Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Réponse publiée au JO le :
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Analyse : |
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Texte de la REPONSE : |
La parole est a M. Lionel Assouad, pour exposer sa question. M. Lionel Assouad. Monsieur le ministre de la culture, j'ai tenu a faire appel a vous contre le risque de destruction d'un batiment tres elegant et de grand interet qu'on appelle, avec un peu d'emphase peut-etre, le palais d'Orleans. Il est situe au 198, avenue du Maine, dans le XIVe arrondissement qui ne regorge pas de monuments historiques, et son histoire, qui fait toute sa valeur, constitue une tranche de vie tant pour l'arrondissement que pour la capitale. Cet hotel particulier, d'une exquise qualite architecturale, a ete construit dans la seconde partie du XIXe siecle par un certain Henri-Joseph Lacarnoy. Apres avoir eu une vocation purement residentielle jusqu'au debut du siecle, cet endroit est devenu une sorte de lieu de rendez-vous du Tout-Paris. Le palais, ou noces et banquets se succedaient, pouvait accueillir jusqu'a 2 000 personnes dans une magnifique salle de bal ou les stucs de la fin du XIXe siecle. M. Jean-Pierre Brard. Sans compter le stupre ! (Sourires.) M. Lionel Assouad. ... rivalisaient avec les plafonds peints. A l'epoque, il y avait deux etablissements de ce type dans le XIVe arrondissement; il n'en reste plus qu'un aujourd'hui. En 1930, il subit une reconversion totale devenant le pensionnat des jeunes filles de Sainte-Marie-de-Neuilly avant d'etre affecte a des services du ministere de la guerre. Mais, apres cette tres grande periode de noces et de banquets, c'est en devenant le siege de la centrale syndicale Force ouvriere, en 1948, que le palais retrouva une certaine celebrite. Contrainte recemment par le promoteur de quitter les lieux, Force ouvriere restera toutefois avenue du Maine. Ainsi, cet hotel particulier, bien d'un proprietaire prive, encourt aujourd'hui le risque d'etre rase pour laisser place a des constructions modernes, ce qui serait tres dommage. M. Jean-Pierre Brard. Apres le stupre, le lucre ! (Sourires.) M. Lionel Assouad. Le proprietaire a tout a fait le droit d'en decider ainsi, monsieur Brard. Mais, en l'occurrence, je pense a la cite et non aux droits du proprietaire. Il y a la un patrimoine, au moins affectif s'il n'est pas forcement historique, qu'il importe de conserver. On nous accuse souvent de betonner. Mettons tout en oeuvre aujourd'hui pour eviter de remplacer un endroit aussi charmant par des immeubles qui se ressemblent tous. Monsieur le ministre, j'ai entendu dire, et j'aimerais bien que vous me le confirmiez, que la grande salle ou se reunissait le comite executif de Force ouvriere sous la presidence de M. Bergeron avait ete classee. M. Jean-Pierre Brard. C'est une relique ! (Sourires.) M. Lionel Assouad. En tout cas, cette salle couverte de decorations et de ces stucs qui amusent M. Brard est un lieu de memoire, comme on dit maintenant. Sa destruction appauvrirait le XIVe arrondissement qui n'est pas riche en souvenirs historiques. C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir, par une formule quelconque - peut-etre l'inventaire des monuments historiques - proteger ces batiments. Mme le president. La parole est a M. le ministre de la culture. M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur le depute, a la demande du secretaire general de la centrale syndicale Force ouvriere, locataire du palais d'Orleans et qui souhaitait la protection de celui-ci au titre des monuments historiques, un dossier documentaire a ete constitue par mes services en 1991. Ce dossier a ete presente a la commission regionale du patrimoine historique, archeologique et ethnologique d'Ile-de-France en 1991. Le rapporteur a alors propose a la commission l'inscription sur l'inventaire supplementaire des monuments historiques des facades et toitures du batiment principal et celle du decor de la grande salle de banquets, dont vous venez de parler, monsieur