FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 1259  de  M.   Moutoussamy Ernest ( Communiste - Guadeloupe ) QOSD
Ministère interrogé :  outre-mer
Ministère attributaire :  outre-mer
Question publiée au JO le :  15/01/1997  page :  77
Réponse publiée au JO le :  15/01/1997  page :  13
Rubrique :  DOM
Tête d'analyse :  Guadeloupe : agriculture
Analyse :  Planteurs de canne a sucre. aides de l'Etat
Texte de la QUESTION : M. Ernest Moutoussamy rappelle a M. le ministre delegue a l'outre-mer que la restructuration de la filiere canne-sucre-rhum au cours des trente dernieres annees a abouti a la fermeture d'une douzaine d'usines sucrieres, a la reduction de 70 % des superficies plantees, a la disparition de 20 000 emplois et a une chute de la prodution de sucre, de 185 000 tonnes en 1965 a 45 000 tonnes actuellement. Pour l'instant, deux usines sucrieres - celle de Marie-Galante et celle de Gardel - sont retenues par les autorites pour garantir l'avenir de l'industrie sucriere. En Guadeloupe continentale, l'usine bagasse-charbon risque de devenir simplement une usine de production d'electricite a base de charbon si n'est pas mise en place rapidement une politique de production de canne a sucre. Cette politique doit mobiliser les planteurs, qui ne retourneront a la canne que si un prix minimum viable et equitable de la tonne de canne leur est garanti. Pour ce faire, les problemes lies au systeme de paiement a la richesse saccharine, aux aides a la replantation, aux mecanismes de structuration de la profession et a la revalorisation du traitement industriel de la canne (sucre biologique...) doivent etre resolus imperativement. A la veille du demarrage de la recolte, il lui demande, d'une part, de lui indiquer la position du gouvernement quant a sa politique de relance de la filiere canne, et, d'autre part, de lui faire un point sur les engagements et sur le plan retenu par l'Etat en faveur de l'usine de Gardel.
Texte de la REPONSE : M. le president. M. Ernest Moutoussamy a presente une question no 1259.
La parole est a M. Ernest Moutoussamy, pour exposer sa question.
M. Ernest Moutoussamy. Monsieur le ministre delegue a l'outre-mer, en 1965, la production de sucre des departements d'outre-mer representait le tiers de la production metropolitaine de sucre. Trente ans plus tard, alors que la quantite de sucre produite par la France continentale a ete multipliee par trois, celle des departements d'outre-mer a ete divisee par trois pour ne plus representer que 7 % de la production nationale. Ces chiffres temoignent de l'echec des plans successifs de restructuration.
Pour ce qui concerne la Guadeloupe, cette restructuration, plutot synonyme de liquidation, a abouti a la fermeture d'une douzaine d'usines sucrieres, a la reduction de 70 % des superficies plantees, a la disparition de 20 000 emplois, a une chute de 75 % de la production de sucre et a un fort exode rural. Aussi cette ile a sucre de jadis, qui recut des centaines de milliers d'hommes et de femmes arraches a l'Afrique, a l'Orient et a l'Extreme-Orient pour repondre aux besoins des marchands de l'Europe et dont chaque champ de canne est une page d'histoire ecrite en lettres de larmes et de sang, s'interroge-t-elle sur son avenir sucrier.
Monsieur le ministre, apres les aleas climatiques et les tergiversations de ces dernieres annees, il est temps de redonner confiance aux planteurs par une nouvelle politique de production de canne a sucre. Ainsi, l'usine bagasse-charbon de Gardel ne deviendra pas simplement une usine de production d'electricite a base de charbon.
Actuellement, l'absence de garantie d'un revenu minimum pour les planteurs, l'endettement des jeunes agriculteurs installes dans le cadre de la reforme fonciere, le delabrement des structures existantes et l'insuffisance de maitrise de l'irrigation et de la mecanisation ne peuvent conduire a la relance de la culture de la canne.
De toute evidence, si la finalite essentielle de la canne reste l'industrie sucriere, on ne peut faire l'impasse sur un projet de developpement integre de la filiere dont les objectifs seraient, d'une part, une production de 800 000 a 1 million de tonnes de canne, et, d'autre part, une valorisation et une diversification du traitement de la filiere. Celles-ci pourraient deboucher sur du sucre biologique, du sucre roux en morceaux, du rhum agricole «marque Guadeloupe» destine a l'exportation, sur la fabrication d'aliments pour le betail a partir de la bagasse, et, enfin, sur un revenu viable et equitable pour le planteur et un gisement renove d'activites productrices d'emplois.
