TEXTE ADOPTÉ n° 40
« Petite loi »
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
30 janvier 2025
rÉsolution EUROPÉENNE
invitant le Gouvernement de la République française
à refuser la ratification de l’accord commercial
entre l’Union européenne et le Mercosur
L’Assemblée nationale a adopté la résolution dont la teneur suit :
Voir les numéros : 608 et 695.
– 1 –
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le traité sur l’Union européenne, notamment son article 5,
Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 2, 3, 4, 7, 11, 12, 13, 206, 207 et 218,
Vu l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, particulièrement son article XX, et l’accord sur les sauvegardes qui met en œuvre son article XIX,
Vu les accords de l’Organisation mondiale du commerce sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires et sur les obstacles techniques au commerce, entrés en vigueur en 1995,
Vu l’accord‑cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et le Marché commun du Sud et ses États parties, d’autre part, fait à Madrid le 15 décembre 1995 et la déclaration commune sur le dialogue politique entre l’Union européenne et le Mercosur publiée le 19 mars 1996,
Vu l’accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015 et ratifié par l’Union européenne le 5 octobre 2016,
Vu le cadre mondial de la biodiversité de Kunming‑Montréal du 19 décembre 2022,
Vu le mandat de négociation adressé par le Conseil de l’Union européenne à la Commission européenne le 17 septembre 1999, en vue de la conclusion d’un accord d’association,
Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 22 mai 2018 sur la négociation et la conclusion d’accords commerciaux de l’Union européenne et l’accord de principe trouvé entre l’Union et les pays du Mercosur le 28 juin 2019,
Vu l’article 118 du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE,
Vu le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010,
Vu la résolution du Parlement européen du 17 janvier 2013 sur les négociations commerciales entre l’Union européenne et le Mercosur (2012/2924 [RSP]),
Vu l’avis 2/15 rendu le 16 mai 2017 par la Cour de justice de l’Union européenne sur l’accord de libre‑échange avec la République de Singapour,
Vu l’avis du Comité économique et social européen sur le thème « Vers un accord d’association UE‑Mercosur » du 23 mai 2018 (2018/C 283/02),
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020, intitulée « Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement » (COM[2020] 381 final),
Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 16 octobre 2020 approuvant la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, intitulées « L’urgence d’agir » (11829/20),
Vu la résolution n° 132 de l’Assemblée nationale du 13 juin 2023 relative à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur,
Considérant que le nombre d’exploitations agricoles en France est passé de 520 000 à 416 000 entre 2010 et 2020, soit une chute de 20 % ;
Considérant que la part de l’élevage décroît constamment dans la production agricole française depuis le début des années 2000 ;
Considérant que la libéralisation des échanges de produits agricoles expose les agricultrices et agriculteurs français à une concurrence internationale déloyale résultant de la prévalence de normes environnementales et sociales moins strictes hors de l’Union européenne ;
Considérant que cette concurrence crée une pression à la baisse sur les prix et accroît très nettement leur volatilité, ce qui affecte les revenus des agricultrices et agriculteurs locaux et menace la survie des exploitations ;
Considérant que la souveraineté alimentaire de l’Union européenne est un enjeu majeur pour l’avenir et qu’il convient donc d’agir avec force pour la protéger des conséquences néfastes qu’engendrerait une libéralisation des échanges internationaux de produits agricoles ;
Considérant que l’ouverture aux importations agricoles s’opère au détriment de la diversité et de la qualité, qui sont deux caractéristiques éminentes de l’agriculture française ;
Considérant que la libéralisation des marchés agricoles renforce la concentration et la capitalisation des fermes françaises et favorise les modes de production ultra‑intensifs ;
Considérant que l’impact écologique en Amérique du Sud serait colossal et que l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur est de nature à augmenter la déforestation importée ;
Considérant que cet accord, comme tout accord de libre‑échange, a pour objet même l’augmentation des flux internationaux de marchandises et que l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et des pollutions environnementales associées est incompatible avec les objectifs climatiques de l’Union européenne et de la France ;
Considérant que le processus de ratification de l’accord conclu entre l’Union européenne et le Mercosur en 2019 s’est brusquement accéléré depuis le début de l’année 2023 et que la nouvelle Commission européenne a pour objectif de conclure l’accord le plus rapidement possible ;
Considérant que le Conseil de l’Union européenne avait, dans ses conclusions du 22 mai 2018 susvisées, indiqué que l’accord d’association conclu entre l’Union européenne et le Mercosur devait suivre la procédure de ratification d’un accord mixte, c’est‑à‑dire être soumis à l’approbation à l’unanimité des États membres au Conseil de l’Union européenne et à celle du Parlement européen et des parlements nationaux ;
1. Invite le Gouvernement de la République française :
a) À signifier à la Commission européenne son opposition à un accord de libre‑échange entre l’Union européenne et le Mercosur ;
b) À demander à la Commission européenne, conformément aux conclusions du Conseil du 22 mai 2018 susvisées, de soumettre l’accord à un vote à l’unanimité des États membres au Conseil, puis à un vote au Parlement européen et à une ratification par l’ensemble des parlements des États membres ;
2. Invite la Commission européenne à transmettre sans délai aux autorités françaises, Gouvernement et Parlement, l’ensemble des informations et des données relatives aux négociations menées, et ce avant toute finalisation de l’accord.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 30 janvier 2025.
La Présidente,
Signé : Yaël BRAUN‑PIVET