Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Réponse publiée au JO le :
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Analyse : |
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Texte de la REPONSE : |
La parole est a M. Georges Hage, pour exposer sa question. M. Georges Hage. Ma question s'adressait a M. le ministre delegue aux affaires europeennes, qui a eu l'obligeance de me prevenir de son absence, ce dont je le remercie. La recente declaration du ministre des affaires etrangeres a un quotidien turc sur l'etat des negociations entre l'Europe et la Turquie en ce qui concerne l'union douaniere ne peut que troubler tous ceux qui, en France, en Europe et dans le monde, sont attaches au principes democratiques, aux droits de l'homme et au droit des peuples a disposer d'eux-memes. En effet, dans cet entretien, le ministre des affaires etrangeres apparait comme le demarcheur zele de la Turquie aupres du Parlement europeen. Il semble ignorer les atteintes graves aux valeurs universelles perpetrees par le gouvernement turc, lesquelles perdurent en depit de quelques paroles rassurantes prodiguees ici ou de quelques amenagements legislatifs concedes la. Je vais d'ailleurs donner lecture d'extraits d'un communique de l'AFP montrant qu'il ne se passe pas de jour sans que de nouvelles preuves de ces atteintes aux droits de l'homme soient apportees: «L'ex-depute kurde Leyla Zana, emprisonnee l'annee derniere pour des liens presumes avec le PKK..., ne pourra pas se rendre a Strasbourg pour recevoir un prix du Parlement europeen, a indique mardi l'agence de presse Anatolia. «Selon une source diplomatique d'Ankara citee par l'agence .., le code penal turc interdit a des personnes condamnees de se rendre a l'etranger. «Mme Zana, trente-quatre ans, a ete condamnee a quinze ans de prison en decembre 1994 pour avoir coopere avec le PKK, parti interdit en Turquie. «Reagissant a la confirmation en appel de cette condamnation le 26 octobre, le Parlement europeen avait decerne a Mme Zana le prix Sakharov 1995 de la liberte de pensee.» Est-il besoin que je continue d'eclairer la lanterne du Gouvernement ? Restant sur le terrain legislatif, si je ne peux que me feliciter de la liberation, du fait de la modification de l'article 8 de la loi dite antiterroriste, de cent vingt-trois personnes condamnees pour propagande separatiste, force m'est de constater que la nouvelle version de cet article maintient le principe de delit d'opinion, ce qui est tout a fait inadmissible dans une democratie digne de ce nom. Cette loi antiterroriste justifie les pires exactions, qu'il s'agisse de la torture ou de la destruction confirmee de milliers de villages kurdes. Ces exactions, loin de se reduire, ont, de l'avis meme des organisations defendant les droits de l'homme, connu de nouveaux developpements en 1993 et en 1994. L'Etat turc evoque ou plutot invente ce qu'il definit comme une menace terroriste pour justifier un veritable terrorisme d'Etat qui frappe tous ceux qui recusent democratiquement la solution militaire a la question kurde, et continue d'emprisonner des deputes kurdes de l'opposition ou des intellectuels. Amnesty International, dans son rapport du mois de fevrier dernier, signale une recrudescence des raids des forces de securite sur les villages kurdes vides de leur population et incendies, comme dans la province de Tincelli, de meme qu'un accroissement sans precedent des disparitions et des executions extrajudiciaires qui portent la signature de la securite d'Etat. Et notre pays couvrirait de tels agissements ? La France, patrie des droits de l'homme et du droit des peuples a disposer d'eux-memes ne devrait-elle pas, d'une maniere exemplaire, poser comme condition sine qua non au processus d'union douaniere avec la Turquie la reconnaissance de l'identite du peuple kurde ? Comment ne pas evoquer, en outre, le cas de Chypre et le refus de la Turquie d'appliquer les resolutions du Conseil de securite de l'ONU ? L'union douaniere avec la Turquie ne pourrait que signifier la perennisation de l'occupation turque illegale du nord de l'ile de Chypre et de la partition de l'ile. Comment justifier l'empressement dont semble faire preuve la France, s'alignant en la circonstance sur les gouvernements de Grande-Bretagne, d'Italie