FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 758  de  M.   Hage Georges ( Communiste - Nord ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  06/12/1995  page :  4596
Réponse publiée au JO le :  15/12/1995  page :  5141
Rubrique :  Collectivites territoriales
Tête d'analyse :  Corse
Analyse :  Impots locaux. taxe d'habitation. taux. fixation. legalite
Texte de la QUESTION : M. Georges Hage attire l'attention de M. le ministre de l'interieur sur les problemes poses par la mise en recouvrement de la taxe d'habitation en Haute-Corse. La part departementale a subi une hausse de 27 p. 100. Si la mesure pese lourdement sur le pouvoir d'achat des familles, on peut s'interroger sur la regularite de la decision prise par la commission permanente dans la plus stricte confidentialite et non par le conseil general lui-meme. Le prefet n'avait pas conteste la decision. Or il apparait que la deliberation de la commission permanente n'a pas de caractere executoire. Le decret no 93-1121 du 20 septembre 1993 relatif au recueil des actes administratifs des communes et des departements n'a pas ete respecte. L'article 3 de ce decret precise que « le dispositif des deliberations du conseil general et des deliberations de la commission permanente prises par delegation ainsi que les actes du president du conseil general a caractere reglementaire sont publies dans un recueil des actes administratifs ayant une periodicite au moins mensuelle ». Or, apres consultation des recueils de l'annee en cours, il apparait que la deliberation de la commission permanente n'y figure pas. Par consequent, il n'y a pas de forclusion et le representant de l'Etat peut deferer la deliberation de la commission permanente au tribunal administratif afin qu'elle soit annulee. Il peut en meme temps demander a l'administration fiscale de surseoir a l'actuelle mise en recouvrement. Il lui demande les dispositions qu'il entend prendre en ce sens.
Texte de la REPONSE : M. le president. M. George Hage a presente une question no 758.
La parole est M. Georges Hage, pour exposer sa question.
M. Georges Hage. Ma question porte sur les problemes en serie que pose l'augmentation brutale de 27 p. 100 de la part departementale de la taxe d'habitation dans le departement de la Haute-Corse.
Mes amis communistes corses ont leve la un lievre d'une espece particuliere.
M. Herve Novelli. Un lievre communiste !
M. Georges Hage. Il apparait, en effet, monsieur le ministre de l'interieur, que la decision est illegale, dans la mesure ou elle n'a pas ete prise par l'assemblee departementale mais par la seule commission permanente du conseil general en date du 25 mars 1995.
Nulle part, ni en Corse ni ailleurs en France continentale, une loi n'autorise la commission a se substituer a l'assemblee pour voter les taux.
Le conseil general a bien, le 1er avril 1994 - je n'ai pas invente la date -, delegue l'exercice de ses attributions a la commission permanente, mais a l'exception de celles relatives aux operations budgetaires. Or si les recettes et la fixation du taux des impots ne font pas partie de la nomenclature budgetaire, qu'est-ce qui en fait partie ?
C'est un peu comme si l'Assemblee nationale disait que l'impot sur le revenu devra rapporter 300 milliards l'an prochain et laissait le Gouvernement libre de definir le bareme; la pretendue competence liee de ce dernier correspondrait en fait a une totale liberte.
La commission permanente a donc bien agi a l'ecart de la loi, meme si le conseil general a cru pouvoir se dessaisir de sa competence budgetaire. Mais une assemblee n'a pas le droit de fixer le produit fiscal attendu et de deleguer a d'autres la tache, il est vrai impopulaire, de definir le taux de pression fiscale induit par sa decision.
Autre bavure de taille, pour que l'imbroglio juridique soit bien ficele, les dispositions du decret du 20 septembre 1993 sur la publication des actes administratifs des communes et des departements n'ont pas ete respectees. En effet, la deliberation de la commission permanente n'a pas ete publiee, ce qui renforce son illegalite et doit permettre aux contribuables, mais aussi au prefet, de la deferer devant le tribunal administratif. La publication confere a l'acte son caractere executoire; or celle-ci n'a pas eu lieu. Par consequent, le recouvrement des taxes directes departementales pour 1995 n'a pas de fondement legal en Haute-Corse et ne doit pas etre poursuivi.
