FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 13996  de  M.   Hage Georges ( Communiste - Nord ) QE
Ministère interrogé :  coopération
Ministère attributaire :  coopération
Question publiée au JO le :  09/05/1994  page :  2266
Réponse publiée au JO le :  04/07/1994  page :  3420
Rubrique :  Politique exterieure
Tête d'analyse :  Afrique
Analyse :  Devaluation du franc CFA. consequences. developpement
Texte de la QUESTION : M. Georges Hage souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la cooperation sur les consequences de la devaluation du franc CFA, sur notre politique de cooperation et de developpement avec les pays concernes. Les pays de la zone franc traversent une crise sociale dramatique. La devaluation - en rencherissant le cout de la dette et celui des biens importes - ne peut que l'aggraver et mettre en peril les processus de democratisation. Une fois de plus, ce sont les peuples qui vont payer l'essentiel de la facture. Des « mesures d'accompagnement » sont promises mais on sait que, sous la tutelle des institutions financieres internationales, les prets et les aides sont accordes contre la mise en place des plans d'ajustement structurel. Cela veut dire austerite budgetaire accrue, notamment sur les depenses de sante et d'education, licenciement de milliers de fonctionnaires, privatisations de secteurs strategiques et rentables qui enrichiront une fois de plus une minorite alors que la majorite des peuples africains continueront de s'enfoncer dans la crise. La zone franc a ete gangrenee par une politique de pillage systematique des ressources publiques par les « elites africaines » et leurs correspondants en France. Le franc CFA a permis d'etablir de solides fortunes. Une reforme de son fonctionnement est donc necessaire. Mais elle ne peut passer que par la mise en chantier d'un nouveau type de cooperation. Il faut annuler la dette des pays de la zone franc et non continuellement la reamenager et rencherir le prix des matieres premieres. C'est aussi evidemment l'interet de la France de promouvoir avec les pays de la zone franc un veritable partenariat d'interet mutuel. Le 12 janvier dernier, le franc CFA etait devalue. Certes, M. le ministre a ete entendu par la commission des affaires etrangeres, mais il lui demande si le Gouvernement compte organiser rapidement a l'Assemblee nationale un veritable debat sur les consequences de la devaluation et sur l'avenir de notre politique de cooperation. L'inscription a l'ordre du jour de nos travaux de la proposition de loi « Survie » relative « a la contribution de la France a la lutte contre la faim et pour le developpement des regions tres defavorisees » souscrite par 416 deputes de tous les groupes serait un excellent moyen d'y repondre.
Texte de la REPONSE : Les objectifs de la devaluation : il convient tout d'abord de rappeler les principales raisons qui ont motive la decision prise par les chefs d'Etat et de gouvernement des pays de la zone franc, reunis a Dakar les 10 et 11 janvier dernier, de reviser la parite de leur monnaie par rapport au franc francais : la situation economique et financiere de la zone n'avait jamais ete aussi mauvaise : une croissance negative, des desequilibres exterieurs allant en s'aggravant, une situation financiere catastrophique. Les besoins de financements exterieurs excedaient les possibilites des bailleurs de fonds traditionnels et en particulier de la France, alors meme que les institutions de Bretton-Woods (FMI, Banque mondiale) avaient fortement reduit leur aide aux pays africains de la zone franc. La confiance dans la valeur du franc CFA et du franc comorien avait disparu. Face a cette situation de crise, la devaluation visait deux objectifs essentiels : l'assainissement des finances publiques et la reprise de la croissance, grace notamment a une amelioration de la competitivite des productions locales et la reprise des investissements. Elle devait egalement permettre de renouer le dialogue avec les bailleurs de fonds multilateraux. Devaluer, c'etait donner le signe d'une nouvelle politique economique, mettre fin a toutes les anticipations et reaffirmer la solidarite de la zone. A cet egard, la devaluation du franc CFA et du franc comorien n'a pas remis en cause les principes de fonctionnement de la zone franc (convertibilite de la monnaie garantie par le Tresor francais, libre transferabilite des capitaux a l'interieur de la zone, parite fixe entre le franc francais et le franc CFA d'une part et le franc comorien d'autre part). Les effets de la devaluation sur les populations : la devaluation, par le changement des prix relatifs entre les biens produits localement et les biens importes, aura necessairement une incidence sur le pouvoir d'achat des populations et sur la repartition des revenus ; les populations rurales - qui constituent la grande majorite des populations africaines - doivent beneficier d'une augmentation de leurs revenus et de leur pouvoir d'achat, du fait de l'augmentation, en monnaie locale, des prix des cultures d'exportation et de la relance des productions de vivriers en substitution aux importations de biens alimentaires ; c'est deja le cas pour les producteurs de cacao, de cafe et de coton par exemple, denrees dont les prix d'achat a la production ont ete augmentes de maniere substantielle, par contre, les couches urbaines, pour celles qui consomment largement des biens importes verront leur pouvoir d'achat impute et devront