le depute. La commission ne s'est prononcee favorablement que pour l'inscription du decor de la salle de banquets et l'arrete correspondant a ete pris par le prefet de region le 14 octobre 1991. Le tribunal administratif de Paris, saisi par le proprietaire de l'edifice d'une requete visant a l'annulation de l'arrete, a rendu son jugement le 10 juin 1993. Considerant que le proprietaire avait delivre conge au locataire, que le tribunal de grande instance de Paris avait valide ce conge et ordonne, surtout, l'expulsion avec au besoin l'assistance de la force publique, que l'interet d'histoire ou d'art du batiment n'etait pas demontre, que la decision d'inscription etait prise dans le seul but d'empecher une modification des lieux, privant ainsi d'interet l'expulsion du locataire ordonnee par le jugement du tribunal de grande instance, le tribunal administratif a estime que le detournement de pouvoir etait etabli et a annule l'arrete. Monsieur le depute, le jugement du tribunal administratif de Paris etant devenu definitif, en l'absence d'elements nouveaux sur ce dossier, je ne puis juridiquement engager une nouvelle procedure de protection de l'edifice au titre des monuments historiques. Je peux cependant vous indiquer que le palais d'Orleans se trouve en covisibilite et dans le perimetre de l'eglise Saint-Pierre-de-Montrouge inscrite sur l'inventaire supplementaire des monuments historiques. En application de l'article 13 bis de la loi du 31 decembre 1913 sur les monuments historiques, l'architecte des batiments de France devra donc donner, le cas echeant, un avis conforme sur les travaux qui seraient entrepris sur le palais d'Orleans. Dans l'eventualite de la demande par le proprietaire d'un permis de demolir, l'architecte des batiments de France m'a fait connaitre qu'elle donnerait un avis defavorable en raison de la situation de l'immeuble dans l'urbanisme du quartier. Aucune disposition juridique ne permettra toutefois a mes services de s'opposer a une transformation importante des interieurs et notamment de la fameuse salle des banquets, en raison de la decision du tribunal administratif. Voila, monsieur le depute, les quelques elements un peu techniques et juridiques que je voulais vous apporter. Mme le president. La parole est a M. Lionel Assouad. M. Lionel Assouad. Merci, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu me repondre avec toute la technicite voulue sur l'histoire administrative et judiciaire de ce que nous appelons le palais d'Orleans. Je suis heureux de savoir que l'architecte des batiments de France, dont je crois qu'il est seul maitre de ses jugements, a une autorite en la matiere en raison de la proximite de l'eglise Saint-Pierre-de-Montrouge. Mais, monsieur le ministre, en depit de la decision de justice, indeniable certes, ne pourrait-on inventer, au ministere, un «je ne sais quoi» permettant de reprendre l'affaire a la base ? A mon sens, il est de la vocation d'un ministere de la culture de preserver des monuments qui, pour n'etre pas reconnus historiques par la terre entiere, n'en ont pas moins une valeur pour les habitants du quartier, habitues a les voir et pris par un certain charme ? De tels edifices font partie du patrimoine affectif, a defaut de relever du patrimoine historique. Monsieur le ministre, le ministere de la culture ne peut-il vraiment pas se ressaisir de cette affaire ? Si cela se revelait impossible, ce qui me desolerait, qu'adviendra-t-il si l'architecte des batiments de France donne un avis defavorable ? Pourrait-on imaginer par exemple que la salle ou siegeait M. Bergeron, et qui est devenue d'une certaine facon historique... M. Jean-Pierre Brard. On verra cela dans cinq cents ans ! (Sourires.) M. Lionel Assouad. ... soit seule conservee, telle une bulle dans un ensemble moderne ? M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Assouad, il vous faut une apparition comme a Lourdes et, apres, le site sera classe ! (Sourires.) M. le ministre de la culture. On ne me l'avait pas encore faite, celle-la. (Sourires.) |