasser les CIMM (handicap, rapprochement de conjoint, etc.).
Dans le second degré, les concours sont nationaux, même lorsque les candidats s’y présentent à l’issue d’une formation dispensée dans une académie ultramarine. Beaucoup de candidats sont d’ailleurs issus de ces académies.
Les lauréats deviennent d’abord fonctionnaires stagiaires, et leurs dossiers font l’objet d’une analyse individuelle ayant pour objet, dans la mesure du possible, de les maintenir dans leur académie d’origine. Parmi les critères sont notamment pris en compte le territoire de résidence l’année du concours, les vœux exprimés et l’existence d’une « attache réelle » avec ce territoire, ou encore la situation de famille. Les lauréats ayant été contractuels pendant longtemps sur le territoire sont par exemple privilégiés. Tout dépend également, bien entendu, du nombre de postes disponibles, parfois réduit, dans certaines matières, dans les territoires ultramarins.
Les lauréats sont ensuite titularisés et doivent obligatoirement participer au mouvement national, risquant donc ainsi d’être mutés en dehors de leur territoire d’origine, ce qui est autant dommageable pour eux que pour les élèves. Ainsi, en Guyane, le recteur demande systématiquement une dérogation pour que les lauréats des concours du second degré restent sur place.
À Saint Martin, le préfet Vincent Berton déplore la difficulté de faire revenir, sur le territoire, des professeurs saint‑martinois, car le territoire est rattaché à l’académie de Guadeloupe. Ainsi, les enseignants demandant une mutation vers cette académie ne sont pas certains, quand bien même ils l’obtiennent, d’être affectés à Saint Martin. Le préfet demande donc un mouvement à part pour Saint Martin, notamment pour disposer de professeurs bilingues français-anglais et lutter contre l’échec scolaire. C’est important, poursuit Vincent Berton, pour la motivation des élèves, qui doivent « voir des professeurs qui leur ressemble », ce qui ne peut que leur renvoyer une image positive de leur territoire.
Dans le barème utilisé pour le mouvement du second degré, le bénéfice d’un CIMM localisé en outre‑mer vaut 1 000 points, et peut être cumulé avec les autres priorités légales. À l’exception de la Guyane et de Mayotte, le minimum nécessaire à l’obtention d’une telle mutation est néanmoins, la plupart du temps, bien supérieur ([161]).
Les barèmes sont néanmoins écartés pour les « postes à profil » (PoP), c’est-à-dire « des postes qui requièrent des compétences, qualifications et/ou aptitudes particulières en lien avec le projet de l’école ou de l’établissement, les caractéristiques territoriales ou avec les missions du poste » ([162]). Du fait des spécificités des outre‑mer, quant à leur géographie et à l’usage de langues régionales, ces postes y sont plus répandus que dans le reste du pays ([163]). Ils concernent notamment les communes isolées de Guyane, Saint‑Martin ou Marie‑Galante.
Néanmoins, dans la mesure où la procédure de recrutement sur un PoP écarte l’application des CIMM, cette procédure ne doit pas conduire à désavantager les ultramarins qui en bénéficient et souhaitent rentrer « au pays ». Dans le cas contraire, si les spécificités du poste ne justifient pas un recrutement sur un PoP, utiliser cette procédure constitue un détournement de la priorité légale d’affectation au titre d’un CIMM en outre‑mer.
Les rapporteurs estiment donc qu’il est nécessaire de définir précisément, dans une circulaire, les situations pouvant donner lieu à un recrutement sur PoP, sous forme d’une liste limitative de critères.
Recommandation n° 47 : publier une circulaire établissant les situations justifiant un recrutement sur un « poste à profil », justifiant d’écarter la priorité légale d’affectation.
C. Le manque de main‑d’œuvre, notamment dans les secteurs en tension
1. Manque de main‑d’œuvre et entreprenariat : l’exemple de la « tech »
Les rapporteurs ont auditionné Kenny Chammougom, président d’AgiTech, et David Cyrille, secrétaire de MartiniqueTech.
Ils soulignent tout d’abord la faiblesse des formations locales en informatique, qui se substituent mal aux formations manquantes, ce qui produit des « prolétaires du numérique », peu qualifiés.
Ils rappellent que la majorité des entreprises n’ont pas de salariés : dans le secteur, on compte beaucoup de non-salariés ou de prestataires. Du fait des faibles rémunérations, le salariat n’est pas attractif.
Dans ces conditions, l’entreprenariat joue un rôle important : beaucoup de jeunes, qu’ils soient restés ou revenus, ont un projet de création d’entreprise qu’il faut accompagner dès que possible. Le programme « Pépite » (pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entreprenariat), qui a pour objectif de sensibiliser les étudiants à l’entreprenariat et d’accompagner leurs projets, est particulièrement intéressant.
MM. Chammougom et Cyrille rappellent que, de par l’importance du secteur public en outre‑mer, de nombreuses entreprises sont dépendantes des marchés publics, et de la volonté des acheteurs publics à faire appel aux compétences locales. Un marché public important, qui nécessite des compétences particulières, peut être l’occasion d’un retour au pays d’un ultramarin les possédant, à condition que le marché lui soit attribué avant qu’il rentre. En effet, « la personne ne va pas rentrer s’il n’y a rien, avec juste l’espoir d’une opportunité, dans l’incertitude ». Or, les collectivités restent frileuses à attribuer des marchés à des professionnels qui ne sont pas encore sur le territoire, et n’ont, plus largement, pas le réflexe de se tourner vers les start-up locales.
2. Adapter l’offre de formation aux besoins des territoires
Face au manque de main‑d’œuvre et à la nécessité d’étoffer l’offre de formation, il est nécessaire, pour répondre aux besoins des territoires d’identifier les filières en tension, pour renforcer ou créer les filières correspondantes.
Ainsi, le président de l’Université des Antilles souligne l’importance de la coopération avec les professionnels et les collectivités territoriales, notamment pour identifier les filières en tension. Il est ensuite nécessaire d’établir une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), pour identifier les cursus à mettre en place et pour créer un lien entre l’université et le monde professionnel, à travers des stages et des interventions. Ainsi a été créée la licence « métiers de la mer » ; son programme, initialement trop théorique, a ensuite été modifié pour s’adapter à l’évolution des besoins.
Le lien entre les établissements d’enseignement et les entreprises est en effet essentiel, pour adapter l’offre de formation à la demande du monde économique. Dans les lycées professionnels, le bureau des entreprises joue donc un rôle essentiel. En outre, au lycée Schœlcher, un poste de directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques a été créé.
Adapter l’offre de formation aux besoins des territoires prend du temps et implique, pour les entreprises, de définir leurs besoins suffisamment tôt, ce qui n’est pas toujours dans leurs habitudes : la plupart du temps, une offre d’emploi concerne un poste à pourvoir au plus vite.