se tourner davantage vers les productions locales. Les mesures d'accompagnement : sur le plan social, des les jours qui ont suivi la devaluation, le ministere de la cooperation a pris un certain nombre d'initiatives pour pallier les difficultes pouvant affecter les populations les plus demunies : mise en place d'un fonds special de developpement dote d'un financement de 300 millions de FF ; appuis specifiques aux secteurs du medicament, des ecoles et du livre scolaire ; ainsi, l'intervention du Fonds special du developpement a permis, dans un delai rapide, de lancer de nombreux projets dans l'ensemble de la zone, avec l'appui d'associations et d'ONG locales, destines a ameliorer les conditions de vie en matiere de sante, d'education et d'emploi dans les quartiers urbains defavorises ou les zones rurales les plus demunies. A ce jour la quasi-totalite des fonds mis en place a ete engagee ; d'autre part, tous les moyens de la cooperation ont ete mobilises pour maintenir l'approvisionnement en medicaments, tant dans le secteur public que le secteur prive. La cooperation francaise a engage 129 millions de FF depuis janvier dernier en faveur du medicament, dont 25 millions pour des operations d'urgence et 40 millions de FF pour soutenir la distribution privee et d'officine, pour aider les laboratoires francais a s'adapter a la nouvelle situation ; egalement preoccupe par la diffusion des livres dans les pays de la zone franc, le Gouvernement, apres consultation des editeurs, a decide de consacrer 35 MF (30 MF mobilises par le ministere de la Cooperation et 5 MF par le ministere de la culture et de la francophonie) a l'abaissement du prix d'achat des ouvrages, notamment des livres scolaires, et a soutenir l'activite des libraires africains. Cet effort, partage avec les editeurs et les libraires, vise a l'ajustement de la valeur des stocks des libraires et a l'abaissement durable des couts de production et de distribution des livres. Sur le plan financier, la France a prevu d'affecter un montant de concours financiers de l'ordre de 5 milliards de FF aux pays de la zone franc en 1994 pour les aider a resorber leurs deficits publics. Ces concours sont accordes aux pays qui ont signe des accords avec le Fonds monetaire international dans le cadre de la mise en place de programme de reformes economiques. Parmi les points d'affectation, un accent est porte sur la resorption des arrieres interieurs des Etats afin de favoriser la reprise economique ; d'autre part, la France a pris un certain nombre d'initiatives en matiere d'allegement de la dette des pays de la zone franc, dont le montant en monnaie locale a ete multiplie par deux du fait de la devaluation du FCFA. Pour ce faire, le Gouvernement a decide de proposer au Parlement d'annuler la totalite de ses creances d'aide publique au developpement (APD) sur les pays pauvres (soit 6,6 millions de FF) et la moitie de ses creances d'APD sur les quatre pays dits a revenu intermediaire : Cameroun, Cote-d'Ivoire, Congo, Gabon (soit 18,4 milliards de FF). La France a, par ailleurs, decide d'effacer les arrieres de paiement existant a l'egard de la caisse francaise de developpement, permettant ainsi a cet etablissement de reprendre ses concours dans chacun des pays de la zone franc ; elle encourage egalement la communaute financiere internationale a prendre, en Club de Paris, des termes d'accords favorables aux pays africains afin d'alleger de facon consequente le service de la dette de ces pays pour les prochaines annees ; a ce jour, la totalite des pays concernes ont renoue le dialogue avec la Banque mondiale et le FMI. Douze pays sur quatore ont conclu un accord avec ce dernier. Le Club de Paris a instruit les dossiers de six pays, avec un certain nombre d'amenagements particulierement remarquables ; c'est dire que le dispositif d'accompagnement de la devaluation s'est convenablement mis en place. D'autre part, la zone franc beneficie, depuis la fin de l'annee 1993, du contexte favorable du marche des matieres premieres. La plupart de ses produits traditionnels d'exportation ont vu leurs prix augmentes de maniere substantielle sur le plan international. Les gains de competitivite lies a la devaluation du franc CFA, conjugues avec une conjoncture economique plus favorable, doit permettre aux differentes filieres d'exportation de recouvrer leur rentabilite ; les parlementaires sont regulierement tenus informes, depuis le 12 janvier, de l'evolution de la situation economique et financiere des pays de la zone franc et des mesures d'accompagnement prises par le gouvernement. Les nouvelles orientations de notre cooperation, notamment avec les pays de la zone franc, suite a la devaluation du franc CFA, ont ete presentees par le ministre de la cooperation, lors de son allocutiuon devant la commission des affaires etrangeres de l'Assemblee nationale le jeudi 26 mai 1994 ; enfin, concernant la proposition de loi « survie » relative a la « contribution de la France a la lutte contre la faim et pour le developpement des regions tres defavorisees », presentee en juin 1993, et renvoyee devant la commission des affaires etrangeres, son expose des motifs reprend des themes deja largement debattus et ses modalites d'application restent encore imprecises. Elle semble egalement comporter un risque de derive de la cooperation vers l'action humanitaire au detriment du developpement.
COM 10 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O