Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Louis Masson attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur le fait que les entreprises recourent parfois a des moyens tres discutables pour selectionner les candidats a l'embauche. En particulier, elles font proceder dans certains cas a des tests de graphologie. Dans d'autres cas, elles font meme appel a des astrologues qui examinent l'horoscope. Manifestement, il y a la des derives qui deviennent inquietantes pour la dignite des demandeurs d'emploi. Il souhaiterait qu'il lui indique s'il estime normal qu'un chomeur se voit refuser un emploi pour des raisons liees a son horoscope. De meme, s'il est comprehensible que l'on puisse selectionner une secretaire a l'embauche sur des criteres lies a son ecriture, il souhaiterait par contre savoir s'il est normal de selectioner un ouvrier macon en le soumettant a des tests de graphologie. Plus generalement, il souhaiterait savoir s'il n'envisage pas d'interdire de tels abus.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire attire l'attention du ministre du travail et des affaires sociales sur les techniques de selection a l'embauche auxquelles les entreprises recourent parfois. Il souligne le caractere discutable de certaines de ces methodes, notamment pour ce qui concerne la graphologie et l'astrologie, et souhaiterait savoir s'il envisage de les interdire lorsque celles-ci sont manifestement susceptibles de porter atteinte a la dignite des demandeurs d'emploi. En l'absence de texte et de jurisprudence, le recrutement a l'embauche reste une matiere souffrant d'imprecision juridique. La doctrine est toutefois en mesure de fournir un cadre deontologique a la lumiere duquel les techniques evoquees doivent etre examinees. Le recrutement, juridiquement defini comme l'ensemble des operations d'evaluation des candidats preparant la conclusion du contrat de travail, est tenu au respect de certains principes generaux. M. le professeur Gerard Lyon-Caen a enonce ces principes dans un rapport pour le ministre du travail publie en 1991, insistant notamment sur l'obligation pesant sur les evaluateurs qui « doivent appliquer un savoir verifie non a la personne des candidats, mais a leurs aptitudes a occuper un emploi defini ». De la, il decoule d'une part, que les methodes employees pour le recrutement doivent etre conformes au principes de validite scientifique, d'autre part que ces methodes eprouvees ne doivent comporter aucune investigation portant directement sur la personne, c'est-a-dire sur sa vie privee. Dans le premier cas, l'evaluateur ne doit mettre en oeuvre que des methodes ayant fait la preuve de leur validite predictive. Toutes les methodes non validees scientifiquement constituent donc des actes illicites. L'article 6 du code d'ethique professionnelle des conseils en recrutement reprend d'ailleurs ce principe en disposant que « le conseil en recrutement ne recourt qu'a des techniques d'analyse eprouvees et qu'il maitrise ». Dans le second cas, les evaluateurs n'ont a connaitre des divers aspects du candidat que dans le cadre du recrutement a fin d'emploi et dans ce seul cadre. Seules les aptitudes professionnelles requises pour l'emploi sont objet de recherche. La graphologie repose sur la correspondance entre l'ecriture et les traits de personnalite. La validite predictive de cette methode du point de vue de l'aptitude a l'emploi est, aux dires des psychologues, proche de zero. De plus, dans les faits cette technique renseigne non sur les capacites professionnelles mais sur la personnalite. En l'absence de texte, le juge dit le droit. Dans ces conditions, si l'analyse graphologique est effectuee a l'insu du candidat, sur la base d'une lettre de candidature spontanee par exemple, celui-ci peut saisir le juge civil non de la decision d'embauche arguee d'injustice, puisque l'employeur est souverain dans son choix, mais des moyens ayant conduit a la decision. Pour ce qui concerne l'astrologie, les specialistes de la psychologie du travail sont unanimes pour relever l'absence de toute validite de ce procede. Au minimum, le recruteur doit ici aussi recueillir au prealable l'accord de la personne testee. Dans le cas contraire, la candidat pourra attaquer les moyens sur la base desquels l'employeur s'est fonde pour prendre sa decision d'embauche, en invoquant les dispositions de l'article 9 du code civil regissant la protection de la vie privee des personnes physiques.
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