FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 720  de  M.   Serrou Bernard ( Rassemblement pour la République - Hérault ) QOSD
Ministère interrogé :  environnement
Ministère attributaire :  environnement
Question publiée au JO le :  22/11/1995  page :  3962
Réponse publiée au JO le :  01/12/1995  page :  4294
Rubrique :  Pollution et nuisances
Tête d'analyse :  Bruit
Analyse :  Lutte et prevention
Texte de la QUESTION : M. Bernard Serrou appelle l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur la question de la lutte contre les nuisances sonores, qui lui semble etre aujourd'hui une priorite nationale. Auteur d'un rapport demande en 1994 par M. Edouard Balladur (La protection des riverains contre le bruit des transports terrestres), il tient a rappeler que le bruit a un cout economique et social - evalue a pres de 100 milliards de francs par an - et des consequences facheuses en termes de sante publique. Il est aujourd'hui considere, pour toutes ces raisons, comme un facteur d'aggravation de la fracture sociale. Un plan d'urgence peut etre mis en place rapidement, a un cout reduit (9 milliards de francs repartis sur 10 ans) et avec des incidences positives sur l'emploi, afin de traiter les quelque 180 000 logements encore exposes a pres de 70 decibels quotidiennement. Il lui demande s'il ne lui parait pas souhaitable d'ouvrir le debat au Parlement, afin qu'une politique d'envergure puisse etre engagee rapidement contre les nuisances sonores.
Texte de la REPONSE : M. le president. M. Bernard Serrou a presente une question no 720.
La parole est a M. Bernard Serrou, pour exposer sa question.
M. Bernard Serrou. Madame le ministre de l'environnement, ma question porte sur la resorption des points noirs, probleme que vous connaissez bien et pour lequel vous avez deja temoigne votre interet.
Je vous rappelle les termes de l'article 15 de la loi no 92-1444 du 31 decembre 1992 relative a la lutte contre le bruit: «Dans un delai d'un an a compter de la publication de la presente loi, le Gouvernement presentera au Parlement un rapport etablissant l'etat des nuisances sonores resultant du transport routier et ferroviaire et les conditions de leur reduction.
«Ce rapport comportera une evaluation des travaux necessaires a la resorption des points noirs et a la reduction de ces nuisances a un niveau sonore diurne moyen inferieur a soixante decibels. Il presentera, en outre, les differents modes de financement envisageables pour permettre la realisation de ces travaux dans un delai de dix ans.»
Madame le ministre, votre predecesseur a l'environnement, Michel Barnier, m'avait confie le soin d'etablir ce rapport. Je l'ai donc realise et je vous l'ai remis il y a quelques semaines. Nous en avons longuement parle et vous avez alors souligne tout l'interet que vous y portiez ainsi que votre souhait de voir les choses evoluer de facon constructive en la matiere.
Le bruit est en effet aujourd'hui un probleme crucial, d'abord pour la sante des Francais, souvent des plus demunis, d'ailleurs. Il entraine une consommation accrue d'antidepresseurs et de tranquillisants. De plus, il a des consequences tres importantes sur la capacite de concentration des jeunes, qui eprouvent beaucoup de difficultes a s'exprimer au mieux et a travailler si le niveau sonore est trop eleve dans leur environnement immediat.
D'un point de vue social, ensuite, le bruit aggrave la fracture sociale, car ce sont les plus demunis qui en souffrent, le plus, ceux dont les habitations sont justement les moins bien isolees et les moins adaptees a un environnement routier et ferroviaire.
Enfin, sur le plan economique, la resorption des points noirs donnerait du travail aux entreprises du batiment et des travaux publics dans nombre de regions.
Dans le rapport, nous avons procede a plusieurs evaluations, car il faut toujours viser non seulement ce qui est souhaitable, mais aussi ce qui est possible. Nous avons fixe le niveau sonore acceptable a 70 decibels. Plus de 2 200 000 habitants sont aujourd'hui concernes par un tel niveau sonore, soit entre 200 000 et 250 000 habitations, sans compter les ecoles et tous les etablissements publics.