Dans le domaine du bâtiment, l’adaptation des formations aux besoins en main-d’œuvre des chantiers publics nécessiterait, selon Rodolphe Alexandre, de créer un planning des travaux publics à venir, notamment dans le cadre des plans pluriannuels d’investissement des collectivités. Il donne l’exemple de certains chantiers publics ralentis, faute par exemple de carreleurs. Préfet de Guadeloupe, Xavier Lefort alerte, lui, sur les conséquences potentiellement brutales, en l’absence d’une telle prévision, de la fin des grands chantiers publics : quel sera l’avenir des 350 personnes employées sur le chantier du nouveau centre hospitalier universitaire (CHU) de Guadeloupe ?
À l’inverse, il est nécessaire d’identifier les filières sans débouchés professionnels, qui ne servent qu’à former des jeunes qui n’auront aucune chance de s’intégrer sur le marché du travail : pourquoi former des secrétaires médicaux en nombre dans des territoires ou pratiquement aucun nouveau cabinet médical ne s’ouvre ? En Guyane, le recteur estime ainsi nécessaire de revoir l’ensemble de la carte de la formation professionnelle pour mieux l’adapter à l’économie locale. Il recommande aussi de mieux répartir les élèves entre les formations : au regard des besoins du territoire, d’avantage d’élèves devraient être orientés vers les filières technologique et générale.
Outre‑mer, cette adaptation de l’offre de formation aux besoins est compliquée par la structure économique des territoires, majoritairement composée de TPE. Cette adaptation est, de plus, particulièrement délicate dans les petits territoires, tel Saint‑Martin, où certains secteurs ne correspondent qu’à quelques postes, mais où les besoins sont réels dès qu’ils sont vacants. Dans ces situations, en particulier, le programme « Cadres d’avenir » (cf. supra) peut constituer un support intéressant à la gestion prévisionnelle du renouvellement des compétences.
La mission de coordonner, dans un territoire, les politiques d'orientation, de formation professionnelle et d'emploi pour adapter l’offre de formation revient au comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop). Présidé conjointement par le représentant de l’État et le chef de l’exécutif territorial, il regroupe notamment les organisations professionnelles et les organismes consulaires. Néanmoins, de l’aveu même du préfet de Guadeloupe, le Crefop « ne fonctionne pas ».
Recommandation n° 48 : prévoir, dans chaque territoire, une réunion du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop) par trimestre.
La présence, notamment aux Antilles, de nombreuses personnes âgées nécessite de disposer de professionnels spécialisés, principalement dans les domaines sanitaire et social (cf. supra).
Au regard des très grandes difficultés de recrutement dans ces secteurs, les établissements universitaires ultramarins tentent donc d’adapter leur offre, par exemple pour former des médecins sur place.
Ainsi, à Basse‑Terre, les équipes de la clinique Pitat décrivent leurs difficultés à recruter du personnel médical : un médecin sur deux ne revient pas et le territoire est peu attractif, surtout pour des médecins qui ont une famille.
La Défenseure des droits recommande en conséquence la mise en œuvre d’un plan en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge, visant à faire face aux tensions constatées quant aux difficultés de recrutements dans le secteur médico‑social ([164]).
Aux Antilles, dans cette démarche, la complétude des études de médecine est en cours de mise en place (cf. supra), de même que des filières d’orthophonie et de pharmacie et un master de psychologie. Elles demeurent néanmoins contraintes par la nécessité de disposer, au sein des centres hospitaliers universitaires (CHU), des moyens humains et matériels nécessaires. Cela ne doit néanmoins pas masquer le fait que, de par la taille du territoire, toutes les spécialités ne peuvent y être proposées et que certaines pathologies ne peuvent être étudiées que dans l’hexagone.
Au-delà du seul secteur médical, les représentants du conseil régional de Guadeloupe soulignent quant à eux les opportunités économiques que présente le secteur de la « silver economy » ([165]) , qui pourrait donner lieu à la création de postes attractifs pour des ultramarins souhaitant rentrer au pays.
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Recommandations des rapporteurs
Recommandation n° 1 : dans le respect du secret statistique, publier l’ensemble des données relatives au recensement à Mayotte dans un format ouvert et librement réutilisable.
Recommandation n° 2 : créer une direction régionale de l’Insee propre à Mayotte.
Recommandation n° 3 : en Guyane, comme dans tous les territoires en forte expansion démographique, procéder à un recensement intégral tous les deux ou trois ans.
Recommandation n° 4 : créer une direction régionale de l’Insee propre à la Guyane.
Recommandation n° 5 : mener un audit indépendant des méthodes de recensement en outre‑mer, pour s’assurer qu’elles prennent pleinement en compte les spécificités de ces territoires.
Recommandation n° 6 : réaliser une enquête MFV tous les trois à cinq ans.
Recommandation n° 7 : réaliser au plus vite une nouvelle enquête MFV à Mayotte.
Recommandation n° 8 : accompagner la reconnaissance d’un rôle de mission de service public pour le laboratoire d’AMP de Martinique
Recommandation n° 9 : inclure dans le calcul de la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer (Dacom) un critère relatif à la part de personnes âgées de plus de 60 ans dans la population communale.
Recommandation n° 10 : créer une aide sociale contre la grande pauvreté à Wallis‑et‑Futuna.
Recommandation n° 11 : construire une maternité à Futuna.
Recommandation n° 12 : mettre en place un suivi individuel des étudiants wallisiens pendant les trois premières années d’études supérieures.
Recommandation n° 13 : revaloriser le montant de la prime à la création d’emploi à Wallis et Futuna.
Recommandation n° 14 : créer un RSMA à Wallis‑et‑Futuna, ou, a minima, une antenne permanente du RSMA de Nouvelle‑Calédonie.
Recommandation n° 15 : mettre en place un moratoire sur les fermetures de classes dans les Drom antillais tant que les soldes naturels ou migratoires y sont négatifs.
Recommandation n° 16 : mieux communiquer en direction des jeunes sur l’offre culturelle des territoires ultramarins, en particulier sur les réseaux sociaux.
Recommandation n° 17 : développer sur les réseaux sociaux, à destination des jeunes, une communication institutionnelle mettant en valeur les atouts de leur territoire.
Recommandation n° 18 : étendre la prise en charge d’un billet d’avion aller/retour en cours d’année universitaire à l’ensemble des étudiants.
Recommandation n° 19 : mener à son terme le projet d’ouverture d’une antenne de l’Université des Antilles à Saint Martin.
Recommandation n° 20 : favoriser l’installation de campus connectés.
Recommandation n° 21 : inciter le ministère en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche à relayer, sur les réseaux sociaux, la communication des universités ultramarines en faveur de leurs atouts.
Recommandation n° 22 : créer une politique d’orientation professionnelle spécifique aux outre‑mer, impliquant l’ensemble des acteurs.
Recommandation n° 23 : créer de nouveau logements étudiants en outre‑mer, notamment en soutenant les projets de construction ou de rénovation en cours.
Recommandation n° 24 : pérenniser et revaloriser régulièrement la majoration dont bénéficient les étudiants boursiers inscrits dans une formation en outre‑mer.
