FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1034  de  M.   Madrelle Bernard ( Socialiste - Gironde ) QOSD
Ministère interrogé :  anciens combattants
Ministère attributaire :  anciens combattants
Question publiée au JO le :  13/03/2000  page :  1525
Réponse publiée au JO le :  15/03/2000  page :  1840
Rubrique :  anciens combattants et victimes de guerre
Tête d'analyse :  pensions
Analyse :  décristallisation. Union française
Texte de la QUESTION : M. Bernard Madrelle souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, sur les graves difficultés qu'engendre l'afflux d'anciens combattants marocains dans la ville de Bordeaux où siège le tribunal chargé de liquider leurs pensions. La loi de 1959, qui imposa la cristallisation des pensions et retraites, toujours en vigueur, leur octroie une allocation d'environ 350 francs par an pour prix du sang versé. Cela ressemble davantage à une aumône qu'à un acte de gratitude et de justice destiné à reconnaître les services rendus à l'Etat français. Ainsi, les vétérans marocains luttent depuis quarante ans pour obtenir l'égalité de traitement avec leurs frères d'armes français. Le statut d'ancien combattant leur permet d'obtenir, grâce à l'ordonnance du 2 novembre 1945, la carte de résident privilégié, laquelle leur ouvre droit au RMI depuis 1988 et au minimum vieillesse depuis 1998. Mais pour bénéficier de ces mesures, ils doivent résider sur le territoire français. Pour éviter que l'errance des anciens combattants marocains ne se change en exil définitif, il convient de prendre sans délai des dispositions pour les accueillir et leur assurer des conditions de séjour décentes, puis d'envisager le relèvement de leurs pensions et retraites afin qu'ils puissent finir leurs jours paisiblement dans leur pays. En conséquence et devant le caractère d'urgence de cette situation, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour résoudre définitivement ce douloureux problème.
Texte de la REPONSE : Mme la présidente. M. Bernard Madrelle a présenté une question, n° 1034, ainsi rédigée:
«M. Bernard Madrelle souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, sur les graves difficultés qu'engendre l'afflux d'anciens combattants marocains dans la ville de Bordeaux où siège le tribunal chargé de liquider leurs pensions. La loi de 1959, qui imposa la cristallisation des pensions et retraites, toujours en vigueur, leur octroie une allocation d'environ 350 francs par an pour prix du sang versé. Cela ressemble davantage à une aumône qu'à un acte de gratitude et de justice destiné à reconnaître les services rendus à l'Etat français. Ainsi, les vétérans marocains luttent depuis quarante ans pour obtenir l'égalité de traitement avec leurs frères d'armes français. Le statut d'ancien combattant leur permet d'obtenir, grâce à l'ordonnance du 2 novembre 1945, la carte de résident privilégié, laquelle leur ouvre droit au RMI depuis 1988 et au minimum vieillesse depuis 1998. Mais pour bénéficier de ces mesures, ils doivent résider sur le territoire français. Pour éviter que l'errance des anciens combattants marocains ne se change en exil définitif, il convient de prendre sans délai les dispositions pour les acceuillir et leur assurer des conditions de séjour décentes, puis d'envisager le relèvement de leurs pensions et retraites afin qu'ils puissent finir leurs jours paisiblement dans leur pays. En conséquence et devant le caractère d'urgence de cette situation, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour résoudre définitivement ce douloureux problème.»
La parole est à M. Bernard Madrelle, pour exposer sa question.
M. Bernard Madrelle. Monsieur le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, depuis plusieurs mois les anciens combattants marocains affluent dans la région bordelaise, car Bordeaux abrite le tribunal chargé de liquider leurs pensions. Les structures d'accueil sont souvent débordées et dans l'incapacité de faire face convenablement à cette arrivée massive de personnes vieillissantes, fragilisées par leurs conditions de vie, et dans une situation de précarité et de solitude que vous imaginez sans peine.
La loi de 1959, toujours en vigueur, qui imposa la cristallisation des pensions et retraites fait qu'ils ne perçoivent qu'une allocation d'environ 350 francs par an pour prix du sang versé. Cela ressemble davantage à une aumône qu'à un acte de gratitude et de justice destiné à reconnaître les services rendus à l'Etat français.
Ainsi, les vétérans marocains luttent depuis quarante ans pour obtenir l'égalité de traitement avec leurs frères d'armes français. Le statut d'ancien combattant leur permet d'ailleurs d'obtenir, grâce à l'ordonnance du 2 novembre 1945, la carte de résident privilégié, laquelle leur ouvre droit au RMI depuis 1988 et au minimum vieillesse depuis 1998. Cependant, pour bénéficier de ces mesures, ils doivent résider sur le territoire français.
Pour éviter que l'errance des anciens combattants marocains ne se change en exil, il convient de prendre sans délai des dispositions pour les accueillir et leur assurer des conditions de séjour décentes, puis de résoudre cette contradiction entre des règles administratives qui les obligent à vivre en France et le souhait qu'ils puissent finir leurs jours paisiblement dans leur pays.
La gravité du problème requiert une décision rapide. Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande d'intervenir dans le sens qu'exigent les principes d'équité, de dignité et d'humanité qui nous sont chers.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le député, votre question qui touche au monde combattant est difficile. Elle concerne en effet le versement de prestations à ceux de nos anciens soldats qui, à l'époque, appartenaient à l'Empire français et qui ont combattu sous le drapeau français mais qui sont aujourd'hui ressortissants de pays désormais indépendants.
