Question N° :
|
de
|
|
Ministère interrogé : |
| |
Ministère attributaire : |
| |
Question publiée au JO le :
| ||
Réponse publiée au JO le :
| ||
| ||
Rubrique : |
| |
Tête d'analyse : |
| |
Analyse : |
| |
|
| |
Texte de la REPONSE : |
La parole est a M. Georges Hage, pour exposer sa question. M. Georges Hage. Monsieur le garde des sceaux, les grands esprits du Nord se rencontreraient-ils ? (Sourires.) En tout etat de cause, que deux deputes appartenant a des planetes differentes... Mme Marie-Therese Boisseau. N'exagerons pas ! M. Georges Hage. ... vous interpellent sur la situation de la cour d'appel de Douai confirme le bien-fonde de l'inquietude generale qu'elle suscite. La cour d'appel de Douai manque d'effectifs, qu'il s'agisse des magistrats ou des auxiliaires de justice, ce qui met en cause la qualite du service public de la justice, donc l'appreciation que les Francais en ont. Le zele des magistrats et des fonctionnaires n'est evidemment pas en cause d'autant qu'ils doivent affronter une augmentation sensible du contentieux qui aboutit a un veritable engorgement. Dans un rapport du 14 mars 1994, les chefs de la cour d'appel de Douai l'ont eux-memes souligne, comme leurs predecesseurs quinze ans plus tot, mais leur appel n'a ete que partiellement entendu. Comme M. Delnatte et sans doute vous-meme, monsieur le garde des sceaux, j'ai recu un document emanant de la chambre regionale des avoues et de la conference regionale des batonniers du ressort de la cour d'appel de Douai. Le preopinant en a repris l'essentiel. Bis repetita non placent ! Je completerai neanmoins mon propos en citant un document que m'ont adresse les representants de l'ensemble des syndicats du Douaisis. Reunis il y a une quinzaine de jours, ils ont confronte leurs analyses sur la situation alarmante de la chambre sociale de la cour d'appel en soulignant que les justiciables etaient victimes d'une attente excessive dans la suite donnee a leurs dossiers prud'homaux par devant la cour. A l'heure actuelle, le delai se situe aux alentours de quatre annees et il risque de s'allonger avant la fin du mois de juillet, alors que 6 500 dossiers seront en souffrance. A raison du traitement d'environ 1 500 d'entre eux, par an, un justiciable devra attendre quatre, voire cinq ans, avant d'obtenir une decision qui pourra, en outre, etre deferee a la Cour de cassation ou le delai est d'a peu pres trois ans ! Ils ont egalement releve que la chambre sociale manquait de moyens humains et materiels, comme les conseils de prud'hommes de la region. Cette carence lese les salaries dans leurs droits legitimes de se defendre de maniere equitable. Pour terminer, je reprendrai les trois parametres que vous avez evoques: le rapport du nombre des chambres de la cour a celui des habitants de son ressort, la progression des affaires nouvelles et le rapport du nombre des magistrats de chacune des chambres civiles a celui des affaires en stock. Si l'on compare, sur ces bases, la situation de la cour d'appel de Douai avec celle des quatre autres cours d'importance voisine que vous avez citees - Aix-en-Provence, Versailles, Bordeaux et Rennes - on s'apercoit que la moyenne, pour ces quatre cours, est d'une chambre pour 302 750 habitants alors que le ressort de la cour d'appel de Douai compte quatre millions d'habitants. Elle devrait donc posseder plus de treize chambres. Or elle en a seulement huit, c'est-a-dire une chambre pour 500 000 habitants. Bien qu'elle soit situee plus au nord que les autres et dans une region ouvriere en crise, la cour d'appel de Douai n'en est pas moins aussi prestigieuse et utile a une administration correcte de la justice ! Monsieur le garde des sceaux, les Francais se plaignent de la complexite, de la lenteur et de l'inegalite de la justice en France. Vous etes certainement conscient du fait que ces donnees brutes que je viens de rappeler ne peuvent que contribuer a la persistance de ce sentiment. Si le plan pluriannuel pour la justice, mis en oeuvre par le precedent garde des sceaux, a pour but d'ameliorer le fonctionnement de la justice en France, il apparait que la cour d'appel de Douai merite un plan de sauvetage d'urgence. Apres avoir entendu votre reponse a M. Delnatte, je ne pense pas que vous ayez pris totalement la mesure de la situation. Mme le president. La parole est a M. le garde des