FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 1450  de  M.   Colliard Daniel ( Communiste - Seine-Maritime ) QOSD
Ministère interrogé :  industrie, poste et télécommunications
Ministère attributaire :  industrie, poste et télécommunications
Question publiée au JO le :  16/04/1997  page :  2500
Réponse publiée au JO le :  16/04/1997  page :  2435
Rubrique :  Agro-alimentaire
Tête d'analyse :  FRALIB
Analyse :  Emploi et activite. Le Havre
Texte de la QUESTION : La societe FRALIB dispose de deux usines en France, au Havre et a Gemenos (13), qui conditionnent des thes et des infusions. M. Daniel Colliard attire l'attention de M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications sur la decision prise par la direction de fermer la premiere usine, qui emploie 136 personnes, et de regrouper ses activites dans la seconde. Ces usines alimentent les marches francais et de l'Europe continentale ou FRALIB occupe une position dominante. Il ne s'agit pas d'une societe en mauvaise sante ou fragile puisque ses diverses implantations sont beneficiaires et qu'elle est l'une des innombrables branches du trust Unilever qui emploie 308 000 personnes reparties dans 500 filiales a travers 90 pays dans le monde. La decision est d'autant moins admissible que l'usine du Havre, construite en 1975, dont les installations sont performantes et dont la qualification du personnel n'est pas contestee, est situee dans un quartier classe en zone urbaine sensible disposant de peu d'activites et au sein duquel elle s'est parfaitement integree. Le conseil municipal du Havre s'est eleve unanimement contre ce projet qui a recu un avis defavorable des elus CGT et CGC en comite central d'entreprise. Une petition s'opposant a cette mesure a deja recueilli 15 000 signatures dans la population. Il est demande a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications de s'opposer a cette fermeture qui se traduirait par des difficultes pour les travailleurs et leur famille auxquels il est propose de se transplanter a l'autre bout de la France, ce qui se traduira par la perte d'emploi pour la plupart car beaucoup ne peuvent l'envisager. Cette fermeture porterait un coup a un quartier sensible et contribuerait a aggraver un peu plus la situation economique et de l'emploi dans un bassin ou le taux de chomage, en progression, atteint 18,6 %.
Texte de la REPONSE : M. le president. M. Daniel Colliard a presente une question no 1450.
La parole est a M. Daniel Colliard, pour exposer sa question.
M. Daniel Colliard. La societe Fralib n'est pas connue du grand public. Pourtant elle est loin d'etre une inconnue puisqu'elle conditionne les marques The Lipton et The de l'elephant.
La societe Fralib n'est pas une PME. Elle est l'une des innombrables branches du trust Unilever qui emploie 308 000 personnes reparties dans 500 filiales implantees dans 90 pays. Unilever a realise un chiffre d'affaires de 247,8 milliards de francs en 1995 et un benefice d'exploitation de 19,9 milliards. Elle est classee vingt et unieme au rang mondial par la revue Fortune.
La societe Fralib occupe une position dominante en Europe continentale pour les thes et infusions avec, en valeur, des parts de marche superieures a 50 %.
Sur ses trois usines, deux sont implantees en France: l'une au Havre, l'autre a Gemenos dans les Bouches-du-Rhone. Chacune d'elles est beneficiaire. La competence de leurs personnels est reconnue par la direction. Pourtant, cette derniere a decide de fermer l'usine du Havre et de regrouper les activites a Gemenos.
L'usine du Havre emploie 136 personnes. Le deracinement de ces personnes et de leur famille vers les Bouches-du-Rhone est impossible pour la plupart, ce qui veut dire que cette fermeture va se traduire par des dizaines de licenciements. Retrouver alors un emploi est des plus problematiques car la region havraise a perdu 1 700 emplois en un an et le taux de chomage, en progression, y atteint aujourd'hui 17,5 % selon l'INSEE.
De surcroit, l'usine de la societe Fralib est implantee dans un important quartier populaire, celui de Caucriauville, qui compte pres de 20 000 habitants, ou le taux de chomage depasse de six points la moyenne du bassin d'emplois, et qui est classe en zone urbaine sensible. L'usine s'y est parfaitement integree depuis sa creation en 1975 et a beneficie regulierement d'investissements de modernisation.
La mesure s'inscrit donc a contre-courant de tout ce que l'on entend officiellement sur l'amenagement du territoire et sur l'attention a porter aux quartiers sensibles.
Pourquoi cette fermeture et ce regroupement ? Unilever les justifie par la recherche de marges de rentabilite plus confortables.
Les travailleurs concernes, avec leur syndicat, s'opposent a cette fermeture. En comite central d'entreprise, les delegues CGT et CGC se sont exprimes contre. A ce jour, 16 000 signatures ont ete recueillies dans la population havraise, particulierement dans le quartier ou est implantee l'usine, pour s'opposer a la fermeture. Le conseil municipal du Havre s'est prononce, a l'unanimite, dans le meme sens.
Monsieur le ministre, ou va-t-on dans notre pays si des multinationales, utilisant sans vergogne les principes de libre circulation inscrits dans le traite de Maastricht, continuent a jouer au Monopoly, en ne tenant aucun compte des problemes des familles et de la nation ?
Ma conclusion est simple et decoule tout naturellement de ce que je viens d'exposer: le Gouvernement doit s'opposer a cette fermeture.
Je demande au Gouvernement des engagements fermes auxquels les travailleurs, leurs familles et les Havrais seront tres attentifs.
M. le president. La parole est a monsieur le ministre de l'amenagement du territoire, de la ville et de l'integration.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'amenagement du territoire, de la ville et de l'integration. M. Daniel Colliard, ancien maire du Havre, connait parfaitement tous ces problemes.
