FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 831  de  M.   Hage Georges ( Communiste - Nord ) QOSD
Ministère interrogé :  économie et finances
Ministère attributaire :  économie et finances
Question publiée au JO le :  31/01/1996  page :  433
Réponse publiée au JO le :  09/02/1996  page :  735
Rubrique :  Banques et etablissements financiers
Tête d'analyse :  Banque francaise du commerce exterieur
Analyse :  Privatisation. consequences
Texte de la QUESTION : M. Georges Hage attire l'attention de M. le ministre de l'economie et des finances sur la fusion-absorption de la Banque francaise du commerce exterieur (BFCE) par le Credit national. Alors qu'elle ne figure ni dans la loi de 1986 ni dans celle de 1993, la privatisation de la BFCE a ete engagee par la publication d'un decret au Journal officiel le 13 decembre dernier ; cette privatisation etait presentee, en effet, comme la condition d'une fusion-absorption de la BFCE par le Credit national. Cette operation, qui recele bien des zones d'ombres, serait deja tres largement engagee sans qu'il ait ete juge utile de developper la moindre concertation, notamment avec les salaries concernes, et sans que la representation nationale ait eu a en connaitre. Si l'adossement des activites de la BFCE et du Credit national peut tout a fait se concevoir, les deux organismes ayant des clients communs et des activites complementaires, cette recherche de synergie commerciale n'implique nullement la mise en cause du caractere public de la BFCE. Preserver ce caractere public ne pouvait au contraire que garantir la solidite et l'efficacite d'un tel rapprochement face aux pressions des marches financiers, en lui permettant, comme cela est necessaire, de servir des objectifs de developpement d'emploi et d'activites nouvelles en cooperation avec d'autres banques sur d'autres criteres que ceux de la rentabilite financiere. La voie qui semble avoir ete choisie donne corps a contrario aux inquietudes qui se font jour quant au devenir de la BFCE et de ses salaries. Outre le benefice que pourraient en retirer des interets financiers prives, l'integration a terme de ce nouvel ensemble BFCE/Credit national dans une grande institution financiere francaise ou etrangere, evoquee ici ou la, pourrait, dans un contexte de dereglementation a tout va de l'activite bancaire et d'approfondissement de la crise economique, concretiser le souci, affirme encore recemment par l'Association francaise des banques, d'une resorption ineluctable de la surcapacite de l'offre bancaire. Une telle perspective constituerait un veritable gachis. Il lui demande de lui apporter toute precision sur l'operation en cours et les dispositions qu'il compte prendre pour assurer la perennite de la BFCE et des emplois et pour qu'un veritable debat, qui associerait tous les acteurs et en particulier, bien sur, le Parlement, puisse enfin s'engager sur cet important dossier.
Texte de la REPONSE : M. le president. M. Georges Hage a presente une question no 831.
La parole est a M. Georges Hage, pour exposer sa question.
M. Georges Hage. Monsieur le ministre delegue aux finances et au commerce exterieur, je souhaite appeler votre attention sur la fusion-absorption de la Banque francaise du commerce exterieur, la BFCE, par le Credit national.
Cette operation, qui recele des zones d'ombre qu'il conviendrait d'eclairer, serait deja largement engagee sans qu'il ait ete juge utile de developper la moindre concertation, notamment avec les salaries, et sans que la representation nationale ait eu a en connaitre.
Or cette operation est avancee pour justifier une necessaire privatisation de la BFCE qui, bien que ne figurant ni dans la loi de 1986 ni dans celle de 1993, vient d'etre lancee par la publication d'un decret au Journal officiel en date du 13 decembre 1995.
Si l'adossement des activites de la BFCE et du Credit national peut tout a fait se concevoir, les deux organismes ayant des clients communs et des activites complementaires, encore faudrait-il definir les objectifs economiques d'importance nationale qu'il entend servir. En tout cas, une telle evolution n'implique nullement de remettre en cause le caractere public de la BFCE.
Preserver ce caractere public ne pourrait au contraire que garantir la solidite et l'efficacite d'un tel rapprochement face aux pressions des marches financiers, en lui permettant, comme cela est necessaire, de servir des objectifs de developpement de l'emploi et d'activites nouvelles en cooperation avec d'autres banques et sur d'autres criteres que ceux de la rentabilite financiere. Cela ne pourrait que contribuer a la relance de l'activite, aujourd'hui indispensable.
Le constat peut etre fait que la collecte bancaire dans notre pays n'est pas suffisamment orientee vers le developpement de l'outil reel de production dans la mesure ou elle privilegie trop les placements les plus rentables ou les plus speculatifs.
La voie qui semble avoir ete choisie tourne le dos a cette perspective et donne corps a contrario aux inquietudes qui se font jour quant au devenir de la BFCE et de ses salaries.
Une telle privatisation peut s'averer une bonne affaire pour un groupe prive comme AXA, tres heureux de pouvoir mettre la main a bon compte sur la BFCE via sa fusion avec le Credit national dont il est l'actionnaire principal.
Outre le benefice que pourraient ainsi en retirer des interets financiers prives, l'integration a terme de ce nouvel ensemble BFCE-Credit national dans une grande institution financiere francaise ou etrangere, evoquee ici ou la, pourrait, dans un contexte de dereglementation a tout va de l'activite bancaire et d'approfondissement de la crise economique, traduire et prendre en compte le souci, affirme encore recemment par l'Association francaise des banques, d'une resorption ineluctable de la surcapacite de l'offre bancaire.