Recommandation n° 25 : créer un Crous de plein exercice à Mayotte.
Recommandation n° 26 : mettre en place des plateformes locales en ligne regroupant les offres et les demandes d’apprentissage.
Recommandation n° 27 : organiser des contrôles réguliers des entreprises employant des apprentis par les CFA et par l’inspection du travail.
Recommandation n° 28 : enclencher le processus visant à conclure des accords d’apprentissage transfrontaliers avec les États voisins des territoires ultramarins.
Recommandation n° 29 : accompagner l’école de la deuxième chance de Guyane dans l’ouverture d’antennes lorsque cela est nécessaire.
Recommandation n° 30 : offrir aux jeunes, qui souhaitent bénéficier de l’accompagnement de l’école de la deuxième chance mais ne résident pas à proximité, la possibilité de bénéficier de facilités en matière de transport et d’hébergement.
Recommandation n° 31 : soutenir financièrement les écoles de la deuxième chance pour leur permettre d’augmenter leurs capacités d’accueil, notamment en Guyane et à Mayotte.
Recommandation n° 32 : favoriser la construction de crèches dans les RSMA.
Recommandation n° 33 : mettre pleinement en œuvre le dispositif « Volontaires jeunes cadets ».
Recommandation n° 34 : sur chaque territoire, harmoniser le statut administratif des missions locales ultramarines sous l’égide d’une entité unique.
Recommandation n° 35 : conclure les partenariats des missions locales ultramarines avec les autres acteurs (Ladom, RSMA, etc.) au niveau de chaque territoire, et non plus de chaque mission locale.
Recommandation n° 36 : inscrire dans les conventions liant les structures d’accueil à leurs financeurs l’obligation pour elles de coopérer avec les autres organismes.
Recommandation n° 37 : mettre en place, dans chaque territoire, un comité de pilotage de l’aide aux jeunes NEET regroupant l’ensemble des acteurs.
Recommandation n° 38 : concrétiser l’aide au retour prévue au troisième alinéa de l’article L. 1803‑2 du code des transports.
Recommandation n° 39 : réaliser régulièrement une évaluation du programme « Cadres d’avenir ».
Recommandation n° 40 : publier le décret d’application nécessaire à la mise en place du « passeport pour le retour ».
Recommandation n° 41 : inclure dans les critères des CIMM le fait d’être tuteur ou curateur d’une personne domiciliée en outre‑mer.
Recommandation n° 42 : mettre en place une procédure permettant d’examiner conjointement les demandes de bénéfice, sur un même territoire, des CIMM par les deux membres d’un couple de fonctionnaires.
Recommandation n° 43 : généraliser les épreuves de langues régionales dans les concours de la fonction publique, notamment celui des IRA.
Recommandation n° 44 : élargir la procédure de recrutement par concours nationaux à affectation locale (Cnal) à d’autres corps, notamment les corps généralistes.
Recommandation n° 45 : autoriser l’organisation de Cnal à l’échelle des bassins régionaux, dans un espace géographique regroupant plusieurs collectivités ultramarines situées dans la même zone.
Recommandation n° 46 : créer un institut régional d’administration (IRA) dans un territoire d’outre‑mer.
Recommandation n° 47 : publier une circulaire établissant les situations justifiant un recrutement sur un « poste à profil », justifiant d’écarter la priorité légale d’affectation.
Recommandation n° 48 : prévoir, dans chaque territoire, une réunion du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop) par trimestre.
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Lors de sa réunion du 22 janvier 2025, la Délégation aux outre-mer a procédé à la présentation du rapport sur la situation démographique des outre-mer et le maintien des forces vives dans ces territoires.
La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :
Puis la Délégation a adopté le rapport d’information et ses recommandations. Elle en a autorisé la publication.
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Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs
A. Auditions réalisées du 23 Mars 2023 au février 2024 à paris
Jeudi 23 mars 2023 :
– M. Claude-Valentin Marie, sociologue et démographe, conseiller pour l’outre‑mer auprès de la direction de l’Institut national d'études démographiques.
Mardi 16 mai 2023 :
– M. Kenny Chammougom, président de « AgiTech » et M. David Cyrille, secrétaire de « MartiniqueTech ».
Mercredi 7 juin 2023 :
– Mme Lindsay Gopal, Présidente de « Réunionnais de retour au péi » et Mme Anne-Emmanuelle Pique, Présidente d’« Alé Viré ».
Mercredi 20 septembre 2023 :
– Mme Marine Haddad, sociologue à l’Institut national d'études démographiques (Ined).
Mercredi 27 septembre 2023 :
– M. Mathieu Carniama, docteur en droit public, Université de La Réunion.
Lundi 9 octobre 2023 :
Direction générale des outre‑mer
– M. Olivier Jacob, directeur général des outre-mer, Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques, M. Étienne Guillet, sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État, M. François Le Verger, adjoint à la sous-directrice des politiques publiques, M. Thomas Labrune, adjoint du bureau de la vie économique, de l’emploi et de la formation.
Mardi 24 octobre 2023 :
Direction générale de l’administration et de la fonction publique
– Mme Sandrine Staffolani, sous-directrice du recrutement, des compétences et des parcours professionnels et M. François Charmont, directeur, adjoint à la directrice générale
Mardi 14 novembre 2023 :
Table ronde consacrée aux missions locales :
– M. Stéphane Valli, président de l’Union nationale des missions locales (UNML), Mme Claudie Vetro, coprésidente de la commission ultramarine de l’UNML et présidente de l’association régionale des missions locales (ARML) des Antilles et de Guyane, M. Jacques Lowinsky, coprésident de la commission ultramarine de l’UNML et président de l’association régionale des missions locales de l’océan Indien, M. Jean-Marc Delahaye, responsable des relations institutionnelles de l’UNML, M. Dominique Sery, directeur de la mission locale Nord Réunion et Mme Lee-Ing Yang-Ting, déléguée interrégionale de l’ARML Antilles-Guyane.
Mission sur les perspectives professionnelles des jeunesses ultramarines
– M. Rodolphe Alexandre, responsable de la mission, ancien président de l’Assemblée de Guyane, ancien maire de Cayenne et M. Alain Carton, rapporteur de la mission, administrateur général, conseiller auprès du directeur général des outre-mer.
Mardi 28 novembre 2023 :
Direction générale des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse
– M. Boris Melmoux-Eude, directeur général et M. Dominique Vialle, adjoint à la sous-directrice de la gestion des carrières du service des personnels enseignants de l'enseignement scolaire.
Mardi 5 décembre 2023 :
Défenseure des droits
– Mme George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits, ancienne ministre des outre-mer, ancienne députée et Mme Mariam Chadli, conseillère au secrétariat général.
Agence de l’outre-mer pour la mobilité
– M. Saïd Ahamada, directeur général et Mme Joëlle Le Normand, directrice des missions, du réseau et des partenariats.
Mardi 30 janvier 2024 :
Association des Ultramarins d’Assas
– Mme Anaïta David et M. Arnaud Lagane, membres de l’association, étudiants en sciences politiques.
