Texte de la QUESTION :
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M. Jean Tardito attire l'attention de M. le ministre de l'equipement, des transports et du tourisme sur la situation tres grave que connait notre marine marchande et qui suscite une opposition croissante de toute la population maritime. En effet, notre pays ne compte plus que 10 000 navigants, alors qu'il possede une facade maritime tournee vers les trois zones d'echanges (mer du Nord, ocean Atlantique, mer Mediterranee), qu'il est parmi les pays les plus industrialises et au troisieme rang des pays exportateurs. Malgre cette situation privilegiee, la politique suivie ne va pas dans le sens d'une volonte de maintenir la France comme une grande nation maritime. Alors que de nombreux pays europeens, tels la Hollande et le Danemark, jugent necessaire une flotte nationale afin de soutenir l'independance des transports et de maintenir la securite des approvisionnements, en France, a l'inverse, la reforme de la manutention portuaire s'est traduite par « la casse » du statut des dockers et la suppression de presque la moitie des emplois. Plus recemment, apres la fuite en avant vers les pavillons de complaisance et le pavillon Kerguelen bis, concernant la flotte de commerce, c'est un nouveau coup porte au secteur du transport petrolier. C'est aussi la CGM qui souffre de l'insuffisance de son actionnaire principal, l'Etat, et dont les frais financiers pesent de 300 millions dans le resultat pour 1992. C'est enfin le budget de la mer pour 1993, en regression de 10 p. 100. Il n'est donc pas etonnant que la marine marchande francaise soit en declin, ce qui a amene notre pays au 24e rang mondial. Il y a donc urgence a prendre des mesures importantes pour l'emploi maritime, la qualification des personnels terrestres et navigants et leur savoir-faire, la formation maritime dispensee dans de nombreuses ecoles de la marine marchande. Cela passe, bien sur, par une autre politique pour la filiere maritime. Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement et les siennes.
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Texte de la REPONSE :
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La politique du Gouvernement dans le domaine de la marine marchande a pour objectif de rendre l'armement francais fort, competitif et sur. L'objectif est donc de maintenir une importante flotte immatriculee sous pavillon national. Des raisons de strategie et d'independance commerciales, de contribution a la balance des paiements et de maintien des emplois des personnels navigants aussi bien que sedentaires justifient cette politique. Dans ce but le ministre charge de la mer met en oeuvre un ensemble coherent et durable de mesures : l'aide a l'investissement, l'aide a la consolidation et a la modernisation, le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle, la prise en charge par l'Etat de l'allegement des cotisations armatoriales pour les navigants francais a bord des navires immatricules aux Terres australes et antarctiques francaises (TAAF). Depuis 1990, des resultats positifs incontestables ont ete obtenus et permettent a l'evidence d'ecarter « l'option zero ». Le mouvement massif de depavillonnement, qui etait constate depuis plus d'une decennie et qui se traduisait par la perte en moyenne de trente navires par an, a ete enraye ; le nombre de navires au commerce sous pavillon francais a ete globalement stabilise. Ainsi le nombre de navires de commerce immatricules sous pavillon francais s'eleve a deux cent vingt-deux unites au 1er avril 1993, contre deux cent vingt-trois au 1er janvier 1990. Simultanement, la diminution des effectifs de navigants a ete significativement ralentie. Dans un contexte budgetaire difficile, les dotations inscrites en loi de finances 1993 permettent de consolider ces acquis et de conforter cette stabilisation. L'aide a l'investissement constitue l'un des dispositifs essentiels du Plan marine marchande. Elle vise a faire en sorte que les investissements maritimes realises par les armateurs francais pour renouveler ou developper leur outil naval soient bien places sous pavillon francais. Son attribution est en effet liee a l'engagement des compagnies de maintenir sous pavillon national le navire aide pendant une duree de huit ans pour les navires neufs, quatre a huit ans pour les navires d'occasion. Le flux des livraisons intervenues en 1992, qui comporte onze navires neufs sur seize livres, devrait se maintenir en 1993 avec une quinzaine de navires neufs dont la livraison est prevue cette annee. Globalement, plus de huit milliards de francs d'investissements maritimes ont beneficie de l'ordre de sept cents millions de francs d'aides. L'aide a la consolidation et a la modernisation (ACOMO) permet de soutenir les progres de competitivite et l'adaptation des