FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 10778  de  M.   Pajon Michel ( Socialiste - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  éducation nationale, recherche et technologie
Ministère attributaire :  éducation nationale, recherche et technologie
Question publiée au JO le :  02/03/1998  page :  1131
Réponse publiée au JO le :  03/08/1998  page :  4295
Rubrique :  enseignement
Tête d'analyse :  programmes
Analyse :  éducation à l'image
Texte de la QUESTION : M. Michel Pajon attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les initiatives qui pourraient être prises pour introduire, dans les programmes scolaires, des cours liés à la lecture de l'image. Le développement du nombre d'images dans la vie quotidienne des Français - et notamment des jeunes - est en effet une des caractéristiques de notre société. A l'évidence, ce phénomène constitue pour l'éducation nationale un défi majeur. Les instituteurs et professeurs utilisent déjà les moyens audiovisuels dans le cadre de leur enseignement, comme supports indispensables à leurs cours. Les écoles, collèges et lycées, par ailleurs, se sont déjà largement ouverts à l'informatique et aux nouvelles technologies. Grâce au programme d'action gouvernemental « préparer l'entrée de la France dans la société de l'information », présenté récemment, l'éducation nationale va s'engager encore davantage dans cette voie en donnant enfin aux futurs citoyens, sans exceptions, la possibilité de maîtriser des outils qui leur seront indispensables dans leur vie quotidienne. Ainsi, les activités des élèves ou des étudiants liées au multimédia seront développées et l'équipement des établissements accéléré. Si la séparation entre, d'une part, l'écrit, prépondérant dans l'enseignement scolaire et, d'autre part, l'image, largement dominante dans la culture des jeunes, va ainsi progressivement se réduire, l'analyse et donc la compréhension des images vont s'avérer de plus en plus indispensables. D'autant plus indispensables que les nouvelles technologies peuvent rendre les images trompeuses ou mensongères et, partant, leur lecture plus difficile. Le cinéma, la photographie et la télévision - devant laquelle les jeunes passent de plus en plus de temps - constituent aussi des langages de l'image qu'il s'agit de savoir décrypter et comprendre. Il lui demande donc quel est l'état de sa réflexion sur le sujet et quelles mesures peuvent être prises, en concertation avec le ministère de la culture, pour mettre en place, dans les différents cycles d'apprentissage, des enseignements favorisant l'éducation à l'image.
Texte de la REPONSE : Depuis plus de vingt ans, divers textes incitatifs de statuts différents sont venus conforter les initiatives pédagogiques visant à utiliser l'image comme support d'enseignement. On peut se référer tout particulièrement pour le second degré aux « Orientations et objectifs » des Programmes et Instructions pour les collèges (1985) du ministre Chevènement où la trilogie : écrit, oral, image est présentée comme un objectif pédagogique majeur : au même titre que l'écrit et que l'oral, l'image est un moyen d'expression et de communication que l'élève doit maîtriser à l'issue de sa scolarité. A l'heure actuelle, parce que l'image est la source principale de l'information et de la culture des élèves - usagers familiers de la télévision, des jeux vidéos et du cinéma -, l'objectif d'une éducation à l'image représente, pour le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, un enjeu démocratique : l'école doit prendre en compte tout naturellement, et sans s'assujettir, la pratique sociale de référence. 