Monsieur le depute, vous avez appele l'attention du ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications sur le projet de la societe Fralib de fermer son usine du Havre. M. Borotra ne pouvant pas etre present pour vous repondre directement ce matin m'a prie de le remplacer, ce que je fais bien volontiers.
La societe Fralib produit des thes et infusions, des potages et des boissons rafraichissantes a base de the sur plusieurs sites. C'est une filiale du groupe international Unilever qui a entame une reorganisation de son secteur thes et infusions au plan europeen.
La premiere phase de cette restructuration a conduit a la fermeture d'un site industriel suisse. La seconde phase concerne trois sites europeens, Le Havre, Gemenos dans les Bouches-du-Rhone - je connais bien le probleme - et Bruxelles.
Selon l'entreprise, cette reorganisation s'avere necessaire a la prerennite de son activite. La production devrait etre regroupee sur des sites plus recents et qui devraient etre specialises.
L'entreprise souhaite conserver l'ensemble de ses salaries, dont elle souligne l'experience professionnelle et la competence. Dans ces conditions, les salaries du Havre se verront prioritairement proposer les emplois qui devraient etre crees sur les autres sites. Selon un premier sondage realise par les responsables de l'entreprise, pres de la moitie des salaries pourraient envisager cette mobilite.
Il convient de souligner deux aspects de cette operation de restructuration: l'information prealable des salaries et l'importance et la diversite des mesures devant faciliter leur mobilite. Ainsi, les premieres informations ont ete presentees aux representants du personnel pres de deux ans avant la date envisagee pour la fermeture du site. Par ailleurs, une antenne «mobilite» a ete creee, avec l'aide d'un cabinet specialise. Elle est presente sur les differents sites d'accueil, ainsi qu'au Havre. L'ensemble de ces mesures fait actuellement l'objet de discussions entre les partenaires sociaux.
Vous avez raison, monsieur le depute, d'insister sur la disparition d'emplois industriels dans une zone urbaine sensible. J'en suis comme vous tres preoccupe, mais vous n'ignorez pas que ce dossier fait l'objet d'une attention particuliere des pouvoirs publics, et que des contacts reguliers ont lieu avec les representants de l'entreprise et un organisme de developpement local. Pour ma part, je souhaite que l'ensemble des elus locaux s'y associent.
M. Colliard, on rappelle souvent, lorsqu'une usine ferme, qu'elle avait beneficie de fonds publics, credits d'Etat ou des collectivites territoriales, mais on oublie que, tout au long de son existence, comme JVC, pres de Longwy, qui a dure dix ans, elle avait cree des emplois et paye la taxe professionnelle, remboursant ainsi les fonds publics verses auparavant. Il y a une loi du marche, monsieur Colliard, on ne la refera pas comme cela. Pretendre, comme vous le dites que dans les zones urbaines sensibles, on ne porterait pas toute l'attention necessaire, me choque un peu. Je viens de repondre a une question de M. Geveaux sur le sujet. Un colloque s'est tenu hier, a Marseille, sur les zones franches. Vous savez que le dispositif fonctionne, que des entreprises viennent s'installer et qu'elles creent des emplois. Je mets d'ailleurs en garde l'Assemblee de ne pas, au travers de la loi d'orientation relative au renforcement de la cohesion sociale, bouleverser nos emplois ville et les activites que nous soutenons dans les zones franches.
J'ai visite avec vous, monsieur Colliard, les zones en difficulte de la banlieue de la ville du Havre. Nous essayons d'apporter un ballon d'oxygene a notre economie, de relancer des activites qui avaient tendance a pericliter et de donner des emplois aux jeunes qui habitent dans ces quartiers, monsieur Colliard, et non dans les endroits bourgeois du Havre.
A ce titre, monsieur Colliard, notre action ne me semble pas meriter l'opprobre ni la critique.
Pour autant, le ministre de l'industrie sera tres sensible a vos remarques concernant la societe Fralib, et je ne doute pas qu'il en tiendra compte.
M. le president. La parole est a M. Daniel Colliard.
M. Daniel Colliard. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre reponse.
Je n'ai pas parle de fonds publics et j'ignore s'il en avait ete mobilise a l'epoque pour l'installation du the Lipton au Havre.
Vous avez en fait repris l'argument de la direction: il faut assurer la perennite de l'entreprise qui depend d'Unilever, dont j'ai brievement evoque la puissance et la rentabilite.
Je vois malheureusement que le Gouvernement ne manifeste aucune volonte de s'opposer a la mesure elle-meme, mais se borne a l'accompagner. Or, je l'ai rappele, il y a eu une perte nette d'emploi de 1 700 postes en un an au Havre, et cette mesure vient s'ajouter a bien d'autres. La Compagnie generale maritime annonce la suppression de plusieurs centaines d'emplois. Aux Ateliers de construction du Havre, on annonce un plan social, alors qu'il faudrait sauvegarder, promouvoir tout le potentiel et le savoir-faire de la construction navale. Les banques locales souffrent aussi d'une perte de potentiel, alors que cette activite doit absolument accompagner une place internationale comme Le Havre.
Il me semblait que cette mesure devait inquieter particulierement le ministre charge de l'amenagement du territoire. Il ne s'agit pas de laisser filer, de demailloter ce que vous proposez de tricoter dans les quartiers. Je rappelle que, dans ce quartier populaire, le chomage est a six points au-dessus de la moyenne du bassin d'emplois.
Je porterai donc vos propos, monsieur le ministre, a la connaissance des interesses et de la population. Je crois qu'ils en tireront la conclusion qu'ils doivent poursuivre leur demarche et maintenir leur pression pour obtenir satisfaction.
COM 10 REP_PUB Haute-Normandie O