FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1113  de  Mme   Benayoun-Nakache Yvette ( Socialiste - Haute-Garonne ) QOSD
Ministère interrogé :  défense
Ministère attributaire :  défense
Question publiée au JO le :  22/05/2000  page :  3031
Réponse publiée au JO le :  24/05/2000  page :  4478
Rubrique :  défense
Tête d'analyse :  GIAT-Industries
Analyse :  rachat du capital de Cime Bocuze. perspectives
Texte de la QUESTION : Mme Yvette Benayoun-Nakache attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la situation de GIAT-Industries, qui, courant 1999, s'est séparé de sa filiale Cime Bocuze par la cession de 66 % de son capital à l'autrichien Plansee. Préalablement à cette cession, le PDG de GIAT-Industries a annoncé à son conseil d'administration lors de la séance du 18 mars 1999 que GIAT garderait « une minorité de blocage et la possibilité de racheter ses parts ». Pour mémoire, Cime Bocuze, filiale installée en Haute-Savoie, était la seule entreprise française maîtrisant le processus de métallurgie des poudres de tungstène par frittage, dont les barreaux pour la fabrication des obus flèches utilisés par le char Leclerc vendu à l'exportation. La cession de cette filiale entraîne trois conséquence majeures : la France perd définitivement sa compétence dans ce type de fabrication d'armement ; GIAT-Industries, sous tutelle du ministère de la défense, offre à l'extrême droite autrichienne une technologie d'armement hautement sophistiquée ; enfin, cette situation empêche toute possibilité de remplacer, par une entreprise française, les obus flèches en uranium appauvri dont est dotée la France. L'utilisation de telles armes à base d'uranium appauvri lors des derniers conflits (guerre du Golfe, et Kosovo) a grandement été décriée dans le monde, eu égard aux conséquences pour les populations et l'environnement. Devant ces conséquences graves pour notre indépendance en matière de fabrication d'armement, pour la démocratie en Europe et pour la sécurité des populations, elle lui demande s'il compte intervenir pour éliminer les stocks de munitions à base d'uranium appauvri et pour que GIAT-Industries use de sa minorité de blocage et puisse racheter ses parts.
Texte de la REPONSE : Mme la présidente. Mme Yvette Benayoun-Nakache a présenté une question, n° 1113, ainsi rédigée:
«Mme Yvette Benayoun-Nakache attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la situation de GIAT Industries, qui, courant 1999, s'est séparé de sa filiale Cime Bocuze par la cession de 66 % de son capital à l'autrichien Plansee. Préalablement à cette cession, le P-DG de GIAT Industries a annoncé à son conseil d'administration lors de la séance du 18 mars 1999 que GIAT garderait «une minorité de blocage et la possibilité de racheter ses parts». Pour mémoire, Cime Bocuze, filiale installée en Haute-Savoie, était la seule entreprise française maîtrisant le processus de métallurgie des poudres de tungstène par frittage, dont les barreaux pour la fabrication des obus flèches utilisés par le char Leclerc vendu à l'exportation. La cession de cette filiale entraîne trois conséquences majeures: la France perd définitivement sa compétence dans ce type de fabrication d'armement; GIAT Industries, sous tutelle du ministère de la défense, offre à l'extrême droite autrichienne une technologie d'armement hautement sophistiquée; enfin, cette situation empêche toute possibilité de remplacer, par une entreprise française, les obus flèches en uranium appauvri dont est dotée la France. L'utilisation de telles armes à base d'uranium appauvri lors des derniers conflits (guerre du Golfe et Kosovo) a grandement été décriée dans le monde, eu égard aux conséquences pour les populations et l'environnement. Devant ces conséquences graves pour notre indépendance en matière de fabrication d'armement, pour la démocratie en Europe et pour la sécurité des populations, elle lui demande s'il compte intervenir pour éliminer les stocks de munitions à base d'uranium appauvri et pour que GIAT Industries use de sa minorité de blocage et puisse racheter ses parts.»
La parole est à Mme Hélène Mignon, suppléant Mme Yvette Benayoun-Nakache, pour exposer cette question.
Mme Hélène Mignon. Madame la présidente, retenue par un deuil dans sa famille, Mme Yvette Benayoun-Nakache m'a chargée de poser sa question à sa place. Et comme le problème GIAT Industries nous intéresse tous, en particulier les élus de Toulouse, c'est bien volontiers que je m'acquitterai de la tâche qui m'a été confiée.
Dans le courant du mois de juin 1999, GIAT Industries s'est séparé de sa filiale Cime Bocuze par la cession de 66 % de son capital à l'autrichien Plansee. Préalablement à cette cession, le 18 mars 1999, le P-DG de GIAT Industries avait annoncé à son conseil d'administration que GIAT garderait «une minorité de blocage et la possibilité de racheter ses parts».
Rappelons pour mémoire que Cime Bocuse, filiale installée en Haute-Savoie, était la seule entreprise française maîtrisant le processus de métallurgie des poudres de tungstène par frittage - dont les barreaux pour la fabrication des obus flèches utilisés par le char Leclerc vendu à l'exportation.