et d'Espagne, pour aller ainsi a marche forcee vers cette union douaniere. Le role geostrategique de la Turquie, les interets economiques et politiques qui sont en jeu dans cette region ne sauraient justifier l'injustifiable, ni cette detestable diplomatie a geometrie variable ou le niveau des exigences au regard de la democratie varit selon la parentele, voire la clientele ! Je demande que, s'agissant de ce dossier, on fasse preuve de la plus grande fermete. Nous ne sommes pas opposes au principe de l'union douaniere avec la Turquie, carrefour de civilisations,... M. Rene Andre. Tres bien ! M. Georges Hage. ... mais cette union ne peut, en toute decence democratique, intervenir aujourd'hui. Je rejoins ici l'attitude du Parlement europeen, qui avait conditionne son vote positif sur l'union douaniere de l'Europe avec la Turquie au progres du processus democratique dans ce pays. Cette condition suspensive ne me parait pas, au vu des faits, pouvoir etre levee. M. le president. La parole est a Mme le ministre delegue pour l'emploi. Mme Anne-Marie Couderc, ministre delegue pour l'emploi. Monsieur Hage, la question que vous posez est importante. M. le ministre delegue aux affaires europeennes etant empeche, j'y repondrai en son lieu et place. La France et ses partenaires europeens ont indique a plusieurs reprises que le respect des droits de l'homme etait a la base du rapprochement entre la Turquie et l'Union europeenne. De nombreuses demarches en ce sens ont ete effectuees a Ankara. A l'occasion de la negociation de l'accord d'union douaniere, le Parlement europeen a, pour sa part, fait connaitre ses exigences fortes en matiere de democratisation de la vie politique turque. Ces messages ont porte puisque la Constitution, heritee des militaires, a ete revisee au mois de juillet et la loi antiterroriste au mois d'octobre. Certes, ces reformes doivent etre etendues et elargies, mais le mouvement est lance et les forces democratiques en Turquie fondent de grands espoirs dans le resserrement des liens avec l'Europe pour developper ce processus. Les Etats membres de l'Union europeenne sont aussi convaincus que l'ancrage europeen de la Turquie conduira a la liberalisation progressive et irreversible de la vie politique turque et, par la meme, a une evolution du debat interne sur la question kurde. En revanche, une politique d'isolement de la Turquie ne servirait ni la democratie, ni la cause kurde, ni la recherche d'une solution a Chypre. Elle aurait des effets destabilisateurs tant a l'interieur de la Turquie, avec la montee des extremismes, qu'au niveau regional. C'est pourquoi la France, qui a beaucoup contribue a l'accord politique du 6 mars sur les modalites de l'union douaniere, continuera de plaider avec force pour l'aboutissement definitif de cet accord, dans le respect des exigences deja formulees en matiere de democratisation de la vie politique turque. (M. Jacques Limouzy applaudit.) M. le president. La parole est a M. Georges Hage. M. Georges Hage. Madame le ministre, sauf le respect que je vous dois, je raisonne de facon opposee a la votre. Lors du debat preparatoire a la rencontre de Barcelone, j'avais cite M. le ministre Pons en deplorant cette espece d'exception dilatoire qui etait la sienne: il soutenait que l'Algerie devait passer a une autre phase, celle des elections legislatives, pour avoir droit a un certificat de bonne conduite democratique. J'avais rappele que l'on se montrait beaucoup moins exigeant a l'egard de la Syrie, de la Libye, de l'Irak, de la Jordanie, comme du Maroc et de la Tunisie, ou jamais les chefs d'Etat ne sont soumis au suffrage universel pluraliste, sans penser aux emirats de type feodal, qui sont d'ailleurs nos bons clients pour l'armement. Je deplore, je deteste cette diplomatie a geometrie variable, ou le comportement differe selon la parentele ou la clientele. Cette attitude n'honore pas la diplomatie francaise. M. Alain Bocquet. Tres bien ! M. le president. La parole est a Mme le ministre. Mme le ministre delegue pour l'emploi. Monsieur Hage, je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos. La France a toujours, s'agissant de sa volonte d'aider a la democratisation de certains regimes, montre les plus grandes exigences et dans ses positions. |