1/ Utilisation pédagogique de l'image dans l'enseignement primaire : l'image est omniprésente dans la vie de l'enfant et elle a de plus en plus un rôle incontournable dans la communication et les apprentissages. Longtemps considérée dans ses relations avec le texte qu'elle illustre et prolonge, elle doit devenir objet à explorer et à connaître pour construire du sens. Les programmes de l'école primaire précisent que l'image doit faire l'objet d'une utilisation raisonnée qui conduit l'élève à analyser ce qui, dans l'image, produit du sens et permet la construction de savoirs. L'image, dans les programmes, est évoquée à propos de la découverte du monde, dans le chapitre « sciences et technologie » et surtout dans celui de l'éducation artistique : « vivant dans un monde foisonnant d'images, qu'elles soient graphiques, photographiques, télévisuelles, cinématographiques ou numériques, les enfants s'en montrent grands amateurs. Prenant en compte cette situation, de fait, l'école a pour rôle de les accompagner dans la découverte, l'exploration, la compréhension et la production d'images. A l'école maternelle, l'enseignant a le souci de diversifier les images proposées aux élèves : dans un dialogue entre les contextes culturel, familial et scolaire s'installent des univers de référence variés où chaque élève reconnaît et enrichit des sources identitaires. Il s'agit de fonder une pédagogie du regard permettant à l'enfant, dès le plus jeune âge, de construire des significations à partir d'indices repérés et mis en relation pour proposer des lectures, dans un va-et-vient constant entre l'image, les reformulations de description et/ou d'argumentation que les enfants proposent. L'enseignant permet à l'élève, dans sa pratique personnelle, par des activités en petits groupes, de comprendre les notions de point de vue et de locuteurs. Ainsi l'enfant peut construire des repères, des critères de jugement et apprendre le respect de l'autre. A l'école élémentaire, les activités propres à la pédagogie de l'image sont de nature méthodologique et analytique. L'élève apprend à distinguer, dans les images, une fiction d'un message d'information, un débat d'un reportage, un documentaire d'une fiction, une reproduction de photographie d'une reproduction de tableau, le fonctionnement d'un spot publicitaire, etc. Il s'agit de proposer des situations qui posent l'image en objet d'analyse, situation où elles doivent être, comme tout travail d'écrit, objet d'observation de structuration, d'hypothèses, d'évaluation, de construction du sens, donc de compréhension. L'image dans l'enseignement secondaire : un travail de réflexion sur la place de l'image dans les programmes d'enseignement a été un des chantiers interdisciplinaires menés à partir des groupes techniques chargés d'élaborer les programmes de l'enseignement secondaire. Il a permis de constater, en même temps que l'absence de l'audiovisuel et la prégnance de l'écrit dans les programmes, la large place faite à l'image dans les pratiques pédagogiques, avec un mode d'approche différent selon les disciplines, qu'il s'agisse d'histoire et de géographie, des sciences de la vie et de la terre, de français, de langues ou d'arts plastiques. Ainsi, un rapport récent du groupe d'histoire et géographie de l'inspection générale de l'éducation nationale (l'Utilisation de l'image, IGEN, Documentation française, 1996) montre que, qu'elle soit fixe ou animée, l'image est présente dans 76 % des séquences d'histoire au collège, où elle rivalise avec le document écrit dans la conduite du travail en classe. Il en va de même depuis longtemps en sciences de la vie et de la terre, discpline dont l'objet même fait de l'image un point-clé, une source d'information essentielle qui intègre d'ores et déjà l'image virtuelle, comme le montre l'ouvrage récent : les Sciences de la vie et de la terre et l'audiovisuel (Paris, Hachette, 1997). L'image est seconde ou première, selon les enseignements - tantôt le moyen d'illustrer un cours ou source de production, tantôt une fin en soi, posant la question de la représentation. Pour les lettres et la philosophie, elle est un langage, un discours et même une grammaire. Pour les sciences, elle est la trace d'une réalité inaccessible par nos sens. Pour l'histoire, c'est un document culturel, c'est-à-dire une représentation codée qu'il faut apprendre à lire. Une réflexion du groupe d'histoire fait aparaître que, dans un monde où l'image est massivement consommée, une éducation à l'image pourrait consister dans la mise en perspective historique de ses usages sociaux : il s'agirait de montrer aux élèves que l'image est un choix porteur de sens et de leur faire distinguer historiquement les types d'image. L'éducation à l'image s'inscrirait ainsi comme un chapitre essentiel de l'éducation civique. Cette réflexion est actuellement en