Texte de la QUESTION :
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M. Patrick Labaune attire l'attention de M. le ministre des affaires etrangeres sur la question du Karabakh : durant l'ere sovietique, cette region que Staline avait donnee a l'Azerbaidjan en juillet 1921 avait malgre tout obtenu le statut de republique autonome, c'etait deja un acte de reconnaissance des particularites historiques, religieuses, culturelles et ethniques de cette region ; en 1988, avant que cette question ne devienne un conflit arme, la population du Karabakh a tout d'abord organise de maniere pacifique et democratique un referendum ou plus de 75 p. 100 des habitants de cette region ont souhaite le detachement de l'Azerbaidjan. La reponse des Azeris fut les pogroms d'Armeniens de Bakou et de Soumgait et l'agression militaire de la population du Karabakh ; aujourd'hui le Karabakh a pris les dispositions necessaires a la securite de sa population. L'Armenie et le Karabakh sont deux Etats independants, ayant chacun un gouvernement et une armee distincts. Le conflit du Karabakh est une affaire de droit de l'autodetermination d'un peuple qui n'oppose que le Karabakh a l'Azerbaidjan. Il lui demande : 1/ En quoi les succes des troupes du Karabakh justifient-ils le blocus qu'impose la Turquie a l'Armenie ? Si demain un conflit grave naissait entre le Quebec francophone et le reste du Canada anglophone, la France affamerait-elle pour autant l'Angleterre ? 2/ Le Karabakh a-t-il le droit de defendre sa terre, sa culture, sa religion et son peuple face a l'agresseur Azeri ; 3/ Pourquoi la France, pays berceau des droits de l'homme et de la democratie, s'oppose-t-elle a la volonte legitime du peuple du Karabakh a l'autodetermination ? 4/ Comment la France peut-elle entretenir un « dialogue politique » et rechercher des « solutions negociees » avec la Turquie et l'Azerbaidjan, Etats qui pratiquent le terrorisme d'Etat sur leurs ressortissants et voisins en agressant, affamant et tuant des populations civiles et qui bafouent ouvertement les droits de l'homme ? 5/ La centrale de Medzamor assurait la moitie des besoins energetiques de l'Armenie. Aucune energie de substitution n'atteindra ce taux. Face au drame economique (arret quasi total de l'outil de production), au drame ecologique (baisse du niveau du lac de Van, deforestation) et au drame humain (chomage, froid, faim), il ne fait aucun doute que l'Armenie optera pour la reouverture de cette centrale, quitte a prendre le risque d'un incident nucleaire. Seule la levee du blocus de l'Armenie permettrait la fermeture definitive de Medzamor. Quelles sont les mesures concretes prises dans ce sens par la France et les pays du G 7 ? Il lui demande de faire connaitre son avis sur les problemes qu'il vient de lui soumettre.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire sait l'interet particulier que la France porte a la crise du Haut-Karabakh. La France est l'un des membres les plus actifs du groupe de Minsk, cree en juin 1992 dans le cadre de la CSCE, qui recherche depuis une solution negociee a ce conflit. Celui-ci met en jeu le droit a l'autodetermination des Armeniens du Haut-Karabakh ainsi que celui a l'integrite territoriale de l'Etat azerbaidjanais, principes tous deux reconnus par le droit international et dont la conciliation est particulierement difficile. La France attache une importance prioritaire au sort des populations civiles, durement eprouvees de part et d'autre par les combats et les blocus. Dans cet esprit, notre pays a entrepris de multiples demarches aupres de la Turquie, pour qu'il soit mis fin au blocus impose a l'Armenie. La France a ainsi ete a l'origine d'une demarche de l'Union europeenne au printemps de l'annee derniere, dont les premiers resultats n'ont malheureusement pu se concretiser, en raison de l'offensive dans la region de Kelbadjar. La France a toujours appele a un reglement pacifique de cette crise, en condamnant a la fois tout changement par la force des frontieres existantes, mais aussi l'emploi de la violence pour regler un conflit d'autodetermination. Une solution equitable et negociee doit etre trouvee pour que toutes les populations concernees de cette region puissent vivre sur leur terre, dans le respect de leur langue, de leur culture et de leurs traditions. La France a note avec satisfaction la conclusion d'un cessez-le-feu entre les parties, le 27 juillet, et leur engagement a trouver dans des delais rapides un accord global. Notre pays est pret a y apporter tout le soutien necessaire dans le cadre de la CSCE. La France ne s'oppose pas a l'autodetermination du peuple du Haut-Karabakh. Elle constate seulement qu'aucun Etat, y compris la republique d'Armenie, n'a reconnu son independance. Elle se ralliera a toute solution acceptee par les parties en presence. Elle estime toutefois que la difficile question du statut de la region ne saurait etre reglee qu'au terme des negociations dont la conference internationale de Minsk, prevue sous les auspices de la CSCE, pourrait etre le point final. Il s'agit cependant, pour l'heure, de retablir la confiance entre les parties afin d'instaurer un processus de paix efficace. La France contribue par tous les moyens en sa possession au retablissement de la paix, en maintenant un dialogue avec les Etats de la region, y compris la Turquie et l'Azerbaidjan. C'est a travers son impartialite reconnue qu'elle peut jouer un role constructif et apprecie de toutes les parties en presence. Quant au probleme de la centrale nucleaire de Medzamor, en Armenie, il retient toute l'attention de la France, qui ne meconnait pas les difficultes considerables que le peuple armenien rencontre dans le domaine energetique. Notre pays a tache de lui apporter une aide a travers le developpement des capacites de stockage et des energies alternatives. Un seminaire franco-armenien sur les problemes energetiques vient de se tenir a Erevan avec notre soutien. Enfin, la France a contribue, l'hiver dernier, au chauffage des ecoles armeniennes. Le retour de la stabilite en Georgie devrait permettre d'enregistrer des progres dans un avenir proche, avec le retablissement d'approvisionnements normaux. Les avancees recentes dans les negociations de paix sur le Haut-Karabakh conduiront, nous le souhaitons vivement, a une levee des blocus qui serait particulierement appreciable dans le domaine energetique. C'est pourquoi la France, comme ses autres partenaires du G 7, maintient ses reserves sur le redemarrage de la centrale de Medzamor, qui appartient a une categorie de centrales dont les sommets de Munich et de Tokyo ont reclame l'arret le plus rapide possible, compte tenu des risques qu'elles font peser sur les populations et des consequences incalculables de possibles incidents. La France souhaite toutefois que l'Armenie puisse trouver aupres de la communaute internationale, et specialement du G 7, toute la comprehension necessaire pour ses difficultes actuelles, si elle adopte l'attitude responsable et courageuse que nous attendons d'elle.
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