Monsieur le ministre, la canne constitue encore un atout essentiel pour l'economie et la stabilite sociale de la Guadeloupe. Il nous faut donc la sauver en remobilisant les planteurs, en reexaminant les problemes lies au systeme de paiement a la richesse saccharine et en renovant les differentes formes d'aide et de soutien.
Bref, une forte initiative en faveur d'un programme de developpement de la canne s'impose de toute urgence. Elle devrait mettre en synergie les moyens de l'Etat, de la Communaute europeenne, des collectivites locales et du prive dans un plan de relance.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire quelle est la position du Gouvernement dans ce dossier, et faire le point sur les engagements et le plan retenu par l'Etat au profit de l'usine de Gardel ?
M. le president. La parole est a M. le ministre delegue a l'outre-mer.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre delegue a l'outre-mer. Monsieur le depute, j'adhere tout a fait a vos propos sur l'importance de la filiere «canne» pour un departement comme la Guadeloupe, ou elle joue effectivement un role moteur. Je partage donc pleinement vos preoccupations sur la necessite d'etayer solidement le socle de cet ensemble, c'est-a-dire de redresser la production de canne.
Repondant a votre demande, je vais d'abord faire le point sur le plan sauvegarde et de developpement de la filiere canne-sucre, qui avait ete presente par mon predecesseur a l'automne 1994, et dont nous poursuivons et consolidons la mise en oeuvre; j'evoquerai ensuite la situation de Gardel.
Sans aller jusqu'a crier victoire et a pousser des cocoricos, je crois que nous pouvons etre satisfaits des efforts de redressement qui ont ete engages depuis 1995, puisque ceux-ci se traduisent d'une maniere benefique. Les resultats satisfaisants de la campagne 1996 confirment les possibilites de redressement et le caractere realiste des bases retenues a cette fin.
Tout d'abord, le «tas de canne», qui avait atteint, en 1995, une baisse historique, avec 320 000 tonnes en Guadeloupe continentale et 56 000 tonnes sur Marie-Galante, a tres sensiblement augmente: respectivement 445 000 et 87 000 tonnes. Certes, nous n'en sommes pas aux 800 000 ou 900 000 tonnes que vous souhaitez, mais la tendance est plutot a la hausse. Autre signe encourageant, le nombre des fournisseurs s'est lui aussi accru legerement, passant de 4 790 en 1995 a 4 815 l'an dernier.
En ce qui concerne le traitement industriel, ici encore le tonnage de sucre produit en 1996, - pres de 49 000 tonnes -, se compare favorablement aux resultats de 1995, qui etaient de l'ordre de 32 600 tonnes. Il est vrai toutefois que l'annee avait ete marquee par des catastrophes naturelles, notamment des cyclones.
S'agissant des rendements moyens, en revanche, une legere insatisfaction peut apparaitre. Dans ce domaine, en effet, les resultats constates sont marques par de tres fortes disparites et ne refletent pas encore des evolutions significatives. Pour l'avenir, il est donc indispensable de se mobiliser, ainsi que vous le recommandez, sur cette question cruciale, qui conditionne pour une grande part le developpement et la rentabilite de la filiere.
Les perspectives de la prochaine campagne canniere se presentent sous des auspices encourageants. D'abord, les premieres estimations nous permettent de tabler sur un tonnage recolte de l'ordre de 520 000 tonnes, grace a une bonne pluviometrie. Ensuite, les agriculteurs beneficient d'un environnement de nature a favoriser leur mobilisation et leur confiance dans le retour de la canne.
Ainsi, le protocole de paiement de la canne fait actuellement l'objet d'une revision, qui vise a ameliorer l'information et la connaissance des planteurs sur les mecanismes et les parametres de remuneration qui leur sont appliques. Quant a l'encadrement technique, auquel prennent part la chambre d'agriculture et les organisations professionnelles, il joue un role essentiel pour la progression des rendements et permet d'inciter les planteurs a mettre en oeuvre des procedes de culture les mieux adaptes, ce qu'ils font de plus en plus.