Lundi 5 février 2024 :
Croix‑Rouge française
– Mme Gaëlle Nerbard, directrice nationale outre-mer, M. Jean‑Noël Machon, administrateur outre-mer, et Mme Alizée Bombardier, responsable relations institutionnelles, communication et développement outre-mer.
B. Auditions réalisées du 11 au 12 décembre En Martinique
Lundi 11 décembre 2023
Régiment du service militaire adapté de Martinique
– Colonel Émilie Picot, cheffe de corps, Lieutenant-colonel Laurent Menudier, commandant en second, Capitaine David Le Neures, Capitaine Sarah Indocina, responsable presse et un groupe de volontaires.
Mission locale Nord Martinique
– M. Jean-Michel Loutoby, directeur et Mme Lydie Louis-Regis.
Table ronde consacrée à la santé sexuelle et reproductive
– M. Gilles Moreau, directeur régional du laboratoire Eurofins Bio Santé, Dr Cynthia Bichara-Petit et Dr Sarah-Lyne Jos, médecins biologistes spécialisées en assistance médicale à la procréation, et Dr Alix Moulanier, Médecin Cheffe de protection maternelle et infantile, direction générale adjointe cohésion sociale et solidarités, direction protection maternelle et infantile et planification familiale, collectivité territoriale de Martinique.
Mardi 12 décembre 2023
Lycée Victor‑Schœlcher et cycle de l’institut national des sciences appliquées de Martinique
– M. Fernand Sabin, chargé de mission enseignement supérieur au rectorat de Martinique, Mme Luvinia Dorival, proviseure adjointe, M. Damien Jacques, chargé de projet Insa et enseignant, M. Gustavo Torres, architecte, et un groupe d’élèves.
Collectivité territoriale de Martinique
– M. Serge Letchimy, président du conseil exécutif, Mme Cynthia Monta, directrice de cabinet du président du conseil exécutif.
Préfecture de la Martinique
– M. Jean‑Christophe Bouvier, préfet, Mme Sophie Chauveau, sous-préfète chargée de mission à la cohésion sociale et à la jeunesse, M. Yannick Decompois, directeur de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, Mme Véronique Lagrange directrice adjointe de l’environnement de l’aménagement et du logement et Mme Ghislaine Anglionin, cheffe du bureau de la représentation de l’État ;
Mairie de Fort‑de‑France
– M. Didier Laguerre, maire.
C. Auditions réalisées du 13 au 14 décembre En GUADELOUPe
Mercredi 13 décembre 2023
Université des Antilles
– M. Michel Geoffroy président, Mme Victoria Noël, cheffe de cabinet, et Mme Audrey Armougon, chargée de cours.
Association « Nou Kat Sé Yonn »
– M. Bernard Leclaire, président coordonnateur, MM. Gabriel Foy, Max Villeneuve et Christophe Kancel, membres.
Jeudi 14 décembre 2023
Conseil régional de Guadeloupe
– Mme Chantal Lerus, vice‑présidente, présidente de la commission « Enseignement supérieur et recherche », Mme Patricia Baillet, représentante de la région Guadeloupe au conseil d’administration de « Guadeloupe Formation », M. Jim Lapin, représentant de la région Guadeloupe au conseil d’administration de Ladom, Mme Jennifer Linon, présidente de la commission « Formation professionnelle, insertion, apprentissage » et M. Patrice Lopes, directeur de l'observatoire régional, des études, de l'évaluation et de l'information géographique.
Chambre de métiers et de l’artisanat de Guadeloupe et université régionale des métiers de l’artisanat (site de Saint‑Claude)
– M. Jean-Luc Pierrot, directeur de la formation, Mme Sandrine Monsigny, responsable du pôle apprentissage, M. François Antonin, M. Frank Lasserre, M. Willy Martine, et un groupe d’apprentis ;
Clinique Pitat (Basse‑Terre)
– Dr. Jean‑Claude Pitat et Mme Isabelle Chimont-Tibout, gériatre.
Préfecture de Guadeloupe
– M. Xavier Lefort, préfet.
D. Auditions réalisées du 15 au 16 décembre à sAINT-martin
Vendredi 15 décembre 2023
Préfecture déléguée auprès du représentant de l'État dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin
– M. Vincent Berton, préfet délégué.
Collectivité de Saint‑Martin
– M. Louis Mussington, président, M. Philippe Winnicki, directeur de l’institut territorial de la statistique et des études économiques de Saint‑Martin et Mme Junisa Gumbs, directrice du cabinet du président;
Collectivité de Saint-Barthélemy (en visioconférence)
– M. Xavier Lédée, président, M. Olivier Basset, directeur de cabinet, M. Michel Laplace, directeur général des services, Mme Claudine Gréaux, directrice générale adjointe des services, Mme Anne Peuchot, collaboratrice parlementaire de M. le député Frantz Gumbs, Mme Mélissa Lake, représentante du conseil territorial à la chambre économique multiprofessionnelle et M. Gregory Guérot, responsable du pôle « formations » de la chambre économique multiprofessionnelle.
Mission locale de Saint‑Martin
– M. Raphaël Sanchez, président et Mme Audrey Gil, vice‑présidente.
Samedi 16 décembre 2023
Lycée Robert‑Weinum
– M. Harry Christophe, vice‑recteur, M. Laurent Chabassier, proviseur, et les élèves de l’atelier Sciences Po.
E. Auditions réalisées du 11 au 13 AVRIL en guyane
Jeudi 11 avril 2024
Chambre de métiers et de l’artisanat de Guyane
– Mme Vernita Blacodon, présidente, Mme Socorro De Fatima De Freitas Gomes, et MM. Teed Gaspard et Henri Desire, vice-présidents, M. Richard Saintil, secrétaire, M. Jean-Luma Dumon, trésorier, Mme Mirlande Cypre, trésorière-adjointe et M. Joël Sunther, directeur du centre de formation des apprentis de Guyane.
Service territorial de Guyane de l’Insee
– M. Philippe Dorelon, attaché statisticien, chef de service.
École de la deuxième chance de Cayenne
– M. Gilles Dolor, directeur et M. Gilles Ayanne, président.
Université de Guyane
– M. Laurent Linguet, président.
Mairie de Saint-Laurent-du-Maroni
– Mme Sophie Charles, maire.
Caisse d’allocations familiales de la Guyane
– Mme Anne Cinna-Pierre-Charles, directrice et Mme Claude Connan, démographe.