armements francais de lignes regulieres confrontes a une concurrence internationale intense. Elle est subordonnee a la definition d'un plan d'entreprise sur trois ans. Entre 1990 et 1992, plus d'un milliard trois cents millions de francs d'investissements de modernisation, hors navires, ont ete realises par les compagnies, qui ont beneficie de trois cents millions de francs d'aides, notamment dans le secteur de l'equipement en conteneurs, de l'informatisation et de la formation des personnels. En 1992 comme au cours des deux annees precedentes, l'ACOMO a beneficie d'un ensemble de l'ordre de sept mille salaries, dont plus de la moitie de navigants. En 1993, l'attribution de l'ACOMO aux compagnies de car-ferries operant sur la Manche est destinee a faciliter l'adaptation de ces entreprises a la concurrence de leurs homologues britanniques, dont la competitivite s'est trouvee renforcee par la depreciation de la livre depuis le 2e semestre 1992. Le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle est indispensable pour placer les armements operant sous pavillon francais a egalite de concurrence avec leurs concurrents etrangers. L'enjeu annuel est de l'ordre de cinquante a soixante millions de francs. L'allegement des cotisations sociales pour les armements operants des navires immatricules sous le registre des Terres australes et antarctiques francaises participe de la meme politique de diminution des charges d'exploitation en vue de placer les armements francais dans des conditions comparables a celles de leurs concurrents. La reduction des charges anterieurement accordee pour 35 p. 100 des navigants francais (diminution du taux des charges patronales de 35,65 p. 100 a 11.6 p. 100) sera ouverte pour 70 p. 100 des navigants lorsqu'ils seront de nationalite francaise. D'autre part, la possibilite d'immatriculation au registre des TAAF, pour les navires de lignes regulieres de fret, devrait permettre de rapprocher les conditions d'exploitation sur les navires de ligne de fret francais de celles existant sur les navires etrangers, notamment ceux de la Communaute europeenne. Par ailleurs, la mise en oeuvre du Marche unique a partir du 1er janvier 1993 a conduit a modifier profondement le regime petrolier francais. Cette reforme a ete guidee par le souci d'assurer la securite de nos approvisionnements sur les differents maillons de la chaine d'approvisionnement. Dans ce cadre, le transport maritime est effectivement pris en compte, comme il se doit. En effet, la loi no 1443 du 31 decembre 1992 portant reforme du regime petrolier prevoit que chaque raffineur doit disposer d'une capacite de transport maritime sous pavillon francais, en propriete ou par affretement a long terme, proportionnelle aux quantites de petrole brut qu'il traite. Ainsi est durablement assuree l'existence d'une flotte petroliere de taille suffisante sous pavillon francais. En complement de ce dispositif, un ensemble de mesures concerne la Compagnie generale maritime et ses principales filiales. Confrontee, comme les autres armements de taille comparable, a une severe degradation de ses resultats en raison notamment de l'effondrement des taux de fret sur certains de ses marches traditionnels, la Compagnie a ete amenee a reviser sa strategie de developpement afin de s'adapter aux nouvelles conditions du marche. C'est dans ce cadre que la CGM a ete conduite a se retirer totalement des services les plus deficitaires desservant l'Amerique du Nord et a filialiser certaines de ses activites pour en renforcer l'efficacite. Completant l'ensemble des aides qu'il a deja accordees a la CGM, l'Etat, soucieux de la perennite de l'entreprise, remplit pleinement son role d'actionnaire. D'ici au milieu de 1993 il procedera, a trois dotations successives en capital d'un montant global de sept cents millions de francs. Enfin, en ce qui concerne la reforme de la manutention, celle-ci etait devenue ineluctable en raison du manque de competitivite et de fiabilite qui pesaient trop lourdement sur les ports francais ; les nombreux dysfonctionnements qui se presentaient, les trop grandes rigidites dans l'emploi de la main-d'oeuvre et une organisation du travail defectueuse devaient etre corriges, impliquant necessairement une profonde revision du statut des dockers. Pour accompagner la reforme, il s'est avere indispensable de reduire tres fortement le nombre de dockers disponibles pour parvenir a l'objectif recherche, qui est de diminuer les couts de manutention ; mais les departs ont ete volontaires et se sont effectues dans des conditions financieres tres favorables pour les interesses. L'ensemble de ces mesures constitue une politique maritime et portuaire forte visant a la defense de l'emploi et des interets economiques fondamentaux de notre pays.
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