FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 10338  de  M.   Daubresse Marc-Philippe ( Union pour la démocratie française et du Centre - Nord ) QE
Ministère interrogé :  intérieur et aménagement du territoire
Ministère attributaire :  intérieur et aménagement du territoire
Question publiée au JO le :  24/01/1994  page :  329
Réponse publiée au JO le :  25/07/1994  page :  3800
Rubrique :  Etrangers
Tête d'analyse :  Expulsion
Analyse :  Criminels et delinquants
Texte de la QUESTION : M. Marc-Philippe Daubresse appelle l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'interieur et de l'amenagement du territoire, sur le sentiment qu'ont nombre de nos concitoyens que la loi conduit parfois a l'expulsion d'etrangers qui ne se sont rendus coupables d'aucun crime - autre que celui d'etre entre illegalement en France - cependant que des etrangers presents legalement en France commettent des crimes et delits qui n'ont cependant pas pour effet de conduire a leur expulsion de notre territoire. Ce sentiment est generateur de nombreuses tensions sociales qui menacent gravement la cohesion nationale et qui sont issues d'une impression d'abandon de l'Etat sur le terrain de la delinquance. Il lui demande quel est l'etat precis de la legislation en matiere d'expulsion de criminels etrangers presents regulierement sur le territoire et quelles sont les mesures qui peuvent etre envisagees pour en ameliorer l'efficacite.
Texte de la REPONSE : Les lois no 93-1027 du 24 aout et no 93-1417 du 30 decembre 1993, relatives a la maitrise de l'immigration, ont modifie la legislation en matiere d'expulsion afin de lutter contre certains detournements de procedure, tels que ceux evoques par l'honorable parlementaire. La finalite des dernieres modifications de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est de permettre a l'autorite administrative de mieux faire face a ses responsabilites, en cas de menace a l'ordre public. Un etranger peut etre expulse sur le fondement de l'article 23 de l'ordonnance precitee ; ce cas concerne l'etranger dont la presence constitue une menace grave pour l'ordre public. Il necessite l'avis de la commission d'expulsion prevue a l'article 24, mais cet avis ne lie plus desormais le ministre de l'interieur. En revanche il n'est pas possible de prononcer l'expulsion sur le fondement de l'article 23 a l'encontre d'un etranger qui appartient a l'une des categories enoncees a l'article 25 ; est ainsi, par exemple, protege « l'etranger qui justifie par tous moyens resider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'age de six ans » ou « qui reside regulierement en France depuis plus de dix ans » sauf s'il a ete titulaire d'une carte de sejour temporaire portant la mention « etudiant » pendant toute la periode. En outre, il est desormais possible par derogation a l'article 25 de l'ordonnance de 1945 d'expulser certains etrangers, proteges en vertu de l'article 25 contre une mesure d'eloignement, s'ils ont ete condamnes definitivement a une peine d'emprisonnement ferme au moins egale a cinq ans. Ensuite, un etranger peut etre expulse sur le fondement de l'article 26-a de l'ordonnance, c'est-a-dire lorsque sa presence constitue une menace grave pour l'ordre public et lorsque l'eloignement presente un caractere d'urgence absolue. Dans ce cas-la, la commission d'expulsion n'a pas a etre consultee. L'expulsion peut aussi etre prise sur le fondement de l'article 26-b, c'est-a-dire lorsqu'elle constitue une necessite imperieuse pour la surete de l'Etat ou la securite publique ; la commission d'expulsion doit etre consultee ; les etrangers proteges contre une mesure d'eloignement en vertu de l'article 25 peuvent faire l'objet d'une proposition d'expulsion sur le fondement de l'article 26-b meme s'ils n'ont pas ete condamnes a une peine de cinq ans d'emprisonnement, sauf pour les mineurs de dix-huit ans. Enfin, l'etranger peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion prise sur la base de l'article 26, 2e alinea ; elle concerne l'etranger dont l'eloignement revet a la fois un caractere d'urgence absolue et constitue une necessite imperieuse pour la surete de l'Etat ou la securite publique. Dans ce cas, la commission n'a pas a etre saisie, et les protections de l'article 25 ne jouent pas, a l'exception du cas des mineurs de dix-huit ans. Toutefois, s'il existe un ensemble complet de moyens juridiques pour eloigner les etrangers menacant l'ordre public, il arrive effectivement que certains de ces etrangers restent, regulierement ou non, sur le territoire francais. Un certain nombre de reflexions ont alors ete engagees pour mettre fin a ce type de situations, et de nouvelles instructions ont ete adressees aux prefectures. Les prefectures ont donc ete incitees a mieux utiliser le temps de detention pour identifier l'etranger et preparer son depart. Ainsi, les directeurs d'etablissements penitentiaires doivent desormais informer le service des etrangers de la prefecture de tout ecrou et de toute modification de la situation penale des etrangers. Parallelement, afin de suivre l'evolution des entrees et des sorties previsibles d'etrangers des etablissements penitentiaires, les prefectures ont pour instruction d'envoyer regulierement un fonctionnaire pour suivre les arrivees et departs dans les etablissements penitentiaires situes dans le departement. Cela vise a eviter qu'un etranger, menacant l'ordre public, sorte de prison sans que la prefecture dont il depend soit informee et donc sans qu'une decision d'expulsion puisse etre prise a son encontre. Par ailleurs, afin d'utiliser reellement le temps de detention pour identifier les etrangers sans papiers, un fonctionnaire de la prefecture concernee doit se rendre au greffe pour y rechercher tout element pouvant permettre l'identification des etrangers sans papiers. Les prefectures disposent aussi des applications informatiques (fichier des personnes recherchees et application de gestion des dossiers des ressortissants etrangers en France - AGDREF). Cela permet donc de, plus en plus, d'eviter que des etrangers, menacant l'ordre public puissent se trouver regulierement sur le territoire francais, faute d'avoir pu etre identifies ou parce que, suite a des mouvements penitentiaires, une prefecture n'a pu proposer une mesure d'expulsion, n'ayant pas connaissance de la presence de l'etranger sur son departement. Enfin, si certains etrangers, devant etre expulses, restent sur le territoire francais, c'est parce que leur identite, ou leur nationalite, est inconnue ; or on ne peut reconduire un etranger qu'a destination du pays dont il a la nationalite ou a destination du pays qui lui a delivre un document de voyage en cours de validite ou a destination d'un autre pays dans lequel il est legalement admissible. Il est donc necessaire que son consulat le reconnaisse et lui delivre un document de voyage, ou qu'un autre consulat l'admette et lui delivre alors ce document de voyage. Ainsi, afin de faciliter l'eloignement de ces etrangers, et notamment de permettre a l'administration de trouver l'identite des etrangers sans papiers, la loi du 30 decembre instaure une retention judiciaire pour les etrangers qui se sont rendus coupables, en application du deuxieme alinea de l'article 27 de l'ordonnance de 1945 modifiee, de dissimulation ou de destruction de leurs documents de voyage ou de fourniture de faux renseignements ; cette retention peut durer jusqu'a trois mois, ce qui laisse le temps de prendre l'ensemble des contacts necessaires a l'identification de l'etranger, prealable a son eloignement. Trois centres de retention judiciaire ont deja ouvert, a Orleans, a Ollioules (Var) et Aniane (Herault), le 1er avril 1994. Des accords de readmission ont aussi ete signes ou doivent etre signes avec les pays qui constituent une source importante d'immigration clandestine (cela a ete le cas, par exemple, avec la Roumanie en avril 1994).
UDF 10 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O