sceaux, ministre de la justice. M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le depute, je ne vais pas repeter les indications que je viens de donner a votre collegue Patrick Delnatte et que vous avez parfaitement entendues. Je tiens cependant a ajouter quelques observations complementaires. D'abord, la situation de la juridiction sociale - qu'il s'agisse des conseils de prud'hommes, des cours d'appel ou de la chambre sociale de la Cour de cassation - est particulierement preoccupante sur l'ensemble du territoire, surtout en raison de la degradation du climat social et de la situation des entreprises. J'ai donc bien l'intention de tenir compte de cet etat de fait, notamment lorsque, l'annee prochaine, je procederai a une reforme d'ensemble des procedures civiles. En effet nous ne pouvons plus admettre que des employeurs ou, surtout, des salaries, doivent attendre en premiere instance, en appel ou en cassation aussi longtemps pour faire valoir leurs droits ou, en tout cas, voir trancher les litiges les concernant. Cette situation plus que preoccupante exige une action prioritaire, mais elle passe par des reformes structurelles, legislatives et pas seulement par des augmentations de moyens materiels ou humains. Ensuite, monsieur le depute, je dois vous indiquer que l'inspection generale des services judiciaires m'a recemment remis un rapport sur le fonctionnement de la cour de Douai. Or j'ai ete frappe par le fait que, tout en mettant en lumiere les blocages et les difficultes pour traiter le flux du contentieux que M. Delnatte et vous-meme avez tres precisement mentionne, ce rapport souligne la qualite de la justice rendue par cette cour d'appel et les tribunaux de son ressort. Cela prouve que, malgre les difficultes, est rendue une justice de qualite, ce dont je me rejouis en felicitant les magistrats et les fonctionnaires. Enfin, monsieur le depute, vous trouvez que ce que je viens de repondre n'est pas a la mesure de la situation. Au contraire, il faut considerer que, a l'interieur des moyens qui sont ceux du budget de la justice, en particulier des ameliorations que j'ai obtenues en 1996, nous avons indiscutablement donne la preference a la cour de Douai et a la solution des problemes qui l'assaillent. Il faut bien comprendre que, dans les cinq ou dix annees qui viennent - d'ici au debut du troisieme millenaire - la justice a un defi a relever. De deux choses l'une: ou bien nous reglons les problemes purement et simplement par une methode quantitative, et nous prevoyons chaque annee, au budget, 300 ou 350 magistrats et des milliers de fonctionnaires de plus - vous savez aussi bien que moi, monsieur Hage, qu'il n'en est pas question - ou bien nous ameliorons peu a peu les moyens de la justice et, surtout, nous modernisons son organisation et ses methodes. C'est la voie dans laquelle je me suis engage, et je pense que cela sera particulierement efficace dans une grande cour comme celle de Douai et dans une grande juridiction comme celle des deux departements qui en relevent, la ou des magistrats et des fonctionnaires d'elite ont a coeur d'assurer au mieux le service public de la justice. Mme le president. La parole est a M. Georges Hage. M. Georges Hage. Monsieur le garde des sceaux, il n'en reste pas moins que la lenteur de la justice attente a sa qualite et a l'equite. Pour moi, il est patent que la loi quinquennale et le ministere de la justice, qui a en charge son application, se revelent incapables de donner a cette fonction regalienne les moyens necessaires a son exercice. «Moins d'Etat mais mieux d'Etat», proclame-t-on. L'expression est ici prise en defaut puisque le minimum necessaire n'est pas assure. Quid de la reforme a venir des cours d'assises, voire de la cour administrative dont vous avez parle et dont l'installation est en projet ? Comment ne pas mal en augurer ? Monsieur le garde des sceaux, vous n'etes tout de meme pas hante a ce point par le fantasme du pouvoir des juges ! Il faut en nommer des juges ! Le cas de la chambre sociale vaut plus a mes yeux qu'une illustration de la situation de la cour d'appel. En la circonstance, c'est directement des moyens de subsistance des travailleurs qu'il s'agit. Et, dans la plupart des cas, l'appel est interjete par les employeurs qui, soit dit en passant, tirent profit de la lenteur de la procedure. |