Annexe n° 2 : Démographie des outre‑mer depuis 1951
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Guadeloupe |
Martinique |
La Réunion |
Guyane |
Mayotte |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Saint-Barthélemy |
Saint-Martin |
Polynésie française |
Nouvelle-Calédonie |
Wallis-et-Futuna |
1951 |
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62 678 |
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1952 |
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1953 |
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9 507 |
1954 |
223 675 |
239 130 |
274 370 |
27 863 |
|
|
2 079 |
3 366 |
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1955 |
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1956 |
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76 327 |
68 480 |
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1957 |
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|
1958 |
|
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23 364 |
4 822 |
|
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1959 |
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1960 |
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8 313 |
1961 |
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|
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1962 |
276 545 |
292 062 |
349 282 |
33 505 |
|
|
2 176 |
4 502 |
84 551 |
|
|
1963 |
|
|
|
|
|
4 990 |
|
|
|
86 519 |
|
1964 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
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|
1965 |
|
|
|
|
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|
|
|
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|
|
1966 |
|
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|
32 607 |
|
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|
|
|
1967 |
|
|
|
|
|
|
|
|
93 378 |
|
|
1968 |
305 312 |
320 030 |
416 525 |
44 392 |
|
5 186 |
2 351 |
5 061 |
|
|
|
1969 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
100 579 |
8 546 |
1970 |
|
|
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|
|
|
|
|
|
|
|
1971 |
|
|
|
|
|
|
|
|
119 168 |
|
|
1972 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1973 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1974 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1975 |
315 848 |
324 832 |
476 675 |
55 125 |
|
5 840 |
2 491 |
6 191 |
|
|
|
1976 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
133 233 |
9 192 |
1977 |
|
|
|
|
|
|
|
|
137 382 |
|
|
1978 |
|
|
|
|
47 246 |
|
|
|
|
|
|
1979 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1980 |
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1981 |
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1982 |
317 269 |
328 566 |
515 814 |
73 022 |
|
6 041 |
3 059 |
8 072 |
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1983 |
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166 753 |
145 368 |
12 408 |
1984 |
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1985 |
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67 205 |
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1986 |
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1987 |
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1988 |
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188 814 |
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1989 |
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164 173 |
|
1990 |
353 431 |
359 572 |
597 823 |
114 678 |
|
6 277 |
5 038 |
28 518 |
|
|
13 705 |
1991 |
354 536 |
359 774 |
607 837 |
117 327 |
94 410 |
|
|
|
|
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|
1992 |
357 482 |
361 420 |
620 333 |
121 469 |
|
|
|
|
|
|
|
1993 |
360 681 |
363 344 |
633 030 |
125 786 |
|
|
|
|
|
|
|
1994 |
364 140 |
365 554 |
645 093 |
130 282 |
|
|
|
|
|
|
|
1995 |
367 867 |
368 045 |
657 162 |
134 968 |
|
|
|
|
|
|
|
1996 |
371 873 |
370 818 |
668 915 |
139 848 |
|
|
|
|
219 521 |
196 836 |
14 166 |
1997 |
376 164 |
373 873 |
680 185 |
144 937 |
131 220 |
|
|
|
|
|
|
1998 |
380 738 |
377 221 |
692 184 |
150 242 |
|
|
|
|
|
|
|
1999 |
386 566 |
381 427 |
706 300 |
157 213 |
|
6 316 |
6 852 |
29 078 |
|
|
|
2000 |
388 045 |
383 575 |
716 314 |
162 018 |
|
|
|
|
|
|
|
2001 |
390 672 |
386 542 |
729 010 |
168 614 |
|
|
|
|
|
|
|
2002 |
393 024 |
389 302 |
740 207 |
176 638 |
160 265 |
|
|
|
244 586 |
|
|
2003 |
394 881 |
391 676 |
750 840 |
184 792 |
|
|
|
|
|
|
14 944 |
2004 |
396 992 |
393 852 |
761 630 |
193 167 |
|
|
|
|
|
230 789 |
|
2005 |
399 178 |
395 982 |
772 907 |
199 206 |
|
|
|
|
|
|
|
2006 |
400 736 |
397 732 |
781 962 |
205 954 |
|
6 125 |
8 255 |
35 263 |
|
|
|
2007 |
400 584 |
397 730 |
794 107 |
213 031 |
186 452 |
6 099 |
8 450 |
35 925 |
259 596 |
|
|
2008 |
401 784 |
397 693 |
808 250 |
219 266 |
|
6 072 |
8 673 |
36 661 |
|
|
13 445 |
2009 |
401 554 |
396 404 |
816 364 |
224 469 |
|
6 082 |
8 902 |
36 824 |
|
245 580 |
|
2010 |
403 355 |
394 173 |
821 136 |
229 040 |
|
6 081 |
8 938 |
36 979 |
|
|
|
2011 |
404 635 |
392 291 |
828 581 |
237 549 |
|
6 080 |
9 035 |
36 286 |
|
|
|
2012 |
403 314 |
388 364 |
833 944 |
239 648 |
212 645 |
6 069 |
9 131 |
35 742 |
268 270 |
|
|
2013 |
402 119 |
385 551 |
835 103 |
244 118 |
|
6 057 |
9 279 |
35 594 |
|
|
12 197 |
2014 |
400 186 |
383 911 |
842 767 |
252 338 |
223 713 |
6 034 |
9 427 |
35 107 |
|
268 767 |
|
2015 |
397 990 |
380 877 |
850 727 |
259 865 |
232 189 |
6 021 |
9 625 |
35 684 |
|
|
|
2016 |
394 110 |
376 480 |
852 924 |
269 352 |
240 987 |
6 008 |
9 793 |
35 746 |
|
|
|
2017 |
390 253 |
372 594 |
853 659 |
268 700 |
256 518 |
5 997 |
9 961 |
35 334 |
275 918 |
|
|
2018 |
387 629 |
368 783 |
855 961 |
276 128 |
259 621 |
5 985 |
10 124 |
34 065 |
|
|
11 558 |
2019 |
384 239 |
364 508 |
861 210 |
281 678 |
269 579 |
5 974 |
10 289 |
32 489 |
|
271 407 |
|
2020 |
383 559 |
361 225 |
863 083 |
285 133 |
279 696 |
5 925 |
10 457 |
31 801 |
|
|
|
2021 |
384 315 |
360 749 |
871 157 |
286 618 |
289 039 |
5 873 |
10 464 |
31 477 |
|
|
|
2022 |
383 569 |
361 019 |
881 348 |
288 382 |
299 634 |
5 819 |
10 562 |
31 496 |
278 786 |
|
|
2023 |
382 733 |
359 202 |
886 453 |
290 110 |
310 199 |
|
|
|
|
|
11 151 |
2024 |
381 909 |
357 590 |
892 102 |
291 774 |
320 282 |
|
|
|
|
|
|
2025 |
380 387 |
355 459 |
896 175 |
292 354 |
329 282 |
|
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Les chiffres en italique correspondent à des estimations.
Sources |
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Décret n° 55-197 du 3 février 1955 - Authentification des résultats du recensement du 1er juillet 1954 (départements d'outre-mer) et décret du 27 novembre 1962 authentifiant les résultats du recensement du 9 octobre 1961. |
|
INSEE, Estimation de la population au 1ᵉʳ janvier 2025, paru le 14/01/2025 |
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|
INSEE, Populations légales de Mayotte en 2017 - Recensement de la population, paru le 27/12/2017 |
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|
Rémy Clairin, « La population de la Polynésie française », in "Population", vol. 27, n° 4, 1972 |
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Isee - Synthèse N° 45 - Recensement de la population 2019 - Nouvelle‑Calédonie, octobre 2020 |
|
Cahiers de l'ORSTOM, série Sciences humaines, volume XXI, n° 4, 1985, pp. 461-480, |
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([1]) La composition de la mission d’information figure au verso de la présente page.