L'Association francaise des banques evalue a quelque 30 000 le nombre des suppressions de postes a operer d'ici a l'an 2 000. Deja, des suppressions sont annoncees au Credit lyonnais et a la banque La Henin. Ce chiffre risque d'etre encore superieur si l'on se refere a l'analyse du cabinet de notation financiere Standard et Pooks, qui cite parmi les handicaps du secteur bancaire francais la rigidite excessive de la reglementation de l'emploi - o qu'en termes galants ces choses-la sont dites ! -, ce qui implique, pour ce cabinet, une acceleration du mouvement de reprise des moyens et petits etablissements par les plus grands: une concentration bancaire qui ferait passer l'emploi sous les fourches caudines de la rentabilite. Une telle perspective constituerait, a nos yeux, un veritable gachis.
La privatisation de la BFCE ne peut etre l'oeuvre de la seule concertation entre le Gouvernement et les dirigeants des grandes institutions financieres. Le pays et notamment sa representation nationale ont leur mot a dire sur les choix immediats comme sur les problemes graves qui commencent a emerger et qui concernent l'evolution de tout le secteur bancaire et le role qui devrait etre le sien au service de l'economie et de l'emploi.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez m'apporter toutes les precisions necessaires sur l'operation en cours et que vous m'indiquiez les dispositions que vous comptez prendre pour assurer la perennite de la BFCE et des emplois et pour que s'engage sur cet important dossier un veritable debat associant tous les acteurs, en particulier le Parlement.
M. le president. La parole est a M. le ministre delegue aux finances et au commerce exterieur.
M. Yves Galland, ministre delegue aux finances et au commerce exterieur. Monsieur le depute, le legislateur a decide, lors du vote de la loi de privatisation du 19 juillet 1993, d'inscrire les AGF, et donc l'ensemble des filiales de ce groupe, dont la BFCE, sur la liste des entreprises privatisables.
La privatisation de la BFCE est intervenue par cession au Credit national des participations detenues a son capital par les AGF, le consortium de realisation, structure de cantonnement de certains actifs du Credit lyonnais, et la Caisse des depots et consignations. Cette operation s'est deroulee selon les regles prevues par la loi du 6 aout 1986 modifiee relative aux modalites des privatisations. Elle a donne lieu a un rapport d'une personnalite independante qui s'est prononcee sur les conditions de son deroulement, conformement au decret du 25 aout 1995. Cette cession a ete autorisee sur avis conforme de la commission de la privatisation par un arrete du ministre de l'economie et des finances, qui en precise les conditions et a ete publie au Journal officiel du 26 janvier dernier. La privatisation est effective depuis cette date.
Cet avis favorable de la commission de la privatisation a egalement fait l'objet d'une publication au Journal officiel de ce meme jour; il souligne notamment, a partir des conclusions du rapport de la personnalite independante dont je vous parlais, que la procedure de privatisation s'est deroulee dans «des conditions de neutralite et d'egalite de traitement et que le choix de l'acquereur ne procede d'aucun privilege».
Ce rapprochement entre la BFCE et le Credit national a largement pris en compte le devenir des salaries des deux etablissements, ce qui s'est notamment traduit par la mise au point d'une charte du rapprochement. Dans ce cadre, de multiples reunions ont permis une large concertation avec les personnels.
Il existe, vous le savez, un projet industriel. La BFCE et le Credit national ont etudie conjointement les synergies pouvant se degager de la forte complementarite des deux etablissements, qui, comme vous le soulignez monsieur le depute, sont reelles. Ce projet industriel devrait donc permettre la constitution d'un groupe bancaire solide et competitif, a meme d'assurer la perennite et le developpement des competences et des atouts de l'ensemble Credit national-BFCE.
Le comite des etablissements de credit a d'ailleurs mis un accent particulier sur ces questions dans l'avis favorable qu'il a rendu sur cette operation.
Monsieur le depute, pensant a nos banques, a leur competitivite, aux operations de restructuration, je me dois d'ajouter que nous avons un des tout premiers reseaux bancaires du monde.
Lors de la liberalisation des services financiers - nos banques et nos services financiers avaient tout a y gagner -, j'ai eu l'occasion de representer le Gouvernement au Conseil europeen convoque a Geneve compte tenu du retrait americain sur la clause de la nation la plus favorisee. Nous avons obtenu des assurances sur le plan americain, nous avons obtenu au niveau multilateral un certain nombre d'engagements des pays asiatiques et de plusieurs pays d'Amerique du Sud, nous avons obtenu une vraie multilateralisation.
La semaine derniere, j'etais aux Etats-Unis avec le President de la Republique francaise et j'ai appele l'attention de M. Mickey Kantor sur le fait que nous souhaitions qu'a la fin de la periode de transition, les Etats-Unis reviennent dans cet accord general multilateral, et non par exception ou par accord particulier. Tel que nous l'avons defendu, ce multilateralisme montre bien - et les professionnels nous l'ont dit - que nos services bancaires et nos services financiers representent un atout majeur pour notre pays dans la competition internationale.
M. le president. La parole est a M. Georges Hage.
M. Georges Hage. Monsieur le ministre, j'ai ecoute votre reponse avec attention. Chacun le sait, ces choses-la sont rudes... J'etudierai le contenu de votre propos avec les personnels concernes.
Quant a votre developpement depassant le cadre strict de ma question, il a egalement beaucoup retenu mon attention.
COM 10 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O