La cession de cette filiale a trois conséquences majeures: d'abord, la France perd définitivement sa compétence dans ce type de fabrication d'armement; ensuite, cette situation empêche toute possibilité de remplacer par une entreprise française les obus flèches en uranium appauvri dont est dotée la France; enfin, GIAT Industries, sous tutelle du ministre de la défense, offre au gouvernement actuel d'extrême droite autrichienne une technologie d'armement hautement sophistiquée.
L'utilisation de telles armes à base d'uranium appauvri, lors des derniers conflits - guerre du Golfe et Kosovo - a grandement été décriée dans le monde, eu égard aux conséquences pour les populations et l'environnement.
Face à ces conséquences graves pour notre indépendance en matière de fabrication d'armement, pour la démocratie en Europe et pour la sécurité des populations, M. le ministre de la défense compte-t-il intervenir pour éliminer les stocks de munitions à base d'uranium appauvri et pour que GIAT Industries use de sa minorité de blocage afin de racheter ses parts ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Madame la députée, je vous prie d'excuser l'absence de M. Alain Richard, qui me vaut le plaisir de vous répondre sur ce sujet très technique. M. Richard s'est rendu avec le Président de la République et le Premier ministre au sommet franco-espagnol, à Madrid.
GIAT Industries a cédé l'an dernier 66 % du capital de la société Cime Bocuze à l'entreprise autrichienne Plansee. Cette opération s'est inscrite dans le cadre de l'application du plan stratégique, économique et social de GIAT Industries pour la période 1999-2002.
L'activité de composants pour munitions de Cime Bocuze ne relevait pas, en effet, du coeur du métier de GIAT Industries qui est la maîtrise des systèmes d'armement terrestre et de leurs munitions. Son développement devait donc passer par la mise en oeuvre d'une stratégie propre, différenciée par rapport à celle du groupe et susceptible de faire appel à des partenariats.
Dans le cas de Cime Bocuze, la nécessité d'un partenariat s'est d'autant plus imposée que GIAT Industries n'était plus en mesure d'assurer à sa filiale un volant suffisant d'activités en matière de composants pour munitions pour pouvoir en équilibrer l'exploitation. Il était par conséquent dans l'intérêt tant de GIAT Industries de façon à conserver une source d'approvisionnement notamment pour de futures commandes à l'exportation, que de Cime Bocuze elle-même, qui était menacée pour le moins d'une sévère restructuration, de pouvoir l'adosser à un industriel capable d'assurer sa pérennité.
La société Plansee, qui est une société à capitaux privés et qui dispose d'implantations industrielles dans plusieurs pays européens, est l'un des grands industriels du domaine des métaux réfractaires à hautes performances et de la métallurgie des poudres métalliques. Elle a manifesté son intérêt pour Cime Bocuze à la fin de 1998 et est apparue comme le seul industriel capable de renforcer le chiffre d'affaires civil de l'entreprise française et de lui permettre de poursuivre son activité dans les meilleures conditions.
Compte tenu de la minorité de blocage dont dispose GIAT Industries, des garanties - formalisées dans un pacte d'actionnaires - ont été demandées et des engagements réciproques ont été souscrits par Plansee et par GIAT Industries, notamment en matière de maintien de l'activité sur le site de Saint-Pierre-en-Faucigny et de recherche et développement dans le domaine des métaux lourds pour composants de munitions. Des dispositions ont donc été prises pour que les intérêts stratégiques de GIAT Industries ainsi que ceux de l'Etat soient sauvegardés dans cette opération.
Au total, une compétence dans ce type de fabrication a pu être maintenue en France. Les services du ministère de la défense restent vigilants sur le suivi de cette activité. Mais tant que ne surgit aucune des circonstances qui autoriseraient GIAT Industries à exercer ses droits sur les titres détenus par Plansee - en particulier pour tout projet de revente de sa participation à un tiers ou de cession, fermeture ou transfert de tout ou partie de l'activité «composants pour munitions» -, il ne peut être envisagé de modifier la répartition du capital de Cime Bocuze entre ses deux actionnaires.
Enfin, s'agissant des munitions flèches à base d'uranium appauvri dont la France s'est dotée en raison de leurs performances supérieures contre les blindages, à l'instar de nombreux autres Etats ayant des capacités terrestres significatives, le changement du contrôle de Cime Bocuze intervenu dans les conditions que je viens de décrire, n'a aucune conséquence sur les choix de défense de la France en la matière.
Vous avez évoqué par ailleurs, madame la députée, les possibles dangers que représenterait, néanmoins, l'utilisation de l'uranium appauvri. Je vous rappelle que son niveau de radioactivité, très faible, est comparable à celui de certains granits que l'on trouve en France à l'état naturel. Quant à sa toxicité chimique, elle n'est pas supérieure à celle des métaux lourds employés pour fabriquer les autres munitions.
Si l'on considère maintenant l'emploi de ces munitions sur un théâtre d'opérations, on ne peut que constater qu'aucune des études dont nous disposons n'a mis en évidence de risques chimiques ou radiologiques pour les populations avoisinantes.
Je puis vous assurer que le ministère de la défense reste vigilant sur ce thème. Le ministre a demandé que les études soient poursuivies et je tiens naturellement, au nom du Gouvernement, à la disposition de la représentation nationale les données médicales et environnementales dont nous disposons.
SOC 11 REP_PUB Midi-Pyrénées O