([3]) Sylvain Papon (Insee), « Bilan démographique 2023, En 2023, la fécondité chute, l’espérance de vie se redresse », Insee Première n° 1978, 16 janvier 2024.
([4]) Hélène Thélot (Insee), « Bilan démographique 2024, En 2024, la fécondité continue de diminuer, l’espérance de vie se stabilise », Insee Première n° 2033, 14 janvier 2025.
([5]) L’ensemble des indicateurs démographiques utilisés sont présentés et décrits dans la partie « Les déterminants de la démographie ».
([6]) Ibid.
([10]) Site de l’Insee, « Comprendre les populations légales », 29 août 2023, consulté le 2 février 2024.
([11]) Le Blog de l’Insee, Muriel BARLET et Olivier LEFEBVRE, « Le recensement annuel fête ses 20 ans ! », publié le 16 janvier 2024.
([14]) Bien que ces territoires disposent d’une large autonomie, le recensement demeure, aux termes de leurs statuts, une compétence de l’État, en Polynésie française comme en Nouvelle‑Calédonie.
([15]) À Wallis‑et‑Futuna, territoire ne connaissant pas la décentralisation, le recensement « est une compétence de l’État » et est « réalisé directement sous la responsabilité de l’INSEE », comme l’indique le STSEE.
([16]) Direction générale des collectivités locales, « Guide pratique, La dotation globale de fonctionnement (DGF) » Avril 2022.
([17]) Sébastien Seguin, Muriel Granjon et Pierre Thibault, Insee La Réunion-Mayotte, « À Mayotte, un recensement adapté à une population aux évolutions hors normes » in « Le blog de l’Insee », 5 janvier 2023.
([18]) Ibid.
([19]) Cour des comptes, « Quel développement pour Mayotte ? Mieux répondre aux défis de la démographie, de la départementalisation et des attentes des Mahorais », Rapport public thématique, juin 2022.
([20]) Nathalie Guibert et Jérôme Talpin, « Élisabeth Borne va annoncer 150 millions d’euros de plus pour Mayotte », Le Monde, 26 novembre 2023.
([21]) Audition de Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l’Insee (Insee), de M. Aurélien Daubaire, chef du département des prix à la consommation et des enquêtes ménages, de M. Jean-Baptiste Herbet, directeur interrégional Antilles-Guyane et de M. Loup Wolff, directeur interrégional La Réunion-Mayotte de l’Insee, 30 mars 2023.
([22]) Enzo Dubesset, « Recensement : A Maripasoula, le maire conteste les chiffres de l'Insee », Guyane la 1ère, 17 mars 2024.
([23]) Philippe Dorelon, Bénédicte Chanteur, Maurice Bilioniere, Gwenaëlle Taupe, Clément Guillo, Insee, « Le dynamisme démographique de la Guyane est-il sous-estimé ? » in « Le blog de l’Insee », 15 mars 2024.
([24]) Marcelle Jeanne-Rose, « 268 700 habitants au 1ᵉʳ janvier 2017, Recensement de la population en Guyane », Insee Flash Guyane n° 120, 30 décembre 2019.
([25]) Philippe Gosselin, Davy Rimane, « Avenir institutionnel des outre‑mer : les statuts ne sont pas de marbre », Rapport d’information fait au nom de la délégation aux outre‑mer de l’Assemblée nationale, 15 janvier 2025.
([27]) Insee Antilles‑Guyane, « Premiers résultats », Projections de population à l’horizon 2040, Faible croissance de la population martiniquaise et vieillissement accéléré, n° 72, janvier 2011.
([28]) Aux termes des recensements, la Martinique compte 360 749 habitants au 1er janvier 2021 et 361 019 habitants au 1er janvier 2022.
([29]) Insee, « Historique des populations communales - Recensements de la population 1876-2022 », 19 décembre 2024.
([31]) François-Xavier Lépine, Fernando Zavala (Insee), « 383 569 habitants en Guadeloupe au 1ᵉʳ janvier 2022 », Flash Guadeloupe, n° 211, 19 décembre 2024.
([32]) Gwenaëlle Taupe, Bénédicte Chanteur (Insee), « En 2023, moins de naissances et de décès en Guadeloupe », Flash Guadeloupe n° 208, 17 octobre 2024.
([33]) En Guadeloupe, le nombre des naissances n’a été inférieur à celui des décès qu’en 2021, dans le contexte de la pandémie de Covid‑19.
([34]) François-Xavier Lépine, Fernando Zavala (Insee), « 361 019 habitants en Martinique au 1er janvier 2022 », Insee Flash Martinique n° 210, 19 décembre 2024.
([35]) Gwenaëlle Taupe, Bénédicte Chanteur (Insee), « En 2023, la Martinique reste la région où la part de seniors est la plus élevée », Insee Flash Martinique n° 207, 17 octobre 2024.
([36]) Estimation sur la base des données publiées en octobre 2024, avant l’actualisation des chiffres publiées en janvier 2025 prenant en compte le recensement pour 2022.
([37]) François-Xavier Lépine, Clémence Mocquet (Insee), « Dès sa première année, un enfant sur deux vit dans une famille monoparentale en Martinique », Analyses Martinique n° 75, 14 janvier 2025.
([38]) François-Xavier Lépine, Clémence Mocquet (Insee), « Dès sa première année, un enfant sur deux vit dans une famille monoparentale en Guadeloupe », Analyses Guadeloupe n° 84, 14 janvier 2025.
([39]) François-Xavier Lépine, Clémence Mocquet (Insee), « Dès sa première année, un enfant sur deux vit dans une famille monoparentale en Guyane », Analyses Guyane n° 75, 14 janvier 2025.
([40]) Défenseur des droits, « Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits –
Constats et recommandations du Défenseur des droits à la suite du déplacement d’une délégation aux Antilles du 23 novembre au 3 décembre 2022 », 20 mars 2023.
([41]) Élie Califer, Assemblée nationale, « Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l’état et à indemniser les victimes du chlordécone », 14 février 2024.
([42]) Le laboratoire Eurofins, dans lequel travaillent les auditionnées, est un laboratoire privé et ne peut donc pas recueillir de dons.
([43]) Gwenaëlle Taupe (Insee), « En 2022, la Martinique devient la région la plus âgée de France », Insee Flash Martinique n° 189, 25 septembre 2023.
([44]) Coralie Ramaye (Insee), « À Mayotte, 7 % des seniors en perte d’autonomie en 2021 », Insee Flash Mayotte n° 167, 12 décembre 2023.
([45]) Les services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad), qui n’assuraient que des prestations d'aide à la personne, les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) qui n’assuraient que des soins et infirmiers, et les services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad), qui assuraient les deux.