cours, d'une façon interdisciplinaire, avec pour objectif l'intégration, dans chacun des programmes d'enseignement, de développements spécifiques qui encouragent les enseignants dans leurs pratiques. Le cas de l'enseignement du cinéma et de l'audiovisuel : un enseignement du cinéma et de l'audiovisuel, dispensé et piloté en partenariat avec le ministère de la culture (Centre national de la cinématographie), a été mis en place en 1984. Plus de dix ans après sa création, l'enseignement du cinéma a trouvé toute sa dimension au sein du système éducatif - le ministère de la culture prenant en charge chaque année l'achat des droits du film du programme. A côté de cet enseignement, des activités complémentaires de sensibilisation touchent le plus grand nombre, avec les opérations » Ecole et cinéma « (1 250 classes dans 40 départements) ; » Collège au cinéma « (429 000 élèves dans 65 départements) ; » Lycéens au cinéma « (action encore expérimentale). En revanche, l'audiovisuel n'a pas pris la forme d'un enseignement spécifique. Il semble que les problèmes juridiques posés par l'utilisation de l'audiovisuel dans le cadre de la classe - dont il sera question ci-dessous - aient joué le rôle d'un verrou. 2/ Avancées significatives, la question des ayants droits : la récente déclaration commune du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et des sociétés d'auteurs et de producteurs du secteur audiovisuel (4 février 1998) représente une avancée particulièrement significative sur l'accès à l'image. Ce texte clarifie la situation en maintenant l'équilibre entre deux obligations : assurer la légitime rémunération des ayants droits et faciliter l'utilisation des oeuvres audiovisuelles par les établissements scolaires. La future banque de programmes et de services (BPS) proposera aux enseignants un stock de programmes audiovisuels libérés de droits qui répondra directement à leurs besoins et s'inscrira dans leurs pratiques. Aide aux élèves en difficulté à l'école primaire : fréquemment, les capacités analytiques spécifiques de l'image peuvent servir d'autres activités de lecture, par la mise en place de situations qui développent une réflexion sur le langage lui-même, sans laquelle il n'y a pas de maîtrise des langages. Par ailleurs, l'élève en difficulté dans les apprentissages scolaires traditionnels peut se révéler un bon lecteur d'écrans, tant pour l'image que pour l'écrit. Il n'est pas indifférent de trouver des situations de classe valorisantes pour des élèves en difficulté. La diversité et la richesse des actions déjà engagées sur le terrain montrent qu'au-delà des apprentissages langagiers se joue l'éducation citoyenne. Parcours diversifiés : dans le cadre de la nouvelle organisation du cycle central des collèges, une réflexion sur l'intégration d'une éducation à l'image aux parcours pédagogique est en cours. Depuis la rentrée 1995 (circulaire n° 97-052 du 27 février 1997 » Organisation des enseignements au collège «), les collèges disposent en effet d'une marge de manoeuvre horaire pour diversifier les parcours pédagogiques. Il s'agit de prendre appui sur les centres d'intérêts et sur les domaines d'excellence des élèves pour les faire accéder aux savoirs et aux savoir-faire du cycle central. Chaque équipe pédagogique détermine les parcours à offrir en fonction du projet de l'établissement. L'image animée devrait y avoir toute sa place. Concertation éducation-culture : d'une façon générale, la concertation entre le ministère de la culture est permanente et constructive. Une commission d'orientation et de suivi des enseignements et des activités du cinéma et de l'audiovisuel (COSEAC) a été mise en place par arrêté, en application de la loi sur les enseignements artistiques du 6 janvier 1988 (arr. du 13 juin 1990). Cette commission a centré jusqu'à présent ses travaux sur l'enseignements du cinéma au lycée, avec un accompagnement particulier sur trois secteurs : le suivi des enseignements, la formation des professeurs et des partenaires culturels responsables conjointement de l'enseignement du cinéma, la production d'outils spécifiques touchant les films au programme. L'actuelle orientation vise à mieux prendre en compte l'audiovisuel.
SOC 11 REP_PUB Ile-de-France O