Remedier a une telle situation a un cout et nous avons essaye de definir les moyens financiers qui permettraient d'y parvenir. Deux propositions se sont degagees.
La premiere serait l'instauration d'un prelevement de 2 centimes sur la TIPP. Cela couterait environ 20 francs par an par automobiliste, ce qui parait supportable.
La seconde proposition, a mon sens beaucoup plus interessante et credible, consisterait a inscrire les travaux de resorption des points noirs dans les prochains contrats de plan Etat-regions, avec un plan intermediaire entre 1996 et 1999. Sachant que l'Etat y consacre deja aujourd'hui entre 150 et 200 millions par an, une montee en charge progressive permettrait d'arriver, au 1er janvier 1999, c'est-a-dire lors de la mise en place des nouveaux contrats de plan Etat-regions, a une charge financiere annuelle de l'ordre de un milliard, ce qui rendrait possible la resorption des 1 600 points noirs importants sur dix ans.
Je ne vous demanderai pas, madame le ministre, si les financements sont aujourd'hui disponibles et dans quelle voie vous voulez vous engager, car il faut proceder dans l'ordre. En effet, la premiere etape est le debat au Parlement.
Ma question est donc relativement simple: le Gouvernement est-il decide a engager, des que possible, au Parlement, un tel debat pour faire le point sur ce dossier et envisager les differents moyens de financement qui permettraient, d'une part de relancer une dynamique economique dans l'ensemble des regions et, d'autre part, de repondre a un probleme sanitaire et social tout a fait important ? Il faut en effet resorber definitivement ces 1 600 points noirs - la loi doit permettre de faire en sorte qu'il ne s'en cree pas de nouveaux - qui ont indeniablement un cout non negligeable pour notre pays. C'est une tache importante.
M. le president. La parole est a Mme le ministre de l'environnement.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le depute, les nuisances sonores dues aux transports terrestres sont incontestablement une preoccupation importante des pouvoirs publics, et j'ai eu l'occasion de vous rappeler tout l'interet que je portais a cette question, a titre personnel et en tant que ministre de l'environnement. Comme vous, je suis tout a fait consciente des consequences que le bruit engendre en termes de sante et sur le plan social.
En application de la loi du 31 decembre 1992 relative a la lutte contre le bruit, des textes ont ete publies cette annee prevoyant des dispositions pour limiter le niveau sonore des nouvelles infrastructures de transports terrestres, pour recenser et classer les voies bruyantes, et pour eviter la creation de nouveaux points noirs.
Comme le prevoit la loi, a laquelle j'entends me conformer, je souhaite qu'un debat puisse etre organise sur la base du rapport tres interessant que vous avez realise et qui sera remis au Parlement a cette occasion. En effet, comme vous le rappelez dans votre rapport, il faut regler le cas des constructions edifiees le long d'infrastructures bruyantes, sans protections, dans lesquelles resident pres de 2 millions de nos concitoyens. Pres de la moitie d'entre eux subissent un niveau sonore excessif a l'interieur des logements, ce qui cree une situation tres difficile a supporter, et cela d'autant plus qu'il s'agit tres souvent de logements sociaux qui ne sont manifestement pas faits pour proteger d'un bruit important.
Le debat au Parlement est donc necessaire. En effet, le plan d'urgence pour les logements les plus exposes requiert des moyens financiers non negligeables - vous les avez vous-meme chiffres a 9 milliards - dont le financement necessite un examen detaille.
Vous avez envisage deux solutions pour rattraper le retard. Elles doivent elles aussi faire l'objet d'une discussion, comme, du reste, le contenu general du rapport que vous avez remis, tant en ce qui concerne les objectifs - vous avez retenu un maximum de 70 decibels - que la suppression des points noirs.
Bref, je reponds favorablement a votre demande d'organiser ce debat lorsque le calendrier des travaux parlementaires le permettra.
M. le president. La parole est a M. Bernard Serrou.
M. Bernard Serrou. La reponse de Mme le ministre est tout a fait celle que j'attendais, et elle me satisfait pleinement.
RPR 10 REP_PUB Languedoc-Roussillon O