([47]) Défenseure des droits, « Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits – Constats et recommandations du Défenseur des droits à la suite du déplacement d’une délégation aux Antilles du 23 novembre au 3 décembre 2022 », 20 mars 2023.
([48]) François-Xavier Lépine, Fernando Zavala (Insee), « 288 382 habitants en Guyane au 1ᵉʳ janvier 2022 », Flash Guyane, n° 198, 19 décembre 2024.
([49]) Un tiers des familles couvertes ont plus de deux enfants.
([50]) 63 % des familles couvertes.
([51]) Un quart des habitants vit avec moins de 550 € par mois.
([52]) Sébastien SEGUIN, Muriel GRANJON et Pierre THIBAULT, Insee La Réunion-Mayotte, « À Mayotte, un recensement adapté à une population aux évolutions hors normes » in « Le blog de l’Insee », 5 janvier 2023.
([53]) Sébastien Seguin, Muriel Granjon, Pierre Thibault (Insee), « À Mayotte, un recensement adapté à une population aux évolutions hors normes », Le blog de l’Insee, 5 janvier 2023.
([54]) Manuela Ah-Woane (Insee), « Baisse des naissances en 2023, Bilan démographique 2023 à Mayotte, premiers éléments sur 2024 », Insee Flash Mayotte n° 182, 22 novembre 2024
([55]) Lhaïmy Zoubert Ravoay, « Mayotte enregistre une baisse de la natalité », Mayotte la 1ère, 5 août 2024.
([56]) Chantal Chaussy, Sébastien Merceron, Valérie Genay (Insee), « À Mayotte, près d’un habitant sur deux est de nationalité étrangère », Insee Première n° 1737, 7 février 2019.
([57]) Ibid.
([58]) Ludovic Besson, Sébastien Merceron (Insee), « Entre 440 000 et 760 000 habitants selon l’évolution des migrations, La population de Mayotte à l’horizon 2050 », Insee Analyses Mayotte n° 26, 15 juillet 2020.
([59]) Philippe Gosselin, Davy Rimane, « Avenir institutionnel des outre‑mer : les statuts ne sont pas de marbre », Rapport d’information fait au nom de la délégation aux outre‑mer de l’Assemblée nationale, 15 janvier 2025.
([61]) Ludovic Besson, Sébastien Merceron (Insee), « Entre 440 000 et 760 000 habitants selon l’évolution des migrations, La population de Mayotte à l’horizon 2050 », Insee Analyses Mayotte n° 26, 15 juillet 2020
([62]) Cour des comptes, « Quel développement pour Mayotte ? Mieux répondre aux défis de la démographie, de la départementalisation et des attentes des Mahorais », Rapport public thématique, juin 2022.
([63]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, « Les établissements de santé, édition 2021 ».
([64]) Robin Prudent, « À Mayotte, la plus grande maternité de France tente de faire face à l'explosion démographique », France Info, 26 avril 2023.
([65]) Catherine Deroche, Jean-Luc Fichet, Dominique Théophile, Laurence Cohen, « Mayotte : un système de soins en hypertension », Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, 27 juillet 2022.
([66]) Jamel Mekkaoui (Insee), « 881 300 habitants au 1er janvier 2022 à La Réunion, Recensement de la population : populations de référence 2022 », Flash Réunion no 283, 19 décembre 2024.
([67]) Manuela Ah Woane, Florence Leperlier (Insee), « Moins de 13 000 naissances, pour la première fois depuis le milieu des années 1980, Bilan démographique 2023 à La Réunion, premiers éléments sur 2024 », Insee Flash Réunion n° 281, 22 novembre 2024.
([68]) Ibid.
([69]) Elsie MEHOBA (Service territorial de la statistique et des études économiques – STSEE), « À Wallis-et-Futuna, la population a diminué d’un quart en vingt ans », Insee Première n° 2021, 24 octobre 2024.
([70]) Ibid.
([71]) Cour des comptes, « Le territoire des îles Wallis et Futuna », p.21, (2022-2023)
([72]) Le coefficient de Gini est un indicateur permettant de rendre compte du niveau d'inégalité : il varie entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité extrême). Les inégalités ainsi mesurées peuvent porter sur des variables de revenus, de salaires, de niveau de vie, etc.
([73]) Insee-Isee, P. Rivoilan, « Synthèse N° 45 - Recensement de la population 2019 - Nouvelle‑Calédonie ».
([74]) Clément Michoudet (Service territorial de la statistique et des études économiques), Wallis-et-Futuna : la population continue de baisser, mais plus modérément, Insee Première n° 1775, 26 septembre 2019.
([75]) Préfet des Îles Wallis‑et‑Futuna, code du travail applicable dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna.
([76]) IEOM, op. cit.
([77]) Charly Bodet, Éric Mignard, Julie Pasquier (Institut de la statistique de Polynésie française), « Le recensement de la population en Polynésie française en 2022 », Points Référence n° 1396, Février 2024.
([78]) L. Gooding (Institut de la statistique et des études économiques de la Nouvelle‑Calédonie), « Bilan démographique, La Nouvelle‑Calédonie perd 1 300 habitants en 2022 », Synthèse n° 69, septembre 2023.
([79]) P. Rivoilan (Isee), « Recensement de la population 2019, La croissance démographique fléchit nettement en Nouvelle‑Calédonie entre 2014 et 2019 », Synthèse n° 45, octobre 2020.
([80]) L. Gooding (Isee), op. cit.
([81]) Les générations nombreuses nées à partir de 1946.
([82]) Philippe Gosselin, Davy Rimane, « Avenir institutionnel des outre‑mer : les statuts ne sont pas de marbre », Rapport d’information fait au nom de la délégation aux outre‑mer de l’Assemblée nationale, 15 janvier 2025.
([85]) Comme à Futuna, les femmes enceintes sont contraintes de passer la fin de leur grossesse en dehors de l’île, à proximité d’un hôpital où elles peuvent être prises en charge pour accoucher et en cas de complication.
([87]) À rebours des recommandations, inquiétantes et difficilement compréhensibles, d’un récent rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche.
([88]) Cour des comptes
([90]) Insee, Effectifs scolaires du premier et second degré et du supérieur en 2023-2024, Comparaisons régionales et départementales, Chiffres-clés, 04 décembre 2024.
([91]) Mayotte est suivie des Deux‑Sèvres, avec un taux de progression de 5,6 %.
([92]) Philippe Gosselin, Davy Rimane, « Avenir institutionnel des outre‑mer : les statuts ne sont pas de marbre », Rapport d’information fait au nom de la délégation aux outre‑mer de l’Assemblée nationale, 15 janvier 2025.
([94]) Lise Demougeot, Ludovic Besson, Pierre Thibault (Insee), « Les natifs des Antilles, de Guyane et de Mayotte quittent souvent leur région natale, contrairement aux Réunionnais », Insee Première, N° 1853, 19 avril 2021.
([95]) Ibid.
