Texte de la QUESTION :
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M. Didier Bariani appelle l'attention de M. le secretaire d'Etat a l'action humanitaire d'urgence sur la situation du Rwanda. Conformement aux accords d'Arusha, le gouvernement d'unite nationale a ete forme avec la participation de representants du FPR. La transition s'est effectuee sous le controle de la Minuar, dont le mandat vient d'etre renouvele, en depit de la polemique que cette decision a suscitee entre le Conseil de securite et les autorites de Kigali. Estimant que la reconduction du mandat de la Minuar met en cause la souverainete nationale de leur pays, les autorites rwandaises ont obtenu la reduction substantielle du contingent onusien de meme qu'une redefinition a la baisse de la mission de la Minuar. Il a egalement ete decide qu'au terme de ces six mois de mandat la mission de la Minuar ne sera pas reconduite. Sur place, pourtant, une grande partie de la population vit dans les camps de refugies ou encore a l'exterieur des frontieres. Des rumeurs circulent au sujet d'une eminente offensive de certains extremistes Hutus depuis les pays frontaliers du Rwanda. Le massacre de Kibeho a montre les limites et les difficultes d'un retour a la paix. Si la France a montre depuis le debut de ce conflit sa fermete et sa volonte d'enrayer une guerre qui tue aveuglement, elle ne parvient pas a faire entendre sa voix au sein de l'ONU. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement francais pour preparer cet eventuel depart des casques bleus, assurer le retour et la protection des refugies du Rwanda.
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Texte de la REPONSE :
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1/ Le bilan de l'activite de la Minuar depuis la fin de l'operation Turquoise (aout 1994) apparait contraste. D'une part, on s'accorde a considerer qu'elle a utilement contribue a l'avenement de conditions propices a la distribution de l'aide humanitaire et a la restauration d'un climat de securite convenable. Ces resultats ont notamment ete obtenus grace a l'instruction d'une police nationale et a la protection du personnel international sur le terrain. Mais, d'autre part, la Minuar n'a guere ete en mesure de remplir la partie de son mandat visant a faciliter la reconciliation natinale. En effet, elargie et renforcee lors de l'arrivee du FPR au pouvoir, la Minuar n'a pas reussi a etablir des relations de confiance avec les autorites rwandaises. Ceci explique en partie les difficultes croissantes rencontrees par les observateurs militaires pour mener a bien leur tache. Par ailleurs, la reduction progressive des effectifs de la Minuar, couplee a une capacite logistique tres reduite, n'a pas contribue a ameliorer son efficacite sur le terrain. 2/ Toutefois, aux yeux de la France, le maintien de la presence au Rwanda d'une force internationale demeure indispensable. Cette analyse repose sur une triple constatation : la Minuar constitue aujourd'hui un signe tangible de l'interet porte par la communaute internationale au Rwanda et, au-dela, a la stabilite dans la region des grands lacs. Un retrait pur et simple, sans mise en place d'une mission internationale de transition, serait interprete comme la marque d'un desengagement des Nations unies a un moment particulierement critique ; les garanties de securite donnees par la Minuar au moment ou le HCR s'efforce, avec l'accord officiel du Gouvernement rwandais, de mettre en oeuvre un plan global de rapatriement volontaire des refugies sont plus que jamais necessaires. Il y a lieu, en outre, de se mettre en mesure de repondre aux consequences que provoquerait, si elle etait declenchee par les autorites zairoises, une nouvelle vague d'expulsions massives des Rwandais refugies au Kivu ; alors que le tribunal international pour le Rwanda s'apprete a entrer dans une phase operationnelle, la presence d'une force de paix est seule a meme d'assurer a son personnel, qui va etre amene a enqueter et a circuler dans la region, les meilleures conditions possibles de securite. Cette preoccupation vaut egalement pour le personnel des organisations humanitaires. 3/ Pour ces raisons, la France considere qu'au-dela de l'echeance du 8 decembre, il convient de veiller a ce que soit assuree la continuite d'une force de maintien de la paix des Nations unies au Rwanda, et a ce que cette force soit dotee des moyens necessaires (a cet egard, le commandant de la Minuar estime que celle-ci deviendrait inefficace si ses effectifs etaient reduits en dessous de 1 800 hommes). La France a deja fait connaitre ses preoccupations au secretariat de l'ONU, lors d'une reunion tenue le 3 novembre avec les Etats principalement interesses par la Minuar. Devant le Conseil de securite, la France s'appliquera donc a faire prevaloir la necessite de maintenir la presence au Rwanda d'une force des Nations unies disposant d'un mandat eventuellement revise pour tenir compte des enjeux actuels, et des moyens necessaires a l'accomplissement de ce mandat. L'echeance du 8 decembre ne doit pas pour autant faire perdre de vue l'urgence qui s'attache a degager une solution politique globale. A cet egard, la France continuera, en prenant des initiatives idoines, de marquer son attachement a la tenue prochaine, sous l'egide des Nations unies et de l'Organisation de l'unite africaine, de la conference pour la paix, la stabilite et la securite dans la region des grands lacs. 4/ S'agissant du retour des refugies rwandais, la France soutient activement le plan de rapatriement volontaire prepare par le HCR. Ses objectifs, ambitieux, ne seront toutefois vraisemblablement pas atteints d'ici la fin de l'annee 1995, vu les nombreuses difficultes rencontrees. Outre les circonstances politiques - particulierement en matiere judiciaire - qui dissuadent encore un mouvement massif de retours volontaires, des obstacles materiels existent aussi, tenant notamment a la capacite d'absorption des sites rwandais ou les refugies pourraient etre installes ou reinstalles. L'effort bilateral de la France a ete notablement accru depuis la mission que le secretaire d'Etat charge de l'action humanitaire d'urgence a effectuee dans la region des grands lacs a la mi-septembre 1995. Notre action humanitaire au Rwanda et dans les pays alentour est actuellement mise en oeuvre. Elle porte sur quatre secteurs, dont le traitement efficace sera a meme de creer un climat propice au rapatriement des refugies : des aides a l'enfance, notamment pour favoriser la prise en charge des enfants traumatises, des actions visant a retablir, dans les prefectures, les reseaux de sante communautaire, des initiatives destinees a repondre au devoir de memoire et de justice a l'egard des victimes du genocide, et la mise en place de sites d'accueil et d'installation des candidats au retour. La France a egalement incite l'Office humanitaire de la Communaute europeenne (ECHO), au budget duquel elle contribue a hauteur de 18,5 p. 100, a mettre en place, dans les toutes prochaines semaines, un plan d'aide humanitaire aux victimes de la crise rwandaise, d'un cout global de 70 millions d'ecus. Sur ce montant, les mesures specifiquement destinees a favoriser le retour des refugies representent quelque 25 millions d'ecus.
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