FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 723  de  M.   Migaud Didier ( Socialiste - Isère ) QE
Ministère interrogé :  entreprises et développement économique, chargé des petites et moyennes e
Ministère attributaire :  entreprises et développement économique, chargé des petites et moyennes e
Question publiée au JO le :  10/05/1993  page :  1334
Réponse publiée au JO le :  01/11/1993  page :  3821
Rubrique :  Batiment et travaux publics
Tête d'analyse :  Politique et reglementation
Analyse :  Defaillance des maitres d'ouvrage. consequences pour les entreprises
Texte de la QUESTION : M. Didier Migaud attire l'attention de M. le ministre des entreprises et du developpement economique, charge des petites et moyennes entreprises et du commerce et de l'artisanat, sur les consequences pour les entreprises de batiment des defaillances de maitres d'ouvrage prives. En effet, de tous les intervenants a l'acte de construire, non seulement l'entrepreneur est le seul a ne pas beneficier d'une garantie de paiement de ses travaux mais en cas de defaillance financiere du maitre d'ouvrage, c'est l'ouvrage construit et non encore paye a l'entrepreneur qui sert a indemniser les creanciers privilegies (URSSAF, etc.) du maitre de l'ouvrage. La federation nationale du batiment a propose une modification legislative tendant a instituer une garantie de paiement du loueur d'ouvrage dans les marches prives de travaux. En consequence, il lui demande quelle suite il compte donner a cette proposition.
Texte de la REPONSE : Le probleme des consequences, pour les entreprises de batiment, des defaillances financieres des maitres d'ouvrages prives, amene a s'interroger sur la situation juridique de ces entreprises, et sur les moyens a mettre en oeuvre pour leur assurer une meilleure protection. L'entrepreneur de travaux, qui se trouve titulaire d'une creance envers le maitre de l'ouvrage, encourt certes un risque d'insolvabilite de son client, que ne partage pas l'entrepreneur titulaire d'un marche public. Mais il parait pour autant excessif d'affirmer qu'il est, « de tous les intervenants a l'acte de construire, le seul a ne pas beneficier d'une garantie de paiement de ses travaux ». En effet, d'une part l'article 2103-4/ du code civil reconnait aux entrepreneurs, comme aux architectes, aux macons et autres ouvriers, un privilege special sur les immeubles faisant l'objet du marche. D'autre part, l'entrepreneur de travaux, comme tous les autres creanciers de son client, peut prevoir des garanties contractuelles pour le paiement de ses travaux (caution personnelle ou bancaire, garanties reelles assises sur d'autres biens immobiliers, nantissement, etc). Il dispose egalement des procedures de droit commun en cas de non-paiement de sa creance ; notamment, en cas de vente de l'immeuble sur lequel il a execute des travaux, il peut pratiquer une saisie-attribution entre les mains du tiers detenteur du prix de l'immeuble. Ce qui fait en realite la difference de situation juridique entre l'entrepreneur de travaux et les autres creanciers du maitre de l'ouvrage, c'est l'impossibilite pratique pour le premier de se constituer la garantie que represente la clause de reserve de propriete. En effet, la regle de l'article 551 du code civil rend le proprietaire du sol immediatement proprietaire des constructions qui s'y incorporent. Une clause de reserve de propriete, stipulee au profit d'un entrepreneur de travaux concernant les ouvrages qu'il a realises sur un immeuble, est de ce fait meme inefficace. Par ailleurs, dans le cas d'un maitre d'ouvrage en situation de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, la revendication des marchandises par le beneficiaire de la clause ne peut prosperer qu'a condition que celles-ci se retrouvent en nature, ce qui sera bien rarement le cas s'agissant de travaux immobiliers incorpores par definition a l'ouvrage. La Federation nationale du batiment a, comme le souligne l'auteur de la question, propose une modification legislative tendant a maintenir au profit de l'entrepreneur de travaux la propriete de l'ouvrage qu'il a execute, jusqu'a l'entier paiement de sa creance. Il n'est pas certain que cette proposition presente les avantages qu'on en attend. En effet, sur le plan juridique, il n'est pas actuellement possible de reconnaitre l'existence d'un droit de propriete, et d'empecher son titulaire d'en exercer tous les attributs. C'est pourtant ce que preconise cette organisation professionnelle, lorsqu'elle affirme que l'entrepreneur, titulaire du droit de propriete sur son ouvrage, ne pourrait pas reprendre celui-ci, s'agissant uniquement d'un droit de « propriete fiduciaire » destine a garantir le paiement de la creance, ou que ce droit de propriete ne cree aucune restriction au droit du maitre d'ouvrage de disposer des constructions edifiees, alors que la vente de la chose d'autrui est entachee de nullite. Et il est bien vrai que l'exercice de cette revendication serait en fait impossible, la superposition de droits de propriete differents concernant les divers equipements de l'immeuble aboutissant au demantelement de celui-ci. De plus, sur le plan economique, l'institution d'un tel droit de propriete au benefice de l'entrepreneur se heurterait aux garanties qu'exigent les etablissements de credit et qui sont assises sur l'immeuble lui-meme ; il est probable que la diminution de l'assiette des garanties rendrait plus difficile l'acces au credit pour les maitres d'ouvrage. Il semble que la piste de reflexion la mieux adaptee au cas de l'entrepreneur de travaux soit, non pas le maintien du droit de propriete, mais la simplification du privilege de l'article 2103-4/ du code civil, la procedure actuelle prevoyant une double expertise etant sans aucun doute trop longue et trop onereuse. La modification de l'ordre des creanciers privilegies etabli par l'article 2103 du meme code au benefice des entrepreneurs pourrait, de meme, etre envisagee.
SOC 10 REP_PUB Rhône-Alpes O