([96]) Pattieu Sylvain, « Un traitement spécifique des migrations d’outre-mer : le BUMIDOM (1963-1982) et ses ambiguïtés », Politix, n° 116, 2017.
([97]) Marine Haddad, « La fabrique du stigmate, Le cas des personnes originaires des DOM », La vie des idées, 22 Octobre 2019.
([98]) En 1963, la population de la Guadeloupe était de 283 000 habitants, 292 000 en Martinique et 350 000 à La Réunion.
([99]) M. Haddad, op. cit.
([100]) Public Sénat, « Bumidom, des Français venus d’outre-mer », 2017.
([101]) Ibid.
([102]) Frédéric Sandron, « Dynamique de la population réunionnaise (1663-2030) », in La population réunionnaise : analyse démographique, 2007.
([103]) Observatoire Régional de la Santé de Guadeloupe (ORSaG), « La population en Guadeloupe », 2009.
([104]) Insee, « Série historique du recensement de la population », 25 Juin 2024.
([105]) Ibid.
([106]) Ibid.
([108]) Philippe Vitale, Wilfrid Bertile, Prosper Eve, Gilles Gauvin, « Étude de la transplantation de mineurs de La Réunion en France hexagonale », 2018.
([109]) Ibid.
([110]) Ce terme désigne ceux qui n’ont jamais quitté leur territoire de toute leur vie, même pour un court séjour.
([111]) MFV Mayotte.
([112]) Le Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte est devenu « université » le 1er janvier 2024, mais n’est pas encore une université de plein exercice.
([114]) Il s’agit des ultramarins revenus dans leur territoire d’origine après l’avoir quitté au moins six mois.
([117]) Cour des comptes, « L’enseignement supérieur et la recherche dans les outre‑mer », novembre 2024.
([119]) MFV2.
([120]) Il s’agit des familles dans lesquelles au moins un des enfants a quitté le territoire.
([121]) Défenseur des droits, op. cit.
([122]) Cour des comptes, « L’enseignement supérieur et la recherche dans les outre‑mer », novembre 2024.
([123]) Les rapporteurs soulignent toutefois l’apparition d’un phénomène antillais de départs vers le Canada, dont les établissements semblent s’adresser directement aux jeunes, parfois d’avantage que les établissements français. Ainsi, à Saint‑Barthélemy, « deux établissements du Canada viennent chaque année présenter leurs formations payantes et chères, car ils savent qu’ils trouvent une clientèle sur l’île ».
([124]) Cour des comptes, « L’enseignement supérieur et la recherche dans les outre‑mer », novembre 2024.
([125]) Défenseur des droits, « Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits –
Constats et recommandations du Défenseur des droits à la suite du déplacement d’une délégation aux Antilles du 23 novembre au 3 décembre 2022 », 20 mars 2023.
([126]) Cour des comptes, « L’enseignement supérieur et la recherche dans les outre-mer, Rapport public thématique », novembre 2024.
([129]) Ibid.
([131]) Cour des comptes, « L’enseignement supérieur et la recherche dans les outre‑mer », novembre 2024.
([132]) Le secteur public, où des compléments de rémunération existent, fait néanmoins exception.
([133]) Données fournies par la Direction générale des outre‑mer (DGOM).
([135]) Aurélien Février, « Un an après, Claudia et Mathieu, deux bénéficiaires du retour au pays, sont satisfaits de leur choix », Martinique la 1ère, 14 septembre 2024.
([136]) Décret n° 2023-960 du 19 octobre 2023 portant expérimentation d'un programme de formation en mobilité des cadres de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
([137]) Les listes sont disponibles sur la page dédiée au programme.
([140]) Art. 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
([141]) Art. 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
([142]) Philippe Gosselin, Davy Rimane, « Avenir institutionnel des outre‑mer : les statuts ne sont pas de marbre », Rapport d’information fait au nom de la délégation aux outre‑mer de l’Assemblée nationale, 15 janvier 2025.
([143]) Mathieu Carniama, La préférence locale en droit public français, LGDJ, 2023.
([144]) Marine Haddad, « La fabrique du stigmate : le cas des personnes originaires des DOM », 22 Octobre 2019.
([145]) Le prix moyen d’un billet d’avion pour les DOM pouvait représenter jusqu’à deux mois de salaire.
([146]) Lénaïck Adam et David Lorion, « Congés bonifiés : une indispensable concertation pour améliorer le dispositif » Rapport d’information n°1949 fait au nom de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, 16 mai 2019.
([147]) Marine Haddad, « Antillais et Réunionnais dans l’emploi public : idéal d’égalité ou maintien de spécificités ? », Octobre 2022.
([148]) Conseil économique, social et environnemental, Michèle Chay, Sarah Mouhoussoune, « L'accès aux services publics dans les outre-mer », 29 janvier 2020
([149]) Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.
([150]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique
([152]) L. Adam, D. Lorion, op. cit.
([153]) DGAFP, Bilan de l’application de la priorité légale d’affectation prévue pour les fonctionnaires, Juillet 2021.
([154]) Émeline K/Bidi, « Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, sur la proposition de loi visant à promouvoir l’emploi et le retour des fonctionnaires d’État ultramarins dans les territoires d’outre-mer », 12 avril 2023.
([155]) Circulaire du 2 août 2023 relative à la mise en œuvre des critères liés aux centres des intérêts matériels et moraux (CIMM) pour la prise en compte des congés bonifiés dans les trois fonctions publiques et pour la mobilité des fonctionnaires de l’État dans les territoires d’outre-mer.
([156]) Arrêté du 26 septembre 1984 fixant la nature, le programme et la durée des épreuves des concours spéciaux pour le recrutement de fonctionnaires destines à être affectes a des fonctions d'analyste dans les corps recrutes par la voie des instituts régionaux d'administration (IRA), abrogé par l’arrêté du 2 janvier 1992 fixant la nature, la durée et le programme des épreuves des concours d'entrée aux instituts régionaux d'administration.
([157]) Arrêté du 11 septembre 2020 fixant la liste des corps prévue à l'article 1er du décret n° 2020-121 du 13 février 2020 relatif à l'organisation de concours nationaux à affectation locale pour le recrutement de fonctionnaires de l'État.
([158]) À l’exception de ceux recrutés par la Caisse des dépôts et consignations.
([159]) Jiovanny William, Assemblée nationale, avis fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, sur le projet de loi de finances pour 2025 sur la mission « Transformation et fonction publiques », 23 octobre 2024.
([160]) À Lille, Lyon, Nantes, Metz et Bastia.
([161]) Le ministère de l’éducation nationale propose un comparateur de mobilité par territoire et par matière.
([164]) CESE, Michel Chassang, La prévention de la perte d’autonomie liée au vieillissement, 12 avril 2023.
([165]) Cette « économie des séniors » a pour objectif d’améliorer leur qualité de vie en garantissant leur autonomie, dans le domaine de la santé mais aussi de la sécurité, de l’habitat, des services, des loisirs, de la communication, des transports, etc.