FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 10979  de  M.   Asensi François ( Communiste - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  02/03/1998  page :  1113
Réponse publiée au JO le :  11/05/1998  page :  2644
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Kosovo
Analyse :  attitude de la France
Texte de la QUESTION : M. François Asensi souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les risques d'éclatement d'une guerre civile dans la province serbe du Kosovo, peuplée à 90 % d'Albanais. L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a condamné la répression massive perpétrée par la police sur la diaspora albanaise du Kosovo qui ne s'est jamais résignée à la souveraineté exercée par les Serbes. Depuis quelques mois, les incidents se sont multipliés entre la police serbe, qui n'a cessé de renforcer ses positions sous la pression de Belgrade, et l'armée de libération du Kosovo créée par le mouvement national albanais. Jusqu'à maintenant, la contestation pacifique a été menée par la ligue démocratique du Kosovo, qui a organisé clandestinement, en 1992, un référendum sur la souveraineté et l'indépendance du Kosovo. L'écrivain I. Rugova devient le Président d'une République autoproclamée. Ce mouvement, qui a toujours prôné la non-violence et la résistance pacifique, s'est vite essouflé pour laisser la place à un autre mouvement, plus radical, déterminé à régler la question du Kosovo par la lutte armée et la guerilla urbaine. Aujourd'hui, la radicalisation de l'opinion publique se développe sous l'influence de l'armée de libération du Kosovo. De plus en plus d'Albanais, notamment les jeunes de moins de trente ans, qui représentent plus de 60 % de la population albanaise du Kosovo, s'engagent dans des mouvements de contestation. Toutes les conditions sont réunies pour un embrasement général et une guerre civile. Le conflit entre les Serbes et les Albanais du Kosovo a été réactivé lorsqu'en 1989, la Serbie, à l'instigation de S. Milosevic, a supprimé l'autonomie dont disposait le Kosovo. La constitution yougoslave de 1974 conférait à cette province un statut d'autonomie, avec de larges prérogatives, qui lui a permis d'être représentée à la présidence collégiale et de présider, à deux reprises, la Fédération yougoslave. Plus que jamais, les Serbes considèrent cette région comme faisant partie de leur territoire, en raison des événements historiques qui s'y sont déroulés au XIVe siècle lorsqu'ils se sont opposés à la puissance ottomane. Après la reconquête de ce territoire par la Serbie, les Albanais, pourtant très largement majoritaires au Kosovo depuis le milieu du XIXe siècle, ont toujours exprimé une volonté d'indépendance. En 1997, ils boycottent les élections législatives et municipales de la République fédérale de Yougoslavie. Les ultra-nationalistes d'hier et d'aujourd'hui, partisans de l'épuration ethnique, multiplient actuellement les demandes auprès des autorités de Belgrade afin qu'elles prennent, selon leurs déclarations dans la presse internationale « des mesures pour éradiquer le terrorisme au Kosovo ». Ces demandes sont loin d'apaiser les tensions. S. Milosevic rejette toujours le dialogue avec les représentants de la majorité albanaise. Lors de son passage en France, le Premier ministre macédonien, Branco Crvenkovski, a indiqué la nécessité d'ouvrir des négociations. De même, la Présidente de la République Srpska, Biljana Plavcic, a indiqué, lors de sa conférence à l'Institut français des relations internationales, que le dialogue n'avait que trop tardé. Face à la dégradation de la situation, il lui demande de prendre des initiatives, avec ses partenaires européens, pour imposer une médiation internationale et l'ouverture de négociations. Il en va de la stabilité des pays d'Europe et du retour durable de la paix dans cette région du monde.
Texte de la REPONSE : Comme le souligne l'honorable parlementaire, l'évolution de la situation au Kosovo est particulièrement préoccupante. Le 28 février dernier, de violents affrontements entre Kossovars et policiers serbes à Drenica, suivis d'importantes opérations de répression dans les villages du centre de la région, réputés être les bastions de l'UCK, ont fait au moins 80 victimes, parmi lesquelles on compte de nombreux civils. Manifestement disproportionnées, ces opérations de police, mais aussi la répression des manifestations organisées les jours suivants, ont été condamnées, au même titre que les attentats terroristes de l'UCK, avec la plus grande fermeté par la communauté internationale. Lors de la réunion du 9 mars, à Londres, les ministres du groupe de contact se sont mis d'accord sur un plan d'action en deux temps, qui recouvrait : l'application immédiate de mesures coercitives à l'encontre des autorités serbes et fédérales (saisine du Conseil de sécurité en vue du vote d'un embargo sur les armes ; engagement de cesser de fournir des équipements susceptibles d'être utilisés à des fins de répression interne ou de terrorisme ; refus de délivrer des visas aux représentants serbes et yougoslaves responsables de la répression ; moratoire sur les financements publics à l'exportation et à l'investissement) ; dans un second temps, une nouvelle réunion du groupe de contact, le 25 mars, afin d'examiner l'alternative suivante : si le président Milosevic avait engagé des actions visant à mettre un terme à la violence et à favoriser une solution politique au conflit (à savoir : retrait des unités spéciales de police et fin des opérations contre la population civile, libre accès aux organisations humanitaires et à la communauté internationale, engagement sans condition d'un dialogue avec les représentants kossovars, preuve d'une coopération avec le groupe de contact), le groupe de contact s'engageait à revoir immédiatement les mesures coercitives ; dans le cas contraire, de nouvelles mesures seraient envisagées, en particulier le gel des fonds détenus à l'étranger par les gouvernements serbe et yougoslave. Les ministres du groupe de contact, réunis à Bonn le 25 mars, ont constaté que certains progrès avaient été accomplis (signature d'un accord de mise en oeuvre de l'accord sur l'éducation le 23 mars, acceptation par Belgrade de l'ouverture d'un dialogue sur la question du Kossovo), mais restaient encore insuffisants (incertitudes quant au retrait réel des unités spéciales de police, pas d'accord sur le retour de la mission de l'OSCE, absence de libre accès à la province). Ils ont décidé de reconduire les mesures coercitives décidées à Londres. En conséquence, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté, le 31 mars, une résolution portant embargo sur les armes à l'encontre de la RFY. Le groupe de contact se réunira à nouveau, un mois après la réunion de Bonn, afin de décider soit de lever les mesures décidées à Londres, soit d'en adopter de nouvelles. L'engagement d'un dialogue politique substantiel et sans condition avec la participation d'une tierce partie sera déterminant. Il est malheureusement à craindre que la proposition de M. Milosevic d'organiser un référendum en Serbie sur la participation de représentants étrangers au règlement de la question du Kossovo ne facilite pas l'ouverture d'un tel dialogue. Comme Klaus Kinkel et moi-même l'avions déjà dit dans notre lettre du 19 novembre dernier à M. Milosevic, nous refusons aussi bien l'indépendance que le statu quo au Kossovo. Le Kossovo doit bénéficier d'une autonomie substantielle au sein des frontières internationalement reconnues. Seul le dialogue et la négociation entre les parties permettront d'aboutir à une solution acceptable par tous.
COM 11 REP_PUB Ile-de-France O