La France, malgré son système législatif qui soumet le versement de pensions et d'indemnités à la condition d'être ressortissant français, donc d'avoir la nationalité française, a maintenu des relations financières avec les anciens combattants de ses anciennes colonies, mais en gelant le montant des prestations au niveau où elles étaient au moment de l'accès à l'indépendance de ces Etats. Néanmoins, des adaptations ont été opérées au fil des années.
Considérant qu'il ne serait pas très normal de verser à tous les anciens combattants étrangers des prestations équivalentes à celles dont bénéficient nos ressortissants, j'ai fait réaliser une étude pour comparer leur pouvoir d'achat selon les pays. Grâce au travail scrupuleux mené par nos ambassadeurs, j'ai pu constater que si une pension de cent points d'invalidité en France donnait un niveau équivalent au SMIC brut, dans la quasi-totalité des Etats concernés - le Sénégal, la Côte-d'Ivoire par exemple - elle avait un pouvoir d'achat bien supérieur.
En revanche, j'ai observé que, dans certains pays, comme le Maroc, la Tunisie et l'Algérie, un retard avait été pris. Je vais donc présenter des propositions pour revaloriser ces prestations afin qu'elles permettent aux bénéficiaires d'avoir un pouvoir d'achat moyen dans le pays considéré. Certes, cette mesure ne réglera pas l'ensemble des problèmes que vous venez d'évoquer, mais elle permettra la mise en place d'un dispositif assez juste puisque l'on aura raisonné en termes de pouvoir d'achat.
Quant aux ressortissants marocains qui font le déplacement sur Bordeaux, 50 % d'entre eux relèvent de la retraite des anciens combattants. Or, en France, les bénéficiaires ne perçoivent que 2 688 francs. Par conséquent, même si nous parvenions à donner aux intéressés une retraite de ce niveau - ce qui poserait d'autres problèmes - cela ne leur donnerait pas les moyens de faire face aux difficultés sociales auxquelles ils sont confrontés.
Aujourd'hui, nos objectifs sont la revalorisation des prestations que j'ai évoquées et l'ouverture de droits nouveaux, c'est-à-dire la levée de la forclusion établie en 1995. En effet, cette dernière prive l'ancien combattant atteignant soixante-cinq ans du droit de demander sa retraite du combattant, même au taux cristallisé; empêche l'ancien combattant de demander une revalorisation de sa pension d'invalidité et prive la veuve d'un ancien combattant du droit d'obtenir la réversion des pensions qui lui sont dues. J'espère que nous aboutirons prochainement à des solutions afin de mieux traiter les situations que vous venez d'évoquer.
Pour autant, cela n'empêchera pas de nombreux anciens combattants marocains de se rendre à Bordeaux, ce qui pose des problèmes à la ville, au conseil général de la Gironde, au monde associatif. Nous essayons de trouver des réponses dans la concertation et en collaboration avec le ministère de la défense. Ainsi, des centres d'hébergement et d'accueil ont été mis à leur disposition afin de les recevoir le mieux possible.
En tout cas, ce n'est pas en portant cette retraite de 350 francs à 2 600 francs que l'on réglera la question.
La difficulté observée sur Bordeaux est liée à la question plus vaste des relations des pays développés avec ceux qui sont en voie de développement. Par la coopération, la politique de la France doit permettre à ces anciens soldats, ressortissants marocains, de rester dans leur pays, d'y vivre décemment avec des ressources suffisantes. Il convient notamment de faire en sorte que, par des relations internationales de développement économique, ce pays produise suffisamment de richesses; sinon, cette difficulté persistera.
Dans le contexte actuel, je ne peux donc pas vous donner totalement satisfaction.
Certes, la situation s'améliore dans de nombreux pays, mais je crains que les progrès ne soient pas encore à la hauteur des problèmes rencontrés par ces personnes sur leur territoire national. Le règlement de ces difficultés met en oeuvre une politique d'ensemble de développement économique, de développement industriel, de création de richesses, de partage de la richesse. La seule action du secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, ni même, probablement, celle du budget de l'Etat ne permettra pas de résoudre cette question.
Nous sommes totalement conscients de cette situation qui pose un vrai problème de morale et d'éthique. Nous essayons de le résoudre en termes d'équivalence de pouvoir d'achat, sachant qu'il faudra absolument supprimer la forclusion établie en 1995 pour permettre aux intéressés de déposer des dossiers leur donnant accès à la retraite du combattant.
En tout cas, quel que soit le montant des sommes que nous serons en mesure de leur donner, aujourd'hui ou demain, il ne permettra pas de satisfaire les besoins de ces anciens soldats à l'intérieur de leur Etat souverain.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Madrelle.
M. Bernard Madrelle. Il s'agit effectivement d'un problème d'éthique car nous rencontrons sur le terrain des situations vraiment déplorables. Certes, je comprends qu'il faille raisonner en termes de pouvoir d'achat, mais vous conviendrez qu'une revalorisation s'impose aujourd'hui, quarante ans après.
Bien entendu, la ville de Bordeaux et le département de la Gironde apportent une aide assez substantielle à ces hommes qui ont servi sous l'uniforme français. Ils ont quitté leur famille, perdu leurs racines, mais le souhait de la plupart d'entre eux est de revenir dans leur pays et de pouvoir y vivre décemment. Il faudrait le leur permettre.
SOC 11 REP_PUB Aquitaine O