FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1006  de  M.   d'Aubert François ( Démocratie libérale et indépendants - Mayenne ) QG
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  16/12/1998  page :  10482
Réponse publiée au JO le :  16/12/1998  page :  10482
Rubrique :  impôts et taxes
Tête d'analyse :  fraude fiscale
Analyse :  lutte et prévention. numéro d'immatriculation de la sécurité sociale. utilisation
DEBAT : M. le président. La parole est à M. François d'Aubert.
M. François d'Aubert. Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe Démocratie libérale et Indépendants, je vous demande solennellement de renoncer à une disposition qui nous paraît contraire aux libertés individuelles fondamentales. Inscrite dans le projet de loi de finances à la suite de l'adoption d'un amendement proposé par le groupe communiste, cette disposition permettrait de constituer un fichier informatique, que l'on peut qualifier de monstrueux, grâce auquel l'administration fiscale pourrait, par recoupement avec le fichier de la sécurité sociale, suivre chacun d'entre nous à la trace dans sa vie privée, dans sa vie professionnelle et dans sa vie «financière», si je puis dire.
Ce n'est pas faire du roman que de soutenir que ce projet est, en quelque sorte, d'essence totalitaire.(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) et qu'il est totalement contraire à l'idée que nous nous faisons, les uns et les autres, de la liberté individuelle.
Naturellement, ce projet s'appuie sur une belle intention, que nous partageons: lutter contre la fraude fiscale. Mais je crois que, là, les moyens mis en oeuvre sont véritablement de nature à tuer les libertés.
Derrière ce projet se profile ce que l'on appelait il y a quelques années Big Brother. Dans un roman - mais un roman de science-fiction - tous les citoyens étaient eux aussi identifiés par un numéro, au moyen duquel le pouvoir se livrait à une véritable inquisition à leur encontre.
Je vous demande à tous de mesurer la portée de cette disposition. Il ne s'agit pas là d'une observation politicienne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du goupe communiste.)
M. Jean-Yves Le Déaut. Lobbyiste !
M. François d'Aubert. Je crois vraiment que tous ceux qui sont attachés à la liberté individuelle, à la préservation de la vie privée et du secret qui doit la recouvrir, seront d'accord pour demander au Gouvernement de renoncer à ce projet inscrit dans la loi de finances. Pour ma part, monsieur le Premier ministre, je vous le demande instamment et solennellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, l'exagération de vos propos n'est pas très convenable.(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) L'utilisation d'un numéro unique est une simplification à la fois pour l'usager, quand il s'adresse au fisc, à la sécurité sociale ou à d'autres services, et pour l'administration, qui pourra ainsi mieux lutter contre la fraude.
Cela porte-t-il atteinte aux libertés publiques ? («Oui !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
D'abord, il est clair que l'administration ne transmettra ce numéro à personne (Rires et exclamations sur les mêmes bancs) car le dispositif est encadré.
Ensuite, des pays qui ont au moins autant que nous le souci de protéger les libertés publiques, comme les Etats-Unis, la Belgique, les Pays-Bas ou l'Italie, utilisent déjà le numéro unique. A tel point que l'OCDE vient d'en recommander l'utilisation à tous les pays membres et que, demain, ceux qui ne l'ont pas encore adopté - le Royaume-Uni, la Suède et nous - le feront.
D'ailleurs, cette idée vient de loin. Concrétisée dans un amendement de M. Brard, qui vient de rédiger un rapport parlementaire sur la fraude fiscale, elle ne fait que reprendre une proposition que l'on trouvait déjà, en 1996, dans le rapport de M. de Courson et de M. Léonard, également consacré à la fraude fiscale. («Ah !» et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Charles de Courson. C'est exact.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je remercie M. de Courson d'avoir l'élégance de le reconnaître.
Vous voyez, monsieur d'Aubert, qu'il ne faut rien exagérer. D'ailleurs, si cet amendement était aussi mauvais que cela et s'il ne s'agissait pas d'une dispute politicienne, il n'aurait pas été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Il n'y a là aucune atteinte aux libertés publiques car, comme vous, je crois que la fraude fiscale ne fait pas partie des libertés publiques. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
DL 11 REP_PUB Pays-de-Loire O