Texte de la QUESTION :
|
M. Dominique Paille demande a M. le ministre de l'equipement, du logement, des transports et du tourisme de bien vouloir lui indiquer si, pour pallier les difficultes financieres que rencontrent les operations d'amenagement du fait de la crise de l'immobilier, la theorie de l'imprevision telle qu'elle a ete elaboree par le Conseil d'Etat a propos des contrats administratifs (CE, 30 mars 1916, Compagnie generale d'eclairage de Bordeaux), est applicable aux conventions relatives aux zones d'amenagement concerte privees ; l'eventualite de cette application a ete evoquee dans un arret recent du Conseil d'Etat (CE, 4 mai 1990, Compagnie industrielle maritime ÝCIM¨).
|
Texte de la REPONSE :
|
L'honorable parlementaire demande si la theorie de l'imprevision elaboree par le Conseil d'Etat a propos des contrats administratifs est applicable aux conventions relatives aux zones d'amenagement concerte (ZAC). Il convient de rappeler au prealable le caractere tres restrictif de la jurisprudence relative a l'indemnisation des amenageurs en matiere de ZAC. Le juge administratif oppose souvent a l'amenageur le principe du risque accepte. De plus, le caractere certain du prejudice qui peut etre allegue par l'amenageur, notamment sur le fondement d'un manque a gagner, est bien souvent impossible a etablir compte tenu de la nature juridique de l'acte creant la ZAC, acte non createur de droit. L'application de la theorie de l'imprevision suppose que trois criteres soient reunis. L'evenement doit etre anormal et imprevisible. A cet egard, seul un alea extraordinaire peut etre pris en compte, c'est-a-dire un « evenement dejouant tous les calculs que les parties ont pu faire au moment du contrat ». De plus, l'evenement invoque doit etre independant de la volonte du cocontractant. Surtout, l'evenement doit entrainer dans l'execution du contrat une perturbation suffisamment profonde pour faire apparaitre ce que la jurisprudence appelle une « situation extracontractuelle » (deficit subi par le cocontractant, depassement de la marge de hausse eventuelle dont le cocontractant aurait du tenir compte comme d'un risque normal, bouleversement de l'economie du contrat). Pour envisager l'application de cette theorie de l'imprevision a une convention de ZAC, il faut se placer dans l'hypothese ou cette convention presente les caracteres d'un contrat administratif, notamment celle ou la convention contient des « clauses exorbitantes du droit commun » (CE, 31 juillet 1912, Soc. des granits porphyroides des Vosges, rec. p. 909), c'est-a-dire des clauses qui confient a l'amenageur ou a la collectivite publique des prerogatives de puissance publique telles que le pouvoir d'exproprier. Dans son arret du 4 mai 1990 (Compagnie industrielle maritime), rappele par l'honorable parlementaire, le Conseil d'Etat a admis le bouleversement de l'equilibre financier d'une convention conclue entre une commune et une societe alors que la participation financiere de cette derniere au cout de certains equipements publics realises a l'interieur de la ZAC etait indexee sur l'evolution du prix du gazole. La Haute Assemblee admet donc que l'augmentation exceptionnelle du gazole a partir du mois de mai 1973 a entraine un bouleversement de l'equilibre financier prevu par la convention, mais ne saurait entrainer la nullite de cette convention. Cet arret du Conseil d'Etat, fortement marque par la conjoncture economique defavorable liee au premier choc petrolier, ne permet pas a lui seul de penser que la theorie de l'imprevision est aujourd'hui applicable aux conventions de ZAC. Face aux difficultes financieres que rencontrent certaines operations d'amenagement, du fait du ralentissement de l'activite dans le secteur de l'immobilier, il convient de rappeler qu'en regle generale, dans le cas d'une convention de ZAC, c'est l'amenageur public ou prive a qui est confiee la realisation de la ZAC qui supporte les risques financiers lies a la commercialisation. Il convient alors de s'assurer que les garanties qu'il apporte permettent, en cas de defaillance, de conduire l'operation a son terme. Pour la definition des garanties auxquelles le conventionne doit souscrire, on peut s'inspirer des dispositions definies aux articles 12 a 15 de la convention type annexee au decret no 70-513 du 5 juin 1970 (J.O. du 19 juin 1970) ou des contrats de garantie qui existent en matiere de lotissement.
|