Ceux qui ont commis ce petit monstre juridico-politique n'ont evidemment qu'un souci: qu'on mette l'etat de droit entre parentheses et qu'on recouvre tout de meme la taxe d'habitation augmentee de 27 p. 100.
Car evidemment l'aspect juridique du dossier masque la gravite du probleme social. Dans une societe corse frappee par la crise et le chomage, toujours a la recherche d'implantations industrielles et vouee - j'allais faire un abominable calembour en disant «corsetee» - par Maastricht a une pretendue vocation touristique, dans cette societe ou le terrorisme sevit brutalement et semble beneficier d'etranges complicites pour empecher la democratie pluraliste de l'emporter, l'augmentation brutale de l'impot frapperait d'abord les plus demunis et savonnerait un peu plus la planche de la misere et de l'exclusion.
Ma question est simple: les contribuables vont-ils devoir payer une taxe dont personne n'ose declarer qu'elle est legale ? Ne me repondez pas, monsieur le ministre, que le tribunal administratif etant saisi, il lui appartiendra de dire le droit. Il le fera surement en temps et heure.
Dans l'immediat, je vous demande que le Gouvernement prenne ses responsabilites et demande aux services fiscaux d'interrompre les recouvrements et de rembourser ceux qui ont deja ete operes pour ce qui est de la part departementale.
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'interieur.
M. Jean-Louis Debre, ministre de l'interieur. Monsieur le depute, les taux de fiscalite - taxe d'habitation, foncier bati, foncier non bati - du departement de la Haute-Corse relatifs a l'annee 1995 sont, en effet, actuellement remis en cause par certains contribuables, qui ont presente une reclamation devant le directeur des services fiscaux et introduit parallelement un recours pour exces de pouvoirs devant le tribunal administratif de Bastia. En effet, ces taux ont ete votes par la commission permanente du conseil general et non par l'assemblee deliberante.
Vous m'interrogez, sur la regularite de la decision prise par la commission permanente du conseil general.
Une analyse detaillee de la procedure montre que la commission permanente a effectivement vote les taux sur delegation de l'assemblee deliberante, mais en respectant la volonte de celle-ci, qui avait precedemment determine le produit global de fiscalite attendu par le departement.
Au cas particulier, le vote des taux ne consistait qu'a en determiner le montant par un calcul mathematique en fonction du produit fiscal attendu et des allocations compensatrices versees par l'Etat et notifiees par les services fiscaux du departement, l'augmentation des taux etant repartie proportionnellement sur les trois taxes que j'ai citees, puisque le conseil general ne vote pas de taux de taxe professionnelle depuis le nouveau statut fiscal.
Selon la volonte exprimee par le conseil general, l'intervention de sa commission permanente n'a donc eu d'effet ni sur le volume du budget ni sur le poids relatif de l'impot departemental pour les differentes categories de contribuables.
Il apparait donc que le vote des taux par la commission permanente est intervenu regulierement en execution de la delegation donnee par le conseil general. C'est en consideration de cet element que le prefet de la Haute-Corse n'a pas cru devoir soumettre cette deliberation a la censure du juge administratif.
Mais comme nous vivons dans un Etat de droit, il appartiendra, monsieur Hage, ne vous en deplaise, aux juridictions competentes de trancher definitivement cette question, si elles sont saisies de reclamations de contribuables.
M. le president. La parole est a M. Georges Hage.
M. Georges Hage. Votre reponse m'etonne, monsieur le ministre, car je ne connais aucun precedent ou une commission permanente aurait pu se substituer a un conseil general pour voter l'impot. La voie que vous avez choisie en cree un.
La commission permanente n'avait pas de competence liee. Augmenter un impot de 27 p. 100 d'une annee sur l'autre, ce n'est pas une mince affaire !
La majorite d'un conseil general - je reitere mon propos - n'a pas de fondement legal pour fixer un produit fiscal, en l'occurrence 183 millions de francs, et se decharger ensuite de la responsabilite de lever l'impot.
Ma conviction demeure que le Gouvernement devrait annuler le recouvrement de l'impot. Cela eviterait de rendre les choses encore plus compliquees en cas tres vraisemblable d'annulation de la deliberation en cause. Ce qui est sur aujourd'hui, c'est que les contribuables de la Haute-Corse sont appeles, sous peine de majoration de retard, a payer un impot qui, a mes yeux, n'existe pas en droit.
COM 10 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O