Enfin, l'Etat vient d'entamer avec les professionnels une concertation pour definir les conditions d'octroi des aides, qui pourraient reposer sur la richesse en saccharine des annees recoltees. Je souhaite personnellement que cette concertation aboutisse a la signature d'une convention quinquennale. Des engagements en ce sens avaient deja ete pris mais n'ont pas ete respectes, s'agissant en tout cas du calendrier. Avec un tel engagement pluriannuel, les pouvoirs publics entendent manifester leur determination a soutenir le developpement de la filiere. Je precise d'ailleurs que les aides mobilisees a travers la garantie de prix representent un effort financier particulierement significatif: 96 millions de francs en 1996.
Je rappelle aussi que les mesures d'aides a la replantation de la canne et aux ameliorations foncieres incluses dans le programme POSEIDOM ont ete entierement utilisees. La France a demande a la Commission europeenne le maintien de ces aides pour la periode qui va de 1997 a 2001 en prenant pour base les intentions de replantation et d'amelioration fonciere fomulees par les professionnels.
Voila autant de mesures qui contribuent a ameliorer l'augmentation des rendements, le maintien de la sole canniere et la rentabilite de la filiere.
J'en viens maintenant a la deuxieme partie de votre question. L'Etat, conformement aux orientations annoncees, prend effectivement sa part dans l'effort d'assainissement consacre au pole industriel de Gardel.
Tout d'abord, les investissements realises pendant l'intercampagne 1995-1996, a la suite d'une premiere augmentation de capital, ont deja fait sentir leurs effets. Les travaux d'amelioration ont ainsi permis a l'usine de prendre en charge sans difficultes les tonnages livres l'an dernier et les installations d'analyse se sont revelees extremement performantes.
Les resultats de Gardel dependent aussi du fonctionnement des centres de transfert. Ceux-ci, au nombre de six comme vous le savez, ont opere dans l'ensemble de facon satisfaisante durant la campagne de 1996.
Ensuite, le plan de restructuration du capital de Gardel SA se poursuit normalement, meme si parfois le rythme est un peu plus lent que nous le souhaiterions. Je rappelle qu'apres avoir verse depuis 1994 des subventions significatives - 35 millions de francs pour 52 millions d'investissements, realises par Gardel - l'Etat vient de decider de participer a l'augmentation du capital de l'entreprise en faisant intervenir la SOCREDOM a hauteur de 10 millions de francs. Cet effort accompagne celui que consentent les actionnaires de leur cote.
L'Etat montre ainsi qu'il est confiant dans la capacite de Gardel a assurer son role et ses responsabilites en tant qu'usine de la Guadeloupe continentale. D'une maniere generale, et comme il l'a toujours fait, il oeuvrera pour conforter l'outil industriel. Pour leurs investissements les sucreries continueront notamment a beneficier des subventions POA et FEOGA. Le soutien dont beneficie le pole de Gardel, et j'y insiste car on a dit et ecrit beaucoup de choses a ce sujet, est prioritaire. Le conseil regional a decide lui-meme de prendre sa part. Cela permettra de parachever la restructuration industrielle de la filiere canne avec le couplage qui devrait intervenir l'an prochain de l'usine de Gardel a la centrale bagasse-charbon. Comme vous, je souhaite bien sur que la bagasse soit l'un des elements determinants du fonctionnement de cette usine.
Avant de terminer, je voudrais encore rappeler que l'usine de Marie-Galante pourra fonctionner normalement, grace au redressement entrepris depuis l'an dernier dans le cadre de la convention signee entre l'Etat, la region Guadeloupe et le repreneur de l'entreprise, la Societe des sucreries et rhumeries de Marie-Galante.
Au total, il m'est possible de reaffirmer devant la representation nationale et en reponse a votre question, monsieur le depute, mon implication personnelle et celle des services de l'Etat dans les actions indispensables pour assurer le maintien et la consolidation de cette filiere essentielle pour le departement de la Guadeloupe.
Certes, la situation n'est pas aussi satisfaisante qu'il y a trente ans, mais il faut aussi tenir compte de l'evolution de notre histoire. Et je suis convaincu que, si nous consolidons toutes les initiatives qui sont prises, nous parviendrons a preserver une filiere essentielle. Cette activite, tout comme celle qui releve du secteur de la banane, occupe tout l'espace et procure des revenus indispensables aux petits foyers. Sans elles, la situation economique serait beaucoup plus difficile.
COM 10 REP_PUB Guadeloupe O